République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h45, sous la présidence de M. Pascal Pétroz, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Robert Cramer, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Bernard Annen, Jeannine de Haller, Roger Deneys, René Koechlin, Georges Letellier, Alain-Dominique Mauris, Patrice Plojoux, André Reymond, Pierre Schifferli et Louis Serex, députés.

E 1264-A
Prestation de serment de Mme CHAPPUIS-BUGNON Corinne, élue Juge d'instruction (Entrée en fonction : 1er octobre 2004)
E 1265-A
Prestation de serment de Mme ERARD-GILLIOZ Pauline, élue Juge au Tribunal de Première instance (Entrée en fonction : 5 juillet 2004)

Le président. Mmes Corinne Chappuis-Bugnon et Pauline Erard-Gillioz sont assermentées. (Applaudissements.)

Correspondance

Le président. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Résolution du Cartel Intersyndical du personnel de l'Etat et du Secteur subventionné relative aux divers projets législatifs concernant le personnel de l'Administration cantonale du 14 mai 2004 ( C-1810)

Annonces et dépôts

Néant.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour.

PL 9096
Projet de loi de MM. Gilbert Catelain, André Reymond, Jacques Baud modifiant la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux (B 5 05)

Préconsultation

M. Gilbert Catelain (UDC). Le projet de loi qui vous est soumis ce soir est, en quelque sorte, un projet convivial puisqu'il n'a même pas fait l'objet de récriminations de la part des syndicats qui ont manifesté cet après-midi - j'en étais même étonné. Ce projet de loi vise à corriger un certain nombre d'anomalies incompatibles avec l'idée que l'on peut se faire d'une fonction publique moderne. Il y a trois mesures prévues dans ce projet de loi.

La première vise à corriger des inégalités de traitement chez les employés de la fonction publique. C'est une idée généreuse - dont on pourrait même dire qu'elle est socialiste - puisqu'on a vu en commission qu'il y a bien un service d'évaluation de fonction mais que la rémunération de l'employé ne correspond pas forcément à cette évaluation de fonction - même la Tribune de Genève, dans un numéro consacré à l'emploi au mois de mars 2003, avait relevé que les infirmières étaient pénalisées par rapport à une autre fonction de l'Etat, puisque les évaluations du service concerné n'étaient pas respectées.

Il s'agit ensuite de remettre en vigueur le principe de la classe d'engagement, à savoir deux classes en-dessous de la classe finale, pour tenir compte, comme par le passé, du manque d'expérience du collaborateur que l'on engage dans la fonction publique. Je rappelle que cette mesure avait été prise dans une période où on avait du mal à trouver des employés au sein de la fonction publique. Je rappelle également que les temps ont changé, que la situation économique s'est dégradée, qu'il n'y a jamais eu autant de personnes au chômage depuis que Genève existe - 15 000 personnes sont au chômage dans notre ville. Le problème du recrutement est donc moins important qu'auparavant. Il peut cependant l'être pour d'autres motifs: je peux ainsi citer le cas, à l'Hospice général, de la fille d'une de mes collègues, véritablement motivée pour le travail social dont c'était la vocation, qui a fait l'école des Hautes études en sciences sociales ainsi qu'un stage à l'Hospice général. Au bout de trois mois, cette fille a dû démissionner, non pas à cause de la structure de l'Hospice général mais à cause de la clientèle: elle se faisait insulter et elle n'a pas compris la mentalité de certaines des personnes qui s'adressaient à ce service.

Il s'agit également de consacrer une petite partie de la masse salariale pour récompenser 10 à 20% des collaborateurs qui auront fourni des prestations au-dessus de la norme habituelle. Il s'agit donc de récompenser des collaborateurs méritants. Certains des services de l'Etat ont eu une surcharge de travail en 2003, ce ne sera pas forcément le cas en 2004. Il n'y a pas forcément la possibilité matérielle d'augmenter suffisamment rapidement leur effectif - ou il n'y a pas la capacité financière de créer des places de travail supplémentaires assez rapidement - par conséquent, ces collaborateurs méritent qu'on tienne compte de leurs efforts. Il faut offrir à l'Etat la possibilité de les récompenser. Il ne s'agit donc pas, dans l'alinéa 3 de l'article 10, de prendre à ceux qui travaillent moins bien que les autres pour donner à ceux qui travaillent mieux - ce n'est pas ce qui est prévu, bien que c'est un système qui existe ailleurs. Il s'agit de consacrer 2% de la masse salariale pour récompenser les très bonnes prestations. C'est donc un système qui ne pénalise personne.

Le but global de cette réforme de la loi B 5 05 est d'orienter l'activité de l'Etat sur la qualité des prestations fournies. Vous savez que nos ressources n'augmentent pas aussi vite que les besoins de la population et les tâches que l'on confie à l'Etat. Il faut donc absolument arriver à un système d'organisation et de prestations qui valorise la qualité du travail. Pour ce faire et pour mettre cette mesure en oeuvre, il est nécessaire de modifier l'article 13 - pour répondre à la critique selon laquelle on va peut-être donner de l'argent supplémentaire à une catégorie de collaborateurs sans évaluation objective. Il est donc nécessaire de modifier l'article 13 de telle sorte que l'ensemble des collaborateurs de l'Etat, qu'ils soient fonctionnaires ou non, soient évalués tous les deux ans au minimum - si l'Etat veut les évaluer tous les ans, qu'il le fasse ! - afin de responsabiliser les cadres de l'Etat...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Gilbert Catelain. Merci... Afin, donc, de motiver les cadres de l'Etat à accomplir leur devoir de conduite et à entretenir des relations avec leurs employés, afin qu'ils puissent montrer ce qui cloche ou ce qui a été bien fait, au sein de leur activité professionnelle, et que les employés sachent sur quelle base ils sont évalués.

Je propose donc que ce projet de loi soit traité par la commission ad hoc, qui a été créée hier, pour le traitement de la loi sur le personnel de l'Etat.

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Ce projet de loi propose, entre autres, de revenir à l'engagement de fonctionnaires deux classes en-dessous de leur traitement normal, ce qui a été modifié tout récemment. En effet, depuis peu de temps, l'engagement se fait une classe en-dessous. Il faut savoir que, pour certaines professions, le secteur privé offre un salaire de 20 à 30% supérieur au secteur public. Par ailleurs, nous sommes confrontés à une pénurie de personnel dans certains secteurs - et pas seulement dans les fonctions qui exigent de hautes qualifications. Que signifie l'expression «hautes qualifications» ? C'est une bien vague notion. Comment, donc, remédier à ces problèmes de pénurie ? En appliquant à nouveau un système d'engagement défavorable à la fonction publique, proposé par l'UDC ?!

Ce projet de loi fait une autre proposition. Chaque service devrait réserver 2% de la masse salariale budgétée pour récompenser, sous forme de primes annuelles, non pas les fonctionnaires qui font bien leur travail mais 10 à 20% des meilleurs d'entre eux sur la base d'appréciations irréalistes, comme vous le proposez. Sans augmenter la masse salariale, cela équivaudrait à payer les fonctionnaires à 98% de leur salaire.

Quand il est fait mention des prestations du titulaire, comment évaluer les prestations des enseignants ? Au taux de réussite de leurs élèves ? Des infirmières, au taux de guérison de leurs patients ? Des policiers, au nombre d'arrestations effectuées ou de contraventions infligées ? Et les travailleurs sociaux ?

Cela est absolument impraticable. Comment dénicher, par exemple, les dix ou vingt meilleurs enseignants dans un cycle d'orientation ? C'est la porte ouverte à l'arbitraire et à la subjectivité. Ce système est inacceptable. Et voilà un projet présenté comme convivial par l'UDC !

Actuellement, dans les services de l'Etat, une très grande majorité des fonctionnaires font tout à fait correctement leur travail - et même davantage - étant habitués, depuis les années 90 à faire plus avec moins. Toutefois, je tiens à préciser que les Verts sont favorables à des appréciations régulières pour tous les travailleurs de la fonction publique, comme c'est normalement prévu par l'article 14 de la loi - fonctionnement des services et qualité des prestations - qui dit: «aux fins d'améliorer le bon fonctionnement des services et la qualité des prestations, il est mis en place un processus d'évaluation prévoyant des entretiens individuels et de service.» Ces évaluations ne sont pourtant pas pratiquées partout et nous le regrettons. Il serait pourtant judicieux de fixer des objectifs spécifiques à atteindre pour chaque profession.

Une évaluation doit être constructive et enrichissante. Elle permet de valoriser et de motiver le collaborateur et pas uniquement de le critiquer. Le but recherché étant une amélioration, aussi bien pour celui qui est évalué que pour la direction. Cela pour être plus heureux dans son job, améliorer la qualité et les conditions de travail et aussi augmenter les performances du service, ce qui bénéficiera à toute la population.

En conclusion, ce projet de loi, basé sur le principe du bâton et de la carotte, n'est pas défendable pour les Verts. Les mesures proposées vont finalement à l'encontre des buts soi-disant recherchés et auraient l'effet contraire, en démotivant une très grande majorité des travailleurs de la fonction publique.

M. Alberto Velasco (S). Monsieur Catelain, décidément, ce jeudi et ce vendredi, c'est le week-end de la fonction publique. Après les deux projets de lois d'hier soir, avec le vôtre c'est un genre sur le même sujet. Mais en réalité, Monsieur Catelain, ce dont il s'agit ici c'est du salaire au mérite. Vous ne dites pas, dans votre projet de loi, comment on évaluera les gens pour leur attribuer un salaire au mérite. J'ai cherché cette information dans votre projet de loi mais je ne l'y ai pas trouvée.

Vous dites, dans l'exposé des motifs, que «la rémunération ne doit pas dépendre abstraitement de la seule classification de la fonction.» Peut-être. «Elle doit aussi refléter concrètement la qualité de la prestation réellement fournie et le comportement du collaborateur.» Qu'est-ce que cela signifie «le comportement du collaborateur» ? C'est l'arbitraire, Monsieur. Cela veut dire que le chef du service serait à même de dire si le comportement du collaborateur est bon ou mauvais, et, en fonction de cela, on fixerait son salaire. On revient à des méthodes vraiment éculées. Vous revenez au début du XXe siècle.

Ce projet de loi ne mérite même pas qu'on y passe cinq minutes.

Le parti socialiste refusera évidement ce projet de loi. Je pense cependant que l'Entente l'acceptera avec l'UDC mais je pense que nous ne rentrerons pas en matière sur ce projet de loi.

M. Rémy Pagani (AdG). Je dois dire à M. Catelain que, contrairement à ce qu'il a annoncé, la fonction publique s'est aussi mobilisée contre ce projet de loi. D'ailleurs, il y a tellement de projets de lois qui visent à déstructurer la fonction publique, que celui-là n'en représente qu'un de plus - et malheureusement, il ne figure pas parmi les meilleurs.

Cela étant, vous enfoncez une fois de plus des portes ouvertes, Monsieur Catelain. Il est écrit que «préalablement à l'engagement, la classe de traitement de l'employé, fonctionnaire ou non fonctionnaire, est fixée sur la base d'une évaluation de la fonction réalisée par le service des évaluations, d'entente avec le département concerné.» Mais, Monsieur Catelain, le service d'évaluation des fonctions a réalisé, pour chaque fonction de notre administration, une évaluation basée notamment sur la formation, sur la responsabilité du poste; il y a trois autres critères très précis qui permettent une évaluation pour chaque classe de fonction.

Que ce soit une «secrétaire 1», une «secrétaire 2», un pompier ou quelqu'un de la STEP d'Aïre, tout cela est catalogué de manière très scientifique. Je vous invite à consulter, une fois - parce que j'ai l'impression que vous ne l'avez pas fait - la méthode du service d'évaluation des fonctions et le catalogue immense de l'ensemble des fonctions de la fonction publique, qui sont d'ailleurs réévaluées périodiquement. Par exemple, la fonction d'assistant social a été évaluée une première fois il y a vingt ans. Cette évaluation a attribué la classe 13 aux assistants sociaux, en fonction de la formation qu'ils avaient à cette époque-là. Cette fonction a été réévaluée en fonction de l'amélioration de la formation, notamment des HES, auxquelles elle s'est intégrée - cette réévaluation a accordé la classe 15 à la fonction d'assistant social. C'est ainsi que cela se passe aujourd'hui, c'est pourquoi vous ne faites qu'enfoncer des portes ouvertes.

La deuxième question. Vous nous dites «chaque membre du personnel, fonctionnaire ou non fonctionnaire, fait l'objet d'une appréciation écrite, qui porte notamment sur: [...] le comportement du titulaire». J'aimerais vous citer un exemple, parce que le comportement du titulaire est ce qu'il y a de plus arbitraire, alors que l'évaluation des fonctions est faite en termes quasi scientifiques, puisqu'elle tient compte de critères objectifs. Il y a une vingtaine d'années, j'ai eu affaire à un responsable de grande entreprise - c'était au Grand Passage - qui a introduit, pour ses vendeuses, le système que vous souhaiteriez voir mis en place pour l'administration. Cela a eu pour effet de mettre les vendeuses en conflit les unes avec les autres. On a vu ce que cela a donné: le Grand Passage a fermé. (Manifestation dans la salle. Exclamations.)Mais oui, Mesdames et Messieurs les députés ! Le Grand Passage a fait faillite parce que, dès le moment où vous mettez les employés en concurrence - alors qu'aujourd'hui, et vous le savez tous, le niveau de production requiert une cohésion extrêmement grande entre les employés - vous cassez le système de production actuel, qui réclame une grande cohésion des uns et des autres. On en fait tous les jours la constatation autour de ces bancs, dans vos bureaux: nous produisons beaucoup plus parce que nous coopérons de plus en plus les uns avec les autres, et c'est bien ainsi, Mesdames et Messieurs les députés. Sauf que, en introduisant le salaire dit «au mérite» en fonction du comportement du titulaire et de son évaluation, vous mettez en concurrence les uns et les autres. Vous êtes complètement en contradiction avec vos propres méthodes de gestion. C'est en ce sens-là que nous condamnons ce type de projets de lois.

Cela étant, Monsieur Catelain, encore un petit détail - mais cela ne l'intéresse pas puisqu'il n'écoute même pas. Au cas où vous ne le sauriez pas, l'administration publique a déjà un système «au mérite». Le système au mérite existe, Monsieur Catelain; il existe sur la base de faits concrets, cependant. Je n'en citerai que deux. La «prime de tarmac», pour le personnel de l'aéroport qui travaille sur le tarmac. C'est une prime de mérite qui permet de mesurer objectivement les prestations des employés de l'administration. La «prime de travaux sales» permet également de rémunérer de manière un peu plus substantielle les employés qui exécutent ce genre de travaux, notamment à la STEP d'Aïre.

Vous n'inventez donc pas la roue en déposant un tel projet de loi. Vous essayez simplement, une fois de plus, de brimer et de vous opposer à la fonction publique en la soumettant à la politique de la carotte et du bâton. Cela n'est pas ainsi que l'on gère une administration, Monsieur Catelain, ça n'est même pas comme cela que l'on gère une entreprise.

M. Patrick Schmied (PDC). Nous soutenons le renvoi de ce projet de loi en commission - avec le reste des objets qui concernent la fonction publique - même s'il est très partiel et s'il comporte quelques problèmes, comme par exemple ce retour à deux classes en-dessous au moment de l'engagement, qui était quand même quelque chose d'un peu archaïque.

Je salue l'adhésion de M. Pagani aux méthodes de management moderne, mais je me propose de lui donner un petit cours de rattrapage privé.

M. Pierre Weiss (L). La première chose qui saute aux yeux, lorsque l'on considère ce projet de loi, c'est la date de son dépôt: le 3 octobre 2003. C'était donc avant qu'un certain nombre d'objets concernant la réforme fondamentale du statut de la fonction publique ne soient proposés à ce Grand Conseil.

