République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 562
Hommage à M. ANNEN Bernard, député démissionnaire

La présidente. Nous avons reçu de notre collègue, M. Bernard Annen, sa lettre de démission de son mandat de député qui prendra effet à l'issue de cette séance de 17h.

Je prie Mme Caroline Bartl, deuxième vice-présidente, de bien vouloir lire ce courrier. (Longs applaudissements à la fin de cette lecture.)

Courrier 1939

La présidente. Il est pris acte de cette démission. Avant de rendre hommage à M. Bernard Annen, je salue la présence à la tribune de deux anciens députés, MM. Hermann Jenni et Albert Rodrik.

(Applaudissements.)

M. Bernard Annen a siégé durant vingt ans dans notre parlement. Elu la première fois en 1985, réélu à chaque législature, il a donc accompli cinq mandats, et nous le félicitons pour cette longévité parlementaire.

M. Bernard Annen fut premier vice-président du Grand Conseil en 2001 et président en 2002. Il fut également président de la commission des travaux en 1991, commission dans laquelle il est à nouveau président actuellement. Il fut président de la commission de l'économie en 1992 et président de la commission des finances en 1998.

Je rappelle quelques événements qui ont marqué son année de présidence du Grand Conseil. Tout d'abord, en décembre 2001, il a présidé les cérémonies de prestation de serment à la cathédrale Saint-Pierre - celle du Conseil d'Etat nouvellement élu en novembre 2001, et celle des magistrats du pouvoir judiciaire en mai 2002.

Durant son année de présidence, M. Bernard Annen a tenu particulièrement à promouvoir l'autonomie du Grand Conseil en assurant notamment à notre institution la place qui lui est due dans les représentations protocolaires.

C'est sous sa présidence que fut inauguré le vote électronique dont nous profitons actuellement. Nous lui devons aussi un soutien renforcé aux commissions parlementaires, puisque, cette année-là, le parlement a enfin obtenu les premiers postes de secrétaires scientifiques.

Il faut également relever que M. Bernard Annen s'est particulièrement investi pour améliorer les conditions de travail du service du Grand Conseil, et le sautier, Mme Maria Anna Hutter, me prie ici de lui transmettre ses plus vifs remerciements pour son soutien.

Enfin, nous lui disons tous nos remerciements pour son investissement formidable dans les travaux parlementaires, grâce à une personnalité forte et à un caractère généreux et sensible avec de grandes qualités humaines.

Nous lui souhaitons de tout coeur que ses futures activités lui soient bénéfiques, et qu'il profite pleinement du temps qu'il passera désormais hors de cette enceinte.

Nous lui remettons le traditionnel stylo souvenir. (La présidente descend de l'estrade pour remettre le stylo souvenir à M. Annen et l'embrasse. Applaudissements.)

M. Mark Muller (L). Mesdames et Messieurs les députés, notre ami Bernard Annen nous a donné sa démission, et cela nous attriste tous. Bernard incarne dans ce Grand Conseil non seulement l'expérience du député, de l'ancien président qui a tout vu, tout entendu, mais il incarne aussi, et peut-être surtout, l'amitié qui, bien souvent, lie les députés entre eux au-delà des partis et des clivages politiques. Une amitié qu'il a su cultiver avec les députés de tous les groupes - et M. Brunier le confirmera tout à l'heure - sur fond de respect mutuel et d'humour, un humour dont j'aurai le plaisir de vous donner un échantillon dans un petit instant.

Lorsqu'un député donne sa démission, c'est toujours un moment difficile: on perd un membre de sa famille politique, c'est un pan de la mémoire du groupe qui s'en va. On a coutume de dire dans les entreprises que le plus important, c'est le capital humain, ce sont les collaborateurs. Et ce n'est pas Bernard, chef d'entreprise, très actif dans les associations patronales du bâtiment, qui me contredira. Dans les partis politiques, qui ont pour vocation de défendre des idées, ce principe est encore plus vrai.

Après vingt ans de députation, le départ de Bernard est ainsi une grande perte pour le groupe libéral, où son expérience a fait merveille à de nombreuses reprises. Que ce soit pour trouver une issue à une situation inextricable, pour concilier des positions divergentes ou pour calmer les ardeurs de tel ou tel jeune député inexpérimenté. J'en sais quelque chose !

Mais il faut aussi dire que Bernard, qui n'a pas la langue dans sa poche et qui a son franc-parler, a toujours su défendre ses points de vue avec vigueur et détermination.

