République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1211-A
31. a) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Jeannine de Haller, Elisabeth Reusse-Decrey, Fabienne Bugnon, Nelly Guichard, Gilles Godinat, Alberto Velasco, Esther Alder, Marie-Françoise de Tassigny, Anita Cuénod, Jean-François Courvoisier, Caroline Dallèves-Romaneschi, Stéphanie Ruegsegger et Jean-Claude Vaudroz : Non au renvoi des Bosniaques. ( -) M1211
Mémorial 1998 : Annoncée, 1912. Développée, 2046. Adoptée, 2050.
R 375
b) Proposition de résolution de Mmes et MM. Fabienne Bugnon, Dolores Loly Bolay, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Rémy Pagani, Marianne Grobet-Wellner, Elisabeth Reusse-Decrey, Bernard Lescaze, Pierre-Alain Champod, Anne Briol, Roger Beer, Luc Barthassat, Marie-Françoise de Tassigny, René Longet, Barbara Polla, Janine Hagmann et Jeannine de Haller sur la situation des ressortissants de Bosnie. ( )R375
P 1194-A
Pétition : Soutien aux mères seules de Bosnie. ( -)P1194
Rapport de Mme Anita Cuénod (AG), commission des pétitions
P 1197-A
Pétition : Solidarité avec la Kosove. ( -)P1197
Rapport de Mme Anita Cuénod (AG), commission des pétitions
P 1198-A
Pétition : Non-exécution des renvois pour les ressortissants de Bosnie. ( -)P1198
Rapport de Mme Anita Cuénod (AG), commission des pétitions

 c) Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier les objets suivants :

Motion1211

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

1. le rapport de l'Institut d'ethnologie de l'Université de Berne, commandé par le Conseil fédéral lui-même ;

2. la situation de détresse de nombreuses familles menacées par une décision de renvoi imminent en Bosnie ;

3. l'urgence de surseoir à ces renvois ;

invite le Conseil d'Etat

- à renoncer à tout renvoi forcé jusqu'à plus ample information sur la situation en Bosnie ;

- à favoriser et soutenir, en lien avec le monde associatif, la mise en oeuvre d'un réseau de solidarité (communes, églises, écoles, etc.) assurant une partie de la prise en charge des Bosniaques menacés de renvoi.

1. Contexte

Dès 1993, la Suisse a accueilli les ex-résidents bosniaques fuyant le conflit qui avait embrasé l'ancienne Yougoslavie. Le Conseil fédéral a prononcé une admission provisoire collective en faveur des réfugiés de la violence. Cette mesure leur permettait de demeurer en Suisse tant que la situation dans leur pays d'origine mettait leur vie en danger. Par ailleurs, un certain nombre de personnes ont obtenu l'asile au terme d'une procédure individuelle.

Les hostilités ayant pris fin, le Conseil fédéral a levé cette mesure de protection temporaire. Il a recommandé aux cantons de fixer des délais de départ au 30 avril 1997 pour les adultes seuls et les couples sans enfant et au 30 avril 1998 pour les familles avec enfants et les mineurs non accompagnés.

La Confédération a préconisé un délai de départ au 31 août 1998 pour les déserteurs et les réfractaires provenant de Bosnie-Herzégovine dont l'admission provisoire collective avait également été levée.

Dans cet échelonnement des échéances, il y avait notamment la volonté d'éviter un retour massif d'anciens réfugiés susceptible de créer dans la région un déséquilibre pouvant mettre en péril les Accords de paix de Dayton de décembre 1995.

Cela étant, les infrastructures actuelles ne permettraient probablement pas de faire face à un retour quasi simultané de tous les ex-résidents bosniaques, même s'il faut rappeler que la Suisse construit sur place des habitations pour les personnes qui ne parviennent pas à se reloger elles-mêmes.

2. Situation à Genève

Quelque 900 réfugiés de la violence, ainsi qu'une soixantaine de réfractaires ou de déserteurs, ont bénéficié de l'admission provisoire collective dans le canton.

Or, plus de la moitié d'entre eux sont déjà retournés volontairement en Bosnie-Herzégovine ou ont vu leurs conditions de séjour en Suisse réglées.

En avril 1998, 17 personnes ont ainsi quitté Genève pour regagner leur pays d'origine.

A cet égard, il est intéressant de relever que de nombreuses familles avec enfants avaient déjà quitté la Suisse bien avant l'échéance du 30 avril 1998.

Fort des bonnes expériences faites par l'administration avec les personnes dont le délai de départ était fixé au 30 avril 1997 (des 220 situations initiales, il n'en reste plus qu'une dizaine à régler aujourd'hui), le Conseil d'Etat n'a pas l'intention de procéder à des renvois par la contrainte dans les circonstances actuelles.

Il répond ainsi aux voeux des motionnaires.

3. Respect des directives fédérales

Cela dit, le Conseil d'Etat entend se conformer aux directives fédérales, en continuant à encourager les retours volontaires et la participation des anciens réfugiés à la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine.

En offrant de nombreuses possibilités de prolongations de délais de départ, ces dispositions prennent en compte les difficultés auxquelles pourraient être confrontées certaines catégories de personnes plus vulnérables que d'autres (couples mixtes d'un point de vue ethnique, femmes seules avec enfants, cas médicaux, etc.) en cas de retour prématuré. Ce faisant, elles garantissent également un étalement des arrivées qui évitent de surcharger des infrastructures locales encore précaires.

Par application des directives fédérales, 280 personnes ont d'ores et déjà obtenu un report de leur délai de départ. Au surplus, 80 personnes ont une procédure de réexamen en cours (mariages en vue, requêtes de permis humanitaires, demandes de réexamen, situations médicales).

Le Conseil d'Etat rappelle également qu'un certain nombre de dossiers sont actuellement à l'examen dans la perspective d'une éventuelle émigration vers un pays tiers et que les personnes concernées ne peuvent être renvoyées de Suisse avant l'aboutissement de ces procédures.