Comme l'a dit notre collègue à l'instant, il convient néanmoins que ce projet de loi soit renvoyé à la commission ad hoc qui mène une réflexion plus fondamentale sur la fonction publique. Je crois que des choses intéressantes doivent être prises en considération, cependant, une réforme de fond doit être engagée sur ce statut.

Nous nous y emploierons, en commission, et nul doute que nos collègues de l'UDC nous rejoindront sur les propositions de réformes que nous avons déposées.

M. Jacques Jeannerat (R). J'aimerais intervenir parce que nos débats sont télévisés et que l'un des préopinants a un badge, sur sa veste, sur lequel est écrit «TPG en grève». Aujourd'hui, la fonction publique a fait grève. C'est son droit, je respecte ce droit. Cependant, et je m'exprime non seulement en tant que député mais également en tant que membre du Conseil d'administration des TPG, je trouve inadmissible que M. Pagani, en portant un badge «TPG en grève», affiche une action mensongère sur son veston, en parlant de la fonction publique. Je vous demande, Monsieur le président, d'enjoindre M. Pagani à retirer son badge. (Manifestation dans la salle. Exclamations.)Son action discrédite l'engagement des parlementaires qui sont dans cette salle et qui sont également membres du Conseil administratif des TPG. Les TPG n'étaient pas en grève, ce matin. Ce sont certains syndicats qui ont bloqué les bus. Je vous demande donc, Monsieur le président, de faire retirer son badge à M. Pagani. (Applaudissements.)

Le président. Dans ce genre de cas, je suis navré mais, je suis obligé de donner la parole à M. Pagani pour qu'il vous réponde. Monsieur Jeannerat, veuillez m'indiquer la base légale sur laquelle vous vous appuyez pour fonder votre demande.

Si mon bon sens me permettait de prendre les décisions que j'ai envie de prendre, en violation flagrante de la loi, je vous assure que l'on avancerait plus vite. Cela étant, je suis censé appliquer un règlement. Tant que le règlement ne dira pas que le président du Grand Conseil fait appel à son bon sens pour faire ce qui lui plaît, je serai obligé de vous demander la base légale sur laquelle vous vous fondez, Monsieur le député.

M. Rémy Pagani (AdG). D'abord, j'aimerais dire à M. Jeannerat qu'il ferait bien de se renseigner parce que mon badge ne porte pas l'inscription «TPG en grève» mais «TPG solidaires». (Rires. Applaudissements.)

Une voix. Loupé !

M. Rémy Pagani. Par conséquent, M. Jeannerat prétend que je mens mais il devrait se renseigner avant de dire les imbécillités qu'il a dites et je vous explique pourquoi.

Ce matin, effectivement, un certain nombre de syndicalistes et moi avons fait un piquet de grève devant les TPG. Heureusement, les conducteurs des bus des TPG ont été solidaires de notre action et c'est la raison pour laquelle il est écrit «TPG solidaires» sous-entendu «avec ce piquet de grève». Ils n'ont pas tenté de traverser ce piquet de grève. C'est une pratique légitime du syndicalisme.

Je regrette que M. Jeannerat, avec toutes les connaissances qu'il a, ne soit pas encore au courant de ce type de pratiques. Les TPG n'ont pas fait grève, ils se sont simplement ralliés à un mot d'ordre, que nous avons lancé, qui consistait à leur demander de lever le pied.

Voilà pourquoi je pense que la prise de position de M. Jeannerat est tout à fait inappropriée.

Le président. Je vois que tout le monde a rapidement terminé la digestion. Cela a commencé tout calmement et je vois qu'il y a une flambée d'énergie. J'espère que vous arriverez à calmer tout ce beau monde, Madame la vice-présidente du Conseil d'Etat.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Vous aurez compris que je ne tiens pas à entrer en matière en ce qui concerne la divergence qui vient de s'installer. Elle trouvera d'autres lieux pour se régler et mon collègue président pourra en évoquer quelques épisodes ultérieurement.

Je veux simplement vous signaler l'urgence d'aller débattre en commission à l'écoute de vos propos. J'en citerai plus particulièrement deux sur lesquels vous pourrez vous situer dans le débat.

Vous parlez de 2% de la masse salariale; chers amis députés de l'UDC, 2% de la masse salariale représente, à l'heure actuelle, 60 millions de francs. J'ai pris bonne note que vous vouliez distribuer 60 millions de francs à 20% des 25 000 postes de la fonction publique, ce qui signifie près de 12 000 francs par personne et par année, au maximum. Je suis donc très intéressée de voir l'exercice que vous allez produire.

Vous n'êtes pas seuls à débattre dans cette assemblée. Par conséquent, ma deuxième remarque ira à M. Pagani. On aura donc quand même appris ce soir - le Conseil d'Etat est très intéressé par cette déclaration - que les indemnités, chèrement disputées par un certain nombre de syndicats - dont certaines sont des indemnités de bottes, d'autres des indemnités de tarmac, les troisièmes des indemnités pour ceux qui ne bénéficient pas d'indemnités, je vous les énumère parce qu'il y en a pour 246 millions dans les comptes de l'Etat - relèvent du salaire au mérite et je me réjouis d'avance de pouvoir débattre de cette intéressante politique prônée par M. Pagani en commission. (Applaudissements.)

Ce projet est renvoyé à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat.

PL 9098
Projet de loi de Mmes et M. Christian Grobet, Jeannine De Haller, Marie-Paule Blanchard-Queloz modifiant la loi générale sur les contributions publiques (D 3 05)

Préconsultation

Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi veut régler le problème des véhicules de location qui ne sont pas immatriculés dans le canton, bien qu'ils soient en service dans le canton.

Il semblerait, après une étude préliminaire en commission fiscale, que cela pose quelques problèmes juridiques. Je demanderai néanmoins formellement à ce Grand Conseil de renvoyer ce projet de loi à la commission fiscale, pour que nous puissions régler cette question.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Ce projet de loi a l'air de poser un problème. Il soulève en fait deux questions: la première est celle des voitures de location immatriculées dans d'autres cantons. La Suisse étant un marché ouvert et un marché libre, je ne vois pas très bien comment nous pourrions contraindre les voitures de location à être immatriculées à Genève. Cela me semble contraindre au droit.

En ce qui concerne le deuxième point, soit les véhicules servant à usage personnel, il me semble qu'il y a déjà des dispositions, notamment concernant la loi AVS, qui règlent ce type de problèmes. Il me semble donc que cette question est déjà réglée. De plus, il me paraît difficile de contrôler que chaque utilisateur de véhicule professionnel ne le fasse pas à titre privé.

J'aurais encore une petite remarque concernant ce qui est dit de l'AIG et de son financement par les contribuables genevois. Je vous rappelle juste que l'aéroport international de Genève donne chaque année quelques millions au canton.

M. François Thion (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne sais pas si vous avez remarqué, dans les rues de Genève, le nombre de voitures avec des plaques d'Appenzell Rhodes-Intérieures, et le nombre de voitures immatriculées à Schaffhouse !

Une voix. Ce sont des touristes !

M. François Thion. Moi, je suis vraiment étonné... (Brouhaha.)...d'autant plus que je me suis renseigné: il n'y a que quinze mille habitants à Appenzell Rhodes-Intérieures, c'est-à-dire moins qu'à Carouge. Je me suis demandé s'ils venaient essayer l'autoroute chez nous parce qu'ils n'en avaient pas chez eux - mais non ! Ce n'est pas pour cette raison, car ils n'ont pas envie de payer la vignette. Je crois plutôt que l'idée de l'Alliance de gauche est la bonne: c'est une histoire de fiscalité.

Je me réjouis donc qu'on renvoie ce projet en commission, afin d'y voir d'un peu plus près. Peut-être est-ce possible, peut-être non. Quoi qu'il en soit, au moment où l'Etat de Genève a les difficultés budgétaires que l'on connaît et dont la droite, en face, est en partie responsable puisqu'elle baisse régulièrement les impôts, je crois qu'il vaut la peine d'étudier ce projet de loi. Nous vous demandons donc de le renvoyer en commission.

M. Gilbert Catelain (UDC). Le problème soulevé par l'Alliance de gauche a existé aussi en France et concernait des voitures de location, toutes immatriculées dans le département 51. Les recettes fiscales provenaient donc toutes du même département, et le gouvernement français a trouvé une solution que je trouve excellente: il a décidé de supprimer l'impôt sur les véhicules. Depuis deux ans, en effet, les quatre mille travailleurs frontaliers qui circulent en voiture à Genève ne payent plus d'impôt auto et ne s'en portent pas plus mal. Je me réjouis donc de renvoyer ce projet de loi en commission, et peut-être que les commissaires de l'Entente et de l'UDC pourraient faire une contre-proposition qui irait dans ce sens.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Luscher.

Une voix. Vas-y Luscher, fonce !

M. Christian Luscher (L). Merci beaucoup, Monsieur le président. Il faut constater que les voitures, comme les autres activités de la vie quotidienne, sont soumises à la concurrence fiscale. A Genève, nous avons opté pour une solution qui consiste à s'aligner sur d'autres cantons - je pense notamment à l'impôt sur les successions et à l'impôt sur les droits de donation - où, lorsqu'il y a un exode fiscal, on essaie plutôt de s'adapter pour répondre à la concurrence.

L'Alliance de gauche, dans le cas présent, plutôt que de s'aligner sur ceux qui ont les impôts les moins chers, pense à taxer ceux qui sont partis s'installer dans d'autres cantons. Leur mode de réflexion est tout de même assez particulier: ils pensent que chez les autres, on fait mieux, et qu'il faut donc les taxer. Pourtant, la logique voudrait qu'on essaie de faire mieux chez nous en taxant moins ceux qui s'y trouvent !

Dans ce sens-là, ce qu'a dit le député Catelain était frappé de bon sens, et je pense qu'il faudrait plutôt se demander si nous ne devrions pas baisser l'impôt auto pour éviter des exodes fiscaux de plaques, plutôt que de taxer ceux qui dans d'autres cantons bénéficient des avantages qui leur sont octroyés. Mais enfin, chacun sa technique ! Peut-être ce projet sera-t-il amendé en commission de telle façon que tous ceux qui sont au bénéfice de plaques de voitures ou de camions puissent bénéficier des avantages octroyés par d'autres cantons.

Monsieur Pétroz, faites très attention à ce que vous allez dire. Je vous remercie.

Le président. Vous avez remarqué, Monsieur le député Luscher, que je n'ai absolument rien dit, mais je ne vous cacherai pas qu'il est difficile de tenir ma langue. La parole est à M. le député Pierre Froidevaux.

M. Pierre Froidevaux (R). Chers collègues, j'ai l'impression d'être relativement d'accord avec M. Luscher, même si son discours était un peu emberlificoté. En tout cas, j'estime que l'esprit qui anime nos collègues de l'Alliance de gauche mérite réellement un débat en commission, et je serais bien d'accord avec leur idée d'imposer dorénavant des plaques genevoises aux voitures de location. Il est vrai qu'on est parfois très surpris de voir ces plaques d'autres cantons, notamment lorsqu'on doit recevoir des hôtes étrangers, lorsqu'on a de belles voitures à présenter, et j'aimerais bien, lorsqu'on reçoit des délégations, que ce soit marqué Genève plutôt qu'Appenzell Rhodes-Intérieures sur les voitures.

Je suis donc d'accord avec l'esprit qui anime les auteurs de ce projet de loi. Renvoyons-le en commission et j'espère que nous sortirons de cette proposition un projet de loi concurrentiel, qui permette aux loueurs de voitures de déposer leurs papiers à Genève et d'y payer leurs impôts.

Le président. Merci, Monsieur le député, vous n'étiez pas à côté de la plaque ! (Rires légers.)C'était un peu facile, c'est vrai.

Ce projet est renvoyé à la commission fiscale.

PL 9116
Projet de loi de Mme et MM. Gilbert Catelain, Jacques Baud, Robert Iselin, Caroline Bartl, Jacques Pagan, Pierre Schifferli, Claude Marcet modifiant la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux (B 5 05) (Suppression de l'obligation de domicile)

Préconsultation

M. Gilbert Catelain (UDC). Ce projet de loi est encore plus convivial que le précédent, parce qu'il n'a pas été repris dans la liste des revendications des syndicats qui nous a été présentée hier...

De quoi s'agit-il ? La loi actuelle oblige les membres du personnel de l'Etat à avoir leur domicile et leur résidence effective sur le territoire de la République et canton de Genève... C'est le principe, mais il y a les exceptions... Cela veut dire que le principe de base est très restrictif: c'est une obligation de domicile. La loi a un peu vieilli, et on peut effectivement se demander si cette obligation légale a encore lieu d'être. D'autant qu'elle pénalise prioritairement les jeunes candidats à la fonction publique, qui ne trouvent pas de logement.

D'après les chiffres de l'office cantonal de la statistique, vingt mille personnes devraient être à la rue, si on tient compte du nombre de logements occupés, du nombre moyen de pièces par logement et du coefficient d'occupation par pièce, qui a été défini par cet office en 1990. Je le répète: ces considérations sont basées sur les chiffres de l'office cantonal de la statistique. Il y a donc un réel problème de logement à Genève - vous le savez mieux que moi - problème qui rejaillit sur l'Etat qui ne peut loger ses employés.

De plus, effectivement, comme vous l'avez dit tout à l'heure, cette exigence légale nous coûte cher, parce que, pour être plus attractif et pouvoir recruter, l'Etat a décidé d'embaucher dans la classe réelle du poste à pourvoir et non plus deux classes en dessous comme c'était le cas auparavant. L'Etat fait donc les frais de la pénurie de logements en devant engager les fonctionnaires dans la classe de base du poste à pourvoir.

Par ailleurs, cette exigence légale ne tient pas compte de l'évolution de la société. Il arrive de plus en plus fréquemment qu'au sein d'un couple la femme travaille dans le canton de Vaud et le mari dans le canton de Genève, ou inversement. La restructuration passée, et à venir, de la Poste est un exemple. Vous savez que, d'ici deux ans, le centre de Montbrillant sera quasiment fermé et que les employés devront probablement travailler dans le canton de Vaud, alors que leurs épouses continueront sans doute à travailler dans le canton de Genève. Et on ne pourra pas empêcher ces femmes de suivre leur mari dans le canton de Vaud ! (Commentaires.)

Le problème se posera aussi pour un employé de l'Etat marié, avec un enfant, qui vit dans un trois ou quatre-pièces, qui souhaitera obtenir un cinq-pièces lorsqu'il aura un deuxième enfant. Toujours d'après les chiffres de l'office cantonal de la statistique, les quatre et cinq-pièces représentent seulement 37% des logements. Il n'y a, par exemple, aucun cinq-pièces de libre sur la commune de Vernier... La seule solution pour cette famille type sera de quitter le canton de Genève, si elle veut absolument obtenir un cinq-pièces. (L'orateur est interpellé. Le président agite la cloche.)Ils sont de plus en plus nombreux !

En matière de recrutement du personnel, le critère principal ne doit pas être le lieu de résidence mais la concordance entre le profil du candidat et le cahier des charges. La situation actuelle privilégie l'engagement de collaborateurs fraîchement arrivés dans notre République, au détriment de ceux qui ont dû, malgré eux, quitter le canton de Genève pour déménager, par exemple, à Coppet, dans le canton voisin.

L'esprit de la modification légale qui vous est proposée est de transformer une tolérance en un droit, au même titre que les accords bilatéraux sur la libre-circulation des personnes ont transformé la tolérance pour un citoyen de l'Union européenne d'entrée en Suisse en un droit. D'ailleurs, l'adoption des accords de Schengen ouvrira ce droit d'entrée en Suisse, dès 2008, également à l'ensemble des ressortissants de pays tiers domiciliés dans l'Union européenne. Et, dans le même temps, ce canton voudrait que ses propres ressortissants fonctionnaires soient cantonnés, ad vitam aeternam, dans un mouchoir de poche ?

