République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 8207
8. Projet de loi de Mmes et MM. Antonio Hodgers, Jeannine de Haller, John Dupraz, Bernard Lescaze, Gilles Godinat, Michel Parrat, Fabienne Bugnon, Christine Sayegh, Christian Brunier, Luc Gilly, David Hiler, Dominique Hausser et Pierre Marti modifiant la loi sur la nationalité genevoise (A 4 05) (naturalisation d'étrangers non résidents dans le canton). ( )PL8207

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi sur la nationalité genevoise, du 13 mars 1992, est modifiée comme suit :

Art. 12A Naturalisation d'étrangers non résidents dans le canton (nouveau)

1 L'étranger qui, ayant reçu une autorisation fédérale de naturalisation, s'est vu refuser la nationalité suisse lors d'une votation populaire communale, peut déposer un dossier dans le canton de Genève.

2 Dans ce cas, il n'est pas soumis aux dispositions relatives au temps de résidence ou à l'intégration dans le canton.

3 Il peut choisir la commune dont il veut obtenir le droit de cité parmi celles dont le conseil municipal s'est déclaré ouvert à cette procédure.

EXPOSÉ DES MOTIFS

La votation populaire dans la commune d'Emmen (Lucerne) du dimanche 12 mars 2000 sur les candidats à la naturalisation ne cesse de faire parler d'elle. Ceci est positif, car le plus grave serait de laisser passer un tel fait sous silence. Le Conseil fédéral, sortant de sa réserve habituelle sur les sujets de votation locaux, a réagi promptement et a promis quelques réformes en matière de naturalisation. La possibilité d'un recours au Tribunal fédéral pour les candidats ayant reçu une réponse négative a même été évoquée. Si cette idée venait à se concrétiser, elle constituerait une modification substantielle de nos principes helvétiques en matière de naturalisation, puisque jusqu'ici celle-ci est une grâce et elle passerait à être un droit. Ces déclarations méritent d'être saluées, mais il semble qu'elles sont encore loin de se réaliser.

Les signataires de la résolution 421 (initiative cantonale) proposent au Grand Conseil d'envoyer un projet d'acte législatif aux chambres fédérales. Ce texte modifie la loi fédérale sur la nationalité afin de rendre impossible un vote populaire sur les procédures de naturalisation. Nous estimons que cette option représente la seule solution viable à long terme pour éviter les dérapages en matière de naturalisation que le vote de la commune d'Emmen a révélé au grand public, bien qu'ils existent déjà depuis plus longtemps dans d'autres communes. Cette initiative cantonale doit, à ce titre, être considérée comme la démarche politique principale issue du canton de Genève.

Cependant, les signataires du présent projet de loi n'ignorent pas l'éventualité d'un accueil plutôt difficile par Berne d'une telle modification législative. C'est pourquoi, il leur semble essentiel que Genève, comme l'a fait le Conseil municipal de la Ville, souligne son attachement au respect du principe de non-discrimination selon l'origine et marque sa tradition de cité d'accueil et de refuge en autorisant les étrangers qui se sont vu refuser la nationalité suisse par un vote populaire à déposer une demande de naturalisation dans le canton.

Les dossiers des étrangers non résidents dans le canton de Genève, mais ayant reçu l'autorisation fédérale, seront traités selon la procédure normale et les candidats seront soumis aux mêmes conditions que les étrangers Genevois, sauf en ce qui concerne les dispositions relatives au temps de résidence ou à l'intégration dans le canton

Notamment article 11, alinéa 1, et article 12, lettre a et f, de la loi sur la nationalité genevoise (cf. annexe 4)

Le droit fédéral n'interdit pas une telle démarche, car les articles de la constitution et de la loi sur la nationalité concernant ce sujet délèguent aux cantons une large autonomie en la matière (cf. annexes 1 et 2). C'est d'ailleurs de cette autonomie que se sont prévalus des cantons

Lucerne, Uri, Schwytz, etc.

Peut-être qu'en votant ce projet de loi l'on nous accusera de nous immiscer dans les affaires internes d'autres cantons et communes, et que par ce biais nous brisons le principe confédéral sacré qui dit que chacun fait ce qu'il veut chez soi. Pourtant, nous estimons que la violation de certains principes fondamentaux transcrits dans notre Constitution fédérale, comme cela a été le cas à Emmen, nous oblige a répondre de la manière la plus ferme possible pour tenter d'y remédier.

