République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.

Assistent à la séance: M. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, MM. Laurent Moutinot et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, Micheline Spoerri et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Blaise Bourrit, Anita Cuénod, Mariane Grobet-Wellner, David Hiler, Jacques Jeannerat, Nicole Lavanchy, Claude Marcet, Alain Meylan, Jacques Pagan, Véronique Pürro, Jacques-Eric Richard, Pierre Schifferli, Louis Serex et Ivan Slatkine, députés.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

Le président. Je vous rappelle que nous nous sommes mis d'accord à 17h pour examiner d'entrée de cause les PL-8931-A et PL-9384. Nous faisons donc une petite pause en ce qui concerne l'aménagement à Vernier afin de traiter rapidement ces deux objets... (Brouhaha.)Certains d'entre vous n'ont pas l'air d'approuver, mais c'est ce que nous avons décidé tout à l'heure.

Annonces et dépôts

Néant.

Le président. Nous passons ainsi au point 130 de notre ordre du jour.

PL 8931-A
Rapport de la commission législative chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi de procédure civile (E 3 05) (Médiation civile)

Vote du troisième débat suite aux corrections de la commission législative

M. Christian Luscher (L), rapporteur. Je rappelle brièvement que nous avons, vendredi dernier, adopté cette loi révolutionnaire portant sur la médiation et que, dans notre enthousiasme - pour ne pas dire «dans notre précipitation» - nous avons oublié de modifier un certain nombre de dispositions. En effet, lorsque j'ai fourni mon rapport au Grand Conseil, nous nous sommes rendu compte que certaines dispositions devaient être modifiées du point de vue de leur numérotation. En revanche, nous avons oublié de changer aussi les dispositions faisant référence aux articles dont la numérotation avait été révisée.

C'est la raison pour laquelle la commission législative a été réunie aujourd'hui. Nous avons rapidement procédé à ces modifications qui, évidemment, ont fait l'unanimité de la commission législative. C'est pourquoi je propose au Grand Conseil, dans le prolongement de la séance de vendredi dernier, d'adopter ces modifications de pure forme, purement rédactionnelles.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Comme nous en étions au troisième débat, je ne peux pas vous dire que les modifications sont adoptées sans opposition. Il s'agit, dans la mouture prévue par la commission législative, des articles 161G, 161I et 37 qui figurent sous l'article 2 souligné, intitulé «Modifications à d'autres lois». Nous votons à main levée.

Mis aux voix, l'article 2 souligné (modifications à d'autres lois) est adopté en troisième débat.

La loi 8931 est adoptée en trois débats par article et dans son ensemble.

PL 9384
Projet de loi de modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (E 2 05)

Premier débat

M. Bernard Lescaze (R). Je suis chargé de faire très brièvement un rapport oral. Vous aurez constaté que ce projet parle des juges assesseurs du Tribunal cantonal des assurances sociales. Il est inutile que je vous rappelle ici la saga qui a amené à reprendre la loi.

La commission législative s'est longuement penchée sur la question de savoir si elle devait ou non modifier la Constitution. Elle a accepté de ne modifier que la loi sur l'organisation judiciaire, mais en modifiant également la formule. Au départ nous avions des représentants des travailleurs et des employeurs, il est possible, suivant une phrase incidente du jugement du Tribunal administratif, que ceci soit trop restrictif, sans être contraire aux droits de l'homme. C'est pourquoi nous avons adopté la formule suivante : «16 juges assesseurs représentant paritairement les partenaires sociaux.»

Nous avons aussi précisé, comme dans l'ancienne loi, qu'ils devaient bénéficier d'une formation spécifique sur les questions juridiques et d'assurances sociales. Les modalités de cette formation sont fixées par le règlement.

Nous avons hésité à ajouter la nécessité pour certains d'entre eux d'avoir une formation médicale. Ce serait bien entendu fort utile pour ce tribunal, qui traite notamment de problèmes d'invalidité, de pouvoir apprécier par lui-même les expertises médicales et non pas de se reposer exclusivement sur les experts. Nous avons pensé que cette exigence pouvait très bien être rappelée dans le règlement. A l'unanimité la commission - puisque les députés signataires représentent la commission législative - me l'a demandé, je le fais bien volontiers, de le rappeler ici.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à approuver ce projet de loi.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je veux en quelques mots rendre hommage à votre commission législative qui, dans un processus institutionnellement troublé suite à divers recours et interprétations, a réussi à trouver une formule que l'on appellera peut-être un jour la «loi Lescaze». Ellle permet à la fois de respecter le voeu initial de votre Grand Conseil d'avoir des assesseurs représentatifs et d'éviter l'écueil du Pacte sur les droits civils et politiques numéro II qui ouvre à tout citoyen le droit de se présenter pour une élection à une fonction publique.

Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous recommande d'adopter le projet tel qu'issu des travaux de votre commission législative.

Le président. Je tiens à dire brièvement que la présidence du Grand Conseil, qui a eu à connaître de ces questions durant l'année écoulée, s'associe à ce qui vient d'être dit. Ce dossier aura été le fil rouge de ma présidence, en quelque sorte.

La loi 9384 est adoptée en trois débats par article et dans son ensemble.

PL 9318-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Vernier (création d'une zone de développement industriel et artisanal également destinée à des activités administratives et commerciales, à la route de Vernier au lieu-dit "La Renfile")

Suite du premier débat

M. René Koechlin (L). Je ne voudrais pas prolonger le débat, mais simplement confirmer que notre groupe soutient ce projet.

Nous formulons toutefois une réserve en ce qui concerne le relogement du Centre social protestant, raison pour laquelle nous soutiendrons l'amendement proposé par M. Grobet, à une nuance près : en indiquant non pas «aux frais d'Ikea», mais «avec la participation d'Ikea». Nous pensons que c'est politiquement, ou stratégiquement en tous cas, plus correct. Moyennant cette modification de l'amendement, nous soutiendrons celui-ci parce que nous pensons qu'il est important que le Centre social protestant soit soutenu. Il accomplit un travail remarquable, que tout le monde connaît et qui est certainement d'utilité publique. Cet organisme mérite vraiment d'être soutenu, il ne faut pas le laisser tomber. Manifestons donc le soutien de ce parlement au Centre social protestant !

Mais il est également important de montrer que nous soutenons l'implantation d'Ikea dans notre canton. Cessons de jouer les frileux comme tous les opposants, qui ont vraiment une attitude d'enfants gâtés, nourris, logés, blanchis, qui ont tout et qui refusent que l'on change quoi que ce soit et rejettent tout nouveau projet !

Quand on pense que beaucoup des communautés voisines, plus ou moins proches ou lointaines, feraient des pieds et des mains pour obtenir qu'une entreprise comme Ikea vienne s'implanter chez eux ! Nous, nous faisons les frileux - enfin, certains d'entre nous - en disant qu'on n'en veut pas, qu'ils doivent aller ailleurs, etc. Je trouve cela assez lamentable; et c'est pourquoi je vous demande vraiment de soutenir ce projet et de le voter dans sa version issue des travaux de la commission.

Nous soutiendrons l'un des amendements proposés par M. Grobet avec la nuance que j'ai indiquée. En revanche, l'autre parle des emplois et demande qu'Ikea engage des personnes qui logent sur la commune ou ailleurs, mais au moins sur le canton. Il s'agit d'une ingérence dans les affaires d'une entreprise. Ce n'est pas opportun et c'est politiquement incorrect. Pour cette raison, nous ne soutiendrons pas cet amendement-là.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vous saurais gré de bien vouloir me rédiger un amendement, parce qu'en réalité vous présentez un sous-amendement et les... (Brouhaha. Remarque de M. Christian Luscher.)Oui, mais les amendements doivent être rédigés par écrit, selon l'article 80 du règlement de notre Grand Conseil. Ce n'est pas du formalisme excessif, Monsieur Luscher, cela évite un certain nombre de confusions si l'on sait sur quoi on vote !

Et cela ne vous prendra que trente secondes, Monsieur Koechlin ! Je vous en remercie. Cela permettra à chacun de savoir clairement sur quoi il se prononce et, en plus, notre règlement sera ainsi respecté.

M. René Desbaillets (L). Je voulais tout d'abord confirmer les propos de mon homonyme René Koechlin. J'ai bien parlé tout à l'heure en tant qu'élu du Mandement. Je suis minorisé dans mon groupe, mais on voit là la force du parti libéral: c'est d'être suffisamment large d'esprit pour laisser les minorités s'exprimer ! (Rires. Brouhaha.)

Je voulais quand même répondre à mon collègue Reymond qui parle du problème qu'auraient les viticulteurs pour livrer leur vin: je n'ai à aucun moment enfreint l'article 24 de notre règlement en parlant de la viticulture. M. Reymond devrait savoir, lui qui est un indépendant, qu'à l'heure où les viticulteurs livrent leur vin aux excellents restaurants genevois qui proposent des vins genevois le magasin Ikea est encore fermé !

Et à notre collègue Portier, qui défend à tout prix ces 200 emplois d'Ikea, je dis qu'il n'écoute pas souvent les membres du Conseil fédéral de son parti qui répètent à chaque occasion que le tissu social, industriel et des emplois de la Suisse est constitué à 80% par des petites entreprises. Alors, si maintenant Ikea est une petite entreprise, nous n'avons pas la même notion de la grandeur !

M. Robert Iselin (UDC). D'habitude, M. Pagani tient plutôt des discours attristants ou ennuyeux... Malheureusement, il me semble qu'il n'est pas là. C'est dommage parce que... Ah, si ! Voilà, il est là. Je suis bien content parce que, pour une fois, le député Pagani m'aura fait rigoler. (Brouhaha.)Son intervention trahit un manque de connaissance de la situation suédoise qui est tout à fait extraordinaire. Je le dis en connaissance de cause: j'ai eu pendant une année la difficile tâche de travailler en Suède. Je veux dire par là que c'est un pays où les préoccupations sociales sont poussées à l'extrême, et Ikea nous l'a prouvé - cela a été mentionné. Ikea l'a prouvé ou s'est en tous cas dévoilé.

La société Ikea - j'ai mentionné cela dans un précédent débat, ici - a écrit officiellement à l'UDC pour nous indiquer qu'elle s'occuperait spécialement d'engager des gens sur place. Alors, permettez-moi de vous dire que je trouve scandaleux que certains prétendent que des petits emplois ne seraient pas suffisants ! Dans la vie, on commence souvent par de petits emplois pour développer des activités et apprendre tout en bas, ce que beaucoup de gens de ce côté-ci ont fait et dont ils ne se vantent pas tous les jours !

Je pense aussi qu'il est assez honteux que ce canton ait pris dix ans - et il faut espérer que l'on tranchera ce soir ! - pour prendre une décision vis-à-vis d'une multinationale importante qui apporte des emplois dans le canton. C'est neuf ans de trop !

M. Christian Grobet (AdG). L'implantation du magasin Ikea à Genève pose évidemment un certain nombre de problèmes. Je dirais que le premier, c'est de savoir si, véritablement, à Genève, nous devons tout faire pour avoir toutes les facilités dont nous pouvons disposer, que ce soit au niveau de l'équipement public ou des commodités privées.

A cette question, personnellement je réponds: non. Notre canton est exigu de sorte qu'il est très difficile de trouver des disponibilités pour toutes celles et ceux qui viennent frapper à notre porte. Mais il faut surtout relever que certains projets posent de véritables problèmes.

Tel est le cas, manifestement, du magasin Ikea dont on verra les conséquences sur le réseau routier, et plus particulièrement sur l'autoroute qui est un axe extrêmement important pour notre pays, un axe où la circulation est extrêmement intense à certains moments. J'espère qu'on n'aura pas les problèmes que l'on voit dans certaines agglomérations urbaines avec des voitures qui n'arrivent plus à sortir de l'autoroute, qui s'encolonnent et qui provoquent des accidents. Je pense que l'option retenue par Ikea il y a trente ans, à savoir un centre pour la Suisse romande, bien placé, à trente kilomètres de Genève, était bonne.