L'intérêt de notre République réside dans cette modification légale, et je vous invite à renvoyer ce projet de loi à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente,

puis présidence de M. Pascal Pétroz, président

La présidente. Monsieur le député, merci beaucoup. Vous avez parlé pendant 4'20'', malgré les allusions de certains... Monsieur Souhail Mouhanna, vous avez la parole. (Rires et exclamations.)

Une voix. 74 !

M. Souhail Mouhanna (AdG). 74 ! Merci, Monsieur ! J'apprends maintenant qu'il y a des 74 qui s'expriment... Mais il y a aussi de 1 à 95: ils sont internationaux !

Pour une fois, M. Catelain s'approprie une des anciennes revendications des syndicats de la fonction publique...

M. Claude Blanc. Les extrêmes se rejoignent toujours ! (Commentaires.)

M. Souhail Mouhanna. Monsieur Blanc, il y a des extrêmes qui sont tellement extrêmes qu'ils se trouvent de votre côté !

La présidente. Monsieur le député, il ne faut pas vous adresser à M. Blanc, mais à la présidence !

M. Souhail Mouhanna. Vous votez tout le temps ensemble depuis...

La présidente. Monsieur Mouhanna !

M. Souhail Mouhanna. Depuis que je suis là, je vous vois voter ensemble !

La présidente. Ne vous adressez pas à M. Blanc, si possible ! (Commentaires.)

M. Souhail Mouhanna. Bien ! En tout cas, ce qui me surprend, Monsieur Catelain, dans vos interventions sur tous les projets que vous signez, c'est que non seulement vous vous appropriez certaines revendications des syndicats de la fonction publique mais vous vous permettez de parler en leur nom ! A aucun moment, Monsieur Catelain, je ne vous ai entendu dire... Des milliers de personnes travaillent dans les services publics - comme vous le savez - et un certain nombre d'entre eux étaient dans la rue: dix à douze mille personnes...

M. Claude Blanc. Jusqu'à 17h. ! (Rires.)

M. Souhail Mouhanna. Mais, Monsieur Blanc...

La présidente. Monsieur Blanc, n'interrompez pas M. Mouhanna, s'il vous plaît !

M. Souhail Mouhanna. ...continuez à mépriser les gens: vous êtes leur meilleur mobilisateur ! Vous méprisez tellement les autres qu'ils finiront par vous remettre à votre place ! (Exclamations. La présidente agite la cloche.)Monsieur Catelain, à aucun moment je ne vous ai entendu dire que de tels éléments, qui concernent la vie des gens, devaient être discutés entre l'Etat patron et les personnes concernées !

Cela étant dit, nous sommes tout à fait favorables à ce que ce projet soit examiné dans une commission, mais, quoi qu'il arrive, notre position est claire: les éléments qui concernent la fonction publique doivent être négociés entre l'Etat patron, c'est-à-dire le Conseil d'Etat, et les représentants de la fonction publique.

Ce qui me surprend encore dans votre proposition, Monsieur Catelain, c'est ce que je lis... Je suppose que vous n'avez pas suivi les dernières nouvelles, selon lesquelles votre parti lancerait un référendum contre les bilatérales II. Vous dites, je cite: «Alors que le Conseil d'Etat ne cesse de marteler que nous vivons dans une région et que les frontières sont une entrave importante au développement de Genève, que ce même Conseil d'Etat a soutenu les accords bilatéraux, qui consacrent la libre circulation des personnes d'origine suisse et européenne et les espoirs qu'ils ont fait naître au sein de la population, le personnel de l'Etat de Genève reste confiné...» Vous parlez «d'espoirs», ce qui signifie que vous admettez déjà que la population nourrit beaucoup d'espoirs au niveau des accords bilatéraux... J'ai cru que vous exprimiez en quelque sorte l'avis de la population... Depuis le temps que vous vous exprimez au nom de la fonction publique, vous devez aussi vous exprimer au nom de la population ! Bientôt, vous vous exprimerez au nom du Grand Conseil et du Conseil d'Etat, et, ensuite, au nom de la galaxie !

Cela étant dit, Monsieur Catelain, nous attendons de voir sur quoi le Conseil d'Etat va pouvoir discuter avec le personnel. En tout cas, nous reconnaissons au Conseil d'Etat les prérogatives et la responsabilité de négocier, et c'est au personnel de dire s'il veut oui ou non de cette proposition, qui constitue comme je l'ai déjà dit, une ancienne revendication... (L'orateur est interpellé par M. Luscher.)Monsieur Luscher, vous êtes un avocat qui parlez beaucoup, et vous voulez encore empêcher les autres de parler ! Vous allez bien au-delà des plaidoyers que vous faites dans le cadre de votre profession: vous essayez de déstabiliser vos adversaires ! Vous ne réussirez pas avec moi, car je sais plaider, moi aussi, même si je ne suis pas avocat !

M. David Hiler (Ve). Il n'est pas utile de faire long sur ce sujet... L'évolution probable de ces prochaines années - c'est évident - fait qu'il n'est plus logique d'obliger les personnes qui travaillent pour l'Etat de Genève à résider dans le canton de Genève, d'autant plus que la loi comporte tellement d'exceptions - c'est toujours comme cela - que c'est se voiler la face de penser qu'on peut faire respecter une telle loi aujourd'hui. Les dérogations qui, il y a vingt-cinq ans, étaient accordées très parcimonieusement le sont maintenant plus que facilement. Je le répète, il n'y a pas lieu d'avoir un long débat sur cet objet: cela fait partie de la transformation structurelle de notre région.

C'est la raison pour laquelle nous acceptons volontiers le renvoi en commission de ce projet. Pour ce qui est de la négociation sur ce point précis, Monsieur Mouhanna, je crois qu'il faut surtout connaître le point de vue des organisations représentatives, pour pouvoir aller de l'avant sans perdre vingt-cinq heures de commission - en tout cas, je le souhaite !

M. Patrick Schmied (PDC). Ce projet de loi est en fait une très bonne surprise, de la part de l'UDC... Nous découvrons que ses membres parlent d'ouverture transfrontalière, des accords de Schengen: c'est un véritable plaisir !

Bien sûr, nous soutenons le renvoi de ce projet de loi en commission, parce qu'il faut bien reconnaître que cette clause est assez incroyable... Oubliez un moment que vous êtes Genevois et que vous habitez ici depuis longtemps, et imaginez que vous deviez expliquer à quelqu'un - il faut parfois se mettre à l'extérieur pour prendre du recul - qu'à Genève les fonctionnaires ne peuvent pas habiter ailleurs que dans le canton de Genève ! C'est tout de même assez étrange, surtout pour un canton qui ne cesse de se gargariser de son ouverture internationale et de donner des leçons, par ailleurs.

C'est une clause tout à fait archaïque, en dehors du fait, qu'il y aura toujours des exceptions liées à des fonctions bien particulières. Mais il faut inverser les exceptions plutôt que généraliser ce qui pourrait ressembler, si on regarde les choses avec un peu de recul, aux anciens passeports intérieurs, qui avaient cours dans l'ancienne Union soviétique.

M. Alain Charbonnier (S). Je voudrais revenir sur ce qui me semble être un paradoxe de la part de l'UDC, qui s'ouvre tout à coup aux accords bilatéraux, aux accords de Schengen... C'est merveilleux, c'est fantastique !

Je suis tout de même rassuré, si j'ose dire, par l'exposé des motifs, car ils n'ont pas oublié d'indiquer qu'un cas similaire s'est malheureusement déjà produit... De quoi s'agit-il ? Du cas d'un instituteur frontalier qui pourrait travailler à Genève ! L'UDC n'a pas changé: elle s'intéresse tout à coup aux Confédérés et au problème du logement à Genève, mais seulement pour les Confédérés ! Je le répète, je suis rassuré: l'UDC n'a pas changé !

Nous soutiendrons quoi qu'il en soit le renvoi de ce projet de loi en commission.

M. Pierre Weiss (L). Au Moyen-Age, le serf était attaché à la glèbe... Au XXe siècle, et au XXIe siècle encore, le fonctionnaire genevois est obligé, en tout cas selon la loi, d'habiter dans les 200 et quelque kilomètres carrés du canton ! Il ne peut légalement résider ni dans le canton de Vaud ni en France voisine. Voilà une disposition qui, je crois, paraît obsolète à chacun d'entre nous, et je suis heureux de constater que nous sommes d'accord, au moins sur ce point. Je suis d'autant plus heureux que je vois, comme l'a relevé mon collègue Schmied, une évolution significative de l'UDC sur ce sujet qui prend en considération l'importance à accorder aux relations transfrontalières, et, notamment, aux conséquences des accords de Schengen, qui ont été explicitement mentionnés.

L'égalité de traitement est chose importante, certes; il faut néanmoins considérer que certaines situations sont particulières... Je pense, par exemple, aux hauts fonctionnaires de l'Etat - je ne parle pas du chef du personnel de l'Etat, dans le passé - pour lesquels il est probablement préférable que leur conscience citoyenne leur dicte de résider dans ce canton... Ne serait-ce que pour en connaître les difficultés ! Ne serait-ce que pour avoir un lien plus étroit avec les citoyens qui y résident et qui rencontrent parfois ces mêmes difficultés ! De ce point de vue, je crois - sans vouloir maintenir les dispositions auxquelles il a été fait allusion - qu'il conviendrait toutefois de maintenir l'esprit de la loi et non la lettre. C'est une première raison qui me fait aborder positivement, mais tout de même avec quelques réserves, le projet de loi déposé par l'UDC.

Une deuxième raison me rend quelque peu prudent... Si, en ce qui concerne les fonctionnaires qui résident en France voisine, les conséquences fiscales sont mineures - il est même avantageux qu'ils résident en France - il n'en est pas de même pour ceux qui résident dans le canton de Vaud - et Mme Calmy-Rey l'a appris à ses dépens - car on sait qu'il n'y a aucune rétrocession fiscale. De ce point de vue, on voit bien que les conséquences seraient négatives pour les finances publiques, si, tout à coup, les fonctionnaires allaient s'établir en masse dans le canton voisin. Sans peindre le diable sur la muraille, je tenais à évoquer ce problème.

Avant de terminer sur le renvoi en commission, j'aimerais mentionner un point. Il serait bon que l'esprit citoyen de la résidence dans le canton anime non seulement tous les fonctionnaires mais aussi chacun des députés ou, en tout cas, chacun des candidats à ce Grand Conseil... (Exclamations.)On peut en effet avoir des doutes à cet égard !

Cela dit, Madame... Monsieur le président ! - je vois que vous avez repris votre place, Monsieur le président. Cela dit, je crois qu'il serait bon de renvoyer ce projet de loi à la commission ad hoc. Il s'intègre parfaitement au projet de loi plus général déposé par l'Entente. Je relèverai simplement encore au passage que cette commission risque bientôt d'être chargée de beaucoup de projets, si nous continuons à avoir autant d'imagination législative...

Le président. Merci, Monsieur le député. Je pars du principe que vous incluez Soral, bien évidemment, dans le canton de Genève... (M. Weiss répond hors micro.)Je n'en doutais pas un seul instant !

Ce projet est renvoyé à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat.

PL 9127
Projet de loi de Mme et MM. Gilbert Catelain, Caroline Bartl, Jacques Baud, Robert Iselin, Pierre Schifferli, Yvan Galeotto, Georges Letellier, Claude Marcet concernant la réforme de l'Etat

Préconsultation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes encore en préconsultation. Un député par groupe peut s'exprimer. Monsieur Robert Iselin, vous avez la parole.

M. Robert Iselin (UDC). Je vous dirai tout d'abord que c'est mon collègue Catelain, dont l'habileté parlementaire croît à chaque session, qui s'est beaucoup occupé de ce projet. Mais il faut que nous le secourions un peu, sinon nous finirons par le tuer, et, comme il est l'un de nos membres les plus prometteurs, nous serions bien ennuyés...

Je ne vais pas m'attarder longtemps sur la situation catastrophique des finances cantonales... Elle est tellement catastrophique que le gouvernement - excusez-moi d'exprimer cela de façon aussi ouverte - s'est tout de même «bougé» et a lancé le projet GE-Pilote... Pour quelqu'un qui sort de l'organisation d'entités privées, le projet GE-Pilote, c'est bien, mais il ne couvre que 20% du problème !

A la base, il s'agit de la réorganisation totale de l'Etat de Genève, qui marche, comme à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe... Nous avons la chance d'avoir en main une analyse qui a été faite par des gens hautement compétents - la Maison Arthur Andersen. Bien sûr - je le sais - on me jettera à la figure que, depuis, ils ont trempé dans des scandales... Si la partie «Révision» d'Arthur Andersen a certainement trempé dans des scandales, la partie «Réorganisation» n'y était pas mêlée ! Quoi qu'il en soit, le rapport fait par Arthur Anderson a été ignoré de la manière la plus scandaleuse...

Il s'est trouvé qu'en 1997, à l'époque où je m'intéressais déjà passablement à la politique, je me suis acheté le rapport Andersen, qui a disparu sous une pile de documents chez moi. Heureusement, il est revenu à la surface, et je me suis efforcé de le lire deux ou trois fois... Et je peux vous dire que ce rapport comporte toutes les solutions à nos problèmes généraux.

L'UDC propose que la loi - que nous avons voulue absolue - soit très large, pour laisser une grande latitude à ceux qui doivent l'appliquer, et que ce rapport devienne véritablement une bible pour ce canton pendant cinq ou dix ans. Il convient de revenir à ce seul examen de manière urgente. En effet, tel qu'il est, ce projet laisse une grande liberté à l'exécutant - le gouvernement genevois - mais pas celle de mettre de côté cette analyse essentielle.

Je recommande vivement le renvoi de ce projet en commission, où nous pourrons en discuter avec d'autres projets allant dans la même direction. C'est urgentissime.

Le président. Merci, Monsieur le député, à quelle commission souhaitez-vous renvoyer ce projet de loi ? A la commission de contrôle de gestion ? C'est la commission à laquelle le projet GE-Pilote a été renvoyé... (Exclamations.)A la commission de contrôle de gestion ? (Brouhaha.)Bon, vous vous exprimerez à ce sujet, Mesdames et Messieurs les députés ! Monsieur Souhail Mouhanna, vous avez la parole. (Exclamations.)

M. Souhail Mouhanna (AdG). Eh oui, vous allez m'entendre souvent ce soir !

M. Christian Luscher. Non !

M. Souhail Mouhanna. Mais si, Christian !

Mesdames et Messieurs les députés, l'article 1 de ce projet de loi dit ceci: «La deuxième partie du Rapport final de l'Audit global de l'Etat de Genève réalisé le 30 septembre 1996 par Arthur Andersen, constitue le plan d'action de l'Etat au sens de la présente loi et conformément aux exigences de l'article 2, alinéa 3, LGAF.» Ce rapport a été fait le 30 septembre 1996 !

Dans le débat sur le statut de la fonction publique, certains ont affirmé ici à plusieurs reprises - dans la presse aussi - que le statut actuel de la fonction publique était archaïque... Il faut savoir que ce statut a été voté par ce Grand Conseil, justement, sous le gouvernement monocolore - c'est-à-dire sept conseillers d'Etat des partis de droite - et avec la majorité des partis de l'Entente - et son entrée en vigueur était fixée en 1998. C'est dire que si le statut du fonctionnaire est archaïque, comme le disent certains, le rapport d'Arthur Andersen, lui, est hyper archaïque ! C'est la première chose que je tenais à dire.

