République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1249-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier la pétition pour la sauvegarde des emplois chez British American Tobacco
Rapport de M. Alain Charbonnier (S)

Débat

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur. Malheureusement, ce rapport est tout récent alors que le sujet de cette pétition date de 1999... Il s'agit de l'entreprise BAT - British American Tobacco - qui a délocalisé son usine de production de Genève au Jura, à Boncourt. Evidemment que la commission a voté à l'unanimité le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, mais ce n'est plus vraiment d'actualité, cinq ou six ans après la délocalisation de cette entreprise. Et j'ai tout de même dû faire un rapport en fonction du vote de la commission, à l'époque.

M. Jean-Michel Gros (L). M. Charbonnier n'a pas osé faire la proposition qui s'impose... Il est évident, étant donné que British American Tobacco n'est plus à Genève et que la pétition réclame son maintien à Genève, qu'il convient de classer cette pétition !

Je fais donc formellement une proposition de classement.

Mme Loly Bolay (S). Il est vrai que cette pétition n'a plus sa raison d'être. Toutefois, elle avait, à l'époque, soulevé une problématique... (L'oratrice est interpellée.)Oui, mais il faut en parler, Monsieur Gros ! En effet, lorsque Mme Calmy-Rey était ministre des finances, elle avait conclu un accord avec d'autres cantons pour éviter qu'ils se fassent une concurrence déloyale... Il paraît évident aujourd'hui qu'on ne peut plus penser en termes de cantons, mais en termes de régions ! S'il faut penser en termes de région avec la France, à l'heure de l'ouverture des bilatérales, il faut aussi le faire avec les cantons voisins et cesser les querelles de clochers ! Nous devons avoir une vision plus large, notamment en matière de promotion économique.

A ce propos, c'est bien joli de faire venir des entreprises et de créer des emplois, mais il ne faut pas oublier ce que cela implique. Il faut donc, auparavant, s'inquiéter des conséquences pour le canton en termes de développement durable.

Voilà ce que je voulais dire, Madame la présidente, au sujet de cette pétition. Je vous remercie.

M. Gilbert Catelain (UDC). Cette pétition est sans doute devenue sans objet, et il faut probablement la déposer sur le bureau du Grand Conseil. Néanmoins, la problématique soulevée par cette pétition reste tout à fait d'actualité, surtout dans le cadre du prochain débat budgétaire. En effet, il s'agit d'une entreprise qui a décidé de déplacer ses activités, notamment pour des raisons fiscales. Et, contrairement à ce que dit parfois le département de l'économie, la fiscalité des entreprises n'est pas seulement un argument pour favoriser l'implantation de nouvelles entreprises, mais aussi pour retenir les entreprises qui sont encore en activité dans ce canton. Et nous avons tout intérêt à réfléchir aux conséquences des décisions que nous prenons dans cette enceinte. Je pense notamment à des projets de l'Alliance de gauche qui visent à augmenter la taxation des bénéfices des entreprises, puisque dans le cas présent une telle taxation pourrait se révéler contre-productive, surtout pour les salariés desdites entreprises.

Pour répondre à l'intervention du parti socialiste dans ce domaine, je rappelle que récemment Bruxelles a fait part à la Confédération de son étonnement sur les différences de fiscalité qui existent entre cantons. Bruxelles ne comprend pas que des citoyens européens soient fiscalisés différemment selon qu'ils sont domiciliés dans un canton ou dans un autre. Nous aurons l'occasion, puisque Bruxelles aime bien s'ingérer dans les affaires intérieures suisses, d'en discuter à nouveau dans le cadre d'un prochain débat. C'est toute la fiscalité des cantons romands qui risque d'être remise sur le tapis, sur proposition de Bruxelles, et pas seulement la fiscalité des entreprises ! Et, à ce moment-là, nous pourrons réellement nous faire du souci, surtout à Genève où les taux d'imposition sont parmi les plus élevés de Suisse !

M. Pierre Weiss (L). Je serai très bref. Au fond, pour répondre concrètement à l'invite des pétitionnaires qui nous demandent de tout mettre en oeuvre pour sauvegarder les emplois, il conviendrait de réformer un certain nombre de dispositions fiscales, notamment celles qui pénalisent nettement les entreprises, à savoir cette désuète taxe professionnelle ! (Exclamations.)Je vous remercie, Madame la présidente.

