République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8719-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit de 400'800'000F au titre de subvention cantonale d'investissement en vue de la réalisation de la liaison ferroviaire Cornavin - Annemasse via La Praille - les Eaux-Vives (CEVA) par les Chemins de fer fédéraux suisses SA (CFF)

Premier débat

M. Antoine Droin (S), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, il était une fois, il y a cent trente ans, la première ébauche d'une liaison entre Genève et Annemasse, qui s'appelait, en fait, liaison Annemasse/Genève.

Si à la fin du XIXe siècle les questions de mobilité n'avaient pas la même signification que de nos jours, il n'en reste pas moins que les besoins en moyens de déplacement performants étaient déjà exprimés.

A l'époque, cette liaison était importante, puisque les moyens de locomotion des particuliers se résumaient à peu de chose - quelques rares automobiles, la marche, la bicyclette et quelques transports publics: calèches, trains et trams. Inversement, cinq à six générations plus tard, cette liaison est toujours d'actualité et est capitale, car les transports individuels sont trop développés face aux possibilités de déplacement dans un environnement urbain non adapté et face, aussi, aux questions environnementales et de développement durable.

Le seul point commun entre la situation d'antan et l'ère contemporaine réside dans le fait que les transports publics ne sont toujours pas suffisamment développés. Ce n'est pas tous les jours que Genève se donne les moyens d'une dépense d'un milliard de francs: ce crédit de 400 800 000 F est donc exceptionnel !

Il est exceptionnel, car si Genève est le moteur de l'opération, il n'en reste pas moins que le risque de dépassement existe, quand bien même il sera réparti entre les financiers selon une clé de répartition.

Il est exceptionnel, puisque ce crédit correspond à un crédit d'investissement qui est en réalité une subvention donnée aux CFF qui réaliseront les travaux.

Face à cette situation exceptionnelle, la commission des travaux a amendé le projet de loi pour qu'un rapport régulier sur l'avancement du chantier soit présenté, ce qui donnera un suivi et un contrôle indispensables au législateur.

Sur le financement, il faut relever qu'il est indéniable que le déboursement de telles sommes sera difficile à gérer pour l'Etat en termes de trésorerie. Comment, en effet, cumuler les dépenses du projet CEVA avec les autres investissements nécessaires dont Genève a besoin dans le domaine scolaire, de la santé ou social notamment? Il est donc impératif qu'un plan fiable de décaissement, tenu à jour très régulièrement, soit mis en place afin qu'en termes de trésorerie nous ne rencontrions pas de problèmes.

Enfin, ce crédit de 400 millions sera en réalité de 364 millions, après déduction du crédit d'étude de 6 millions et des 30 millions de dettes dues aux CFF. De plus, il faut compter sur une valorisation des terrains à bâtir d'environ 100 millions et une affectation sur ce projet de la taxe sur les poids lourds que l'on peut estimer à court terme à 10 millions, soit, après calcul des chiffres avancés, un financement d'environ 254 millions. Un bon bout de chemin est donc parcouru !

Mais - car il y a un mais - si Genève devait, comme l'a laissé entendre notre ministre des finances en commission avant-hier, avancer les fonds de la Confédération sur sa part de 550 millions, nous aurions alors plus que de sérieux problèmes... Un sentiment d'injustice prévaudrait au vu, par exemple, des 314 millions de bénéfices que les CFF ont engendrés en 2001. Ce n'est pas à l'Etat de Genève de jouer le rôle de la banque !

Gageons, Mesdames et Messieurs les députés et les députées qu'après nos deux Micheline de l'Hôtel-de-Ville, nous aurons notre micheline électrifiée Genève/Annemasse ! C'est tout au moins le voeu unanime de la commission des travaux, et je vous invite donc à suivre le vote de la commission.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Le CEVA est en principe un sujet qui nous réunit dans une unanimité touchante... Cela ne m'empêchera pas de faire tout de même quelques remarques !

La première remarque est relative au financement. Les parts de la Confédération - je devrais dire Confédération et CFF - et du canton originellement prévues par la Convention de 1912 ont été corrigées, puisque le projet porte désormais sur le trajet Sécheron/Annemasse, ce dont on ne peut que se louer. Berne et Zurich ont vu le financement de leur RER assumé très généreusement par la Confédération. Zurich a avancé sa part cantonale avant d'avoir la garantie du financement fédéral. Celui-ci a d'ailleurs toujours suivi. Genève a largement montré sa bonne volonté en votant des crédits de 6 et 30 millions pour les études du projet. Et encore plus aujourd'hui en proposant ce crédit d'investissement. Lorsque celui-ci sera voté, j'espère que la Confédération ne pourra qu'être plus généreuse à l'égard de Genève, dans le prochain contrat de prestations des CFF, ce d'autant plus que les CFF viennent de faire un bénéfice de 314 millions l'an dernier.