4. Tolérance de séjour cantonale

En pleine phase de reconstruction, la Bosnie-Herzégovine doit pouvoir compter sur des ressortissants bénéficiant d'une bonne formation professionnelle. Aussi, le Conseil d'Etat entend-il permettre aux jeunes ayant commencé un apprentissage à Genève de le terminer. Une tolérance de séjour leur sera ainsi accordée jusqu'à l'automne 1999, bien que les directives fédérales prévoient une échéance au 31 décembre 1998.

Les autorités cantonales examineront avec la même bienveillance toutes les demandes d'étudiants souhaitant achever un cycle d'études entamé qui lui seront soumises.

Par ailleurs, le Conseil d'Etat avait déjà fait part de sa volonté de traiter avec compréhension les situations de femmes seules avec enfants. A ce sujet, l'Office fédéral des réfugiés a récemment assoupli sa position : le 30 avril 1998, il a invité les cantons à présenter des demandes de réexamen en leur faveur, laissant entendre qu'il procéderait alors à un examen individuel de l'exigibilité du renvoi et statuerait sur l'opportunité de prononcer une admission provisoire.

Notre canton utilisera systématiquement cette possibilité. Aux femmes qui n'obtiendraient pas une prolongation de leur délai de départ, voire une admission provisoire individuelle, et dont les enfants ne seraient pas scolarisés, le Conseil d'Etat accordera une tolérance de séjour calquée, dans un premier temps, sur les prolongations accordées aux familles avec enfants scolarisés par les autorités fédérales (juillet 1998).

Dans tous les cas, le Conseil d'Etat réévaluera sa position à l'échéance des prolongations de séjour accordées par la Confédération en se fondant à la fois sur l'évolution des conditions de retour en Bosnie-Herzégovine et sur le respect de ses décisions.

5. Prise en charge

Dans ses directives, la Confédération a rappelé que la non-observation des échéances qu'elle avait fixées avait une double conséquence : la suppression de l'assistance fédérale et l'extinction du droit à l'aide financière au retour et à la réintégration pour les personnes concernées.

Dans le contexte financier actuel, le Conseil d'Etat souhaite subordonner toute tolérance de séjour cantonale à une déclaration de prise en charge par des parents ou des proches titulaires d'une autorisation de séjour ou d'établissement, voire par le biais d'un parrainage.

Dans ce cadre-là, le Conseil d'Etat peut envisager de favoriser la mise en oeuvre, en lien avec le monde associatif, d'un réseau de solidarité assurant une partie de la prise en charge des ex-résidents bosniaques faisant l'objet d'une prolongation de séjour octroyée par le canton.

Cela étant, pour éviter que des personnes actives jusque-là ne doivent être assistées, le Conseil d'Etat poursuivra sa politique consistant à autoriser un étranger sous obligation de départ à garder son emploi jusqu'au moment où il quitte effectivement la Suisse.

Proposition de résolution(375)sur la situation des ressortissants de Bosnie

EXPOSÉ DES MOTIFS

Il y a d'un côté les paroles, que chacun interprète à sa manière et de l'autre la réalité du quotidien pour les personnes directement concernées par ces renvois et qui de délais en délais doivent tenter de vivre normalement.

Nous ne pouvons pas prendre la responsabilité de laisser ces personnes dans l'angoisse. Le Conseil d'Etat doit affirmer ce soir qu'il ne procédera à aucun renvoi durant l'été, période où chacun sait à quel point la mobilisation est rendue compliquée par les vacances des uns et des autres.

Les signataires de cette résolution sont conscients de l'agenda très chargé du Conseil d'Etat et l'entretien demandé n'a de sens que si le Conseil d'Etat ne donne pas clairement ce soir de garanties.

Au cas où il le ferait, ce que nous souhaitons, il n'y aurait plus lieu de se réunir dans l'urgence, mais de prévoir cette réunion à la rentrée parlementaire.

Il nous semble en effet indispensable que le Conseil d'Etat et le Parlement puisse se rencontrer, afin d'établir les bases d'une politique d'asile cantonale qui nous évite de devoir toujours agir dans l'urgence.

Nous vous remercions de réserver un accueil favorable à notre proposition.

RAPPORT DE LA COMMISSION DES PETITIONS

Extrêmement préoccupées par la situation dans laquelle vivent quelques centaines de Bosniaques et de Kosovars qui ont trouvé refuge dans notre canton alors que sévissaient les pires horreurs dans leur pays, diverses associations représentant un secteur de la population genevoise, ont déposé les trois pétitions reproduites ci-dessous, dans le contexte de l'urgence et afin de reporter les renvois.

La Commission des pétitions s'est réunie pour traiter ces objets et auditionner les pétitionnaires les 20 avril et 18 mai 1998 sous la présidence de Mme Mireille Gossauer-Zurcher. Ces trois pétitions sont traitées chronologiquement dans ce rapport, dans l'ordre où elles sont arrivées au Grand Conseil.

Pétition(1194)

Soutien aux mères seules de Bosnie

Mesdames etMessieurs les députés,

Nous nous déclarons solidaires des "; Mères de Bosnie seules avec enfants " et demandons instamment pour elles et leurs enfants un statut qui leur permette de rester en Suisse. Il s'agit d'un petit groupe de femmes seules, veuves ou divorcées, au bénéfice d'un permis F, révocable en tout temps, que la Confédération veut renvoyer à partir du 30 avril 1998.

Mme Rina Nissimp.a. EFI Espace Femmes International - 2, rue de la Tannerie - 1227 Carouge

***

Audition de Mmes Maryelle Budry (Association femmes en noir), Chotzoufeh Samii (Centre F-Info), Rina Nissim (Association femmes en noir et Espace Femmes Internationales), Marina Decarro (Collectif du 14 Juin), Zlata Kudra (Mères de Bosnie seules avec enfants) et Sylvie Bonnard (Collectif du 14 Juin).

