République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1297
7. Proposition de motion de Mmes et MM. Martine Ruchat, Jeannine de Haller, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Rémy Pagani, Fabienne Bugnon, Georges Krebs, Alberto Velasco, Luc Gilly et Laurence Fehlmann Rielle demandant que l'ensemble des conditions de nomination du nouveau directeur de la prison de Champ-Dollon soit reconsidéré par le Conseil d'Etat et qu'une enquête soit menée par la commission des visiteurs officiels sur les conditions de détention des prévenus et sur la gestion du personnel depuis la nomination de ce directeur. ( )M1297

Considérant:

la nomination, par M. Ramseyer, de Monsieur Jean-Michel Claude à la tête de la prison de Champ-Dollon en février 1998.

les déclarations réitérées de ce dernier concernant la restriction du respect des droits des détenus, notamment par rapport au secret médical.

le souci exprimé publiquement par le Comité de la Ligue suisse des droits de l'homme, dès janvier 1998, de voir nommer une personne arrivant du service du Patronage avec une réputation de "dur", en remplacement de M. Denis Choisy qui avait imprimé à Champ-Dollon un mode relationnel respectueux tant des gardiens que des détenus.

l'intervention de la députée Fabienne Bugnon, à la même époque, demandant que l'on nomme ad intérim le sous-directeur en place, M. Guy Savary, afin de garantir la poursuite d'une politique approuvée par tous, plutôt que de mettre en place un fonctionnaire connu pour ses méthodes musclées.

le souci publiquement réitéré de la Ligue suisse des droits de l'homme, en juin 1998, suite à deux drames récents, s'étonnant d'une recrudescence troublante de la violence entre gardiens et détenus.

Le rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil de janvier 1999, rédigé par la députée Martine Ruchat, dans un souci de prévention de la violence à l'intérieur de la prison.

l'article de la Tribune de Genève du 12 juin courant, révélant que M. Claude a remplacé l'approche humaniste pratiquée par son prédécesseur par celle "; du bâton ". Cette politique du bâton se traduit par une obsession sécuritaire, telle que la pose de vitres sur les portes des bureaux des aumôniers alors qu'aucun incident n'a jamais été déploré, sous prétexte "que ce n'est pas parce qu'il ne s'est jamais rien passé qu'il ne faut rien faire", dixit M. Claude.

que cet article révèle, de plus, l'opinion du directeur concernant les détenus qui lui sont confiés : il regrette les truands qui, selon lui, respectent la règle du jeu et dénonce les nouveaux qui n'ont aucune discipline : les squatters, les manifestants anti-OMC et les gens de la guerre, lesquels justifient, parce que plus dangereux à ses yeux, un tour de vis autoritaire.

que ce même article révèle enfin que ce tour de vis se pratique aussi à l'encontre des gardiens (horaires chargés, mauvaise ambiance, exigences pointues sur la tenue et l'uniforme) dont il pense normal, comme dans toute entreprise privée, que le 10 % soient mécontents.

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

invite le Conseil d'Etat

mandate la commission parlementaire des visiteurs officiels ,

pour qu'elle lui rende un rapport dans un délai de 4 mois portant sur :

le nombre de détenus par cellule en dépassement des normes prévues ;

le stress dénoncé par le personnel comme découlant des heures supplémentaires et de la restructuration musclée de l'organisation du travail ;

les relations de type militaire instaurées par le directeur ;

les manquements au respect dû aux détenus (tutoiement, brusqueries ou violences, punitions arbitraires, etc.) ;

et de manière générale les possibles manquements aux droits humains.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Lors du transfert de la prison de St-Antoine à Champ-Dollon, en 1977, le directeur d'alors, M. Voldey, poursuit une politique fondée sur le respect tant des gardiens que des détenus.

Son successeur, M. Michel Hentsch, se distancie suffisamment de ce principe pour être bientôt mis en cause et devoir quitter ce poste.

M. Denis Choisy reprend alors la seule politique qui fasse ses preuves en milieu carcéral: respecter les gardiens, notamment en investissant dans leur formation, et respecter les détenus, notamment en investissant sur les relations humaines.

De l'avis général, et de celui de M. Claude lui-même, M. Choisy, avec l'appui fidèle de son directeur-adjoint, M. Guy Savary, s'est attaché à rendre l'établissement le plus humain possible, notamment en luttant efficacement contre la violence à l'encontre des prisonniers et a laissé cet établissement difficile dans une bonne situation.

Il est étonnant que peu de mois après son entrée en fonction, le nouveau directeur ait pu déjà prétendre que la population carcérale ait tout à coup changé et soit devenue plus dangereuse et difficile à gérer.

Comment se fait-il que des gardiens se retrouvent aujourd'hui en situation de mécontentement et de stress, ce qui les amène parfois à ne plus respecter les droits des détenus ?

Pourquoi peut-on voir ces jours, phénomène nouveau à Genève, des détenus protester aux fenêtres de Champ-Dollon par des cris et des coups, à l'instar de ce qui se passe dans des prisons de sinistre renommée ?

Le choix de la personnalité d'un directeur de prison mérite d'être traité avec un soin exceptionnellement approfondi. Il faut notamment que cette personne fasse preuve d'un sens aigu des rapports humains et d'une éthique remarquable quant au respect des droits humains. Cela suppose une personnalité psychologiquement équilibrée qui ne fonctionne pas dans le registre de l'insécurité et d'une peur génératrice d'attitudes autoritaires et donc provocatrices.

Ce n'est qu'ensuite que ses capacités de gestionnaire et d'organisateur doivent être prises en compte.

Il y a lieu, en conséquence, de revoir les conditions dans lesquelles M. Claude a été nommé par un seul magistrat et de procéder, si nécessaire, à une redéfinition du cahier des charges ainsi que du profil de candidature requis pour un tel poste.

