République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot, Robert Cramer, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Esther Alder, Bernard Annen, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Anita Cuénod, Antoine Droin, Jacques François, Michel Halpérin, René Koechlin, Alain-Dominique Mauris, Jacques Pagan, André Reymond, Jean Rémy Roulet et Pierre Schifferli, députés.

Annonces et dépôts

La présidente. Vous avez trouvé sur vos places la question écrite suivante:

Question écrite de M. Roger Deneys : Performance de l'ASPIC sur l'avenue Henri-Dunant à Plainpalais : la police a-t-elle déraillé ou perdu les pédales ? ( Q-3592)

Cette question écrite est renvoyée au Conseil d'Etat.

E 1306-A
Prestation de serment de M. MAURON Pierre-Yves, élu Substitut du Procureur (Entrée en fonction : 1er janvier 2005)

La présidente. M. Pierre-Yves Mauron est assermenté. (Applaudissements.)

Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour.

PL 9388-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat établissant le budget administratif de l'Etat de Genève pour l'exercice 2005 (D 3 70)
Rapport de majorité de M. Bernard Lescaze (R)
Rapport de première minorité de Mme Morgane Gauthier (Ve)
Rapport de deuxième minorité de M. Alberto Velasco (S)
Rapport de troisième minorité de M. Souhail Mouhanna (AdG)

Premier débat

M. Bernard Lescaze (R), rapporteur de majorité. Je ne voudrais pas résumer l'entier du rapport de majorité - qui est long et que vous avez reçu à temps sur vos tables - cependant, je pense qu'il est important de dire, au moment où nous entamons ce débat sur le budget, qu'à ce stade ce dernier n'est satisfaisant pour personne et que c'est peut-être une des raisons pour lesquelles il n'est pas forcément aussi mauvais que ne le disent mes contradicteurs.

Certes, il a fallu beaucoup de tours et de détours, d'impasses et de tours de passe-passe, pour y parvenir. On peut d'ailleurs regretter que le Conseil d'Etat, qui s'est présenté uni, et nous l'a confirmé à plusieurs reprises, non seulement à l'égard du budget mais aussi des lois qui l'accompagnent, n'ait pas su se montrer persuasif au point de faire passer ses idées qui auraient dû s'appuyer sur une majorité gouvernementale.

Il faut bien reconnaître - et je vais le dire d'emblée - que si la troisième République a inventé le soutien sans participation, un certain nombre de socialistes et de Verts ont inventé, à Genève, la participation sans soutien. C'est regrettable car si les quatre partis gouvernementaux avaient accepté le budget du Conseil d'Etat, nous n'en serions peut-être pas là. Le parlement est toutefois souverain. Que dire encore si ce n'est que la majorité parlementaire, qui n'équivaut peut-être pas exactement à la majorité du Conseil d'Etat, je le répète, avait quand même un but pour servir cette République: obtenir un budget.

Bien évidemment, ce budget mécontente les uns, satisfait à peine les autres. Il faut tout de même souligner que, contrairement à ce qui est dit, ce budget a voulu respecter un certain nombre de prestations sociales. Lorsque l'on dit que l'on assiste à un démantèlement de l'Etat social, il est du devoir du rapporteur de majorité de fermement déclarer que cela est faux. En ce qui concerne, par exemple, les allocations pour le chômage, nous avons accepté d'inscrire les chiffres donnés par le Conseil d'Etat et nous avons également accepté de suivre les prescriptions fédérales. Nous savons aujourd'hui qu'un certain nombre de décisions, notamment en ce qui concerne les 520 jours d'indemnisation, ne sont pas encore fermement prises à Berne.

En ce qui concerne encore par exemple la question des emplois temporaires et plus précisément la question de la facturation de ces emplois temporaires à certaines entités - ceci est un autre sujet que l'on a pu voir critiqué - : l'argument, selon lequel il s'agissait de reconnaître, par la facturation également, la valeur du travail effectué, était parfaitement fondé.

Il me reste à parler d'un certain nombre de choses, avant d'en venir aux trois rapports de minorité car c'est là ce que vous attendez. Il me reste en effet à dire qu'aujourd'hui nous avons un budget qui devrait tenir le cap fixé par le Conseil d'Etat des 290 millions de francs de déficit - ce qui en soi est énorme même si cela est conforme au plan financier quadriennal -; que nous, majorité parlementaire, avons finalement accepté une grande partie des demandes du Conseil d'Etat. En effet, en ce qui concerne les prestations pour personnes âgées, nous n'avons pas accepté un report de 25% sur les communes, même si, il faut le souligner, dans la quasi-totalité des cantons suisses, à l'exception de Genève et de Neuchâtel, le pourcentage que les communes paient pour ces prestations s'étage entre 25 et 50%. On peut dire que, de ce point de vue, le Conseil d'Etat était resté en retrait, et la majorité parlementaire propose d'être en deçà de ce retrait avec seulement 12,5% de report sur les communes.

A ce stade, et comme on en parlera beaucoup, je tiens simplement à dire que l'affirmation selon laquelle les communes n'avaient pas été prévenues est fausse: j'en veux pour preuve le petit éditorial - j'en donnerai la lecture exacte au moment opportun - publié par le maire de Cologny, dans le journal «Le Colognote». (Rires.)Il y remercie son Conseil municipal d'avoir voté une résolution lui enjoignant de ne pas tenir compte, dans la préparation du budget communal, de cette proposition de l'Etat. Cela veut bien dire, si le Conseil municipal de cette commune a pu se prononcer, au début du mois de novembre, sur cette question, c'est qu'elle était connue. Nous laissons, pour la bonne bouche, les lettres de la Ville de Genève, nous y reviendrons, en temps opportun, au cours du débat, laissant les nains politiques à leur juste place. (Manifestation dans la salle. Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

En ce qui concerne... (L'orateur est interpellé.)Je suis, pour ma part, Mesdames et Messieurs les députés, très serein, et je vois que l'agitation est parmi ceux qui ont beaucoup bu à leur repas.

La présidente. Monsieur le député Lescaze, veuillez poursuivre sur un ton...

M. Bernard Lescaze. Je comprends bien que la pertinence de mes arguments agite un peu cette opposition... (Manifestation dans la salle.) ...mais, ma foi, je n'y peux rien. Nous reviendrons également, Madame la présidente, sur la coupe linéaire de 0,5%. Cela est tout à fait regrettable, mais cette coupe est exclusivement due au refus du Conseil d'Etat d'accepter lui-même certaines diminutions à son budget.

J'en viens maintenant très rapidement aux trois rapports de minorité. Non pas qu'ils ne méritent pas plus d'attention mais parce que le temps nous est compté. Je dois dire que c'est avec beaucoup d'ironie que j'ai lu le rapport de la première minorité, celui de Mme Morgane Gauthier, notamment lorsqu'elle regrette qu'il ne soit plus question, à la quatrième ligne de son rapport, d'une «politique budgétaire négociée entre partis gouvernementaux». Mais la politique budgétaire négociée entre partis gouvernementaux, c'est le budget que vous avait présenté le Conseil d'Etat. J'ose à peine imaginer que le Conseil d'Etat ne négocie pas avec les partis gouvernementaux. Or c'est précisément ce budget que les Verts refusent.

La rapporteure de première minorité regrette aussi le report de charges sur les communes et le taxe d'injustice. Il n'y a pas d'injustice: que ce soit à l'Etat ou dans les communes, il s'agit toujours de citoyens contribuables et, là encore, je ne vois pas où se trouve l'injustice.

Ensuite, la rapporteure prétend que le projet de budget, tel qu'il est issu des travaux de la commission - qu'elle a suivis avec beaucoup d'attention, par conséquent je ne peux pas penser qu'il s'agisse d'une omission mais bien d'une volonté de ne pas tout à fait dire ce qu'il s'est passé - parle de retour de la progression à froid. C'est vrai, la progression à froid est quelque peu injuste socialement, dans le sens où elle taxe davantage les petits revenus que les grands. Mais, précisément, à la demande de la majorité parlementaire, le Conseil d'Etat a proposé un amendement - ce sont les chiffres 1 et 2 de l'article 19 (souligné) du projet de loi - qui prévoit en réalité une indexation progressive des déductions sociales. Or cette indexation permet de lisser la courbe et d'obvier à l'injustice éventuelle d'une pure et simple progression à froid. De ce point de vue, le Conseil d'Etat a parfaitement entendu vos arguments.

Enfin, Mme la rapporteure de première minorité regrette les effectifs de l'Etat, disant que c'est là qu'il faudrait faire porter le poids de réforme structurelle. Nous l'entendons bien. D'ailleurs l'un des plus éminents députés de son groupe nous l'avait déjà dit en ce qui concernait le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement. Cependant, force est de reconnaître qu'il n'est venu, au cours des débats de la commission, aucune proposition concrète de la part de son groupe, ni, d'ailleurs, de la part des autres groupes de l'Alternative. Pas une seule proposition pour voir où l'on pouvait éventuellement réduire ces effectifs. On avait dit un jour: «Il y a 30% d'effectifs en trop au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement». Ensuite, on est venu nous dire que ce serait 700 personnes, sur 8 ou 10 ans, et, finalement, il n'y a plus rien en ce moment. Vous vous plaignez même d'une modeste réduction linéaire de 0,5%, c'est-à-dire l'équivalent de 50 centimes sur 100 francs.

Quant à la question des éventuels référendums, effectivement un certain nombre de lois qui sont matériellement liées au budget en sont formellement distinctes et le peuple souverain pourra se prononcer, s'il le veut, par référendum - quand le référendum est facultatif - et, de toute façon, pour les deux lois, enfin la partie de la loi où le référendum est obligatoire. Tant mieux ! Finalement, nous sommes tous des élus du peuple, nous sommes soumis à sa volonté. On pourra enfin savoir ce que souhaite le peuple.

En ce qui concerne le rapport de deuxième minorité de M. Velasco, il y a une magnifique leçon académique sur la fiscalité et les liens entre la fiscalité, l'incarcération, etc. Tout ça est bien joli, mais tout cela ne nous donne aucune recette pour résoudre le problème que nous avons à résoudre aujourd'hui et demain: celui de voter un budget. Il est vrai que le rapporteur de seconde minorité esquisse une recette; mais c'est une potion amère, dont la plupart des gens ne veulent pas et en tout cas pas les citoyens. Il s'agit bel et bien d'une augmentation d'impôts. Malgré sa science fiscale, le rapporteur de seconde minorité joue un peu avec les chiffres. En effet, il mentionne l'endettement du canton, qu'il chiffre à 22 milliards, soit 59% du revenu. Mais il oublie totalement, en parlant de l'endettement cantonal, de prendre sur le canton la part de l'endettement fédéral. L'endettement communal est peut-être mince mais l'endettement fédéral est passé à 120 milliards de francs. Même si Genève n'avait que 5% de cette somme, cela fait toujours 6 milliards de plus que vous devez rajouter à votre chiffre et, au lieu des 59% que vous avancez, avec les 6 milliards de plus, et les 2 milliards pour l'endettement communal - la Ville de Genève étant elle-même endettée pour 1,5 milliard - j'arrive à 82% et non plus à 59%. C'est un chiffre assez important, qui dépasse évidemment de loin les critères de Maastricht, même si nous n'en sommes pas à la situation de la Belgique.

En ce qui concerne le rapporteur de troisième minorité, il dénonce la politique antisociale de la droite, y compris du Conseil d'Etat. On n'en attendait pas moins de lui: il est le représentant d'un parti qui ne siège pas au gouvernement... (Manifestation dans la salle. L'orateur est interpellé.)...mais enfin, je ne peux quand même pas oublier qu'il y a deux socialistes et un Vert et que, en principe, ils font partie de l'Alternative. Je suis donc un peu étonné que vous disiez que c'est la politique de la droite antisociale. C'est peut-être la politique du Conseil d'Etat, c'est peut-être une politique antisociale, je n'en sais rien - je ne suis pas d'accord avec vous - mais c'est en tout cas la politique d'un gouvernement auquel l'Alternative, dont vous faites toujours partie, apporte - ou devait en principe apporter - son soutien. (Rires.)

En conclusion, la majorité parlementaire souhaite, pour Genève, d'abord, un budget. Elle a dû construire ce budget contre l'Alternative, membre du gouvernement, qui ne voulait rien. Vous n'avez fait aucune proposition, sauf deux propositions de l'Alliance de gauche: l'une, d'augmenter la masse salariale de 2,3% et, pour financer cela, d'augmenter les recettes, sans aucun calcul, de 200 millions. Cela n'est tout simplement pas sérieux. C'est de la spéculation. La spéculation que vous contestez, que vous reprochez à tant de gens dans le secteur privé ! Quand il s'agit de l'Etat, eh bien vous spéculez aussi sur les recettes ! Vous savez très bien que cela n'est pas possible.

Ce budget est ce qu'il est, il sera surtout ce qu'il sera dans un certain nombre d'heures, mais ce qui est important pour nous - parce que nous ne pouvons pas accepter une République qui vive toujours avec des douzièmes provisoires - c'est un budget. Et puisque vous avez refusé toute proposition réellement concrète - vous n'allez d'ailleurs faire que des amendements de dépenses - ce sera le budget que nous aurons essayé, tant bien que mal, dans l'intérêt de Genève, de faire voter, au bout de ce débat. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo!

La présidente. Merci, Monsieur le député. Madame la rapporteure de première minorité, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?

Mme Morgane Gauthier (Ve), rapporteuse de première minorité. En automne 2003, l'Entente a décidé de reprendre la gestion de l'Etat de Genève à son compte. Elle a refusé d'entrer en matière sur le budget 2004, préparé par le Conseil d'Etat, au sein duquel elle est pourtant majoritaire. Ce faisant, elle s'est soumise à la bonne volonté de l'UDC, dont elle a besoin pour asseoir son pouvoir. Plus question donc d'une politique budgétaire négociée entre partis gouvernementaux. A la place, une alliance entre l'Entente et l'Union démocratique du centre, sur un programme ô combien théorique de diminution des dépenses ! Dès lors, nous sommes entrés dans l'ère d'un bricolage continuel où les propositions de dernière minute abondent, propositions parfois légales, parfois illégales mais en tout cas jamais négociées avec les principaux concernés.

C'est qu'entre-temps le Conseil d'Etat s'était fixé des objectifs très ambitieux en matière de déficit dans son fameux plan financier quadriennal. Nous l'avons immédiatement relevé: le Conseil d'Etat alignait des objectifs chiffrés, sans jamais indiquer par quels moyens il les atteindrait. Sans doute ne le savait-il pas lui-même. On ne pouvait être que frappé par le contraste existant entre les économies annoncées sur le papier et les cris d'orfraie poussés par chacun des conseillers d'Etat lorsqu'il s'agissait de renoncer ne serait-ce qu'à un seul poste de son département. Le Conseil d'Etat, après avoir cherché pendant tout l'été comment réaliser quelques économies, a bien dû se rendre à l'évidence: pour atteindre les buts qu'il s'était assignés, il faudrait en passer par une augmentation des recettes. Le Conseil d'Etat allait-il donc solliciter une augmentation des impôts ? Non. Il a préféré demander à d'autres de faire ce difficile travail, il a demandé aux communes de payer une partie des prestations complémentaires. Mais demander n'est peut-être pas le terme exact: le Conseil d'Etat a proposé au parlement d'intimer l'ordre aux communes de payer.