Monsieur Iselin, puisque vous parlez de la Suède, je ne sais pas si vous vous y êtes rendu récemment... Moi, j'y suis allé cet été et j'ai traversé l'Allemagne. J'ai vu avec intérêt, tout d'abord, que les magasins Ikea sont placés en dehors des villes, en raison précisément des problèmes de circulation qu'ils peuvent générer. Et je n'ai pas vu en Suède deux centres Ikea distants seulement de trente kilomètres. Donc, si l'on veut effectivement prendre l'exemple suédois, il faudrait le prendre dans son intégralité et se rendre compte qu'on arrive à des absurdités comme avoir deux centres de cette importance à trente kilomètres de distance. C'est vraiment absurde - tout comme est absurde, et je l'ai déjà dit dans cette enceinte, la folie mégalomane d'avoir cinq stades en Suisse de 30'000 à 40'000 milles places... (L'orateur est interpellé.)Cela vous gêne, Monsieur Luscher ! Mais c'est une absurdité, et aujourd'hui on commence à voir que de n'avoir pas voulu miser sur Lausanne et d'avoir un stade à Genève nous causent toute une série de problèmes. Je trouve que c'est assez ridicule qu'un pays de six millions d'habitants ait autant de grands stades de football. Et on peut multiplier les exemples.

Le deuxième problème qui se pose, ce sont toutes les promesses faites par Ikea. Qu'est-ce qu'on constate ? Souvent les multinationales font des promesses qu'elles ne tiennent pas. Peut-être qu'Ikea a une parole d'or que n'ont pas certains autres, mais puisque, prétendument, Ikea est prêt à souscrire toutes sortes de promesses, je ne vois pas ce qui gênerait Ikea dans le fait de prendre des engagements précis garantis par la loi !

Je pense que la pire des choses, Mesdames et Messieurs, c'est de découvrir, dans deux ou trois ans, après l'inauguration d'Ikea, que les promesses ne seraient pas tenues. Je tiens à spécifier, en ce qui me concerne, que je suis tout à fait favorable à des emplois qui n'ont pas une grande valeur ajoutée, Monsieur Iselin ! Je pense qu'il faut trouver des emplois pour toute la population.

Tout à l'heure, M. Muller s'est gaussé de moi parce que j'aurais critiqué les emplois «à faible valeur ajoutée»... J'ai, au contraire, dit simplement qu'à mon avis les emplois d'Ikea ne seraient pas des emplois à haute valeur ajoutée. Et je suis, bien entendu, tout à fait favorable à ce qu'il y ait de l'emploi pour toutes les catégories de la population !

Par contre, ce que je ne voudrais pas voir, c'est un dumping salarial tel qu'il est pratiqué à Genève depuis un certain temps, qui s'intensifie avec la mise en place des accords conclus avec l'Union européenne sur la liberté de déplacement. J'ai lu aujourd'hui dans le journal «Le Temps» que les salaires français sont de 70% en dessous des salaires genevois ! Il ne faut donc pas s'étonner qu'un certain nombre d'entreprises, aujourd'hui déjà et fortement en Suisse alémanique, engagent des salariés qui viennent de certains nouveaux pays de l'Union européenne et les paient avec des salaires dérisoires !

On a vu des saisonniers polonais, engagés notamment par des édiles de votre parti, Monsieur... (L'orateur est interpellé.)Mais oui ! Bien sûr ! Votre grand représentant, Monsieur Fattebert du canton de Vaud ! Vous savez combien il exploitait les... (L'orateur est interpellé. Brouhaha.)Eh bien, je parle des gens qui ont été exploités par des détenteurs de mandats publics, et vous comprendrez que j'ai aussi quelques doutes sur les aspirations de certaines multinationales qui, peut-être, pratiquent une politique sociale dans les pays qui imposent un certain nombre de règles, mais qui, comme par hasard, n'appliquent plus cette politique quand elles ne sont pas dans leur propre pays.

L'autre problème qui se pose, c'est de savoir quelle est la politique que nous voulons en matière de zones industrielles. Le secteur secondaire est extrêmement important pour notre économie locale; certes, les grandes entreprises à l'échelle genevoise ont disparu, on peut le regretter, mais le tissu économique...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Christian Grobet. ... Le tissu économique reste extrêmement fourni grâce à toute une série de petites et moyennes entreprises. Elles ne peuvent aujourd'hui survivre, en raison de la concurrence des salaires, que si on leur donne des conditions d'infrastructure favorable, notamment avec des prix de terrain bas.

Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député, s'il vous plaît !

M. Christian Grobet. Or, à partir du moment où l'on applique le principe de la mixité, comme vous le préconisez, Mesdames et Messieurs du parti démocrate-chrétien, les prix des terrains s'envolent et rendent inaccessibles les zones industrielles à des petites et moyennes entreprises auxquelles ces zones sont destinées.

Le président. Monsieur le député, c'est la troisième fois que je vous demande de conclure, s'il vous plaît !

M. Christian Grobet. Or je constate que, depuis quelques années, on admet - je termine à ce propos parce que je reprendrai la parole sur mes amendements...

Le président. Vous pourrez reprendre la parole autant de fois que vous le voudrez dans les limites du règlement. Pour l'instant, veuillez conclure !

M. Christian Grobet. Et j'estime inacceptable que les zones industrielles soient ouvertes à des multinationales qui pourraient payer le prix normal d'un terrain ! On leur laisse, alors qu'elles ont des moyens énormes, des terrains à très bas prix. On a vu ça avec Reuters, avec Serono, maintenant avec Ikea...

Le président. Monsieur Grobet, s'il vous plaît, veuillez conclure ! Vous avez cinq secondes, après je coupe votre micro.

M. Christian Grobet. Je dis simplement que l'implantation de ces entreprises dans des zones industrielles torpillent les prix. J'en dirai quelque chose tout à l'heure, en marge de mes amendements.

Mme Nelly Guichard (PDC), rapporteuse. J'aimerais dire à M. Desbaillets que j'ai attentivement écouté son discours complètement exagéré et totalement apocalyptique. Je n'y ai pas trouvé un très grand intérêt. Il me dit qu'il a bien lu mon rapport, mais il ne doit pas avoir remarqué que 30 à 40% des clients d'Ikea sont des Genevois, qui se déplacent donc jusqu'à Aubonne.

Par ailleurs, - je l'ai mentionné aussi dans mon rapport, d'autres l'ont dit aussi - si d'aventure Ikea s'installe en périphérie de Genève, la charge de déplacements sera tout aussi lourde pour la région dont M. Desbaillets défend si vaillamment les intérêts. Je crois donc que c'est là un exercice un peu exagéré.

Quant à M. Grobet, qui parle des distances et des 30 km qui sépareraient une implantation ici, dans la région genevoise, de celle existant dans la région d'Aubonne, et qui la compare à la Suède... Alors, bien évidemment, les distances ne sont pas les mêmes ! Les villages dans ce pays sont souvent à 50 km de distance alors qu'ils n'abritent que 200 ou 300 habitants.

Quant à M. Etienne... (L'orateur est interpellé.)

Le président. Veuillez laisser parler Mme Guichard, s'il vous plaît !

Mme Nelly Guichard. J'ai traversé la Suède et je la connais aussi, Monsieur Grobet !

Quant à M. Etienne, qui me reproche de ne pas avoir transcrit ses propos, j'aimerais lui faire remarquer que je n'ai pas pour habitude de transcrire dans mes rapports des propos polémiques et de mauvaise fois. Tout simplement ! (Applaudissements.)

Le président. La parole est à...

Mme Nelly Guichard. Et... Et ! Pour ce qui est des remerciements aux fonctionnaires du département, je fais encore remarquer à M. Etienne qu'en première page du rapport j'ai cité les personnes du département en disant qu'elles étaient remerciées pour leur «précieux concours». Je crois que c'est clair.

En ce qui concerne le troisième débat, dont je parle en page 29 de mon rapport, j'ai indiqué: «Bien que d'aucuns aient estimé que la commission devrait faire confiance au département, qui s'est engagé, à plusieurs reprises, des commissaires ont souhaité que le troisième débat ne soit voté que lorsque des solutions concrètes pour le relogement des locataires actuels auront été proposées par le DAEL.» Je l'ai fait dans un souci de transparence, mais j'ajoute, bien évidemment, que nous n'avons pas voté sur cet élément.

Le paragraphe suivant prête certainement à confusion, et j'aurais dû dire que le Grand Conseil ne voterait «éventuellement» pas le troisième débat, et non pas «en principe».

Avec cette précision, je pense avoir rectifié ce que j'ai voulu rapporter le plus précisément possible des travaux de la commission.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. En ce qui concerne tout d'abord l'argument de M. Pagani sur la défense des zones industrielles, je vous répète mon attachement à la zone industrielle. Vous savez mon opposition à un certain nombre de projets de loi qui ont pour effet de lui porter atteinte.

Il faut observer que la zone actuelle dont nous parlons est décrite de la manière suivante dans la loi de 1986 : «Zone de développement industriel destinée principalement aux activités industrielles non polluantes et accessoirement aux activités commerciales et de service».

C'est donc une zone assez largement mixte sur la base de laquelle on aurait pu imaginer de ne pas saisir votre Grand Conseil d'un projet de loi de déclassement. Cependant, compte tenu de l'importance du sujet, le Conseil d'Etat a estimé qu'il était nécessaire de vous en saisir, afin que la décision vous appartienne.

En ce qui concerne la question du prix, une partie très importante du périmètre est en main de la commune de Vernier qui s'est déclarée d'accord sur le principe d'octroyer un droit de superficie, et j'ose espérer, Monsieur Grobet, que le prix qu'elle réclamera pour ce droit de superficie sera effectivement conforme à l'affectation du terrain que vous allez décider. (L'orateur est interpellé.)Bien entendu, Monsieur Grobet !

Nous sommes aujourd'hui à devoir voter un déclassement. M. Muller m'a fait le reproche de ne pas avoir été assez vite; si nous avions été plus vite, vous auriez renvoyé le projet de loi en commission, et je vous explique pourquoi.

Nous venons aujourd'hui devant vous avec ce projet en ayant accompli la quasi-totalité du processus d'aménagement, de plan localisé de quartier et d'autorisation de construire. Cela doit vous permettre de savoir très exactement de quoi il s'agit. Si nous étions venus il y a trois ans en vous disant que nous ne savions rien du tout, que nous savions juste qu'Ikea projetait de s'implanter, et si nous vous avions demandé de déclasser pour Ikea, vous auriez, avec une certaine pertinence, demandé des précisions. Forcément, amener le dossier à un degré d'avancement suffisant pour vous donner les informations nécessaires, cela prend du temps et, à ma connaissance, jamais Ikea n'a reproché aux services du département la moindre lenteur, bien au contraire.

Vous allez devoir lever dans votre vote trois oppositions. La première est celle du Centre social protestant, et je partage ce qui a été dit sur tous les bancs. Cette honorable institution, dont l'importance dans la vie genevoise n'est plus à démontrer, doit être relogée.

Il existe une proposition d'amendement, parmi celles que j'ai vu passer, qui me paraît parfaitement satisfaisante et que je suis prêt à accepter afin que toutes garanties soient données de la participation d'Ikea au relogement du Centre social protestant et des autres habitants de ces parcelles. Je n'ai pas de problème avec cette formulation-là. Si vous choisissez une formulation trop stricte, la négociation devient inutilement compliquée.

La deuxième opposition que vous allez devoir lever est assez extraordinaire, c'est celle de la société qui gère les réserves de pétrole. Elle dit en quelque sorte : «Nous sommes dangereux, ne mettez personne autour de nous.» C'est tout de même un comble ! Il est vrai que les bidons de pétrole engendrent des soucis et qu'ils peuvent causer des risques. Ces risques ont été évalués. Il n'appartient pas à celui qui pourrait en être à l'origine de s'en plaindre. En revanche, je puis vous indiquer que, dans les conditions qui ont été fixées à Ikea et acceptées par elle, il y a évidemment un certain nombre de mesures constructives de nature à protéger le bâtiment contre les risques inhérents aux dépôts pétroliers.

La troisième opposition, j'ose à peine en parler parce qu'il s'agit d'une grande entreprise de construction de la place. J'ai cru comprendre qu'étant désormais opposée à ce projet elle ne tenterait pas de soumissionner pour les travaux qu'Ikea ne manquera pas de mettre en concurrence.

Une voix. Quoique...

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Quoique... Suite des opérations, Mesdames et Messieurs les députés : le plan localisé de quartier.

En ce qui concerne ce plan, nous avons trois oppositions. L'une de la commune de Vernier, l'autre d'une association de riverains et la troisième d'une grande entreprise du bâtiment qui, comme la précédente, me paraît se tirer une balle dans le pied. (L'orateur est interpellé.)Je ne cite aucun nom, Monsieur Barrillier, vous l'imaginez bien, vous l'avez entendu !