Afin de garantir une approche objective de la situation actuelle régnant à Champ-Dollon, un rapport urgent de la commission des visiteurs officiels s'impose.

Compte tenu de ce qui précède et de manière urgente, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bon accueil à cette motion et au vu des circonstances à la voter avant la pause estivale.

Débat

M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons voulu inscrire en urgence cette proposition de motion à l'ordre du jour, car beaucoup de choses nous intriguent depuis quelques mois dans le fonctionnement de Champ-Dollon. Il s'agit bien évidemment pour certains d'un trou noir dans lequel il ne faut surtout pas aller. Pour d'autres, c'est un digesteur. Pour d'autres encore, c'est là que l'humanité doit subsister. Nous avons donc pris nos responsabilités et déposé cette motion pour demander au Conseil d'Etat de revoir la nomination du directeur de Champ-Dollon, puisque celui-ci atteindra l'année prochaine sa période de nomination.

Il nous semble en effet qu'un certain nombre de procédés, qui n'existaient pas il y a quelques années, sont revenus en force dans cette prison, des procédés qui sont loin de prendre en considération les droits du détenu. Je rappelle à ce propos que Champ-Dollon est encore et toujours une prison préventive. Les gens qui s'y trouvent sont en préventive.

Nous estimons donc qu'un certain nombre de points doivent être éclaircis. Nous avons certes obtenu des informations au sein de la commission des visiteurs - mes collègues en parleront. Elles nous semblent cependant insuffisantes. On nous renvoie notamment, de manière systématique, au manque chronique de gardiens. Nous pensons qu'une véritable politique doit être mise sur pied en ce qui concerne la prison de Champ-Dollon. Cette politique existait depuis passablement d'années à satisfaction de l'ensemble de la population. Elle est aujourd'hui remise en cause depuis deux ans. Nous avons ainsi, les uns et les autres, à tenter de trouver avant la période estivale des solutions aux problèmes qui se posent dans cet établissement, à tenter aussi de prendre nos responsabilités, car il ne s'agit pas seulement de voter des milliards, comme nous l'avons fait aujourd'hui. Il s'agit aussi de prendre en compte la détresse de nos concitoyens qui se trouvent dans cette prison. 

M. Pierre-Pascal Visseur (R). Il y a certains députés dans cette assemblée qui aiment bien les têtes de Turc, si j'ose utiliser cette expression. D'autres adorent donner des leçons de démocratie et de liberté d'expression en faisant exactement le contraire.

Que tout ne soit pas parfait à Champ-Dollon en ce moment paraît évident ou en tout cas vraisemblable. La venue d'un directeur, d'un nouveau directeur, est toujours l'objet de controverses et de problèmes de rodage. C'est aussi parfois l'occasion d'apporter des améliorations toujours possibles.

La commission des visiteurs fait son travail. Elle s'occupe précisément des incidents dont il est fait état dans les considérants de cette motion. Le directeur de la prison sera entendu le 1er juillet prochain, vous le savez certainement, Mesdames et Messieurs les motionnaires ! Or, c'est bien là que vous appliquez l'adage : « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ! ». Car, à aucun moment, vous n'avez pris l'avis de la personne que vous attaquez aujourd'hui, peut-être avec raison, mais peut-être à tort, à savoir le directeur de la prison.

Vous condamnez avant d'avoir jugé ! Et en plus, ce n'est pas votre boulot ! Ce travail est celui du Conseil d'Etat, en collaboration avec les députés de la commission des visiteurs. Alors, de grâce, laissez-les faire leur travail ! Nous vous invitons à rejeter cette condamnation sommaire et par conséquent cette motion ! 

Mme Janine Berberat (L). Vous l'aurez constaté, nous travaillons de plus en plus par médias interposés. Nous assistons depuis quelque temps à un matraquage médiatique de Champ-Dollon. On peut aujourd'hui se demander qui veut la peau de son directeur et dans quel but.

Une voix. Ce n'est pas nous !

Mme Janine Berberat. On peut aussi se demander si ces attaques répétées, qui ont commencé par un rapport plus polémique que constructif, largement distribué à Champ-Dollon, servent vraiment la cause des détenus. Pour eux qui ne connaissent pas tous les méandres de notre politique, tout ce qui est écrit est acquis. Et leur manifestation pour obtenir une antenne parabolique, des heures de gymnastique et des promenades supplémentaires en est la cause. Mais le résultat des courses s'avère bien différent. Le feu à une cellule, un blessé, et les meneurs isolés pour dix jours - motif : incitation à l'émeute. Est-ce donc vraiment notre rôle, à nous députés, d'importer des comportements politiques vers une population qui connaît déjà bien assez de problèmes comme cela ?

La commission des visiteurs est attentive depuis le début aux différents problèmes inhérents à la surpopulation de Champ-Dollon. Il faut savoir que la loi prévoit à l'origine 215 postes, gardiens et surveillantes compris, pour une population de 270 personnes. Ces postes n'ont jamais été complètement pourvus. Nous avons aujourd'hui 177 postes, ce qui représente, compte tenu des rotations et des congés, 70 personnes la journée pour une population oscillant en permanence entre 360 et 380 personnes depuis début 1998. C'est une situation limite, qui présuppose que tout fonctionne bien, sans trop de heurts, et qui laisse aussi entendre, c'est vrai, que les gardiens ont peu de temps à consacrer aux relations individuelles avec les détenus.

Il faut également savoir que la population carcérale d'aujourd'hui, mais pas seulement celle de Champ-Dollon, est originaire pour 25% des Balkans. La guerre qui sévit dans cette région anime des conflits violents entre détenus...

Une voix. C'est nul !

Mme Janine Berberat. ... qu'il faut veiller à séparer. On peut imaginer que cette situation nouvelle engendre des tensions.