M. Rémy Pagani (AdG). Juste un mot... (Rires et remarques.)Je trouve étonnant que l'on puisse dire que la taxation des entreprises est néfaste à l'emploi, alors que tout le monde sait que ce qui détruit l'emploi, aujourd'hui encore plus qu'hier, c'est la recherche du profit à tous crins. D'ailleurs, l'exemple de Hewlett-Packard le montre, qui vient de licencier mille six cents personnes juste à côté de chez nous, à Grenoble, et qui va aussi licencier trente à cinquante personnes à Genève - on ne sait pas encore le chiffre exact. Il me semblerait utile de mener une réflexion, comme on le fait en commission de l'économie, dans le but de rapatrier un ou quelques pourcents - pas des mille et des cents - des profits gigantesques sur le travail. Contrairement à ce que nous dit M. Weiss, la question qui se pose aujourd'hui pour nos sociétés, c'est la régulation de l'économie, notamment le rapatriement d'une série de capitaux qui partent dans la bourse, qui finissent dans des bulles spéculatives qui éclatent tous les dix ans en anéantissant les effort de la collectivité. Il faut, au contraire, chercher et trouver des moyens pour réinvestir toute la richesse de nos sociétés dans le travail plutôt que dans le capital.

M. Pierre Kunz (R). Mesdames et Messieurs les députés, savez-vous pourquoi M. Pagani a fait cette intervention ? Tout simplement parce qu'il ne sait pas que si Hewlett-Packard cherche à augmenter ses marges, c'est pour répondre aux exigences des caisses de pension, notamment - probablement - de la caisse de pension des fonctionnaires du canton de Genève !

La présidente. Je vous propose de clore la liste des orateurs. Sont encore inscrits: M. Robert Iselin, M. Claude Aubert et M. Rémy Pagani. Ensuite, nous passerons au vote.

M. Robert Iselin (UDC). Je voudrais simplement répondre à M. Pagani en disant ceci. Je trouve insensé qu'on veuille imposer à des entreprises du domaine privé de garder des employés qui ne servent à rien, uniquement pour que l'Etat puisse se tirer d'affaire !

M. Claude Aubert (L). Ma question a trait à la cohérence... A une époque où, de toute part, on attaque et on proscrit le tabac dans tous les édifices privés ou publics, je ne comprends pas qu'on n'interdise pas ou qu'on ne réduise pas la production de tabac au lieu de l'autoriser, voire de la stimuler. Puisque nous déployons tous nos efforts pour attirer les grandes compagnies de tabac, cela signifie-t-il qu'on autorise les employés de ces grandes entreprises à fumer indoorsou outdors ? En d'autres termes, la cohérence de la réflexion sur le tabac me semble mise à mal... La cohérence devrait en effet nous conduire à aller jusqu'au bout du raisonnement et souhaiter la fermeture des entreprises du tabac. Je fais cette remarque pour ceux qui fustigent le tabac... D'autres pensent qu'il y a liberté individuelle en la matière.

M. Rémy Pagani (AdG). Je veux bien, Monsieur Kunz, que vous nous disiez - comme toujours - que tout est la faute des travailleurs qui ont investi dans les caisses de pension... D'abord - et vous le savez très bien - ces travailleurs n'ont pas investi dans leur caisse de pension: on les a obligés à le faire en 1985 ! C'est une épargne forcée: tout le monde le sait !

Et puis, il faut relativiser l'importance de votre argument: globalement, en Suisse - et dans le monde, du reste - le pourcentage des investissements des caisses de pension va de 7% - vous m'entendez bien: 7% ! - à un petit 15% ! Alors, vous ne pouvez pas dire que c'est leur faute ! C'est un prétexte pour cacher la masse de milliards qui circulent dans ce monde et qui sont uniquement entre les mains de spéculateurs qui veulent faire de l'argent sur de l'argent ! Et, Monsieur Aubert, tout cela sans créer ce qui est nécessaire et utile à la collectivité ! C'est en effet là que nous divergeons ! Nous ne sommes pas favorables à la construction de bombes atomiques ou de centrales nucléaires sous prétexte que cela génère des emplois. Je pense à une pub qui indiquait que les centrales nucléaires créaient des emplois... On a pu voir les conséquences de Tchernobyl ! Nous sommes pour des emplois d'utilité publique, qui soient écologiquement viables et durables. Ces emplois, Monsieur Aubert, ne doivent pas forcément se trouver dans l'industrie du tabac, étant donné les conséquences du tabac pour chacun de nous, à long terme.

La présidente. Merci, Monsieur Pagani. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons passer au vote sur les conclusions de la commission, soit le renvoi au Conseil d'Etat, mais je vais vous prier aussi de vous prononcer sur le classement de cette pétition, puisque nous avons été saisis d'une telle demande.

Alors, ceux qui acceptent le renvoi au Conseil d'Etat voudront bien voter oui, et ceux qui sont favorables au classement voteront non.

Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'économie (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées par 23 oui contre 20 non. (Exclamations à l'annonce du résultat.)

La présidente. J'ai pourtant formulé clairement la proposition de vote... La proposition de classement a recueilli moins de voix que le renvoi au Conseil d'Etat. Cette pétition est donc renvoyée au Conseil d'Etat.