Concernant la problématique antisociale de ce budget, le Conseil d'Etat n'a, à vrai dire, pas eu la main plus heureuse dans le domaine des économies. L'Etat de Genève a un budget de 6,3 milliards de francs pour une population d'environ 440 000 habitants. Nous sommes les premiers à l'admettre, c'est, à l'évidence, un budget confortable. Or, à qui le Conseil d'Etat s'en prend-il pour atteindre des objectifs du plan financier quadriennal ? Aux chômeurs, aux invalides et aux personnes n'ayant pas un revenu correspondant au minimum vital. Pensez-vous qu'avant de recourir à ces tristes expédients, le Conseil d'Etat se serait penché sur les effectifs de l'administration centrale ? Pensez-vous qu'il aurait songé à réduire quelque peu le train de vie de l'administration, en coupant dans les dépenses générales ? Pas du tout. C'est tellement plus simple de désigner à la vindicte publique ceux qui ont le malheur d'être tombés du mauvais côté de la barrière.

En ce qui concerne les travaux de la commission des finances, c'était plus mouvementé, voire carrément débridé. L'Entente ayant refusé, mais pour un premier temps seulement, de piquer dans la caisse des communes et de rétablir la progression à froid, l'Entente s'est trouvée fort démunie avant même que l'hiver ne fût venu. Sous nos yeux ahuris, elle a donc cherché des économies et de nouvelles recettes, manifestant une admirable créativité à défaut d'une certaine lucidité, quant à ce qui est légal et ce qui ne l'est pas, et quant aux conséquences de certaines lois qu'elle a cru bon d'improviser.

Bref, l'Entente, puisqu'il paraît que ce n'est pas le PDC, a décidé de faire payer, du jour au lendemain, la contribution de l'Etat à la FAS'e, aux communes. Lesdites communes, les associations responsables, les centres de loisir, les syndicats et, bien entendu, la FAS'e, fort bien représentée par l'ancienne député libérale Mme Mottet-Durand, ont dit tout le mal qu'ils pensaient de ce projet et, incidemment, l'impossibilité absolue de le mettre en oeuvre. Après s'être concertée, l'Entente a annoncé à la commission, qu'elle demandait le report sine die de l'étude de ce projet de loi. Après quoi, le député Lescaze, au nom de l'Entente, tenait-il à préciser, en est venu à une formule plus réaliste, soit de diminuer de 0,5% toutes les dépenses de l'Etat, sauf les subventions du DASS. L'opération a pris beaucoup de temps, elle a permis d'économiser un peu moins de 20 millions de francs - mais on verra s'ils ne reviendront pas sous la forme de dépassements de crédits l'année prochaine. Après quoi, l'Entente a retiré 15 millions de francs au fonds d'assainissement des eaux, nonobstant qu'une telle mesure soit contraire au droit fédéral et que, en conséquence, le Conseil d'Etat ne pourra pas l'appliquer. Elle a également retiré, au passage, 2 millions à l'Université.

Quant à l'UDC, elle a fini par comprendre qu'on était très très loin du démantèlement de l'Etat qu'elle appelle de ses voeux. Craignant de ne plus disposer d'une majorité, l'Entente a décidé de sceller un pacte d'alliance avec la droite extrême sous une forme hautement symbolique: sur les 7 millions accordés à l'aide au développement, elle a accepté d'en sacrifier 5. Ceux-là même qui disaient souhaiter une augmentation de la solidarité internationale ont renié leurs engagements passés pour se plier aux conditions posées par l'UDC. Tant pis pour le renom de la Genève internationale mais surtout tant pis pour la décence, et c'est une honte. Enfin, lasse de chercher des solutions, elle a soutenu les propositions du Conseil d'Etat visant à ne réintroduire qu'un petit bout de la progression à froid et à ne piquer dans les caisses des communes que la moitié de ce qui était prévu initialement.

La commission a également eu le «privilège» d'étudier un projet de loi visant à dérober, aux Services industriels genevois, une trentaine de millions de francs. Comme un éminent juriste l'a conclu, ce que tout le monde savait plus ou moins, le procédé est illégal. L'Entente, toujours soutenue par l'UDC en commission des finances, a décidé de multiplier par cinq la redevance pour l'utilisation du domaine public. Ce vote ayant eu lieu hier soir vers 19h, nous aurons tout le loisir de voir quelle est la légalité de cette mesure.

Finalement, les Verts ont combattu et combattront les projets de lois du Conseil d'Etat visant à diminuer les ressources de ceux qui se trouvent sans travail ou dans la gêne. Ils ont soutenu le référendum sur le chômage, ils soutiendront celui qui se prononce contre les réductions de prestations, s'il devait être lancé. Nous sommes également très préoccupés par la réduction linéaire opérée aux dépens des associations subventionnées. Contrairement à l'Etat de Genève, les associations n'ont pas la possibilité d'augmenter chaque année, même légèrement, leur masse salariale. Une coupe, même minime, pose donc de réels problèmes de gestion de ces associations. Par ailleurs, la diminution opérée au niveau de l'instruction publique nous semble très grave. Dans ces conditions, vous comprendrez aisément, Mesdames et Messieurs les députés, que les Verts n'entrent pas en matière sur le projet de budget 2005, qu'ils souhaitent que celui-là soit refusé et que, le cas échéant, si un parti de l'Entente ou un autre voulait en revenir à une tradition de dialogue plus conforme au bon fonctionnement de nos institutions, nous pourrions chercher, avec d'autres, des solutions aux problèmes lancinants de l'endettement catastrophique de notre canton. (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Je tiens à remercier le rapporteur de majorité pour les compliments qu'il a fait au sujet de mon rapport. Je voudrais aussi lui dire que je comprends sa frustration de ne pas être au gouvernement tout en devant, en tant que majorité, puisque son parti fait partie de l'Entente, soutenir ce gouvernement. C'est vrai, c'est frustrant, mais c'est ainsi. Du temps de M. Guy-Olivier Segond, votre groupe ne l'a pas loupé, alors qu'il faisait aussi parti de la majorité. Mais enfin, il y a eu des époques où vous n'avez pas tous soutenu votre conseiller d'Etat, non plus.

Je prends le groupe libéral pour un groupe responsable qui sait ce qu'il dit, en général. La fameuse initiative de 12% avait été mûrement réfléchie et les propositions que vous aviez faites devaient se concrétiser. Je suis donc allé chercher dans le Mémorial de 1997, lorsque cette loi a été votée et j'ai trouvé les promesses qui avaient été faites, notamment par la rapporteure de majorité, l'actuelle ministre du département de justice et police et sécurité, qui disait que les conséquences du projet de loi entraîneraient 332 millions de francs de déficit tout en assurant que cette opération devrait contribuer à la relance, puisque les personnes et les professions libérales bénéficieraient d'un allégement de charges, propices à une certaine promotion économique.

Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. M. Vodoz avait solennellement déclaré que l'Etat ne pouvait pas simultanément relancer les finances, afin que la dette de fonctionnement pèse moins lourd sur la collectivité, réduire les recettes fiscales et s'offrir des prestations identiques. Cela est vrai. M. Halpérin, l'auteur du projet de loi en question, disait que le refus du projet de loi entraînerait de suite un déficit dont ni vous ni nous nous remettrions, parce que nous ne serions plus en mesure de redresser le cap. Le projet de loi est passé devant le peuple qui l'a accepté et nous ne nous remettons, en effet, toujours pas de ce projet de loi. Cela fait maintenant trois ans que nous cumulons des déficits. Les baisses arrivent à 2,184 milliards de francs. Cela est tout de même assez incroyable, pour des partis qui se font une fameuse bile pour cette dette. Ce sont 2 milliards que l'on aurait pu injecter dans l'économie, que l'on aurait pu affecter à l'amortissement de la dette. J'ai essayé de comprendre pourquoi vous avez fait cette proposition. Je vais vous donner un exemple de votre manière de raisonner. Vous partez du principe que les baisses fiscales produisent automatiquement des augmentations de recettes. Or ce n'est pas forcément vrai. Ce sont même des théories fumeuses. Pour véritablement le savoir, il aurait fallu faire un état des lieux de notre économie, c'est-à-dire de mesurer notre niveau de fiscalité, et vous ne l'avez pas fait. Les conséquences sont que, comme la courbe de mon rapport nous le montre, la redistribution de cette baisse fiscale s'est très injustement effectuée. Elle a surtout profité aux plus nantis de ce canton et pas du tout aux personnes démunies, comme le prouvent les chiffres: elle a apporté plus de 10 000 F pour les personnes les plus riches, dont le nombre équivaut à 10% de la population, et seulement quelques francs pour les personnes les moins riches de ce canton. On l'avait pourtant décrit comme un projet de loi qui bénéficierait à tous. Cette perte fiscale a des conséquences et on peut les observer avec ce budget. En effet, c'est sur les personnes les plus démunies que les coupes se reportent le plus. Contrairement à ce que certains ont pu dire, notamment M. Weiss, à savoir que les pays ayant les plus hautes fiscalités sont les pays qui s'appauvrissent... (L'orateur est interpellé.)Vous l'avez dit à d'autres reprises et vous l'avez dit en commission à plusieurs reprises, c'est pour cela que je m'avance, Monsieur. (La présidente agite la cloche.)Je voulais donner quelques exemples qui démontrent tout le contraire: les pays qui ont un haut niveau de fiscalité ont un bas niveau de pauvreté et de délinquance, cela a été démontré.

Je constate que vous avez fait fi de tout cela, et le budget que vous nous présentez s'attaque à toute une palette de sujets. Il s'attaque aux travailleurs de la fonction publique, pour économiser 80 millions; il s'attaque aux jeunes, sur le subside de l'assurance-maladie les concernant, afin d'économiser 8 millions; aux rentiers de l'AI, pour 20 millions; aux chômeurs - et cela est incroyable - pour 4 millions, en voulant facturer leurs prestations. Vous offrirez peut-être un emploi temporaire aux chômeurs, alors que vous savez très bien que cette mesure de facturation est inapplicable. Elle ne contribue qu'à la cosmétique de votre budget. Quant aux recettes que vous nous procurez, car il faut le reconnaître, vous avez essayé de faire un petit effort là-dessus, cette augmentation d'impôts touche plus particulièrement les personnes les plus défavorisées. Je n'ai vu aucune proposition qui s'adresse aux personnes les plus riches de ce canton. Aucune. J'ai en revanche vu toute une série de coupes qui affectent les personnes les plus nécessiteuses de ce canton.

A la séance d'hier, on arrivait à un déficit de 307 millions - il semble que cette somme ne soit pas correcte, puisqu'il y a eu des modifications par la suite. J'en suis arrivé me poser la question suivante, qu'il faudra certainement discuter: quel référentiel de déficit faut-il prendre ? Faut-il prendre les 290 millions présentés par le Conseil d'Etat ou les 372 millions ?...

La présidente. Monsieur le rapporteur, vous avez dépassé votre temps de parole. Etant donné que M. Lescaze a également parlé un peu plus longtemps, je vous laisse terminer, mais pour quelqu'un qui voulait être court...

M. Alberto Velasco. Je finis, Madame la présidente. Faut-il prendre le référentiel de moins 372 millions à l'issue des votes effectués par notre Grand Conseil concernant l'OCPA et la progression à froid ?

Concernant la dette, Monsieur Lescaze, le taux d'endettement de notre canton est élevé mais pas insurmontable. D'abord, parce qu'on devrait connaître le patrimoine de ce canton. Le solde primaire dégagé par les recettes pose un problème quant au financement et au paiement des intérêts. Je suis d'accord avec vous sur ce point, il y a lieu de trouver une solution. Cependant, Mesdames et Messieurs de l'Entente, les solutions que vous nous proposez ne sont pas adéquates. En conclusion, le groupe socialiste ne peut pas accepter un budget tel que celui que vous nous présentez, un budget qui ne fait que péjorer la situation de ceux que nous sommes censés défendre. Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas l'entrée en matière de ce budget.

M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de troisième minorité. Je voudrais rectifier une affirmation qu'a faite M. Lescaze. En effet, et contrairement à ce qu'il a essayé de faire croire, l'Alliance de gauche n'est pas un parti gouvernemental. Nous sommes membres de l'Alternative mais nous ne sommes pas un parti gouvernemental et nous ne nous sommes jamais engagés à soutenir le Conseil d'Etat dans sa politique. Nous soutenons des actions qui vont dans le sens de ce que nous défendons en matière de justice et de progrès sociaux. Il appartient aux membres de l'Alternative qui se trouvent au Conseil d'Etat, les deux socialistes et le Vert, d'assumer leurs différences éventuelles et de se désolidariser de la politique antisociale menée par l'institution qu'est le Conseil d'Etat. Nous n'avons pas, nous, à nous ranger derrière eux, sous prétexte qu'ils se trouvent être des membres issus de partis de l'Alternative.

Par ailleurs, Monsieur Lescaze, vous vous êtes permis de traiter vos adversaires politiques de «nains politiques». (L'orateur est interpellé.)Je n'ai peut-être pas compris, mais ce que je sais, c'est que chez beaucoup de nains, Monsieur Lescaze, il y a certainement beaucoup plus d'humanité que chez certains gros charlatans de la politique politicienne.

En ce qui concerne le vif du sujet, Monsieur Lescaze, vous parlez de la nécessité absolue d'avoir un budget. Vous, Monsieur Lescaze, qui avez renvoyé au Conseil d'Etat le projet de budget 2004, l'année dernière... Si vous étiez conséquent avec ces affirmations, vous auriez accepté l'entrée en matière et la discussion en commission. Ensuite, Monsieur Lescaze, vous invoquez la dette, les déficits pour dire: «On ne peut pas faire autrement et ce n'est finalement pas si grave que cela». Monsieur Lescaze, regardez: vous avez ici les comptes de l'Etat de Genève, c'est l'édition 2003. J'ai sous les yeux la colonne de la dette cantonale, de la dette brute, depuis 1970, depuis 35 ans. La dette a commencé, en 1970, à 78 millions de francs, pour, en 1998 - c'est-à-dire pendant toute la période où vous étiez majoritaires - atteindre les 10 milliards de francs. Le seul moment où elle a commencé à baisser, c'est sous la très courte majorité de l'Alternative au Grand Conseil - pour descendre, en 2001, à 9,2 milliards de francs. Vous êtes redevenus majoritaires, avec le soutien de vos amis de l'UDC, et revoilà la dette qui part à la hausse.

De 1991 à 1998, le déficit était de 400 à 500 millions en moyenne. C'est votre majorité, Monsieur Lescaze, pas l'Alliance de gauche, pas l'Alternative, qui en était responsable. Plus précisément, c'est la majorité monocolore qui s'était attaquée aux prestations sociales, au personnel, aux effectifs, en particulier - puisque plusieurs milliers d'emplois ont été supprimés dans les services publics - qui en était responsable.