Mesdames et Messieurs les députés, le formidable essor de protestation à Genève et en Suisse qui a suivi le vote d'Emmen ne doit pas nous faire oublier que nous touchons un problème bien plus profond et complexe que le refus de nationalité à quelques dizaines d'immigrés dans une ville suisse-allemande. Cet événement ne représente que la pointe de l'iceberg de la problématique liée à la cohabitation entre les résidents suisses et les résidents étrangers. Celle-ci semble parfois aller de soi, car le monde économique et social s'en occupe en grande partie, mais nous devons aujourd'hui admettre que les problèmes liés à une mauvaise entente entre ces communautés se font de plus en plus sentir et qu'il est de la responsabilité du monde politique de s'en saisir. Il est faux de croire que Genève, avec une population étrangère représentant le double de la moyenne suisse, échappe à ces tensions. Il serait donc irresponsable de la part de ses élu-e-s de ne pas s'en préoccuper.

En effet, les réelles solutions à des problèmes comme ceux d'Emmen se trouvent bien en amont des réactions - pourtant nécessaires - qui ont cours sur cette affaire. L'intégration, comme facteur d'une meilleure cohabitation entre les Suisses et les étrangers, doit se faire dans la quotidienneté et avec l'appui des autorités publiques. Une politique d'intégration réussie permettrait d'éviter des résultats comme celui de la commune lucernoise sans avoir à légiférer.

En conclusion des explications qui vous ont été fournies, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ce projet de loi en commission des droits politiques pour un traitement plus approfondi.

(Etat au 1er janvier 2000)

Chapitre 2: Nationalité, droits de cité et droits politiques

1 A la citoyenneté suisse toute personne qui possède un droit de cité communal et le droit de cité du canton.

2 Nul ne doit être privilégié ou désavantagé en raison de son droit de cité. Il est possible de déroger à ce principe pour régler les droits politiques dans les bourgeoisies et les corporations ainsi que la participation aux biens de ces dernières si la législation cantonale n'en dispose pas autrement.

Art. 38 Acquisition et perte de la nationalité et des droits de cité

1 La Confédération règle l'acquisition et la perte de la nationalité et des droits de cité par filiation, par mariage ou par adoption. Elle règle également la perte de la nationalité suisse pour d'autres motifs ainsi que la réintégration dans cette dernière.

2 Elle édicte des dispositions minimales sur la naturalisation des étrangers par les cantons et octroie l'autorisation de naturalisation.

3 Elle facilite la naturalisation des enfants apatrides.

(Etat le 4 novembre 1997)

1 Dans la procédure ordinaire de naturalisation, la nationalité suisse s'acquiert par la naturalisation dans un canton et une commune.

2 La naturalisation n'est valable que si une autorisation fédérale a été accordée.

Art. 13 Autorisation de naturalisation

1 L'autorisation est accordée par l'Office fédéral de la police.

2 L'autorisation est accordée pour un canton déterminé.

3 La durée de sa validité est de trois ans; elle peut être prolongée.

4 L'autorisation peut être modifiée quant aux membres de la famille qui y sont compris.

5 L'Office fédéral de la police peut révoquer l'autorisation avant la naturalisation lorsqu'il apprend des faits qui, antérieurement connus, auraient motivé un refus.

Art. 14 Aptitude

Avant l'octroi de l'autorisation, on s'assurera de l'aptitude du requérant à la naturalisation. On examinera en particulier si le requérant:

Art. 15 Condition de résidence

1 L'étranger ne peut demander l'autorisation que s'il a résidé en Suisse pendant douze ans, dont trois au cours des cinq années qui précèdent la requête.

2 Dans le calcul des douze ans de résidence, le temps que le requérant a passé en Suisse entre dix et vingt ans révolus compte double.

3 Lorsque les conjoints forment simultanément une demande d'autorisation et que l'un remplit les conditions prévues au 1er ou au 2e alinéa, un séjour de cinq ans, dont l'année qui précède la requête, suffit à l'autre s'il vit en communauté conjugale avec son conjoint depuis trois ans.

4 Les délais prévus au 3e alinéa s'appliquent également au requérant dont le conjoint a déjà été naturalisé à titre individuel.