Mme Maryelle Budry précise que les "; Mères de Bosnie " sont soutenues par 17 associations dont Femmes en noir et le Centre Social Protestant. Les pétitionnaires ont récolté environ 1000 signatures, principalement lors de la Journée internationale des femmes, le 8 mars 1998, dédiée cette année aux réfugié-e-s. D'autres signatures ont aussi été récoltées dans les écoles que fréquentent les enfants des "; Mères de Bosnie ".

Toutes les informations en provenance de Bosnie prouvent qu'un retour massif de réfugiés aurait pour conséquence de fragiliser le pays et serait une potentielle source de conflits. De plus, la grande majorité des femmes de ce groupe ont vu leurs familles décimées par les massacres "; ethniques ". La paix, telle qu'issue des Accords de Dayton, n'est malheureusement pas encore synonyme de sécurité. Il ne s'agit pas d'une vraie paix garantissant la libre-circulation, l'accès à un logement, à l'éducation et au travail. Le chômage touche les 80 % de la population. Près de la moitié des écoles ont été détruites et comme le précise le rapport d'évaluation du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) (voir annexe 1) "; ...le retour des enfants serait une surcharge pour le système scolaire, en effectif et d'un point de vue financier, mais les réfugiés rentreront inévitablement dans des conditions difficiles et seront en butte au ressentiment de ceux qui sont restés sur place durant la guerre. " En ce qui concerne le logement, la plupart des maisons sont occupées par d'autres personnes que leurs propriétaires et à Sarajevo, le programme de logement de la Direction pour le développement et de la coopération (DDC) ne les attribue qu'aux personnes originaires de cette ville.

De plus, le pays compte déjà de nombreux déplacés, par conséquent un retour implique souvent une installation dans un camp de réfugiés. Mme Rina Nissim ose espérer que la situation sera meilleure dans quelques années et précise que le but des "; Mères de Bosnie " n'est pas de vivre en Suisse, mais bien d'attendre que les conditions sur place leur permettent une vie décente et non de croupir dans un camp.

Alors que le délai de départ était fixé au 30 avril, les "; Mères de Bosnie " ont décidé de s'unir et de se structurer en association. Elles sont 24 mères et 34 enfants (19 sont veuves, 3 divorcées et 2 ont un mari disparu). Mme Zlata Kudra est l'une des ces "; Mères de Bosnie " qui élèvent seules leurs enfants. La plupart d'entre elles ont perdu leur mari en Bosnie durant la guerre, dans les opérations d'épuration "; ethnique ". Pour la majorité d'entre elles, leur maison et leur village ont été détruits. Mme Kudra espère que la demande de son association aboutira, mais quoi qu'il arrive et au nom des "; Mères de Bosnie " elle tient à remercier la Suisse et Genève pour tout ce qui a été fait pour elles et pour leurs enfants qui sont tout ce qui leur reste.

Emus par ces témoignages, les commissaires sont informés par la présidente qu'une députée aurait reçu l'assurance du directeur de l'Office fédéral des réfugiés (ODR), M. Gerber, qu'il n'avait pas l'intention de renvoyer les femmes seules avec enfants.

Pétition(1197)

Solidarité avec la Kosove

Mesdames etMessieurs les députés,

N.B. : 11 062 signatures

M. .

p.a. Université Populaire Albanaise12, rue de Lyon - Case postale 593 - 1211 Genève 13

Audition de Mme Hanife Meterapi (membre de l'UPA) et de MM. Ueli Leuenberger (Directeur de l'Université Populaire Albanaise), Jacques Mino (Ligue suisse des Droits de l'Homme et membre du comité de l'UPA), Januz Salihi (Réfugié statutaire et membre du comité de l'UPA) et Fahredin Ramiqi

M. Ueli Leuenberger signale que la pétition avait recueilli plus de 11 000 signatures lors de son dépôt et que cette même pétition à été transmise au Conseil fédéral avec 12 000 signatures de plus, provenant de toute la Suisse dont 2000 supplémentaires de Genève. Elle a été lancée par l'Université Populaire Albanaise (UPA) et l'Union des Associations Albanaises de suisse. Elle est soutenue par une cinquantaine d'organisations au niveau suisse (voir texte ci-dessous). Il faut préciser que la situation évoluant chaque jour, entre le dépôt de cette pétition et l'audition, le Conseil d'Etat a pris la décision de surseoir aux expulsions des Kosovars, à l'exception des délinquants. Le texte suivant complète et réactualise la pétition :

page 6

La pétition 1197, précise M. Ueli Leuenberger, demande tout d'abord la suspension de tous les renvois de requérants d'asile kosovars vers la "; République fédérale de Yougoslavie " tant que les autorités de cette république ne garantiront pas la sécurité des rapatriés et que la situation des Droits de l'Homme ne sera pas améliorée d'une manière substantielle ; de plus, elle demande l'attribution d'un permis F, c'est-à-dire l'admission provisoire, pour tous les requérants d'asile albanais de la Kosove en Suisse ; ainsi que le soutien à l'autodétermination du peuple albanais. M. Leuenberger rappelle que le Grand Conseil a voté une motion allant dans le sens de la pétition 1197. Les pétitionnaires souhaitent la suspension des renvois de tous les requérants à l'exception des délinquants. Ce sont les dispositions que les cantons de Vaud et Zoug ont prises. M. Leuenberger signale un autre problème, à savoir celui de la précarité dans laquelle les requérants d'asile se trouvent.

La situation en Kosove s'aggrave de jour en jour. Le dispositif militaire se met progressivement en place. M. Leuenberger indique, sur une carte qu'il distribue, les lieux où il y a déjà maintenant des affrontements militaires. M. Gerber, directeur de l'ODR, affirmait qu'il y avait des problèmes uniquement dans deux villages, en fait il s'agit de deux districts.