Lorsque vous nous parlez de la dette et du déficit pour justifier cette politique en soulignant le fait qu'une suppression de charges de 0,5% est un chiffre dérisoire, ce que vous ne dites pas, c'est que cela représente quasiment 20 millions qui s'ajoutent aux 32,4 millions de francs de réduction globale, opérée par le Conseil d'Etat sur les charges du personnel, soit l'équivalent de 500 postes annuels à plein-temps qui manqueront dans les secteurs de l'éducation, de la santé, du social et de la sécurité. Si cela ne représente que 50 centimes, comme vous l'avez dit pour ironiser, cela fait en même temps, en comptant des emplois à temps partiel, 700 emplois qui ne seront pas offerts à la population genevoise qui souffre terriblement du chômage. Pourquoi en sommes-nous là, Monsieur Lescaze ? Parce que vous avez mis en place cette stratégie, souvent évoquée par vos amis membres des partis de l'Entente, pour assécher les finances publiques, afin d'obliger l'Etat à couper dans les prestations et à redimensionner l'Etat.

Vous parlez maintenant d'un projet de budget que vous acceptez dans lequel on s'en prend aux prestations complémentaires pour les handicapés et pour les personnes âgées; on s'en prend aux chômeurs; aux jeunes de moins de 25 ans, en durcissant les conditions d'octroi des subsides pour l'assurance-maladie; on s'attaque, pour la énième fois, au personnel des services publics. La population genevoise augmente d'environ 5000 habitants par année. La précarité, la pauvreté se développent à Genève; il suffit de voir les comptes de l'Hospice général et d'autres institutions d'aide aux défavorisés. Tout cela fait qu'il y a régression sociale.

Ensuite, le Conseil d'Etat joue les «Harry Potter à l'école des sorciers». Il essaie de trouver des recettes qui n'en sont pas: il souhaite des transferts de charge sur les communes, en ce qui concerne l'OCPA; on peut également mentionner la tentative de transférer la Fondation pour l'animation socioculturelle aux communes; le PDC, avec beaucoup de compréhension de la part de ses alliés de l'Entente, souhaitait «léguer» le groupement du parascolaire aux communes, également. Pour vous, Monsieur Lescaze, tout cela n'est rien. D'ailleurs, comme vous le dites dans votre rapport, «c'est un budget que la majorité parlementaire entend appuyer malgré ses imperfections parce que le canton a besoin d'un budget»; plus loin vous dites qu'il s'agit «d'un budget de transition et non de rigueur». Monsieur Lescaze, un budget de transition vers quoi ?

Tout ce que je viens d'énoncer, toutes les régressions sociales que vous avez mises en place avec votre stratégie ont une utilité: vous avez offert aux millionnaires aux revenus imposables un rabais d'impôt annuel de l'ordre de 106 000 F en moyenne par contribuable. Pour les 57 000 contribuables dont le revenu annuel est inférieur à 20 000 F, cela représente un montant annuel compris entre 14 et 15 F en moyenne par personne. Cela résume tout à fait la politique mise en place aujourd'hui par la majorité de droite et par le Conseil d'Etat. Ce dernier, il est vrai, essaie tant bien que mal de résister, parce qu'il juge en effet que la droite va trop loin. Il voudrait aller dans son sens mais pas aussi loin parce que, quand même, il y a des risques, et des problèmes pourraient surgir et la résistance se développer.

En ce qui nous concerne, nous sommes, comme nous l'avons toujours été, du côté du peuple, du côté de ces gens qui souffrent, qui peinent et qui travaillent et de ceux qui sont victimes de cette politique, qui consiste à leur dire: «Il faut payer, il faut donner davantage parce que d'autres sont plus mal lotis que vous, ailleurs; il faut donner davantage aux riches, car il y a plus riches qu'eux, ailleurs»! Nous ne sommes pas favorables à une telle politique: nous sommes pour une politique de solidarité, de progrès social. La dette publique, c'est vous; le déficit budgétaire, c'est vous; le déficit social, c'est vous; et le déficit républicain, c'est aussi vous. Et contre tous ces déficits nous serons là, en première ligne. (Applaudissements.)

M. Robert Iselin (UDC). Le sujet principal de cette dernière session de l'année, je ne vous apprends rien, soit le budget pour l'exercice 2005, préoccupe nos esprits depuis le dépôt du projet, il y a presque trois mois. Les positions respectives des partis sont maintenant bien connues. L'Union démocratique du centre n'a pu que manifester sa désapprobation lorsqu'elle a été informée des propositions du gouvernement. Ces dernières relevaient, à ses yeux, pour une part importante - excusez l'expression - plus du tour de passe-passe que d'autre chose, certains membres de l'exécutif ne semblant pas saisir pleinement la gravité de la situation financière de l'Etat de Genève.

Le plan financier quadriennal n'était en effet observé que formellement, moyennant le transfert «sur le dos» des communes, si l'on peut dire, transfert qui aurait très bien pu se traduire par une augmentation des impôts communaux et la suppression de rabais fiscaux concernant la progression à froid - suppression qui signifiait, pour les contribuables, encore une charge fiscale supplémentaire de 40 millions de francs, en chiffres ronds. Traduit en langage de financier, cela signifiait un découvert budgétaire effectif de 420 millions de francs, lequel pouvait encore être accru par des estimations de recettes inatteignables parce que trop optimistes, les projections des économètres de l'Etat au sujet de la conjoncture en 2005 étant inspirées par une allégresse certainement sympathique mais tout aussi certainement dangereuse.

Les risques que comporte un budget inspiré pour les recettes, par des vues un peu trop roses de la conjoncture, ont été suffisamment illustrés depuis deux à trois ans, et les expériences faites devraient induire à plus de retenue. De toute manière, le plan quadriennal, cela ne trompait personne, était largement dépassé.

Placés devant cette situation d'une gravité certaine, les quatre partis bourgeois - ou la droite si vous préférez, qu'importe - se sont consultés, ce n'est un secret pour personne, pour trouver en commun une issue à des développements qu'ils considèrent dangereux. La solution choisie n'est pas parfaite, loin de là, mais il s'agissait de courir au plus pressé, puisqu'il a entre autre et malgré tout été retenu de demander aux communes de prendre en charge une contribution de 45 millions aux frais de l'OCPA. Après tout, ces communes sont des parties de l'Etat de Genève, n'est-ce pas ?

Il importait toutefois de parvenir à ne pas dépasser les limites du plan quadriennal. Les modifications du projet gouvernemental auxquelles il a été procédé le permettent grâce à l'esprit de compromis qui a prévalu. Nous ferons bloc pour que ce budget révisé soit accepté. Certes, il ne satisfait pas entièrement mais il permet d'éviter l'absence de budget qui pointait à l'horizon, une situation qui aurait été extrêmement dommageable pour le crédit de notre canton. Aux yeux de l'UDC, une telle alternative, qui jetterait le doute sur le sérieux de nos institutions, ne saurait être envisagée après un premier exercice dans ce sens en 2004.

De l'autre côté de cette enceinte, les solutions envisagées sont évidemment très simples. On ne parle que de hausse d'impôts et le vocable «économies» est inconnu. C'est oublier que l'électorat genevois, lequel connaît déjà pour beaucoup de ceux qui acquittent des contributions publiques - rappelons que 35% de la population en sont dispensés - le régime très probablement le plus cher de Suisse, a très nettement fait connaître son point de vue au cours des dernières années: non seulement il ne veut pas de hausse, mais il attend des allégements que seule une réorganisation sérieuse et en profondeur de l'appareil administratif de l'Etat peut amener. L'UDC, qui est déjà plusieurs fois intervenue dans ce sens, participera avec conviction à cette réforme. Elle n'est évidemment pas à l'ordre du jour urgent de cette session. Mais la gauche, à s'acharner à torpiller, par tous les moyens, les changements et améliorations qui peuvent être organisés sans mise à pied d'un personnel engagé imprudemment, simplement par les départs naturels, scie la branche sur laquelle elle est assise, avec les conséquences amères que cela ne manquera pas d'avoir pour elle. Il ne faut pas prendre les électeurs de ce canton pour des aveugles qui soutiendraient le gaspillage. Et à ceux qui trouveront du plaisir à me contredire, je ne rappellerai qu'un épisode des derniers mois...

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député. Vous en êtes à plus de six minutes trente secondes de temps de parole. (Manifestation d'impatience dans la salle.)

M. Robert Iselin. La suppression de l'économat et sa réorganisation intelligente sous la forme d'une centrale d'achat, accompagnée de l'imposition de règles claires et contraignantes ont permis une économie de 17 millions de francs en 7 mois. Combien de cas...

La présidente. Il faut terminer maintenant, Monsieur le député.

M. Robert Iselin. ...de cette nature y a-t-il dans notre Etat ?

M. Jean Spielmann (AdG). La première observation que j'aimerais faire a trait à l'exercice que nous faisons en ce moment. Il permet de corriger la situation mais il ne permet pas de modifier d'un seul coup les structures de la société et de faire un budget tel que nous souhaiterions qu'il soit. Les problèmes qui sont posés sont importants: jamais, depuis des décennies, notre canton n'a traversé de situation telle que celle que nous connaissons aujourd'hui. En deux ans, le nombre des chômeurs du canton est passé de neuf à quinze mille. Parallèlement, les offres d'emplois, mentionnées dans les statistiques mensuelles avoisinaient le chiffre de 2000. Elles sont moins de 400 par mois, aujourd'hui. De très nombreux citoyens rencontrent des difficultés considérables en matière d'emploi et des difficultés sociales très importantes. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez fait des promesses, tracé une politique de baisse d'impôts en promettant à la population qu'elle allait améliorer la situation économique, assurer le plein emploi et remplir les caisses de l'Etat. Quelle est la réalité, aujourd'hui, et comment manoeuvrez-vous pour tenter de colmater les brèches que vous avez créées ?

Je voudrais tout d'abord parler des plans de Maastricht auxquels, Monsieur Lescaze, vous avez fait allusion tout à l'heure. Des délégations d'experts sont venues en Suisse, se sont penchées sur nos systèmes économiques et ont constaté que les critères que nous appliquons ici sont beaucoup plus sévères que ceux qui sont rédigés et qui existent à Maastricht. Je peux vous citer les chiffres; je donnerai ces documents très intéressants, également publiés dans Economiesuisse, Monsieur Kunz, cela vous intéressera peut-être. Quoiqu'il en soit, en ce qui concerne la situation économique de notre pays, nous sommes très loin des déficits structurels des pays de l'Europe. (Manifestation dans la salle.)Notre système est beaucoup plus sévère et nous a permis de connaître, en 2003 et cette année encore, une situation très nettement inférieure au 1% du PIB dicté par les données de Maastricht. Si vous voulez utiliser ces références, il faut le faire correctement; vous ne l'avez pas fait tout à l'heure, cela me semblait utile de le rectifier.

En ce qui concerne les propositions: il est vrai que, face à un budget, on peut faire une série de propositions afin de trouver des solutions. Nous avons fait des propositions en commission. Vous avez dit qu'elles n'étaient pas sérieuses, que nous n'avions pas examiné correctement la situation et que nos propositions n'étaient pas cohérentes. Mesdames et Messieurs les députés, les amendements sont sur les tables, ils vont être distribués. Ils reprennent les propositions que nous avons faites en commission. Je vais faire plaisir à M. Kunz: en partant des efforts d'assainissement faits dans les finances publiques et publiés dans l'Economiesuisse du mois dernier, il était affirmé que la situation économique - cela a d'ailleurs été repris par la Confédération qui votera son budget demain matin - connaissait un taux de progression de 5,8%. Ce taux, analysé sur une dizaine de pages, me semble tout à fait cohérent. Si on analyse d'autres documents - tels que ceux publiés par Mme Martine Brunschwig Graf lorsqu'elle parle des difficultés liées à l'estimation fiscale - il y est fait mention d'un certain nombre de problèmes. Nous sommes, dans le budget qui vous est présenté, à 3,2%. Je vous donne rendez-vous dans une année au moment des comptes et je fais le pari que vous sous-estimez les recettes fiscales pour justifier une politique de frein aux dépenses et de réductions. Nous verrons bien qui aura eu raison. Je m'appuie sur des statistiques qui sont réalisées par vos milieux alors que vous ne les prenez même pas en compte. Ensuite, vous nous dites que nous ne sommes pas sérieux dans nos propositions.

Les modifications aux comptes de l'Etat consistent simplement à reprendre les courbes de progression des recettes fiscales de la Confédération et de les appliquer au canton. C'est la teneur des deux amendements que nous vous proposons. Ils permettent d'assumer la totalité des propositions de modifications au budget que nous ferons.

Quelles sont les propositions que vous avez faites, par rapport à la situation dans laquelle la population se trouve - les chômeurs mais aussi les jeunes - ainsi qu'à l'égard de l'économie et des sociétés sises dans notre pays ? Quelles sont les solutions que vous proposez ? Les réductions de la politique sociale, le manque de couverture sociale, provoquent, par la suite, des dépenses d'assistance. Il est beaucoup plus difficile, pour les gens, d'être à l'assistance que d'avoir une protection cohérente et de trouver un emploi. Vous êtes en train de détruire le tissu social par le biais de propositions complètement absurdes. En effet, vous allez initier des processus qui ne tiennent pas la route. Hier soir, en commission des finances, vous vous êtes rendu compte que vous ne pouviez pas faire d'économies. Pourtant on pourrait faire des économies dans le budget de l'Etat, on pourrait mieux faire: en commençant, par exemple, par réformer l'Etat; en participant avec ceux qui sont à la base, les acteurs des services publics, et qui pourraient très bien donner quelques idées des économies et des réformes qui pourraient être faites à l'Etat. (Manifestation dans la salle.)Vous vous êtes contentés de jeter des centaines de millions de francs des contribuables par la fenêtre, en payant des consultants qui n'ont écouté que les petits chefs, vos petits amis, les cadres de l'administration, et qui n'ont rien changé.

Vous avez attaqué de front le service public par les mesures que vous avez prises dans le budget et nous essaierons d'y apporter quelques correctifs. Ce qui est bien plus grave que cela, c'est une société que vous êtes en train de transformer complètement. Discutez donc avec les acteurs du service public et avec ceux qui sont sur le terrain, derrière les guichets, qui doivent répondre aux gens, qui s'occupent de la fiscalité, qui s'occupent des malades, quel que soit leur service à l'hôpital, ou de ceux qui assurent des fonctions d'enseignement: ces gens participent à la vie sociale...

La présidente. Monsieur le député, vous avez dépassé six minutes trente secondes de temps de parole.

M. Jean Spielmann. Dénigrer ces personnes et en faire des charges plutôt que des acteurs est une faute politique majeure de votre part. Ce n'est pas ainsi que vous trouverez des solutions. Vos solutions reviennent à chibrer sur les autres.

Monsieur Iselin, vous avez dit: «Nous avons demandé aux communes». Qu'avez-vous demandé aux communes ? Vous n'avez rien demandé aux communes du tout: vous avez présenté votre projet de loi le 16 novembre, le lendemain du jour où les communes sont tenues de boucler leur budget ! En outre, vous n'avez pas transféré de charges, parce que lorsque l'on fait un transfert, on demande à la partie qui reçoit ce transfert si elle peut recevoir et assumer ces charges.

