République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1309
4. Proposition de motion de Mmes et MM. Chaïm Nissim, Christian Brunier, Myriam Sormanni, Antonio Hodgers, Bernard Clerc, Salika Wenger, Dominique Hausser et Rémy Pagani sur la participation suisse au millenium round. ( )M1309

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

la réunion interministérielle de Seattle, baptisée « millenium round », qui doit commencer le 27 novembre 99 et durer trois ans

l'importance des décisions qui sont prévues à l'ordre du jour, tant en ce qui concerne le brevetage du vivant que la privatisation de la santé

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur l'ordre du jour de ce millenium round, il n'est que de lire le texte de Susan George, publié en juillet 99 dans le monde diplo, que nous vous joignons ci dessous in extenso :

LE MONDE DIPLOMATIQUE - JUILLET 1999 - Pages 8 et 9

JUSQU'OÙ DÉMANTELER LA SOUVERAINETÉ DES ÉTATS ?

A l'OMC, trois ans pour achever la mondialisation

SOUS l'effet de la mondialisation et de l'affirmation d'un « droit d'ingérence», la souveraineté des Etats subit une érosion dont l'intervention de l'Alliance atlantique au Kosovo est une illustration spectaculaire. Cette évolution, amorcée avec la naissance du droit humanitaire et du droit de la guerre, à partir des conférences de paix de 1899 et 1907, et surtout des conventions de Genève de 1949, s'étend à un nombre croissant de domaines, et notamment à l'économie. Pourtant, alors qu'aucun champ de compétence étatique ne semble à l'abri, l'effritement du principe de souveraineté n'a pas la même signification dans chacun d'eux. Si l'émergence d'un ordre économique supérieur - fondé sur le primat des marchés et gardé par des institutions internationales autant irresponsables que complices, en premier lieu l'OMC - est patente, le social et l'environnement n'y trouvent guère place. La construction d'une justice internationale oublie d'ailleurs largement les « crimes » économiques et financiers, tandis que la Charte des Nations Unies fait l'objet d'une application à géométrie variable.

Par SUSAN GEORGE

Malgré leur victoire contre l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI) - grâce au retrait de la France, en octobre 1998, des négociations menées à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) - ses adversaires demeurent perplexes. Pourquoi leurs gouvernements étaient-ils tous prêts à signer ce traité léonin et à renoncer ainsi à des pans entiers de leur souveraineté, sans pour autant obtenir le moindre avantage en retour ? Quelle autre explication trouver sinon celle de Marx et Engels pour lesquels « le pouvoir étatique moderne n'est qu'un comité exécutif chargé de gérer les affaires communes de la bourgeoisie (1) » ?

Si cette « bourgeoisie » s'incarne aujourd'hui dans les grandes entreprises industrielles et financières transnationales, elle se fait toujours parfaitement entendre des responsables politiques par le canal de multiples et puissants lobbies. Parmi ces derniers, une place particulière revient à la Chambre de commerce internationale (CCI) qui s'autoproclame « la seule organisation qui parle avec autorité au nom des entreprises de tous les secteurs dans le monde entier » et fait porter ses exigences directement auprès des chefs d'Etat (2).

Pour tout ce qui concerne les tractations à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le commissaire européen démissionnaire - mais peu lui chaut - Leon Brittan, parle au nom de tous les gouvernements des Quinze. Ceux-ci ont consenti ce transfert de souveraineté à l'Union européenne, estimant sans doute que les avantages de la coopération l'emportaient sur les inconvénients de la limitation de leur marge de manoeuvre. Coopérer est une chose ; faire d'un ultralibéral, dauphin de Mme Margaret Thatcher, son porte-drapeau en est une autre. Car, avec l'OMC, se profile un véritable concours de dépouillement du pouvoir national, un festival de la dépossession, éloignant toute perspective d'une Europe sociale et politique.

Que veut M. Brittan ? Exactement la même chose que la CCI : un monde entièrement régi par le libre-échange. Les ambitions de l'une et de l'autre pour la prochaine Conférence ministérielle de l'OMC à Seattle, en novembre prochain, sont interchangeables aussi bien sur le fond que dans la forme. Pour le moment, tous les Etats européens épousent ces objectifs, au point de constituer le parfait comité exécutif décrit par les auteurs du Manifeste (3).

En premier lieu, le tandem Brittan-CCI entend libéraliser encore davantage les échanges agricoles, ce qui, dans beaucoup de pays, aura pour effet de mettre en péril le monde rural et, pour les plus pauvres d'entre eux, de leur faire perdre toute maîtrise sur leur sécurité alimentaire.

Le renforcement de l'accord sur la propriété intellectuelle, connu sous le sigle de Trips (Trade-related aspects of intellectual property rights), dont le brevetage du vivant est l'un des fleurons, figure également au programme.

Moins connu que ces deux grands dossiers, l'Accord général sur le commerce des services, dit GATS (General agreement on trade in services), fait aussi partie de l'ordre du jour : il s'agit d' « obtenir des engagements renforcés et plus nombreux de tous les membres de l'OMC concernant l'accès aux marchés et le traitement national (4) ». En particulier sur les volets de la « présence commerciale » et du « mouvement des personnes physiques » qui permettent de fournir ledit service. Où est le mal, dira-t-on ? N'y a-t-il pas là de belles perspectives pour les entreprises les plus performantes qui pourront conquérir de nouveaux marchés dans des pays qui leur étaient jusque-là insuffisamment ouverts ? Certes. Mais les gouvernements se soucient-ils de l'atteinte portée à leur capacité de gouverner ?

Les services qui tomberaient sous la férule de règles de l'OMC ne représentent pas seulement des transactions commerciales portant sur des milliers de milliards de dollars chaque année. Ils englobent quasiment toutes les activités humaines, notamment la distribution, le commerce de gros et de détail ; le bâtiment et les travaux publics, l'architecture, la décoration, l'entretien ; le génie civil et l'ingénierie ; les services financiers, bancaires et d'assurances ; la recherche-développement ; les services immobiliers et le crédit- bail location ; les services de communication, les postes, les télécoms, l'audiovisuel, les technologies de l'information ; le tourisme et les voyages, les hôtels et les restaurants ; les services de l'environnement dont la voirie, l'enlèvement des ordures, l'assainissement, la protection du paysage et l'aménagement urbain ; les services récréatifs, culturels et sportifs, dont les spectacles, les bibliothèques, les archives et les musées ; l'édition, l'imprimerie et la publicité ; les transports par toutes les voies imaginables, y compris spatiales. Sans oublier l'éducation (les enseignements primaire, secondaire, supérieur et la formation permanente) et la santé animale et humaine - soit plus de 160 sous-secteurs et activités (5).

Objectif : privatiser la santé

POUR suivre ces multiples dossiers qui constituent des enjeux gigantesques, les gouvernements européens ont seulement mis au travail, et au mieux, quelques dizaines de fonctionnaires. Ils laissent ainsi toute latitude aux menées ultralibérales d'une Commission qu'ils sont bien incapables de contrôler. Les Etats-Unis, eux, ont déployé plusieurs centaines de fonctionnaires et ils fourbissent leurs armes en faveur d'une libéralisation des services tous azimuts.

La représentante spéciale du président pour le commerce (US Special Trade Representative), Mme Charlotte Barshefsky - celle-là même qui a mené les batailles victorieuses de Washington sur la banane, les organismes génétiquement modifiés et autres boeufs aux hormones - travaille tout naturellement la main dans la main avec les milieux d'affaires américains. Elle les a priés de lui fournir la liste de leurs desiderata pour Seattle, invitation à laquelle la Coalition des industries de services a répondu par un document détaillé de 31 pages (6).

Si les dizaines de secteurs énumérés ci-dessus ne sont pas encore tous dans le collimateur des entreprises américaines, celui de la santé en Europe fait l'objet de convoitises particulières. Les dépenses y explosent « en raison de l'augmentation de la population âgée, tranche démographique qui consomme les services de santé avec le plus d'intensité », affirme la Coalition qui précise : « Nous estimons possible de faire de grands progrès lors des négociations [à l'OMC] pour permettre l'expansion des entreprises américaines sur tous les marchés des soins de santé. »

Hélas, jusqu'à présent, « la santé, dans beaucoup de pays étrangers, a été largement placée sous la responsabilité du secteur étatique », ce qui a évidemment « rendu difficile la pénétration de ces marchés par le secteur privé américain ». Qu'à cela ne tienne : parmi les « barrières » à abattre, la Coalition identifie, entre autres, des « restrictions sur les autorisations accordées aux fournisseurs étrangers » et des « réglementations excessives en matière de confidentialité ».

Mme Barshefsky va faire siens les « objectifs de négociation » de la Coalition : « Encourager l'extension de privatisations, promouvoir la réforme des réglementations dans un sens qui favorise la concurrence, obtenir l'accès aux marchés et le traitement national permettant la fourniture transfrontalière de tous les services de santé » et faire admettre « le droit de propriété [privée] étrangère majoritaire dans les établissements de services de santé ». Pour que tout soit parfaitement verrouillé, la santé doit être explicitement incluse « dans les disciplines de l'OMC concernant les marchés publics », de manière à s'assurer que les firmes américaines puissent répondre à tout appel d'offres émanant d'un établissement public (7). Est-il besoin de faire remarquer que, si un accord sur les services de santé comportant de telles dispositions était signé à l'OMC, autant dire adieu aux systèmes de sécurité sociale en Europe.

Les appétits de la CCI et de M. Brittan vont bien au-delà de cet ordre du jour gargantuesque, mais déjà entériné. La liste des nouveaux sujets qu'ils comptent mettre sur le tapis vert comprend la suppression des tarifs douaniers qui subsistent sur les produits manufacturés industriels ; la « facilitation du commerce » qui permettrait de « moderniser, simplifier et harmoniser les procédures commerciales et douanières obsolètes et bureaucratiques ». En clair, d'exiger moins d'inspections et de contrôles. S'y ajoute un accord sur les marchés publics qui représentent couramment plus de 15 % du produit national brut : ils doivent être ouverts aux fournisseurs du monde entier selon le sacro-saint principe du traitement national. Est également demandé un « cadre légal de règles contraignantes » en matière de concurrence.