En vingt ans de carrière, Bernard a siégé dans de nombreuses commissions et, bien sûr - Mme la présidente l'a rappelé - en a présidé plusieurs, en particulier la commission des finances, prestigieuse commission s'il en est, au sein de laquelle il a longtemps oeuvré et où il a défendu avec conviction les credo libéraux de rigueur budgétaire que vous connaissez tous.

Cette carrière a culminé en 2001 par son élection à la présidence de notre Grand Conseil, présidence dont on se souvient tous encore et marquée notamment par un vibrant discours de Saint-Pierre.

J'aimerais terminer en évoquant le courage dont Bernard fait preuve actuellement. Il nous le dit sans détour dans sa lettre - et c'est inhabituel - c'est en raison du cancer qui le frappe douloureusement pour la seconde fois que Bernard a pris sa décision. C'est également, je crois pouvoir le dire, avec beaucoup de courage et de lucidité que Bernard affronte aujourd'hui sa maladie, non seulement en poursuivant ses activités professionnelles, mais également en continuant à participer aux travaux de préparation de la revue, que nous attendons tous avec impatience et qui se tiendra le mois prochain.

Pour décrire Bernard, on peut dire qu'il est un député sérieux qui ne se prend pas au sérieux. Ce courage et cet humour, Bernard nous les a montrés dans les voeux qu'il adressés à tous les députés en fin d'année. Je pense que vous vous en souvenez encore tous: il nous a tous fait beaucoup rire et il nous a rassurés surtout sur son excellent moral en nous disant qu'au moins sa chimiothérapie ne lui ferait pas perdre un cheveu...

Bernard, tu quittes ce soir le Grand Conseil après vingt ans d'un engagement important, mais tu conserves tes amis députés. Au nom de tous les députés, libéraux ou non, je te remercie pour ce que tu nous as apporté et te souhaite bon vent pour la suite de ta carrière, et encore beaucoup de courage dans ta lutte contre cette «saloperie de maladie». (Applaudissements.)

M. Christian Brunier (S). L'usage qu'un adversaire politique s'exprime lors du départ d'un député n'est pas si fréquent, mais, heureusement, et Mark Muller vient de le dire, au-delà des clivages politiques, au-delà de nos débats idéologiques, il y a des êtres humains et il y a des liens d'amitié.

Bernard est un redoutable adversaire, parfois teigneux, toujours passionné. Il le dit lui-même, il l'a dit d'ailleurs aux participants de la revue. Il ne fait jamais les choses à moitié. Mais derrière les coups de gueule, les affrontements d'idées, il y a un grand coeur, il est toujours soucieux des autres. Animateur des débats, tant dans l'arène politique qu'à la buvette, Bernard est un amoureux du rire. Son fils m'a dit tout à l'heure qu'il avait tous les dictionnaires de gags dans sa bibliothèque. (Rires.)

Véritable mitraillette à blagues, il aligne les histoires drôles, voire parfois salaces, il faut bien le reconnaître, aussi vite que les caisses de l'Etat se vident. «Machiste», disent certaines... Oui, parfois dans ses blagues, mais jamais dans sa vie. Les femmes qui le connaissent bien le confirmeront sans hésitation. Je me souviens d'ailleurs qu'il n'avait pas hésité à inviter deux députées pour s'excuser de les avoir, verbalement, traitées de façon un peu légère: encore un bon moyen pour manger avec de charmantes, jolies et intelligentes femmes, comme il a l'habitude de le faire... (Rires. Commentaires.)Je donnerai les noms après !

Libéral assez dur tout de même - on l'a vu dans différents débats - il a pourtant été élu brillamment, grâce à un large soutien de la gauche, à la présidence de ce Grand Conseil, avec une majorité bien différente de celle que l'on connaît aujourd'hui. Peut-être parce qu'il est un libéral venant d'un milieu populaire, ce qui n'est pas toujours le cas, et sachant ce que veut dire une fin de mois difficile.

Au perchoir de ce Grand Conseil, Bernard a, bien sûr, géré cette assemblée parfois agitée et il nous a offert une sortie à Saanen, qui est devenue quasiment mythique - d'où des histoires ont agité ce parlement ensuite - et durant laquelle on a vraiment passé un moment de rare convivialité. Là encore, il a été de ceux qui ont rassemblé les êtres humains dans la convivialité, effaçant au moins durant un week-end, nos luttes politiques, malgré un sabotage de certaines trottinettes de l'opposition. (Rires.)