La présidente. Monsieur le député, pourriez-vous terminer ?

M. Jean Spielmann. Je termine, Madame. Vous avez prévu des réductions de prestations pour les plus démunis d'entre nous, pour les personnes âgées de l'OCPA, pour les chômeurs; vous avez attaqué ceux qui sont les plus vulnérables de ce canton, je pense notamment aux handicapés; vous vous en prenez aux Services industriels de Genève, par jalousie ou par bêtise, puisqu'ils vont bien. Vous voulez prendre leurs bénéfices. Vous ne pouvez pas le faire légalement et vous ne pourrez pas non plus le faire sur les autres taux, parce que c'est aussi illégal. Vous faites du travail à la petite semaine.

Cela ferait du bien à ce canton qu'il y ait une majorité politique, parce que vous parlez de «majorité», Monsieur Lescaze, mais l'Entente n'est pas majoritaire. Elle peut l'être éventuellement grâce à l'UDC en lui faisant des cadeaux, notamment en attaquant la Genève internationale. Sur le fonds, vous n'avez aucun projet, rien qui ne permette de tracer des perspectives d'avenir, rien qui ne permette à la population de trouver des solutions cohérentes. Ce budget doit être rejeté ou amendé par le biais des amendements que nous présenterons demain. (Applaudissements.)

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Avant d'entrer dans le vif du sujet, il y a lieu de faire, quand même, quelques remarques sur la forme et la méthode utilisées pour organiser le débat autour de ce budget 2005. En effet, la tournure qu'ont pris les débats en commission des finances est le reflet du manque de vision politique et de l'incohérence totale dont font preuve les partis de l'Entente, tirés avec ou malgré eux par l'UDC. Les propositions de dernière minute, faites au mépris des collectivités publiques que sont les communes, sont aussi le témoin du grand désarroi dans lequel se trouvent les partis de l'Entente et l'UDC. Et tout cela simplement parce qu'ils ne disposent pas de bilan politique, en cette dernière année de législature, et qu'il leur faut, à tout prix et au mépris des droits démocratiques, trouver un budget pour 2005.

Tout cela donne plutôt l'image d'un triste spectacle: celui d'une Genève qui tourne à la république bananière plutôt qu'une Genève qui se targue, habituellement, d'un rayonnement international. Vous allez d'ailleurs finir par ternir ce rayonnement si vous persistez dans cette coupe de cinq millions de francs normalement destinés à la solidarité internationale.

Quant au fond, et si l'on se réfère à l'exposé des motifs du projet de loi du Conseil d'Etat concernant le budget administratif de l'Etat, le Conseil d'Etat remarque, à juste titre, que l'augmentation de la population implique des augmentations en termes d'infrastructures et de besoins. Cependant, avec le budget d'austérité concocté précisément par le Conseil d'Etat, aidé en cela par des propositions contradictoires, émises par les partis de l'Entente, c'est tout le contraire qui est finalement appelé à se concrétiser. On s'applique alors à faire diminuer les dépenses en s'attaquant, comme d'habitude, aux franges les plus défavorisées de la population genevoise. On fait un report du coût des prestations de l'OCPA, pour gagner sur les communes, ce qui équivaut à peu près à 45 millions; on diminue les prestations en faveur des bénéficiaires de l'assurance invalidité d'environ 20 millions; et puis, un exemple particulièrement frappant et scandaleux, on essaie de reporter le coût des emplois temporaires sur les communes ou sur les institutions bénéficiaires, alors même qu'un référendum est actuellement en cours. Tout cela ne donne pas une bonne image de ce qu'il est possible de faire au niveau politique à Genève.

La droite et l'extrême droite ont trouvé la brillante idée de faire des coupes linéaires de 0,5% - et, soit dit en passant, le Conseil d'Etat est opposé à ces coupes linéaires. (Brouhaha.)Il faut rappeler, une fois de plus, que la population genevoise a augmenté d'à peu près 14% en 10 ans et que ce phénomène a des conséquences en matière de besoins et d'infrastructures, que ce soit au niveau scolaire, au niveau de la santé, au niveau de la formation ou au niveau du social. Toutefois, les rentrées fiscales ont également diminué de 400 millions, suite à la suppression de l'impôt - les fameux 12% de l'initiative libérale qui, contrairement à ce que disent nos brillants économistes, n'ont pas amené les emplois espérés et, a fortiori, les recettes qui avaient été promises. C'était donc une fameuse supercherie et on a trompé le peuple en cela.

Il faut rappeler une fois encore qui a bénéficié de cette baisse d'impôts: les 10% de la population les plus défavorisés ont généreusement gagné 8 F par an. Alors que ceux qui ont quelque 170 000 F de revenus ont gagné 6 000 F par année. Alors, évidemment, cela plaît peut-être à la clientèle du parti libéral, mais cela ne va pas en termes sociaux. L'augmentation des charges, couplée à une diminution de recettes, ne peut donc pas conduire à des finances publiques saines. (La présidente agite la cloche.)

Pour nous, voter un tel budget serait irresponsable, à plus d'un titre. Ce serait d'abord faire semblant d'ignorer qu'à Genève le taux de chômage, vous le savez, est extrêmement élevé. La population pourra s'exprimer à l'occasion du référendum qui a été lancé - et qui a abouti, je vous le rappelle. Ce serait aussi oublier que de nombreux travailleurs et travailleuses n'ont actuellement pas les moyens de boucler leur budget, alors qu'ils travaillent à plein temps... (Un député fait semblant de pleurer et agite un mouchoir.) ...oui, agitez votre mouchoir, cela ne vous concerne peut-être pas mais c'est néanmoins une réalité ! Ces personnes vont non seulement devoir bénéficier de l'assistance sociale, mais vont également devoir demander des prestations catégorielles qui, elles aussi, sont en voie de diminution. Cela revient en outre à faire supporter, à la classe moyenne, le poids des conséquences d'une mauvaise gestion imputable à la droite qui, je vous le rappelle, a été aux affaires depuis des décennies.

Par conséquent, la majorité de ce parlement, notamment le PDC, a beau jeu d'invoquer la dette que l'on risque de faire peser sur nos enfants. Tout à coup, le développement durable a bonne presse: mais peut-être faudrait-il d'abord s'occuper des personnes actuellement en difficulté lorsqu'il s'agit pour elles de boucler leurs fins de mois. Or vous êtes justement en train de les pénaliser.

C'est pour toutes ces raisons que le parti socialiste s'opposera à ce budget franchement antisocial en refusant évidemment son entrée en matière. (Applaudissements.)

M. Mario Cavaleri (PDC). Je suis très heureux d'avoir entendu les propos de ma préopinante: on parle beaucoup du PDC, et à juste titre, puisque notre groupe, en assumant ses responsabilités, a largement contribué à trouver des solutions dans une situation des plus difficiles. (Manifestation dans la salle.)

Il faut bien le dire, au niveau des partis de l'Alternative, et des autres composantes, on n'a vu aucun signe, aucune proposition alors que vous avez, Mesdames et Messieurs les députés socialistes et Verts, des représentants au gouvernement. Si c'est votre manière d'assumer vos responsabilités politiques, je plains les magistrats. Je sais, Monsieur Cramer, que vous êtes un peu en rade actuellement: vous risquez de rester longtemps dans ce tunnel ! (Brouhaha.)

Depuis la présentation du budget, le 30 septembre dernier... (La présidente agite la cloche.) ...vous aviez le temps de faire des propositions. Ce soir, vous dites: «l'Entente a présenté de mauvaises propositions». Mais vous n'avez rien présenté, du vent, zéro ! Au contraire: vous souhaiteriez creuser encore le déficit. Cela est inacceptable, parce qu'à vous suivre, c'est bien entendu une augmentation des déficits qui s'ensuivrait: plus 500 millions cette année, plus 500 millions en 2006. On passera alors à 14, 15, 16 milliards. Qui dit mieux ? Pas nous. (Manifestation dans la salle. Brouhaha.)Nous ne sommes pas d'accord avec cette sorte de politique. On comprend que cela vous dérange... (La présidente agite la cloche.) ...car en assumant nos responsabilités, vous fuyez les vôtres. (Exclamations.)C'est ça votre manière d'assumer votre mandat politique ! Je me permets tout de même de vous rappeler que nous avons été élus pour défendre les intérêts de la République. (Exclamations d'indignation.)Et défendre la République revient, ce soir et demain, à adopter un budget pour que l'Etat fonctionne.

Je rappelle encore une autre chose: le projet de budget a été le fait du gouvernement. Il a été inacceptable parce que présenté avec une sorte de brutalité, en transférant des charges sur les communes. Vous connaissez nos réactions initiales, nous y étions aussi opposés. Nous avons cherché des solutions... (Manifestation dans la salle.)...vous n'avez pas voulu participer, vous n'avez pas voulu faire de propositions, vous les avez combattues. Nous avons essayé de trouver des formules. Alors, tantôt elles n'étaient pas légales, tantôt elles ne tombaient pas bien. Evidemment, ce n'est jamais le moment ! Pour vous, il faut continuer à distribuer l'argent que nous n'avons pas. Ce n'est pas notre politique, ce ne sont pas nos choix. Nous ne sommes pas d'accord avec cela. Et je peux vous dire que nous sommes très bien placés pour savoir l'impact négatif des transferts de charges sur les communes puisque, dans de nombreuses communes, nous avons des représentants, et qu'ils devront malheureusement faire avec une partie du transfert, et cela pour une année, et une année exclusivement - ce que vous vous gardez bien de dire.

Dans les situations où des partenaires du gouvernement n'agissent pas, lorsqu'ils font défaut, on arrive à des propositions qui ne sont pas parfaites et qui ne peuvent malheureusement pas être consensuelles, puisque vous ne voulez pas participer à ce travail. C'est donc votre responsabilité si vous considérez ce budget comme n'étant pas bon car vous n'avez apporté aucune proposition qui aurait pu l'améliorer.

Vous pouvez bien vous gausser, ce soir, en disant que vous ferez des amendements: on ne vous a pas entendus, depuis le 30 septembre. C'est bien que vous vous réveilliez, au dernier moment, dans un sursaut républicain, pour doter notre canton d'un budget pour l'année prochaine. (Applaudissements.)

M. Christian Grobet (AdG). Comme mon collègue Jean Spielmann l'a dit tout à l'heure, la situation de notre canton est extrêmement grave. Il s'y développe toujours plus rapidement, hélas, une société à deux vitesses. Notre canton connaît une très grande prospérité; il suffit de regarder dans les magasins et les boutiques de luxe. Cette prospérité bénéficie à une partie de la population. Alors que la majorité de la population connaît de plus en plus de problèmes pour faire face à la situation économique qui se dégrade et que de plus en plus de personnes sont laissées pour compte, ne disposant quasiment même plus du minimum vital. Le dumping salarial cause d'importants ravages et la situation des travailleurs de ce canton, dans le secteur privé tout particulièrement, est en train de se dégrader. Le Conseil d'Etat ne fait rien face à la venue d'importants contingents de travailleurs venant de l'extérieur, notamment les travailleurs frontaliers, en prétendant que ceux-là n'occasionnent aucun problème en ce qui concerne le respect des salaires, à Genève. Personne n'y croit. Vous pouvez, Monsieur Lamprecht, aller discuter avec l'homme de la rue et vous verrez ce qu'il en pense.

Le nombre de personnes qui doivent aujourd'hui faire appel à l'assistance publique auprès de l'Hospice général est en train d'exploser. Genève, qui pouvait être fière de ses soins hospitaliers, connaît aujourd'hui un problème extrêmement grave à l'Hôpital cantonal, où des listes d'attente obligent les gens à attendre plusieurs mois avant de pouvoir subir une intervention chirurgicale; cela est dû au fait que de moins en moins de citoyens peuvent payer des assurances complémentaires, dans un système d'assurance complémentaire totalement inique en ce qui concerne les cotisations, que vous, la droite, n'avez jamais voulu réformer.

L'école connaît une importante augmentation du nombre d'élèves; dans une émission radiophonique, on faisait hier valoir que, en Suisse allemande, les élèves redoublaient beaucoup moins qu'à Genève parce que la prise en charge des élèves en difficulté était plus grande. Les propos de la personne qui, s'exprimant au nom du Fonds national de la recherche scientifique, avançait ces arguments sur la base de statistiques, démontrent que Genève n'est pas en avance sur la Suisse alémanique.

On peut voir quelle déplorable politique vous voulez mener, notamment lorsque l'on observe comment vos amis politiques, Monsieur Cavaleri, veulent supprimer le logement social, au moment où la crise du logement atteint un niveau scandaleux par le fait des pratiques de certains de vos amis des milieux immobiliers.

Face à cette situation de crise, il importe que le budget de l'Etat développe son action sociale au lieu de la diminuer, comme cela nous est proposé dans le budget du Conseil d'Etat, sans compter les amendements que la droite veut encore y apporter. Vous invoquez les dettes existantes, nous sommes les premiers à les déplorer. Mais qui en est responsable ?

Depuis 1936, le Conseil d'Etat a toujours eu une majorité de droite; le responsable des finances et des contributions a toujours été un conseiller d'Etat des partis de l'Entente, sauf pendant la période de Mme Calmy-Rey. C'est sous l'empire du gouvernement monocolore, la période qui va de 1993 à 1997, que des déficits énormes ont été créés par la politique désastreuse de votre majorité. Vous pouvez froncer les sourcils. Je suis navré, Madame Brunschwig Graf, mais vous, les partis de l'Entente, avez voulu avoir le pouvoir pour vous tout seuls, et on a vu ce que ça a donné pendant quatre ans.

Avec beaucoup de courage, le Conseil d'Etat et Mme Calmy-Rey ont réussi à redresser la situation... (Exclamations.) ...à revenir dans les chiffres noirs. Je comprends que cela vous gêne, mais la réalité des chiffres est là. (L'orateur est interpellé.). Le déficit a disparu et pourquoi est-ce qu'il est revenu ? Parce que vous avez bien réussi votre affaire, avec l'initiative réduisant les impôts de 12%. Toutefois, aujourd'hui, il y a de plus en plus de citoyens qui se rendent compte qu'ils ont été dupés. En effet, lorsque nous questionnons les personnes que nous représentons, nous nous entendons répondre: «Nous n'avons pas bénéficié de baisses d'impôts, contrairement à ce qui nous a été promis... (Exclamations.)...au contraire, nos impôts ont augmenté». Qui a profité de votre initiative ? Vous le savez parfaitement: ce sont les 20% des contribuables qui se trouvent dans une situation extrêmement aisée, qui ont des revenus supérieurs à 150 000 ou 200 000 F. Ces personnes-là, bien entendu, ont vu le profit qu'ils ont pu tirer de votre initiative. Cette dernière a permis de faire diminuer les recettes d'environ 400 millions de francs par année. Cela représente concrètement plus que le déficit que nous accusons actuellement. Et si l'Etat ne peut pas maintenir ses prestations, c'est parce que vous avez voulu vider les caisses de l'Etat. C'est une politique que certains milieux de droite mènent depuis longtemps, mais vous devriez comprendre, une fois pour toutes, que cette politique est désastreuse, parce que les gens gagnent de moins en moins d'argent et cela est très néfaste pour le développement de l'économie.