L'opposition au plan localisé de quartier de la commune de Vernier et celle de l'association de riverains portent sur le même sujet, à savoir le nombre d'entrées et de sorties. Il est vrai que dans un premier temps j'avais imaginé que l'on puisse adopter le plan localisé de quartier tel qu'il était issu de la procédure d'opposition. Fort opportunément, cependant, la commune, l'Etat, les différents services de l'Etat sont parvenus aujourd'hui à une solution qui fait que nous n'adopterons pas le premier plan, mais nous remettrons en procédure d'opposition le PLQ corrigé avec les deux sorties, suivant en cela d'ailleurs la remarque de M. Muller. Pourquoi est-ce que ce n'est pas encore fait ? Parce que nous attendons, pour pouvoir le faire, de recevoir le rapport d'impact sur cette deuxième solution. Le rapport d'impact avait été fait sur une seule sortie. Dès lors qu'il y en a deux, il doit être refait et joint au plan qui sera mis en procédure d'opposition.

Mesdames et Messieurs les députés la question qui vous est posée aujourd'hui est parfaitement claire : voulez-vous d'Ikea à cet endroit, oui ou non ?

Je sais, bien entendu, qu'il y a toujours un certain nombre d'ambivalences dans les débats sur l'aménagement. Je sais que certains de ceux qui vont voter «oui» ont de grosses hésitations; que certains de ceux qui vont voter «non» aimeraient quand même que cela se fasse... Maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, prenez vos responsabilités sur ce déclassement. Le Conseil d'Etat vous demande de l'accepter. (Applaudissements.)

Le président. Je vous demande un peu d'attention, Mesdames et Messieurs les députés, car nous allons procéder à deux votes.

Avant de vous faire voter sur la prise en considération de ce projet je mets aux voix la création d'une commission ad hoc. (Brouhaha.)Je suis obligé de vous faire voter cela, car M. Desbaillets n'a pas retiré sa demande.

Mise aux voix, cette proposition est rejetée. (Brouhaha à l'annonce du résultat.)

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 68 oui contre 2 non et 10 abstentions.

Deuxième débat

Le président. Monsieur Pagani, est-ce sur le titre et le préambule de ce projet de loi que vous voulez intervenir ?

M. Rémy Pagani (AdG). C'est en ce qui concerne le traitement des oppositions... Je pense que cela concerne l'ensemble de la loi. M. Moutinot nous a dit, comme il l'avait d'ailleurs fait pour le stade de la Praille, que les risques inhérents aux lieux où nous inscrivons nos projets immobiliers ne posaient aucun problème. Il vient de redire aujourd'hui qu'il ne faut pas tenir compte de ceux qui se préoccupent de leur propre sécurité et de la sécurité de leur entourage. En l'occurrence, les sociétés pétrolières sont conscientes du danger. Je ne vois pas M. Moutinot tout d'un coup avoir le droit de prétendre que les gens qui se préoccupent de la sécurité aux abords de ces citernes...

Le président. Monsieur Pagani, nous en sommes au titre et au préambule de la loi. Je vous propose de reprendre la parole à l'article 3 - on avance un tout petit peu.

M. Rémy Pagani. Mais cela concerne l'ensemble de cette loi et j'aimerais...

Le président. Quelle est votre proposition d'amendement au titre ou au préambule ?

M. Christian Grobet. Il peut parler en deuxième débat de ce dont il a envie !

M. Rémy Pagani. Exactement ! (Commentaires.)

Le président. Sur le titre et le préambule, Monsieur le député !

M. Rémy Pagani. Monsieur le président, je peux effectivement parler en deuxième débat. Je trouve qu'il y a un problème au niveau des réactions de M. Moutinot, et je peux parler de ce dont j'ai envie ! Je vous rappelle notre règlement.

Le président. Oui, mais sur l'article pertinent, Monsieur le député !

M. Rémy Pagani. Monsieur le président, c'est moi qui détermine la pertinence de mes interventions. Ce n'est pas vous qui choisissez, jusqu'à preuve du contraire.

Le président. Ah non ! Je suis désolé, c'est moi qui choisis quand vous devez intervenir.

M. Rémy Pagani. Puis-je continuer ? J'aimerais pouvoir terminer, sinon cela va durer...

Donc, je reprends. M. Moutinot se comporte comme il l'avait fait pour le stade. Il disait que les marchandises extrêmement dangereuses qui circulent sur les voies CFF n'avaient aucun impact et ne posaient pas de problème. Or, Mesdames et Messieurs, on vient d'avoir les conclusions du rapport. Combien nous a coûté cette plaisanterie ? 10 millions ! 10 millions pour ne pas avoir pris en compte les risques majeurs au voisinage du stade. (Protestations.)

M. Moutinot vient nous redire ce soir que les opposants à ce projet d'implantation d'Ikea...

Le président. Monsieur Pagani, ça suffit maintenant ! Quel est le rapport entre le stade et le titre et le préambule de ce projet de loi ?

M. Rémy Pagani. J'en viens au rapport, Monsieur le président. (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Pagani, je vous donnerai la parole à l'article 3. Vous vous asseyez maintenant !

M. Christian Grobet. Article 133 ! Lisez l'article 133 ! (Remarques.)

Une voix. Peut-on obéir au président ?!

Le président. Pouvez-vous vous asseoir, Monsieur Pagani, s'il vous plaît ?

M. Rémy Pagani. Je vous demande de vous référer à l'article 133, Monsieur le président !

Le président. Monsieur Pagani, je vous remercie infiniment de vous asseoir. Je vous promets de vous redonner la parole à l'article 3. Si vous ne le faites pas...

M. Rémy Pagani. Je demande l'application de l'article 133.

Le président. L'article 133 stipule : «Chaque article est mis aux voix. Le président peut le déclarer adopté si aucune opposition n'a été formulée.» Expliquez-moi l'opposition que vous avez sur le titre.

M. Christian Grobet. Vous oubliez l'alinéa 1 !

Le président. Voici l'alinéa 1 : «Le deuxième débat consiste à examiner le projet article par article.» Nous en sommes au titre. Quelle est votre opposition sur le titre ?

M. Christian Grobet. Il n'y a pas de limitation... On est obligé de vous interrompre, parce que vous appliquez mal le règlement ! (Protestations. Sifflets.)

Le président. Monsieur Grobet, ça suffit... Monsieur Pagani, s'il vous plaît... (M. Pagani indique qu'il renonce.)Je tiendrai parole. Je vous promets de vous donner la parole à l'article 3.

Monsieur le conseiller d'Etat, je vous propose de reprendre ce débat à l'article 3, si vous êtes d'accord.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 et 2.

Le président. Monsieur Pagani, vous avez la parole.

M. Rémy Pagani (AdG). Je trouve cet incident de procédure un peu singulier, d'autant plus que de toute façon j'allais prendre la parole le premier, puisque cela concerne l'article qui vient. Bon...

Cela dit, ce n'est pas l'essentiel de mon propos. Lorsque nous avons voté le déclassement du stade, nous avions dit très clairement que la sécurité coûterait 10 millions au bas mot. Aujourd'hui à nouveau, je relève les problèmes de sécurité qui sont soulevés et que ne veut pas voir M. Moutinot. Et je trouve tout de même un peu saugrenue l'attitude de M. Moutinot. Nous avons affaire à des matières extrêmement dangereuses. Il y a des explosions, il y en a eu dernièrement - je n'ai pas besoin de citer des exemples des explosions qui ont provoqués des morts...

Ces problèmes étant connus, je dénie à M. Moutinot le droit de dire que les opposants découvriraient tout d'un coup l'eau chaude... Ce n'est pas vrai, les opposants sont des personnes responsables qui disent qu'il faut faire attention ! Ils estiment qu'installer une population importante en permanence près de nos citernes pose et va poser des graves problèmes de sécurité, qui, évidemment, coûteront à la collectivité des sommes assez importantes pour mettre en conformité les aménagements.

Je tiens à relever - c'était le but de mon intervention - qu'une fois de plus nous verrons, dans cinq ou six ans, revenir des projets de loi pour la mise en conformité, et on nous fera passer une nouvelle fois à la caisse. Je trouve cette manière de faire scandaleuse !

M. Philippe Glatz (PDC). Je me plais à voir un paradoxe dans les propos de M. Pagani. Il parle des opposants; mais les opposants sont justement voisins de ces fameux réservoirs. Ils se font beaucoup de souci pour les autres, mais pas pour eux, alors qu'ils sont là depuis si longtemps.

Tout d'un coup, ils sont devenus opposants pour Ikea. Ils ont le souci de la sécurité lorsqu'on parle de l'installation d'Ikea. Pensez-vous vraiment qu'il s'agit d'altruisme, Monsieur ?

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Christian Grobet (AdG). Je pense qu'on ne peut pas sous-estimer ce problème de sécurité.

Monsieur Glatz, visiblement, vous intervenez sans connaître tous les éléments de ce dossier. Cela fait une vingtaine d'années que la commune de Vernier se préoccupe de la question de la sécurité des dépôts pétroliers. Les normes, au fil des années et à juste titre, sont devenues de plus en plus strictes. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a 15 ans, en fonction des normes entrées en vigueur et qui étaient moins strictes qu'aujourd'hui, il a fallu entreprendre toute une série de travaux de sécurité. De mémoire, ces travaux ont coûté 15 millions. Je vous signale - et je tiens à relever la correction des sociétés pétrolières, bien que cela n'a pas été sans mal - que ce sont ces dernières qui ont dû payer tous les aménagements de sécurité, c'est-à-dire toute une série de points d'eau supplémentaires, l'écoulement des eaux dans un circuit spécial et la station de pompage sur la rive du Rhône pour obtenir suffisamment d'eau pour lutter contre le feu.

Je peux parfaitement comprendre que les pétroliers se demandent, après avoir dépensé une somme qui était en tout cas de 10 ou 15 millions, si, en introduisant de nouvelles activités près de leurs dépôts, on ne va pas leur demander ultérieurement de payer des travaux de sécurité supplémentaires... J'estime quant à moi que ce n'est pas à l'Etat de subventionner des grandes multinationales pour des frais qui sont manifestement à leur charge. J'y reviendrai tout à l'heure lors de la discussion de mon amendement.

Je crois qu'il ne faut pas sous-estimer ou passer par-dessous la jambe des oppositions de sociétés qui ont certes des moyens, mais qui ont aussi le droit de dire qu'on leur a demandé de passer à la caisse, qu'on leur a demandé de faire un certain nombre de travaux de sécurité importants et de se demander si, alors qu'on amène de nouvelles activités près des dépôts de carburants, elles ne devront pas, en conséquence réaliser des mesures de sécurité supplémentaires. Voilà le débat, simplement !

Maintenant, je profite de l'occasion - c'est regrettable que le président du Grand Conseil soit parti...

La présidente. Je peux prendre note, Monsieur Grobet !

M. Christian Grobet. Excuse-moi, Madame la présidente, mais j'ai maintenant pris la parole, je n'ai pas épuisé mon temps de parole et j'ai le droit de parler de l'application du règlement du Grand Conseil !

Le règlement du Grand Conseil ne précise pas, ni pour le premier débat, ni pour le deuxième débat, ni pour le troisième débat, sur quoi on doit s'exprimer ! Il n'est surtout pas indiqué dans ces articles qu'on n'aurait pas le droit de s'exprimer comme on veut au moment de l'examen article par article ! (Brouhaha.)

Ce sera dans le Mémorial, mais je répéterai à M. le président du Grand Conseil, que, une fois de plus, je déplore qu'il applique le règlement d'une façon erronée, sans même l'avoir lu !

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je voulais simplement dire que je pouvais lui transmettre votre remarque.

M. Gabriel Barrillier (R). Jusqu'ici, tant le groupe radical que votre serviteur sont restés discrets sur cette problématique.

C'est vrai que, parmi les opposants, il y a des entreprises du bâtiment - l'entreprise Rampini, et on a cité d'autres noms... Il y a des fournisseurs de matériaux de construction.

Il y a les problématiques de sécurité. J'aimerais dire ici qu'effectivement il y a aussi une inquiétude en ce qui concerne l'accessibilité du secteur et la mobilité sur la route de Vernier - je ne vais pas refaire tout le débat, je crois qu'il l'a été. En ce qui me concerne, effectivement, j'ai étudié, avec les partenaires sociaux de la construction - j'aimerais vous le dire - depuis de nombreux mois, toute cette problématique. Tout à l'heure il a été dit que le Conseil d'Etat ou les département concernés n'avaient pas empoigné ce problème avec la vision globale qui aurait été nécessaire. On ne va pas refaire cette histoire, mais c'est vrai - Monsieur le président du DAEL, vous vous en souvenez - que nous avons eu, les partenaires sociaux de la construction, avec les syndicats, des séances pour attirer votre attention sur toute cette problématique.