Il faut aussi ajouter la problématique des mineurs à Champ-Dollon. Cette situation à caractère exceptionnel, mais qui perdure depuis quelque temps, demande une attention toute particulière à des gardiens qui ne sont pas formés pour cela. Là aussi, la commission demeure attentive. Elle a programmé des visites, tant à Champ-Dollon qu'à la Clairière. On peut relever ici l'effort de la direction pour mettre très rapidement sur pied un atelier pour ces jeunes et créer un espace pour qu'ils puissent prendre un repas en commun au moins une fois par jour.

Mais vous pouvez imaginer, Mesdames et Messieurs les députés, que l'organisation est ardue pour les promenades, l'utilisation des salles de gymnastique et la fréquentation des ateliers. Il faut donc restreindre l'offre afin de respecter une équité pour tous.

Une autre problématique a été soulevée par les motionnaires, problématique également importante pour la commission. C'est la relation entre le service médical, qui dépend du DASS, et le service pénitentiaire, qui dépend du DJPT. Cette relation n'est pas simple. Lors de l'audition du professeur Harding, la commission a soulevé la question d'un dérapage au niveau du secret médical. La réponse a été claire. La responsabilité du secret incombe d'abord au médecin. Il n'est pas interdit de poser des questions, mais c'est au médecin d'y répondre si la question est jugée indiscrète.

Ce ne sont bien sûr, Mesdames et Messieurs les motionnaires, pas les réponses que vous attendez. Mais vous ne pouvez ignorer les problèmes qui existent aujourd'hui et qui ne dépendent pas forcément de la personnalité du directeur.

Mesdames et Messieurs les motionnaires, votre motion comporte une première invite qui pourrait être adressée directement au Conseil d'Etat. Quant à la deuxième invite, elle cible des questions précises que nous poserons le 1er juillet déjà à M. Claude. Il me paraît cependant important que vous puissiez nous dire si vous souhaitez un rapport intermédiaire ou si vous voulez attendre celui que nous déposerons en novembre. 

Mme Jacqueline Cogne (S). Je vous rappellerai tout d'abord certains faits, dont le premier d'entre eux, que j'ai déjà soulevé dans ce parlement, est la non-visite de trois députés à Champ-Dollon après la manif de l'OMC au printemps 1998, non-visite due au refus de M. Claude. Il y a eu ensuite des tentatives de suicide, des suicides réussis, d'autres formes de gestes désespérés, types incendie de cellule, des « accidents », dont un connu du public - je parle de ce jeune Brésilien tétraplégique. On assiste là à une escalade de la violence sous toutes ses formes qui me laisse pantoise. Et voilà que l'on installe maintenant des vitres dans les parloirs des aumôniers et des avocats. S'il n'en tenait qu'à moi, je demanderais à quel moment l'on introduira les chaînes aux pieds et les pyjamas à rayures.

Lorsqu'on entend M. Claude déclarer à la radio, au sujet de cette motion, que l'on n'a jamais tapé les détenus à Champ-Dollon, on voit clairement l'interprétation qu'il fait de cette motion. C'est vrai qu'il manque de personnel. C'est vrai que du personnel qualifié supplémentaire permettrait un meilleur encadrement des détenus. Mais je me demande si ce personnel supplémentaire changerait les méthodes que préconise le directeur de cet établissement pénitentiaire, car il en est le directeur, ne l'oublions pas ! Eh bien, voyez-vous, j'ai quelques doutes !

Je constate que cette motion a suscité quelques remous sur les bancs d'en face. Eh bien, oui, Mesdames et Messieurs les députés des bancs d'en face, cette motion a finalement atteint son but. Elle a en tout cas le mérite de provoquer le débat ! Au moins ce soir !

Notre groupe vous demande d'accepter la motion amendée. Un amendement a en effet circulé, qui a dû vous être distribué avant le repas. Je vais cependant vous en donner lecture. Cet amendement concerne la deuxième invite. Le Grand Conseil « mandate la commission parlementaire des visiteurs officiels pour qu'elle nomme un groupe de travail composé de représentants de la commission ainsi que d'experts du milieu carcéral chargé de lui rendre un rapport général dans un délai de six mois sur la situation actuelle à Champ-Dollon, et portant notamment sur... » tout ce qui est cité dans la motion.

Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de voter cette motion ainsi amendée. 

Mme Martine Ruchat (AdG). L'inventaire qui vient d'être fait nous montre bien qu'un certain nombre de choses se sont passées depuis le dépôt du dernier rapport de la commission des visiteurs et de la motion qui justifient complètement celle-ci. Or, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, je ne pense pas que les motionnaires recherchent une tête de Turc. D'autant moins d'ailleurs à ce que j'ai pu entendre des propos de Mme Berberat. Si M. Claude fait largement distribuer le rapport de majorité à l'intérieur de la prison, nous avons en M. Jean-Michel Claude un allié et je crois que c'est à relever !

Ce que je voudrais souligner, c'est effectivement ce qui a déjà été dit voici quelques mois dans le rapport de majorité, à savoir que ce rapport a été rédigé dans un souci de prévention de la violence à l'intérieur d'une institution par définition violente, puisqu'elle prive les personnes de leur liberté. Nous avons effectivement pu constater cette violence institutionnelle dans les semaines et les mois qui ont suivi, suite aux propos qui ont été tenus dans cette enceinte même. Cette violence institutionnelle, nous l'avons décrite l'année dernière dans le rapport de majorité et d'ailleurs aussi dans le rapport de minorité.

Il y a un manque d'informations pour les détenus, il y a des chantages, il y a des promesses non tenues, il y a des privations en tous genres, il y a des fouilles corporelles. Cette violence de type physique et de type psychologique s'exerce aussi bien lors des arrestations, des garde à vue, lors des transferts du Palais du justice à la prison et vice versa, et évidemment à Champ-Dollon, où, de l'avis même de M. Claude, les conditions de détention en préventive sont plus dures.