La présidente. Monsieur le député, vous atteignez le seuil des sept minutes de temps de parole.

M. Christian Grobet. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas proposé, nous, d'augmenter les impôts. Nous proposons simplement, à travers un projet de loi que vous n'avez même pas daigné discuter, lors du traitement du budget, au moment où la question des recettes du budget est fondamentale - parce que la crise n'est pas une crise des dépenses mais bien une crise des recettes. Nous proposons simplement de supprimer progressivement le rabais d'impôts que vous avez consenti aux contribuables les plus favorisés de ce canton.

Une voix. A tout le monde !

M. Christian Grobet. Non, pas à tout le monde, précisément pas ! Parce que c'est un jeu de dupes, en ce qui concerne ceux qui ont des revenus au-dessus de 100 000 F. Vous savez très bien que ce sont vos amis qui touchent plus de 200 000 F par année qui sont en cause.

La présidente. Monsieur le député... (La présidente agite la cloche.)Monsieur le député ! Votre temps de parole est écoulé.

M. Christian Grobet. Et s'il n'y a pas un minimum de solidarité de la part des gens aisés de ce canton, notre situation sociale se dégradera de plus en plus et nous ne pouvons pas l'accepter. Nous refuserons un budget aussi injuste que celui que vous nous proposez. (Applaudissements.)

M. David Hiler (Ve). J'aimerais dire deux ou trois petites choses au préalable, pour en finir avec les «politicailleries». D'abord, quant à la troisième République, Monsieur Lescaze, vous le savez, le gouvernement a été élu par l'assemblée, ce qui fait qu'il s'agissait d'un régime de coalition et non d'un gouvernement, élu par le peuple, ayant son autonomie.

Deuxièmement, Monsieur Lescaze et Monsieur Cavaleri, le jour où vous avez décidé de refuser l'entrée en matière sur le budget 2003, vous en avez terminé avec la majorité qui, jusqu'alors, avait soutenu, pour les deux premières années de la législature, le gouvernement, en soutenant ce budget. C'est votre droit. Vous avez choisi une ligne, cette ligne vous amène à définir la politique de ce canton avec l'UDC, c'est encore une fois votre droit - chacun choisit ses amis et ses cousins. (Manifestation dans la salle.)

Pour le reste, pourquoi ne «faisons-nous pas de propositions» ? Cette question est intéressante. Il me semble que M. Cavaleri a manqué un épisode: nous n'entrons pas en matière sur ce budget parce que - et je le dis aux sept conseillers d'Etat - nous avons été choqués par le type de mesures que vous avez proposées. D'un côté, attaque contre les chômeurs; attaque contre les prestations complémentaires AI; attaque contre les barèmes fiscaux. De l'autre côté: avez-vous, vous-mêmes, dans chacun de vos départements, essayé de trouver, de manière progressive, des économies qui suivraient la volonté de l'UDC - soulignons-le - c'est-à-dire qui «débureaucratiseraient» cet Etat ? Pouvez-vous jurer, par-devant ce parlement, être certains que, parmi les 7000 membres du personnel administratif, aucun poste n'est excédentaire ? Alors même que la ministre des finances critique très durement l'augmentation des dépenses des années précédentes, vous ne pouvez donc faire aucun effort sans vous en prendre, au premier chef, à ceux qui sont victimes de ce qui se passe actuellement dans notre société ? C'est un premier élément.

De ce jour-là, il n'était plus question d'entrer en matière sur ce budget, qui allait, en revanche, au-devant d'une majorité - et je peux comprendre cela -, la majorité qui a durement fait sentir son poids en 2004, à savoir l'Entente et l'UDC. C'est pour cette première raison, Mesdames et Messieurs les députés, que nous combattons ce budget.

La deuxième raison a été évoquée. Le Conseil d'Etat, qui s'était fixé des objectifs très ambitieux, a dû réaliser que, sans nouvelles recettes, ce serait compliqué. Les nouvelles recettes provenaient de l'imputation de charges aux communes - c'était évidemment plus facile que d'expliquer au peuple qu'il fallait augmenter les impôts. Toujours est-il que cela n'ajoute rien à la santé de notre canton sur le plan de ses collectivités publiques et que, en outre, la possibilité que cela se réalise - c'est-à-dire que cette proposition soit acceptée par le peuple - est assez faible. Dès lors, et c'est ce qui explique une partie du calme - ou du désintérêt - qui ont régné jusqu'à présent, dans ce parlement, sur ce débat d'entrée en matière, nous savons tous que tout sera discuté devant le peuple et, comme M. Lescaze, j'estime que c'est bien ainsi.

Pour ce qui est du budget d'aujourd'hui, nous avons tout de même appris deux ou trois choses de l'exercice 2004. Nous sommes aujourd'hui confrontés à un fétichisme des chiffres, tout comme nous l'étions pour le budget 2004. Rappelez-vous: nous savions - au moins tous les membres de la commission des finances et de la commission de l'économie - qu'il fallait ajouter 26 millions de francs pour les emplois temporaires. Le Conseil d'Etat le savait, M. Lamprecht l'avait dit. Pensez-vous que quelqu'un aurait corrigé le budget que vous avez accepté ? Pas du tout ! En effet, nous ne nous trouvions alors plus dans l'objectif du plan financier quadriennal. Résultat des courses, M. Weiss le confirmera, ce ne sont pas 26 mais 31 millions de francs qui manquent dans les caisses. Voilà pour ce qui concerne le «remarquable travail» qu'a fait notre commission ! Ces millions manquent toujours. Je démontrerai cette affirmation en rappelant l'exposé des motifs du Conseil d'Etat dans lequel M. Lamprecht explique bien que si la nouvelle loi sur le chômage n'entre pas en vigueur le 1er janvier 2005, il faudra changer les chiffres. Nous citerons la page quand le moment venu, Monsieur Lamprecht. Or le référendum a abouti et donc, au mieux, ce sera le 1er juin.

Je passe maintenant aux 15 millions pris sur le fonds d'assainissement, ce qui est un acte illégal au sens de la loi fédérale. En effet, on ne peut pas prélever d'impôts indirects et prendre de l'argent dans un fonds qui est alimenté par des taxes pour couvrir le budget. C'est manifestement un impôt sur la consommation - non autorisé pour les cantons mais seulement pour la Confédération. La «fine invention» d'hier soir sur la redevance concernant les Services industriels de Genève sera évidemment considérée comme un impôt déguisé et un impôt sur la consommation devant n'importe quel tribunal. Nous arrivons donc déjà à une cinquantaine de millions de plus que ce qui est fixé dans votre budget.

Je demanderai à M. Unger de m'expliquer, par quel miracle, compte tenu du dépassement de 17 millions, il peut arriver à des chiffres inférieurs, pour l'Hospice général, à ceux du budget plus les 17 millions, alors même que le nombre de gens qui doivent s'adresser à l'Hospice est toujours plus grand - et cela est triste. Je lui demanderai donc quel est le chiffre exact.

Je poserai la question à Mme Spoerri, de savoir...

La présidente. Monsieur le député, vous êtes bientôt au bout.

M. David Hiler. Oui, c'est bon. Quand j'aurai fini, dites-le-moi, je m'arrêterai tout net. Madame Spoerri, est-ce que vraiment, pour le pouvoir judiciaire, ce qui est inscrit comme étant dévolu à l'aide judiciaire - qui est une loi: on doit aider un certain nombre de personnes à payer des honoraires d'avocats - est suffisant, au vu du dépassement considérable qui a été fait ?

J'en finis maintenant avec les 0,5%. Ce n'est pas dramatique, ce n'est pas malin, et c'est la raison pour laquelle nous reviendrons sur les subventions pour des raisons que nous vous exposerons. Pour l'heure, Mesdames et Messieurs les députés, ce que nous retenons, c'est que le budget n'est ni sincère, ni exact et très peu social, et qu'il ne contient aucune avancée ni dans la réforme de l'Etat, ni dans sa «débureaucratisation», qui sont pourtant nécessaires au financement des prestations sur le terrain. J'ai eu des accrochages avec certains, à gauche, mais je continue à le dire: si vous ne «débureaucratisez» pas l'Etat, si vous dites que tout ce qui est l'Etat est nécessaire à tout moment, vous coulerez ses parties les plus nécessaires, à savoir la santé, le travail social et l'instruction publique. C'est déjà ce qui est en train de se passer, c'est ce qu'a fait le Conseil d'Etat avec un immense talent ! (Applaudissements.)

M. Hugues Hiltpold (R). Le groupe radical regrette, en premier lieu, le manque de clairvoyance du Conseil d'Etat, qui n'a pas su saisir le signal donné par le législateur... (La présidente agite la cloche.)...en juin dernier, à l'occasion du vote du budget 2004. En effet, le projet de budget déposé en septembre dernier présentait un déficit de 290 millions, mais il avait été obtenu par le truchement d'un certain nombre d'artifices et autres subterfuges.

Il faut reconnaître que la République se retrouvait alors dans une situation épineuse qui voyait le Conseil d'Etat déposer un projet de budget qu'aucun groupe parlementaire ne soutenait - ce qui est un fait pour le moins particulier dans l'histoire de nos institutions.

La présidente. Monsieur le député, on ne vous entend pas tellement. Veuillez vous rapprocher du micro, merci.

M. Hugues Hiltpold. Le groupe radical n'était pas favorable aux mesures proposées par le Conseil d'Etat, car il estimait qu'aucune réflexion de fond n'avait été menée, réflexion qui aurait permis de dégager un certain nombre d'économies structurelles à moyen terme et à long terme, dans le but de réduire les dépenses de l'Etat de façon sensée et maîtrisée.

Cela étant, il est apparu, d'une part, indispensable que la République soit dotée d'un budget voté en décembre 2004; d'autre part, qu'il n'était absolument pas souhaitable de réitérer l'exercice précédent, à savoir un certain nombre de mois avec des douzièmes provisoires.

Le groupe radical a considéré que le déficit admissible - si tant est que l'on puisse considérer qu'un déficit soit admissible - devait s'inscrire dans le cadre mis en place dans le plan financier quadriennal, à savoir un déficit maximum admissible à 290 millions. C'est la raison pour laquelle la majorité parlementaire, composée par l'Entente et l'UDC, a conclu un accord stipulant d'une part la nécessité de prévoir un budget qui comprenait un déficit admissible à 290 millions, et d'autre part que celui-là soit voté lors de la session de ce jour.

Parmi les plus importantes mesures proposées, il convient de mentionner la participation des communes aux frais de l'office cantonal des personnes âgées, cela pour une année; une réduction des dépenses d'un demi-pourcent, ce qui permet d'économiser environ 17 millions; et, enfin, une contribution ou un geste de la part des Services industriels de Genève pour l'année 2005, en vertu du fait que cette régie publique a dégagé un certain nombre de bénéfices exceptionnels qu'il faut mettre en relation avec la non-acceptation de la libéralisation du marché de l'électricité.

Je m'empresse également de rappeler que l'indexation des salaires limitée à 0,75% sera soutenue et que celle-ci restera malgré tout supérieure à nos voisins vaudois. Je tiens également à dire que les 75 postes supplémentaires pour le DIP ne sont absolument pas remis en cause.

Le groupe radical soutiendra toutes les mesures dont on a fait état, même s'il admet que celles-là s'apparentent davantage à des économies de surface qu'à des réelles mesures structurelles en profondeur. Toutefois, il ne s'engagera plus dans un énième exercice budgétaire de ce type, sans que des mesures d'économies structurelles aient été engagées. Ainsi, dès le prochain exercice budgétaire, nous demandons, d'une part, que l'équilibre financier soit atteint et que, d'autre part, des projets de lois structurels aient entre-temps été déposés.

Force est de constater également que notre République connaît une petite crise institutionnelle qui voit se confronter l'Etat, l'exécutif et le législatif, les communes et certaines grandes régies publiques. Cette crise ne peut que s'expliquer par un manque de volonté manifeste du Conseil d'Etat de ne pas vouloir gérer rigoureusement chaque département, en adéquation avec son parlement, celui-là se bornant à répercuter les problèmes de dépenses et de recettes ailleurs. On ne pourra plus continuer à administrer cette République ainsi, car il n'est tout simplement plus imaginable de doter des budgets avec un certain nombre de cataplasmes et espérer avoir un budget après plus de vingt ou trente heures de débats. Une réforme de nos institutions s'impose, elle doit se faire rapidement.

Je conclurai en rappelant qu'aucun licenciement n'est prévu, qu'on ne peut pas déplorer un démantèlement social, comme certains groupes de cette enceinte le déplorent, mais qu'il s'agit simplement d'un accroissement des dépenses qui est revu à la baisse. Objectivement, on peut tout à fait faire fonctionner la République avec plus de six milliards de francs.

Le groupe radical vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce budget, un budget certes particulier mais dont Genève a réellement besoin.

Des voix. Très bien !

La présidente. Merci, Monsieur le député. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants.

M. Pierre Weiss (L). J'aimerais commencer mon intervention de la même manière que l'a fait mon collègue Hiler en disant: «Foin de politicailleries !». Il a eu raison de poser des questions, tout à fait pertinentes, à trois des conseillers d'Etat ici présents. La sonnette de fée clochette l'a atteint alors qu'il voulait certainement encore en poser trois autres à MM. Moutinot, Beer et Cramer. Il aurait ainsi pu demander à M. Moutinot comment il comptait s'y prendre pour remplir son intention de diminuer les effectifs de l'administration centrale de 10%. Il aurait aussi pu demander comment, depuis sept ans, il y a une augmentation de 1800 postes dans la même administration centrale. Je le suis entièrement dans sa volonté de rationaliser notre administration, afin de donner l'appui de l'Etat à ceux qui en ont besoin. J'ai donc trois questions simples, par lesquelles je commencerai mon intervention, qui appellent des réponses d'une complexité croissante.

La première: quel endettement tolérons-nous ?

La deuxième: quel déficit sommes-nous prêts à supporter ?

La troisième: par quels moyens voulons-nous parvenir à le réduire ?

En ce qui concerne l'endettement, d'abord, je crois qu'il est inutile de rappeler les engagements que certains avaient pris au début de cette législature, consistant à le réduire d'environ 500 millions, à chaque année et à chaque exercice. La conjoncture a été relativement défavorable, mais la réflexion sur l'Etat trop «gras», sur l'Etat probablement inégalement ou inéquitablement généreux, a été insuffisante. Elle ne fait en réalité que commencer.

Elle a commencé lorsque le plan financier quadriennal - et cela concerne la deuxième question - a été élaboré par le Conseil d'Etat. Il s'agit d'un plan financier quadriennal - que nous soutenons, au parti libéral - qui vise à un déficit maximal de 170 millions, l'an prochain, et de zéro million dans deux ans.