Nous ne sommes pas obnubilés par les travaux de 100 millions. Evidemment que c'est important ! Ce sont 800 à 1000 travailleurs pendant quelques mois... Nous avons cependant une vision plus large des choses. Je dis très sincèrement qu'en ce qui me concerne j'ai été contacté par des entreprises - je les ai citées tout à l'heure - qui sont très inquiètes pour leur avenir. Et en tant que députés, nous avons en vue - et on le rappelle à chaque début de séance - l'intérêt général... Donc, cet intérêt général, Monsieur Etiennne, vous l'avez défendu tout à l'heure, et nous devons l'avoir toujours à l'esprit.

Puisqu'on en est à l'article 3, je dois dire que ces entreprises sont inquiètes quant aux problèmes de mobilité sur la route de Vernier.

Il y a un paradoxe, Mesdames et Messieurs ! Qui parmi vous n'est pas tiraillé entre des intérêts particuliers, personnels, corporatifs, et l'intérêt général ? Qui ne l'est jamais ? L'entreprise va dire qu'il y a 100 millions de travaux, d'accord, mais qu'elle n'est pas corporatiste au point de ne pas penser à l'intérêt général. Le souci majeur de tous ces gens et de l'entreprise Rampini, puisqu'elle est citée, c'est la question de la mobilité, la question de l'accès. M. Desbaillets l'a soulevée tout à l'heure, mais pour lui c'est tout à fait différent - pour des raisons pour lesquelles j'ai beaucoup moins de compréhension, mon cher René: livrer ton vin depuis Satigny ou Choully, c'est un peu différent...

En commission de l'aménagement, on a vraiment posé les questions, que ce soit au niveau du PLQ ou du déclassement. Finalement, ce qui est vraiment important, vraiment essentiel, c'est que la sortie et l'entrée, la mobilité depuis ce centre commercial, puissent se réaliser en partie sur la route de Pré-Bois. Donc, moi, je prends mes responsabilités. On a assez dit ici qu'il y avait des lobbyistes... Monsieur Grobet, je ne vous prends pas à partie, mais vous avez dit qu'il y avait des lobbyistes qui sont pour les milieux immobiliers, la construction, les médecins ou je ne sais pas qui... ou les locataires ! Alors, moi j'ai pris mes responsabilités: avec les partenaires sociaux du bâtiment, avec les syndicats ouvriers, nous avons rencontré les autorités - et, c'est vrai, à plusieurs reprises nous avons secoué le cocotier. Monsieur Moutinot, on est d'accord... Je ne dis pas que vous n'avez pas fait les choses au moment où il le fallait, mais on vous a tout de même rencontré à plusieurs reprises. Donc, Nous avons pris nos responsabilités ! Et dans l'intérêt général du développement et du rayonnement de ce canton, nous avons estimé que les assurances données en ce qui concerne la mobilité, la circulation et la sécurité étaient acceptables. Ainsi, nous avons pu accepter ces propositions.

Quant à l'article 4 que M. Grobet veut introduire par son amendement, il y a effectivement des problèmes de ce côté-là, et nous y reviendrons par la suite. On ne peut pas développer d'un côté et effacer d'un coup de plume toutes les activités sociales qui existent. Donc, le parti radical accepte cet article 3.

M. Mark Muller (L). J'ai pris la parole pour regretter l'intervention de M. Pagani tout à l'heure. Sur la forme en premier lieu, mais ce n'est pas nouveau, et puis sur le fond.

Je remercie M. Grobet d'avoir rétabli les véritables enjeux. Monsieur Pagani, je ne sais pas si c'est par fourberie ou par incompétence que vous avancez de telles choses, mais le problème n'est absolument pas un problème financier pour l'Etat.

La problématique des mesures de sécurité que les pétroliers ou Ikea devraient prendre ne concerne pas l'Etat. S'il y a des mesures de sécurité supplémentaires à prendre, elles seront financées par les sociétés privées sises à cet endroit. Je considère qu'il convient de laisser ces entreprises faire valoir leurs droits. Il y a des voies de recours, il y a des moyens d'agir en justice pour demander des dédommagements aux voisins... Quoi qu'il en soit, l'Etat n'aura pas à investir un franc en mesures de sécurité dans cette affaire.

S'agissant du Stade de La Praille, vous le savez, la situation était tout à fait différente, puisque les collectivités publiques, que ce soient la Confédération, les CFF ou le canton étaient et sont propriétaires d'une grande partie des terrains. Donc, il leur revenait de financer un certain nombre de mesures de sécurité. Ici ce n'est pas le cas, et M. Grobet l'a rappelé dans son intervention. Je regrette, Monsieur Pagani que vous ayez suscité un débat qui nous fait perdre une demi-heure de plus sur un faux problème. Je souhaite qu'on puisse maintenant conclure ce débat et voter ce déclassement.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

M. André Reymond (UDC). Nous parlons dans cet article 3 de questions de sécurité. C'est vrai, dans notre canton ville, que nous ne sommes pas à l'abri d'un accident quelconque: un avion peut tomber sur ces réserves de carburant, comme un avion peut tomber éventuellement sur les tours du Lignon, mais je pense que les projets déposés tiennent compte des problèmes de ces entrepôts d'essence. Si l'on ne veut pas rester en arrière, si l'on veut avancer et faire quelque chose à Genève, il faut maintenant aller de l'avant.

Cela me permet de dire à M. le vigneron, mon viticulteur préféré du parti libéral, que nous avons quand même du respect pour les petits entrepreneurs, pour les viticulteurs ou les vignerons qui doivent travailler. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Je me suis permis de souligner que, dans le projet Ikea, la volonté d'Ikea était quand même d'associer des petits commerces. Donc, vous n'êtes absolument pas en cause, Monsieur !

En revanche, c'est sûr qu'il y aura des problèmes de mobilité. Il y en a déjà avec l'ouverture des frontières et le nombre croissant de travailleurs qui viennent à Genève. J'en profite pour souligner l'importance du CEVA, dossier dans lequel nous devons avoir une unité d'action... (Brouhaha.)Dans ce sens-là, tout n'est pas gagné ! Et à Berne, je pense qu'on aimerait aussi un peu repousser aux calendes grecques ce problème de transports. Et je pense qu'il est nécessaire d'avoir à l'esprit le développement de Genève en pensant aussi aux transports.

C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, à l'UDC, nous acceptons cet article 3.

M. Christian Brunier (S). On pourrait féliciter M. Pagani de se soucier de la sécurité. Mais la sécurité, ce n'est pas à géométrie variable. Et si cette zone est aussi dangereuse qu'il le dit, je ne comprends pas pourquoi il n'a pas demandé qu'on déménage les logements qui s'y trouvent. Il y a du logement, des entreprises, et il y a déjà du commerce : Carrefour; il y a un hôtel : le Mövenpick. Alors, soit cette zone est dangereuse, et l'on va jusqu'au bout du raisonnement - j'attends votre intervention pour demander qu'on évacue toute la zone - soit on dit que c'est une zone qui n'est pas sans risque, c'est certain, mais qui est acceptable. Et on peut donc faire un projet nouveau dans cette zone.

Je peux même faire appel à ma mémoire, parce que, quand M. Grobet était conseiller d'Etat, moi j'étais conseiller municipal à Vernier. A cette époque, M. Grobet nous proposait, dans la même zone, de faire une station-service, un restoroute, un hôtel, de l'artisanat. Et les risques étaient identiques, voire peut-être pires.

Donc, soit il y a des risques, et l'on va jusqu'au bout des choses - on demande aux pétroliers de déménager ou aux projets déjà en cours d'être déplacés; soit il y a des risques acceptables, et on ne combat pas Ikea pour des questions de sécurité.

M. Rémy Pagani (AdG). Je crois qu'on a affaire à un problème de fond, mais certains veulent se perdre dans les détails. Et finalement, ce sont des détails qui nous coûtent assez cher.

Monsieur Mulller, rappelez-vous: nous avons construit un parking sous Palexpo, que tout le monde utilise d'ailleurs, puis les normes de sécurité se sont améliorées, et nous devons maintenant payer un tunnel. Je vous le rappelle : un million. Pour construire un tunnel et remettre aux normes de sécurité ce parking de Palexpo.

En l'occurrence, il y a des routes qui entourent les citernes, et, comme vous le savez, les routes dépendent de notre canton. Donc, nous devrons, d'une manière ou d'une autre, sécuriser ces routes et il sera demandé un jour ou l'autre à notre collectivité, un jour ou l'autre, puisque les risques augmentent, de prendre des mesures de sécurité.

Ensuite, M. Grobet vient de vous l'expliquer, les risques avaient été déjà évalués à la période où, Monsieur Brunier, les Tattes ont été construits et où certaines activités ont été introduites. On a alors demandé aux pétroliers de faire les investissements nécessaires pour proportionner les risques au milieu environnant. Et ces investissements avaient déjà coûté 15 millions aux pétroliers.

Aujourd'hui, vous augmentez les potentialités de risques. Cela veut dire que des frais devront être engagés pour protéger toute la circulation. Je vous rappelle que c'est un noeud de circulation aujourd'hui déjà. Ce n'était pas le cas il y a 10 ans. Vous et moi, Mesdames et Messieurs, attendons de temps en temps devant ces feux rouges et ces blocages qui n'existaient pas avant. Ils augmentent les risques. Il y a dans cette zone une population importante, et notamment les automobilistes. Donc, nous devrons investir. C'est évident, nous devrons investir pour protéger ce noeud de circulation.

Ensuite, les sociétés comme Ikea, qui se rendront compte qu'on leur demande des investissements importants, et d'investir encore plus dans le futur, risquent de vouloir se faire rembourser ces frais. Aujourd'hui, on leur demande de construire un mur en béton armé, qu'elles prennent à leur charge bien évidemment, mais demain, quand les normes de sécurité auront augmenté parce qu'on aura évalué la zone de risque plus importante, on leur demandera des investissements supplémentaires. A ce moment-là, ces sociétés se retourneront contre nous, contre l'Etat, pour nous faire payer un terrain qu'on leur a vendu ou qu'on leur a donné, dans des conditions qui se sont transformées. C'est évident, vous le savez très bien ! D'ailleurs, votre intervention, Monsieur Muller, mentionnait cette possibilité que les personnes qui acquerront ce terrain se retournent contre l'Etat pour avoir fait de fausses déclarations.

Ce lieu est à risques, comme d'ailleurs La Praille. C'est un lieu à hauts risques où des marchandises extrêmement dangereuses transitent.

La décision politique que nous devons prendre, c'est de remplacer la gare de marchandises ou les citernes par des centres commerciaux... A mon avis, c'est politiquement une erreur, puisque nous liquidons notre industrie et nos moyens commerciaux qui sont vitaux en faveur de transnationales. (Vif brouhaha.)C'est cela le problème politique... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Nous sommes responsables à long terme de mettre en oeuvre une politique qui intègre l'ensemble de ces paramètres. Et nous ne devons pas privilégier les transnationales et les centres commerciaux par rapport à des activités commerciales et économiques fondamentales pour notre économie.

M. Christian Grobet (AdG). Deux remarques, rapidement. D'abord à M. Brunier. Je tiens quand même, Monsieur, à vous rappeler que, au moment où l'on a construit à Vernier, c'était bien entendu dans le respect des périmètres de sécurité fixés à l'époque par le droit fédéral. Ce que j'ai dit tout à l'heure, vous ne m'avez peut-être pas entendu, c'est que ces normes de sécurité, ces dernières années, se sont renforcées et que les périmètres de sécurité ont été étendus sur des surfaces plus importantes. Donc, les constructions réalisées dans le périmètre de Blandonnet... (L'orateur est interpellé.)Vous le demanderez à M. Moutinot, qui vous dira certainement qu'il n'y a pas nécessité de prendre des mesures pour les constructions existantes. Ce sont simplement des mesures qu'il convient de prendre pour les constructions nouvelles. Voilà ! C'est une réalité : plus on construit à proximité de ces dépôts pétroliers, plus cela posera problème s'il y a un jour un incendie. C'est tout ce que je voulais préciser sur ce point.