Pourquoi ? Parce que les détenus, comme il a été dit tout à l'heure, sont en préventive, c'est-à-dire qu'ils sont en attente de la procédure judiciaire. Ils ne savent pas pendant combien de temps leur séjour à Champ-Dollon va durer. Et de l'avis même de M. Claude, ils ont le sentiment que l'on ne s'occupe pas d'eux et ils ont l'impression d'être tout seul dans le désarroi. M. Claude parle même de profil de destruction. Eh bien, c'est pour empêcher que ce contexte de violence individuelle et institutionnelle ne se développe que nous avons relevé, voici quelques mois déjà, un certain nombre de questions sensibles que les commissaires s'étaient posées - vous avez cette liste à la page 23 du rapport de majorité. Nous avons aussi dressé la liste des points soulevés par la pétition des détenus. On peut constater qu'un certain nombre d'entre eux sont justement des points qui posent problèmes aujourd'hui. Nous avons aussi fait des recommandations qui allaient dans ce sens-là.

J'invite donc à voter cette motion, puisqu'elle se situe totalement dans le prolongement de ce que les travaux de la commission, qui ont duré une année, ont déjà mis en évidence. 

Mme Jeannine de Haller (AdG). Je pense que le rôle de la commission des visiteurs de prisons devrait aussi être un rôle politique, dans le sens où il faudrait que nous ayons une réflexion sur le genre de prison que nous voulons et sur le choix des gens que nous voulons y incarcérer. C'est toute une réflexion que l'on pourrait mener dans le cadre de la commission.

J'aimerais également dire que l'on se retrouve actuellement à Champ-Dollon, prison prévue pour accueillir 270 personnes au maximum, avec une moyenne de 400 prisonniers, détenus quasiment en permanence. Comme l'a dit Mme Berberat tout à l'heure, il y a également entre 20 et 30 jeunes en permanence là-bas, alors qu'il ne devrait y en avoir aucun. La population qui se trouve à Champ-Dollon vient par ailleurs des quatre coins du monde. C'est une population qui a aussi changé au cours de ces dernières années et qui présente souvent des problèmes de type psychiatrique. Les gardiens ne sont pas formés pour encadrer ce genre de personnes.

Je pense que notre commission des visiteurs devrait aussi réfléchir à ce genre de problèmes. 

Mme Janine Berberat (L). Je serai brève. Je découvre le texte de l'amendement et je ne vois pas où se situe la légitimité de cette commission mixte qu'il propose. Il y aurait des députés assistés d'experts désignés à la CMMT, à l'APT, etc. Je ne crois pas que l'on puisse comme cela mettre sur pied, de notre propre chef, une commission mixte. Soit c'est la commission des visiteurs, soit c'est une commission extérieure. Ou alors je vous propose une autre commission, qui serait la commission de contrôle de gestion. Je ne pense pas que l'on puisse simplement créer, comme cela, comme des noix sur un bâton, une commission pour arranger les choses, mais qui n'arrangera finalement rien du tout et qui compliquera au contraire le tout.

Je vous propose de réfléchir à ce que vous voulez et au but que vous poursuivez. Car finalement, quel est le but que vous poursuivez ? Vous dites qu'il y a surpopulation et pas assez de gardiens. Eh bien, cela, Mesdames et Messieurs les députés, ne dépend pas du directeur, mais de nous politiques. Je ne vois pas pourquoi vous devriez mettre toute la pression sur un directeur, alors que lui ne demande qu'une chose, disposer de plus de personnel pour pouvoir être plus proche des détenus. Alors, prenez vos responsabilités, mais ne faites pas des arrangements comme cela, comme des noix sur un bâton, histoire de vous donner bonne conscience, alors que vous n'avancez en rien du tout !  

M. Bernard Lescaze (R). Ayant réussi non sans peine à me procurer l'amendement présenté par Mme Bugnon, M. Pagani et M. Cristin - je comprends que l'on ne distribue généralement que les amendements les plus importants - je m'étonne d'apprendre que cet amendement n'a été distribué qu'au Conseil d'Etat et au bureau, alors que j'ai entendu parlé d'experts dans la bouche de Mme Cogne !

Je rejoins à présent, en lisant l'amendement, les conclusions de Mme Berberat. Je ne vois pas en quoi et comment la commission parlementaire des visiteurs officiels pourrait nommer un groupe de travail composé de représentants de la commission - on se demande comment ils seraient choisis par elle et selon quels critères - ainsi que d'experts du milieu carcéral. Ces experts souhaiteront à l'évidence être indemnisés. Je ne vois pas non plus sur quel budget !

Toute la procédure basée sur la deuxième invite me paraît complètement contraire au règlement. Nous n'avons pour l'instant jamais vu - on peut bien sûr toujours innover, mais encore faudrait-il le faire dans les règles et d'une manière légale - nommer un groupe de travail composé de cette manière.

Je crois qu'il faut distinguer deux aspects. Ou les motionnaires demandent au département de justice et police et des transports de désigner une commission, comme cela se fait en d'autres circonstances. C'est normal. Le département le fera ou non. Ou la commission des visiteurs de prisons se charge elle-même de mener cette enquête, puisque l'on peut penser, pour le reste des invites, que ce sont des sujets intéressants. On verra bien quelles en seront les réponses.

Je souhaite que le Bureau du Grand Conseil nous indique à présent le statut de ce groupe de travail et nous dise qui sera indemnisé et comment. Parce que je n'ai jamais vu une telle procédure depuis cinq ans et demi que je siège au Grand Conseil. Je ne suis pour l'instant pas d'accord de l'avaliser sans autre. 