Mais ce plan financier quadriennal ne va pas sans passer par une réponse à la troisième question, à savoir les moyens pour y parvenir. Ce sont les moyens GE-Pilote et nous rendons plus particulièrement hommage à notre ministre des finances, Mme Martine Brunschwig Graf. Il s'agit de savoir quelles sont les prestations indispensables, quelles sont celles qui sont souhaitables et quelles sont enfin celles qui ne sont qu'agréables. De ce point de vue, nous avons essayé d'inscrire l'engagement de l'Etat dans la durée par le projet de loi sur la fonction publique - qui a été rappelé - par le projet de loi sur la Cour des comptes; par celui sur les subventions; par celui sur le frein à l'endettement qui verra prochainement le jour et qui, je l'espère, sera adopté en commission; par un projet de loi sur la Genève internationale et un autre sur la coordination de l'aide sociale. Nous avons appuyé les efforts du Conseil d'Etat lorsqu'il s'est essayé à définir un revenu déterminant unique; nous l'avons appuyé dans ses efforts structurels, dans le cadre de ce budget, sur les normes pour l'aide sociale et sur les cotisations d'assurance-maladie auxquelles les étudiants de familles aisées n'ont pas droit. Au-delà de ces actions législatives, il y a les actions concrètes dans le cadre du projet de budget. Certes, ce projet de budget n'est pas totalement satisfaisant et nous partageons entièrement le diagnostic dressé par le rapporteur de majorité. Il n'empêche que nous avons essayé, compte tenu des imperfections relevées, de jouer notre rôle de force de proposition au sein de l'Entente. Si demain, il y a un budget; si demain, les subventions sont assurées; si demain, les salaires sont augmentés pour la fonction publique et si, demain, il y a davantage d'emplois au sein de cette dernière, ce ne sera pas à ceux qui refusent aujourd'hui l'entrée en matière de ce budget, c'est-à-dire l'Alternative, qu'on le devra, mais bien à l'Entente et à l'UDC. Les membres de l'Alternative refusent de prendre leurs responsabilités.

On peut partager le scepticisme de notre collègue Iselin sur les recettes futures et l'on verra bien, lorsque l'on en sera aux comptes 2005 - sans parler du budget 2006 - où on en sera, en réalité.

Avant de conclure, j'aimerais faire trois brèves observations sur les rapports de minorité. Mme Gauthier, comme M. Hiler, affirme qu'il faut diminuer les effectifs de l'administration centrale. Elle s'est bien gardée, en commission, de faire la moindre des propositions allant dans ce sens. Je n'en comprends encore pas les raisons aujourd'hui.

Je rappellerai à son collègue, M. Velasco, que son raisonnement sur la baisse des impôts est, pour le moins, non dynamique. Peut-il nous garantir aujourd'hui que le projet de loi sur la hausse des impôts, que des membres de son parti ont signé - je ne sais pas s'il l'a personnellement signé - rapportera davantage à l'Etat ? Ne fera-t-il pas, au contraire, fuir les contribuables... (Manifestation dans la salle.) ...pour autant que la population l'accepte ? Je pense d'ailleurs que c'est un test extrêmement intéressant: proposer une hausse des impôts en année électorale. (Exclamations.)

Enfin, lorsque M. Mouhanna nous dit que la baisse linéaire de 0,5% équivaut à 700 emplois en moins...

M. Souhail Mouhanna. Non, je n'ai pas dit cela !

M. Pierre Weiss. C'est ce que j'ai cru comprendre. (M. Mouhanna lui répond.)Ah ! J'ai donc mal compris. Par conséquent je n'ai aucune remarque à faire vis-à-vis de ses propos.

Aujourd'hui, «La Tribune de Genève» titrait qu'en Suisse nous vivons aux frais de nos enfants. J'ajoute qu'à Genève nous vivons aux frais de nos petits-enfants. Notre ligne consiste à faire en sorte qu'il n'en soit plus ainsi à l'avenir. C'est dans ce sens-là que nous nous engageons et dans ce sens-là que nous vous proposons d'entrer en matière sur ce budget, parce que nous, au parti libéral, nous prenons nos responsabilités. (Applaudissements.)

Mme Mariane Grobet-Wellner (S). La situation de crise dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui résulte d'une énorme perte de recettes fiscales, causée par la diminution des impôts cantonaux de 12%. Cette perte s'élève aujourd'hui à deux milliards de francs et a, pour part essentielle, profité aux contribuables disposant de revenus très confortables. Le «corset» que le Conseil d'Etat s'est imposé, sous la forme du plan financier quadriennal, s'avère aujourd'hui être une camisole de force auto-infligée. Malheureusement, cette camisole n'empêche pas la droite de tirer à boulet rouge sur l'Etat social et d'entraîner Genève droit dans le mur. La suppression de l'indexation des déductions et des barèmes fiscaux ayant fait l'unanimité contre elle pour refuser ces mesures, le Conseil d'Etat s'est vu obligé de reculer. Il renonce à la suppression de l'indexation des barèmes et propose l'indexation des déductions, cette fois sur deux ans - au lieu d'une année. Les déductions seront indexées pour moitié en 2005 alors que l'autre moitié le sera en 2006. Ce supplément de recettes, estimé à vingt millions de francs, sera, pour l'essentiel, prélevé chez les contribuables aux revenus moyens, tout en épargnant, une fois de plus, les citoyens aux revenus très élevés, dont le taux de la dernière tranche d'imposition n'augmente plus, ayant atteint le maximum. Je rappelle que ce sont justement ceux qui ont pu, pour l'essentiel, bénéficier de la diminution de 12% de l'impôt cantonal. Ces diminutions coûtent, chaque année à notre canton, plus de 300 millions de francs, sous forme de pertes de recettes fiscales, depuis 1999. Cette perte, accumulée en cinq ans, s'élève à deux milliards de francs. (L'oratrice est interpellée.)Deux milliards, absolument, ce sont les chiffres, ce n'est pas faux, je peux vous le montrer, ce ne sont pas mes propres calculs. (Commentaires.)

La fonction publique passera une fois de plus à la caisse, par le non-respect des accords salariaux et le non-engagement du personnel nécessaire pour faire face aux tâches notamment sur le plan de l'encadrement dans les écoles et sur le plan social. Il est pourtant certain que ces manquements se traduiront par une augmentation des dépenses nécessaires pour remédier aux dégâts causés par ces économies, qui n'en sont pas, bien au contraire.

L'indexation des salaires sera limitée à 0,75% et ni l'annuité ni la prime de fidélité ne seront versées. Cela n'a toutefois pas suffit, à la droite et à l'UDC, qui ont décidé, en plus, d'imposer une diminution linéaire de 0,5% sur les rubriques «frais de personnel, dépenses générales, subventions». C'est l'équivalent de 170 postes en moins, sur l'ensemble de l'Etat, dont 50 au DIP et 20 au DJPS. Puis il y a eu l'idée de génie du Conseil d'Etat consistant à transférer ses obligations aux communes, mais en oubliant «de transférer les moyens financiers nécessaires». Prétextant une possible amélioration de la qualité et du fonctionnement des services, ils proposent de passer une partie de ces charges aux communes qui, en outre, ont déjà voté leur budget 2005, sans la moindre concertation au préalable avec elles.

En toute logique, et là je m'adresse au Conseil d'Etat, il appartenait au Conseil d'Etat de dire clairement qu'il s'était trompé et de présenter un nouveau plan plus réaliste, en vue d'un retour à l'équilibre. Il n'en est, hélas, rien. En lieu et place, soutenu et encouragé par ceux que j'appellerai les «Pom pom boys and girls», la droite antisociale, il persiste dans l'erreur et présente un budget totalement antisocial, inacceptable pour les socialistes, les Verts et l'AdG.

Le résultat de cette volonté du Conseil d'Etat de se tenir à tout prix à son plan financier quadriennal, en dépit de tout bon sens économique et social, sera sans doute que les pseudo-économies de 2005 se transformeront immanquablement, et dans un très proche avenir, en dépenses incontournables décuplées, pour tenter de remédier aux dégâts causés - et encore, si faire se peut ! Le rétablissement des finances de notre canton se fera nécessairement dans la concertation avec les partenaires, y compris avec la fonction publique, en respectant les règles élémentaires de bonne foi, ainsi que la parole donnée, et en tenant compte des besoins de la population. (Applaudissements.)

M. Rémy Pagani (AdG). J'aimerais tout particulièrement m'attacher à une question que M. Cavaleri nous a posée à tous, c'est-à-dire de savoir comment nous allions faire pour sortir la République de ce mauvais pas. M. David Hiler a donné une partie de la réponse et je pense qu'il faut encore y ajouter des éléments.

Monsieur Cavaleri, il est extrêmement grave de poser la question comme cela. En effet, vous fixez les règles du jeu: non seulement vous contribuez à ce que l'Etat manque de ressources, mais en plus vous demandez que nous vous aidions à trouver des «économies», puisque, selon vous, il faut «supprimer le gras» qui subsiste encore à l'Etat.

Vous pensez que notre seule issue est de vous aider à participer à ce processus qui conduit à de très grandes difficultés. Nous n'acceptons pas les règles de ce jeu dont vous avez fixé les termes depuis deux ans. Concrètement, ces difficultés se constatent parmi les mesures les plus aberrantes que vous allez imposer à ce canton, il s'agit de la réduction linéaire de 0,5%. Pendant les années nonante, chaque année, nous avons vécu une réduction de 2%. Or nous en subissons encore les conséquences aujourd'hui. Pour vous montrer à quel point vos mesures sont irresponsables, je prendrai l'exemple des offices des poursuites et des faillites. Il y a deux ou trois jours, une conférence de presse a eu lieu, dans laquelle Mme la présidente Spoerri évaluait qu'il faudrait encore deux ans d'intenses efforts pour sortir les offices des poursuites et des faillites du marasme dans lequel un des conseillers d'Etat les avait mis. Il manque vingt et un postes de travail. Or, avec cette coupe linéaire de 0,5%, non seulement vous ne donnez pas vingt et un postes de travail que tous s'accordent à reconnaître comme nécessaires pour faire le travail vital au fonctionnement économique de notre République. Il s'agit en effet d'absorber les 24 000 retards de commandements de payer, car ils représentent non seulement des gens qu'il faut poursuivre, mais aussi des gens qui attendent un argent qui leur est dû, afin de faire fonctionner leur entreprise. Vous mettez donc en péril le travail d'assainissement qui a été effectué, puisque vous le mettrez «à la diète» de 0,5%.

L'office de la jeunesse a subi des coupes linéaires de 2% pendant les années nonante. Pire: la directrice de l'office de la jeunesse, avant qu'elle ne soit remplacée, a continué à faire des coupes linéaires, à tel point que les infirmières ont fait grève et que le gouvernement a dû débloquer un certain nombre de postes pour satisfaire à ce besoin urgent. Avec cette coupe linéaire, vous allez, encore une fois, empêcher le développement nécessaire et, ainsi, ce service n'aura pas les moyens de se sortir des difficultés dans lesquelles il se trouve, parce que certains ont cru bon de continuer à serrer la vis, y compris dans l'avant-dernière législature.

Avant l'été, tout le monde, dans cette enceinte, disait, à propos de la police: «Il est important de donner des effectifs à la police.» Nous avons voté et donné 175 postes, Mesdames et Messieurs les députés, presque à l'unanimité. En effet, non seulement vous n'allez pas donner ces 175 postes, car vous allez prétendument donner 75 postes à l'école, mais vous allez mettre la police au «régime sec», puisque vous allez couper 0,5% dans le budget de fonctionnement. Voilà la réalité de vos mesures sur des services concrets. Il ne s'agit pas aujourd'hui de montrer quelles sont les économies que vous nous proposez, il s'agit de montrer les effets concrets de la politique que vous menez.

L'autre aspect du problème que vous soulevez consiste à savoir ce qu'il faut faire pour réformer structurellement l'Etat - et je m'inscris donc en faux à l'égard de ce qu'a dit M. Hiler, parce qu'à l'Alliance de gauche nous sommes pour une réforme structurelle de l'Etat. Nous estimons que l'Etat fonctionne aujourd'hui sur le même modèle que celui sur lequel il fonctionnait au début du XXe siècle, à savoir sur un modèle de type pyramidal, hiérarchique et militariste - dans certains services, on parle de «sections», c'est tout juste si on ne parle pas de régiments. Cette structure fait en sorte qu'une pléthore des cadres intermédiaires sont maintenus et que l'autonomie présente ne soit pas développée, notamment celle des fonctionnaires de la fonction publique. Cela rejoint ce que disait mon collègue Spielmann: on ne veut pas discuter avec les fonctionnaires de la base, qui sont sur le terrain et qui pourraient faire de très concrètes propositions, parce que l'on tient à privilégier ce système pyramidal. Nous contestons ce système pyramidal. Personne, au sein du gouvernement, n'a mis ce système en cause parce que certains veulent «rester aux manettes», comme s'il suffisait d'être en haut de la pyramide pour avoir les manettes en main.

Cela étant, nous n'acceptons pas la critique selon laquelle nous ne voulons pas restructurer l'Etat. Nous avons au contraire toujours dit que nous voulions faire en sorte que l'ensemble de la fonction publique participe. Toutefois, pour que cette dernière participe, il faut au moins, lorsqu'elle demande à négocier - notamment sur ses conditions salariales - qu'on ait la politesse de répondre à ses propositions de négociation...

La présidente. Monsieur le député, six minutes trente, s'il vous plaît, Monsieur le député.

M. Rémy Pagani. J'en termine par là, Madame la présidente, ce qui n'a manifestement pas été fait de la part du Conseil d'Etat et je le regrette.

M. Pierre Kunz (R). Nous assistons au match saisonnier habituel. Les gants rouges de la gauche contre les gants noirs de la droite. Mesdames et Messieurs les députés, et si nous parlions de l'arbitre ?

La majorité va donc voter, pour 2005, un budget qui, sous le prétexte d'un pseudo-plan financier quadriennal, d'ailleurs rejeté par ce Grand Conseil, fait la part belle aux bricolages éphémères, aux jongleries comptables et aux expédients de tous ordres. Il s'agit d'un budget dont nous savons tous qu'il est bien plus déficitaire qu'il n'y paraît - cela a déjà été relevé. La minorité, quant à elle, va s'y opposer, sous le prétexte - qu'elle sait d'ailleurs parfaitement irréaliste et déraisonnable - qu'il n'est pas assez généreux et pas assez déficitaire. Comment se fait-il que, à gauche comme à droite, nous en soyons réduits à ce simulacre verbeux, à ce jeu de dupes, à ces enfantillages statistiques ? Comment se fait-il que, une fois de plus, comme par fatalité, nous nous trouvions contraints de débattre, un peu stupidement, pendant des heures, de mesures cosmétiques et d'expédients lamentables et que nous renoncions à nous exprimer - et à décider - sur les vraies questions, celles qui détermineront l'avenir de Genève, que, par calcul électoral, pour les uns, par manque de courage ou de volonté pour les autres, nous renonçons à aborder. Pour moi, la réponse est claire: c'est parce que le gouvernement, ce gouvernement politiquement informe, sans colonne vertébrale idéologique, sans ambition réformatrice...

Une voix. Eh bien, vas-y !