Une deuxième remarque s'impose, pour faire devoir de mémoire et rappeler plusieurs faits.

En 1988, le peuple acceptait à une très large majorité la loi sur le réseau des transports publics qui prévoyait à son article 4 l'amélioration de la desserte d'agglomérations par chemin de fer et la mise en place d'un réseau express régional par chemin de fer. Selon le plan annexé à l'époque, il s'agit bien de réaliser le CEVA ou bien la construction d'un métro automatique léger. Lorsque l'on parle de l'étude faite au début des années 90, il faut rappeler qu'il s'agit du fameux rapport Bonnard et Gardel dont les conclusions in extenson'ont jamais encore été publiées officiellement.

En 1993, le Grand Conseil a voté un amendement à la loi sur le réseau des transports publics, en choisissant le métro automatique léger aux dépens d'un réseau express régional par chemin de fer.

La même année, ce métro automatique léger a été abandonné et le métro léger a fait son apparition, projet des TPG entre Meyrin et Annemasse. Ce projet prévoyait d'utiliser la plate-forme ferroviaire entre les Eaux-Vives et Annemasse, ce qui aurait empêché la réalisation du CEVA.

Fin décembre 1996, le Conseil d'Etat écrivait au Conseil fédéral et demandait une entrevue, en vue d'actualiser la Convention de 1912 afin de financer le métro léger - et non d'actualiser la Convention de 1912, comme écrit dans l'exposé des motifs - et une rencontre a eu lieu. La «Tribune de Genève» du 31 janvier 1997 y fait référence.

Enfin rappelons que, le 8 décembre 1999, le chef du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, a confirmé une fois de plus, dans un courrier adressé au président d'ALP-Rail, que la Convention de 1912 était toujours en vigueur. Cette lettre a été transmise aux responsables de toutes les fractions politiques du Grand Conseil et annexée au projet de loi 8191.

Enfin, dernière remarque. Elle se justifie d'autant plus que le montant et les conditions de l'investissement qui nous sont proposés sont importants. Elle concerne les implications de la création du CEVA sur l'aménagement du territoire. Le Conseil d'Etat prévoit avec pertinence une réflexion autour d'une articulation avec les autres modes de transport et un aménagement du territoire avec le développement de zones à enjeux. Ce développement porterait tout d'abord sur un redimensionnement des terrains liés à l'activité ferroviaire en gardant une activité forte liée à l'activité urbaine au site de La Praille, puis sur la création d'un nouveau quartier sur les friches industrielles du site de la gare des Eaux-Vives et sur l'aménagement et le développement du site de la gare de Chêne-Bourg.

En matière d'aménagement du site de La Praille, l'exposé des motifs parle de différentes implantations tertiaires ou d'équipements publics ou à usage public (stades) ou d'équipements commerciaux. En matière de stades ou de centres commerciaux, j'ose espérer qu'il s'agit de ceux qui sont actuellement en construction - à cet endroit, on a assez donné dans le genre ! - et que la réflexion se poursuivra autrement.

En ce qui concerne le site de la gare des Eaux-Vives, il ne faut pas que la création d'un quartier fasse disparaître entièrement les activités industrielles en ville. Elles sont indispensables à condition de garder un caractère compatible avec du logement. Ce qui est possible à Sécheron doit l'être aussi aux Eaux-Vives. Je pense qu'il faudra ouvrir l'accès de la gare des Eaux-Vives, non plus seulement sur la route de Chêne mais aussi sur d'autres quartiers tels que Frontenex et les Eaux-Vives. L'Office du développement territorial, dans ses grandes lignes sur l'aménagement du territoire et la prise en compte du développement durable, a déjà fait une réflexion approfondie sur le nouvel aménagement des haltes RER et une autre conception urbanistique autour de ces haltes - cela avait été évoqué au moment de l'adoption du concept d'aménagement du territoire.