M. Georges Krebs (Ve). Je veux revenir sur ce que M. Visseur a affirmé. Ce n'est pas notre motion qui condamne le directeur, ce sont les événements qui se déroulent à Champ-Dollon qui nous donnent à penser qu'il se passe quelque chose de grave qui doit être interrompu. On doit donc enquêter là-dessus.

Pour quelle raison demandons-nous une aide extérieure à la commission des visiteurs ? Je fais moi-même partie de cette commission, mais je suis un laïque. C'est un sujet que je ne connais pas et je serais bien en peine de porter un jugement sur le fonctionnement d'une prison. C'est pourquoi nous avons demandé que des experts extérieurs participent à cette commission.

M. Bernard Lescaze. Cette modestie vous honore ! 

M. Roger Beer (R). Je dois dire que je suis un petit peu étonné ce soir en entendant les députés qui s'expriment et en lisant cette motion. Je crois que le Grand Conseil oublie une chose. Et il a une tendance d'autant plus grande à oublier depuis que la majorité a changé.

Je vous avouerais qu'il y a déjà eu, lors de la dernière législature... (L'orateur est interrompu par l'entrée d'un oiseau dans la salle.) Ah ! Je pense que l'on devra reprendre la séance dans un moment. Comme l'on avait fait avec M. Burdet, il faut éteindre les lumières pour que l'oiseau sorte, Monsieur le Président ! Sinon il va se fracasser contre une vitre !

Le président. La séance est suspendue quelques minutes !

Une voix. Ouvrez la chasse !

Le président .Vous pouvez rallumer, s'il vous plaît !

Une voix. Il est loin ?

Une autre voix. Il est emprisonné !

Le président. Monsieur Beer, vous pouvez reprendre. Une hirondelle ne faisant pas le printemps, nous vous écoutons.

M. Roger Beer. Maintenant que nous avons ouvert la cage aux oiseaux, je reprends mon propos. Je pense qu'il ne faut pas oublier que la nomination des employés de l'Etat et des fonctionnaires est une affaire exclusive du Conseil d'Etat. C'est la première chose. Même si cela déplaît, on pourrait attendre du Conseil d'Etat qu'il le rappelle et qu'il l'assume. La deuxième chose par rapport à votre invite, c'est qu'il n'y a pas à reconsidérer lorsqu'il y a une nomination. Le Conseil d'Etat nomme et c'est réglé. Basta ! On peux demander par la suite des enquêtes, etc., si on estime qu'il est mauvais. La procédure dure quatre, cinq ans, on le déplace... Peu importe ! Mais on ne se trouve actuellement pas dans cette procédure. Vous faites donc un procès d'avance.

Ce qui me dérange, c'est que le Grand Conseil essaye de s'arroger ce qui relève du pouvoir du Conseil d'Etat. C'est en effet le Conseil d'Etat qui est responsable de l'administration.

En ce qui me concerne - je ne connais pas très bien Champ-Dollon, je ne vais donc pas vous faire une leçon là-dessus, contrairement à d'autres... (L'orateur est interpellé.) Ecoutez, ça peut arriver, mais en tout cas jusqu'à maintenant, je n'ai jamais connu Champ-Dollon !

Des voix. Moi non plus !

M. Roger Beer. Je pense que l'on peut effectivement demander des enquêtes sur ce qui se passe à Champ-Dollon. Je crois d'ailleurs que cela a déjà été fait. Ce qui est cependant extrêmement désobligeant et désagréable ici, c'est que l'on sent une espèce d'attaque politique, purement politique. Je dois dire là, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, que vous jouez sur la majorité. Il est vrai que nous allons voter. Nous serons contre la motion. Visiblement, après une journée de Grand Conseil, après une journée du budget, je vois bien que vous êtes plus assidus que dans nos rangs. Ce texte sera donc accepté. J'estime simplement que ce texte est inadmissible par rapport au Conseil d'Etat. Je ne suis pas sûr non plus que ce soit la bonne façon d'obtenir une réponse valable au regard des réponses que vous pourriez attendre. 

M. Rémy Pagani (AdG). Un certain nombre de précisions doivent être apportées ici. En ce qui concerne l'invite que nous adressons au Conseil d'Etat, je crois qu'il est tout à fait légitime que le parlement ici représenté demande au Conseil d'Etat de reconsidérer l'ensemble des conditions de nomination de ce haut fonctionnaire. Ça, c'est la première invite. Elle est adressée au Conseil d'Etat. Il n'y a, à notre sens, aucun conflit de compétences à ce niveau. Nous estimons qu'une politique qui ne nous convient pas est en train de se mettre sur pied dans cette prison, dans cette institution. C'est effectivement un choix politique que nous remettons en question. Il ne nous appartient pas de pérenniser le fonctionnaire qui se trouve à la tête de cette institution. C'est au Conseil de l'Etat qu'il revient de le faire. Nous lui renvoyons l'ascenseur, si j'ose dire, en lui demandant de reconsidérer l'ensemble de la problématique de nomination de ce fonctionnaire, parce qu'il nous semble inadéquat. C'est un premier problème.

Le deuxième problème concerne la nomination de cette commission d'experts. Mon collègue, M. Krebs, a très bien expliqué l'ensemble de la problématique. Je n'y reviendrai donc pas. Je tiens simplement à dire que la commission des visiteurs de prisons ne nous semblait effectivement pas complètement en mesure de prendre en charge le mandat qui allait lui être confié. Nous avons donc estimé qu'un groupe d'experts nommé par la commission des visiteurs de prisons pourrait faire l'affaire.

En ce qui concerne le financement - car il se pose techniquement une question de financement - il convient de rappeler que nous avons pour l'instant pensé désigner au sein de cette commission d'experts un représentant de la Commission mixte en matière de toxicomanie, un représentant de l'Association de prévention contre la torture, etc. Nous laissons à ce propos le libre choix aux membres de la commission des visiteurs de prisons pour établir la liste effective des experts qu'ils entendent associer à leurs travaux. Pour l'instant, les deux associations que nous avons mentionnées participeraient bien évidemment à titre bénévole. Nous estimons donc qu'il n'y a pas d'argent à débourser.