Art. 16 Droit de cité d'honneur

L'octroi par un canton ou une commune du droit de cité d'honneur à un étranger, sans l'autorisation fédérale, n'a pas les effets d'une naturalisation.

Art. 17 Abrogé par le ch. I de la LF du 23 mars 1990

Constitution genevoise (A 2 00)

Titre IV Qualité de citoyen

Art. 40  Nationalité

Sont citoyens genevois et citoyennes genevoises :

a) ceux et celles qui sont reconnus comme tels par les lois politiques antérieures ;

b) ceux et celles qui acquièrent la nationalité genevoise, conformément au droit fédéral et aux dispositions cantonales en la matière.

Loi sur la nationalité genevoise (A 4 05)

Section 2 Naturalisation d'étrangers

Art. 11 Conditions

1 L'étranger qui remplit les conditions du droit fédéral peut demander la nationalité genevoise s'il a résidé 2 ans dans le canton d'une manière effective, dont les 12 mois précédant l'introduction de sa demande.

2 Il peut présenter une demande de naturalisation quel que soit le titre de séjour dont il bénéficie. Est excepté l'étranger titulaire d'un permis strictement temporaire pour études, arrivé en Suisse après l'âge de 18 ans révolus.

3 Il doit en outre résider effectivement en Suisse durant la procédure.

4 Il doit s'acquitter de l'émolument prévu à l'article 22 de la présente loi.

Art. 12 Aptitudes

Le candidat étranger doit en outre remplir les conditions suivantes  :

a) avoir avec le canton des attaches qui témoignent de son adaptation au mode de vie genevois;

b) ne pas avoir été l'objet d'une ou de plusieurs condamnations révélant un réel mépris de nos lois;

c) jouir d'une bonne réputation;

d) avoir une situation permettant de subvenir à ses besoins et à ceux des membres de sa famille dont il a la charge;

e) ne pas être, par sa faute ou par abus, à la charge des organismes responsables de l'assistance publique;

f) s'être intégré dans la communauté genevoise, et respecter la déclaration des droits individuels fixée dans la constitution du 24 mai 1847.

Art. 13 Procédure

1  L'étranger adresse sa demande de naturalisation au Conseil d'Etat.

2  Il doit indiquer la commune dont il veut obtenir le droit de cité.

3  Il a le choix entre la commune où il réside ou l'une de celles où il a résidé.

Motion urgente de Messieurs Alain MARQUET (Les Verts), François SOTTAS (Parti du Travail), Jacques MINO (Solidarités-Indépendants), Jean-Marc FROIDEVAUX (Parti Libéral), Michel DUCRET (Parti Radical), Robert PATTARONI (Parti Démocrate Chrétien) et Sami KANAAN (Parti Socialiste):

« Genève au secours des refusés d'Emmen et d'ailleurs »

Considérant:

Les résultats de la consultation municipale du 12 mars 2000, à Emmen,

que cette consultation portait sur la naturalisation de 56 personnes,

que seules 8 personnes ont vu leur candidature acceptée par les votants,

que les étrangers d'Emmen dont la candidature à la naturalisation suisse a été refusée sont, de toute évidence, victimes d'une appréciation fondée sur leur origine culturelle,

que cette ségrégation entre les origines est contraire aux plus élémentaires droits des Gens,

que ce droit pour les citoyens d'Emmen de procéder à cette sélection est issu de l'appropriation par ceux-ci, en juin 1999, d'une initiative populiste des Démocrates Suisses,

que des consultations ou des lois comparables en vigueur dans d'autres cantons suisses autorisent cette procédure dite de "naturalisation populaire",

que cette procédure incite et encourage le règlement de compte anonyme, la xénophobie, le racisme et l'exclusion entre résidents d'une même collectivité,

que les autorités exécutives et législatives doivent conserver et protéger les prérogatives à même d'assurer des décisions sereines, humaines et conformes au nécessaire respect entre les peuples,

la longue histoire de Genève en tant que ville d'accueil,

que nous estimons à Genève que l'appréciation d'un candidat à la naturalisation doit se faire sur la base de ses seules qualités personnelles,

Le Conseil municipal demande au Conseil administratif,

de transmettre aux autorités concernées la désapprobation de son Conseil municipal face à ce type de procédure,

d'entreprendre les démarches nécessaires en vue de contacter les candidats à la naturalisation refusés par leurs co-résidents afin de les assurer du soutien des élus genevois,

d'entreprendre les démarches utiles auprès des autorités cantonales et confédérales en vue de limiter l'extension de ce type de procédure,

de demander du Conseil fédéral et du Conseil d'Etat l'autorisation d'accorder la nationalité genevoise aux habitants d'Emmen dont la demande de naturalisation a été refusée par le corps électoral de leur commune de résidence le 12 mars 2000,

de rendre publique, au niveau suisse, cette prise de position.