Que les amis de l'AMI se rassurent : un accord sur l'investissement n'a pas été oublié. Depuis le fiasco à l'OCDE, M. Brittan clame partout qu'il avait toujours préféré l'OMC comme forum de négociation d'un traité qui doit « fournir un cadre multilatéral de règles administrant l'investissement international de manière à assurer un climat stable et prévisible pour l'investissement partout dans le monde ». Il conviendrait enfin que l'OMC soit compétente en matière d'environnement, car il y a disparité, voire contradiction entre ses règles et le contenu des accords multilatéraux concernant notamment le changement climatique, la protection de la couche d'ozone, la préservation de la biodiversité (lire, pages 6 et 7, l'article de Jean-Paul Maréchal), le transport des déchets toxiques, la protection des espèces en danger, etc. Question simple aux gouvernements : pourquoi signer des accords sur l'environnement si c'est pour les remettre en cause à l'OMC ?

Le soudain intérêt des ultralibéraux pour la nature a de quoi émouvoir quand on sait que les groupes spéciaux (panels) de l'OMC ont jusqu'ici tranché les différends comportant un aspect environnemental ou de santé publique sans égard, pour ces derniers, comme dans l'affaire du boeuf aux hormones. La cerise sur le gâteau environnemental est l'accord en préparation sur les produits forestiers. Il éliminerait toutes les barrières sur le commerce des produits dérivés du bois et tous les obstacles à l'exploitation des forêts. Mme Barshefksy, autrefois lobbyiste pour l'industrie du bois canadienne, se fait aujourd'hui conseiller par les plus grandes transnationales américaines du bois et du papier (8).

Cet ensemble - l'ordre du jour déjà fixé pour Seattle, complété par tous les nouveaux sujets - a été baptisé « Cycle du millénaire » par M. Brittan. Comme si l'affaire était dans le sac, les gouvernements de l'Union européenne étant censés ne rien trouver à redire. Il s'agit de conclure un « engagement unique » ( single undertaking), un « paquet » entièrement ficelé « obligeant toutes les parties à l'Accord à en accepter la totalité, sans possibilité de trier et de choisir ».

Le commissaire en sursis prétend qu'une négociation portant simultanément sur une multitude de sujets ne présente que des avantages, car elle permet le donnant-donnant : « Des questions qui sont difficiles pour certains, mais importantes pour d'autres, ne pourront pas être bloquées isolément et doivent être évaluées en tant qu'éléments du calcul global des avantages que chaque membre peut tirer de la conclusion d'un tel cycle (9) ».

Négociations au pas de charge

Si ce vaste programme est déjà difficilement maîtrisable par les gouvernements des pays développés, son contrôle est totalement hors de portée des pays du Sud. Beaucoup d'entre eux n'ont même pas de représentation permanente auprès de l'OMC, ou en partagent une à plusieurs. Même dans les grands Etats du Sud, le personnel qualifié nécessaire fait défaut pour suivre des négociations complexes et simultanées sur un grand nombre de sujets. La déclaration du premier ministre français, M. Lionel Jospin, selon lequel l'OMC est un forum « plus démocratique que l'OCDE » au prétexte que les pays du Sud en font partie, ne tient aucun compte de ces réalités. Les décisions du « Quad » (Etats-Unis, Canada, Japon, UE) s'imposeront comme d'habitude, Washington - en connivence avec la Commission de Bruxelles - y faisant la loi grâce à son personnel non seulement pléthorique mais également très, très « pro ».

« Ne vous faites pas de souci, nous veillons au grain », répondront sans doute les ministres et fonctionnaires soucieux des prérogatives nationales. Vraiment ? Il faudrait établir un « indice de combativité », de 1 à 10, pour les gouvernements européens qui ne pourront, c'est clair, tout défendre. Fonctionnaires nationaux et élus censés les contrôler, quel mandat donnerez-vous à M. Leon Brittan ? Entre deux maux, lequel devra-t-il choisir en votre nom à Seattle ? Sacrifier la sécurité sociale ou la survie du monde rural ? Accepter le boeuf aux hormones ou la destruction des forêts ? Protéger l'industrie audiovisuelle ou les accords de Lomé, d'ailleurs pratiquement vidés de toute signification par la décision de l'OMC sur la banane ? Dans ce monde mondialisé, il faut savoir ce que l'on veut vraiment.

Et il faut se décider vite, car tout cela doit être bouclé dans les trois ans qui viennent. Pourquoi tant de précipitation ? C'est bien simple : il faut que « les règles multilatérales soient en adéquation avec les réalités et les besoins en constante évolution des entreprises (10) ». Des besoins, cela va sans dire, qui priment sur ceux des citoyens. En avant donc pour janvier 2003 ! Ce processus de donnant- donnant, de « calcul global des avantages réciproques » n'a suscité jusqu'ici aucun débat citoyen, ni même parlementaire. Il y aurait pourtant de quoi, car la société n'a nulle envie d'être gouvernée par le comité exécutif des transnationales. Elle s'oppose massivement à toute extension des pouvoirs de l'OMC et demande que soit entreprise immédiatement, avec sa pleine participation, une évaluation en profondeur de cette organisation (11).

Les citoyens européens devront mener des luttes de longue haleine s'ils veulent que leur continent devienne un jour celui de la cohésion sociale et du respect de l'environnement. Et ce n'est pas en confiant leurs affaires à M. Brittan - qui n'est ici qu'une figure de proue - qu'ils y parviendront. Pour ce qui est de l'OMC et du Cycle du millénaire, il est urgent d'attendre. Ce qui ne souffre pas de délai, en revanche, c'est l'examen de l'impact actuel et prévisible des décisions de cette organisation aux ambitions boulimiques. Faute de quoi ni eux, ni les Parlements qu'ils élisent, ni les gouvernements n'auront plus grand-chose à dire ou à faire.

SUSAN GEORGE.

[Mondialisation] [Libéralisme] [Commerce international]

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LE MONDE DIPLOMATIQUE - JUILLET 1999 - Pages 8 et 9 http://www.monde-diplomatique.fr/1999/07/GEORGE/12221.html

TOUS DROITS RÉSERVÉS © 1999 Le Monde diplomatique. [ ]

De même, sur l'urgente nécessité d'attendre une évaluation critique des effets des rounds de libéralisation précédents avant de se lancer tête baissée dans la négociation d'un nouveau round, les 250 ONG ont fait une déclaration très claire cet été, nous vous rappelons leur communiqué de presse pour mémoire :

12.8.99 Communiqué de presse

L'OMC : les organisations non gouvernementales font pression à Berne. L'Organisation mondiale du commerce OMC est appelée à considérer sa politique et à marquer un temps de réflexion avant d'entamer un nouveau cycle de négociations sur la libéralisation. Elle est également amenée à tenir compte des revendications écologiques, sociales et de la politique du développement. Ainsi le réclame une importante alliance de diverses organisations

(Déclaration de Berne, Pro Natura, Union Suisse des Paysans, Fondation pour la protection des consommateurs).

Celles-ci critiquent en particulier le manque de démocratie et de transparence de la politique adoptée par l'OMC. Les organisations non gouvernementales peuvent compter sur le soutien de la population suisse dans leurs efforts, comme l'indique un sondage représentatif réalisé au nom de la Déclaration de Berne.

Selon ce sondage, 62 % des personnes interrogées souhaitent un temps de réflexion permettant d'examiner les conséquences d'une libéralisation du commerce international. 92 % sont d'avis que les conséquences pour l'environnement doivent être discutées à l'occasion des négociations et non moins de 94 % considèrent qu'il est indispensable d'intégrer les droits de l'homme et du travail dans les discussions sur le commerce international. « Le commerce pour le commerce ne peut être maintenu. Le commerce est constitutif d'un environnement et le commerce a des conséquences sociales », souligne Marianne Hochuli de la Déclaration de Berne.

L'objectif d'un temps de réflexion consiste à trouver des solutions susceptibles de remédier aux défaillances fondamentales de l'institution de l'OMC ainsi que des accords de l'OMC et, en particulier, de leur mise en application. Les quatre organisations en question réclament une évaluation en détail des accords commerciaux d'Uruguay. Elles demandent en outre une prise en considération des fonctions sociales de l'agriculture, une intégration plus efficace des pays en voie de développement dans le commerce international, le respect de la protection de l'environnement et des droits sociaux, et en particulier plus de transparence dans les procédures et les décisions à la fois de l'OMC et du gouvernement suisse. La délégation suisse est tenue à s'engager en faveur de ces exigences à l'occasion de la troisième conférence des ministres de l'OMC qui se tiendra fin novembre à Seattle.

Simonetta Sommaruga de la Fondation pour la protection des consommateurs a précisé que « l'OMC n'est contrôlée par aucun gouvernement et n'est redevable à aucune organisation NU, ce qui met en évidence le manque de démocratie de cette organisation ». Les organisations non gouvernementales joueraient un rôle décisif dans ce processus, car elles seraient en mesure de garantir la représentation des voix directement concernées par le commerce, mais incapables d'intervenir en tant qu'individu.

Pour toute information s'adresser à Marianne Hochuli, Déclaration de Berne, tél. 01/2 777 000

En conclusion, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de faire bon accueil à cette motion et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat.

Débat

M. Chaïm Nissim (Ve). Plusieurs discours parlant peu ou prou de l'OMC ont convergé ces deux derniers jours.

Le premier est de Gilles Godinat, hier soir, qui nous a dit que l'économie multinationale est «destructrice d'emplois». Cette expression m'a beaucoup frappé, mais elle est tout à fait juste.