Maintenant, en ce qui concerne M. Muller, je relève être intervenu simplement sur le plan juridique. A ce sujet, j'ai mis en évidence que le premier responsable est bien entendu l'entreprise qui génère les nuisances. Elle doit donc, selon le principe du pollueur-payeur, payer les mesures de sécurité. Seulement, il est vrai que ces entreprises peuvent aujourd'hui faire valoir que la construction du centre commercial risque de leur imposer des investissements supplémentaires en matière de sécurité. Et en formant des oppositions, ces entreprises ont précisément voulu réserver leurs droits, en quelque sorte. De cette façon si on vient un jour ou l'autre leur demander de prendre des mesures de sécurité supplémentaires, elles pourront dire qu'elles se sont opposées à la construction de ce centre et qu'elles ne devraient pas payer ces frais supplémentaires. Vous avez eu raison tout à l'heure, Monsieur Muller de dire que ce n'est pas un problème d'aménagement du territoire, mais un problème de dédommagements éventuels. Eh bien, on ne peut pas exclure que ces entreprises, à un moment donné, se retournent contre l'Etat pour demander des dommages et intérêts. Cette hypothèse ne peut pas être exclue. C'est tout ce que je voulais dire.

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Au moment où l'on aborde ces problèmes de sécurité, j'ai cru que les préopinants allaient évoquer les mesures extrêmement contraignantes que le département a imposées à Ikea. Mais à part M. Pagani, très brièvement dans sa deuxième intervention, personne ne l'a fait.

Il convient en effet de rappeler que le projet Ikea à La Renfile était évalué à 50 millions de francs. Avec les exigences qui se sont ajoutées, on parle maintenant de 90 à 100 millions de francs.

Les mesures de sécurité se concrétiseront sous la forme d'un mur blindé, renforcé - enfin, je ne sais pas exactement comment on a résolu cela sur le plan technique du côté des pétroliers. Je ne sais pas exactement non plus combien cela va coûter, mais, quand on voit que la facture augmente de 50 millions, on peut légitimement penser qu'Ikea va sérieusement passer à la caisse de ce côté-là.

Alors, quand M. Pagani et M. Grobet prétendent que l'Etat devra payer, moi je ne vois pas où et quand il le devra. Il y a une chose dont je suis certain, c'est que, pour l'instant, la facture est à la charge d'Ikea. Donc, nous avons ce soir un débat qu'il n'y a pas lieu d'être.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Les réserves pétrolières sur la commune de Vernier intéressent depuis de nombreuses années tant la commune que l'Etat. Il fût un temps où elles étaient hors de ville. Elles se trouvent aujourd'hui à un endroit dont on peut penser qu'il pourrait être mieux exploité. Toujours est-il que cela fait l'objet de discussions avec la commune depuis plusieurs années, notamment en ce qui concerne la question de la sécurité. Un plan a été adopté qui, sur la base des meilleurs experts - dont je ne suis pas - distingue des périmètres non seulement inconstructibles, mais où il n'est pas même permis de travailler en permanence; des périmètres où certaines activités sont possibles; d'autres où certaines constructions sont possibles avec des précautions et enfin, des zones qui sont tellement éloignées qu'on peut y faire ce que l'on veut en fonction des règle ordinaires de construction.

Il se trouve que la construction projetée par Ikea est dans une zone où il est autorisé de construire moyennant quelques précautions quant au type et aux moyens de construction à employer, d'où le fameux mur renforcé du côté des pétroliers.

Les raisons pour lesquelles vous allez rejeter l'opposition présentée par la SASMA ont été brillamment exposées sur le plan juridique par Mme Guichard.

Ce qui est vrai, Monsieur Grobet, c'est que c'est une opposition de précaution. Pourquoi est-ce que je me suis un peu moqué de cette opposition, Monsieur Pagani ? Parce que c'est un peu comme si le propriétaire d'un chien méchant disait : «Je sors avec mon chien, rentrez vos enfants !» A mon avis on garde le chien en laisse et on laisse sortir les enfants. (Applaudissements.)

Le président. Je pars du principe, vu le long débat qui vient de se dérouler qu'une opposition sur cet article s'est manifestée. Je vais donc le mettre aux voix.

Mis aux voix, l'article 3 est adopté par 65 oui contre 5 non et 7 abstentions.

Le président. Nous sommes saisis de deux amendements à l'article 4: l'un présenté par M. le député Grobet, de même qu'un sous-amendement présenté par divers députés des partis PDC, socialiste, Verts, radical et libéral.

M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais tout d'abord évoquer les conséquences de la venue d'une grosse entreprise commerciale dans une zone industrielle et artisanale. M. Moutinot a, du reste, indiqué les raisons pertinentes pour modifier les normes de la zone : il est évident que l'expression «activités commerciales accessoires» figurant dans la loi qui régit cette zone n'est pas suffisante pour autoriser une activité commerciale de l'importance de celle prévue par le centre de vente de meubles Ikea.

La présence d'activités commerciales dans des centres industriels a une conséquence directe sur les prix des terrains. En effet, comme je l'ai dit tout à l'heure, des entreprises du secteur secondaire, des petites entreprises de production, des entreprises du bâtiment, par exemple, ne peuvent pas payer des prix de terrain plus élevés que 150 F à 200 F le mètre carré. C'est la norme dans les zones industrielles qui sont contrôlées à Genève.

Malheureusement, la mixité dans ces zones entraîne une hausse des prix du terrain. On l'a vu par exemple dans la zone industrielle des Acacias, de l'autre côté de la route des Acacias par rapport à la zone FIPA. Le fait d'avoir une zone mixte a eu pour conséquence que cette dernière ne comprend quasiment aucune entreprise du secteur secondaire et qu'elle a été développée au profit du secteur tertiaire, avec notamment d'importants immeubles de bureaux, dont ceux qui ont été construits par l'Union de banques suisses. Quand une grosse multinationale ou une banque vient construire dans une zone comme celle-là, le prix du terrain s'envole évidemment. Il est ensuite impossible de maîtriser les prix.

Ici, que voit-on avec Ikea ? Le prix du terrain a augmenté. Il reste malgré tout dérisoire par rapport à la valeur du terrain qu'Ikea devrait payer dans une zone ordinaire. Tout à l'heure, j'ai demandé à deux ou trois députés s'ils savaient quelle était la valeur d'un terrain pour un centre commercial et s'ils savaient quelle était la valeur du terrain qui serait retenue dans le cadre des droits de superficie concédés à Ikea par la commune et par l'Etat de Genève. Eh bien, les centres commerciaux construisent sur des terrains d'une valeur de 1000 à 1500 F le mètre carré. C'est la valeur d'un terrain pour un centre commercial - bien en dessus, Monsieur Koechlin, de la valeur que vous me souffliez tout à l'heure, qui était déjà bien supérieure à celle retenue par la commune de Vernier et par l'Etat.

On a vu à La Praille qu'une collectivité publique, les CFF, a accepté de mettre à disposition d'un centre commercial et d'un hôtel, du terrain à 200 F le mètre carré. C'est évidemment particulièrement choquant, parce que, finalement, c'est une inégalité de traitement par rapport à d'autres entreprises du même secteur qui ne peuvent pas s'installer dans de pareilles zones !

Il est vrai, par contre, qu'à La Praille la société qui a bénéficié du droit de superficie des CFF a mis sur la table 35 millions à fonds perdus pour la construction du stade. Ainsi, le prix du terrain - je l'avais calculé à l'époque - est finalement de l'ordre de 1200 F le mètre carré.

On lit dans le rapport de Mme Guichard que le terrain sera mis à disposition par la commune et l'Etat moyennant une rente de 18 F le mètre carré, c'est-à-dire que la valeur du terrain a été retenue à 360 F le mètre carré. On voit déjà que le prix double par rapport à la valeur ordinaire de telles zones, mais reste bien en-dessous de la valeur du terrain que devrait payer Ikea dans une zone normale pour ses activités.

En conséquence, il m'apparaît logique qu'il y ait une contrepartie, comme cela a été le cas en ce qui concerne Jelmoli dans la zone de La Praille. Et la moindre des choses, c'est qu'Ikea assume les conséquences du projet avec la nécessité de faire partir un certain nombre d'entreprises ou d'institutions qui se trouvent sur place.

En lisant le rapport de Mme Guichard, je n'avais pas compris qu'il y avait d'autres institutions que le Centre social protestant. Dans la mesure où il y en a, je ne m'oppose pas à ce que mon amendement soit étendu à d'autres entreprises ou d'autres institutions qui se trouvent dans ce secteur. Quoiqu'il faille quand même distinguer entre une entreprise qui pourrait être une société pétrolière et une institution comme le Centre social protestant, institution sans but lucratif. Le CSP réalise un bénéfice relativement modeste et a investi - de mémoire - 2 millions ou en tout cas un million pour construire le hangar qu'il occupe actuellement qui n'a été construit qu'il y a une dizaine d'années et qui devra être démoli.

Je voudrais en tout cas dire que je ne peux pas me rallier au sous-amendement proposé qui indique qu'Ikea devrait simplement participer aux coûts de déplacement du Centre social protestant. Je trouverais totalement indécent que l'Etat de Genève, en mettant son terrain à disposition à 18 F le mètre carré, c'est-à-dire sur la base d'une valeur de 360 F le mètre carré, dispense également Ikea de payer le coût du déplacement de cette institution et de l'autre institution animée par le pasteur Zurn.

Par conséquent, je dirais qu'en tout cas en ce qui concerne les deux institutions sans but lucratif, à savoir le Centre social protestant et l'AGORA, Ikea devrait prendre à ses frais la totalité de frais de déplacement. Quant aux autres artisans dont je ne connais pas la qualité, on pourrait peut-être admettre une participation; reste encore à définir quel en serait le montant.

Mais Ikea ne peut pas à la fois vouloir une situation privilégiée - qui est particulièrement favorable, en bordure de l'autoroute - et ne pas assumer les frais liés à son installation. Quand on dit qu'Ikea irait de l'autre côté de la frontière, j'en doute beaucoup. Je ne crois pas, avec les lois françaises - peut-être ne sont-elles pas toujours bien appliquées - qui sont restrictives à l'extension des grands commerces en France, qu'Ikea irait s'installer là-bas... On donne à Ikea un site particulièrement privilégié: eh bien, qu'Ikea en assume les conséquences et prenne en charge intégralement au moins le déplacement des institutions sociales sans but lucratif et participe au déplacement des petites entreprises qui se trouvent également dans le secteur !

M. André Reymond (UDC). Nous sommes surpris de voir que l'Alliance de gauche ne veut pas de développement à Genève. Elle ne veut pas l'arrivée d'une entreprise. Je crois que le problème de l'Alliance de gauche, c'est qu'elle veut faire capoter le projet. Comme l'a dit M. le président du DAEL, surcharger les articles de loi risque de faire capoter définitivement le projet.

Je pense que nous ne pouvons pas nous rallier à l'amendement proposé. C'est peut-être un signe que M. Grobet veuille avoir moins d'Etat et forcer les privés à intervenir et à financer des aménagement à leurs frais. Maintenant, Ikea achète un terrain : soit nous sommes d'accord et ils viennent, mais Ikea n'a pas encore à se subordonner à des conditions ou à s'occuper de reloger des voisins. A ce moment, où l'entreprise privée peut-elle s'arrêter ? Elle n'aura plus de limites, elle aura des impositions de l'Etat. Bref, nous ne pouvons pas nous rallier à votre amendement !

De même, comme il est indiqué dans le rapport, je pense que le DAEL s'occupera du Centre social protestant et que tout le monde dans cette enceinte sera d'accord d'aider au relogement du CSP qui, comme je l'ai dit tout à l'heure, est une institution qui aide beaucoup des personnes défavorisées.

M. Jacques Baud (UDC). J'ai assisté à la séance où nous avons voté en commission pour ce projet de loi - contrairement à ce que certains peuvent penser, j'y étais.

A l'époque, j'ai posé la question au département de ce qu'il adviendrait du Centre social protestant. Il a été dit que le département en prenait compte et qu'Ikea était d'accord de payer ou, en tout cas, d'aider à payer une partie de ce déplacement.

J'aimerais dire autre chose. On ne peut, dans un projet de loi, contraindre un privé de s'occuper de quelque chose qui ne le regarde absolument pas; on ne peut pas faire ce qu'on pourrait appeler une contrainte légale sur un privé. Ce ne sont pas «ses oignons», vous m'excuserez !

Pourtant, si quelqu'un défend le Centre social protestant, c'est bien moi: je le fais régulièrement, je vais les voir, je donne des coups de main...

Donc, je ne peux accepter cet amendement, il va à l'encontre du bon sens. Il faut rester pragmatique. Il faut arrêter de mettre les pieds au mur pour empêcher qu'Ikea vienne à Vernier.

Cela déplaît à certains ? Tant pis ! C'est malheureux pour eux, mais je crois qu'il est temps d'arrêter ce cinéma et de faire ce que l'on doit : voter ce projet de loi.