Préconsultation

Le président. Je vous rappelle que nous sommes en débat de préconsultation et que les interventions ne doivent pas dépasser cinq minutes par groupe. Je vous remercie de respecter cette discipline. Monsieur Hodgers, vous avez la parole.

M. Antonio Hodgers (Ve). Ce projet de loi, comme vous le savez, a été déposé suite au vote qui a eu lieu dans la commune d'Emmen et suite à l'adoption quasi unanime par le Conseil municipal de la Ville de Genève d'une résolution demandant que ces «refusés», comme on les a appelés, puissent être naturalisés dans la commune.

Notre parlement s'est déjà prononcé contre le principe des naturalisations populaires, par le vote d'une initiative cantonale, lors de notre séance précédente. Cette initiative cantonale, je vous le rappelle, demandait aux autorités fédérales de modifier la législation nationale sur la nationalité pour y interdire ce genre de procédure.

Pour nous - nous l'avons dit, lors du dépôt de ce projet de loi, à la presse ainsi qu'à tous les partis politiques - cette initiative cantonale représente la meilleure solution au problème qui nous préoccupe encore aujourd'hui, et je me félicite que le parlement genevois ait unanimement appuyé cette résolution, qui est aujourd'hui entre les mains du Conseil national ou du Conseil des Etats.

Cependant, bien que ce qui s'est produit à Emmen ait fait réagir le Conseil fédéral, nous avons quelques doutes sur sa volonté politique d'aller vite et bien vers cette modification législative. C'est pour cette raison que nous avons déposé ce projet de loi.

Le but de ce projet de loi est clair : trouver une solution - je l'admets, elle devrait être provisoire - pour permettre aux «refusés» de déposer un dossier de naturalisation dans notre canton pour essayer, par ce biais, d'obtenir la nationalité suisse.

Je tiens tout de suite à donner trois précisions pour répondre à quelques alarmistes qui, ici et là et y compris dans notre parlement, se sont évertués à décrier ce projet de loi en inventant des scénarios catastrophistes selon lesquels tous les étrangers qui se verraient refuser la nationalité en Suisse viendraient se faire naturaliser à Genève.

1. Seuls les étrangers ayant obtenu une autorisation fédérale de naturalisation et ayant été refusés par votation populaire - pas par refus d'un conseil municipal - pourront déposer un dossier chez nous. Cette naturalisation populaire n'existe heureusement que dans très peu de communes en Suisse, ce qui fait que les cas qui se présenteront dans l'année devraient se compter sur les doigts d'une seule main.

2. Pour qu'un candidat à la naturalisation puisse soumettre sa candidature au peuple, dans les communes où ce mode de faire est encore en vigueur, sa candidature doit déjà avoir été approuvée par les autorités cantonales et communales. C'est donc une deuxième garantie.

3. Troisième garantie : les candidats non résidents à Genève qui pourraient éventuellement, si cette loi était adoptée, déposer un dossier chez nous devraient bien évidemment remplir les conditions qui sont prévues par notre loi sur la naturalisation.

Une remarque à propos du troisième alinéa du projet de loi qui nous occupe. Cet alinéa mentionne que le candidat «peut choisir la commune dont il veut obtenir le droit de cité parmi celles dont le conseil municipal s'est déclaré ouvert à cette procédure». Outre la Ville de Genève qui, comme vous le savez, a déjà fait cette déclaration, je peux vous dire aujourd'hui qu'à ma connaissance les communes de Vernier, Onex et Meyrin ont déjà voté une résolution pour permettre, précisément, à des étrangers qui ne résident pas sur leur commune, ni même dans le canton, d'entreprendre une procédure de naturalisation chez elles.