Le deuxième discours est de John Dupraz, qui nous disait tout à l'heure que le monde est «malade de la libéralisation».

Le troisième discours est de Jean Spielmann, qui nous a parlé hier soir de ce rapport du PNUD qui a déjà fait couler beaucoup d'encre. Le PNUD définit les pauvres comme étant ceux qui dépensent moins de deux dollars par jour...

Une voix. Un dollar !

M. Chaïm Nissim. Deux dollars ! Deux milliards de personnes ont moins de deux dollars par jour et un milliard a moins d'un dollar. Spielmann nous parlait des deux milliards de personnes qui ont moins de deux dollars par jour. Ces deux milliards de personnes n'étaient «que» 200 millions il y a vingt ans... Les choses sont donc bien pires maintenant qu'il y a vingt ans.

Tous ces gens constatent qu'une économie locale, basée sur l'autonomie et sur le terroir, fonctionne souvent mieux qu'une économie multinationale, parce que sur l'économie locale s'exerce un contrôle, qui peut être parlementaire, populaire, qui peut être proche d'elle. Mais, malheureusement, les multinationales échappent à tout contrôle...

L'OMC, par vocation et du fait qu'elle travaille à un niveau international, ne s'est intéressée qu'à l'économie des multinationales. Elle a voulu maximiser les flux des échanges, les flux des marchandises, les flux des capitaux, et elle a complètement oublié l'idée que d'énormes économies se font en termes d'énergie et d'économie, lorsqu'on vit près du lieu de travail et que l'on consomme les produits de la région.

Une voix. Bravo, Chaïm, tu as raison !

M. Chaïm Nissim. En préparant cette motion, nous avons voulu être le porte-parole des deux mille organisations - elles étaient sept cents au départ, elles sont deux mille aujourd'hui - qui demandent un moratoire pour réfléchir sur la manière de fonctionner de l'OMC; une suspension du millenium round pour réfléchir sur la question du contrôle, que j'évoquais au début de mon intervention.

Les manifestants, présents hier à la tribune, demandent que l'on abolisse carrément l'OMC, car pour eux celle-ci est incapable de réformes.

Nous ne sommes pas de cet avis. Nous pensons que l'OMC peut se réformer et bouger dans un sens positif.

Pascal Couchepin, dans un discours publié hier dans la «Tribune de Genève», reconnaissait qu'il y avait des problèmes autour du fonctionnement de l'OMC, et il proposait l'élargissement des négociations. Monsieur Dupraz, vous nous disiez hier que Couchepin était super, car il demandait l'élargissement des négociations... Ce n'est pas super, Monsieur Dupraz ! Ce n'est pas suffisant de demander l'élargissement des négociations ! C'est déjà un petit pas en avant, mais ce n'est pas suffisant ! Il faut d'abord faire une pause, se demander où l'on va et s'interroger sur les structures de contrôle avant de donner un mandat aux négociateurs suisses pour négocier sur tout.

Il y a donc trois positions : la nôtre, contenue dans cette résolution, qui demande une pause de réflexion; celle de Couchepin qui demande un élargissement des négociations et celle des manifestants, qui étaient hier à la tribune, qui demandent carrément de tout stopper.

Dernière remarque. En quoi Genève, un si petit canton, un si «petit Grand Conseil», peut-il se permettre de jouer dans la cour des grands, de donner des conseils ou des recommandations...

M. Bernard Annen. Des leçons !

M. Chaïm Nissim. ...des leçons, voilà ! On ne prétend pas donner des leçons, Monsieur Annen, on veut simplement poser des questions !

En quoi Genève peut-il se permettre de jouer dans la cour des grands ? Pour deux raisons importantes à mon avis. La première, c'est que l'on a la chance d'avoir l'OMC sur notre territoire et que nous sommes la ville hôte. Nous allons demander ce soir de faire une pause de réflexion et nous allons proposer les amendements des jeunesses socialistes. Du reste, si personne ne le fait, je le ferai moi-même.

La deuxième est que Genève est une ville internationale importante et si notre avis est publié sous forme d'encart dans les journaux, il peut avoir un certain poids. Car les gens verront bien que la ville hôte se pose tout de même des questions et demande un temps de réflexion. 

M. Alberto Velasco (S). Nous constatons qu'après s'être attaquée aux produits agricoles et manufacturés l'OMC s'attaque aux services, l'enseignement et la santé ! Quand on voit les répercussions que cette politique de libéralisation a eues sur les produits agricoles : productivité effrénée, aboutissant à une baisse de qualité et à une atteinte au patrimoine environnemental et, par conséquent, à notre qualité de vie, on est en droit de se demander si l'impact sur des activités telles que les services, l'enseignement et la santé, engendrera une baisse de la qualité de ces prestations au détriment des citoyennes et des citoyens.

D'ailleurs, si on prend l'exemple de la Poste, on constate que l'on ne parle plus de prestations mais de produits. Et un produit, contrairement à une prestation, doit être rentabilisé. Dans un marché extrêmement concurrentiel et dérégulé, cette rentabilisation est la programmation d'une détérioration de nos conditions de vie. Mais cela remet en question un principe fondamental : le «principe de précaution» ! Ce principe, qui permettait de se prévaloir en cas de doute sur les effets nocifs d'un produit, est remis en question.

Cela veut tout simplement dire que les rôles seront renversés et que ce ne sera plus aux producteurs de faire la preuve de l'innocuité de leurs produits... Ce sont les consommateurs qui devront prouver que les produits sont nocifs ! C'est, en quelque sorte, faire des règles du marché la loi de la vérité universelle sur laquelle tous nos actes, valeurs et créations doivent se soumettre... Nous nous trouvons, en plus, dans une logique dans laquelle les marchés fonctionneraient à l'intérieur des règles préservant le bien-être des citoyens, mais on assujettit ce bien-être aux nouvelles règles du marché.

Quand on constate l'ampleur et la diversité des protestations que provoque cette ouverture des négociations du Cycle du millénaire de l'Organisation mondiale du commerce, on est en droit, comme le fait M. Bernard Kassen, de se poser les questions suivantes : «Lorsqu'une règle est absurde, faut-il se contenter de lui ménager des exceptions ?»; «Ne convient-il pas plutôt d'en changer ?»; «Ne convient-il pas aujourd'hui de demander un moratoire sur ces accords, afin d'évaluer les conséquences de leur application jusqu'à nos jours.» Ce sont les questions de bons sens qui viennent à l'esprit à propos du libre-échange.

C'est pour les raisons qui vous ont été exposées que le groupe socialiste votera cette motion.  

M. Christian Brunier (S). Un certain nombre de députés, sur certains bancs, reprochent à la majorité parlementaire de s'occuper davantage des affaires du monde que des affaires locales... Alors, quand on voit le parlement passer plus d'une demi-heure à parler des problèmes des acariens, je pense que celui-ci peut consacrer plus d'une heure aux problèmes de l'OMC !

Comme l'a très bien exprimé M. Nissim, certains problèmes dus à l'OMC touchent la vision du monde et ceci dépasse - c'est vrai - largement les compétences de notre parlement. Mais certaines des actions de l'OMC touchent notre quotidien, que ce soit l'agriculture - M. Dupraz l'a dit plusieurs fois - que ce soit la Poste, avec la libéralisation, que ce soit l'énergie ou la santé, demain. L'impulsion de libéralisation donnée par l'OMC aujourd'hui touche le quotidien des Genevoises et des Genevois.

M. Claude Blanc. Il fallait y penser avant !

M. Christian Brunier. Nous avons déjà souvent débattu de la politique menée par l'OMC, comme nous le rappelle, d'ailleurs, M. Blanc. Mais nous devons aujourd'hui faire preuve d'un peu plus d'imagination et débattre, en dépassant la structure de l'OMC, de l'actualité. Et l'actualité, c'est le congrès du millenium qui aura lieu à Seattle !

Pourquoi faut-il en parler ? Premièrement, parce que ce congrès va être un coup d'accélérateur gigantesque si les peuples de ce monde ne résistent pas. Il va développer un certain nombre de libéralisations dans des domaines cruciaux tels que la santé, par exemple. Je crois qu'aujourd'hui les Etats-Unis veulent vraiment dicter leur loi dans bien des domaines qui nous tiennent à coeur, et nous devons lutter contre ces libéralisations sauvages, sur n'importe quoi et n'importe comment !

Il y a beaucoup «d'archéo-libéraux» dans ce monde - paraît-il qu'il n'y en a pas dans cette salle, puisque, si je ne me trompe pas, la dernière fois les libéraux présents dans cette salle nous ont dit qu'ils étaient des «socio-libéraux» ! - qui nous expliquent que la libéralisation profite à l'ensemble des consommateurs, étant donné qu'elle les fait bénéficier des bienfaits de la concurrence... Alors moi, je prendrai juste un exemple pour vous montrer que cette concurrence est un bel écran de fumée qui fait du mal aux producteurs, mais aussi aux consommateurs !

Prenez, par exemple, le marché de la banane qui a été largement libéralisé dans un passé proche. Aujourd'hui, en raison de cette libéralisation, trois multinationales : Dole, Del Monte et Chiquita, se partagent 80% du marché. Elles imposent à tous les producteurs du Sud des prix dérisoires et offrent aux consommateurs des produits ayant des qualités qui sont fort discutables. Aujourd'hui, ces mêmes groupes, ces producteurs de «bouffe» - ils ne sont rien d'autre ! - imposent les mêmes directives, qu'ils imposent au tiers-monde, à nos paysans locaux, et les choses sont en train de se multiplier dans plein de domaines. C'est donc évidemment une fausse libéralisation... On passe à un monopole privé qui est fort dommageable pour tout le monde !