Mais je prie le Conseil d'Etat de nous faire savoir, de façon plus approfondie que ce n'est possible dans un exposé des motifs, comment il entend intégrer cette nouvelle réflexion de l'ODT. Cette réflexion est aussi l'objet de recherche à l'EPFL où l'on planche sur ce sujet et où l'on suit ce qui se fait dans d'autres villes européennes, en Allemagne notamment...

Le président. Il va falloir conclure, Madame !

Mme Françoise Schenk-Gottret. Monsieur le président, je prends rarement la parole et je n'ai jamais abusé du temps de parole. Alors, je vous demande un peu de souplesse... J'ai bientôt terminé !

Le président. Je ne fais qu'appliquer le règlement ! Continuez, vous perdez du temps... Je vous interromprai quand votre temps de parole sera écoulé !

Mme Françoise Schenk-Gottret. Ces réflexions sont trop importantes pour que je ne vous en cite pas quelques-unes. Je me réfère ici aux travaux d'un jeune chercheur à l'EPFL.

En premier lieu, il faut faire une analyse de la nature des flux d'usagers et des taux de passage; estimer les bénéfices environnementaux qu'une certaine compacité peut rapporter sur le plan environnemental lors de la densification des lieux de gare; étudier la revalorisation des terrains de gare; redéfinir les rôles et usages des bâtiments rendus obsolètes; comprendre le changement du rôle des gares qui ne seront plus seulement un espace cloisonné destiné uniquement aux transports mais un lieu public qui accommode une pluralité de fonctions et qui devient une destination en soi; étudier le lien qui existe entre la gare et les quartiers des gares sous l'angle de la connexité, notamment en élaborant une stratégie locale d'ancrage qui servira à promouvoir des gains au niveau de la qualité de vie de la population locale; enfin, proposer des combinaisons d'usages innovateurs qui servent à promouvoir le développement durable, comme crèches, bibliothèques, écoles, bureaux, etc. Cette réflexion doit impérativement...

Le président. Vous devez conclure, Madame ! Vous avez déjà dépassé votre temps de parole !

Mme Françoise Schenk-Gottret. Oui, Monsieur le président !

Cette réflexion doit impérativement se concrétiser à notre échelle locale pour les gares de La Praille et des Eaux-Vives et les arrêts du RER prévus à Sécheron, Pont-Rouge, Val-d'Arve et hôpital cantonal. Maintenant, il importe que ce crédit soit voté au plus vite et que le chantier du CEVA démarre.

M. Gabriel Barrillier (R). N'ayons pas peur des mots: aujourd'hui, Genève a rendez-vous avec son destin ! (Exclamations.)

Il s'agit de transformer des essais qui se sont échelonnés depuis plus de nonante ans, date de la Convention de 1912, sur le bouclement ferroviaire de Genève. Il s'agit de confirmer les décisions politiques prises à l'unanimité ces dernières années, notamment la motion radicale M 1439. Il s'agit aussi - et c'est très important - de donner un signal clair à la Confédération et aux CFF. Pacta sunt servanda: Genève tiendra sa promesse de 1912 de participer à cet ouvrage ! L'investissement est à la mesure du défi que constitue la maîtrise durable de la mobilité dans notre région dans un rayon de 50 à 100 kilomètres.

Chers collègues, l'heure n'est plus aux hésitations ni aux comptes d'épicier. J'ai la conviction que toutes les mesures seront prises pour maîtriser, dans la mesure du possible, les coûts de construction de cet ouvrage, mais, bien évidemment, il n'est pas possible de donner aujourd'hui, au centime près, toutes les garanties pour les investissements et sur l'exploitation.

Si les promoteurs du tunnel du Gothard, il y a plus de cent cinquante ans, avaient eu une attitude frileuse, notre compatriote Louis Favre n'aurait pas pu mener à bien cet ouvrage en dix ans, de 1872 à 1882. Et la Suisse n'aurait pas eu cette position stratégique au centre de l'Europe !

Mesdames et Messieurs les députés, il faut dans cet investissement mettre dans la balance le coût de la paralysie programmée, et du déclin de la région qui en résulterait, avec l'effort qui est demandé maintenant à Genève pour un tiers et à la Confédération pour deux tiers. C'est donc bien une décision historique que le groupe radical vous invite à prendre avec enthousiasme, tout en saluant la présence de M. Sig Maxwell à la tribune qui fut l'un des artisans de cet ouvrage. (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il reste encore six intervenants avant la pause. Nous vous proposons de clore ici la liste des députés inscrits.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

M. Luc Barthassat (PDC). Le raccordement ferroviaire Cornavin/Annemasse via La Praille/Les Eaux-Vives est un projet plus que nécessaire pour Genève et sa région. Nous sommes même dans une situation d'urgence: la Genève internationale est un moteur pour la région franco-valdo-genevoise. Toujours plus de monde vient vivre et travailler dans notre canton.