M. Jacques Mino revient sur la situation de précarité dans laquelle se trouvent les Kosovars. En Suisse, ils sont dans une situation de non-droit et ne disposent d'aucun document d'identité. Ils ne peuvent pas travailler, car leurs attestations de délai de départ mentionnent la date à laquelle ils sont supposés partir (renouvelée tous les deux ou trois mois, voir annexe 2.) Aucun employeur ne veut engager une personne dont l'échéance de départ est si proche. Avec ce système, on interdit aux Kosovars de gagner dignement leur vie. M. Mino estime que le canton pourrait octroyer des autorisations. Par rapport à la formation professionnelle, il se rend compte qu'il y a des enfants qui ont un délai de départ dans une année. Pour la plupart, ils n'auront donc pas la possibilité d'acquérir une formation professionnelle complète. Il se demande, dans ces circonstances, quels moyens leurs sont donnés pour réaliser leur projet de formation. M. Mino considère qu'il est important de donner aux Kosovars une assise minimum, des droits minimums et un statut juridique conséquent pour qu'ils puissent avoir des projets et afin que leur vie s'améliore.

M. Leuenberger invite les commissaires à se mettre à la place d'un employeur qui reçoit une personne avec pour seul papier l'attestation de délai de départ. Sa réaction est facile à imaginer. C'est le cas de M. Ramiqi, qui présente à la commission son attestation, prolongée de 3 mois en 3 mois, avec laquelle il ne trouve pas de travail et se voit confronté à une précarité humiliante.

Mme Metarapi vit à Genève avec son mari et sa fille de 15 ans qui est en section latine. Ils devront quitter la Suisse le 11 novembre 1998. Jour après jour l'angoisse augmente, plus la situation se dégrade et plus la date fatidique se rapproche. A Genève pourtant, dit-elle, sa famille est heureuse.

Expulsé en 1986, incarcéré et torturé à son retour pendant plus de 4 ans, M. Salihi a finalement obtenu l'asile en revenant en Suisse et en déposant une seconde demande. Il vient apporter son soutien à ses compatriotes et surtout témoigner devant cette commission pour que la Suisse et les députés ne se sentent pas fautifs de l'erreur dont il a été victime, mais pour qu'ils ne commettent pas d'autres erreurs de ce type.

Les pétitionnaires demandent au Grand Conseil de les appuyer, de ne pas expulser ces requérants d'asile. De plus, ils lui demandent de lutter contre la précarité à laquelle ils sont réduits. Ils demandent aussi que ceux qui ont un travail puissent le garder et que ceux qui n'en ont pas puissent en chercher. Selon M. Leuenberger, les requérants d'asile n'occupent pas les places de travail de chômeurs suisses, ils prennent principalement des emplois de nettoyeurs ou dans l'hôtellerie. Enfin, les pétitionnaires souhaiteraient que le canton de Genève fasse entendre sa voix à Berne pour que la Confédération suive l'exemple des Vaudois et des Genevois. Le HCR a recommandé aux Etats de ne pas procéder aux renvois et d'examiner tous les cas au niveau de la procédure d'asile (voir annexe 3.) Sur la question des retours, l'UPA estime qu'il faut maintenir le retour volontaire.

Pétition(1198)

Non-exécution des renvois pour les ressortissants de Bosnie

Mesdames etMessieurs les députés,

Le gouvernement suisse a décidé de renvoyer par la contrainte dès le30 avril 1998 des familles avec enfants ; au traumatisme subi par la guerre s'ajoute celui d'un départ forcé de Suisse :

- ces familles n'ont, pour la plupart, pas accès à leur zone d'origine,

- elles n'ont pas ou plus de liens sociaux dans la zone où elles sont majoritaires,

- déracinées une première fois par la guerre, elles verraient l'équilibre précaire qu'elles ont réussi à bâtir se rompre à nouveau brutalement, et deviendraient des réfugiés de seconde catégorie dans leur propre pays, s'ajoutant au million de déplacés intérieurs, prioritaires,

- elles seraient contraintes de vivre dans des zones où leur sécurité est menacée par 3 millions de mines,

- leurs enfants verraient leurs projets de formation interrompus une seconde fois, créant un traumatisme supplémentaire.

C'est pourquoi :

- soucieux de préserver la tradition humanitaire de Genève,

- conscients des énormes difficultés de réinstallation publiques du HCR, responsable des réfugiés sur place, le rapport d'évaluation de l'Institut d'ethnologie de l'Université de Berne, et l'opinion exprimée par M. Hocke, ancien haut-commissaire aux Nations Unies, lesquels insistent sur la non-exigibilité du renvoi par la contrainte,

- indignés par le fait que la Suisse est avec l'Allemagne le seul pays européen à mettre en oeuvre les renvois par la contrainte, en contradiction flagrante avec l'esprit des accords de Dayton prévoyant le retour des personnes chez elles,

- alarmés par de récents épisodes relatés dans la presse (NZZ, ces derniers jours) lesquels font état d'assassinats perpétrés sur des personnes rentrées dans leur zone d'origine, et de la récente élection d'un criminel de guerre à la tête de l'administration de la principale ville de la Republica Serbska,

Nous, signataires de cette pétition, légitimés par les 7328 signatures de la pétition adressée au Conseil fédéral, demandons instamment aux représentants du Grand Conseil et du Conseil d'Etat genevois de renoncer à exécuter le renvoi par la contrainte de ceux qui n'ont pas de possibilité concrète de réinstallation, mais de leur accorder le droit de poursuivre leur séjour à Genève ; afin d'envisager l'octroi, à titre humanitaire, d'un droit de séjour durable aux cas les plus problématiques. Enfin de tout mettre en oeuvre pour persuader le Conseil fédéral de revenir sur sa décision.