Et puis, cette motion aborde le rôle de la Suisse dans la négociation de l'OMC. La Suisse, qui joue aujourd'hui le rôle de porte-serviettes des Etats-Unis... (Exclamations.) - qui sont un des pays les plus offensifs sur ce dossier, qui veulent, entre autres, incorporer toute la négociation sur les investissements, qui reprennent grandement le terrifiant Accord multilatéral sur les investissements - est en train de prendre des mots d'ordre !

Tout cela alors qu'il n'y a pas eu de débat sérieux aux Chambres fédérales et alors que la protestation populaire dans des milieux très différents - des milieux de gauche, des milieux environnementaux, des associations tiers-mondistes, des paysans - est très forte. Une pétition a été signée par douze mille Suisses qui demandent un vrai débat démocratique sur ce sujet. Ce débat n'a pas eu lieu et le Conseil fédéral a pris une position qui n'est pas, à mon avis, celle de la majorité du peuple suisse. Alors le parlement genevois doit aujourd'hui démontrer qu'il sait aussi faire de la résistance et manifester son désaccord avec la volonté de son gouvernement ! 

M. John Dupraz (R). Une fois de plus, en entendant le «président gringalet» du parti socialiste, je me demande si je dois rire ou pleurer... (Exclamations.)

Il y a sept ou huit ans, les doctes socialistes de cette assemblée, qui étaient alors députés, me demandaient pourquoi je me battais contre l'OMC; que c'était un projet fantastique qui allait permettre d'exporter... Et maintenant, tout à coup, ils s'aperçoivent des méfaits de cette organisation, ou plutôt de l'accord scélérat qui a été conclu à Marrakech...

Mesdames et Messieurs, la Suisse est un Etat de droit. Nous appartenons à l'OMC, comme la plupart des pays de ce monde, et des engagements ont été pris à Marrakech, notamment de discuter de l'agriculture et des services lors du prochain cycle de négociations. M. Nissim et le président de service du parti socialiste de Genève se demandent pourquoi M. Couchepin, le Conseil fédéral, la Suisse - M. Couchepin parle au nom du Conseil fédéral et des deux conseillers fédéraux socialistes également - veulent élargir le débat... Mais c'est pour préserver des secteurs tels que les services publics ! En effet, si on se rend à la négociation uniquement avec deux objets les débats risquent d'être focalisés sur ces deux objets avec des conséquences difficiles à évaluer à l'heure actuelle. En élargissant le débat, on peut limiter les dégâts, notamment dans le secteur des services, et obtenir des avantages pour notre pays dans d'autres secteurs.

Mesdames et Messieurs, il faut savoir qu'à l'OMC ce sont les Etats qui négocient et pas les gouvernements de province... Alors, quand vous invitez dans votre motion le Conseil d'Etat à s'y opposer : «...par tous les moyens juridiques...», vous me laissez perplexe ! Moi, je veux bien voter votre motion, mais elle ne sert strictement à rien ! Le Conseil d'Etat ne peut s'opposer à rien du tout ! Je le répète, ce sont les Etats qui négocient !

Il a été dit à l'époque que ce nouveau cycle de négociations concernerait l'environnement et les aspects sociaux du commerce international. Actuellement, l'Union européenne a pris des positions très fermes dans ce sens. La Suisse s'est également engagée dans le même sens, mais le problème c'est que les décisions se prennent à l'unanimité à l'OMC - je dis à l'unanimité, mais je dois relativiser : à savoir que les grandes nations s'expriment et que les pays du tiers-monde ont un grand droit jusqu'à présent : celui de se taire... Mais il semble que ces derniers commencent à se réveiller, et j'espère qu'ils vont s'exprimer pour faire face à l'ogre américain qui veut nous imposer ce néolibéralisme pur et sauvage dans tous les secteurs ! (Exclamations.)

On peut considérer à l'heure actuelle qu'à Seattle c'est l'agenda qui va être discuté. Le programme lui-même des négociations ne sera pas encore fixé; il le sera probablement dans les mois qui viennent.

Je le répète, je veux bien voter votre motion, mais elle ne sert strictement à rien, car le Conseil d'Etat ne peut rien faire. Seul le Conseil fédéral peut intervenir. Je regrette que vous vous trompiez d'objectif et de moyen d'intervention. Nous devons agir par les voies fédérales, parce que le Conseil d'Etat n'a pas grand-chose à dire dans cette affaire.  

M. Rémy Pagani (AdG). Je me limiterai à présenter l'amendement à la motion qui vous est présentée ce soir. Cet amendement demande de faire publier la position de notre parlement dans certains journaux de la planète. Pourquoi ?

Une voix. Tout le monde s'en fout !

M. Rémy Pagani. Ceux qui pensent que «tout le monde s'en fout» font peu de cas de l'esprit et du rayonnement de Genève ! Je ne vous citerai qu'un seul exemple : il y a de cela une année, nous avons voté une motion qui interpellait l'ensemble de la planète pour l'incarcération du général Pinochet. Et si Pinochet est toujours en prison... (Rires.) ...c'est entre autres grâce à notre prise de position qui a été publiée dans «Le Monde» et grâce à la mobilisation des peuples et de toutes les forces qui ont tout fait pour cela ! Monsieur Annen, c'est aussi notre rôle d'hommes politiques de prendre nos responsabilités et de faire de la politique, c'est-à-dire de propager des idées en premier - et pas de donner des leçons ! - idées qui sont importantes s'agissant du millenium round.

Je prendrai l'exemple des multinationales. Je m'étonne d'ailleurs que les libéraux rigolent, car les fondateurs du libéralisme et les économistes libéraux s'opposaient, comme nous nous y opposons aujourd'hui, aux multinationales, aux monopoles et à l'accaparement des richesses par une minorité. Je m'étonne donc que les libéraux ne s'y opposent pas aussi fermement et, même, qu'ils en fassent des choux gras.

Je vous propose donc un amendement, que je vous demande de bien vouloir voter. J'espère qu'il va vous être distribué rapidement.  

M. Michel Balestra (L). Mes collègues députés des bancs d'en face n'ont pas de mots assez durs pour dénoncer les excès du libéralisme sauvage.

Les socio-libéraux que je représente n'en pensent pas autant. Vous présentez la mondialisation comme le mal absolu et les pays capitalistes occidentaux et les multinationales comme les responsables de la paupérisation du tiers-monde et de deux milliards d'individus... Alors, vous nous faites une motion pour régler l'ensemble de ces problèmes... En page 3, vous citez Marx et Engels pour lesquels «le pouvoir étatique moderne n'est qu'un comité exécutif chargé de gérer les affaires communes de la bourgeoisie»... Eh bien, Mesdames et Messieurs, Marx et Engels avaient aussi vu dans le capitalisme des éléments suffisants pour le faire imploser, et la seule solution qu'ils trouvaient pour l'avenir de notre collectivité était la dictature du prolétariat... Or, cinquante ans après la mise en place de ces théories, je vous laisse constater ce qui a implosé et ce qui se passe aujourd'hui !

Vous dites que ce qui se passe aujourd'hui n'est pas idéal et pas satisfaisant... Eh bien permettez-moi de vous dire que je partage votre opinion !

A quoi assistons-nous aujourd'hui ! Mesdames et Messieurs les députés, la dictature du prolétariat qu'envisageaient Karl Marx et M. Lénine s'est transformée en dictature des consommateurs. Et les marchés que vous dénoncez comme étant le mal absolu ne sont rien d'autres que l'addition des habitudes de consommation de ces consommateurs. Et figurez-vous que ces consommateurs sont aussi vos électeurs et qu'ils ne sont pas quelque chose d'abstrait qui serait mis en place par l'Amérique triomphante !

Vous dites que les multinationales sont le mal absolu... Je vous rappelle que les consommateurs sont capables de renverser les multinationales. Si ce débat avait eu lieu en 1965, vous nous auriez dit ici que le pouvoir dans la société c'était la technologie de l'information, que 80% de la technologie de l'information étaient dans les mains d'IBM, qui deviendrait un jour «big brother is watching you» et que les Américains pourraient contrôler chacun de nos mouvements, chacun des jours de notre vie... Je vous laisse constater ce qu'IBM est devenu aujourd'hui. Elle s'est fait quasiment mettre par terre par un individu hirsute en tee-shirt qui s'appelle Bill Gates, qui a compris ce que voulait le consommateur et qui a ouvert la technologie de l'information à une si large proportion de la population qu'aujourd'hui Internet est un des supports de communication les meilleur marché et qu'il n'est plus maîtrisable par aucun gouvernement et plus aucune multinationale. Eh bien, Mesdames et Messieurs, à côté de «La Pravda», je tiens à vous dire que c'est un sacré progrès !

Mesdames et Messieurs les députés, l'OMC, que les mêmes détracteurs que ceux du libéralisme n'ont pas de mots assez durs pour qualifier - à côté du FMI et d'autres institutions internationales - est un forum pour négocier des accords équilibrés en termes sociaux et environnementaux, pour accompagner harmonieusement, si c'est possible, l'ouverture des marchés. Même l'Accord multilatéral sur les investissements que vous dénoncez fait partie de l'arsenal qui était prévu pour la régularisation dont les pays industrialisés tentent de se doter pour intéresser des investisseurs à investir dans des zones actuellement à risques et qui sont celles qui en ont le plus besoin. L'objectif était louable, même si les termes de l'accord ne l'étaient pas. L'accord est suspendu par le retrait de la France : vous êtes contents de l'affirmer. Mais je ne suis pas sûr que nous ayons gagné : un accord équilibré aurait certainement permis aux pays en développement d'obtenir des capitaux dans une plus large mesure que ce n'est le cas actuellement. Ça c'est une discussion politique que nous pouvons avoir. Mais rappelez-vous que plus jamais personne ne mettra de l'argent dans les bons russes ! Et pour cause : on vous les rend soixante ans après au cinquantième de leur valeur nominale !

