République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8954-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Mark Muller, Louis Serex, Pierre-Louis Portier, Hugues Hiltpold, Marie-Françoise De Tassigny, John Dupraz, Jean-Marc Odier, Pascal Pétroz, Gabriel Barrillier modifiant la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites (L 4 05)
Rapport de majorité de M. Gabriel Barrillier (R)
Rapport de minorité de Mme Françoise Schenk-Gottret (S)

Premier débat

(Mme Françoise Schenk-Gottret est assise sur le côté droit de la table des rapporteurs.)

Le président. Madame la rapporteure de minorité, je suis un peu surpris par votre emplacement à la table des rapporteurs, mais je trouve plutôt sympathique que les deux rapporteurs soient du même côté; cela me va très bien. Je trouve cela éminemment sympathique. (Mme Schenk-Gottret rit.)

Me voilà rassuré. Il faut que vous sachiez, Madame la rapporteure de minorité, que je suis quelque peu nerveux aujourd'hui: comme c'est le 1er avril, je m'attends au pire. Chaque fois qu'il se passe quelque chose d'incongru, je me demande s'il n'y a pas un lien avec ce 1er avril. Tel n'est pas le cas. Cela me convient très bien, et je suis très heureux de vous voir côte à côte. J'espère qu'il en sera ainsi au vote final !

M. le rapporteur de majorité n'ayant rien à ajouter, la parole est à Mme la rapporteure de minorité.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S), rapporteuse de minorité. Bien sûr, j'ai quelque chose à ajouter, Monsieur le président ! Voyons, la minorité a toujours quelque chose à dire !

Je procéderai à deux rappels.

Premier rappel: le fonctionnement de la CMNS, divisée en trois sous-commissions. La première, celle de l'architecture. La deuxième, des monuments et antiquités. La troisième, celle de la nature et des sites.

Lorsque la CMNS fonctionne, c'est donc avec sept membres. Ce chiffre est tout à fait correct pour travailler. D'ailleurs, la commission fédérale correspondante fonctionne avec le même nombre de personnes.

Deuxième rappel: sous le gouvernement monocolore - je préfère le dire ainsi plutôt que de viser quelqu'un personnellement - la CMNS était devenue une commission alibi.

En 1999, comme nous avions trouvé cette situation inadmissible, nous avions modifié sa composition afin que les associations d'importance cantonale, qui poursuivent par pur idéal - je tiens à le souligner - les buts énoncés à l'article 1 de la LPMNS, soient correctement représentées.

Il faut croire que cette disposition avait toute sa pertinence, puisque les députés de l'Entente, dans le cadre du projet de loi en discussion, ont voulu revenir au système antérieur - pour schématiser, à celui de la commission alibi.

A l'heure actuelle, il est important que la composition de la CMNS ne soit pas modifiée. Ainsi, on pourra conserver une juste mesure entre la préservation du patrimoine et l'évolution de l'architecture. C'est en effet ce qui permet de constituer le patrimoine de demain. C'est pour cette raison que je vous demande de rejeter ce projet de loi.

Le président. Madame la députée, votre micro est ouvert. Pouvez-vous le fermer ? Merci.

M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur de majorité. J'avais décidé de ne rien dire, mais puisque ma collègue... (Brouhaha.)...s'est exprimée, je vous ferai part de quelques réflexions au sujet de ce projet de loi.

Actuellement, et cela est le fruit de la majorité de la précédente législature, la CMNS, qui est une commission extrêmement importante, dans laquelle on donne son avis sur la nature, les monuments, les sites est composée, selon l'article actuel; de onze membres titulaires et de trois membres suppléants - dont une majorité d'entre eux doivent être des délégués d'associations d'importance cantonale poursuivant par pur idéal les buts énoncés à l'article 1 - ainsi que d'un représentant de la Chambre genevoise d'agriculture.

Lors de la dernière législature, les partis ayant la majorité à l'époque, en ont profité pour manipuler la composition de cette commission stratégique en prévoyant que la majorité des membres la composant représenteraient la Société d'art public, Action Patrimoine Vivant, WWF etc.