N.B.: 7328 signatures

. .

p.a. Action parrainage - Case postale 177 - 1211 Genève 8

A l'instar de la pétition précédente, la situation depuis le 30 avril, date prévue pour les premiers renvois, ayant évolué et à ce jour débouché sur la décision du Conseil d'Etat de prolonger le délai au 15 juillet, la pétition s'accompagne d'un texte actualisé des pétitionnaires. Ce texte est le suivant :

L'intervention en commission de Mme Nadia Capuzzo, sociologue, est intégralement reprise dans une annexe (4) à ce rapport. Il convient cependant de résumer ses propos ici. Mme Capuzzo souligne en conclusion que la situation actuelle en Bosnie confirme l'impossibilité du retour des réfugiés aujourd'hui. Le rapport produit par l'Institut d'ethnologie de Berne, à la demande de la DDC, relate en détails cette impossibilité en énumérant les conséquences néfastes pour les réfugiés  (voir annexe 5) :

- le retour des réfugiés dans leur lieu d'origine n'est pas possible, la relocalisation dans une autre région est un obstacle à la réintégration ;

- la pénurie de logements augmente et pousse les réfugiés à se reloger dans des zones minées(voir annexe 6) ;

- un trop grand nombre de réfugiés contraints à quitter le pays d'accueil examinent la possibilité d'émigrer dans un pays tiers ;

- les retours en masse renforcent les tensions ethniques et sociales déjà existantes en Bosnie.

Dans ce sens, les réfugiés ne devraient pas être sélectionnés uniquement d'après des critères de famille, mais d'après des critères de ressources favorisant la réintégration.

Mme Irène Savoy tient à témoigner de l'angoisse dans laquelle se trouvent les Bosniaques qu'elle a rencontrés. Elle précise que suite au communiqué de presse du Conseil d'Etat, Action parrainage ainsi que les Eglises ont lancé un appel financier à tous leurs membres et que les communes étudient la possibilité d'accorder une subvention (voir annexe 7). Bien que cet appel ait été entendu, le soutien ne pourra à lui seul incomber à ce seul réseau d'entraide, et l'Etat ne doit pas se décharger totalement de l'assistance aux réfugiés, même si la situation des finances publiques est préoccupante. C'est toute la tradition humanitaire de Genève qui est en jeu et nous comptons beaucoup sur vous pour faire passer notre message, précise-t-elle.

Quotidiennement confrontés à la détresse des parents d'élèves bosniaques, les enseignants, dont fait partie Mme Isabelle Linder, ont vu les enfants s'intégrer, ils ont appris et parlent pour la plupart parfaitement le français. La situation scolaire de certains d'entre eux se détériore à mesure que croît l'incertitude. Les enseignants, qu'elle représente, souhaitent assurer la formation des élèves afin qu'ils puissent rentrer avec un bagage dans leur pays. Dans toutes les écoles genevoises, la mobilisation des enseignants est importante.

Lejla Hrnjadovic, étudiante en 2e année au Collège Voltaire, est arrivée à Genève il y a 4 ans. Elle a été très surprise de recevoir sa lettre de départ alors que son but, son voeu le plus cher est de passer sa maturité dans 2 ans. Si elle rentrait maintenant, elle devrait passer des examens en serbo-croate, langue qu'elle a remisée au fond de sa mémoire, et les seules bonnes écoles sont à Sarajevo alors qu'elle est originaire d'un petit village situé dans l'entité serbe. Elle sait que le regard des autres sera cruel, car elle aura ce que beaucoup n'ont pas eu, une riche expérience de l'étranger, une langue et un meilleur cursus scolaire derrière elle. Elle souhaite bénéficier d'un permis d'étudiant et signale que plusieurs personnes sont prêtes à l'aider financièrement puisque sa famille doit partir et qu'elle est mineure. Il existe une réelle prise de conscience et une mobilisation chez les collégiens, affirme Mme Anne-Laure Huber, elle aussi étudiante.

Mme Alma Ramic vient d'une ville bosniaque actuellement occupée par les Croates. En tant que mère seule avec deux enfants, elle a peur de rentrer dans sa ville car elle est minée (voir annexe 6). Des membres de sa famille, rentrés le 20 mai, à qui la Croix-Rouge avait promis un appartement n'ont toujours pas de logement. Pour ses enfants, elle voudrait attendre encore un peu, que la situation là-bas se calme. Pour Mme Tala Nikonov, le retour des personnes comme Mme Ramic est tout simplement impossible et inconcevable. Elles ne sauront pas où aller ni comment subvenir à leurs besoins. Les pétitionnaires demandent à ce qu'une solution soit trouvée pour autoriser le séjour de ces personnes.

Discussions et vote

Au-delà de l'émotion qu'ont suscité les récits tant des "; Mères de Bosnie " que des Kosovars et des Bosniaques venus apporter leurs témoignages, leur histoire, leur gratitude et leurs espoirs, mais en particulier leur immense désarroi face à un avenir plus qu'incertain, les commissaires ont immédiatement décidé que ces pétitions, à l'évidence devaient être renvoyées au Conseil d'Etat. Tout aussi sensibilisés par la terrible situation de tous ceux qui devront un jour quitter la Suisse, deux commissaires libéraux ont estimé que le Conseil d'Etat avait déjà donné les signes politiques suffisants et que de plus la politique étrangère incombe à la Confédération. Les conditions élémentaires de sécurité et de vie n'étant pas et de loin remplies en Bosnie, encore moins en Kosove puisqu'une situation de guerre intérieure et de massacres ont poussé plus de 50 000 personnes sur les routes ces jours-ci, la grande majorité de cette commission s'est plutôt penchée sur ce qu'elle envisage dans le canton pour toutes celles et ceux, en provenance de Bosnie ou de Kosove, qui y ont trouvé refuge.

Deux éléments fondamentaux ressortent de nos discussions. Les commissaires estiment prioritaire, étant donné la notion qu'ils se font de la cohérence en tant qu'élus de la République et canton de Genève, symbole international du refuge et "; cité internationale des Droits de l'Homme " selon M. Flavio Cotti, que soient appliquées :

1. la décision de non-renvoi jusqu'à ce que les conditions de vie et de sécurité soient remplies selon les critères du HCR, tant en Bosnie qu'en Kosove (voir annexe 8) ;

2. l'attribution d'un statut permettant à ces personnes de travailler.