Mesdames et Messieurs les députés, pendant que certains des auteurs de cette motion étaient dans les rues en train de lancer des pavés, le président Clinton, à l'ouverture de la trop fameuse conférence de l'OMC, insistait - vous n'avez peut-être pas pu l'entendre, puisqu'on ne peut pas être dans la rue et écouter le président Clinton... - sur la nécessité d'intégrer des aspects sociaux et écologiques dans les accords internationaux. Je vous rappelle par ailleurs que le président Clinton fait partie des démocrates et non pas des conservateurs américains.

Ce qui était intéressant, c'est que le président Clinton s'exprimait sous le regard entendu et compatissant de votre ami à tous : Fidel Castro, qui prenait des notes... (Exclamations.) Je l'ai vu ! Vous, vous n'avez pas pu le voir, puisque vous étiez dans la rue ! Fidel Castro prenait des notes ! Et Fidel Castro opinait du chef ! Il opinait du chef, parfaitement ! Alors reconnaissez, Mesdames et Messieurs les députés, que, si le «lider Maximo» opine du chef et ne sort pas son fusil mitrailleur, c'est sûrement un signe que ces discussions et ces négociations ont un intérêt.

Si voulez suivre le leader maximo, qui est, sauf erreur de ma part, un des derniers marxistes - théorie économique à laquelle vous vous référez dans votre motion - je vous engage à retirer votre motion que, bien entendu et comme vous l'aurez compris, les libéraux ne voteront pas si vous n'avez pas la prudence de la retirer ! 

Des voix. Bravo !

M. Chaïm Nissim (Ve). Monsieur Dupraz, vous nous disiez tout à l'heure que vous vouliez bien voter notre motion mais qu'elle ne servait à rien... Moi je vous dis que si Genève...

M. Claude Blanc. Il n'est pas là !

M. Chaïm Nissim. Oui, mais il va revenir ! Si Genève, siège de l'OMC, publie dans six ou sept journaux les amendements que nous avons proposés tout à l'heure et qui vont bientôt vous être remis - c'est un texte bref qui demande une pause de réflexion - cela fera tout de même réfléchir les gens qui liront ces articles. Nous devons au moins faire cela.

Monsieur Balestra, les Verts sont contre une dictature du prolétariat et contre une dictature du marché ! Vous dites que l'OMC est un forum pour négocier des accords équilibrés... Mais laissez-moi m'écrouler de rire, Monsieur Balestra ! Les Américains se rendent à l'OMC avec un Boeing plein d'avocats, alors que le Gabon, la Nouvelle-Zélande, la Tanzanie et une quinzaine d'autres pays n'ont qu'un avocat pour les représenter ! Comment voulez-vous que les accords soient équilibrés ! Laissez-moi rire ! 

M. Claude Blanc (PDC). Au risque de me répéter, j'aimerais dire que deux députés ici auraient vraiment dû se taire !

Une voix. Perdu l'occasion de se taire !

M. Claude Blanc. Il s'agit des camarades Dupraz et Brunier... (Rires.) ...unis pour une fois dans un même combat, avec une guerre de retard, comme j'ai eu l'occasion de le leur dire plusieurs fois ! Je rappelle à mon excellent ami Dupraz, qui sachant que j'allais lui répondre a gentiment pris la poudre d'escampette, et à Brunier, qui, lui, n'a peur de rien, que lorsqu'il était encore temps le parti socialiste et l'Union suisse des paysans...

M. Christian Brunier. J'étais pas né !

M. Claude Blanc. ...n'ont rien fait ! Pourtant, c'est au moment où les Chambres fédérales ont ratifié les accords OMC - le fameux «Uruguay round» - qu'il fallait agir et qu'il fallait voir où nous mèneraient ces accords...

M. Chaïm Nissim. C'est jamais trop tard, Blanc !

M. Claude Blanc. Nissim, laissez-moi parler, je ne vous ai pas interrompu !

A ce moment-là, j'avais dit à Dupraz qu'il fallait que les paysans soient solidaires des paysans du tiers-monde et qu'ils défendent leurs propres revenus en lançant un référendum contre ces accords. Dupraz m'a répondu que des négociations pourraient avoir lieu, que M. Delamuraz le lui avait promis... Je ne voudrais pas accabler ici M. Delamuraz, puisqu'il a comparu devant un autre tribunal, mais on peut parler de son successeur qui applique avec beaucoup de...

Une voix. Rigueur !

M. Claude Blanc. ...rigueur... - oui, merci ! (Rires.) - ...les accords en question. Les socialistes, eux, pensaient dans leur machiavélisme qu'en libéralisant le marché des produits agricoles on allait pouvoir faire d'une pierre deux coups, c'est-à-dire pouvoir s'attaquer aux céréaliers représentés par Dupraz qu'ils n'aiment pas trop et faire baisser le prix du pain... On savait bien qu'en même temps on ferait crever les paysans du tiers-monde, mais, dès l'instant où on pouvait faire baisser le prix du pain, c'était largement suffisant électoralement parlant, et les socialistes s'en sont contentés. Et c'est vrai que le prix du pain a baissé, mais à quel prix, Monsieur Brunier ? Je vous rends responsable de ce qui se passe, parce que pour des intérêts électoraux immédiats - une baisse de deux sous du prix du pain en Suisse - vous avez pris le risque d'affamer le tiers-monde et les paysans du tiers-monde !

Alors maintenant, vous êtes disqualifié pour critiquer le round suivant de l'OMC ! Au moment où la Suisse aurait pu - aurait dû - annoncer la couleur et s'opposer à des accords qui étaient déjà scélérats, vous n'avez pas levé le petit doigt pour des raisons bassement électoralistes, pas plus vous que Dupraz ! Vous êtes donc tous deux disqualifiés. Je ne peux pas croire à votre sincérité en nous présentant ce projet de motion.

J'aimerais m'attarder quelques instants sur le projet d'amendement que je n'ai pas encore eu le temps de le lire... On me dit qu'il s'agit de publier un texte dans un certain nombre de journaux...

Une voix. «La Planète» !

M. Claude Blanc. ...dont je vous ferai grâce des noms. Je m'aperçois simplement qu'en ce qui concerne les journaux suisses, il n'y a que la «Tribune de Genève», alors qu'il y a à peine une heure on nous incitait à favoriser «Le Courrier». Je pense que vous l'avez oublié... Puis-je faire un sous-amendement, Monsieur Pagani ? (Exclamations.) 

M. Bernard Clerc (AdG). J'ai un peu l'impression qu'on rit beaucoup... Je ne sais pas si c'est consécutif à la pause ou si, dans le fond, un certain nombre de députés dans ce parlement pensent que cela ne sert à rien de débattre de ces questions, parce qu'on ne peut rien faire...

Je ne suis pas de cet avis, et permettez-moi de vous donner quelques chiffres qui donnent tout de même une idée de la dimension du problème que nous abordons à travers cette motion.

Il existe aujourd'hui trente-sept mille sociétés transnationales au niveau mondial... C'est à dessein que je parle de sociétés transnationales et non pas de sociétés multinationales, comme je l'ai entendu à plusieurs reprises ce soir. Ce n'est pas une question de sémantique, c'est que le terme «multinationale» laisse entendre qu'il s'agirait d'organisations qui représenteraient différents pays. Il n'en est évidemment rien. Le mot «transnational» dit bien ce qu'il veut dire : ce sont des sociétés qui dépassent le cadre des Etats et qui, de manière un peu réductrice, «n'en ont rien à foutre» des Etats !

Ces trente-sept mille sociétés transnationales occupent septante-trois millions de salariés... Septante-trois millions de salariés, ça paraît beaucoup : eh bien, c'est extrêmement peu ! C'est 3% de l'emploi mondial - 3% ! Par contre, ces mêmes sociétés contrôlent 25% de la production mondiale, ce qui, évidemment, n'est pas négligeable.

Passons maintenant au commerce, puisque c'est le sujet du débat de ce soir, à travers les accords de l'OMC. Un tiers du commerce mondial s'effectue au sein même de ces sociétés transnationales. On a l'impression, quand on parle de libéralisation des échanges, qu'on vend et qu'on achète à tous crins entre sociétés : ce n'est pas tout à fait exact. Un tiers du commerce se fait à l'intérieur de la même société : on exporte et on importe d'un pays à un autre. Du reste, des études récentes montrent que le fameux développement du commerce mondial dont on parle tant est une mystification : la montée des échanges est, pour l'essentiel, due à l'augmentation des échanges au sein des sociétés transnationales et non pas à l'augmentation des échanges globaux. Et, enfin, un deuxième tiers des échanges concerne les échanges entre sociétés transnationales. Pour résumer, deux tiers du commerce mondial, Mesdames et Messieurs les députés, sont contrôlés par ces sociétés transnationales.

Enfin, dernière série de chiffres. Je sais que je vais vous ennuyer, mais je crois qu'ils sont révélateurs de l'évolution économique de notre monde. Les fusions transfrontalières à l'échelle mondiale, qui concourent donc à cette concentration du capital au sein de ces sociétés transnationales, représentaient 196 milliards de dollars en 1994... Et elles ont représenté 510 milliards de dollars en 1998 ! Ce phénomène de concentration et d'acquisition ne cesse donc de se développer.

Voilà pour cadrer le débat sur l'OMC. Au vu de ces données, il faut bien constater que, lorsqu'on dit que ce sont les Etats qui négocient à l'OMC, c'est formellement vrai, mais c'est pratiquement faux... Ce ne sont pas les Etats qui négocient, ce sont des groupements de sociétés transnationales avec leur flopée d'experts - M. Nissim en a d'ailleurs parlé en partie, mais en parlant plutôt des Etats - qui préparent les dossiers pour les Etats qui se font, en fait, les porte-parole de ces sociétés, selon des intérêts plus ou moins spécifiques.