Si par contre le Conseil d'Etat, convoqué par la commission des visiteurs de prisons, prétendait que des experts importants pourraient être adjoints à cette commission, il faudrait alors trouver un financement. Nous avons déjà pris des contacts à ce sujet avec un certain nombre de conseillers d'Etat qui entreraient en matière sur cette possibilité-là. Mais cette question reste ouverte.

Le libellé de la proposition d'amendement qui vous est faite concrétise ce que je viens d'exprimer. C'est pourquoi j'invite mes collègues à voter cet amendement, étant précisé que nous avons travaillé toute l'après-midi sur cette problématique, car nous avons bien pensé qu'elle surgirait au cours du débat de ce soir. 

Le président. Il reste encore trois orateurs inscrits. Je vous propose de clore ici la liste des orateurs. Auront encore la parole, M. Krebs, M. Dupraz et M. Ramseyer. La parole n'étant plus demandée, la liste des orateurs est close.

M. Georges Krebs (Ve). Je pense qu'il ne s'agit pas d'un problème politique. Ce n'est pas parce qu'il y a dans cette salle une majorité gauche-Verts que le problème doit être politisé. Il y a des événements qui se passent et qui sont graves. On constate que des problèmes se posent avec le directeur. Nous demandons donc une commission d'enquête.

Je pense qu'il faut dépolitiser le débat, car il s'agit d'un problème social et humain qui doit être résolu avec l'aide du magistrat, de la commission des visiteurs et de mandataires extérieurs. 

M. John Dupraz (R). Je dois dire que je suis assez effaré par les propositions qui sont faites par la nouvelle majorité. Comment est-ce qu'une commission parlementaire pourrait nommer une commission d'experts qui aurait pour mission d'enquêter sur une décision du gouvernement ? Ou bien ce Grand Conseil donne une mission plus cadrée et plus précise à la commission des visiteurs ou bien l'on demande au Conseil d'Etat de nommer une commission et de nous faire rapport sur la problématique de la nomination du directeur de la prison de Champ-Dollon et de ses capacités à gérer cet établissement. Mais ce que vous demandez là, c'est un nègre blanc ! Cela ne tient absolument pas la route et je ne vois pas comment nous pourrions, juridiquement, selon le règlement de notre Grand Conseil, mandater une commission qui aurait le devoir et le pouvoir qu'on lui conférerait de nommer une commission d'enquête. C'est complètement farfelu et aberrant ! Et ce qui m'inquiète le plus, c'est que vous avez été vous enquérir de la situation auprès de conseillers d'Etat et que vous disposeriez du financement, selon certains d'entre eux, pour payer les experts de cette commission, experts qui seraient vos petits copains pour foutre un peu plus la pagaille dans la gestion de Champ-Dollon, comme vous le faites d'habitude, Monsieur Pagani, depuis vingt-cinq ans dans cette République !

J'aimerais savoir quels sont les conseillers d'Etat qui se seraient engagés. Cela m'étonne beaucoup, parce qu'ils n'ont pas la compétence de le faire. Alors, un peu de sérénité ! Cette motion ne tient absolument pas la route et nous vous demandons de la refuser purement et simplement. De toute façon, si vous votez cette motion, le Conseil d'Etat n'y donnera pas suite bien évidemment ! 

M. Gérard Ramseyer. J'ai souhaité apporter un commentaire sur cette motion, un commentaire préalable et partiel, à cause de l'actualité du problème dont nous débattons.

La majorité de gauche ici présente votera sans doute cette motion. Elle mandatera peut-être la commission des visiteurs officiels. C'est le moment de rappeler avec fierté que cette commission est unique en Suisse, qu'elle fait un excellent travail, ainsi qu'en témoignent ses procès-verbaux, ainsi qu'en témoignent un peu moins les rapports de majorité lorsqu'ils sont totalement politisés.

Un mot de la nomination. Mesdames et Messieurs les députés, la nomination d'un directeur est une décision du Conseil d'Etat sur préavis du chef du département. Ce n'est pas l'affaire du Grand Conseil. Je n'ai effectivement pas retenu, Monsieur Pagani, le candidat que souhaitait peut-être le comité de la Ligue suisse des droits de l'homme. Je n'ai pas retenu le candidat que me proposait une députée, aussi talentueuse soit-elle, et je n'ai pas non plus retenu le candidat qu'une journaliste avait peut-être l'intention de me proposer, aussi talentueuse soit-elle, elle aussi !

Je rappelle que la confirmation de ce directeur sera aussi l'affaire du Conseil d'Etat, aussi sur la base de mon préavis.

La situation difficile que nous connaissons repose à mes yeux sur trois causes. La première cause, c'est la surpopulation carcérale, la seconde, c'est l'évolution qualitative de cette population carcérale, le troisième effet, je suis navré de le dire, c'est le fameux rapport Ruchat, qui est d'ores et déjà cité par d'aucuns dans cette prison comme le bréviaire nécessaire à tout sit-in !

Il y avait, Mesdames et Messieurs, à l'arrivée de M. Claude - c'était en février 1998 - 260 détenus pour 270 lits. De mai 98 à ce jour, le nombre de détenus a constamment oscillé entre 360 et 380. Et ce printemps, ces derniers jours, nous avons eu une pointe à 394, avec toujours une capacité de 270 lits.

Nous avons bien sûr déjà vécu des cas de surpopulation, c'était en 1992 et 1993, mais avec une différence essentielle. Cette surpopulation n'a duré que très peu de temps les deux fois. Et surtout, la population carcérale était à cette époque à peu près homogène.