Sur l'aspect légal de ce projet de loi, je vous propose, vu que beaucoup de voix se sont élevées pour exprimer des doutes sur la possibilité de l'appliquer, d'en discuter calmement en commission. Je tiens tout de même à dire que, si la loi fédérale permet aujourd'hui à une commune de faire une procédure aussi absurde que celle qui consiste à soumettre des naturalisations en votation populaire, je doute que cette même loi interdise à un autre canton comme Genève de soustraire les deux ans obligatoires de résidence à certains candidats pour pouvoir les naturaliser. Mais nous aurons le loisir de discuter de tout cela en commission.

En conclusion, j'admets volontiers, comme je l'ai déjà dit, que ce projet de loi n'est qu'une solution bancale face au problème qui a été soulevé à Emmen et que la véritable solution réside dans notre initiative cantonale. Néanmoins, j'estime que, face à des pratiques qui violent des principes fondamentaux de notre Constitution fédérale, il est indispensable de réagir en conséquence et rapidement.

C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de renvoyer ce projet de loi en commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil. 

M. Christian Brunier (S). L'arrivée du parti de Haider, de l'horreur de l'extrême-droite au sein du gouvernement autrichien a choqué bon nombre de députés, tous partis confondus, et bon nombre de citoyennes et de citoyens genevois. Nous sommes beaucoup à penser que cette idéologie de haine n'a sa place que dans la poubelle de l'histoire.

Malheureusement, ces idées nauséabondes se propagent, continuent à se propager et ne touchent pas que l'Autriche. Elles sont là, prêtes à resurgir, rebondissant sur les frustrations de la société.

A Emmen, ce poison est présent et nous devons balayer devant notre porte, comme certains le disent. Ainsi, les autorités de cette commune ont décidé, odieusement, de soumettre les naturalisations au verdict des ressentis primaires d'une partie de la population. La vie des étrangers désirant acquérir la nationalité suisse après des années de résidence dans notre pays s'affiche sur les murs de cette localité, devenue une des hontes de l'Europe... Humiliation, dénigrement : nous nous trouvons face au racisme le plus pur, le plus total, le plus dégueulasse ! Alors, une partie de ce parlement a décidé de réagir, de crier son indignation et de trouver des solutions. C'est pourquoi nous avons déposé ce projet de loi.

Certains se demandent de quoi nous nous mêlons, nous les Genevois. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, ces Genevois et la majorité du parlement genevois se mêlent du droit de la personne, se mêlent de la dignité, se mêlent de l'intégration d'autres êtres humains. Nous faisons de la résistance et nous lutterons toujours contre de tels mouvements de haine, que ce soit à Genève, en Suisse, avec la montée de l'UDC, en France, avec la montée de Le Pen, en Autriche, avec l'arrivé de Haider ! Nous réagirons toujours contre la montée du fascisme, à Emmen ou ailleurs ! La lutte contre le fascisme, contre l'extrémisme de droite fait partie du mouvement socialiste : c'est un fait politique, c'est un fait historique, c'est presque génétique !

De plus, je rappelle que ce projet de loi entre parfaitement dans notre volonté de mieux intégrer les étrangers qui le veulent. Ce projet de loi est en ligne directe avec notre projet de loi sur la gratuité de la naturalisation, qui sera bientôt soumis à ce parlement, et avec notre volonté farouche de faciliter la naturalisation par tous les moyens.

Finalement, j'aimerais m'opposer à celles et ceux qui prétendent qu'il ne faut plus parler des étrangers et des étrangères pour ne pas faire de publicité à l'UDC. Mesdames et Messieurs les députés, la gauche zurichoise a décidé de se taire sur les problèmes relatifs au droit d'asile, à l'intégration, pour ne pas faire de la pub à Blocher... Eh bien, plus la gauche se tait, plus l'extrême-droite progresse ! Nous ne devons pas nous taire à Genève ; nous devons affronter l'extrême-droite sur ses idées nauséabondes ; nous devons proposer d'autres solutions ; nous devons lutter farouchement contre le fascisme, nous devons nous battre tous ensemble contre ces mouvements de haine ! C'est ce que nous voulons faire à travers le dépôt de ce projet de loi. 