Deuxième chose. Je lis dans l'exposé des motifs - du reste, Mme la vice-présidente du Conseil d'Etat rectifiera certainement ce point; c'est une partie un peu récréative, par rapport à ce qui suivra - je cite: «C'est à juste titre que Mme la conseillère d'Etat, présidente du département des finances, a déclaré que le projet de budget 2004, qui sera soumis au Grand Conseil en 2005 seulement...» Le projet de budget 2004 sera donc soumis en 2005 seulement ! (Exclamations.)Cela montre vraiment le sérieux de ce projet !

Maintenant, entrons dans le vif du sujet: le rapport Arthur Andersen ! Vous savez qu'Arthur Andersen a provoqué des dégâts monstrueux pour tous ceux qui l'ont cru: suite à son analyse de la situation d'Enron, des milliers et des milliers de salariés ont perdu tous leurs avoirs placés dans une sorte de deuxième pilier américain... Nous avons pu constater ce que cela donne de suivre les recommandations d'Arthur Andersen: c'est une faillite de plusieurs dizaines de milliards ! Et on peut se demander si l'UDC ne souhaite pas que l'Etat de Genève subisse le même sort qu'Enron, en nous invitant à suivre les recommandations d'Arthur Andersen...

Je vais maintenant parler du contenu du rapport Arthur Andersen. Vous dites, Monsieur Iselin, que vous avez acheté ce rapport... Moi, j'ai eu la chance de le recevoir gratuitement ! (Exclamations.)C'est donc avec beaucoup plus de plaisir que vous...

Une voix. Tu es un privilégié !

M. Souhail Mouhanna. Oui, mais le Conseil d'Etat voulait me convaincre - à l'époque, je présidais le Cartel intersyndical - qu'Arthur Andersen apportait la solution, le paradis... Il a plutôt apporté l'enfer ! J'ai donc reçu ce rapport et j'ai lu ce document très volumineux. Mais j'ai découvert ensuite que le Conseil d'Etat appliquait des mesures anti fonction publique depuis le début... Les économies possibles ont été évaluées à environ 180 millions... (Exclamations.)Si vous avez lu le rapport, Monsieur Iselin, vous avez pu voir que les mesures préconisées par Arthur Andersen - tout préservé: statut, système salarial, etc - pouvaient engendrer 180 millions d'économies ! (L'orateur est interpellé.)Eh bien, Monsieur Iselin, le Conseil d'Etat a fait infiniment plus fort qu'Arthur Andersen: en effet, les coupes dans le pouvoir d'achat de la fonction publique et le non-respect des mécanismes salariaux ont généré des milliards d'économies ! C'est autant que l'ardoise qui est laissée à la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe ! Vous parlez d'Arthur Andersen, c'est votre droit... Moi, je vous le dis tout net: je m'en fous ! (Exclamations.)

M. David Hiler (Ve). Il faut se rappeler qu'au départ cet audit avait été demandé par le peuple contre l'avis de tous les partis... Cela signifie que la population, à un moment donné, avait perçu - j'imagine parce qu'elle est une grande utilisatrice des services de l'Etat - un certain nombre de problèmes de fonctionnement. Du reste, la première tâche de cet audit n'était pas tant de trouver des économies que de se prononcer sur le fonctionnement de l'Etat. Il y a un volet politique, d'ailleurs, sur lequel nous pourrions discuter à l'occasion, parce que nous n'en avons jamais discuté... Monsieur Iselin, je suis désolé, mais, moi, j'ai vu la suite: vous auriez dû la suivre avec plus d'attention ! En effet, après le rapport Andersen, il y a eu les élections et, on a pu voir à cette occasion une publicité du Conseil d'Etat en place à l'époque absolument invraisemblable, disant qu'il prenait les choses en main... Arthur Andersen: conférence de presse 1, conférence de presse 2, conférence de presse 3, conférence de presse 4... Et puis, le gouvernement a perdu les élections ! Vous oubliez tout de même de dire que nous avons continué avec le suivi sur Internet de l'ensemble des projets de réforme de l'Etat, qui, à vrai dire, ne paraissent pas intéresser grand monde, si j'en juge par le peu d'interpellations urgentes sur ce sujet !

Monsieur Iselin, je vous le dis franchement, c'est revenir en arrière que de repartir de ce document ! C'était un audit général, faible dans toute une série de secteurs, pertinent dans d'autres. Les travaux de l'Inspection cantonale des finances, les modifications des lois auxquelles nous avons déjà procédé vont à l'évidence plus loin que les mesures préconisées par Arthur Andersen - pas dans la même direction, il est vrai. Mais vous avez tort de dire que le projet GE-Pilote couvre 20% du problème seulement: il couvre une bonne partie du problème, alors qu'Arthur Andersen qu'une petite partie.

En outre, vous n'avez pas tenu compte du niveau auquel sont parvenus certains secteurs extrêmement bien gérés dans notre République. Monsieur Iselin, à moins que vous n'ayez des faits concrets à reprocher à l'Hôpital cantonal de Genève, je vous signale qu'en règle de management global, il est parfaitement dans les normes. Et c'est d'ailleurs ce qui a permis, avec un effort peut-être un peu grand demandé au personnel hospitalier, de réduire le nombre de lits, de soigner, avec le même personnel, des gens par conséquent de plus en plus malades, et c'est ce qui va nous permettre d'absorber cette année les réductions décidées par le Conseil d'Etat. Alors que, dans toute une autre série de secteurs, Monsieur Iselin, cela ne marche pas, ou cela marche mal, ou cela ne marche pas assez bien... Mais ce n'est pas dans le rapport Arthur Andersen que vous trouverez les solutions.

Ce problème est clairement lié à l'activité du Conseil d'Etat: c'est lui qui doit maintenant piloter le renforcement d'efficacité à la mesure. Mais le problème actuel dont nous devons discuter est celui de la définition des prestations, de la mesure de leur qualité, et, en fin de compte, de savoir à peu près combien elles coûtent.

Revenir aujourd'hui au rapport d'Arthur Andersen n'a aucun sens ! Aucun sens, Monsieur Iselin ! J'ai lu à l'époque, comme tout le monde, ces gros cartons - c'étaient des cartons - mais, aujourd'hui, vous n'y trouverez de pistes intéressantes que dans les secteurs où l'Etat a raté ses réformes - car il en a raté un certain nombre, c'est vrai. Ce n'est pas sur la base de cet outil que nous devons travailler aujourd'hui ! Nous devons faire beaucoup mieux. Nous avons des exemples, et je prétends que l'hôpital en est un ! Nous devons généraliser la qualité d'un certain type de gestion, mais je vous assure, Monsieur Iselin - je vous le dis en toute sincérité - que, par rapport aux problèmes complexes que nous avons évoqués dans le détail sur l'Hospice, se baser sur le rapport Arthur Andersen ne vous apportera strictement rien !

M. Robert Iselin. C'est pas vrai !

M. David Hiler. Vous pouvez dire que ce n'est pas vrai, mais il vaudrait mieux donner des arguments ! (L'orateur est interpellé par M. Iselin et hausse le ton pour se faire entendre.)Monsieur Iselin, vous pouvez vous fâcher, vous pouvez crier ! (Le président agite la cloche.)Monsieur Iselin, cessez de m'interrompre et respectez le règlement ! (M. Iselin continue à s'exprimer hors micro.)

Le président. Monsieur Iselin, vous, vous êtes surtout censé ne pas troubler les débats !

M. David Hiler. Tout ce que vous savez faire, Monsieur Iselin, c'est lancer des affirmations ! Mais que ce soit en commission des finances ou ailleurs, je ne vous ai jamais entendu avancer des arguments concrets sur un dossier ! Tout ce que vous savez dire, c'est: «Rien ne va ! Oh, rien ne va ! Faut faire quelque chose !» (L'orateur imite M. Iselin.)

Le président. Vous devez conclure, Monsieur le député !

M. David Hiler. Et la seule solution que vous proposez c'est de revenir dix ans en arrière ! Au moins - je peux le reconnaître - quand M. Catelain fait des propositions, elles sont précises et on peut en discuter ! Les vôtres, Monsieur, sont des réminiscences: c'est du vent ! En définitive, vous nous faites perdre du temps ! Je demande la discussion immédiate sur ce projet: qu'on s'en débarrasse ! (Applaudissements.)

Le président. Il en sera fait ainsi, Monsieur le député, à l'issue de notre préconsultation. Monsieur Philippe Glatz, vous avez la parole.

M. Philippe Glatz (PDC). Je vois que le député Hiler s'énerve, ce qui est rare ! Mais il a tout de même souligné deux ou trois éléments importants, notamment que ce rapport avait été demandé par la population. Le projet de loi présenté par le groupe UDC a peut-être le mérite de nous rappeler que nous sommes peu respectueux de la volonté du peuple. Vous l'avez du reste souligné, Monsieur Hiler, il y a eu peu de suivi de ces réformes et des recommandations préconisées dans le rapport d'Arthur Andersen...

Il est vrai que ce rapport commence à dater, ce qui me fait douter de l'utilité de revenir sur des analyses qui portaient sur une période ancienne - neuf ou dix ans... Or, les choses ont changé depuis, le contexte aussi. Néanmoins, nous pourrions, pour faire plaisir à l'UDC...

M. Claude Blanc. C'est inutile ! (Rires, exclamations, applaudissements. Le président agite la cloche.)

Le président. Monsieur le député Glatz, ne vous laissez pas distraire ! Monsieur Glatz, adressez-vous à moi, et poursuivez votre intervention !

M. Philippe Glatz. C'est que peu de personnes sont enclines à vouloir faire plaisir... Néanmoins, pour faire plaisir à l'UDC, nous pourrions peut-être accepter de renvoyer ce projet à la commission de contrôle de gestion. (Exclamations.)Mais ce serait juste pour faire plaisir, car le rapport Andersen ne peut avoir que peu d'utilité... Et nous sommes ici pour agir efficacement ! C'est pour cela que je rejoins M. Hiler: faire plaisir est, en fin de compte, tout à fait inutile - vous avez raison Monsieur Blanc... (Rires.)Non, mais il est vrai que nous pourrions pu faire plaisir... (Exclamations.)

Le président. Laissez parler, M. le député Glatz, s'il vous plaît !

M. Philippe Glatz. ...mais c'est inutile. Aujourd'hui, il faut être efficaces et se consacrer au travail du temps présent, et Dieu sait qu'un grand nombre de projets de lois sont pendants à l'examen de la commission de contrôle de gestion !

En ce sens, il conviendrait peut-être de renoncer et, dans le cadre de la discussion immédiate, de renvoyer ce projet de loi à plus tard.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Sami Kanaan, vous avez la parole. (Exclamations.)

Une voix. Tu fais mieux, hein ! (Rires.)

M. Sami Kanaan (S). Si vous m'interrompez... (Rires et exclamations. Le président agite la cloche.)Nous n'éprouvons aucun besoin de faire plaisir à l'UDC, surtout pas sur ce sujet ! Effectivement - et je rejoins entièrement M. Hiler sur ce point - si nous pouvons saluer vos intentions de réforme, nous souhaiterions que vous ayez un peu plus d'imagination... C'est la grêle après les vendanges ! Bien après ! Non seulement parce que le rapport est périmé - il date de 1996 - que l'Etat a évolué depuis et les problèmes aussi, mais parce que de nombreuses idées ont surgi depuis - nous avons parlé du projet GE-Pilote, hier: on en pense ce qu'on veut, mais c'est nettement plus récent. Alors, si c'est tout ce que vous avez à nous proposer, je vous plains, parce que c'est effectivement assez pauvre !

J'aimerais juste dire que la meilleure source d'idées pertinentes pour faire des économies dans le service public - et il y en a probablement à faire - ce sont les collaborateurs du service public eux-mêmes... Au lieu d'aller chercher des consultants, qui coûtent extrêmement cher en l'occurrence, allez demander aux fonctionnaires ! Je suis sûr qu'ils ont des idées pertinentes. Si on arrive à les motiver et à les canaliser dans ce sens, des économies seront certainement possibles, sans toucher ni aux prestations ni aux postes.

La commission de contrôle de gestion suit d'ailleurs le programme de réforme de l'Etat. C'est un de ses mandats légaux. Je vous le rappelle, selon la loi, la commission de contrôle de gestion doit suivre la réforme de l'Etat. Et nous rencontrons les conseillers d'Etat de temps à autre sur ce sujet. C'est vrai, jusqu'à récemment, on ne pouvait pas dire qu'il y avait une frénésie de réformes. C'est en train de changer, et nous nous réjouissons de travailler avec le Conseil d'Etat.

Cette loi risque en effet de nous faire perdre beaucoup de temps en commission... Nous allons donc faire plaisir aux Verts: nous soutiendrons leur proposition de discussion immédiate et nous refuserons ce projet.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Pierre Froidevaux (R). La problématique posée par le projet UDC a été combattue par tous les partis politiques en 1995 et a été largement acceptée par le peuple. En tenant compte des recommandations de l'audit voté par le peuple en 1996, on fait donc surtout plaisir au peuple...

Ce projet de loi a-t-il un sens ? Cher collègue, il fait un peu partie de l'histoire, et vous auriez, si vous aviez été présent dans ce Grand Conseil à cette époque, assisté aux multiples débats qui ont eu lieu au sujet de l'audit de l'Etat, des réformes en cours et de la création de la commission de contrôle de gestion, qui est née de la volonté parlementaire pour respecter le vote populaire. Il fallait en effet créer un contrepouvoir au Conseil d'Etat, qui avait des difficultés de gestion pour l'ensemble de l'administration. Il fallait un lieu de discussion pour aider à mettre ces réformes en place. C'est la raison, Monsieur Iselin, de la création de la commission de contrôle de gestion.

Nous vous recommandons d'y être plus présent. En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas opposés au renvoi de ce projet de loi dans cette commission: nous pourrons ainsi débattre avec vous de ce sujet, comme nous débattons tous les jours.

J'en viens à la situation actuelle. Je le rappelle, la commission de contrôle de gestion doit s'assurer que chaque département a mis en place un contrôle interne. Ce contrôle interne, qui a été voulu et qui fait partie de la réforme, mérite le soutien de tous - mais nous voyons bien à quel point il est défaillant... C'est le travail actuel de la commission. Monsieur Iselin, le groupe UDC, les amis politiques de ceux qui veulent faire du bien à Genève, venez discuter à la commission de contrôle de gestion du contrôle interne de l'Etat et d'une meilleure gestion des deniers publics !

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

M. Jean Rémy Roulet (L). Je commencerai par une remarque de forme à l'égard du député Hiler, qui, en d'autres circonstances, se montre plutôt poli et courtois... Je le prierai, la prochaine fois qu'il s'adresse à une personne d'un âge plus avancé que le sien... (Exclamations.)...de se montrer un tout petit peu plus respectueux qu'il ne l'a été, qu'il s'agisse d'un député de l'UDC, de l'Alliance de gauche ou d'autres partis que le sien ! Je trouve que cette façon de traiter un collègue député, sur un sujet aussi important que l'audit de l'Etat, n'est pas tout à fait conforme au comportement idéal d'un député. Cela, c'est pour la forme.

Pour ce qui est du fond, j'aimerais tout de même indiquer que le rapport de l'audit d'Arthur Andersen a été pris en compte par l'Etat dans un certain nombre de domaines. Par exemple - vous le savez, Monsieur Hiler - des choses ont été faites dans tout ce qui a trait à la gestion de l'environnement: certains départements ont été remodelés et des économies ont été générées. Toutefois, cela n'a pas été le cas pour d'autres départements: je pense notamment au département de l'action sociale et de la santé, où nous sommes en train de remettre un certain nombre de sous-départements, de services, en marche, sur la base, d'ailleurs, de dysfonctionnements déjà pointés du doigt par Arthur Andersen.