Alors, je crois qu'il ne faut pas se faire d'illusion : ce n'est pas avec une motion comme celle-là qu'on va pouvoir contrer ce type de mouvement. Par contre, il est tout aussi vrai qu'une motion comme celle-là peut et doit accompagner des mouvements de citoyens qui se développent aujourd'hui partout dans le monde, de manière transnationale, contre ce type de développement. Et c'est dans ce sens-là principalement que nous devons appuyer cette motion, parce que les citoyens qui refusent cette logique ont raison non pas parce qu'ils pourraient être admirateurs de Fidel Castro ou de je ne sais qui... - il y a longtemps que je n'ai plus de modèle personnel de ce type, Monsieur Balestra ! - mais parce que ce type de développement, qu'on le veuille ou non, nous conduit tout droit à la catastrophe... 

M. Jean-François Courvoisier (S). Pour une fois je suis d'accord avec M. Balestra dans ce sens que nous sommes tous responsables en tant que consommateurs des méfaits de l'OMC. Nous devons tous en être conscients !

Par contre, je ne peux pas approuver son opinion sur les méfaits de Marx et Engels en Union soviétique, parce que la dictature du prolétariat telle qu'elle s'est établie sous la dictature de Staline n'a rien à voir avec la théorie de Marx et Engels. Pour moi, Marx reste le plus grand prophète de tous les temps : le rendre responsable des misères de l'Union soviétique, c'est comme dire que le Christ est responsable de l'Inquisition ou de la Saint-Barthélémy ! Les chrétiens de cette salle ne seraient pas d'accord. Vous faites une erreur complète sur ce point !

Pour moi, c'est le seul espoir de sortir l'humanité du gouffre où elle se dirige actuellement, et c'est une expérience qui n'a jamais été faite : ce n'en était qu'une parodie ! Il faut d'ailleurs penser aussi à l'état dans lequel se trouvait le pays avant la dictature de Staline. Celui-ci était ravagé par la guerre et la révolution et attaqué, à l'Est et à l'Ouest, par les Américains, les Français et les Russes blancs. C'est une situation que personne n'a connue. Et, justement, je ne souhaite pas une telle dictature - d'ailleurs, Lénine a bien dit qu'il souhaitait une dictature du prolétariat, mais sans révolution sanglante. Comme pacifiste, je ne peux pas accepter qu'il faille massacrer et sacrifier trois générations pour arriver à un monde meilleur, qui ne pourrait pas arriver ainsi.

Mais, tout de même, ne rendons pas les plus grands prophètes de notre époque responsables des malheurs d'un pays, et du monde ! 

M. Christian Brunier (S). Beaucoup de choses très passionnantes ont été dites, mais j'aimerais être sûr d'avoir bien compris...

Si j'ai bien compris ce que disait le conseil des anciens députés ici présent - M. Blanc est malheureusement parti au bistro - à l'époque du débat sur le référendum de l'OMC, les socialistes n'avaient fait que des erreurs et les radicaux aussi... C'est tout de même dommage que le PDC n'ait pas résisté à la pression, à l'époque. A première vue, seul M. Blanc résistait, mais, malheureusement, il s'est montré bien silencieux !

La deuxième leçon nous a été donnée par M. Balestra. Si j'ai bien compris encore, grâce à l'OMC, grâce au FMI, un certain nombre de pays du tiers-monde peuvent bénéficier d'un plus grand nombre d'investissements. De là à dire que plus il y a d'investisseurs mieux se porteront les pays du tiers-monde, il n'y a qu'un pas que je ne franchirai pas... En effet, Monsieur Balestra, aujourd'hui, en Afrique, il n'y a jamais eu autant d'investisseurs et de capitaux, cela grâce au plan d'ajustement structurel du FMI. Pourtant, Monsieur Balestra, la moyenne d'âge a reculé de dix ans ces dix dernières années. A ce rythme, elle reculera encore de dix ans dans les dix années à venir, et la moyenne d'âge tombera, en raison de la mortalité infantile, à 28 ans !

Je ne suis pas vraiment un admirateur de Fidel Castro, mais j'ai eu l'occasion de le rencontrer lors de son séjour à Genève, avec un certain nombre de députés. Il nous a expliqué pourquoi il opinait du chef en entendant M. Clinton - je crois même que c'était Mme Clinton. Alors, je vais vous en donner la raison, Monsieur Balestra : Fidel Castro opinait du chef, car Mme Clinton - ou M. Clinton, puisqu'il y a ambiguïté... (Rires.) - a expliqué longuement à la tribune de l'OMC que : l'ultralibéralisme rendait les riches toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres... C'était un scoop pour les Américains, un phénomène nouveau. Alors, c'est vrai, Castro opinait du chef pour la simple raison qu'il disait la même chose depuis trente ans... Alors, ne désespérons pas, peut-être que dans trente ans vous direz la même chose, Monsieur Balestra ! (Rires et applaudissements.)

M. Michel Balestra (L). Je n'entends donner de leçon à personne... Nous sommes des hommes politiques et nous avons des idées politiques différentes... Mais lorsque vous m'expliquez que l'ouverture des marchés n'est pas susceptible de faire accéder de nouveaux pays à l'industrialisation et à la richesse, vous faites une erreur historique manifeste. Vous savez bien que certains pays qui émergeaient il y a une vingtaine d'années sont devenus tout à fait stables et industriels aujourd'hui.

Quant aux réflexions philosophiques sur Karl Marx, je suis d'accord qu'il est un des plus grands économistes de notre époque. Mais je dois compléter cette pensée en disant que notre époque a compté trois très grands économistes : Karl Marx, Lord Maynard Keynes et Adam Smith. Manifestement, c'est Adam Smith qui a eu raison, et c'est l'Histoire qui lui a donné raison !

Alors, évidemment, lorsqu'on se met autour d'une table pour essayer de passer des accords de libre-échange, afin de moduler les effets d'une libéralisation et d'une globalisation des marchés, tout n'est pas parfait tout de suite. Mais est-ce en demandant l'arrêt des négociations et la suppression des instances de négociations que des solutions à ce problème seront trouvées ? Je ne le pense pas !

Mesdames et Messieurs les députés, je ne suis pas étonné que l'Alliance de gauche, le parti socialiste ou les écologistes, parlent de cette manière de l'OMC et de l'économie libérale. Mais que nos amis radicaux et du PDC s'y mettent aussi, j'en reste assis et tout à fait baba !

Je suis d'accord avec vous que les richesses ne sont pas correctement réparties aujourd'hui, mais elles existent, et, lorsqu'il y a des richesses, un débat politique peut s'instaurer pour qu'elles soient distribuées de manière plus équitable. Par contre, le jour où la pauvreté et la pénurie s'installeront quel débat politique pourra-t-on faire ? La pénurie ne se distribue pas ! Eh bien moi, Mesdames et Messieurs les députés, je préfère un monde qui constitue des richesses et qui négocie pour les répartir de manière équitable qu'un monde où règne la pénurie générale et où il ne reste plus qu'à démolir les murs pour essayer de trouver une solution libérale à un problème socialiste !  

M. Luc Gilly (AdG). En préambule, permettez-moi de constater qu'un tiers seulement des députés des bancs d'en face sont présents. Les deux autres tiers sont à la buvette, alors que nous débattons de la menace la plus grave qui pèse sur cette planète depuis plusieurs années ! Je trouve absolument ahurissant que quelques députés seulement...

M. Bernard Annen. Moi, je suis là !

M. Luc Gilly. J'ai dit «quelques députés», Monsieur Annen !

...essayent d'écouter ou de discuter un tant soit peu de cette menace sociale qui risque d'être plus ravageuse que toutes les guerres que nous ayons jamais connues jusqu'à présent - et je pèse mes mots !

J'aimerais résumer ce qui a été dit ce soir. Pourtant, je ne voulais pas intervenir, mais je voudrais lancer un petit appel. Lorsque l'agriculture, l'alimentation, la santé, l'éducation, les services publics, les énergies ne sont plus considérés que comme des marchandises... Lorsqu'une poignée de grands groupes financiers imposent leurs désirs et leurs lois à six milliards d'habitants et que cette dictature économique et politique échappe à tout contrôle démocratique : il faut dire non ! Il faut dire non, Mesdames et Messieurs les députés ! Hier soir, Spielmann dans son discours d'adieu a fait un discours politique qu'il aurait pu refaire ce soir. Vous l'avez pourtant tous applaudi vivement - je vous ai bien observés - et pas seulement parce qu'il a bien dirigé le parlement... Bonjour l'hypocrisie !

Une voix. Moi, je ne l'ai pas applaudi : c'était trop politique !

M. Luc Gilly. La situation et l'état de la planète s'aggravent comme jamais - je l'ai déjà dit. Tous et toutes ici savez où cela va nous mener... Aussi, en tant que citoyen - je suis en effet citoyen avant d'être député - je ne vous dirai qu'une chose, Mesdames et Messieurs : vous êtes tous invités à descendre dans la rue et à manifester le 27 novembre !

Des mouvements citoyens - M. Clerc en a parlé - tentent de s'opposer à l'OMC et demandent cinq ans de moratoire. Il faut que des discussions aient lieu et que des bilans soient tirés, après cinq ans de désastres annoncés et préparés. Ensuite, des échanges internationaux pourront se faire sur d'autres bases économiques et politiques. C'est peut-être le seul moyen de s'en sortir. Certains disent que cela ne sert à rien de résister et que c'est une fatalité... Personne n'est d'accord, en tout cas dans nos rangs, avec cet argument vraiment fallacieux ! Il n'y a pas de fatalité : tout est préparé, comme Bernard Clerc l'a dit tout à l'heure.

Le 27 - samedi prochain - une quarantaine de villes de la planète vont se mobiliser. Je pense que la résistance citoyenne a tous les droits d'exister en dehors des parlements, et c'est aussi avec ces personnes qu'il faut discuter - comme avec les gens de la Poste tout à l'heure. Aussi je vous lis une phrase de Fernand Cuche parue dans «L'Hebdo» de cette semaine : «Halte aux drogués du profit !». C'est dire en peu de mots ce que beaucoup d'entre nous pensons ici. 