Bernard a aussi été, durant ses années de vie parlementaires, mon camarade, pas de parti, mais de plusieurs petits déjeuners que nous avons partagés à Radio Lac, puisque à l'époque Irma Danon et Philippe Robin essayaient de concilier les différents courants politiques de ce parlement en nous invitant autour d'un croissant et d'un café.

Totalement charmé par Irma Danon - on peut le comprendre - Bernard s'était laissé aller à certaines confidences, essentielles pour la politique de notre canton. Je vous en cite deux: «Je suis trop vieux pour faire des enfants.» Quel menteur, je lui présenterai un gynécologue italien ! (Rires.)Et puis, une deuxième citation de Bernard à la Radio qu'il avait déjà faite au «Matin»: «Oui, je suis fidèle», et il rajoutait: «Du moins en amitié !» Prudent, il avait accompagné son message d'un gros bisou à sa femme qui l'écoutait sur les ondes. Comme quoi, quand on est un plaisantin, on peut s'attirer quelques histoires !

Bavard invétéré, Bernard a tout de même osé présenter un projet de loi pour restreindre - il l'a mentionné dans sa lettre de démission - le temps de parole dans ce parlement: c'est un peu comme si le Touring Club présentait un projet de loi pour interdire aux voitures de rouler ! (Rires.)

En plus d'être un député actif depuis près de vingt ans dans ce parlement, Bernard a été aussi un président de club de football. Il fut l'homme qui a propulsé le CF Chênois en ligue nationale. Bernard, si tu as un petit peu de temps, il me semble qu'un certain club pourrait être intéressé par quelqu'un qui se passionne davantage pour le football que pour le business !

Homme politique, dirigeant patronal suroccupé, président de club de football, cycliste, mari, père, grand-père modèle - il a plusieurs petits-enfants - bon vivant, malgré toutes ses activités, très diverses et variées, Bernard a encore trouvé le temps d'assumer une importante fonction; je veux parler, bien sûr, de la vice-présidence du célèbre «Club de la bière blanche», qu'il n'a d'ailleurs pas hésité à citer - il faut quand même le préciser - lors d'un discours très officiel quand il était président du Grand Conseil. Il souhaitait la bienvenue au Premier ministre du Kirghizstan et aux ministres de l'énergie de plusieurs républiques asiatiques de l'ex-Union soviétique qui connaissaient bien la vodka, un peu moins bien la bière blanche, et se demandaient ce que faisait ce club dans un discours très officiel.

Bernard a aussi des talents de comédien... Alors, toutes et tous sortez vos agendas, car vous, qui êtes des spécialistes du théâtre, des amoureux du spectacle, vous pourrez acclamer votre Bernard préféré au théâtre Pitoëff les 24, 25, 26 et 27 février prochain, dans la grande revue des députés où il jouera le rôle de quelques-uns d'entre vous !

Finalement, Bernard est un grand monsieur qui a montré que, sans renier ses idéaux, on peut tisser des liens de forte amitié avec ses adversaires et, aussi, ses amis politiques. Savoir s'apprécier, savoir se respecter: je crois que Bernard nous a montré le chemin. C'est peut-être un moyen pour mieux gérer ce canton.

Bernard, n'oublie pas que tu as une mission importante vis-à-vis de nous, et que tu es forcé de la remplir ! Celle de venir nous voir régulièrement, ici, à la buvette, et au Club de la bière blanche. Et puis, au passage, je fais un gros bisou à ton épouse Françoise - qui t'a toujours soutenu dans ta carrière politique et qui te soutient encore beaucoup - et à ta famille. J'ai vu ton fils à la tribune; peut-être y a-t-il d'autres membres de ta famille. Et puis, comme dans la série TV: Merci Bernard ! (Longs applaudissements. M. Annen va vers M. Brunier et lui donne l'accolade.)

M. Gabriel Barrillier (R). Je n'avais pas l'intention d'intervenir ce soir, normalement c'est le chef de groupe qui le fait. Plus brièvement que notre collègue Brunier, j'aimerais vous dire que si plusieurs d'entre nous sont ici, c'est un peu grâce ou à cause - je dirais «à cause» - de Bernard Annen, puisque, lorsqu'il est entré au Grand Conseil, sauf erreur dans les années 80, c'était un «spécimen» un peu rare. Je me souviens qu'il était le premier - ou en tout cas l'un des premiers - permanent d'associations patronales ou le premier secrétaire patronal entré en politique. Et je dois vous dire qu'à l'époque cette orientation n'était pas du tout acceptée ou avait été difficile à accepter par le monde patronal. D'ailleurs, votre serviteur a résisté pendant près de vingt ans avant de se lancer dans l'arène ! Et j'en vois d'autres parmi nos collègues qui ont également fait le saut.