Alors, moi, je suis d'accord avec M. le député Froidevaux. Je pense que demander la discussion immédiate pour balayer ce projet est un geste politique qui n'est pas audacieux: il manque même singulièrement de courage par rapport à l'attente de la population, s'agissant d'un meilleur fonctionnement de l'Etat. La seule chose que nous pouvons exiger du Conseil d'Etat, c'est de nous faire le point sur ce qui a été déjà réalisé sur la base de l'audit d'Arthur Andersen. (Rires.)Car des choses ont été déjà réalisées... (L'orateur est interpellé.)Mais oui, Madame la présidente ! Nous pouvons même en parler entre nous, si vous le souhaitez ! (Exclamations. Le président agite la cloche.)En le renvoyant... (Exclamations.)Chère Madame la présidente, en renvoyant ce projet de loi à la commission de contrôle de gestion, nous vous demandons une chose tout à fait modeste: un petit exercice de communication qui rendra un immense service à l'ensemble de ce Grand Conseil.

Pour cet unique motif, je vous suggère de suivre la recommandation du député Froidevaux de ne pas entrer en matière ce soir sur la proposition de discussion immédiate et de renvoyer sagement ce projet de loi à la commission de contrôle de gestion. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je rappelle à ceux qui l'auraient oublié que nous sommes en préconsultation et que seul un député par groupe peut s'exprimer. Le Bureau a hésité, mais il a considéré que vous aviez été mis en cause. Je vous donne donc brièvement la parole, Monsieur Hiler. (Exclamations.)

M. David Hiler (Ve). Monsieur Roulet, vous pourrez répondre, cela ne me pose pas de problème... J'étais en train de parler, et notre collègue Iselin, comme cela est souvent le cas dans ce parlement, a cru bon de crier très fort... C'est son droit ! Je ne me suis pas attaqué à l'âge de M. Iselin. Je fonctionne en commission des finances avec lui. Je pars du principe que s'il est ici, c'est qu'il a toutes les capacités et toutes les compétences pour faire son devoir de député. Ce que j'ai attaqué, comme je le fais depuis longtemps et aussi devant les médias, c'est la pratique consistant à dire que tout va mal et que tout est simple à régler, sans jamais donner le moindre début de solution !

Excusez-moi, mais quand je vois la violence avec laquelle vous pouvez attaquer non pas ma personne mais, par exemple, M. Rémy Pagani - qui est du reste assez grand pour se défendre... (L'orateur est interpellé.)Non, je parle de votre groupe ! Je ne vois pas que, pour une fois que je dis deux ou trois vérités, après avoir été interpellé par M. Iselin - avec lequel je m'entends par ailleurs fort bien au niveau humain - vous en fassiez une attaque contre son âge ! C'est ce qui est injurieux dans cette affaire, car ce n'en est pas une. Alors, si vous voulez prendre la parole, il serait peut-être judicieux de retirer cette attaque injustifiée ! (Applaudissements.)

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je vous ai sans doute surpris en m'écroulant sur ce bureau, et je vais vous en donner la raison... Non sans vous dire, au préalable, que je pense très utile de renvoyer ce projet de loi à la commission de contrôle de gestion. Je vous expliquerai aussi pourquoi.

Mesdames et Messieurs les députés, lorsque j'étais présidente du Conseil d'Etat, en 1999, j'ai constaté que le besoin était grand de suivre la réforme de l'Etat, d'en connaître les projets, de voir les pistes qui avaient été retenues, celles qui ne l'avaient pas été, l'avancement des travaux et les nouveaux développements intervenus dans l'Etat de Genève. J'ai donc travaillé durant l'année 1999 - mais je n'en ai pas récolté les fruits, puisque c'est mon successeur qui l'a présentée en l'an 2000 - pour que figure sur le site Internet - le député Hiler l'a très justement rappelé - la réforme de l'Etat vue par Arthur Andersen: les pistes recommandées, celles qui ont été retenues, celles qui ne l'ont pas été, les résultats atteints et les réformes en cours. En outre, j'ai sur ma table un très gros classeur, qui sera remis à la commission de contrôle de gestion avant de lancer l'opération GE-Pilote, qui fait le dernier bilan de la situation. Pensant à vos nombreux débats sur ce sujet, pensant au projet de loi déposé par l'UDC, je me suis dit que j'allais encore rédiger un document: une synthèse politique, pour donner des éléments encore plus concrets, pour vous permettre de situer la réforme dans le temps et dans son contexte.

Tout n'est de loin pas parfait, mais, comme l'ont dit plusieurs députés, il y avait, si je puis dire communément, à boire et à manger dans le rapport d'Arthur Andersen... Aujourd'hui, nous mettons en place une comptabilité financière intégrée, recommandée par le rapport; grâce à ma prédécesseure qui l'a initiée, nous avons une gestion de la dette plus rationnelle - que j'ai poursuivie - qui nous permet, malgré les circonstances, de faire des économies; nous allons nous lancer dans une gestion des débiteurs plus adaptée; l'administration fiscale a bénéficié d'une première réforme et les départements ont pris des mesures de restructuration.

Je me rends compte que plus on informe moins ça intéresse ! Le rapport Andersen est devenu l'Arlésienne... D'une certaine manière, on n'a pas envie de voir ce qu'il en est advenu, parce que, tant qu'on ne regarde pas, ça stimule...

La bonne nouvelle, Mesdames et Messieurs les députés, c'est le projet GE-Pilote ! Et la seule chose que je vous demande, c'est de ne pas le transformer en rapport Andersen ! En quelque chose que vous n'avez, au fond, pas envie de voir aboutir pour mieux pouvoir vous profiler !

C'est la raison pour laquelle je souhaite que la commission de contrôle de gestion examine attentivement le rapport que je vous remettrai; que nous nous mettions d'accord sur GE-Pilote et les indicateurs que vous souhaitez pour vous permettre de suivre cette réforme et, peut-être, dans cinq, six ou sept ans, lorsque vous aurez fait le tour de GE-Pilote, que vous puissiez enfin donner quittance au gouvernement qui sera en place... C'est en tout cas le voeu que je formule ici ! Et je m'engage à me mettre d'accord avec vous, en toute transparence, pour que et le système d'information et les points de progression de GE-Pilote vous soient suffisamment familiers, afin que vous admettiez tous ce qui va, ce qui ne va pas et ce qu'il faut améliorer.

En ce sens, je pense qu'il faut renvoyer cet objet à la commission de contrôle de gestion. Et d'ailleurs, il est tard !

Le président. Merci, Madame la vice-présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous soumettre deux propositions. Le premier vote portera sur la discussion immédiate. Si celle-ci est acceptée, nous entamerons le premier débat. Si tel n'est pas le cas, je vous ferai voter sur le renvoi de ce projet en commission de contrôle de gestion. Bien, je vous soumets tout d'abord la demande de discussion immédiate formulée par M. le député Hiler, au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mise aux voix, la discussion immédiate est adoptée par 45 oui contre 34 non et 2 abstentions.

Premier débat

M. Philippe Glatz (PDC). Il convient d'expliquer pourquoi nous avons souhaité la discussion immédiate, parce que j'ai entendu un certain nombre de députés dire qu'il valait la peine de renvoyer ce projet en commission, dans la mesure où ce rapport existe déjà, etc.

Je vous ferai remarquer que la meilleure manière d'enterrer les réformes, c'est de surcharger nos commissions de travail ! Et c'est pour cela que nous souhaitons aujourd'hui en finir une fois pour toutes avec ces propositions de réexaminer ce rapport... Mme la présidente l'a dit très justement: à force de vouloir s'informer ou se surinformer, on ne fait plus rien !

Nous voulons ce soir que la commission de contrôle de gestion privilégie l'action plutôt que de ressasser le passé ! (Exclamations.)Cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille totalement abandonner ce qui a été écrit dans le rapport Arthur Andersen - chacun est libre de s'y référer, pour essayer de se projeter dans l'avenir - mais il est inutile de surcharger la commission de contrôle de gestion avec un examen supplémentaire, alors qu'elle a du travail et qu'il lui faudrait multiplier ses séances pour répondre au projet de loi que vous voulez lui soumettre aujourd'hui.

En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demanderai de bien vouloir privilégier l'action et de renoncer à entrer en matière sur ce projet de loi.

M. Robert Iselin (UDC). J'ai deux remarques à faire seulement... La première, c'est que, contrairement à ce que certains députés ont dit dans cette enceinte, la section d'Arthur Andersen qui a procédé à l'audit de l'Etat de Genève n'a rien affaire avec celle qui a trempé dans des scandales financiers absolument regrettables.

Une voix. T'es sûr ?

M. Robert Iselin. Absolument !

La deuxième: je pense que vous faites une erreur en disant que la pertinence de ce rapport ne dépasse pas les quelques années qui se sont écoulées depuis sa parution. Ce rapport est une mine d'indications, et c'est la première fois, si je suis bien informé - évidemment, je n'étais pas là en 1997, ni en 1999 - qu'un oeil extérieur examine ce qui se passe à l'intérieur de l'Etat.

Alors, vous ferez ce que vous voudrez ! L'Etat ira de plus en plus mal ! Mais vous pourriez quand même écouter et lire ce que disent des personnes, qui ont beaucoup - beaucoup ! - d'expérience en la matière.

M. Claude Marcet (UDC). Il se trouve que je connais bien le rapport Andersen, puisque je me trouvais à la direction de «Halte aux déficits» lorsqu'il a été lancé, et que je suis l'un de ceux qui ont initié sa venue.

Je dirai simplement que ceux d'entre vous qui l'ont lu doivent se compter sur les doigts de la main - et encore ! La problématique, c'est que vous n'avez manifestement pas envie de lire ce qui est dit dans ce rapport, parce que cela vous dérange !

Alors, continuez comme cela, et, demain, il se trouvera des gens pour dire que vous avez eu tort, car il est évident que vous avez tort !

Le président. La parole est à M. Souhail Mouhanna... (Exclamations. Le président agite la cloche.)Monsieur Mouhanna, Monsieur Mouhanna !

M. Souhail Mouhanna (AdG). Merci, Monsieur le président. Je regrette que certains exhibent le rapport en question comme si c'était Excalibur et comme si la rédemption de l'humanité devait passer par cette épée du roi Arthur !

Monsieur Marcet, nous allons voter contre ce projet non pas parce que nous avons peur du contenu de ce rapport mais, tout simplement, parce qu'il représente une petite goutte d'eau par rapport à ce que vous apprêtez à faire, les uns et les autres, à travers les projets de lois que vous avez déposés, au niveau de l'Etat, au niveau du statut de la fonction publique, au niveau des attaques contre les services publics, etc. ! Alors, vous savez, votre rapport Arthur Andersen ne fera que retarder les travaux de démantèlement que vous voulez faire subir à l'Etat ! Nous sommes tout à fait opposés à ce que vous voulez faire à ce sujet, alors, Arthur Andersen ou pas, cela ne change rien du tout ! C'est une goutte d'eau, je le répète, par rapport aux projets contenus dans les projets de lois que vous avez déjà renvoyés en commission ! Nous refuserons ce projet, comme nous refuserons tous les projets de démantèlement que vous avez pour le service public et l'Etat social !

M. Christian Luscher (L). Je voudrais dire très brièvement deux choses sur la forme, sans que cela ait la moindre implication sur ce que le groupe votera. D'ailleurs, mes propos n'impliquent que moi...

Lorsque j'entends des députés dire qu'il ne faut pas se prévaloir d'un vieux rapport, je frémis ! Je frémis, parce que je constate que, dans certains dossiers, l'Etat de Genève commande des audits, qu'il s'en prévaut de manière judiciaire et qu'il les considère tout à fait valables six ou sept ans plus tard. On ne peut pas d'un côté dire que l'audit de l'Etat, commandé par lui-même, a perdu sa pertinence six ou sept ans après, et, de l'autre, se prévaloir des audits commandés pour d'autres, qui deviennent une sorte de vérité judiciaire !

Deuxième chose. M. Hiler a dit que ceux qui se sont prévalus de ce rapport en ont subi le sort électoral... J'aimerais dire aussi que ceux qui ne s'en sont pas prévalus ont subi très exactement le même sort. En effet, si le gouvernement monocolore n'a pas été réélu, alors qu'il se prévalait du rapport Arthur Andersen, le gouvernement de gauche, des quatre années suivantes, qui l'a enterré, n'a pas été réélu non plus ! (Exclamations et applaudissements.)

M. Ivan Slatkine (L). Je regrette la décision de discussion immédiate qui a été prise, parce qu'il aurait été sain, dans le cadre de GE-Pilote, qu'en commission de contrôle de gestion nous puissions faire le lien entre le rapport Arthur Andersen et ce qui a été fait et ce que nous comptons faire dans les prochaines années avec GE-Pilote.

Sur cette base, il me semble évident qu'il faut accepter ce projet de loi pour nous permettre de savoir où nous allons, pour faire le lien entre le passé, aujourd'hui et l'avenir.

M. Sami Kanaan (S). Je crois qu'il y a un malentendu... Tout d'abord, sauf trou de mémoire de ma part, nous avons renvoyé le projet GE-Pilote hier au Conseil d'Etat, en nous disant qu'il n'était pas nécessaire, au niveau de la résolution, de rentrer dans le détail. Nous demandions au Conseil d'Etat de nous faire des propositions concrètes le jour venu, dont la commission de contrôle de gestion se saisirait, ou une autre commission de ce parlement - ou une commission ad hoc, puisque c'est la mode.

Personne n'a dit que le rapport Arthur Andersen était complètement faux ou à jeter à la poubelle ! Il est évident qu'un rapport datant de six ans peut avoir encore aujourd'hui... (Brouhaha.)Vous ne m'avez pas écouté, Monsieur Luscher ! J'ai simplement dit que ce projet de loi, qui veut faire du rapport Arthur Andersen la base absolue et exclusive de toute la réforme de l'Etat, ne tient pas la route ! Par contre, ce serait une bonne chose de l'intégrer dans une réflexion pour ce qui reste encore valable: c'est évident ! (Exclamations.)Ce débat donne presque l'impression que ce rapport a une espèce de valeur biblique sur laquelle nous devrions nous prononcer !

Certains éléments de ce rapport ont été utiles, mais je pense qu'il a fait beaucoup de bruit par rapport à son utilité réelle. Bien sûr, nous allons l'intégrer, mais il est objectivement dépassé sur plusieurs chapitres ! D'autres rapports plus anciens - dix ans, voire cinquante ans - peuvent être encore valables aujourd'hui: il n'y a pas de doctrine absolue dans ce domaine. Mais, de là à faire de ce rapport une espèce de Bible absolue pour la réforme de l'Etat ! Cela nous paraît vraiment inutile et non pertinent.

M. Claude Blanc (PDC). Puisque nous sommes en discussion immédiate, nous n'avons plus le choix: nous devons accepter ou refuser l'entrée de la deuxième partie du rapport Andersen dans le droit positif...

Mesdames et Messieurs les députés, ceux qui, à l'époque, avaient lu le rapport Andersen avaient bien constaté que si un certain nombre de diagnostics étaient justes d'autres étaient faux et que si certaines pistes données devaient être suivies d'autres menaient droit au mur. En effet, le rapport Andersen s'est contenté d'indiquer ce qui allait, ce qui n'allait pas, et à donner des pistes pour réformer ce qui n'allait pas, pistes qui manifestaient une méconnaissance crasse des procédures démocratiques et des usages de notre République... Alors, faire entrer simplement, d'un coup d'un seul, la deuxième partie du rapport Andersen en droit positif et obliger le Conseil d'Etat à justifier l'avancement des réformes tous les six mois - je crois que c'est tous les six mois - c'est complètement ridicule ! C'est impraticable ! Franchement, on ne résisterait même pas six mois à l'examen ! Ou alors, Madame et Messieurs les députés de l'UDC, il aurait fallu au préalable trier les conseils du rapport Andersen et ne retenir que ceux qui sont praticables ! Or, vous nous proposez de tous les intégrer ! Nous ne pouvons pas adopter votre projet: on se couvrirait de ridicule, et, avec cette loi, la République serait totalement ingouvernable !