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Le souci concernant le relogement du Centre social protestant est unanime dans ce parlement. Tous les groupes l'ont évoqué, mais cela ne rend pas pour autant l'amendement de M. Grobet acceptable. En effet, décider que ce déménagement sera effectué aux frais d'Ikea, c'est une méthode, Monsieur Grobet, digne de régimes totalitaires !

On n'a jamais négocié ce genre de choses avec Ikea. Comme l'a dit très justement M. Baud, il nous a été assuré en commission qu'Ikea était prêt à participer à la recherche et aux frais que ce déménagement engendrerait. Mais il y a une part qui doit être réservée à la négociation entre Ikea et le Conseil d'Etat. Ce dernier nous a, en commission et encore à deux reprises ce soir, assuré de son engagement en faveur d'Ikea.

C'est pour cela que nous devons quand même prendre ce souci à notre compte, mais d'une manière un peu édulcorée. J'ai donc le plaisir de présenter un sous-amendement, au nom de plusieurs groupes : les démocrates-chrétiens, les socialistes, les Verts, les radicaux et les libéraux. Ils y reviendront sans doute plus tard. Dans mon empressement, j'ai oublié de le proposer à la signature à l'UDC, mais je crois savoir qu'ils vont l'appuyer et je les prie de m'excuser de ma maladresse.

Ce sous-amendement est un peu édulcoré par rapport à l'amendement de M. Grobet. Il mentionne: «avec la participation d'Ikea», ce qui, comme je le disais précédemment préserve une marge de négociation.

On a surtout évoqué le CSP, mais il y a également d'autres petites entités sur ce site dont il convient de prendre les soucis en compte. C'est pour cela qu'à la fin de ce sous-amendement nous vous proposons de dire: «les activités de tous les occupants».

C'est une version qui, à notre avis, est acceptable et permettra, ce que souhaitent la plupart des groupes : le vote en troisième débat dès ce soir. Dans l'immédiat, le groupe démocrate-chrétien acceptera ce sous-amendement.

M. Gabriel Barrillier (R). Je viens d'entendre mon collègue Portier. J'aimerais dire ici que le développement de Genève ne doit pas provoquer un phénomène de terre brûlée ou entraîner des conséquences collatérales qui soient négatives. Lors des travaux de la commission, j'ai notamment été très sensible au témoignage du Centre social protestant qui a été rappelé tout à l'heure. Ce n'est pas parce que je suis calviniste que j'y suis particulièrement sensible, mais il y a là un travail très important qui est fait par ces institutions sociales.

Donc, je trouve normal, et le parti radical aussi, qu'en cas d'espoir de bénéfices économiques les entreprises qui souhaitent venir à Genève - qui le veulent vraiment parce qu'elles ont fait un calcul économique - participent à la sauvegarde et au fonctionnement d'institutions sociales.

C'est la raison pour laquelle je me rallie, avec le parti radical, à la proposition d'amendement du député Grobet, rectifiée par le député Portier. Je vous invite à l'accueillir favorablement. (L'orateur est interpellé.)Et je l'ai signée...

Le président. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont inscrits: MM. les députés, Bernard Annen, Christian Grobet et Gilbert Catelain, ainsi que M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot.

M. Bernard Annen (L). Je pense que nous pourrons effectivement nous rallier à l'entente oecuménique qui se dégage ici. Si j'ai demandé la parole, c'est simplement pour relever que, dans l'enthousiasme des uns et des autres à aller dans un sens ou dans un autre, on nage en pleine contradiction. Un parti qui se veut pour la croissance économique en arrive à affirmer qu'il ne faut surtout pas qu'une entreprise de plus s'installe dans un périmètre tel que celui-ci.

On entend aussi, d'un autre côté, parler de sécurité. Enfin, quelle que soit l'activité économique, ou syndicaliste - Monsieur Pagani, vous ne me contredirez pas ! - il y a des risques. Il y a des risques ! Je ne connais aucune activité sans risque.

Nous avons également des gens qui ont un langage, un discours selon lequel les prix ne seraient pas suffisamment élevés. Il faudrait les augmenter. Certains voudraient, par la politique ou par ailleurs, augmenter les prix. C'est un mécanisme - et Dieu sait si je n'ai pas d'arrière-pensées, Monsieur Grobet, et plus particulièrement à votre égard - qui répond malheureusement aux définitions de la spéculation. Mesdames et Messieurs, dans votre enthousiasme à aller dans un sens ou dans un autre, vous en arrivez à oublier l'élément principal ! Alors, il est vrai qu'il y a des inconvénients: on a parlé de celui du Centre social protestant; on a parlé de la sécurité - ce sont de réels inconvénients. Mais par rapport à l'avantage - que personne dans cette enceinte ne peut négliger - qu'est la création d'emplois, ces inconvénients sont mineurs. Je ne peux pas imaginer une seule seconde que nous puissions refuser un tel projet, alors que nous sommes, à Genève, les rois du chômage. Très honnêtement, en dépit de tous les arguments que j'ai entendus, que je respecte, que je comprends, qui ne sont pas tout à fait faux, la seule «priorité des priorités» reste de pouvoir créer des emplois, quels qu'ils soient. Non pas des emplois uniquement pour les Genevois - quelque part, c'est tout de même un peu court comme démonstration - mais des emplois pour des emplois.

Et je me suis élevé dans un certain nombre de débats, en lançant des invectives - vous n'êtes pas les seuls à le faire, nous en lançons aussi - pour demander: «Qui crée des emplois ?» Alors, qui crée des emplois ?

Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, si je vais soutenir ce projet-ci, c'est pour créer des emplois et uniquement pour cela !

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, je ne voulais pas sortir du débat, je vois que vous laissez M. Annen aborder des questions qui ne concernent pas du tout l'article 4, donc je ne gênerai pas pour lui répondre.

D'abord, en ce qui concerne la création des 200 emplois dont vous parlez, on aura l'occasion d'évoquer cette question tout à l'heure, Monsieur Annen ! On verra si vous êtes d'accord de voter une mesure qui permettrait que ces emplois soient effectivement destinés à la population genevoise, parce que j'ai quelques doutes à ce sujet. Et je pense qu'il faut être prudent.

Par ailleurs, vous me permettrez de dire que 200 emplois par rapport à la surface du terrain utilisée - je ne sais pas quelle est la surface consacrée au projet Ikea, probablement 20'000 mètres carrés - c'est totalement dérisoire ! Pour parler de création d'emplois, dans un canton comme le nôtre, il faudrait avoir un ratio beaucoup plus intéressant que celui-ci.

Il serait également intéressant, peut-être que le président du Conseil d'Etat, M. Cramer - s'il veut bien nous écouter - pourra nous dire quel est l'impact fiscal d'Ikea. Est-ce qu'on a affaire à une multinationale, comme un certain nombre d'entre elles qui se sont installées à Genève, qui ont frappé à la porte du Conseil d'Etat et qui ne paient pas un sous d'impôt ici ? Est-ce qu'Ikea paiera des impôts ? Est-ce qu'Ikea bénéficiera ou ne bénéficiera pas de faveurs fiscales ?

Je clos cette parenthèse pour en arriver à la question du Centre social protestant. Voyez-vous, Monsieur Annen, contrairement à vos insinuations, je n'ai jamais été pour la croissance zéro. Bien entendu que je suis pour le développement économique, mais alors je ne suis pas du tout - mais pas du tout ! - de celles et ceux qui acceptent que des sociétés qui engrangent d'énormes bénéfices puissent tout simplement écraser les petits, et plus particulièrement des institutions sociales qui jouent un rôle déterminant dans notre collectivité !

Je suis à l'aise pour en parler parce que, contrairement à M. Barrillier, je ne suis pas calviniste, je ne fais pas partie de l'Eglise protestante. Et j'ai énormément d'estime pour des institutions comme le Centre social protestant, comme Caritas, comme le Centre d'Emmaüs et d'autres, qui mettent à disposition de la partie la plus défavorisée de notre population des meubles qu'elle ne peut pas se payer en allant chez Ikea ! C'est ça, la réalité !

Le centre de Vernier avait été créé par un éminent pasteur en 1956, au lendemain des événements de Hongrie, je me permets de le rappeler. Et aujourd'hui, cette institution, qui est venue - j'ai lu le rapport de Mme Guichard - s'exprimer d'une manière extrêmement modérée, est menacée d'être foutue à la porte de là où elle travaille... (L'orateur est interpellé.)Parfaitement, et vous le savez, M. Portier ! Je le dis d'autant plus que votre amendement à l'article que j'ai proposé vise à vider ce dernier de toute sa substance ! Quand je vous ai entendu tout à l'heure, disant qu'il fallait la participation du Centre social protestant pour trouver d'éventuelles solutions de relogement, j'ai tout compris ! J'ai compris ce qui se cache derrière votre amendement ! Vous ne parlez même pas de participation financière de la part d'Ikea ! Il s'agirait qu'Ikea joue les bons offices, cherche un terrain éventuel, etc. Non ! Ikea réalise des bénéfices faramineux ! La moindre des choses, c'est qu'Ikea prenne en charge le déplacement du Centre social protestant à un endroit équivalent à celui que l'Etat a mis à disposition.

Sur le plan juridique, j'aimerais dire quelque chose à M. Baud. Dans le cadre d'une loi, on peut toujours poser des exigences, notamment dans le cadre d'une zone de développement. J'aimerais rappeler qu'en ce qui concerne le stade de La Praille le Conseil d'Etat monocolore - qui n'était pas du tout ma tasse de thé - a su négocier, quand même, un participation assez valable en ce qui concerne ce stade. Monsieur Baud, personne n'a discuté ! Quand l'Etat a dit qu'il faudrait trouver 35 millions, ni plus ni moins, pour payer le stade de La Praille afin que le déclassement devienne réalité, personne n'a protesté. Il est clair que l'Etat, quand il déclasse, peut poser un certain nombre d'exigences. Mais ici, Mesdames et Messieurs, la situation est encore bien différente ! Je rappellerais que l'endroit où se trouve le Centre social protestant - là où le hangar de un ou deux millions a été construit il y a dix ans - est sur un terrain qui appartient à l'Etat ! Alors au moment où il déclasse les terrains, l'Etat est quand même en droit de dire que, si ces gens veulent utiliser notre terrain, ils doivent reloger le Centre social protestant !

C'est toujours votre discours, à droite ! Vous êtes pour le libéralisme et pour moins d'Etat quand il s'agit de favoriser des entreprises... Et quand une entreprise multinationale - c'est le comble ! - choisit un endroit pour réaliser des bénéfices extrêmement importants, vous ne voulez même pas lui faire supporter les charges qu'elle occasionne à l'Etat. C'est absolument indécent !

M. Gilbert Catelain (UDC). En quelques mots, je rappelle que ce projet de loi vise un déclassement de zone, et seulement un déclassement de zone. L'amendement qui nous est proposé par M. Grobet, respectivement le sous-amendement de l'Entente et d'une partie de la gauche, consiste en une sorte de cheval de Troie qui vise à affaiblir ce projet de loi, quitte à ce qu'en définitive il retarde suffisamment longtemps l'autorisation de construire afin que le projet ne se fasse pas. Or introduire dans un article la notion de délivrance d'un permis de construire n'est plus du tout en phase avec le titre et le préambule de ce projet de loi. Et nous avons affaire à un déclassement de zone et seulement à un déclassement de zone. On est d'accord ou on n'est pas d'accord...

Quels risques prenons-nous avec cet amendement ? Que des occupants actuels de la zone s'opposent par la suite à une solution de reclassement; que, à la rigueur, ils fassent recours; qu'ils fassent peut-être la fine-bouche quant au choix du terrain et, finalement, que la procédure dure suffisamment longtemps pour qu'Ikea renonce à son projet. Nous prenons ce risque... On ne peut pas dire s'il est élevé ou pas, mais nous en prenons un. Nous nous imposons une condition qui n'est, à mon avis, pas nécessaire et pourrait nous porter préjudice.

Dans ce dossier, je pense que nous pouvons faire confiance d'une part au Conseil d'Etat et d'autre part à Ikea pour que, par la négociation, on arrive à trouver une solution acceptable par tous. Et cette question du relogement ne doit pas se situer dans le projet de loi.

En conséquence, je vous invite à refuser cet amendement, principalement dans la mesure où on n'en a jamais parlé aux différents intéressés et notamment à Ikea. Je pense que la moindre des choses aurait été de faire cette proposition d'amendement en commission, et pas aujourd'hui en plénière.