M. Alberto Velasco (S). Le débat est intéressant et relevé, et des chiffres tout à fait significatifs ont été avancés.

Vous dites, Monsieur Balestra, que les investissements profitent aux pays du tiers-monde... On serait tenté de croire que votre raisonnement tient la route, mais ce n'est pas le cas. On peut affirmer que la dette de ces pays a doublé, alors qu'en réalité ils ont payé trois fois leur dette originelle. Il y a donc un réel problème. Ces pays se trouvent aujourd'hui tellement endettés à cause, justement, des investissements qu'ils ne peuvent plus investir et envisager le moindre projet. Alors, comment pouvez-vous dire que ces accords peuvent les favoriser ? Vous le savez, les prêts sont indexés sur des taux d'intérêts qui sont imposés, précisément, par les pays qui prêtent aux pays en voie de développement qui doivent les rembourser ! C'est une perversion : on ne peut donc pas dire que ces accords favorisent ces pays.

Comme vous le dites, on pourrait modifier ces accords dans le cadre de ces négociations. Mais, lorsque des accords complexes ont déjà été conclus, comment voulez-vous les changer ? Par contre, Monsieur Balestra, il est juste de demander un moratoire, vu tout ce qui s'est passé ces dernières années, pour évaluer les effets de ces accords qu'on ne connaît pas vraiment et pour décider s'il faut ou non les modifier.  

M. René Koechlin (L). Tout à l'heure M. Brunier parlait de mortalité infantile dans le tiers-monde, mais il confond ce qui est du ressort de l'OMC et ce qui relève de l'OMS...

Je rappelle à M. Courvoisier, en dépit de sa profession de foi marxiste - à chacun sa profession de foi - marxiste, qui n'est plus léniniste, d'ailleurs, contrairement à ce qu'elle fut il n'y a pas si longtemps - que l'Internationale socialiste ne visait rien d'autre qu'une organisation mondiale autoritaire, voire totalitaire, sous l'égide de la dictature du prolétariat : organisation mondiale totalitaire du commerce ! J'en déduis que chaque fois que des nations ou des organisations, disons, socio-économiques, tentent d'organiser leurs échanges de manière pacifique, par des pourparlers et si possible d'égal à égal, il se trouve des personnes ou des quarterons de contradicteurs pour contester avec virulence le principe même de ces tentatives. Et cela existera toujours...

Supprimez l'OMC, Mesdames et Messieurs ! Il faudra bien en trouver une autre, de ces organisations ! Vous la fonderez, mais vous verrez qu'il y a toujours des personnes pour s'opposer à ses travaux, parce qu'elles considéreront que l'organisation n'agit pas en conformité à leur doctrine. En effet, chacun a sa propre vision des choses et du monde et de l'accord entre les nations et entre les hommes. Et, si les personnes ne se conforment pas totalement à ces doctrines et à ces visions, on les conteste immédiatement, elles et leurs travaux. C'est lamentable ! 

M. Chaïm Nissim (Ve). Monsieur Koechlin, nous ne demandons pas la suppression de l'OMC ! Nous sommes totalement conscients qu'il faut régler le commerce mondial et qu'il faut bien une organisation pour cela.

Monsieur le président, si vous me le permettez, j'aimerais revenir sur l'amendement que nous avons proposé, car il n'est pas tout à fait lisible; j'ai en effet apporté une correction au crayon. Le titre est : «Appel aux citoyens», et, comme il n'y a pas que des hommes, j'ai rajouté «(nes) du monde» pour bien montrer qu'il y a aussi des citoyennes du monde. Je regrette que ce ne soit pas plus net que cela.  

M. Charles Beer (S). Je vais me livrer à un exercice quelque peu difficile, puisqu'il s'agit pour moi de dire que je vais à la fois soutenir la motion proposée tout en m'en distançant quelque peu. Je vais vous en expliquer les raisons.

Première chose, je partage entièrement la critique qui a été largement développée sur les effets ravageurs de la mondialisation, telle qu'elle sévit aujourd'hui sur notre planète, c'est-à-dire une mondialisation financière, sans règles, qui a été littéralement dopée par le progrès technologique, lequel a engendré une capacité de circulation des finances relativement importante et qui se développe de plus en plus. Or, ces ravages sont aujourd'hui incontestables.

Face à ces ravages, face à la toute-puissance de la finance internationale, il faut établir des règles du jeu. Avant l'OMC, existait le GATT, dont le but était de faire tomber les frontières douanières. Puis, le GATT, qui était un élément de déréglementation, a été remplacé par l'OMC : tentative de réglementation...

Tentative totalement insuffisante, tentative totalement borgne, mais, néanmoins, tentative de réglementation. S'il n'y a pas réglementation du commerce international, s'il n'y a pas de multilatéralisme, il n'existe alors que les relations bilatérales. Dans ces dernières, ce sont les Etats-Unis qui dictent la totalité des règles du jeu, et tout le monde doit bien en être conscient ici. L'OMC est donc un instrument défaillant dans le sens que la réglementation est insuffisante, mais ce n'est pas l'outil d'une tentative de réglementation en tant que tel qui doit être remis en cause.

Deuxième chose. A certains égards, la motion tombe mal, parce que, si la conférence de Seattle fait courir un certain nombre de risques et de dangers, notamment aux services publics, elle n'inscrit pas moins à son ordre du jour la discussion sur les clauses sociales et environnementales. Quand on demande de tout faire pour empêcher cette conférence d'avoir lieu et donc toute discussion sur la clause sociale et environnementale, je suis inquiet.

J'ajoute qu'au niveau suisse la relative nouvelle alliance, même ponctuelle, entre les milieux paysans, défenseurs de l'environnement, tiers-mondistes et syndicats, vise, justement, à donner le poids nécessaire à l'inscription des clauses sociales et environnementales. Ce qui fait que j'éprouve un certain malaise par rapport à l'invite principale de cette motion.

En dehors de cette clause sociale et environnementale, il conviendrait plutôt de chercher à accélérer la constitution d'un tribunal indépendant des différents puissants de ce monde, particulièrement des Etats-Unis, pour établir que les règles soient bel et bien fixées dans le sens de l'intérêt de tous et pas uniquement du plus fort.

Dernier élément à propos de la mondialisation. Je n'en veux pas particulièrement à mon collègue et camarade Rémy Pagani... Il a évoqué à juste titre l'arrestation de Pinochet, mais si cela a été possible, c'est tout simplement grâce à un phénomène extrêmement important : la mondialisation de la justice ! En effet, si on raisonne en terme de souveraineté, seuls les Chiliens seraient à même de l'arrêter et de le juger. Et la contradiction va encore plus loin : c'est tout de même le gouvernement de Tony Blair, par ailleurs vertement critiqué - et critiquable en soi, dont je ne suis pas l'avocat ici - qui a fait arrêter Pinochet...

On ne peut donc pas tout dire et son contraire ! On ne peut pas aligner les contradictions et dans le même temps condamner d'un seul mot, même dans un élan généreux, toute tentative de mondialisation. En effet, on voit que de nouvelles souverainetés populaires sont nécessaires pour faire face au capital; il faut de nouvelles souverainetés juridiques pour juger les tyrans et les multinationales qui abattent une à une les différentes protections sociales des nations.

Je voterai cette motion, parce qu'elle va, malgré tout, dans le sens d'une critique symbolique relativement importante par rapport à la grave déréglementation que nous connaissons.

En conclusion - j'hésitais à le faire, mais je vais néanmoins le faire - je ne sais pas si ça peut figurer au Mémorial,- je vais citer un passage d'un ouvrage relativement récent - quelques années - de Milan Kundera : «Tous les hommes politiques d'aujourd'hui selon Pondevin - un des personnages du livre - sont un peu danseurs et tous les danseurs se mêlent de politique, ce qui toutefois ne devrait pas nous amener à les confondre. Le danseur se distingue de l'homme politique ordinaire en ceci qu'il ne désire pas le pouvoir, mais la gloire. Il ne désire pas imposer au monde telle ou telle organisation sociale : il s'en soucie comme d'une guigne, mais occuper la scène pour faire rayonner son moi. Pour occuper la scène, il faut en repousser les autres, ce qui suppose une technique de combat spécial, le combat que mène le danseur : Pondevin l'appelle le «judo moral». Le danseur jette le gant au monde entier. Qui est capable de se montrer plus moral, plus courageux, plus honnête, plus sincère, plus disposé au sacrifice, plus véridique que lui ? Et il manie toutes les prises qui lui permettent de mettre l'autre dans une situation moralement inférieure.»

Enfin et je terminerai par là, je voterai la motion, mais j'espère que nous ferons autre chose que nous livrer à un exercice qui ressemblerait à de la «danse» ! 

Le président. Chacun a pu largement s'exprimer ce soir. Il y a eu dix-huit interventions. Je propose que l'on entende M. le conseiller d'Etat Carlo Lamprecht, et, ensuite, nous passerons au vote de cette motion.

M. Carlo Lamprecht. Mesdames et Messieurs les députés, le débat a été très nourri. Il est vrai que ce millenium round semblait s'ouvrir sous de mauvais auspices, les Américains souhaitant un ordre du jour très condensé pour avancer rapidement dans ces négociations et l'Europe désirant élargir la problématique aux questions sociales et environnementales - M. Beer l'a évoqué.

Cependant, depuis, la situation s'est quelque peu débloquée. Mercredi 27 octobre, à Lausanne, a eu lieu une réunion informelle des représentants des vingt-cinq plus importants membres de l'OMC, présidée par M. le conseiller fédéral Pascal Couchepin. A l'issue de cette séance, les Américains ont en effet concédé l'élargissement du domaine des négociations.