M. Pierre Kunz. ...ce gouvernement ne gouverne pas. Il n'a pas été capable, Mesdames et Messieurs les députés, en trois années complètes, d'élaborer un projet et une stratégie politiques pour ce canton. (Exclamations.)Il faut le dire: ce Grand Conseil est inefficace. (Manifestation dans la salle.)Cependant la raison principale de cette inefficacité est hors de ce parlement. Depuis le début de la législature, l'inaction du Conseil d'Etat et son incapacité à montrer la voie ont littéralement paralysé ce Grand Conseil exacerbant les tensions gauche-droite. Elles expliquent le feu d'artifice législatif, largement inutile, tiré par les députés de tous bords.

S'il en est ainsi - et l'histoire l'a démontré en Suisse comme ailleurs - c'est parce qu'un parlement, même s'il est animé de la meilleure intention du monde, même si sa commission des finances est la plus extraordinaire du monde, restera toujours incapable de faire la politique nécessairement courageuse, en ces temps difficiles, que l'exécutif devrait faire et qu'il ne fait pas.

M. Guy Mettan (PDC). Beaucoup de choses ont été dites, je vais donc essayer d'être bref. Je commencerai par un point qui nous mettra tous d'accord: ce budget est comme la démocratie, c'est-à-dire que ce budget est le pire de tous les budgets, à l'exception de tous les autres. (Manifestation dans la salle.)Effectivement, nous aurions pu avoir des budgets totalement catastrophiques, comme celui que nous proposait l'Alliance de gauche, qui voulait péjorer ce budget de 200, 300 ou 400 millions de francs de déficit supplémentaire. Nous aurions pu avoir un budget catastrophique, c'est sûr. Nous aurions aussi pu avoir un budget proposant des coupes dans les dépenses sociales ou la santé, nous ne l'avons pas. Je comprends que ce budget vous irrite, Mesdames et Messieurs les députés de la gauche: c'est en effet un budget qui concilie l'inconciliable, c'est-à-dire qu'il concilie la rigueur, dans la gestion de l'Etat, avec la solidarité. (Rires. Exclamations. Applaudissements. La présidente agite la cloche.)C'est cela qui vous irrite. Essayez de rire... (L'orateur est interpellé.)C'est exactement ce que nous avons réussi à faire et c'est pour cela que, malgré tout, il est acceptable.

Pourquoi ce budget est-il rigoureux ? Parce qu'il entre dans le plan de redressement des finances que le Conseil d'Etat a fixé dans son plan financier quadriennal. Cela est dû au fait qu'il met fin à la croissance exponentielle des déficits, en contenant le déficit dans le cadre de l'objectif de 290 millions de francs. C'est donc bien la preuve que c'est un budget de rigueur qui s'assume en tant que tel.

C'est aussi un budget solidaire, même si vous souriez, Mesdames et Messieurs les députés. En effet, ce budget donne 0,75% d'indexation aux fonctionnaires; il ne licencie aucun fonctionnaire et il permet même d'en engager 75 à l'instruction publique. (Exclamations.)Je ne vous ai pas encore entendus nous féliciter pour cela. C'est normal, puisque cela ne va pas dans le sens que vous voulez. C'est aussi un budget solidaire parce qu'il ne coupe pas un franc dans les dépenses sociales ni dans celles de la santé. (Manifestation dans la salle. Exclamations.)Evidemment, je comprends que cela vous gêne et que vous omettiez de le dire.

C'est aussi un budget social en matière d'impôts. Vous attirez l'attention sur le fait que nous ayons réduit les impôts de 12%. Mais vous oubliez que, pendant le même laps de temps, le nombre des personnes exonérées d'impôts est passé de 18 à 24%... (Exclamations. La présidente agite la cloche.)...et que ces personnes sont parmi les plus pauvres du canton. J'aimerais que vous mentionniez ce fait, parce que les personnes qui sont dans le besoin bénéficient aussi de cette exonération - et c'est là un geste social.

Quant à la solidarité internationale, que vous avez cru bon nous reprocher: nous nous rallierons à la proposition du Conseil d'Etat qui ajoutera deux millions de francs à cette solidarité internationale.

Tous les arguments que vous nous opposez ne sont pas valables; un à un, ils perdent toute leur pertinence et je comprends que vous soyez fâchés. C'est pourquoi le PDC, le parti démocrate-chrétien, vous invite à voter ce budget... (Rires.)...invite toutes les personnes qui défendent la rigueur et la solidarité à le voter et invite toutes les personnes qui sont contre la rigueur et contre la solidarité à le refuser. (Applaudissements.)

M. Philippe Glatz (PDC). Tout le monde s'accorde à dire, ce soir, que la dette - de treize milliards, bientôt de quatorze et éventuellement de quinze si nous suivions les propositions faites par les partis de l'Alternative - que nous prévoyons est insupportable, à part M. Velasco, que j'ai entendu dire, tout à l'heure: «Cette dette n'est pas du tout insupportable.»

Effectivement, Monsieur Velasco, si l'on ne tient pas compte des générations futures, si l'on n'accorde aucune importance à ceux qui vont nous succéder, à nos enfants et à nos petits-enfants, comme le disait tout l'heure M. Weiss, on peut produire ce genre de raisonnements. Mais je le rappelle, Mme Laurence Fehlmann Rielle l'a souligné, il y aura plus de 40 000 F de dettes par nouveau-né. Est-ce un bon départ, pour une vie nouvelle, que de partir avec 40 000 F de dettes sur les épaules ? Je ne le pense pas et nous ne le pensons pas. En conséquence, nous fustigeons ici la politique des bras croisés, des partis de l'Alternative qui revendiquent une responsabilité gouvernementale, mais qui n'assument pas cette responsabilité au niveau de la députation. En effet, jamais nous n'avons entendu de proposition qui vise à réduire le déficit du budget de l'Etat, si ce n'est celle de continuer à vivre avec un accroissement des déficits. Vous l'avez affirmé: vous pouvez vous satisfaire d'un déficit d'un demi-milliard supplémentaire chaque année. Est-ce responsable ? Non, nous ne le pensons pas.

Nous sommes, nous, plutôt partisans d'un développement durable, consistant à nous inquiéter de l'iceberg vers lequel nous nous dirigeons, jugeant qu'il est impossible de laisser, à ceux qui nous succéderons, une dette de l'ordre de quinze ou seize milliards.

J'aimerais aussi briser une lance par rapport à votre argumentation - en complément à ce que M. Mettan vous a dit - lorsque vous parlez de la politique antisociale que nous conduisons: vous assénez des mensonges. Et ce n'est pas à force d'asséner des mensonges que l'on en fait des vérités. Je vous cite: dans vos rapports, vous dites, «Le Conseil d'Etat, avec la droite, s'attaque aux allocations complémentaires aux invalides.» Savez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, que ces allocations complémentaires aux invalides ne sont pratiquées que dans trois cantons en Suisse... (Exclamations.)...et que tous les autres ne peuvent pas les obtenir ? Ces allocations, dans le canton de Genève, sont de 33% supérieures à celles de tous les autres cantons.

Une voix. Et alors ?!

M. Philippe Glatz. Elles sont de 24% supérieures à celles de Bâle.

Quelques voix. Et alors ?!

M. Philippe Glatz. Elles sont de 17% supérieures à celles de Zurich.

Plusieurs voix. Et alors ?!

M. Philippe Glatz. Le canton de Genève est celui qui fait le plus grand effort pour les invalides.

Plusieurs voix. Et alors ?! (La présidente agite la cloche.)

M. Philippe Glatz. Nous faisons, à Genève, le plus gros effort et il faut en être fier, mais il faut aussi savoir qu'en matière de politique en faveur du handicap - parce qu'il ne faut pas confondre «handicap» et «invalidité» - les subventions y relatives ont augmenté de 71% pendant cette législature, au cours des quatre dernières années. Voilà la réalité. Par conséquent, lorsque vous parlez de politique antisociale, je dis «mensonges !»

Vous dites que nous diminuons le minimum vital de l'assistance publique. Non, nous ne faisons qu'appliquer les normes «X» IAS telles qu'elles sont appliquées dans les vingt-cinq cantons suisses. On a entendu, à propos de ces normes, des chiffres abracadabrants. On a entendu dire qu'elles réduisaient les allocations de 20%. Or le service de M. Bernard Clerc, qui est de vos rangs, affirme lui-même que cette réduction n'équivaut qu'à 3%. Cela nous met effectivement au niveau des autres cantons suisses.

«Mensonges» que de dire que nous baissons les prestations sociales. Vous dites que nous durcissons les conditions d'octroi des subsides de l'assurance-maladie aux jeunes de moins de vingt-cinq ans. Vous voulez faire pleurer dans les chaumières. Savez-vous en quoi consiste ce durcissement ? Il consiste à en supprimer l'automatisme pour les jeunes qui vivent chez leurs parents fortunés, et qui bénéficient d'un subside. Trouvez-vous normal que des jeunes enfants de millionnaires touchent des subsides ? Est-ce cela que vous défendez ? Non. Donc, «mensonges» que d'affirmer que nous diminuons les subsides. Il est important, aujourd'hui, pour le canton de Genève, de pouvoir obtenir un budget pour l'année qui vient. Votre politique, totalement irresponsable, consiste à dire: «Après nous, le déluge, créons le chaos !»

Le parti démocrate-chrétien soutiendra le budget qui est présenté, pour autant qu'il se cantonne à un déficit de 290 millions, et il vous engage à le suivre, dans un esprit de responsabilité. (Applaudissements.)

M. Claude Marcet (UDC). Si je devais résumer ce que je viens d'entendre ce soir, je dirais que ce que vous voulez, vous, sur les bancs d'en face, c'est une économie étatisée. Ce que nous souhaitons, nous, c'est une économie de marché. Malheureusement pour vous, actuellement, dans le monde occidental dans lequel nous vivons, nous sommes à l'ère de l'économie de marché, qui exige le respect d'un certain nombre de principes, notamment que le budget de l'Etat soit proportionné à l'économie sur un territoire donné. A Genève, je m'excuse de vous le dire, l'Etat, les services publics sont pléthoriques et hors de toute proportion avec la capacité de ce canton à subvenir à tout ce que vous envisagez de faire. Cela n'est pas possible.

J'entends, à propos des recettes, qu'il y a une crise les concernant. Savez-vous que depuis cinq ou six ans, il y a 20% d'augmentation des recettes alors que nous avons plus de 30% des charges. Pourquoi ? Je le dis clairement aux membres de ce gouvernement et à cette droite aussi... (M. Marcet montre les bancs de L'Entente)...c'est parce - et cela fait des années que ça dure - ils ne savent pas faire opposition à vos demandes constantes de subventions et autres charges, que nous ne pouvons pas financer.

Si nous sommes actuellement «dans le mur», c'est parce que vous avez fait le jeu qui est le vôtre: vous avez réclamé tout ce que vous vouliez obtenir et la droite n'a pas su répondre négativement alors qu'elle n'avait pas les moyens de couvrir tout ce que vous envisagiez. (Manifestation dans la salle.)

Vous me parlez des impôts. Les impôts des plus riches, à Genève, sont les plus élevés de Suisse. Les impôts des plus pauvres, à Genève, sont les plus bas de Suisse. Qui est-ce qui paie ? La classe moyenne. Quand la classe moyenne n'existera plus, vous obtiendrez exactement ce que vous critiquez, une économie à deux vitesses: ceux d'en haut et ceux d'en bas. Mais peut-être que ceux d'en haut ne seront plus là pour payer tout ce que vous voulez pour ceux d'en bas. Essayez de réfléchir, parce que ça va exactement dans le sens de ce qu'a dit M. Hiler.

Vous parlez des charges. 95% des charges sont le fait de lois, cela a été dit. Toute l'année, ici, vous votez subvention sur subvention, dépense sur dépense, et, manifestement, vous ne vous occupez jamais de savoir si nous avons la capacité de les couvrir. Et nous arrivons à un budget, où nous nous envoyons, gauche comme droite, des vérités ou des contre-vérités; nous ne sortons manifestement jamais de ce cercle vicieux.

Vous parlez de la dette. J'ai entendu M. Spielmann parler de Maastricht et de la dette. Il y a treize milliards de dette monétaire pour le canton de Genève. Peut-être que la présidente me contredira, mais ce sont les chiffres que je connais de l'économie: sur ces treize milliards de dette, trois milliards sont dus à des créanciers venant de la Suisse alors que dix milliards de l'endettement monétaire proviennent de créanciers étrangers. Je peux vous dire que nous sommes entrés dans une ère où, et manifestement, vous ne pouvez pas l'imaginer, à cause de cet effet de levier négatif et capacité de nuisance de l'étranger si les créanciers fermaient le robinet, parce qu'ils ne s'intéressent pas du tout à Genève.

Nous accusons treize milliards d'endettement monétaire, auxquels il faut ajouter cinq milliards de différentiel net négatif sur les caisses publiques en normes IFRS, plus trois milliards de la Banque cantonale, cela fait vingt milliards. Nous avons un PIB, Monsieur Spielmann - la présidente me contredira si je me trompe - de l'ordre de grandeur de vingt, vingt-cinq milliards. Selon les normes de Maastricht, pour Genève, c'est cinq à six milliards qui seraient tolérés. Faites le calcul, nous en sommes très, très, très, très loin.

J'avoue, très honnêtement, ne pas être sûr que les recettes budgétisées seront atteintes. Mais je dis clairement que je n'en veux pas à la présidente, ni à la précédente - c'est-à-dire Mme Calmy-Rey, et je l'avais dit - parce que la détermination des recettes est chose très compliquée, en fonction des éléments qui sont à notre disposition. La seule chose que je sais, c'est que les normes économétriques qui ont servi à les déterminer sont actuellement jugées très optimistes - trop optimistes - par le monde économique genevois.

Vous voulez toujours plus d'impôts. Cela me rappelle une de mes lectures d'enfance, Marx - parce que je l'ai aussi lu - qui disait: «Si tu veux tuer le capitalisme, des impôts, des impôts, toujours plus d'impôts !» Malheureusement, j'espère que la droite, ici, arrivera à contrer ce principe, faute nos petits-enfants auront quitté le territoire genevois, parce qu'il n'y aura plus rien à y faire. (Applaudissements.)

M. Jean Spielmann (AdG). Permettez-moi de faire quelques rectifications. (Exclamations.)Cela me semble quand même nécessaire. (La présidente agite la cloche.)Certains prétendent que les charges ont été augmentées de 30% en dix ans. Il faut lire correctement les tabelles qui sont à notre disposition. Dans les tabelles, on trouve les dépenses par habitant en francs constants. On peut ainsi faire des comparaisons. Il y a un peu plus de dix ans, on comptait 5005 F par habitant; en 2003, 5017 F et l'année prochaine, 5000 F. Où est l'augmentation de 30% dont vous avez parlé ? Dites peut-être que les tabelles sont fausses !

Il est intelligent, si on investit pour l'avenir et, si on a des dépenses et des déficits, de savoir s'ils sont sur les investissements ou sur le fonctionnement. Malheureusement, il y a dix ans, les investissements s'élevaient à 631 F par habitant; aujourd'hui, ils ne s'élèvent plus qu'à 607 F. Voilà les chiffres.