Toujours plus de monde, c'est aussi toujours plus de trafic. Et, par rapport à d'autres villes d'importance, Genève a pris du retard. Depuis combien d'années sommes-nous tous plus ou moins d'accord avec ces liaisons ferroviaires ? Depuis combien d'années tergiversons-nous ?

Pour la prochaine séance de l'Assemblée fédérale du 16 septembre de cette année, il est indispensable que notre Grand Conseil adopte ce projet de loi ouvrant ce crédit de 400 800 000 F aujourd'hui. Le futur RER genevois, c'est aussi une clé du développement durable. Il est vrai que nous devons déverrouiller la construction du bassin transfrontalier.

Notre canton, quand il a une bonne idée, met souvent plus d'énergie à y trouver des lacunes qu'à se servir des points positifs pour aller de l'avant. Ce projet de loi doit projeter Genève dans l'avenir, un avenir meilleur pour la population et sa région.

Comme cela est dit dans le rapport, un véritable RER franco-valdo-genevois profitera à une population estimée en l'état à 910 000 habitants. Il est donc grand temps pour notre canton de se doter de ce moyen de transport ferroviaire efficace, moderne, pratique et attrayant, entre de nombreux pôles d'habitat et d'emplois aux forts potentiels de développement.

Mesdames et Messieurs les députés, il est grand temps de prendre certains risques, de prendre nos responsabilités et de fixer le but à atteindre pour Genève et la région. C'est pour cela que je vous recommande de voter ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC a soutenu ce projet en commission. Néanmoins, lors du caucus, certaines questions se sont posées auxquelles nous souhaiterions avoir des réponses.

Dans l'exposé des motifs, les points suivants sont mis en avant:

- mise en exploitation d'un véritable RER franco-valdo-genevois au profit d'une population estimée, en l'état, à 910 000 habitants;

- signature d'une convention de collaboration entre les CFF, les TPG et la SNCF, en date du 4 septembre 2001;

- signature par le Conseil d'Etat, le 19 septembre 2001, d'une convention de coopération renforcée entre le canton de Genève et le Conseil régional de Rhône-Alpes, portant notamment sur les déplacements;

- la mise en réseau de l'ensemble des infrastructures existantes;

- la modélisation des déplacements, qui a permis de quantifier le nombre de déplacements à environ vingt mille lors de la mise en service et à trente mille à l'horizon 2020;

- les coûts d'exploitation annuels à la charge du canton sont estimés entre 3 et 4 millions;

- une structure paritaire du développement des transports publics régionaux franco-valdo-genevois a été instituée en 2001 et, dans les faits, il s'agit effectivement d'un projet régional d'intérêt franco-valdo-genevois.

Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point: c'est un projet qui concerne la région. Pas seulement le canton de Genève mais aussi le canton de Vaud et la France voisine.

Le volume actuel de trafic transfrontalier à l'entrée en Suisse dans cette portion géographique est évalué à huit mille véhicules à la Pierre-à-Bochet, à quinze mille véhicules à Moillesulaz, à sept à huit mille piétons à Moillesulaz, dont une part non négligeable de trafic de transit, soit un total de trente mille déplacements, respectivement quarante-cinq mille si on intègre Thônex-Vallard.

Le volume du trafic engendré par les travailleurs frontaliers est estimé à 30% du trafic total. Il se concentre sur des tranches horaires bien définies: environ mille véhicules à l'heure sur certains axes.

D'autre part, le protocole d'accord signé par la Confédération, les CFF et le canton de Genève, prévoit que le financement sera assuré aux deux tiers par la Confédération, respectivement un tiers par le canton et à 80% pour le canton de Genève en ce qui concerne l'adaptation de la gare Cornavin et de la ligne Cornavin/La Praille et la transformation de la ligne Genève/Eaux-Vives.