Ce rapport serait incomplet s'il ne mentionnait pas l'évolution continue de ce dossier. Entre la date du vote en commission et celle où la rapporteuse rédige les conclusions de ces discussions, le Conseil d'Etat s'est engagé, d'abord sur le dossier de la Kosove, à ne pas renvoyer les 500 personnes sous obligation de départ jusqu'à ce que les circonstances permettent un retour (déclaration du Conseil d'Etat du 23 avril 1998).

En ce qui concerne le dossier bosniaque, le Conseil d'Etat a déclaré lors d'une rencontre avec les représentants d'Action Parrainage et des Eglises, le 3 juin dernier, qu'une directive autorisant les Bosniaques à travailler jusqu'au jour de leur départ serait appliquée avec toute la rigueur nécessaire. Par ailleurs, le Conseil d'Etat a répondu à la motion 1211, réitérant la non-utilisation de la contrainte ainsi que l'attention particulière qu'il porterait au réexamen individuel de chaque personne ou famille concernée.

En conclusion de nos travaux, il a été mentionné, entre autres faits importants, qu'il existe une jurisprudence avec l'arrêt du Tribunal fédéral (de la deuxième Cour de droit public, dans sa séance du 25 octobre 1995 avec pour référence 2P.418/194/MKS) sur le revenu d'existence minimum qui s'applique, quel que soit le statut juridique ou l'absence de celui-ci, à toute personne se trouvant sur le territoire de la Confédération. En fin de compte, une question de fond se pose : à quel niveau de hiérarchie est-il possible de prendre des décisions qui pèsent sur la destinée d'un être humain ?

La commission a accepté de renvoyer ces trois pétitions au Conseil d'Etat par 10 voix (3 AdG, 3 S, 2 Ve, 2 R) et 2 abstentions libérales. Elle vous recommande avec ardeur, Mesdames et Messieurs les députés, à faire de même, à l'unanimité.

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Débat

Mme Anita Cuénod(AdG), rapporteuse. Si les leçons de l'Histoire, avec un grand H, dans ses aspects les plus sombres, ne sont pas tirées avec toute l'objectivité qu'implique une telle relecture, nous rendrons des comptes, une fois de plus, dans dix, vingt ou cinquante ans sur le lit de cendres de notre prétendue terre d'asile et de notre prétendue vocation humanitaire. Nous sommes pourtant nombreux à Genève et partout en Suisse à sentir les stigmates de la honte et à ne pas vouloir d'une société fermée sur elle-même et déterminée à profiter de ses richesses, de son confort et de son décor bucolique, cloîtrée dans l'égoïsme des privilégiés. Nous n'admettons pas l'invocation par d'aucuns de l'argument spécieux qui prétend que la barque serait presque pleine, ceci pour endiguer la montée d'une dérive xénophobe qu'on alimente en sous-main par de tels discours.

La Kosove est à feu et à sang. Les forces paramilitaires serbes, sous couvert de répression anti-indépendantiste, provoquent la terreur et se livrent une fois de plus au nettoyage ethnique. Dans ces conditions, surseoir au renvoi était une mesure impérative mais le délai de tolérance au 30 juillet nous semble non seulement court mais infiniment pénible pour tous ceux qui ne sont en définitive admis que dans un provisoire insupportable. Quant à la situation en Bosnie, les témoignages recueillis lors des auditions de la commission des pétitions concordent avec les rapports des spécialistes et du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies en particulier. La paix issue des Accords de Dayton prendra du temps à se concrétiser. Les catégories les plus menacées comme, par exemple, les mères seules, les adolescents en formation, les couples mixtes et les personnes n'ayant plus accès à leur lieu d'origine, doivent bénéficier d'une prolongation de tolérance avec documents d'une durée leur permettant d'envisager leur retour volontaire dans des circonstances optimales. Fuir son pays n'est pas un véritable choix et, faut-il le rappeler, rentrer demeure dans l'esprit de la plupart des exilés un but en soi.

Si nous saluons la décision prise par le Conseil d'Etat, autorisant les personnes bénéficiant d'une tolérance de séjour cantonale à garder leur travail, voire à prendre un premier ou un nouvel emploi afin de réduire leurs besoins d'assistance, nous sommes néanmoins très préoccupés par la suite des événements. Mesdames et Messieurs les députés, que se passera-t-il cet été ? La situation aura-t-elle évolué comme par un coup de baguette magique au point que le Conseil d'Etat déterminera les retours possibles ? Posons-nous la question avant peut-être de partir en vacances !

Qu'en est-il de l'assistance cantonale et de la répartition équitable des charges avec les réseaux de solidarité ? Malgré la bienveillance dont vous faites preuve, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, un certain flou persiste, maintenant plusieurs centaines de personnes dans l'ignorance de ce que leur réserve l'avenir immédiat. Le 15 juillet, c'est demain et vous êtes en quelque sorte maîtres de leur destin. Mesdames et Messieurs les députés, renvoyons au Conseil d'Etat, sans tarder, ces trois pétitions qui plaident pour la suspension des délais de départ vers la Bosnie et la Kosove.

Mme Louiza Mottaz (Ve). C'est l'article 1 des droits de l'homme : «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit, ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.» Il est le reflet de ce que nous entendons défendre au travers de ces pétitions. Toutes nous rappellent que des personnes attendent, espèrent en nous. Chacune nous interroge sur des concepts tels que dignité, droit, raison, conscience, esprit de fraternité. Avons-nous le droit de rester sourds, sans conscience ou le devoir d'entendre et de faire vivre notre esprit de fraternité ?