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut refuser l'entrée en matière.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Jean Rémy Roulet (L). Je n'ai pas la science de ce parlement aussi infuse que celle de mon collègue Blanc... (Exclamations.)...et c'est fort dommage ! Néanmoins, l'article 78 de notre règlement du Grand Conseil stipule, mais peut-être que le docte Dr Blanc me corrigera, je cite: «Au cours de la délibération, les propositions suivantes peuvent être formulées - et il me semble que nous sommes en délibération - a) le renvoi en commission...». J'ai donc le sentiment que nous pouvons en tout temps renvoyer ou faire une proposition de renvoi...

La présidente. Parfaitement, Monsieur le député !

M. Jean Rémy Roulet. ...en commission. Si j'interviens, Madame la présidente, c'est pour reformuler la demande de renvoi en commission.

D'autant que la présidente du département des finances nous a très clairement dit deux choses importantes: premièrement, que les conclusions du rapport Andersen sont déjà à notre disposition depuis longtemps, notamment sur Internet - et c'est vrai que nous aurions dû faire l'effort de nous en imprégner avant ce débat - et, deuxièmement, qu'il y a lieu aujourd'hui de faire le lien technique mais aussi politique entre l'ancien audit et l'analyse que fera le Conseil d'Etat sur son propre fonctionnement.

Celles et ceux qui souhaitent la discussion immédiate ne peuvent, me semble-t-il, pas faire l'impasse sur une analyse détaillée de cette proposition en commission. Et M. Kanaan vient de nous dire implicitement dans son discours qu'il y a du bon dans ce rapport, même s'il y a aussi du moins bon. A mon avis, ce n'est pas à 22h25 - en tout cas, en ce qui me concerne, je n'ai pas la fraîcheur d'esprit pour le faire - que l'on peut trier le bon grain de l'ivraie !

La proposition, que je peux qualifier de «sage», que je tente de formuler est de poursuivre cette discussion en commission.

M. Philippe Glatz (PDC). Excusez-moi de reprendre la parole, mais je ne peux pas imaginer que le député Jean Rémy Roulet...

La présidente. Uniquement sur le renvoi en commission, Monsieur le député !

M. Philippe Glatz. Oui, sur le renvoi en commission ! Que le député Jean Rémy Roulet fasse semblant de croire que le fait de renvoyer cet objet en commission va apporter quelque chose ! Je me demande quelles sont ses intentions sous-jacentes...

Est-ce vraiment pour faire plaisir à l'UDC, pour s'en faire un allié, qu'il fait semblant de prendre en considération ce projet de loi, dont mon collègue M. Blanc a souligné - vous ne pouvez que le reconnaître ! - les incohérences ?

Comme l'a dit mon collègue, M. Kanaan, il est possible à tout un chacun de se référer aux conclusions du rapport Andersen, pour essayer de se projeter dans l'avenir. Mais vous n'allez pas imposer à toute une commission des séances de travail sur un projet de loi dont vous savez déjà qu'il ne tient pas la route ! Quelle est votre intention, Monsieur Roulet, en demandant le renvoi de ce projet de loi en commission de contrôle de gestion, si ce n'est de la surcharger, afin de l'empêcher d'être efficace ? Car, je vous le rappelle, le meilleur moyen d'enterrer un problème, c'est de le renvoyer en commission !

Je vous ai demandé tout à l'heure de privilégier l'action... Je vous demande en conséquence de refuser le renvoi de ce projet en commission.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je ne veux pas m'immiscer dans vos différends, mais j'aimerais tout de même vous signaler que ce projet est inapplicable tel qu'il est. Il faut être parfaitement clair: il est tout simplement inapplicable ! Selon cette loi, le Conseil d'Etat serait contraint tous les six mois, tant que la loi est en vigueur - et la loi qui est prévue ici n'a pas de fin - de faire un rapport - ce qu'il fait déjà aujourd'hui. Du reste, cela ne vous intéresse manifestement pas le moins du monde... (Mme Martine Brunschwig Graf parle en se retenant de rire.)...et je me tue à vous expliquer - vous me pardonnerez - que tous les renseignements sont à votre disposition ! Si j'ai évoqué le renvoi de ce projet en commission - je le dis à l'intention de M. le député Glatz (Rires.)- c'était dans l'idée de faire le lien, une fois pour toutes, entre les fantasmes des uns et des autres sur le rapport d'Arthur Andersen... Je voulais aussi répondre au souhait, exprimé à la page 3 de l'exposé des motifs, des honorables députés qui veulent à toute force imiter le canton du Valais et qui pensent avoir trouvé, dans le rapport Arthur Andersen, la réponse à leurs questions, alors que GE-Pilote suit exactement l'esprit de la démarche de l'Etat du Valais, pour leur démontrer que leur combat n'était en définitive pas le bon ! Je pensais qu'en vous réunissant pour trouver une évaluation des prestations et une méthode correcte, moderne, d'appréciation de l'action de l'Etat, nous avions une chance de faire un bon travail pour le futur. C'est la raison pour laquelle il me paraissait sage de clore, une fois pour toutes, ce débat, avec le secret espoir que les auteurs de ce projet de loi, à l'issue de cette discussion - que j'avais de toute façon prévu d'avoir avec la commission de contrôle de gestion - auraient peut-être eu envie de le retirer... (Exclamations.)...et de donner leur plein appui à la suite des réformes.

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Merci, Madame la vice-présidente du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets tout d'abord la demande de renvoi de ce projet de loi en commission présentée par M. le député Roulet, au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mis aux voix, le renvoi de ce projet en commission est rejeté par 46 non contre 37 oui.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous poursuivons nos débats. Je donne la parole à M. Souhail Mouhanna... Qui renonce ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant la prise en considération de ce projet de loi, toujours au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 47 non contre 20 oui et 13 abstentions.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au point 28 de notre ordre du jour. C'est le dernier point que nous traiterons ce soir. C'est donc vous qui déciderez de la rapidité avec laquelle nous irons nous coucher...

PL 7760-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de MM. Christian Brunier, Pierre-Alain Champod, Christian Ferrazino, Dominique Hausser, Chaïm Nissim, Jean-Pierre Restellini, Bernard Clerc, Jean Spielmann, David Hiler modifiant la loi générale sur les contributions publiques (impôt sur les gains en capitaux) (D 3 05).
Rapport de majorité de M. Jean Rémy Roulet (L)
Rapport de minorité de Mme Mariane Grobet-Wellner (S)

Premier débat

M. Jean Rémy Roulet (L), rapporteur de majorité. Ce projet de loi, qui émane de l'Alternative, est une demande que l'on pourrait qualifier «d'insistante», de «récurrente», de «lancinante»... En effet, taxer les gains en capitaux est une idée qui remonte au début des années 90 et qui a suscité de longs et nombreux débat sur l'opportunité ou non de l'appliquer. Je dirai qu'au fil des années les discussions qui ont gravité autour de ce thème n'ont pas changé puisque tant le pouvoir exécutif fédéral que le souverain et, également, l'exécutif cantonal, l'ont balayée, car - il faut le dire - c'est une «fausse bonne idée».

Pourquoi est-elle une fausse bonne idée ou, plus simplement, une mauvaise idée ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.)Parce que, techniquement, il est impossible à une administration fiscale de calculer des bénéfices éventuels, souvent fictifs, sur les gains en capitaux. C'est le premier point.

Deuxièmement, les expériences menées dans différents cantons ont montré que le produit d'un tel impôt est nettement inférieur à son coût de perception.

Troisièmement, pour un canton comme Genève, qui dépend de la place financière genevoise, à près de 20% de son revenu intérieur brut, c'eût été suicidaire d'imposer un secteur économique aussi important.

Enfin, en décembre 2001, le peuple a rejeté cette initiative sur le plan suisse, et même massivement, dans une proportion de deux tiers - un tiers.

Aujourd'hui - pour celles et ceux qui n'ont pas suivi les débats d'alors - nous sommes obligés de revenir sur ce projet de loi, suite à la décision, sensée, du président de la commission fiscale, M. Blanc, de faire un peu d'ordre. Je vous invite toutefois à refuser l'entrée en matière de ce projet de loi, qui date de cinq ans déjà.

Mme Mariane Grobet-Wellner (S), rapporteuse de minorité. Je rectifierai tout d'abord ce qu'a dit M. Roulet: l'idée de taxer les gains en capitaux ne date pas des années 90 et elle n'émane pas de l'Alternative ! Cette taxation existe: c'est la règle générale; l'exception concerne uniquement les personnes physiques. C'est le premier point.

Deuxième point. Le produit de cette taxe - que vous estimez négligeable - a été évalué, sur le plan suisse, à près d'un milliard par année ! Alors, on peut bien dire de cette somme qu'elle est négligeable... En ce qui me concerne, je pense que la part qui reviendrait à Genève serait bien utile pour renflouer les caisses de l'Etat.

Pourquoi l'insistance de l'Alternative à ce sujet ? C'est qu'entre-temps nous avons pu constater la situation préoccupante des finances à Genève, et nous sommes tous arrivés à la conclusion qu'il fallait essayer de remédier à cette situation. Et ce pourrait être une façon d'y arriver.

Des arguments ont été avancés contre ce projet... Vous avez parlé d'un problème de perception... Mais rien n'empêche de régler ce problème en ajoutant une ligne supplémentaire à la feuille de déclaration d'impôt !

Vous dites par ailleurs que le mode de perception coûtant plus cher pendant les années de faible rendement, il ne faut pas imposer les gains en capitaux... Comme je l'ai dit dans mon rapport, si on suivait ce raisonnement jusqu'au bout, il faudrait dispenser tout contribuable, si les impôts qu'il doit payer sont inférieurs au coût du traitement de sa taxation, de déposer une déclaration fiscale !

Pour nous, l'élément le plus important est, en fin de compte, la notion d'égalité de traitement entre contribuables. Le rapport du Dr Behnisch, que j'ai résumé ici, dit: «L'absence d'imposition des gains en capital mobilier privé - seuls ces gains sont exonérés - constitue une lacune manifeste au regard du principe constitutionnel de l'imposition des contribuables d'après leur capacité contributive.» (L'oratrice accroche ces deux derniers mots.)Excusez-moi, je commence à être un peu fatiguée ! (L'oratrice est interpellée.)Oui, on fait au mieux ! C'est la seule exception, aujourd'hui. Il n'y a donc, à notre avis, aucun problème technique qui empêcherait d'imposer les gains en capital sur la partie imposable.

Dernier argument. Vous dites que la concurrence entraînera la fuite des contribuables, que les gens iront se domicilier dans le canton voisin pour échapper à cet impôt... C'est, me semble-t-il, un raisonnement à très court terme, et nous avons pu constater que cet argument tient mal la route. Il a du reste été utilisé pour convaincre la population d'accepter la baisse des impôts de 12%, car cela allait générer une affluence massive des gros contribuables à Genève, ce qui ne s'est pas vérifié. Mais, l'inverse n'est pas vrai non plus: cette imposition, qui ne concerne qu'une petite partie de la population, ne va pas faire fuir les contribuables genevois ! Et, je le rappelle, cette imposition existe déjà: c'est la règle générale.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Christian Brunier (S). On peut apprécier le sens de la mesure du rapporteur de majorité, qui a dit dans son intervention que ce projet était, je cite: «suicidaire»...

Monsieur Roulet, je tiens juste à vous dire que notre projet n'a rien de provocateur, rien d'extrémiste, rien de révolutionnaire... Notre projet - je vais vous le dire - est une copie conforme de la loi américaine ! Cela devrait vous faire plaisir, parce que, d'habitude, vous êtes en extase dès qu'on parle des Etats-Unis ! (Rires et commentaires.)D'ailleurs, Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que la plupart des grandes puissances économiques de ce monde taxent les gains en capitaux.

Par exemple, Mme Thatcher, qui était votre modèle - qui l'est toujours, du reste (Rires.)- a taxé les gains en capitaux en Grande-Bretagne, et ils le sont toujours: de 25 à 40% ! L'Espagne taxe les gains en capitaux jusqu'à 56% ! Le Liechtenstein - grand pays révolutionnaire, comme tout le monde le sait... - taxe les gains en capitaux jusqu'à 18% ! Le Luxembourg - autre paradis fiscal - taxe les gains en capitaux jusqu'à 50% ! (Exclamations.)Dire que c'est un projet...

M. Olivier Vaucher. Et l'impôt sur la fortune !

M. Christian Brunier. Madame la présidente, pourrais-je m'exprimer tranquillement dans ce parlement ? (Exclamations. La présidente agite la cloche.)

Une voix. Tu dis que des conneries !

La présidente. Respectez la parole de M. Brunier ! (Exclamations.)

M. Christian Brunier. Monsieur Luscher, il y a des choses qui vous dérangent peut-être, mais c'est la vérité: ce sont les chiffres ! Etudiez le dossier !

Une voix. C'est la moitié de la vérité !

M. Christian Brunier. C'est la moitié de la vérité... (La présidente agite la cloche.)

La présidente. Il est tard ! Respectez la parole de chacun, cela ira plus vite !

M. Christian Brunier. Vous interdisez les manifestations, maintenant vous empêchez la gauche de s'exprimer au parlement ! Où va-t-on ? (Exclamations.)Les gains en capitaux sont taxés dans la plupart des pays qu'ils soient de droite ou de gauche. Le risque de fuite des capitaux que vous évoquez, en disant que cela serait suicidaire pour notre place financière, est un risque inexistant ! Vous faites peur à la population, et, d'ailleurs, vous avez très bien joué sur ce plan, puisque le peuple a rejeté un vote populaire ! Il faut dire que vous aviez lancé des menaces de licenciements massifs dans les banques, de fuite des capitaux - ce qui est un mensonge - et le peuple, impressionné, a refusé la taxation des gains en capitaux ! (Exclamations.)

Je vous rappelle qu'en termes de taux notre projet de ce soir est très pragmatique, puisque nous avons imaginé de fixer un taux très dégressif. C'est un moyen efficace de lutter contre la spéculation - peut-être que cela ne vous plaît pas, mais c'est l'objectif - dans le sens où plus longtemps vous détenez une action moins vous êtes taxés. Cette mesure devrait tout de même vous amener - vous qui dites représenter les entreprises - à examiner les choses de près. Il y a vingt ans, les personnes qui achetaient une action la gardaient environ sept ans. C'était quasiment un partenariat: il y avait une sorte d'engagement financier dans les entreprises ! Aujourd'hui, cette durée est tombée à sept mois ! Sept mois ! Il y a une véritable spéculation sur les capitaux - et vous le savez très bien - ce qui est mauvais pour notre économie, pour les citoyennes et les citoyens de notre canton et de notre pays, mais aussi pour les entreprises que vous prétendez défendre ! Visiblement, vous ne les défendez pas dans les actes... (Commentaires.)Aujourd'hui, il y a une crise des recettes, mais vous ne voulez pas vous l'avouer... (Exclamations. L'orateur est interpellé.)Le peuple a donné un message clair en disant que le travail était suffisamment taxé...

M. Christian Luscher. Et, à ce sujet, il a dit quoi, le peuple ?

M. Christian Brunier. Que le travail était suffisamment taxé, Monsieur Luscher ! (Exclamations.)Aujourd'hui, le travail est taxé sensiblement, mais les gains en capitaux ne sont pas taxés ! Or, vous le savez très bien, Monsieur Luscher, vous qui êtes certainement détenteur d'actions - ce qui n'est pas notre cas... (Vives exclamations. Rires. La présidente agite la cloche avec force.)

