République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1376
9. Proposition de motion de Mmes et MM. Pierre-Pascal Visseur, Bernard Lescaze, Charles Seydoux, Louis Serex, Thomas Büchi, Jean-Louis Mory, Marie-Françoise de Tassigny, Nelly Guichard, Antonio Hodgers, Christian Brunier, Jacqueline Cogne, Pierre-Alain Cristin, Nicole Castioni-Jaquet, Alberto Velasco, Gilles Godinat, Danielle Oppliger et Marie-Paule Blanchard-Queloz demandant une salle de musique de danse pour les jeunes. ( )M1376

EXPOSÉ DES MOTIFS

Depuis toujours, les jeunes que vous êtes ou que vous avez été aiment danser et s'amuser durant leurs soirées libres.

Genève disposait, il y a encore peu de temps, de deux lieux qui se prêtaient à la danse et à la musique, l'ancien Palais des expositions et le Palladium.

L'ancien Palais des expositions a été démoli et remplacé par une salle de concerts dans le complexe d'Uni-Mail, qui s'est avéré trop exigue et génératrice de nuisances auprès du voisinage.

Ces mêmes nuisances, principalement sonores aux abords immédiats des salles de concerts, ont également conduit les autorités à interdire ceux-ci au Palladium.

Les zones industrielles de Genève disposent encore de nombreux locaux inoccupés, que leurs propriétaires seraient disposés à louer, voire à vendre, mais ils ne peuvent le faire en raison de l'affectation de ces zones à des activités purement artisanales ou industrielles. Or, c'est précisément dans ces zones que les nuisances sonores et les problèmes de parking pourraient être résolus sans problème majeur.

En attendant qu'une solution définitive puisse être trouvée, nous demandons que des dérogations provisoires soient accordées afin que ces concerts puissent avoir lieu sans nuisance pour le voisinage et que les jeunes puissent à nouveau disposer de lieux pour danser et se divertir.

Débat

M. Pierre-Alain Cristin (S). Cette motion, qui fait suite à la fermeture de Jackfil et aux embûches qu'a connues la location du Palladium pour l'organisation de soirées techno, nous ramène au problème récurrent du manque de salles de loisirs pour les jeunes à Genève, endroits où ils peuvent se rencontrer, danser, s'amuser à moindre prix, sans être obligés de se rendre dans les discothèques de la place, hors de prix, où la musique ne leur correspond pas et dans lesquelles ils ne sont, pour la plupart du temps, pas acceptés parce que trop jeunes ou en baskets.

Les problèmes de voisinage entre générations ou populations aux divertissements différents ne sont pas nouveaux. En effet, les musiques pour jeunes de toutes les époques ont été bruyantes et souvent incomprises, comme tout ce qui est nouveau. Mais il y a aussi le problème des déplacements qui y sont liés. En effet, les jeunes comme tout un chacun se déplacent, soit en voiture, mais plus régulièrement en scooter, et puisqu'il s'agit d'un endroit de rencontre ils s'interpellent, discutent entre eux, ce qui provoque du bruit... Mais est-ce bien admissible qu'il y ait de la vie dans nos rues ?

Député d'une commune suburbaine, je peux témoigner, sans occulter les problèmes qui sont à la genèse de cette motion, que le fait de fermer un établissement de ce type, même s'il n'est pas dédié à la techno, est déstabilisant pour les jeunes. En effet, à la place de pouvoir se rencontrer dans les lieux adaptés à leurs besoins, à leur culture, ils n'ont plus d'autre alternative que de se rencontrer dans la rue ou dans des lieux sauvages, avec toutes les conséquences négatives pour les principaux intéressés et pour l'image des jeunes dans notre société.

C'est pourquoi nous devons nous poser la question de savoir comment résoudre ces problèmes de voisinage et comment permettre aux jeunes de pouvoir organiser des soirées en toute liberté. Il nous a donc semblé judicieux d'explorer la piste des zones industrielles. En effet, ces zones seraient des endroits bien adaptés, de par le fait qu'elles ne sont pas proches des habitations, que le parking y est aisé et qu'elles sont relativement bien desservies par les transports publics. Ainsi, les jeunes et les moins jeunes pourraient venir s'y défouler en toute liberté.