Chacun est libre de faire son choix. Le nôtre est celui de protection, de solidarité. Personne n'ignore que la guerre bafoue tous les droits et qu'actuellement aucun des pétitionnaires ne sera en sécurité dans son pays. Dès lors, Mesdames et Messieurs, il nous est difficile de comprendre et d'accepter un ordre de renvoi. En conscience, nous pensons avoir un devoir d'obéissance à l'article 1 des droits de l'homme et en l'occurrence, malheureusement, de désobéissance à l'égard de notre Conseil fédéral. Nous voulons désobéir et nous demandons à notre Conseil d'Etat de se joindre à nous. Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, nous attendons votre décision de non-renvoi, claire et ferme, de tous les réfugiés tant que n'existera pas pour eux, dans leur pays, de sécurité véritable. Nous renvoyons ces pétitions à votre compréhension en faisant appel à votre humanisme.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Beaucoup de choses ont déjà été dites sur la situation en Bosnie. J'interviendrai sur la motion plutôt que sur les trois pétitions même si elles traitent du même sujet. J'aimerais me faire l'écho d'un témoignage que j'ai reçu il y a une semaine d'un représentant d'un organisme de déminage, la Fédération suisse de déminage, qui est venu me trouver. Il rentrait de Bosnie. Il avait été sollicité d'urgence dans un village à la frontière avec la République serbe. Il avait été appelé là-bas parce que plusieurs familles qui venaient de rentrer de Suisse se trouvaient dans ce village. Son témoignage pourrait se résumer ainsi : la zone est entièrement minée, les enfants ne peuvent aller jouer, les adultes n'ont pas la possibilité d'aller cultiver les champs pour avoir des repas dignes de ce nom. Ils ont bien, lors de leur retour, reçu un pécule offert par la Suisse mais qui a pour seul effet de tripler le prix de tout ce qu'ils achètent. Enfin, les aménagements qu'ils essaient d'apporter à leur demeure sont systématiquement incendiés par les Serbes tout proches. La situation est tellement dramatique qu'il semble que la Confédération soit prête à accorder des crédits pour déminer cette zone de toute urgence. Espérons que d'ici là aucun gosse ne posera le pied sur une mine.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés et Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, à quelle vie nous renvoyons des ressortissants bosniaques. Nous ici, députés, nous tenons à dire que nous ne pouvons accepter de nouveaux renvois tant que la situation sur place n'aura pas changé. Et c'est forts de cette conviction que nous renverrons au Conseil d'Etat les trois pétitions dont Mme Cuénod a déjà fait état, mais que nous refuserons aussi le rapport de celui-ci sur la motion. En effet, ce rapport n'est pas acceptable. En termes humains, réalisez-vous ce que vous infligez à ces gens par vos propos ? Vous dites que vous réexaminerez avec bienveillance la situation des étudiants mais pas après septembre 1999 même si les études ne sont pas finies. Vous affirmez que vous réévaluerez les situations mais, parallèlement, vous avez déclaré il y a peu que les prolongations seraient octroyées jusqu'au 15 juillet, soit dans trois semaines. Enfin, vous avertissez ces gens «qu'une éventuelle prolongation de leur autorisation de séjour sera subordonnée à une prise en charge financière par des tiers». Fait-on une réflexion humaine ou économique ?

En fait on conditionne l'octroi de notre protection à de l'argent et cela est inacceptable. Ce que nous aimerions vous entendre dire, Mesdames et Messieurs du Conseil d'Etat et en particulier M. Ramseyer puisqu'il est en charge de ce département, c'est premièrement qu'il n'y aura aucun renvoi par la contrainte - et quand je dis contrainte je parle aussi des pressions d'ordre psychologique, et pas uniquement des contraintes par la force - et ce pour toutes les catégories de Bosniaques. Deuxièmement, l'octroi d'autorisations de séjour claires et non pas de bouts de papier sur lesquels s'ajoutent, mois après mois, des prolongations de séjour qui ne permettent à aucun de ces ressortissants de trouver un emploi. Enfin, troisièmement, un maintien de la prise en charge portant au minimum sur le logement et les assurances. Solidarité il doit y avoir et la Ville en a montré l'exemple. Quelques communes ont déjà suivi, mais l'Etat ne peut pas se décharger totalement et doit au minimum prendre en charge le logement et les assurances. C'est ce que nous aimerions vous entendre dire ce soir.

Mme Mireille Gossauer-Zurcher (S). S'agissant des pétitions, comme l'a mentionné notre collègue Elisabeth Reusse-Decrey, il est bien évident que le groupe socialiste soutient le renvoi au Conseil d'Etat. Chacune d'entre elles évoque les dramatiques problèmes auxquels sont confrontés certains groupes de population. Outre les mères seules de Bosnie, les Kosovars ou les Bosniaques, nous pensons à tous ceux qui seraient expulsés vers leur pays où ne règne pas une vraie sécurité. Parmi toutes les informations qui nous renseignent sur la situation de certaines régions, le HCR donne un éclairage suffisant pour comprendre l'impossibilité du retour des réfugiés aujourd'hui.

En tant qu'élus et citoyens, nous devons assurer la protection à ces gens qui nous l'ont demandée. Genève se doit d'aller au bout de sa politique d'accueil et de ne pas céder aux pressions d'une minorité qui veut nous faire croire que tout va bien dans ce pays et que ceux qui souhaitent rester ne veulent que profiter de notre système. La démonstration de solidarité des écoliers genevois doit être un exemple pour nous. N'oublions donc pas les jeunes ! L'investissement consenti à ce jour est une véritable aide pour la reconstruction de leur pays. Ne gaspillons pas cet effort et permettons-leur d'aller au bout de leur formation ! Mesdames et Messieurs les députés, nous vous recommandons vivement le renvoi de ces pétitions au Conseil d'Etat afin de ne pas regretter une décision hâtive dont nous aurons honte dans quelques années.

Mme Jeannine de Haller (AdG). Nous avions demandé la lecture d'une lettre et d'une résolution sur ce sujet. Mais auparavant je voudrais aussi intervenir.