D'autre part, la Suisse a cofinancé à Genève la participation des trente-sept Etats en voie de développement aux réunions préparatoires de la prochaine conférence ministérielle, pour une semaine d'information sur ces problèmes.

Puisque la Suisse a l'occasion de faire entendre sa voix - si faible soit-elle - dans une telle négociation, au sein du concert international, elle va suivre de très près la position de l'Union européenne. En effet, les intérêts de la Suisse concernant la politique agricole, les volets sociaux ou environnementaux, sont relativement semblables à ceux de l'Union européenne. Dans cette optique, je crois qu'il ne serait pas judicieux d'appliquer la politique de la chaise vide. En revanche il est très important qu'une évaluation critique des rounds précédents, notamment de l'Uruguay round, dont l'issue a sans doute mis à mal l'équilibre entre les pays pauvres et les pays riches, soit effectuée. Le but de cette évaluation est d'aboutir à des propositions concrètes pour se donner les moyens d'obtenir un équilibre des intérêts économiques, dans le cadre desquels ceux des pays moins favorisés doivent impérativement être pris en compte.

Une motion a été déposée, des manifestations sont prévues, mais il est important de garder à l'esprit que cette réunion aura lieu, même si la Suisse décidait de ne pas y assister. Pour ma part, je pense que la Suisse doit être présente dans ce millenium round. J'espère que, par ce moyen, elle pourra défendre les intérêts, que vous exprimez ici ce soir de la façon la plus démocratique. 

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis de deux invites supplémentaires à la motion originale. Nous allons les voter séparément. Je vous prie de vous prononcer sur le premier amendement de M. Pagani, qui deviendra la deuxième invite, que je vous lis :

«- à demander aux Chambres fédérales d'organiser, dans les plus brefs délais, un débat sur l'OMC et le prochain cycle du Millénaire, ainsi que de traiter rapidement les différentes motions, postulats et interpellations, toujours pendantes, relatives à l'Accord Multilatéral sur l'investissement;»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Le président. Nous sommes saisis d'une deuxième invite supplémentaire qui consiste à faire publier un texte dans certains journaux de la planète : le «Seattle Press», le «Seattle Times», le «Financial Times», le «Washington Post», «Le Monde», le «Guardian», «El Pais», le «Tages Anzeiger» et la «Tribune de Genève»...

M. Bernard Annen (L). Monsieur le président, vous devriez faire respecter notre règlement... Il faut une couverture financière pour tout investissement. J'aimerais savoir ce qu'il en est !

Le président. Monsieur Annen, je suis désolé, nous ne sommes pas saisis d'un projet de loi, mais d'une motion qui invite le Conseil d'Etat à faire certaines démarches. A lui d'assumer cette responsabilité !

M. Bernard Annen. C'est la même chose !  

M. Christian Brunier (S). Monsieur Annen, je vous rappelle que le budget de l'Hospice général comporte une ligne budgétaire d'environ 1,5 million à disposition du Conseil d'Etat et du Grand Conseil... (Exclamations.) Je pense qu'on peut prendre raisonnablement quelques milliers de francs sur cette ligne budgétaire ! (Rires et exclamations.) 

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous n'allons tout de même pas faire un round supplémentaire !

Bien, je mets aux voix le deuxième amendement de M. Pagani qui deviendra la troisième invite de cette motion et dont la teneur est la suivante :

«- à publier avant le 30 novembre 1999 le texte suivant dans le Seattle Press, le Seattle Times, le Financial Times, le Washington Post, Le Monde, le Guardian, El Pais, le Tages Anzeiger et la Tribune de Genève :

Appel aux citoyens (nes) du monde

Le Parlement de la République et canton de Genève s'oppose à toute tentative de renforcement du pouvoir de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) dans le cadre du nouveau cycle de négociation prévu.

Le Parlement genevois, en tant que représentant démocratique de la population est extrêmement inquiet de la perte de pouvoir des autorités publiques liée à une libéralisation croissante de l'économie mondiale.

L'Accord final du Cycle de l'Uruguay, signé en 1994 à Marrakech, ainsi que la création de l'OMC, ont été présentés à l'époque comme une opportunité d'assurer un bien-être aux populations des pays membres de l'OMC par le développement du commerce. Force est aujourd'hui de constater l'échec de l'OMC sur cette question. Nous assistons au contraire à une concentration du ";bien-être" bénéficiant à une minorité, alors que la pauvreté ne cesse d'augmenter dans les pays les plus pauvres, comme dans les pays de l'OCDE.

L'instabilité croissante des marchés, particulièrement des marchés financiers, l'effondrement d'économies nationales et l'accroissement des inégalités, à la fois entre les pays et à l'intérieur de ceux-ci, nous impose à tout le moins d'effectuer une pause dans ce processus destructeur et d'effectuer un bilan des politiques menées, particulièrement au sein de l'OMC, du FMI et de la Banque Mondiale.

Par ailleurs, les accords déjà conclus ont déjà dangereusement affaibli la capacité des collectivités à se protéger contre leurs conséquences sociales et environnementales. Une remise en cause de la politique poursuivie en est d'autant plus urgente.

Le Parlement de la République et canton de Genève s'oppose à toutes nouvelles négociations de libéralisation, particulièrement celles qui visent à introduire de nouveaux secteurs soumis à l'autorité de l'OMC, tels que les investissements, la concurrence ou de nouveaux services (qui imposeraient à terme les privatisations, notamment de la santé et de l'éducation). Elle s'oppose également vigoureusement à l'accord TRIPS sur la propriété intellectuelle (Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights Agreement).

C'est pourquoi le Parlement de la République et canton de Genève s'associe à l'appel lancé par plus de 1'800 ONG de par le monde, pour un moratoire sur toute nouvelle négociation visant à étendre les domaines d'action et le pouvoir de l'OMC. Le Parlement genevois demande également à ce que l'impact politique, social, environnemental et économique des accords existants de l'OMC soit évalué par une institution neutre et extérieure à l'organisation en s'assurant une juste collaboration avec les mouvements représentatifs de la société civile. »

Le président. Le résultat est douteux. (Exclamations et contestation.)

Une voix. Mais, j'y crois pas !

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 41 oui contre 32 non.

M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, j'ai présenté un amendement consistant à remplacer dans le texte amendé «la République et canton de Genève» par «le Parlement de la République et canton de Genève» ! (Exclamations.)

Le président. Monsieur Velasco, le texte que vous m'avez donné correspond exactement à ce que vous venez de me dire ! Monsieur Velasco, Ce changement a déjà été fait, «la République et canton de Genève» a bien été remplacé par «le Parlement de la République et canton de Genève».

Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1309)sur la participation suisse au millenium round

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

la réunion interministérielle de Seattle, baptisée "; millenium round ", qui doit commencer le 27 novembre 99 et durer trois ans

l'importance des décisions qui sont prévues à l'ordre du jour, tant en ce qui concerne le brevetage du vivant que la privatisation de la santé

à demander aux Chambres fédérales d'organiser, dans les plus brefs délais, un débat sur l'OMC et le prochain cycle du Millénaire, ainsi que de traiter rapidement les différentes motions, postulats et interpellations, toujours pendantes, relatives à l'Accord Multilatéral sur l'investissement;

à publier, avant le 30 novembre 1999, le texte suivant dans le Seattle Press, le Seattle Times, le Financial Times, le Washington Post, le Monde, le Guardian, El Pais, le Tages Anzeiger et la Tribune de Genève :

APPEL AUX CITOYEN(NE)S DU MONDE

";Le Parlement de la République et canton de Genève s'oppose à toute tentative de renforcement du pouvoir de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) dans le cadre du nouveau cycle de négociation prévu.

Le Parlement genevois, en tant que représentant démocratique de la population est extrêmement inquiet de la perte de pouvoir des autorités publiques liée à une libéralisation croissante de l'économie mondiale.

L'Accord final du Cycle de l'Uruguay, signé en 1994 à Marrakech, ainsi que la création de l'OMC, ont été présentés à l'époque comme une opportunité d'assurer un bien-être aux populations des pays membres de l'OMC par le développement du commerce. Force est aujourd'hui de constater l'échec de l'OMC sur cette question. Nous assistons au contraire à une concentration du ";bien-être" bénéficiant à une minorité, alors que la pauvreté ne cesse d'augmenter dans les pays les plus pauvres, comme dans les pays de l'OCDE.

L'instabilité croissante des marchés, particulièrement des marchés financiers, l'effondrement d'économies nationales et l'accroissement des inégalités, à la fois entre les pays et à l'intérieur de ceux-ci, nous impose à tout le moins d'effectuer une pause dans ce processus destructeur et d'effectuer un bilan des politiques menées, particulièrement au sein de l'OMC, du FMI et de la Banque Mondiale.

Par ailleurs, les accords déjà conclus ont déjà dangereusement affaibli la capacité des collectivités à se protéger contre leurs conséquences sociales et environnementales. Une remise en cause de la politique poursuivie en est d'autant plus urgente.

Le Parlement de la République et canton de Genève s'oppose à toutes nouvelles négociations de libéralisation, particulièrement celles qui visent à introduire de nouveaux secteurs soumis à l'autorité de l'OMC, tels que les investissements, la concurrence ou de nouveaux services (qui imposeraient à terme les privatisations, notamment de la santé et de l'éducation). Elle s'oppose également vigoureusement à l'accord TRIPS sur la propriété intellectuelle (Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights Agreement).

C'est pourquoi le Parlement de la République et canton de Genève s'associe à l'appel lancé par plus de 1'800 ONG de par le monde, pour un moratoire sur toute nouvelle négociation visant à étendre les domaines d'action et le pouvoir de l'OMC. Le Parlement genevois demande également à ce que l'impact politique, social, environnemental et économique des accords existants de l'OMC soit évalué par une institution neutre et extérieure à l'organisation en s'assurant une juste collaboration avec les mouvements représentatifs de la société civile. "