Par contre, le comité de pilotage n'a pas encore défini la continuité physique de l'investissement sur le territoire français, le type d'exploitation, c'est-à-dire le matériel roulant, les coûts d'investissement sur le territoire français et le phasage de la réalisation... L'effort financier que la France est prête à consacrer à ce projet régional transfrontalier n'est pas connu, alors qu'il s'agit d'un projet régional.

Je rappelle que la Confédération participe à hauteur de 200 millions de francs dans le projet de réhabilitation de la ligne haute vitesse du Haut-Bugey et envisage en outre de participer financièrement à la réalisation de la ligne à haute vitesse Rhin-Rhône.

Les commentaires du projet de loi estiment à 70 millions le coût que va engendrer la création d'une tranchée couverte: c'est donc un coût supplémentaire par rapport aux 400 millions sur lesquels nous devons nous prononcer aujourd'hui.

La Convention de 1912 n'a pas encore été mise à jour pour tenir compte de ce problème, de sorte que la base légale pour la mise en oeuvre de ce projet doit encore être renforcée. Les CFF envisagent de faire circuler des trains en provenance de Lyon à destination de Lausanne sur cette ligne. Nos amis vaudois auront la possibilité de se rendre en train directement sur la rive gauche.

En conséquence, le groupe UDC, qui est favorable à la complémentarité des moyens de transport et aussi au principe de la liberté de choix du moyen de transport, ne remet pas en cause le bien-fondé de ce projet, devisé en tout à 941 millions de francs, voire plus d'un milliard, si on ajoute les 70 millions de la couverture des voies, soit plus ou moins autant que l'autoroute de contournement. Cependant, nous aimerions avoir des précisions par rapport aux réserves suivantes:

Comment se fait-il que les études de marché négatives, réalisées alors que M. Jean-Philippe Maitre était en charge du département, ne figurent pas au dossier ?

Comment est-on parvenu à une estimation de vingt mille, respectivement trente mille déplacements et sur quels tronçons ?

Selon un échange de bons procédés, comment se fait-il qu'aucune participation financière, ni de la France ni du canton de Vaud, n'ait été prévue dans le procédé de financement ?

S'agit-il financièrement d'un projet transfrontalier régional, oui ou non ?

Respectivement, le Conseil d'Etat envisage-t-il de négocier la participation de ces voisins au financement, puisque leurs concitoyens en seront également les bénéficiaires ?

Quelle est la position de la France qui n'a pris aucune mesure dans ce dossier: réhabilitation de la gare d'Annemasse, construction d'un parking relais ?

Evolution des recettes fiscales, mise en oeuvre des accords bilatéraux, hausse du chômage, dette publique, nous permettent-elles d'assumer cette dépense d'investissement ? Ce projet de loi ne va-t-il pas hypothéquer, financièrement en tout cas, la construction de la traversée de la rade ? Comment la mixité du trafic voyageurs et du trafic marchandises va-t-elle être organisée en fonction des cadences respectives de ces deux trafics qui utiliseront les mêmes lignes ? Et un doublement de la ligne Annemasse/Bellegarde est-il prévu ? Si oui, dans quel délai ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

L'UDC estime que ces réserves doivent trouver des réponses, si possible en commission seulement.

Mme Morgane Gauthier (Ve). La commission des travaux a travaillé de manière expresse, digne des TGV, sur ce projet de loi. Cette vitesse est sans nul doute une conséquence directe de l'excellent travail fourni par les services du président Cramer. Nous nous sommes trouvés face à un rapport très bien ficelé, apportant des réponses à toutes les interrogations des commissaires.

Le raccordement ferroviaire proposé va répondre à un besoin de la population de notre région. C'est une alternative du tout à la voiture. Développer l'écomobilité est indispensable au niveau de la région lémanique. Le bouclement ferroviaire par la liaison Eaux-Vives/La Praille est la condition nécessaire au développement futur des chemins de fer dans la région. Il ouvre la voie, d'une part, à la revitalisation de la ligne sur la rive sud du Léman et à son utilisation tant pour le trafic régional et les grandes lignes de voyageurs que pour le trafic marchandises - ce qui contribuera, à terme, à la fermeture du tunnel du Mont-Blanc - et, d'autre part, à l'amélioration très nette des liaisons entre les quartiers périphériques.

Les trains régionaux présentent une excellente complémentarité avec les autres modes de transport en offrant des liaisons rapides sur des distances trop importantes pour être desservies efficacement par les transports publics urbains. Ils permettent de relier entre eux villes, villages et quartiers au centre-ville ainsi que les régions et quartiers périphériques.