La deuxième cause repose sur l'évolution qualitative de cette population. J'aimerais simplement relever - ne trouvez aucune connotation néfaste dans ce que je dis ! - que plus des 50% de cette population est actuellement musulmane. Ce qui pose un problème de contacts, un problème de moeurs, un problème de relations entre l'autorité et la population. Ce n'est donc pas nul de le relever, Monsieur Hausser. C'est au contraire important. 25% de la population carcérale est originaire des Balkans. Quelle en est la conséquence ? D'abord, les prisonniers originaires des Balkans vivent dans une situation de confrontation issue de la guerre. Nous avons dû fouiller de manière incessante les détenus pour éviter qu'ils transportent avec eux, non pas des couteaux, mais des couteaux en bois que l'on ne peut pas déceler aux portiques, pour éviter de graves incidents. Nous avons dû mettre fin aux matchs de football, aux promenades en commun. Nous avons dû doubler les repas, doubler les ateliers.

Pourquoi ? Parce qu'il n'est pas possible de réunir sur un étage une population serbe qui rencontrerait par hypothèse une population kosovare. Les journaux de ce matin vous renseignent sur la nature de cette population, en particulier albanaise. Tout ceci crée donc une situation extrêmement difficile.

Quelqu'un a dit qu'il était effaré par la montée de la violence. Je vous précise simplement, mais ce n'est pas pour rire, que la situation en terme de violence a été plus importante en 1992, en 1993, en 1995 et en 1997. Mais à l'époque, il n'y avait pas le désordre que l'on entretient autour de cette prison !

Et puis, Mesdames et Messieurs les députés de gauche, vous avez rendu toutes et tous un hommage appuyé au directeur Denis Choisy. C'est peut-être le moment de vous rappeler qu'il est candidat aux élections de cet automne ! Envoyez-le à Berne, vous ferez un bon choix !

J'aimerais enfin terminer par le rapport de majorité de Mme Ruchat. Ce rapport a été remis à des détenus. Les revendications ont été immédiates. Car dans l'esprit de ces gens-là, lorsqu'une majorité du Grand Conseil vote et se prononce sur des revendications, ce ne sont alors plus des revendications, mais un dû. Deux des manifestations vécues récemment par Champ-Dollon étaient basées sur des revendications figurant noir sur blanc dans le rapport Ruchat. Il s'agissait d'antennes paraboliques sur le toit pour capter un nombre de chaînes supplémentaires dans les cellules, il s'agissait de promenades plus longues et plus nombreuses, et il s'agissait d'un temps de sport plus long. Or, comme je viens de vous le dire, il n'est pas possible d'y donner suite en raison des caractéristiques qualitatives de la population carcérale. Nous avons en effet été obligés de tout scinder en deux.

Encore quelques remarques. Vous vous êtes référés les uns et les autres à la presse. Il y a cependant des choses qui doivent être sues. On a parlé des vitres des parloirs. C'est une mesure de sécurité parfaitement admise ailleurs. Je l'ai vérifié moi-même en auditionnant un détenu particulièrement dangereux à Orbe. Ce parloir était vitré. Cela ne m'a pas dérangé, bien au contraire, de savoir qu'il y avait derrière la vitre un agent pour assurer ma sécurité.

Comment se fait-il que les avocats n'ont pas admis une mesure que les assistants sociaux et les juges, eux, ont admise ? Cette une question de peau, c'est une question d'épiderme. Avouez franchement que ce n'est pas d'une gravité exceptionnelle !

On a parlé de la privatisation ponctuelle des gardes extérieurs. C'est effectivement pour libérer cinq gardiens spécialisés que nous avons fait appel à une entreprise de sécurité. Bien sûr, ce n'était pas la bonne ! Il aurait fallu en prendre une autre ! Il faut cependant savoir que nous avons un tournus dans nos mandats et que c'était le tour du SIR de recevoir un mandat dans le cadre de la sécurité. Ce mandat est de courte durée, il devrait prendre fin au cours de l'été. S'il devait par hypothèse être prolongé - les chiffres de la prison étant cependant en décrue, on a quand même quelques espoirs - ce serait une autre entreprise qui prendrait cette petite partie du service.

Je l'ai dit, nous espérons un retour à la normale au niveau du taux d'occupation. On devrait descendre en dessous de 320 dans les semaines qui viennent. C'est un espoir. Mais vous avez pu voir hier soir ou ce matin dans la presse que la filière albanaise qui utilisait des gamins pour transporter de la drogue a été démantelée et les auteurs arrêtés. Vous avez pu constater qu'un grand nombre de personnes sont concernées et que ce sont de nouveau des détenus qui seront placés chez nous.

Enfin, pour la bonne bouche, les hurlements aux fenêtres. Il y a toujours eu du bruit à Champ-Dollon. Peuvent en témoigner tous ceux qui cultivent des petits jardins à proximité. Le summum des hurlements, ce sont les jours où passent à la télévision des matchs de football, car on s'interrompt, on s'interroge, on s'interpelle de fenêtre à fenêtre. Du bruit autour d'une prison est donc quasiment normal.

Ma conclusion n'est pas du tout facile. Je constate tout d'abord que l'agitation autour d'une prison est dangereuse. C'est une population fragile, c'est une population fragilisée, c'est une population qui n'a pas de liens suivis avec l'extérieur. C'est donc une population qui ressent de manière extrêmement sensible les aléas de ce qu'elle vit.

Tout à l'heure, c'était ce matin, M. Clerc a fait allusion au problème de l'Hospice général. On peut reprendre le Mémorial. Ce que M. Clerc a dit à propos de la population du Tuteur général, c'est exactement ce qui se passe dans une prison. J'aimerais ensuite dire que si, mais je n'ose pas croire que ce soit le cas, Monsieur Pagani, mais si c'était le propos de quelqu'un dans cette enceinte d'utiliser à des fins personnelles, politiques ou peu importe, l'agitation dans les prisons, il faut savoir que sa responsabilité serait extraordinairement grave. Cela pourrait mal se terminer, très mal se terminer !