Mais ceci pose un problème : les zones industrielles ne sont pas déclassables d'un coup de baguette magique ! C'est pourquoi, dans l'esprit de vouloir finalement résoudre ce problème et plus spécifiquement celui des dérogations aux régimes des zones, point décisif de cette motion, le groupe socialiste vous propose de renvoyer ce texte en commission de l'aménagement qui, forte de la pétition déposée ce jeudi, se mettra au travail rapidement et trouvera, avec tous les intervenants, une solution qui, j'en suis sûr, satisfera tout le monde.

Mme Nelly Guichard (PDC). Je déplore aussi que les salles sises en ville ne puissent plus être mises à disposition des jeunes, soit qu'elles aient disparu, soit que les nuisances que ces activités créaient soient devenues trop grandes. Je me résous donc, comme d'autres, à tenter de trouver d'autres solutions et je pense, comme la motion le propose, que c'est du côté des zones industrielles qu'il faudrait trouver les solutions en question. Je suis également favorable au renvoi de cette motion en commission de l'aménagement, puisque le sujet y est déjà abordé, et je me rallie donc, au nom de mon groupe, à cette proposition.

M. Roger Beer (R). La problématique des salles pour les jeunes a déjà été abordée un certain nombre de fois dans cette enceinte. Nous sommes donc très satisfaits que cette proposition de motion ait été déposée, même si la proximité des prochaines élections pourrait faire croire qu'il y a un lien... Remarquez, si cela peut faire avancer les choses, c'est très bien !

La proposition de renvoyer cette motion en commission de l'aménagement me semble également excellente, parce que les problèmes posés par ce type de salle - bruits, nuisances et autres - sont effectivement liés à une question de zone. En l'occurrence, il y a, à Genève, une certaine rigidité qui fait que, lorsqu'on veut changer l'affectation d'une zone, on bute systématiquement sur la loi, sur l'application ou l'interprétation extrêmement sévère des critères. Ce serait ici l'occasion de voir ce qui existe en zone industrielle.

Comme le disent les motionnaires, il y a actuellement des gens qui seraient d'accord de louer des locaux, d'autres qui seraient d'accord de vendre. On sait que certains locaux sont vides, parce qu'ils sont inadéquats pour une utilisation industrielle et que les nouvelles industries qui s'implantent préfèrent construire leurs propres locaux. Il y a là une occasion à saisir pour utiliser les quelques bâtiments vides qui existent en zone industrielle. En plus, la desserte par bus serait facile, ce qui réglerait le problème des déplacements. Enfin, au niveau des nuisances, il est clair qu'en zone industrielle, le samedi à 2 h du matin, on ne dérange pas beaucoup de monde !

Le groupe radical est donc d'accord de renvoyer cette motion en commission de l'aménagement.

M. Laurent Moutinot. Mesdames et Messieurs les députés, vous me demandez usuellement d'être strict dans le respect des zones ; aujourd'hui, vous me demandez une dérogation. Je pense que cette dérogation, effectivement, s'agissant d'activités musicales à gros volume sonore et à grand public, se justifie. Toutefois, avant de me lancer spontanément dans une politique dérogatoire en la matière, je souhaite avoir l'appui formel de votre Grand Conseil et, surtout, que nous examinions en commission d'aménagement les conditions, les limites, les cadres à donner à ces dérogations. En effet, il y a évidemment la techno, mais il y a aussi toute une série d'autres activités sympathiques, culturelles et musicales, qui souhaitent s'établir en zone industrielle. Pour que l'égalité de traitement soit respectée, il faudra donc qu'on sache très exactement dans quelle circonstance et à quelles conditions ces dérogations sont admissibles.

En ce qui concerne la deuxième invite de la motion, soit construire une maison pour la techno, je ne suis pas sûr qu'une construction avec un stempel «Etat de Genève» dessus soit absolument compatible avec la culture techno... Je l'ai dit hier soir aux jeunes pétitionnaires : ils trouvaient, eux aussi, que ce n'était pas forcément la meilleure solution et qu'un peu de souplesse en la matière aurait certainement des avantages pour eux, comme pour les finances de l'Etat !

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission d'aménagement du canton.