Pour en revenir au projet de loi soumis à notre suffrage, les amendements votés par la commission permettront à notre Conseil d'être régulièrement informé de l'état d'avancement du projet ainsi que d'être saisi d'un projet de loi de bouclement.

En conséquence, le groupe des Verts soutient ce projet de loi historique - comme l'ont dit mes préopinants - voté à l'unanimité en commission.

M. Rémy Pagani (AdG). M. Barrillier, avec grandiloquence, a situé ce projet de construction dans un contexte historique.

Nous, nous aimerions nous associer à ses propos, pas pour la même raison, mais parce que le canton, en ce début de siècle, fait le choix du transport collectif, du chemin de fer - un investissement de un milliard - contrairement à la fin du siècle dernier où le canton tentait de faire le choix d'une traversée de la rade... Nous nous en réjouissons, parce que la seule solution pour notre canton, c'est de privilégier le transport collectif, sans pour autant, bien évidemment, refuser un certain nombre d'aménagements au transport individuel.

Toujours est-il que l'accent doit être mis sur les transports en commun: c'est fait aujourd'hui, puisque nous avons un projet de loi qui va investir dans les transports en commun.

Cela étant, l'unanimité de la commission et de ce parlement sur ce projet de loi ne doit pas nous faire oublier certains problèmes, notamment deux qui nous semblent importants, et je vous propose d'en commenter quelques aspects.

La question des travaux: contrairement au contournement autoroutier, le maître d'oeuvre sera les CFF. Le canton, on l'a vu, mettra une partie des fonds - il jouera peut-être le rôle de la banque - et la Confédération mettra l'autre partie. Avec cette unanimité, nous avons tous les ingrédients pour laisser la bride sur le cou à Dieu sait qui ! Et certaines décisions seront peut-être prises de faire des investissements disproportionnés sur certaines gares plutôt que d'autres. Nous prenons ainsi le risque de nous retrouver avec des gares, comme c'est le cas en France, sans voyageurs...

Il s'agit tout de même d'un milliard de francs, ce qui donne la possibilité de gaspiller de l'argent, et c'est pour cela que notre groupe s'est attaché à compléter l'article 11 «Evaluation, information et Grand Conseil». Nous demandons un contrôle serré - j'insiste sur les mots «contrôle serré» - pour que les investissements soient des investissements utiles et pour laisser la possibilité dans le futur - dans dix ou quinze ans - de pouvoir améliorer certaines gares plutôt que d'en construire de nouvelles - ce qui représente des investissements importants - qui, à l'usage, se révéleront injustifiées.

M. Barrillier parlait de maîtriser «dans la mesure du possible» les investissements. Nous, nous ne disons pas: «dans la mesure du possible»; nous disons: «maîtriser les investissements» ! Mesdames et Messieurs les députés, je le répète, il s'agit d'un milliard de francs !

J'en viens au deuxième problème. Le canton va devoir mettre 400 millions, ce qui n'est pas rien. Je vous rappelle que pour la halle 6 qui avait provoqué passablement de débats dans cette enceinte, il s'agissait d'un montant de 280 millions. Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, ce n'est pas le double mais presque que le canton va devoir payer ! (Exclamations.)Cela veut dire que si les budgets ne sont pas serrés et si les provisions en vue de ces dépenses ne sont pas échelonnées, le canton devra faire des choix qui seront peut-être dramatiques - moins d'écoles, moins d'infrastructures sociales - pour permettre à ce projet d'être mené à bien sans subir d'à-coups.

Nous rendons notre gouvernement attentif au fait qu'il doit absolument maîtriser les deux problèmes dont je viens de parler. En effet, s'ils ne sont pas maîtrisés, les deniers publics seront gaspillés et il y aura des dépassements de crédit. Et je n'ose pas imaginer les sommes que cela représenterait, si le gouvernement ne veillait pas de près au respect de l'article 11 ! Cela risquerait aussi de provoquer un manque de liquidités pour d'autres investissements qui seront de toute façon nécessaires, puisque notre canton, comme notre ville, est appelé à se développer.

M. Alain Meylan (L). Vous me savez, je crois, pour la plupart, opposé à ce projet depuis de nombreuses années.

Le fait est que certaines modifications structurelles, d'accords, ont notablement fait évoluer le dossier, et je vais tenter la gageure de vous expliquer tout l'intérêt que le groupe libéral porte à la réalisation du projet CEVA, tout en exprimant des doutes personnels légitimes - doutes qui ont déjà été largement exprimés ici.