Alors, je ne sais pas s'il faut l'en remercier ou m'en plaindre, mais, en tout cas, j'aimerais vous dire que pendant ces vingt ans il a su très rapidement trouver un bon mélange entre la défense d'intérêts, plus particuliers, et celle des intérêts généraux de la République. En d'autres termes, je n'ai jamais vu notre collègue Annen faire de la politique dans ses associations ou - très rarement - mêler associations et politique. Au contraire, il a su apporter, me semble-t-il - ayant suivi d'assez près son cheminement politique - ce «zeste de social» et sa vision du partenariat social, ce qui est toujours son pain quotidien, tant dans les différents débats que dans le dépôt de certains projets de lois. Et le parti radical, comme vous le savez, qui est proche, quand même, du peuple... (Remarques et rires.)... remercie Bernard Annen d'avoir apporté un petit peu de sang social au parti libéral, qui, sinon, aurait peut-être connu des dérives qui ne sont pas tout à fait favorables à la société.

A titre personnel - parce que tu es aussi, Bernard, de la classe 45 - il y en a de plus jeunes dans cette enceinte ! - tu as mené le même combat que moi: nous avons été de toutes les luttes artisanales - et au nom du parti radical, j'aimerais te remercier de cet exemple et de ce combat ! (Applaudissements.)

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs, moi non plus je n'avais pas l'intention de prendre la parole ce soir, à l'occasion du départ de notre ami Bernard Annen, je ne savais pas que mon chef de groupe serait absent. Cependant, c'est bien volontiers que je le fais pour exprimer les regrets du groupe démocrate-chrétien de voir notre ami Bernard nous quitter et, surtout, en ces circonstances.

Je ne vais pas revenir sur toutes ses qualités, elles ont été longuement exprimées par les préopinants. Cependant, je désire revenir sur un point spécifique, d'ailleurs brièvement évoqué par notre collègue Brunier: la fameuse revue qui va se jouer dans un mois. Vous le savez, les moteurs de cet exercice se nomment Loly Bolay, évidemment, mais, également, Bernard. Et pourquoi est-ce que je reviens sur ce point ? Parce qu'à cette occasion Bernard met en pratique, une dernière fois pour ce parlement, ce souci, qui a été très bien exprimé par M. Muller, de chercher en chacune et chacun d'entre nous des qualités humaines - j'espère que vous m'en reconnaissez également ! - que toutes et tous nous possédons au-delà de nos appartenances.

Bernard, un grand merci pour ce moment de rire et de rare convivialité ! Principalement pour les participants, mais également pour vous qui viendrez partager cette convivialité que sera la revue des députés ! Quand je dis «principalement pour les participants» - j'en fais partie, et c'est pour moi un grand bonheur - c'est parce que le mois prochain, lors des soirées qui s'annoncent formidables, nous aurons presque quotidiennement l'occasion de fréquenter Bernard et de partager avec lui ce moment d'humour. Pour tout cela, Bernard, le groupe démocrate-chrétien te remercie ! (Applaudissements.)

M. Robert Iselin (UDC). Quand nous avons débarqué au Grand Conseil, l'accueil était un peu froid ! Et l'une des toutes premières rencontres fut avec Bernard Annen. C'était aussi assez froid, mais, dès la seconde moitié de l'entretien, cela s'est bien amélioré. Et, depuis lors, nous avons apprécié - je me bornerai à cela - la grande humanité dont il a fait preuve et l'amitié qu'il nous a donnée, en dépit du fait que nous sommes un peu différents.

L'annonce de l'épreuve par laquelle tu passes, Bernard, nous a franchement fait de la peine, et je voudrais que tu saches que nous espérons tous que, grâce à ta volonté et à ton goût du combat, tu vas t'en sortir, une fois de plus. Nous te soutiendrons, en pensée, sans discontinuer. (Applaudissements.)

M. Bernard Annen (L). Mesdames et Messieurs les députés, trop, c'est trop... Je serais extrêmement bref pour simplement vous dire merci. Une seule information n'a pas été donnée ce soir: dans quelques jours, je fêterai mes soixante ans; cela me fera donc un grand plaisir d'offrir le verre de l'amitié à toutes celles et ceux qui passeront à la buvette jusqu'à 19h. (Vifs applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le député ! Je pense que la soirée sera... «chaude».