Mme Nelly Guichard (PDC), rapporteuse. J'aimerais compléter l'information de M. Grobet. En ce qui concerne ce fameux hangar du CSP, dont il a l'air de dire que c'est un bâtiment de grand luxe, il s'agit en réalité - cela, c'est M. Champod qui nous l'indique - d'une construction provisoire extrêmement difficile à chauffer. Donc, à ce niveau-là, je ne pense pas qu'un changement de local serait malvenu. Par ailleurs, je doute qu'il ait été si coûteux, puisqu'il s'agit là d'un bâtiment provisoire.

Ensuite, je rappelle que des garanties nous ont été données en commission, et je l'ai mentionné également. On nous a dit que les six ou sept autres locataires actuels seraient relogés, mais que les démarches n'avaient pas encore été entreprises jusque là, puisque le projet n'était pas encore assez avancé. Vous savez très bien que les locataires des terrains achetés par Serono, par exemple, ont été relogés. Le département s'est engagé à faire de même en ce qui concerne le lieu où Ikea devrait être construit.

Voilà ce que je souhaitais relever pour compléter ce qui a été dit à ce sujet.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Il m'apparaît que vous souhaitez tous et toutes que soient relogés le Centre social protestant, l'AGORA et, finalement, les autres occupants de ce terrain qui ont aussi le droit de poursuivre leurs activités - vous divergez sur la manière d'y arriver. Il va de soi - et c'est plus pratique, plus agréable pour moi à certains égards - que cela ne figure pas dans la loi. Je conçois cependant aisément que vous vouliez avoir cette garantie par votre propre décision.

A partir de là, trois amendements sont proposés pour tenter de régler cette question. Le premier amendement, celui de M. Grobet, souffre à mon avis - je suis navré, Monsieur le député - d'un défaut qui ne me permet pas de l'accepter: la formulation «aux frais d'Ikea» est en effet sans limite et sans définition. Par conséquent, elle me paraît excessive, parce que le Centre social protestant lui-même assume un certain nombre de choses et que l'Etat le subventionne aussi. On pourrait comprendre de cette formulation que, pour cette affaire, plus personne n'aurait à intervenir, alors que c'est de notre devoir aussi en faveur du Centre social protestant. Et c'est le caractère fermé de cet élément qui me conduit à le refuser et, par conséquent, à refuser votre deuxième amendement qui indique rigoureusement la même chose.

En revanche, je peux me rallier à l'amendement des cinq groupes; il offre d'une part l'avantage de mettre sur pied d'égalité les différents occupants du terrain et, d'autre part, il demande la participation d'Ikea. Participation que, compte tenu des nécessités budgétaires, Monsieur Grobet, j'entends obtenir aussi forte que possible !

Le président. Nous allons procéder au vote. En réalité, le second amendement de M. Grobet - qui me l'a dit tout à l'heure - annule et remplace le premier. Nous allons donc procéder non pas à trois votes, mais à deux. Nous commençons par l'amendement le plus éloigné, à savoir celui présenté par M. le député Grobet. Le voici : «La délivrance de l'autorisation de construire portant sur les bâtiments prévus dans la zone créée pour le projet de la société Ikea est subordonnée à la mise à disposition, aux frais d'Ikea, d'un site de remplacement pour les activités du Centre social protestant comportant un bâtiment identique à celui dont cette institution bénéficie aujourd'hui, ainsi que pour les activités de l'AGORA, tout en participant aux frais de déplacement des artisans concernés par ce projet.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 10 oui et 5 abstentions.

Le président. Nous allons maintenant voter sur l'amendement concernant également l'article 4, présenté par les groupes PDC, socialiste, Verts, radical et libéral. Le voici: «La délivrance de l'autorisation de construire portant sur les bâtiments prévus dans la zone crée pour le projet de la société Ikea est subordonnée à la mise à disposition, avec la participation d'Ikea, de sites de remplacement pour les activités de tous les occupants.» (Remarque.)Il n'y a pas de débat, Monsieur, sauf si vous demandez l'appel nominal ! (Brouhaha.)Nous sommes en procédure de vote...

Une voix. J'ai un sous-amendement à proposer !

Le président. Vous auriez pu le présenter avant, nous sommes en procédure de vote !

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 59 oui contre 3 non et 10 abstentions.

Mis aux voix, l'article 4 (nouveau) est adopté en deuxième débat.

Le président. L'ancien article 4 devient donc l'article 5 (nouveau). Nous passons à l'article 5 nouveau. Nous sommes saisis d'un amendement présenté par le député Grobet.

M. Christian Grobet (AdG). On a beaucoup parlé de création d'emplois pour défendre le projet d'Ikea. J'ai eu l'occasion de dire tout à l'heure que la création de 200 emplois pour un terrain d'une étendue aussi importante reste une contribution très modeste.

Le problème est finalement de savoir si, véritablement, ces emplois seront créés pour des personnes qui vivent à Genève et qu'ils ne feront pas l'objet d'appels d'employés provenant de l'autre côté de la frontière. Cette question est particulièrement importante au moment où l'on voit que le nombre de travailleurs frontaliers ne fait qu'augmenter et que, parallèlement, le chômage augmente à Genève - beaucoup de personnes qui y vivent ne trouvent pas d'emploi. Et la pratique du dumping salarial va certainement s'aggraver ces prochains mois à Genève, et ces prochaines années, comme c'est le cas déjà en Suisse alémanique.

Alors, dans la mesure où Ikea s'est engagée - on a même parlé d'une lettre écrite à l'UDC - auprès de l'Etat à créer des emplois à Genève, je pense que cela devrait être une des conditions d'octroi de l'autorisation afin que les promesses faites soient effectivement respectées.

Je ne parlerai pas d'autres secteurs, Monsieur Barrillier, que vous auriez pu évoquer tout à l'heure à propos des 100 millions de travaux. J'espère simplement, Monsieur Barrillier, que des entreprises genevoises en bénéficieront et qu'il n'y aura pas trop de matériaux préfabriqués importés d'outre-frontière. Et j'espère que les entreprises genevoises trouveront du travail. Vous avez l'air très optimiste... On verra !

Par ailleurs, j'attends toujours la réponse de M. Cramer à la question de savoir si Ikea aura un siège social à Genève.

M. Rémy Pagani (AdG). Pourquoi proposons-nous cet amendement aujourd'hui ? On pourrait très bien nous rétorquer qu'il y a une convention collective qui a été étendue dans le domaine de la vente, et en vertu de laquelle il ne devrait théoriquement pas y avoir de sous-enchère salariale - bien que, je vous le rappelle, il est possible d'engager une vendeuse avec CFC, de France voisine, sans indiquer qu'elle a un CFC, sous la dénomination «sans CFC». On n'y verra que du feu, sauf s'il y a un contrôle éventuel. Et comme on n'a pas beaucoup d'inspecteurs, on peut toujours attendre ce contrôle... En plus, on ne donne pas les moyens aux syndicats d'effectuer de réels contrôles dans ce secteur-là. Cela étant, il est vrai qu'il y a une convention étendue.

Le problème, c'est que cette convention a été étendue il y a trois ans et qu'il y a pourtant encore des magasins - aujourd'hui, Mesdames et Messieurs ! - qui ne respectent pas la convention collective. C'est notamment le cas de Carrefour, qui s'est implanté dans notre canton, qui a obtenu un certain nombre d'avantages et qui ne respecte toujours pas les conventions collectives.

Nous estimons donc, en votant cet amendement, que c'est une garantie que l'on se donne que les entreprises transnationales qui veulent s'installer dans notre canton respectent au moins les usages professionnels et les conventions collectives. C'est pourquoi nous vous demandons d'accepter cet amendement.

Le président. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont inscrits: Mmes et MM. les députés, Pierre Weiss, Bernard Annen, Christian Brunier, Sami Kanaan, Gabriel Barrillier, Pierre-Louis Portier, André Reymond, ainsi que M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot.

M. Pierre Weiss (L). J'ai une question à poser à M. Grobet, notre excellent collègue et éminent juriste. Comme vous avez clos la liste, je vous la poserai à vous-même, Monsieur le président. Cette question a trait à la base légale qui permet de fonder cet amendement.

Que je sache, il n'y a que dans le domaine médical une limitation à la liberté de contracter. Or, par l'amendement ici proposé, l'employeur, en l'occurrence Ikea, se verrait contraint de procéder à des engagements préférentiels sans même prendre en considération une équivalence de compétences ou d'appétence des collaborateurs qui se présenteraient à lui.

Non seulement on peut imaginer que cet amendement est contraire à la liberté de contracter, mais il est aussi contraire à la libre circulation des travailleurs dans le cadre de l'Union européenne et des accords conclus par la Suisse.

Je n'aimerais pas imaginer que M. Grobet propose cet amendement par simple populisme - cela je ne le crois pas une seconde. Il ne s'agit, bien entendu, pas de proposer une disposition dont il sait très bien qu'elle pourrait être attaquée au Tribunal fédéral, mais qui produirait son petit effet ce soir. Je ne crois en aucun cas qu'il soit lui-même tombé dans ce piège.

Pour nous éviter le ridicule d'être condamnés par le Tribunal fédéral au cas où un employé venant d'un autre canton ou de France ne serait, par hypothèse, pas engagé par Ikea au seul fait de ne pas être genevois, voire verniolan, il est préférable que l'auteur de l'amendement y renonce sur-le-champ, cela nous évitera des débats inutiles.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

La présidente. La parole est à M. le député Bernard Annen... qui renonce à la prendre. Je la donne donc à M. Christian Brunier.

M. Christian Brunier (S). On a entendu l'Alliance de gauche nous parler de respect des conventions collectives. Il est clair que nous sommes pour le respect des conventions collectives, mais il n'y a aucune allusion à ces dernières dans l'amendement qui est proposé: la seule proposition, c'est de la préférence - même pas nationale - cantonale et communale.

C'est totalement contraire aux bilatérales qui ont été plébiscitées par le peuple. C'est également contraire aux lois du travail, puisqu'il y a discrimination des travailleurs. Et on ne peut pas défendre la discrimination entre les travailleurs sous prétexte qu'on doit se renfermer au niveau d'une commune. Cela ne tient pas la route, c'est illégal ! Totalement illégal ! Il faut arrêter ! On est en train de construire la région, on est en train de construire l'Europe... Je vous rappelle qu'au niveau des bilatérales des mesures peuvent être prises pour lutter contre le dumping social. C'est là qu'il faut lutter: contre le dumping social ! Et pas pour un enfermement de Genève entre quatre murs, ce qui nous ruinerait économiquement. (Applaudissements.)

M. Sami Kanaan (S). En complément à ce que vient de dire mon collègue Brunier, je trouve aussi qu'au-delà des questions légales ou de convention, c'est faire preuve d'un certain mépris pour l'ensemble des habitants de la région française voisine. Parce qu'ils se trouvent être habitants de l'autre côté de la frontière, dans la même région, mais de l'autre côté de la frontière, on les exclurait a priori d'une possibilité d'emploi ! C'est inacceptable et, en plus, c'est extrêmement faux à long terme.

Pourquoi Ikea et pas d'autres ? On pourrait imposer à Migros, à Coop, aux pharmacies, aux hôpitaux, une règle identique : s'enfermer. Mais un jour on le payera cher, parce que notre destin, qu'on le veuille ou non, est lié à celui de nos voisins français dans la région. On négocie actuellement des enjeux, en matière de transports publics par exemple. Comment voulez-vous raisonnablement demander à nos collègues frontaliers de jouer le jeu si on leur dit par ailleurs que, quand il s'agit d'emploi, la porte est fermée ?

Je trouve cela d'une irresponsabilité totale ! (Applaudissements.)

M. Gabriel Barrillier (R). Je pourrais me contenter de confirmer ce que viennent de dire mes deux préopinants, mais je crois qu'il faut être clair. M. le député Grobet dit qu'il y a pour 100 millions de travaux à réaliser et demande s'ils seront genevois... Peut-être ! Je l'espère. Mais vous savez très bien qu'on a des accords bilatéraux et que, si des entreprises françaises ou allemandes veulent soumissionner ici pour Ikea, elles tenteront leur chance. Vous savez très bien aussi que ces entreprises, si elles détachent de la main-d'oeuvre, seront soumises à la loi fédérale sur le détachement de la main-d'oeuvre. Elles devront donc annoncer d'avance leur venue, annoncer leurs salaires, annoncer les prestations sociales. Il y aura le contrôle des commissions paritaires, Monsieur Pagani.