J'invite M. Cavaleri, qui nous accusait tout à l'heure de promettre et de faire n'importe quoi, à lire cette tabelle. Elle contient tous les chiffres depuis 1970 jusqu'en 2004. Si vous regardez correctement, vous pouvez constater que cela ne fait que quatre années que l'on a commencé à rembourser la dette. Seulement quatre - et encore, presque pas pendant une année, parce qu'il faut un peu plus d'une année pour rectifier et corriger le tir. Ce sont les quatre années durant lesquelles il y a eu une petite majorité de gauche au parlement. Vous nous accusez de tout promettre et de ne rien faire, la population peut voir les chiffres et les résultats de ce qui a été entrepris. Elle constatera que la gauche sait mieux gérer les affaires publiques que la droite... (Manifestation dans la salle.)...et que nous avons, pendant quatre ans de majorité, les quatre seuls depuis trente-cinq ans que je suis dans ce parlement, équilibré les comptes, fait des bénéfices et commencé à rembourser la dette, ce qui me semble intelligent.

Vous décrivez les choses à l'inverse de ce qu'elles sont, Monsieur Weiss. Cette tendance a été reprise par M. Marcet précédemment lorsqu'il disait, s'adressant à nous: «Vous voulez plus d'impôts, plus d'impôts, plus d'impôts ! Vous proposez des initiatives qui augmentent les impôts; la population n'en veut pas.» Nous ne proposons pas du tout de hausse d'impôts, dans cette loi. Il s'agit, pour nous, de supprimer le cadeau que vous avez fait aux millionnaires, réduisant les impôts de 12%. Nous voulons supprimer la réduction que vous avez faite parce que nous la jugeons injuste, parce que quelqu'un qui gagne 300 000 F par année gagne 637 F par mois. Celui qui a un revenu imposable de 50 000 F gagne 67 F par année. On a grugé toute une partie de la population, nous voulons rectifier cela.

Par ailleurs, on a repris purement et simplement ce que le peuple avait voté et accepté comme modification de l'impôt sur la fortune. Cela a été accepté par le peuple, il était d'accord. Vous n'avez pas voulu aller dans le sens du peuple parce que mettre cette loi en exécution correspondait à un nouveau mandat. C'est ce que nous proposons de faire. Si le Grand Conseil et le parlement refusaient de le faire, une initiative viendrait appuyer cela.

On peut se gausser de la situation économique mais, en une année, il y a eu onze mille habitants de plus, à Genève. Il y a eu six mille frontaliers de plus et, si l'on examine la situation depuis le 1er juin 2004, depuis l'introduction des bilatérales, 2600 personnes sont venues de l'Europe unie avec des mandats de courte durée à Genève. Cela fait tout de même, tout d'un coup, près de dix mille habitants de plus, avec, un nombre décroissant d'emplois disponibles. Lorsque l'on observe les courbes, entre les emplois de la Confédération, de la moyenne suisse et Genève, on s'aperçoit que Genève est en train de plonger dans le nombre d'emplois disponibles. Contrairement à tout ce que vous avez promis, avec votre initiative - j'attends de connaître les réponses concrètes aux questions que nous posons: où sont les conséquences des promesses que vous avez faites à la population sur un développement économique grâce à une baisse des impôts ? - vous devez accepter, aujourd'hui, que c'est le contraire qui se produit.

Le chômage est un point très important. 44 000 frontaliers, un peu plus de 20 000 chômeurs, dont 13 000 indemnisés, posent un problème. Avec le problème des bilatérales et des mesures d'accompagnement, cela pose de sérieuses questions, ce d'autant plus si vous prenez le soin d'examiner quelles sont les catégories d'emplois qui sont concernées par les frontaliers et par le chômage, vous verrez que ce sont quasiment les mêmes...

La présidente. Monsieur Spielmann, cinq minutes.

M. Jean Spielmann. ...dans des secteurs économiques quasiment parallèles.

M. Kunz et M. Mettan parlaient tout à l'heure de bricolage et de non-propositions. Permettez-moi de dire à M. Mettan qu'il est bien mal placé pour parler de solidarité et de mesures concrètes. Vous devriez savoir, Messieurs Cavaleri, Mettan et Glatz, qu'une bonne partie de la dette de la collectivité genevoise vient de la Banque cantonale et que vous portez une très lourde responsabilité dans la cacade de cette Banque cantonale. Je me souviens que, pendant des années, lorsque nous posions des questions à ce sujet, nous nous faisions insulter par des députés de votre bord, et que nous recevions des menaces de plainte pénale. Aujourd'hui, on voit que la population genevoise est en train de payer: près de 20% d'impôts chaque année sont dévolus au remboursement des cacades de la Banque cantonale, dont vous êtes responsables.

M. Mettan nous enjoint à avoir le courage de prendre des mesures. Monsieur Mettan, qu'avez-vous fait en commission des finances ? Vous vous êtes mis d'accord avec l'UDC pour qu'elle vote le budget avec vous - parce que l'Entente n'a pas la majorité - en acceptant une baisse de cinq millions de francs pour la Genève internationale. Monsieur Mettan, c'est vous, alors que vous avez voté cela, qui allez plastronner sur les places publiques pour défendre la Genève internationale ?! Je vous trouve particulièrement mal placé pour nous donner des leçons.

Par ailleurs, Mesdames et Messieurs les députés PDC, on a parlé de transferts aux communes. Il ne s'agit pas de transferts mais bien de coupes, que vous avez pratiqués. Les handicapés...

La présidente. Monsieur le député, six trente, vous m'aviez promis d'être bref.

M. Jean Spielmann. ...les handicapés, 300 F de moins par mois. Vous n'avez même pas eu le courage de retirer les projets que vous avez déposés. Vous les avez suspendus. Nous n'avons même pas eu besoin de beaucoup les combattre, vous les avez retirés lorsque vous avez vu l'absurdité de ce que vous proposiez et la levée de boucliers que ça faisait dans toutes les communes. Voilà ce que j'appelle du bricolage et de la mauvaise politique.

Mesdames et Messieurs les députés, en tout cas de ce côté-là, nous n'avons pas beaucoup de leçons à recevoir de vous, et la population ferait bien de s'inspirer de ce qui est en train de se passer, de voir où vous menez les finances de la République et comment elles étaient bien gérées lorsque la gauche était majoritaire.

M. Christian Brunier (S). Je crois que nous devrions toutes et tous apprendre à être un peu plus modestes. En effet, s'il y a un domaine dans lequel les experts, les universitaires, les politiciens de gauche et de droite se sont «plantés», c'est bien dans le domaine des prévisions financières. J'ai entendu, aujourd'hui, beaucoup de docteurs ès sciences, donneurs de conseils en finances publiques, nous dire que nous étions au bord de la catastrophe, que Genève était au bord de la faillite. Ce que peu de monde a dit, c'est que suite au changement du mode d'imposition, jusqu'en 2007, nous pilotons le canton sur des projections, sur des estimations et, honnêtement, personne, de votre côté ou de notre côté, ne peut clairement dire où nous en sommes financièrement dans ce canton.

J'aimerais sortir un peu de l'idéologie. Vous avez honnêtement cru qu'en diminuant les impôts vous alliez relancer l'économie de ce canton, en faisant le raisonnement suivant: «Si on donne plus d'argent aux gens, ils consommeront plus, cela relancera l'économie de Genève.» Aujourd'hui, il faut être humble: vous aussi, vous vous êtes «plantés». Cela est bien naturel. Si vous donnez cent francs à quelqu'un qui est pauvre, il va les investir, il a besoin de cet argent pour consommer. Or vous n'avez pas donné ces cent francs aux personnes pauvres qui - heureusement, ne paient pas d'impôts et - n'ont pas eu de cadeaux fiscaux. Quant aux classes moyennes dont tout le monde parle: vous leur avez donné peanuts, en matière de diminution d'impôts. Le véritable cadeau fiscal concerne les contribuables les plus riches. Voici un exemple: un célibataire dont le revenu imposable s'élève à 300 000 F, un jeune cadre dynamique comme on peut en trouver dans vos rangs, avec une fortune de deux millions. Vous lui avez fait un cadeau de 676 F par mois. Prenez un autre célibataire sans fortune dont le revenu s'élève à 50 000 F. Il reçoit un cadeau fiscal de 67 F. Le plus nanti ne va pas investir dans l'économie pour acheter une Ferrari ou un château de plus. La classe moyenne aurait réinvesti. Avec cette mesure, vous n'avez pas relancé l'économie et c'est bien naturel. En outre, vous avez creusé les finances publiques d'environ deux milliards. (Brouhaha.)

Parlons des réformes de l'Etat. Nous sommes, au parti socialiste, pour la réforme de l'Etat mais pas pour la vôtre, parce que M. Kunz a dit un truc, pour une fois, pas tout à fait faux. Il a dit: «A un moment donné, le parlement a ses limites.» Oui, nous pensons vraiment qu'une réforme de l'Etat doit démarrer du gouvernement, un petit peu plus activement que vous ne le faites, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat. Mais cette réforme doit démarrer avec les acteurs mêmes, de leur propre changement, c'est-à-dire la fonction publique. Il n'y a pas de bonne réforme sans que les gens qui travaillent dans l'entreprise puissent s'impliquer. Des entreprises publiques ont donné l'exemple qui ont montré comment mener une bonne réforme. Autour de la table, vous mettez les dirigeants, mais aussi les représentants des syndicats. (L'orateur est interpellé.)Monsieur Gros, vous dites: «Ils voulaient pas»; vous ne leur avez pas demandé leur avis. Vous avez présenté un projet de loi pour couper leur statut. Aucune question, aucune négociations. C'est parti d'ici au gouvernement. Il n'y a eu aucune négociation, aucune discussion. Vous coupez 0,5% dans tous les services: ce n'est pas comme ça que l'on fait une réforme. Vous demandez plus d'externalisations aux TPG. Vous n'avez même pas négocié avec les syndicats ! Vous n'impliquez jamais le personnel. Vous n'arriverez jamais à faire de réforme sérieuse, comme cela. Vous ne créez que la colère des gens qui descendent ensuite dans la rue, c'est tout.

M. Mettan nous a dit que le budget de cette année n'était pas parfait mais qu'il était solidaire. Passons à l'inventaire: il y a des coupes linéaires partout. 0,5% partout. Il n'y a pas de choix politique: que ce soit douloureux ou pas, on coupe partout de la même manière. Coupe par rapport aux prestations des handicapés, coupe sur les prestations aux chômeurs, coupe dans la solidarité internationale, coupe de 50 millions dans le secteur scolaire, coupe dans le social, coupe de subsides aux caisses maladies, non-respect des accords avec la fonction publique, coupe aux prestataires AI. C'est ça, un budget solidaire ? Soyez sérieux, vous ne pouvez pas dire que votre budget est un budget solidaire. Vous vous foutez du monde !

Je crois que la droite utilise aujourd'hui le déficit qu'elle a créé elle-même pour saborder l'Etat social et les prestations offertes à la population.

Nous disons simplement «non» à ceux qui confondent gestion publique et «Massacre à la tronçonneuse». (Applaudissements.)

M. Alain Charbonnier (S). Je serai relativement bref, il est 23h. Tout à l'heure, M. Cavaleri et M. Mettan nous accusaient de ne faire aucune proposition. M. Hiler l'a rappelé tout à l'heure, en septembre 2003, le PDC a refusé d'entrer en matière sur le budget 2004, rompant ainsi un équilibre qui avait jusqu'alors existé. Depuis trois ans, la droite bénéficie d'une très large majorité dans ce parlement, et nous constatons pourtant, aujourd'hui, qu'elle est incapable de mener une politique budgétaire telle qu'elle semblait la promettre à ses électeurs.

Je tiens à le dire en tant que chef de groupe: nous n'avons reçu les chiffres du budget, les rapports de majorité et de minorités que trente secondes avant de nous asseoir à ces places, ce soir. J'impute la responsabilité sur la droite parce que c'est elle qui a mené une foire - et je reste poli - sur ce qui s'est passé en commission des finances, ne trouvant pas de majorité, en bricolant des projets de lois qui avaient des impacts très importants à la dernière minute; en revenant en arrière sur un projet de loi, impliquant ses propres conseillers d'Etat dans un arrangement, un samedi matin, certainement autour d'une table de bistrot; et, pour finir, on nous distribue les chiffres du budget, les rapports de majorité et de minorités trente secondes avant que nous nous installions sur ces sièges. On critique souvent la classe politique pour son manque d'efficacité, j'en mets ce soir la responsabilité sur la droite. Vous serez responsables de ce travail bâclé que l'on fera dans la précipitation, pendant ces trois jours. (Exclamations. Applaudissements.)

M. Pierre Guérini (S). Il est 23h, trois rapporteurs doivent encore prendre la parole. Tant pis, je dirai ce que j'ai à dire.

Je ne peux pas accepter qu'un certain nombre de citoyens de cette République ne paient pas d'impôts. En effet, s'ils ne paient pas d'impôts, c'est qu'ils ne gagnent pas suffisamment pour arriver à payer des impôts. Le scandale se situe à ce niveau-là, non au niveau du fait qu'ils ne paient pas d'impôts. Ce n'est souvent pas leur faute. S'il y avait moins de working poors,il y aurait plus de personnes qui paient des impôts.

Concernant le transfert des charges aux communes: il y a le fond et la forme. Qu'il y ait un certain nombre de transferts de charges, on pourrait entrer en matière sur cela, mais dans la mesure où il y aurait eu un dialogue et une discussion, choses qui n'ont pas eu lieu.

J'ai entendu une comparaison de la fiscalité entre Genève et les autres cantons. Malheureusement, cela n'est absolument pas comparable: la fiscalité de ce canton se fait en premier sur le lieu de travail et non pas sur le lieu d'habitation, alors que dans les autres cantons, c'est l'inverse. Cela veut dire que si la fiscalité se faisait sur le lieu d'habitation et non pas sur le lieu de travail, un certain nombre de communes - dont Onex, particulièrement - auraient les moyens d'assumer le transfert de charges que vous voulez leur donner. Or, comme Onex n'a pratiquement pas de places de travail, elle est en train de souffrir de cette proposition de transfert d'un point de vue budgétaire. Il faut tout de même savoir, dans la mesure où vous transférez la globalité des sommes de l'OCPA, que cela représente 5% du budget de la commune d'Onex. Sachant que légalement, la commune a dû déposer son budget avant que l'on ne discute du budget général du canton, cela signifie que l'on va finir par un dépassement général de dépenses.

Enfin, le PDC nous a donné tout un tas de leçons sur la discipline budgétaire et j'en passe. Je trouve quand même assez extraordinaire que, en commission fiscale, les députés démocrates-chrétiens aient officiellement dit qu'ils ne voteraient plus de projets de lois concernant d'éventuelles baisses d'impôts tant que nous serions dans cette panade financière et budgétaire. J'aurais aimé que cela fasse deux ans qu'ils aient eu cette idée, plutôt que de l'avoir maintenant seulement.

La présidente. Il est 23h, les rapporteurs ainsi que Mme Martine Brunschwig Graf parleront demain matin à 8h.

Suite du premier débat: Session 03 (décembre 2004) - Séance 12 du 17.12.2004

La séance est levée à 23h.