J'aimerais vous dire en conclusion, Mesdames et Messieurs, que l'on peut toujours faire mieux, que l'on peut toujours améliorer ce qui existe. Il faut être transparent, il faut être parfaitement honnête. C'est la raison pour laquelle je soutiens mon directeur. Pourquoi ? Parce que je n'ai pas l'habitude de changer de directeur comme une girouette, en fonction des voeux des uns et des autres, qu'ils soient députés, journalistes ou représentants de la Ligue des droits de l'homme !

Si vous voulez enquêter, si vous voulez vous assurer que tout se passe bien, ce que fait sans même qu'on lui ait envoyé une motion la commission des visiteurs, excellemment présidée par Mme Berberat, vous pouvez le faire. Cela m'arrange, car cela me permettra de vous démontrer rapidement ce qu'il en est exactement ! Et si l'on découvre ici et là des attitudes, des manières d'être, des procédés, des procédures, des processus qui sont critiquables, alors on agira. Si c'est dans cet esprit, Mesdames et Messieurs les membres de la majorité parlementaire, que vous entendez travailler, il se trouve que par exception je serai à vos côtés. Si c'est par contre pour utiliser un problème à des fins politiques, je vous dis alors de faire attention, car cela se terminera extrêmement mal. S'il vous plaît, rassurez-moi ! (Applaudissements.)  

Le président. Nous passons au vote sur cette motion. Nous devons cependant d'abord l'amender avant de la voter. Nous sommes donc en présence d'un amendement visant à modifier ainsi la deuxième invite :

«mandate la commission parlementaire des visiteurs officiels

pour qu'elle nomme un groupe de travail composé de représentants de la commission ainsi que d'experts du milieu carcéral (CMMT, APT, etc.) chargé de lui rendre un rapport général dans un délai de six mois sur la situation actuelle à Champ-Dollon et portant notamment sur

- le non-respect... »

Mis aux voix cet amendement est adopté.

Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.

Elle est renvoyée au Conseil d'Etat et à la commission des visiteurs officiels.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1297)demandant que l'ensemble des conditions de nomination du nouveau directeur de la prison de Champ-Dollon soit reconsidéré par le Conseil d'Etat et qu'une enquête soit menée par la commission des visiteurs officiels sur les conditions de détention des prévenus et sur la gestion du personnel depuis la nomination de ce directeur

Considérant:

la nomination, par M. Ramseyer, de Monsieur Jean-Michel Claude à la tête de la prison de Champ-Dollon en février 1998.

les déclarations réitérées de ce dernier concernant la restriction du respect des droits des détenus, notamment par rapport au secret médical.

le souci exprimé publiquement par le Comité de la Ligue suisse des droits de l'homme, dès janvier 1998, de voir nommer une personne arrivant du service du Patronage avec une réputation de "dur", en remplacement de M. Denis Choisy qui avait imprimé à Champ-Dollon un mode relationnel respectueux tant des gardiens que des détenus.

l'intervention de la députée Fabienne Bugnon, à la même époque, demandant que l'on nomme ad intérim le sous-directeur en place, M. Guy Savary, afin de garantir la poursuite d'une politique approuvée par tous, plutôt que de mettre en place un fonctionnaire connu pour ses méthodes musclées.

le souci publiquement réitéré de la Ligue suisse des droits de l'homme, en juin 1998, suite à deux drames récents, s'étonnant d'une recrudescence troublante de la violence entre gardiens et détenus.

Le rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil de janvier 1999, rédigé par la députée Martine Ruchat, dans un souci de prévention de la violence à l'intérieur de la prison.

l'article de la Tribune de Genève du 12 juin courant, révélant que M. Claude a remplacé l'approche humaniste pratiquée par son prédécesseur par celle "; du bâton ". Cette politique du bâton se traduit par une obsession sécuritaire, telle que la pose de vitres sur les portes des bureaux des aumôniers alors qu'aucun incident n'a jamais été déploré, sous prétexte "que ce n'est pas parce qu'il ne s'est jamais rien passé qu'il ne faut rien faire", dixit M. Claude.

que cet article révèle, de plus, l'opinion du directeur concernant les détenus qui lui sont confiés : il regrette les truands qui, selon lui, respectent la règle du jeu et dénonce les nouveaux qui n'ont aucune discipline : les squatters, les manifestants anti-OMC et les gens de la guerre, lesquels justifient, parce que plus dangereux à ses yeux, un tour de vis autoritaire.

que ce même article révèle enfin que ce tour de vis se pratique aussi à l'encontre des gardiens (horaires chargés, mauvaise ambiance, exigences pointues sur la tenue et l'uniforme) dont il pense normal, comme dans toute entreprise privée, que le 10 % soient mécontents.

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

invite le Conseil d'Etat

mandate la commission parlementaire des visiteurs officiels

pour qu'elle nomme un groupe de travail composé de représentants de la commission ainsi que d'experts du milieu carcéral (CMMT, APT, etc.) chargé de lui rendre un rapport général dans un délai de six mois sur la situation actuelle à Champ-Dollon et portant notamment sur

le nombre de détenus par cellule en dépassement des normes prévues ;

le stress dénoncé par le personnel comme découlant des heures supplémentaires et de la restructuration musclée de l'organisation du travail ;

les relations de type militaire instaurées par le directeur ;

les manquements au respect dû aux détenus (tutoiement, brusqueries ou violences, punitions arbitraires, etc.) ;

et de manière générale les possibles manquements aux droits humains.

 

Le président. Nous allons maintenant aborder le dernier des objets urgents que vous avez décidé de traiter au cours de cette session, je veux parler de la résolution 405.