Donc, comme MM. Brunier et Kanaan, je pense qu'il faut jouer le jeu de ces accords que nous avons conclus avec les pays européens. Même s'il y en a quelques-une qui ont fait recours ou qui annoncent leur recours, nos entreprises sont, pour la plupart, de taille à se frotter à la concurrence. Donc, je pense qu'il ne faut pas clore le jeu comme ça.

Il est vrai que nous avons aussi des enjeux régionaux, on a le CEVA - puisqu'on en parle beaucoup... (Remarque de M. Jean-Michel Gros.)Oui, Monsieur Gros, nous avons le CEVA ! Vous riez toujours à propos du CEVA, mais cette liaison se fera ! Malgré vous ! Donc, nous avons des enjeux régionaux, et on ne peut pas, comme ça imaginer des choses à sens unique. Moi, j'ai confiance dans ces systèmes, dans ces procédures, et je vous demande de ne pas approuver l'amendement du député Grobet.

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Tout comme mon préopinant, beaucoup de gens ont exprimé ce que je voulais dire, c'est-à-dire que cela ne tient évidemment pas la route sur le plan juridique.

Mais j'aimerais juste rappeler une chose encore: les engagements qui ont quand même été pris par la voie d'une lettre de l'entreprise Ikea. Une lettre adressée à l'UDC a été évoquée. Je crois savoir qu'il y en a une auprès de la commune de Veyrier - de Vernier, pardon ! L'habitude, peut-être... Lettre dans laquelle Ikea s'engage à collaborer avec le service social de la commune pour, prioritairement, tenter de replacer les chômeurs de la commune de Vernier. Et j'imagine bien qu'au moment où Ikea mettra en place son service de vente, si jamais cette lettre était oubliée, les services sociaux de la commune de Vernier iront toquer à la porte d'Ikea pour lui rappeler ses bonnes intentions.

Pour ma part, je suis confiant et rejette donc l'amendement de M. Grobet.

M. André Reymond (UDC). Je suis étonné de voir que, tout d'un coup, l'arrivée de travailleurs et d'entreprises à Genève cause une sorte de panique dans cette enceinte. Genève est intéressante, semble-t-il...

Oui, c'est vrai qu'il y aura des problèmes, mais je tiens quand même à souligner qu'Ikea est une entreprise qui veut venir à Genève et qui fait des bénéfices. Je crois qu'une entreprise qui fait des bénéfices, c'est bien, car elle paie des impôts ! Et ces impôts, vu l'état de nos finances à Genève, sont un bon point.

D'autre part, il est certain qu'on aimerait bien que les travailleurs puissent habiter sur leur lieu de travail... Quel est le travailleur qui faire des heures de voiture ou de train pour venir à Genève ? Alors, je pense que la liberté de commerce est là et qu'il faut accepter la possibilité que des travailleurs viennent d'ailleurs, puisqu'on en est à ce point aujourd'hui.

On ne peut donc pas accepter ce nouvel article que vous proposez, et l'UDC ne le votera pas.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Le souci que les emplois créés servent à résorber le chômage, il va de soi que nous le partageons. La commune de Vernier qui, comme toutes les communes du canton, est touchée par le chômage a eu des discussions, des négociations, et même un engagement d'Ikea de favoriser l'engagement de chômeurs de la commune de Vernier. Cela est légitime.

En revanche, en tant qu'article de loi, cette proposition n'est pas acceptable pour les différentes raisons rappelées par les uns et par les autres. Il est notamment, de toute évidence, contraire à la liberté du commerce et de l'industrie; il est de toute évidence contraire aux accords bilatéraux, voire même à quelques autres textes internationaux.

Le président. Nous allons procéder au vote de l'amendement présenté par M. Christian Grobet: ajouter un article 5.

Mis aux voix, cet amendement (ajout d'un article 5) est rejeté par 55 non contre 8 oui et 4 abstentions.

Le président. Nous devons encore adopter l'article 4 qui devient l'article 5.

Mis aux voix, l'article 5 (nouveau) est adopté.

Le président. Messieurs Muller et Kanaan, vous avez demandé la parole, mais je suppose que ce n'est pas à propos de cet article...

Des voix. En troisième débat !

Le président. Très bien, je vois qu'il est demandé.

Troisième débat

M. Mark Muller (L). Le fait qu'un grand nombre de petites lumières vertes s'allument sur le tableau va justifier mon intervention...

Je crois que tout a été dit concernant ce débat et que les différents groupes ont pu s'exprimer. Avant même que de nouveaux amendements soient déposés en troisième débat, je demande l'application de l'article 79: je suggère que vous nous fassiez voter sur la proposition de mettre un terme au débat et de passer au vote final en troisième débat. (Applaudissements.)

Le président. Pour que les choses soient bien claires, je vous lis la base légale concernée. Article 79, alinéa 1, lettre a): «Le Bureau ou un député peut proposer d'interrompre immédiatement le débat et, le cas échéant, de passer au vote.» Alinéa 2: «La motion d'ordre doit être immédiatement mise aux voix - c'est ce qui sera fait - sans débat et ne peut être acceptée qu'à la majorité des deux tiers des députés présents.»

Mise aux voix, cette motion d'ordre est rejetée par 41 oui contre 26 non et 8 abstentions (la majorité qualifiée n'est pas atteinte).

M. Sami Kanaan (S). Je souhaite simplement apporter, à la fin de ce débat... (L'orateur est interpellé.)Le débat se terminait de toute façon, donc la motion de notre collègue Muller était inutile !

Ce dossier a été abondamment discuté, nous sommes tous conscients des ses limites et des sacrifices qu'il implique. Je peux vous dire que, sous l'angle de la mobilité, ceux qui auraient pu s'opposer au dossier ont beaucoup hésité à le faire et y ont renoncé, après une pesée d'intérêts. Neuf cents places de parking, c'est largement excessif; nous avons pourtant renoncé à faire opposition, parce que nous nous sommes dit que c'était moins pire que d'autres solutions, notamment qu'Ikea reste à Aubonne ou aille en France. Et que ce soit sous l'angle social, sous l'angle environnemental, sous l'angle économique, il y aurait une quantité de choses à dire. Mais on ne vit pas dans un monde idéal, paraît-il - pas encore, mais on y travaille... Et toute autre solution était moins bonne.

Ainsi, malgré les doutes qu'on peut avoir, et ils sont importants, nous soutenons ce projet. Il y a des incertitudes : pour la commune de Vernier en terme de trafic; pour la manière dont Ikea concrétisera ses engagements; pour le CSP, qui n'est pas encore absolument sûr de trouver une solution de qualité... Concernant les pétroliers, je ne me fais pas trop de souci, parce qu'en dehors de leurs préoccupations pour leurs propres primes d'assurance responsabilité civile, je ne vois pas beaucoup la motivation de leur recours.

J'aimerais ajouter aussi que beaucoup de gens ici, même à l'Alliance de gauche et à droite, ont beaucoup de respect pour les recours des pétroliers. Alors, on espère autant d'enthousiasme pour le droit de recours des associations environnementales...

Cela dit, malgré tout et malgré nos doutes, nous votons aujourd'hui ce déclassement, parce que le refuser est une stratégie absolutiste qui ne mène à rien, si ce n'est à pousser Ikea en France voisine, ce qui, du point de vue de la mobilité, est pire que la solution actuelle. De même, maintenir le magasin à Aubonne est également pire, du point de vue de la mobilité à Genève et du point de vue de l'emploi.

M. Rémy Pagani (AdG). J'aurais voulu présenter un sous-amendement à l'amendement de M. Portier qui a été adopté.

Ce que nous voulions, c'était nous assurer des promesses d'Ikea. Le CSP a reçu une lettre que nous avons vue en commission, par laquelle Ikea s'engage à contribuer au relogement du centre de La Renfile. Malheureusement, la délégation du CSP a dit à la commission que cette letttre datait d'il y a deux ans et qu'il n'y avait depuis plus aucun contact avec les représentants d'Ikea. C'est dans ce cadre-là que nous sommes intervenus pour proposer cet amendement. Premier amendement qui a été modifié par M. Portier et que je vous demanderai, en troisième débat, de modifier à nouveau.

Sur le fonds de cette affaire, c'est la même chose au niveau de l'emploi. Ikea s'est engagé, par une lettre adressée aux membres de l'UDC et au Conseil d'Etat, à employer du personnel de la région. Nous voulions inscrire cet engagement dans la loi. C'était l'objectif de cet amendement, parce que la pratique nous a fait nous rendre compte, notamment par rapport aux engagements pris envers le CSP, que les responsables de cette entreprise ne tenaient pas, en tout cas jusqu'à maintenant, leurs engagements.

C'est pour cela que je voulais, dans le cadre du deuxième débat, proposer un sous-amendement à l'amendement de M. Portier qui a été accepté. Voici le texte adopté : «La délivrance de l'autorisation de construire portant sur les bâtiments prévus dans la zone créée pour le projet de la société Ikea est subordonné à la mise à disposition, avec la participation d'Ikea de sites de remplacement pour les activités du CSP...». Moi je propose d'indiquer : «avec la participation financière d'Ikea». Comme ça, ce sera très clair ! Nous ne demandons pas à Ikea une participation pour trouver un terrain sans bourse délier, nous demandons une participation financière, et ça me paraît la moindre des choses. Sans cela, ce que vous avez voté, c'est du «bouillon pour les morts» !

Avec la formulation actuelle, les responsables d'Ikea pourront dire que le Grand Conseil a demandé une participation et qu'ils vont épauler le CSP, lui trouver une société qui l'aidera à trouver un terrain. Et si elle n'a pas fait son boulot dans les trois mois, ils se sentiront déliés par rapport à leur promesse. Je dis «leur promesse», car ils se sont engagés par écrit à trouver une solution pour le CSP. Donc, nous vous demandons d'être cohérents et de voter cet amendement.

Le président. Je vous laisse le soin, Monsieur Pagani, de me remettre cet amendement, de manière qu'il puisse être au moins distribué aux chefs de groupes... (Protestations.)... Conformément à l'article 80 du règlement du Grand Conseil : «Un amendement est une proposition de modification d'un texte...». Article 81 : «L'amendement doit être présenté par écrit et signé.» Voilà, c'est la raison pour laquelle je demande cet amendement.

M. Alain Etienne (S). Je ne pensais pas intervenir en troisième débat, mais tout à l'heure, la rapporteuse Mme Guichard a voulu répliquer à mon intervention.

Certes, je vous l'accorde, il m'arrive d'être un peu polémique, mais il n'est pas correct de dire que je suis de mauvaise foi. Je défends en commission les positions du parti socialiste; j'ai considéré que les positions du parti socialiste n'étaient pas suffisamment développées dans le rapport, c'est pourquoi je suis intervenu. Je n'ai fait que mon devoir de député. Je vous remercie.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, vice-présidente

M. Christian Grobet (AdG). On arrive au terme de ce débat et certaines déclarations ont été faites. J'aimerais simplement souligner une nouvelle fois que tout au long de ce débat, que ce soit le Conseil d'Etat, le rapporteur, un certain nombre de députés, ont invoqué des engagements qui ont été pris par Ikea. Je persiste à penser, contrairement, à ce qui a été dit par certains, que juridiquement il est tout à fait possible dans une loi de confirmer des engagements qui ont été pris par une personne intéressée à un projet et qui va en bénéficier directement. Je constate que la majorité de ce Grand Conseil n'a pas voulu confirmer les engagements d'Ikea. Je pense qu'il faudra peut-être, dans quatre ou cinq ans, quand le centre sera en fonction, demander un rapport au Conseil d'Etat pour savoir dans quelle mesure tous ces engagements auront été tenus.

La présidente. Je mets aux voix cet amendement à l'article 4 (nouveau) qui se formule ainsi : «...la mise à disposition, avec la participation financière d'Ikea, de sites de remplacement...».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 41 non contre 21 oui et 6 abstentions.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

M. Bernard Annen (L). Je demande l'appel nominal, Monsieur le président. (Appuyé.)

La loi 9318 est adoptée article par article en troisième débat.

Le président. Je mets aux voix l'ensemble de ce projet de loi en troisième débat.

Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9318 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 60 oui contre 2 non et 10 abstentions.

Appel nominal

Le président. Mesdames et Messieurs, l'ordre du jour appelle le RD 540-A, rapport de la commission de réexamen en matière de naturalisation. Ce point sera traité à huis clos.

La séance publique est levée à 22h45.

Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.

RD 540-A
Rapport de la commission de réexamen de naturalisation (huis clos)

Cet objet est clos.

La séance est levée à 23h25.