Je vous le demande: une commission militaire est-elle composée en majorité de militaires ?!

Une voix. Oui !

M. Gabriel Barrillier. Non !

Des voix. Oui ! Arrête...!

M. Gabriel Barrillier. Mais non ! Mais non...

Le président. Ne vous laissez pas distraire, Monsieur le rapporteur de majorité !

M. Gabriel Barrillier. ...une commission aussi stratégique doit représenter la société civile de façon équilibrée.

Durant les années 1997 à 2001, l'ancienne majorité a profité de sa position dominante pour y introduire une majorité de représentants de sociétés telles que la Société d'art public ou Action Patrimoine Vivant et, ainsi, transformer cette commission en une commission de blocage. Sans esprit revanchard, nous avons par conséquent décidé de rétablir la situation antérieure. (Brouhaha.)

Je n'ai pas terminé ! Ceux qui lisent le journal «Le Temps», chers collègues, ont certainement lu dans l'édition de samedi la contribution hebdomadaire de M. Beat Kappeler, ancien secrétaire général de l'Union syndicale suisse. C'est un homme que je connais bien, puisque j'ai fait mes études avec lui.

Je ne fais pas là un procès d'intention mais, comme ma collègue a voulu s'exprimer, je le fais aussi. M. Kappeler - a écrit que beaucoup d'associations prévues dans la loi fédérale sur l'environnement ou dans les lois cantonales ne possèdent aucune assise légitime, démocratique. Il suffit que le président ou le secrétaire général de l'association décide de faire recours ou de prendre position pour que l'on dise, dans la presse, que tel ou tel milieu a pris position. C'est du centralisme démocratique. Je ne voulais pas polémiquer, mais, en lisant cet article, je me suis dit qu'il traduisait la situation présente.

C'est pour cela que nous avons voulu rééquilibrer la composition de la CMNS - encore une fois, sans esprit revanchard. C'est pour cette raison que la majorité vous propose d'accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)

Une voix. Bien, Gabriel !

Une voix. Bravo !

M. Mark Muller (L). Quelques mots, très rapidement, pour signifier le soutien du groupe libéral à ce projet de loi, qui ne fait que corriger l'une des nombreuses erreurs commises pendant la précédente législature en matière de lois sur l'aménagement du territoire et la construction.

Pourquoi faudrait-il que, dans une commission, les représentants d'un certain type d'associations aient une majorité automatique ? Connaissez-vous une autre commission dans ce canton où l'on ne veille pas à ce que les forces en présence soient équilibrées ? Moi, je n'en connais pas ! Et vu l'importance de la CMNS dans le canton - je dirais même, vu le trop-plein d'importance qu'a aujourd'hui cette commission - il est absolument nécessaire de veiller à ce que sa composition soit équilibrée. C'est là le sens de ce projet de loi.

Vous aurez noté que nous ne demandons pas que les représentants de certains milieux immobiliers aient une majorité. Pas du tout. Nous souhaitons simplement revenir à un véritable équilibre des sensibilités en présence dans cette commission. Je ne vois vraiment pas au nom de quoi l'on pourrait s'y opposer !

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Les partis de l'Entente s'ingénient à défaire ce qui a été voté lors de la précédente législature. Ce petit jeu n'amène rien et ne contribue en aucun cas à résoudre les problèmes liés à l'aménagement du territoire dans ce canton. M. Barrillier est mal placé pour accuser l'ancienne majorité de manipulation car, mois après mois, on assiste au dépôt de projets de lois dans le but de les saucissonner et de modifier les lois - et ceci d'une façon assez maladroite, même sur le plan juridique. Je pense donc qu'il a perdu une occasion de se taire.

Pour le reste, Mme Schenk-Gottret a très bien rappelé, dans son rapport de minorité, le rôle et la fonction de cette commission. Pour nous, il est essentiel que les associations d'importance cantonale, à but idéal, soient bien représentées, de façon à traiter les problèmes en amont.