M. Pierre Froidevaux (R). Le groupe radical a une position divisée sur ce sujet....

M. John Dupraz. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Pierre Froidevaux. Une minorité a estimé...

M. John Dupraz. Eclairée !

M. Pierre Froidevaux. Apparemment, John Dupraz veut s'exprimer ! ...qu'il était nécessaire d'agir déjà sur le plan cantonal. Ces députés ont ainsi voulu que l'esprit de Genève souffle jusqu'à Emmen par une ouverture immédiate de nos frontières cantonales à des gens apparemment déjà Suisses de coeur et qui se sont vu refuser la nationalité selon un procédé réprouvé par tous les radicaux.

Une majorité du groupe a cependant jugé ce projet de loi comme étant un mauvais remède au problème posé par le suffrage populaire en cas de naturalisation. C'est un mauvais médicament, car il enfreint gravement nos règles fédéralistes.

Le groupe radical a soutenu sans réserve l'initiative cantonale sur ce sujet, qui insiste sur la nécessité d'une règle fédérale en la matière, acceptée par tous selon notre dispositif démocratique. Mais ce projet de loi est en contradiction avec ce principe élémentaire de notre Etat. Il n'aura donc pas notre soutien. En combattant le consensus, ce projet de loi tend à dicter aux gens de la Suisse centrale leur propre politique. Mais si ceux-ci se permettaient de nous imposer, à nous Genevois, notre propre politique, par exemple en matière sociale ou financière, vous verriez l'ensemble des députés, quel que soit leur bord politique, se lever pour dénoncer cette ingérence dans notre souveraineté cantonale !

Un autre défaut rédhibitoire relevé par notre groupe est le risque considérable d'attiser les antagonismes entre autochtones confédérés et cette population étrangère, certes assimilée à défaut d'être intégrée, que nous voulons précisément protéger.

Le groupe radical ne s'opposera pas au renvoi de ce projet de loi en commission, mais il ne lui apportera pas son soutien.  

M. Pierre Ducrest (L). Les turbulences d'Emmen ont atteint le parlement genevois. En général, les turbulences diminuent avec le temps, ce n'est pas le cas cette fois...

Nous nous étions associés à la résolution votée par ce parlement, parce que nous ne pouvions pas trouver la démarche d'Emmen à notre goût, mais nous n'irons toutefois pas jusqu'à nous rallier aux propos de M. Brunier, qui a parlé de racisme, de fascisme, etc. Nous resterons au niveau où se situe problème, c'est-à-dire une pratique qui n'est pas acceptable, mais qui, malheureusement, fait partie du système démocratique de notre pays.

Que demande ce projet de loi ? Il vise la création d'un droit de recours particulier dans notre pays, un droit de recours genevois. Mais est-ce une bonne méthode de créer une «Genferei» de plus ? A quoi cela sert-il ? Pour ma part, je crois qu'il faut s'occuper de la démocratie dans notre pays sans négliger l'aspect confédéral. Le parlement d'un canton ne peut pas s'ingérer dans les affaires des autres cantons, sous prétexte qu'il décide, tout à coup, qu'il doit rectifier les erreurs des autres ! Si tel était le cas, la Confédération helvétique n'existerait plus ! Il faut savoir raison garder, il faut respecter les lois des autres cantons et agir au niveau confédéral, comme cela a toujours été le cas.

Le groupe libéral ne s'opposera pas au renvoi de ce projet de loi en commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil et espère que la commission reviendra devant ce parlement en ayant eu la sagesse de ne pas l'accepter en l'état. S'il était accepté, ce serait un particularisme de plus créé par Genève, ce qui accentuerait encore la mauvaise image que le reste de la Suisse a de nous. 

M. Luc Gilly (AdG). Je m'indigne des propos de M. Ducrest et de M. Froidevaux !

Face à une dérive de ce style, même s'il s'agit d'un autre canton, notre devoir de citoyen commande de réagir et de rectifier le tir ! Je souhaite évidemment que ce projet de loi soit renvoyé en commission et que les meilleurs juristes du parlement et du département soient invités à l'examiner, car, comme l'a dit mon collègue Hodgers, la partie va être difficile et délicate sur le plan juridique. J'espère toutefois que toutes les énergies seront mises ensemble pour trouver des solutions et pouvoir offrir un accueil digne et humain à toutes ces personnes qui ont été rejetées. C'est la raison pour laquelle, j'insiste, il faut examiner à fond ce projet de loi, pour que les choses soient sans ambiguïté, juridiquement parlant.

Je pense que les problèmes politiques se régleront lorsque le projet reviendra devant le parlement. 

Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.