La présidente. S'il vous plaît, un peu de calme ! (Exclamations. La présidente agite la cloche.)

M. Christian Brunier. Monsieur Luscher...

La présidente. Monsieur Luscher ! Monsieur Luscher !

M. Christian Brunier. Monsieur Luscher, Mesdames et Messieurs de la droite, vous le savez très bien, durant les cinq dernières années des années 90 les revenus du travail ont stagné - les salaires ont stagné ou progressé très légèrement... (Exclamations.)Pendant ce temps, malgré des crises boursières, les revenus des gains en capitaux ont progressé, suivant les pays, de 300 à 400% ! Et ces gains échappent complètement à l'impôt ! C'est un système inéquitable par rapport aux gens qui travaillent, et, nous, nous demandons simplement, à travers nos projets, de taxer les personnes qui perçoivent des revenus en spéculant, ce qui pénalise les autres !

Nous vous demandons avec force de voter notre projet, même si nous avons conscience - nous l'avions dit au moment de son dépôt - qu'il n'a pas une vocation cantonale. Cela dit, il permettrait de donner une impulsion importante pour modifier le système d'imposition en Suisse. (Applaudissements.)

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, j'espère que vous serez un peu plus calmes pour la suite des débats ! Madame la députée Stéphanie Ruegsegger, je vous donne la parole.

Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Nous nous retrouvons dans la même situation que tout à l'heure, avec l'un des projets que nous avons traités... En effet, une initiative sur l'imposition sur les gains en capitaux a été soumise au peuple, il n'y a pas si longtemps - c'était en décembre 2001 - qui l'a rejetée, à 66%, au niveau fédéral et, à 65%, au niveau genevois. Aucun canton ne l'a acceptée: elle a été refusée à l'unanimité des cantons ! Vous auriez éventuellement déjà pu tirer des conclusions, suite à ce vote sans appel... Vous ne l'avez pas fait, et nous avons pu constater tout à l'heure que le respect de la décision démocratique n'est pas forcément votre principale préoccupation...

Ce projet de loi est un projet de loi conjoncturel, qui a été déposé dans une période où les choses allaient encore relativement bien. Lors de l'étude de ce projet de loi en commission - si M. Brunier avait été commissaire à la fiscale, il aurait peut-être modéré ses propos - les auteurs de ce projet ont reconnu ses limites et ses lacunes. Je crois, du reste, que M. Roulet l'indique dans son rapport. Ils ont pourtant persisté à maintenir leur projet de loi: c'est dommage ! Mais nous voterons tout à l'heure sur l'issue que nous souhaitons donner à ce projet...

Qu'en est-il aujourd'hui de la taxation des gains en capitaux, qui ne sont pas - M. Roulet l'a dit - ce qu'ils ont été par le passé ? Vous l'aurez constaté, de nombreux cantons qui avaient fait l'expérience d'imposer les gains en capitaux sont revenus en arrière. Nous pourrions parfois nous inspirer des expériences des cantons, qui ont fait des erreurs et qui les corrigent... Mais, nous, nous persistons - c'est sans doute le Sonderfall Genf -dans l'erreur !

En outre, étant donné que ce projet de loi s'inscrivait dans l'esprit et dans la ligne de l'initiative qui a été rejetée au niveau fédéral, je ne comprends pas pourquoi le groupe socialiste a voulu le maintenir à Genève.

Le groupe démocrate-chrétien, comme il l'a fait en commission, refusera ce projet de loi, qui n'est pas applicable.

M. Robert Iselin (UDC). Cette proposition a, vu par ma lunette, quelque chose de très agréable... Parce qu'elle me rajeunit extraordinairement !

M. Claude Blanc. C'était le moment ! (Rires.)

M. Robert Iselin. Merci, j'apprécie à sa juste valeur ! Elle me rajeunit, parce qu'il se trouve qu'en 1958 - ou peut-être s'agit-il de 1957 ou de 1959 - j'étais à Zurich, et nous avons assisté exactement à la même discussion parce que Zurich appliquait, à l'époque, un impôt sur les gains en capitaux. Mais les défauts de cet impôt se sont révélés tels que le canton de Zurich l'a supprimé ! Tout d'abord, la perception de cet impôt s'est révélée tellement coûteuse que ça ne valait, pour ainsi dire, pas le coup. Ensuite, le risque est que cet impôt fausse complètement le mécanisme de la bourse. Finalement, Zurich a supprimé cet impôt et ne l'a plus jamais appliqué.

Quoi qu'il en soit, tout ce qui vient de Zurich n'est pas parfait, mais, dans le cas particulier, je pense que nous ferions bien de nous en inspirer !

La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député «Souela» Mouhanna, vous avez la parole.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Je vous ferai juste une petite remarque, Madame la présidente - c'est la première fois que je vous le dis - à propos de mon nom... J'espère simplement que, la prochaine fois, vous le prononcerez correctement ! Je vous remercie.

La présidente. Si je fais une erreur, Monsieur le député, je la fais avec affection...

M. Souhail Mouhanna. Merci, Madame. Je n'en fais pas une histoire. J'ai un nom tellement bien de chez nous qu'il est très facile à prononcer ! (Rires et exclamations.)

Lorsqu'on entend les représentants de la majorité parlementaire se référer une fois aux Etats-Unis, une autre à Zurich, on peut se demander comment ils peuvent émettre un avis à géométrie aussi variable... Il est surprenant qu'ils ne tombent pas de temps en temps par terre, vu leurs contorsions et leurs positions instables !

Des raisons pour lesquelles il faut rejeter ce projet de loi sont évoquées dans le rapport. On peut lire, par exemple, je cite: «impossibilité d'évaluer correctement le produit de cet impôt, compte tenu des effets sur l'économie». D'un côté, vous dites qu'il est impossible d'évaluer le produit de cet impôt, tout en disant qu'il y aura des effets sur l'économie, mais sans dire si ces derniers sont véritablement mesurables. Donc, dans le doute, il faut s'abstenir.

Il est dit ensuite: «coûts démesurés pour l'administration de la mise en place d'un tel impôt cantonal». Mais vous l'avez toujours dit, et cela sur tous les tons, à chaque fois précisément qu'il s'agit de taxer la spéculation et les gros profits !

Vous dites encore - ce qui est vraiment très révélateur: «incitation pour les investisseurs privés et les sociétés anonymes à élaborer des stratégies permettant d'échapper à l'impôt en question». Tout à l'heure certains représentants des partis de droite disaient, lors de la discussion sur l'obligation de résidence des fonctionnaires, qu'il fallait compter sur leur esprit citoyen pour résider à Genève et payer les impôts. Apparemment, vous dites qu'il ne faut pas compter sur l'esprit citoyen et sur la fidélité des personnes que vous défendez !

Et puis, vous parlez de: «conséquences incontrôlables pour Genève et sa place financière». Evidemment, vous rendez tout incontrôlable, alors, il faut s'y attendre !

Après, vous dites: «incohérence des auteurs du projet de loi qui arguent de l'existence d'un tel impôt aux Etats-Unis, alors que ce pays ne connaît pas, contrairement au nôtre, l'imposition sur la fortune». Ah, la belle affaire ! Mais lorsque nous avons discuté de la suppression de l'impôt sur les successions en ligne directe que vous défendiez, vous ne vouliez pas entendre qu'aux Etats-Unis cet impôt pouvait atteindre 50% ! Dans ce cas, vous ne prenez pas exemple sur les Etats-Unis ! (L'orateur est interpellé.)Non, non ! A chaque fois qu'un projet est favorable au revenu du capital au détriment du revenu du travail, aux spéculateurs, aux gens qui exploitent les autres, vous êtes les premiers à vouloir le faire passer en force ! Mais, à chaque fois qu'un projet est favorable aux travailleurs et propose ce qu'on appelle des «prestations sociales» pour la collectivité, eh bien, alors, vous vous référez aux pays qui en sont le moins dotés ! Vous pourriez même imaginer qu'il faut recourir au travail des enfants, à l'exploitation des uns et des autres de manière éhontée, comme cela se passe dans certains pays !

Vous dites ensuite: «abolition de cet impôt à Zurich en 1971 et à Berne en 1987, où il n'a rapporté en 1986 que 700 000 F !». Bien sûr, vous vous référez toujours aux années les plus défavorables pour justifier votre refus d'adopter un tel impôt. Mais ça ne m'étonne pas de vous !

Et, enfin, vous dites: «non-prise en considération des fluctuations boursières (qu'aurait rapporté un tel impôt sur les exercices 2000, 2001 et 2002 ?)». Je vous rétorque ceci: qu'aurait apporté cet impôt, par exemple, en 1997, 1998 et 1999, années où la bourse a augmenté de la manière que vous savez ? Plus du double, soit plus de 100% ! Mais, évidemment, vous vous gardez bien de prendre cet exemple !

Pour conclure, je dirai ceci. Mesdames et Messieurs les députés de droite, vous êtes sûrs que le peuple va refuser toute - toute - hausse d'impôt... Madame Ruegsegger, vous avez dit tout à l'heure que nous ne respections pas la volonté du peuple. Mais, vous, Madame, avez-vous respecté la volonté du peuple qui a accepté notre initiative sur l'imposition - de manière temporaire - du grand capital, des grands bénéfices, des grosses fortunes ? Vous avez tout fait pour qu'elle soit rejetée en deuxième votation ! L'AVS a été rejetée plusieurs fois; le droit de vote des femmes aussi, mais, finalement, ils ont été acceptés ! Pour vous, la démocratie, c'est lorsque le peuple se prononce en votre faveur, et, évidemment, lorsqu'il le fait une fois, c'est pour l'éternité ! Mais quand il se prononce en faveur d'éléments de progrès social, vous remettez toujours sa volonté en question ! C'est une façon de faire qui vous caractérise, ce n'est pas une nouveauté pour nous ! Quoi qu'il en soit - vous le savez - ces transactions de capital seront taxées tôt ou tard. Tôt ou tard, les profits indus, c'est-à-dire le transfert éhonté des revenus du travail vers le capital, bénéficieront aux travailleurs !

M. Claude Blanc. Ce n'est pas pour ce soir !

M. Souhail Mouhanna. Je sais, Monsieur Blanc, ce n'est pas pour ce soir ! Tant que vous êtes là, ce ne sera pas le cas !

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits, Mme et MM. les députés, Pierre Froidevaux, Pierre Guérini, Jean Rémy Roulet et Mariane Grobet-Wellner - les deux rapporteurs qui auront la parole à la fin - Claude Marcet, Renaud Gautier et Michel Halpérin.

La parole est à M. le député Pierre Froidevaux, qui est déjà debout, prêt à intervenir...

M. Pierre Froidevaux (R). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, il est quand même assez difficile d'écouter notre collègue Souhail Mouhanna sans réagir, et je suis obligé de qualifier son discours «d'hypocrite» !

Le projet de loi en question porte le numéro 7760. Il est donc extrêmement ancien, et les signataires sont du reste des députés qui ne sont plus là pour la plupart... Monsieur Mouhanna, ce projet était le symbole de la nouvelle majorité de gauche qui entendait réformer l'Etat avec de tels projets... Pendant quatre ans, Monsieur Mouhanna, vous avez eu la majorité... Pendant quatre ans, vous avez eu l'occasion de voter ce projet de loi...

Une voix. Là, tu es excellent !

M. Pierre Froidevaux. Et pendant ces quatre ans, Monsieur Mouhanna, vous n'avez jamais osé le faire, parce que vous savez que ce projet de loi est inapplicable, injuste et irréaliste !

Mes chers collègues, le vote populaire l'a déjà formalisé ! Mme Ruegsegger vous l'a dit, mais je vais vous donner encore un chiffre qu'elle n'a pas donné. C'est le pourcentage de personnes qui ont accepté cet impôt au niveau de la Ville de Genève - et pas du canton: il est de 39% ! Alors, on ne parle plus d'un projet de loi, Monsieur le président, mais d'Histoire ! Et, à cette occasion, je rappellerai ce qu'est l'impôt sur le gain en capital...

Il faut se souvenir des années 90, en particulier l'année 1998, qui a vu la fusion de Ciba-Geigy, celle de l'UBS et de la SBS et l'arrivée d'un personnage zurichois avec un noeud papillon, qui a soulevé - c'est vrai - une véritable question populaire pour savoir s'il fallait, ou pas, prélever un impôt sur le gain en capital... Le Conseil fédéral a nommé une commission, appelée commission Behnisch, qui a élaboré une contre-proposition à l'initiative populaire, laquelle disait en substance qu'il était possible de taxer le gain en capital, mais qu'il fallait aussi modifier l'impôt sur la fortune, pour une question d'équité. Et modifier l'impôt sur la fortune, c'est toucher à la fiscalité des cantons, et le rapport Behnisch n'a jamais pu être concrétisé... Le peuple a voté sur l'initiative, telle qu'elle est venue de la gauche; le peuple a dit non. Il ne peut que dire non à ce projet genevois que vous-mêmes, à l'époque, lorsque vous aviez la majorité, vous n'avez même pas voté !

Alors, ne soyons pas hypocrites ! Refusons cette loi et terminons-en !

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Pierre Guérini (S). Un certain nombre de choses ont déjà été dites, mais il me paraît important d'intervenir à nouveau... (L'orateur est interpellé par M. Blanc.)Oui, Monsieur Blanc ! Vous vous réveillez ? C'est sympa ! (Rires.) Bis repetitaont dit certains... Oui, car à plusieurs reprises le peuple et la droite, tant fédérale que cantonale, ont dit non à cette forme d'impôt ! Le problème demeure, et il faudra bien remettre, autant de fois que nécessaire, l'ouvrage sur le métier pour une question d'égalité de traitement entre tous les contribuables.

Tout d'abord, il faut trouver des moyens pour mettre un frein à la crise des recettes de ce canton - crise des recettes organisée par la droite de ce parlement ! Ensuite, il faut aborder le problème posé par l'organisation néolibérale de notre société, organisation qui fait du capital l'objectif premier de son action, reléguant les travailleuses et les travailleurs, qui, eux, payent des impôts sur le fruit de leur labeur, au rang de kleenex à son service ! Et, enfin, il faut rétablir l'équilibre entre l'imposition du travail et celui du capital, capital qui, il faut le dire, permet à un certain nombre de citoyens ou de sociétés de gagner de l'argent - et, parfois, beaucoup d'argent - sans produire aucun bien, que ce soient des machines ou des biens de consommation, permettant le développement de l'humanité. De plus, comme il n'y a pas d'imposition, il n'y a même pas un minimum de retour pour l'ensemble des habitants de ce canton.

Aujourd'hui, on avance des arguments techniques pour refuser ce projet d'impôt... A l'ère de la conquête de l'espace, de la détermination d'un profil ADN, à partir de quelques cellules invisibles à l'oeil nu, nous faire croire qu'on est incapable de gérer des mouvements de capitaux au niveau informatique n'est pas sérieux ! La preuve qu'il ne s'agit pas d'un problème technique, c'est que lorsqu'on vous dit, Mesdames et Messieurs de l'Entente, que les Etats-Unis, votre maître à penser économique - souvent avec quelques années de retard, mais il est vrai que l'Atlantique est assez grand - connaissent un tel impôt, vous nous rétorquez que c'est vrai, mais qu'ils n'ont pas l'impôt sur la fortune, à juste titre !

C'est donc bien un choix de société capitaliste pure et dure que vous voulez: c'est-à-dire le profit et l'argent au service d'une minorité, qui n'a plus rien à voir avec le travail, puisque la finance peut, en quelque sorte, tourner en vase clos. Si le capital était réellement au service de tous, de tous les travailleurs, et destiné au progrès social, c'est des deux mains que vous voteriez ce projet de loi, car, à l'évidence, l'impôt est le système le plus adapté pour permettre à l'Etat d'assurer sa fonction de gestion et de redistribution.