Tout d'abord, le projet CEVA - beaucoup de députés l'ont dit - est un nouveau projet structurant pour l'aménagement de ce canton, et c'est là bien tout son intérêt.

Les nombreuses gares qui seront créées permettront des développements économiques, via des centres commerciaux, voire des pôles mixtes d'activité et de logement. En cela, c'est vrai, ce projet est alléchant.

Néanmoins, je crois qu'il n'est pas inutile de se poser de bonnes questions, et je regrette que ces questions n'aient pas pu être posées en débat de préconsultation, dans la mesure où l'on aurait pu travailler d'une manière plus efficace et plus performante en commission. Cela aurait évité le débat d'aujourd'hui et les questions qui se posent encore et auxquelles il faudra bien répondre de toute façon à un moment donné.

S'agissant du trajet, sans connaître très exactement les pôles d'échange qui existeront, il semble que ce trajet ne passe pas par les lieux où se trouvent les emplois et les commerces. Il faudra donc, dans le futur, imaginer des reprises, que ce soit par les transports publics ou par les réseaux routiers normaux, pour alimenter le CEVA de manière adéquate. Pour l'heure, j'ai tendance à dire que ce projet part de nulle part, ne passe nulle part et ne va nulle part... (Exclamations.)

Deuxième objection. Nous avons de forts doutes en ce qui concerne Annemasse: on ne sait pas comment ce réseau va s'y accrocher, mais l'on sait que c'est un réservoir de population avec les frontaliers qui viennent de cette région et avec les gens de la région Arve et Lac. Il faudra bien aussi trouver des solutions pour les amener à emprunter le CEVA. Nous n'avons aucune réponse à ce problème: aucune analyse n'a été faite, nous n'avons que quelques promesses...

Le coût de fonctionnement nous pose aussi certains problèmes. Hier, j'ai entendu certains députés des bancs d'en face réclamer des business plans, notamment pour Cressy Bien-Être. Dans le projet qui nous occupe, je n'en vois pas beaucoup... Et, pourtant, je crois savoir qu'une étude des TPG avait été faite à l'époque et que certains éléments avaient été prouvés: à ma connaissance, je n'ai vu aucune trace de ce document dans l'étude de la commission. Le rapport de M. Droin ne comporte aucune trace du moindre business planpour connaître le montant exact des frais de fonctionnement. On sait que les transports publics doivent être subventionnés, mais le minimum serait de savoir à quelle hauteur, pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause !

Quelles sont les perspectives pour cette ligne ? Est-ce une simple ligne de transports publics ou la destine-t-on à autre chose dans le futur, à savoir une ligne de train qui passerait au sud du lac Léman ? C'est une question que l'on peut légitimement se poser.

Va-t-on y faire passer des trains de marchandises, avec les problèmes de sécurité que cela peut poser ? Va-t-on faire passer plus de trains voyageurs pour la ligne du sud du lac Léman ? Ces questions auraient dû être posées au préalable, ce qui aurait montré l'intérêt de réaliser cette ligne du CEVA. En effet, s'il ne s'agit que d'une ligne de transports publics, un milliard, c'est à mon avis nettement trop cher pour ce tronçon !

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, la nouvelle philosophie qui a été adoptée par le président Cramer, basée sur l'analyse qu'il fait de la mobilité, m'a également fait réfléchir. Je crois qu'elle va dans le bon sens, à savoir que, pour résoudre les problèmes de mobilité, il faudra non seulement augmenter l'offre en transports publics mais aussi l'offre pour les déplacements professionnels et individuels.

Autre aspect, par rapport à mon opposition de base à ce projet, qui me fait aujourd'hui changer d'avis: le développement de La Praille, qui n'existait pas il y a quelques années. En fait, le stade a été le déclencheur de tout un pôle d'activité qui va effectivement être desservi par le CEVA...

Le président. Il va falloir conclure, Monsieur le député.

M. Alain Meylan. Oui, Monsieur le président. En définitive, le groupe libéral soutiendra ce projet, mais il aimerait bien avoir les réponses, qui lui semblent légitimes, aux questions qui ont été posées. Et j'aurai l'occasion - ou mon collègue M. Koechlin - de revenir en deuxième débat pour vous faire une proposition.