On doit aussi relever certaines contre-vérités émises lors des discussions en commission selon lesquelles la CMNS s'autosaisirait des dossiers alors que c'est le département qui lui transmet les dossiers à traiter. Je vous recommande donc de rejeter fermement ce projet de loi.

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

Mme Michèle Künzler (Ve). Le rapporteur de majorité nous dit qu'une fronde s'est créée contre cette commission et que cette dernière dysfonctionne. En commission, nous n'avons pas constaté grand-chose. On nous dit que la CMNS s'autosaisit des dossiers. Cela signifie qu'elle travaille encore plus que ce qui lui est demandé. Eh bien, tant mieux!

La qualité des membres de cette commission n'a jamais été remise en cause - ce qui est aussi une bonne chose. Finalement, le seul but de ce projet de loi est de «détricoter» ce qui avait été «tricoté» lors de la précédente législature. Voilà un objectif bien limité.

En ce qui concerne ce projet de loi, ni le nombre de préavis différents, ni les différents membres des commissions ne sont en cause. Simplement, à un moment donné, il faut prendre une décision et trancher - et c'est peut-être là où le bât blesse. Mais, en l'occurrence, il ne sert à rien de modifier cette loi car, en fin de compte, on n'a contesté ni le travail, ni la qualité de ses membres. (Applaudissements.)

La présidente. La parole est à M. Pagani, qui renonce. Monsieur Kanaan, vous renoncez aussi ?

M. Sami Kanaan. Oui, Madame la présidente !

La présidente. La parole est donc à M. Baud !

M. Jacques Baud (UDC). Je suis membre de la commission des monuments, de la nature et des sites, et, plus précisément, de la sous-commission des monuments et antiquités. Ces sous-commissions font preuve d'une relativement grande efficacité. A chaque séance, au contraire de ce qui se passe ici, nous traitons avec beaucoup de soin dix à vingt dossiers de chantier différents. Depuis deux ans, on a accéléré le traitement des dossiers. De moins en moins de personnes se plaignent.

En ce qui me concerne, j'essaie de comprendre pourquoi on attaque toujours la CMNS. Cette dernière est indispensable, surtout quand on voit les massacres perpétrés sur notre architecture ancienne par les milieux immobiliers.

J'ai parlé de ce projet de loi à la plénière de la CMNS et j'ai demandé à mes collègues ce qu'ils en pensaient. Malheureusement, aucun d'eux ne m'a donné son avis. Comme je ne sais pas vraiment ce qu'ils en pensent, je suis obligé, moi aussi, de faire comme eux. Je m'abstiendrai donc, avec regret peut-être.

Mais arrêtons de tirer à boulets rouges sur la commission des monuments, de la nature et des sites !

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

(Le président a le fou rire en donnant la parole à Mme Schenk-Gottret.)

Une voix. Il faut articuler, Monsieur le président !

Mme Françoise Schenk-Gottret (S), rapporteuse de minorité. Je suppose que c'est à moi que vous donnez la parole, Monsieur le président ? Je vous rassure, vous pouvez continuer à rire. Mais cela va vous contrarier, pour le moment, je renonce à parler.

M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur de majorité. J'aimerais tout de même citer les paroles de M. Moutinot, chef du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, qui, lors d'un débat sur cette question en 1998, a déclaré: «Je vous demande de ne pas faire de cette commission une simple fédération des mouvements de protection du patrimoine, dont les avis nous sont précieux, mais qu'il convient de ne pas confondre avec le travail de la CMNS.».

Je ne comprends donc pas votre position, Mesdames et Messieurs les socialistes. Je vous invite à retourner votre veste. (Rires.)

Le président. Je salue la présence à la tribune du public d'une autre classe du collège et école de commerce André-Chavanne, toujours sous la conduite de M. Jean-Jacques Liegme - qui a déjà accompagné des élèves à la séance de 17h. (Applaudissements.)

Mesdames et Messieurs les députés, nous votons maintenant sur la prise en considération de ce projet de loi. Nous procédons par vote électronique. Le vote est lancé.

Mis aux voix, ce projet de loi est rejeté en premier débat par 38 non contre 35 oui.