C'est pourquoi, une fois encore, les socialistes vous invitent à voter ce projet de loi.

Le président. Monsieur le député Claude Marcet, vous avez la parole.

M. Claude Marcet (UDC). Monsieur le président, je vais être très très bref. (M. Marcet n'étant pas à sa place, il est à peine audible.)J'ai entendu un certain nombre...

Le président. Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur le député, mais vous n'êtes pas à votre place !

M. Claude Marcet. Je ne suis pas à ma place...

Le président. Ça va aller mieux comme cela !

M. Claude Marcet. J'ai entendu un certain nombre d'inepties, que j'aimerais tout de même rectifier ! Par exemple, qu'il y a eu 300% d'augmentation de la valeur des titres en bourse. Je dis à celui qui a fait cette affirmation - il n'est malheureusement plus là - qu'il se réfère aux indices Nyse, Standard & Poors, Nasdaq, de ces cinq dernières années. Cela m'étonnerait fortement qu'il y voie une augmentation de 300% ! Sinon, un certain nombre de personnes seraient très riches, et elles le sauraient...

Deuxièmement, quand on parle des Etats-Unis - M. Mouhanna n'est pas là non plus...

M. Souhail Mouhanna. Si, il est là !

M. Claude Marcet. Bien, alors, je t'expliquerai, Souhail, comment créer un trust aux Bahamas et comment certains fonds américains y sont transférés et ne sont pas taxés ! Je t'expliquerai volontiers comment les choses se passent !

Par ailleurs, quand on veut taxer les gains, il faut accepter de devoir payer sur les pertes. Or, là, si ma mémoire est bonne, on ne paie qu'à hauteur de 10 000 F - c'est à l'article 91H ! Alors, excusez-moi, mais, comme ineptie et comme stupidité, on ne peut pas faire mieux ! On ne peut manifestement pas préconiser de taxer les gains et, dans le même temps, refuser de payer les pertes ! Sinon, il y a un problème !

Je vais vous dire deux mots à propos de la valeur vénale... Je lis, par exemple, que: «La valeur d'aliénation des titres est égale au prix de vente, de cession ou de remboursement, mais au minimum à la valeur vénale.» Malgré mes facilités pour les chiffres, je dois vous dire très honnêtement que je serais totalement incapable de déterminer la valeur vénale d'une action acquise en bourse ! C'est très difficile, car le cours des actions oscille au-dessus ou au-dessous d'une courbe - qui progresse ou qui régresse - qui représente la valeur vénale. Peut-être Souhail viendra-t-il m'aider pour expliquer comment déterminer une valeur vénale... Si le département des finances devait le faire, il mettrait des années !

Il est dit également à l'article 91E que, je cite: «La valeur d'acquisition des titres est égale au prix d'achat, mais au maximum à la valeur vénale au moment de leur acquisition». C'est exactement le même principe. Si vous me dites qu'il est possible techniquement de déterminer la valeur vénale, j'aimerais bien que vous veniez m'expliquer comment ! Moi, je pense que ça ne l'est pas !

M. Renaud Gautier (L). Nous sommes là encore dans un de ces débats idéologiques qui font le charme de ce parlement...

Certains se réfèrent à un auteur, qui, après avoir longtemps habité en Angleterre, a fait des théories qui font encore quelques ravages intellectuels ! Mais je constate que ceux de ce parlement qui sont les plus proches de M. Karl M., qui, somme toute, entendent taxer les gains sur le capital comme étant la dernière valeur ajoutée d'une opération, sont les mêmes qui vont s'opposer, dimanche, à l'augmentation de la TVA ! Enfin d'autres nous abreuvent de leurs éternelles litanies d'une originalité extraordinaire sur le monde capitaliste, la fin du monde, etc. Je rappellerai quand même que c'est parce que l'Etat est riche que nous pouvons mener une politique sociale de qualité.

Evidemment, si on continue à décourager les gens de vivre à Genève, nous n'aurons plus les moyens d'avoir la politique sociale que l'on souhaite !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Michel Halpérin. (M. Froidevaux manifeste son contentement.)

M. Michel Halpérin (L). Merci, Monsieur Froidevaux ! (Rires.)

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il est probablement juste de dire qu'il y a incompatibilité entre un travail sérieux et un travail idéologique... Dans le premier cas, on réfléchit sur des données concrètes, pratiques, mesurables. Dans le deuxième, on se projette dans sa vision du monde, et j'accompagne l'expression «sa vision du monde» d'un possessif, parce qu'elle n'appartient qu'à celui qui l'énonce. Et elle est définitivement résistante à toute analyse critique, puisque le fait même qu'on l'énonce la fait échapper totalement à la critique, surtout si c'est celle de tiers.

M. Claude Blanc. Excellent !

M. Michel Halpérin. Et, donc, nous nous trouvons devant un argumentaire relativement farfelu, puisqu'il s'appuie essentiellement sur deux affirmations. La première est que le refus que nous opposons à cette proposition traduit une manie, que vous nous prêtez et qui consiste à privilégier en toute circonstance le grand capital, de préférence abstrait, de préférence fluide, dont un président de la République française disait qu'il enrichissait pendant qu'on dormait. C'est une vision du monde; c'est une vision dont chacun de ceux qui se donnent la peine de réfléchir sait qu'elle est un peu sommaire...

Le deuxième argument consiste à dire, à l'occasion de ces débats sur la fiscalité, que les baisses d'impôts ruinent l'Etat, alors que - cela a été démontré ces dernières années - l'impact des baisses d'impôts a été favorable aux caisses de l'Etat. Il faut, par conséquent, s'accrocher, s'arc-bouter, aux effets de la conjoncture pour prétendre aujourd'hui que c'est en raison des baisses d'impôts que l'Etat se retrouve dans les chiffres rouges, alors que la baisse d'impôts, de 1998 à 2003, nous a permis de revenir aux chiffres noirs. Mais cela fait partie aussi de la manie qui consiste à asséner sa propre vérité, plutôt qu'à la confronter à la réalité...

La deuxième considération que je voudrais faire valoir à propos de ce projet, c'est le réalisme de ses auteurs... Il faudrait, selon vous, taxer les gains en capital... On a vu que c'est un exercice qui se pratique dans un certain nombre de pays. Il est donc possible. Mais on a vu aussi que, là où il se pratique, il s'accompagne, d'une part, d'une déduction des pertes - c'est normal - et, d'autre part, d'un appareil de mesure qui est compliqué et pas compatible avec les instruments qui sont ceux de la fiscalité suisse jusqu'à maintenant. Et donc, prétendre aujourd'hui vouloir inventer, ou réinventer pour la énième fois, ce type de proposition fiscale, c'est tout simplement perdre de vue qu'on doit adopter - comme l'a rappelé M. Marcet - le système complet: on déduit les pertes en même temps qu'on prend en compte les gains, ce qui a pour conséquence, même quand le système fonctionne, d'aggraver les effets des crises cycliques. C'est-à-dire que quand les choses vont bien, l'argent entre de toute façon et on en gagne un peu plus, mais, lorsqu'elles vont mal, on en gagne encore moins, puisque les pertes sont déductibles. Dans un monde qui vit, au contraire, d'une politique fiscale anticyclique, cela me paraît particulièrement imprévoyant !

Ma troisième remarque est que ceux que vous frapperez en premier lieu sont les principaux porteurs de valeurs mobilières... Or, vous devriez savoir - mais vous le savez probablement - que les principaux porteurs de valeurs mobilières sont les fonds de prévoyance dans lesquelles on accumule le deuxième pilier. En d'autres termes, vous êtes en train de vous attaquer à l'épargne de ceux qui, employés, cumulent à travers leurs fonds de prévoyance des investissements boursiers ! Cela me paraît assez singulier, lorsque la démarche se veut dotée d'une aspiration sociale...

Quatrièmement, vous perdez totalement de vue l'impact inévitable d'une imposition fragmentaire de ce type si elle frappait le canton et même si elle frappait toute la Confédération. Même M. Tobin, qui est généralement le maître à penser de vos milieux, a parfaitement compris qu'une taxe de ce genre n'a de sens et de portée que si elle frappe uniformément toutes les transactions de ce type sur l'ensemble de la planète. Sinon les capitaux, dont vous avez dit à réitérées reprises et à juste titre qu'ils sont fluides et rapides, vont se loger ailleurs où ils ne sont pas taxés, et ils appauvrissent davantage les places où on les taxe. Or, comme votre objectif - semble-t-il - est d'enrichir la Suisse ou Genève, vous devriez éviter soigneusement d'entreprendre des démarches qui visent à l'appauvrir.

D'ailleurs, nous avons déjà un impôt qui frappe les transactions, qui n'est pas un impôt sur les gains mais qui est un impôt sur les transactions, c'est le droit de timbre, et vous savez les difficultés de concurrence internationale dans lesquelles il nous place.

Enfin, je voudrais vous rappeler, Mesdames et Messieurs les porteurs de ce projet, que la mise en bourse ou l'appel à des capitaux a généralement un sens pour ceux qui le lancent... C'est de ramasser de la finance pour lancer des entreprises et créer des emplois ! Si je comprends bien vous souhaiteriez qu'ils arrêtent... Cela me paraît une curieuse idée du progrès économique et social ! (Applaudissements.)

M. Jean Rémy Roulet (L), rapporteur de majorité. Je voudrais compléter les propos de mon collègue Gautier et de mon collègue Halpérin...

Je rappellerai tout d'abord quelques considérations politiques aux socialistes: il faut savoir que vous avez accepté à l'unisson, avec vos collègues Verts et de l'AdG, une baisse d'impôt de 60 millions, il y a deux ans de cela. Alors, j'aimerais bien, une fois pour toutes, qu'on arrête de dire dans ce parlement qu'il n'y a qu'à droite que l'on juge une baisse d'impôt salvatrice pour la République !

Je vous rappellerai également que c'est une ministre des finances socialiste, actuellement conseillère d'Etat...

Des voix. Fédérale !

M. Jean Rémy Roulet. ... conseillère fédérale ! Il est 23h10... Excusez-moi de cet impair, chers collègues ! Mme Calmy-Rey a soutenu une motion émanant de l'Entente visant à entreprendre toutes les démarches en vue d'asseoir et de protéger le secret bancaire.

Troisième remarque, je soutiens effectivement les propos de M. Halpérin au sujet de l'actionnariat des fonds de pension... Vous seriez étonnés, Mesdames et Messieurs d'en face, de savoir que chacun d'entre vous et chacun d'entre nous est actionnaire, peut-être «à l'insu de son plein de gré» - pour reprendre une expression sportive bien connue - et, à ce titre, il serait préférable, par le biais de la CAP, de la CIA ou de la CEH, que vous prôniez une gestion saine des actions. Et un de ces moyens, c'est effectivement d'exonérer de tout impôt ce type de placement.

A mon avis, M. Marcet a parfaitement raison de dire que vous voulez taxer les gains lorsque la bourse se porte bien... L'indice boursier des années 2000, 2001 et 2003 ayant chuté de plus de 60% chaque année, je me demande comment les finances publiques auraient pu être rétablies !

Ainsi donc, et j'en conclus par là, Monsieur le président, je réitère ma proposition de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi, ce soir.

Mme Mariane Grobet-Wellner (S), rapporteuse de minorité. Je ferai juste quelques remarques, car il est déjà vraiment tard...

Le reproche de Mme Ruegsegger m'a tout de même étonnée... Cela montre à quel point on peut interpréter différemment la volonté du peuple ! Elle reproche aux socialistes, à la gauche, de ne pas respecter la volonté du peuple... Je me permets de dire que je considère cette affirmation comme absurde. Son interprétation de la volonté populaire n'est pas forcément la bonne. Il s'agit ici d'une réaction de crainte de la population, suite aux menaces de catastrophes pour Genève lancées par la droite.

Je me suis posé la question pour une autre votation populaire... Considère-t-elle que le vote sur cette baisse d'impôt de 12% représente bien la volonté du peuple - maintenant que nous avons cumulé une perte totale de 1,5 milliard en cinq ans - et qu'il serait irrespectueux de vouloir remédier à cette catastrophe aujourd'hui ? A mon avis, non, mais elle m'expliquera cela une autre fois ! Il est maintenant trop tard pour aborder ce sujet...

La situation évolue; elle nécessite de nouvelles mesures, et il faut parfois savoir revenir sur une décision populaire, même si elle a été très majoritaire, comme cela a été le cas pour le droit de vote des femmes: je le rappelle à ces messieurs... (L'oratrice est interpellée.)Oui, voilà, volontiers ! Si on s'était découragé parce qu'une forte majorité était opposée au droit de vote des femmes, je crois que nous ne serions pas là aujourd'hui... (Exclamations.)

Je n'ai pas très bien compris les remarques de M. Marcet sur l'objectif poursuivi par la gauche en présentant ce projet de loi... Je lui rappelle tout d'abord - il n'y était peut-être pas, mais, en principe, il vient à toutes nos séances - que l'entrée en matière a tout simplement été refusée par la droite... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)...et c'est pour cette raison que nous n'avons pas pu examiner quelles étaient les modalités, notamment par rapport aux pertes. (Le président agite la cloche.)

En ce qui concerne le calcul possible de la valeur... (Brouhaha.)J'ai presque terminé: encore un tout petit moment de patience ! (Commentaires. Le président agite la cloche.)Il est tout à fait possible de calculer la valeur d'une action. L'administration fiscale cantonale a la formule ou, si c'est nécessaire, je peux la lui fournir. (Exclamations.)

Enfin, pour ce qui est de la baisse des impôts par la baisse de revenu total taxable, je n'ai pas compris non plus M. Halpérin... C'est peut-être dû à la fatigue... (Brouhaha.)Veut-il dire par là que dès qu'il est imposé le contribuable se couche et ne bosse plus ? Que plus rien ne fonctionne, parce qu'une petite partie part en impôts ? Je ne le pense pas.

En résumé, je vous propose de voter ce projet de loi...

Une voix. C'est le renvoi en commission !

Mme Mariane Grobet-Wellner. Pardon ! Merci ! ...de renvoyer ce projet de loi en commission pour qu'on puisse l'étudier. (Applaudissements.)

Le président. Madame la rapporteure de minorité, j'ai essayé de faire ce que j'ai pu... Vous avez pu constater que j'ai tapé sur la cloche de nombreuses fois... Malheureusement, il est tard, et tout le monde est un peu dissipé...

Si je vous ai bien entendue, Madame, vous avez formulé une demande de renvoi en commission, qui prime sur la demande de prise en considération. Nous allons donc procéder à deux votes, s'il y a lieu. Sauf, si votre demande de renvoi en commission est acceptée. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets tout d'abord la proposition de Mme Grobet-Wellner de renvoyer ce projet de loi à la commission fiscale, au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mis aux voix, le renvoi en commission de ce projet est rejeté par 45 non contre 35 oui.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant la prise en considération de ce projet de loi. Je vous rappelle que le préavis de la commission est de ne pas voter la prise en considération de ce projet de loi. Je le dis pour que les choses soient claires, car il y a eu parfois des erreurs de compréhension. Ecoutez-moi attentivement. Je vous soumets la prise en considération de ce projet de loi comme d'habitude, à savoir que ceux qui souhaitent voter non à ce projet de loi voteront non et les autres oui. (Vives exclamations.)Excusez-moi ! Mais des fois il y a des gens qui ont voté à l'envers, il m'a donc semblé utile de rappeler la méthode de vote. Je vous soumets par conséquent la prise en considération de ce projet de loi, toujours au moyen du vote électronique. Le vote est lancé.

Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 46 non contre 35 oui.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous arrêtons nos travaux. Bonne nuit, bon retour dans vos foyers et à bientôt !

La séance est levée à 23h20.