J'aimerais tout d'abord reprendre à mon compte le billet que Maurice Gardiol a écrit dans «Le Courrier», le 6 mai dernier : «Aujourd'hui, j'ai honte en voyant notre pays renvoyer par la contrainte les victimes encore traumatisées d'une sale guerre en Bosnie alors que personne ne peut garantir leur sécurité. Aujourd'hui, j'ai honte en constatant qu'aucun conseiller fédéral ne se désolidarise des décisions irresponsables du Département fédéral de justice et police. Aujourd'hui, j'ai honte en apprenant que nos autorités assistent à la remise de médailles aux Justes d'il y a cinquante ans ou à la commémoration de la Shoa tout en cautionnant une si grande injustice. Aujourd'hui, j'ai honte en lisant que le Conseil d'Etat genevois, malgré de très nombreuses pétitions, une motion du Grand Conseil, les recommandations très claires du Haut Commissariat pour les réfugiés, des oeuvres d'entraide et des Eglises, persiste à se rendre complice d'une politique indigne et de la violation des Accords de Dayton. Quelle inconscience de laisser planer les menaces sur des personnes angoissées et de faire reposer le fardeau de leur assistance sur leurs seuls parrains qui se battent tout au long de l'année pour sauver l'honneur de notre pays ! Comment voulons-nous appeler les jeunes générations à un engagement civique responsable après tant de lâcheté et d'hypocrisie ?»

J'ajouterai pour ma part que c'est toute la tradition humanitaire de Genève qui est en jeu dans ce débat. En tant qu'élus du canton de Genève, Genève qui prétend être un symbole international du refuge et la cité internationale des droits de l'homme, nous estimons prioritaire, avec les députés membres de la commission des pétitions, que soit appliquée la décision de non-renvoi des Bosniaques et des Kosovars jusqu'à ce que les conditions de vie et de sécurité sur place soient remplies selon les critères du Haut Commissariat pour les réfugiés.

Le Conseil d'Etat genevois craint, comme d'autres gouvernements, la montée de l'extrême-droite. Or, la réalité fédérale montre que toutes les concessions de M. Koller et de ses collègues du Conseil fédéral à la xénophobie et au racisme n'ont en rien entravé la progression de ces sentiments dans une partie de la population ni freiné les exigences de l'UDC. De plus, les mesures de renvoi prévues par la Confédération ne concernent à Genève qu'un nombre réduit de personnes, soit environ quatre cent nonante personnes. Pour la plupart, ce sont des familles avec des enfants scolarisés souvent déjà bien intégrés, quatre cent nonante hommes, femmes et enfants. Personne n'osera sérieusement affirmer que la barque est pleine. Il n'y a qu'une réponse qui serait de nature à rassurer les requérants concernés et les défenseurs des droits de l'homme, à savoir que Genève n'expulsera plus aucun demandeur d'asile vers un pays où n'existe pas une sécurité véritable.

C'est pourquoi, avec toutes les personnes qui se sont manifestées publiquement sur ce sujet, nous demandons instamment au Conseil d'Etat de suspendre les renvois par la contrainte qui sont humainement inacceptables, de tout mettre en oeuvre pour que les jeunes Bosniaques puissent acquérir un bagage scolaire ou une formation professionnelle qui leur permette un jour de contribuer à la reconstruction de leur pays, de repousser au-delà de 1999 les délais pour les étudiants et les jeunes en formation, de délivrer les autorisations nécessaires à l'entrée en apprentissage des jeunes et, surtout, de ne pas démembrer les familles. (Applaudissements.)

Le président. Il a été demandé la lecture de deux lettres. Je prie le secrétaire de bien vouloir procéder à la lecture de ces lettres.  

Lettre

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Résolution

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Il y a d'un côté les paroles que chacun interprète à sa manière et, de l'autre, la réalité du quotidien pour des personnes directement concernées par ces renvois et qui, de délai en délai, doivent tenter de vivre normalement. Le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1211 prête à interprétation, raison pour laquelle notre groupe le renverra aussi au Conseil d'Etat pour toutes les raisons qui ont été rapportées tout à l'heure par Mme Reusse-Decrey. Notre groupe demande également au Conseil d'Etat de prendre ce soir l'engagement de ne procéder à aucun renvoi de ressortissants bosniaques et de prendre aussi l'engagement que rien ne sera entrepris pendant la période estivale où, comme chacun sait, la mobilisation est particulièrement difficile. Nous ne pouvons pas partir ce soir, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, sans un engagement formel de votre part. Pour plus de sécurité d'ailleurs, nous avons déposé une résolution signée par de très nombreux députés. J'en profite pour m'excuser auprès de ceux qui auraient souhaité la signer. Il y avait évidemment une question de délai puisqu'il fallait la déposer ce soir, à 17 h.

Cette résolution demande que le Conseil d'Etat organise une rencontre entre des députés du Grand Conseil et la délégation du Conseil d'Etat en charge du dossier et que cette rencontre ait lieu la semaine prochaine. En cas d'engagement pris ce soir par le Conseil d'Etat de ne procéder à aucun renvoi, nous sommes prêts à renvoyer cette rencontre à la rentrée parlementaire. Nous souhaitons la maintenir car il nous semble en effet indispensable que le Conseil d'Etat et le parlement puissent se rencontrer afin de jeter les bases d'une politique d'asile cantonale qui nous évite de devoir toujours agir dans l'urgence.

J'aimerais enfin poser une question au Conseil d'Etat. Dans son rapport, à la page 4, lorsqu'il parle de prise en charge, le Conseil d'Etat dit : «Dans le contexte financier actuel, le Conseil d'Etat souhaite subordonner toute tolérance de séjour cantonale à une déclaration de prise en charge par des parents ou des proches titulaires d'une autorisation de séjour ou d'établissement, voire par le biais d'un parrainage.» Non seulement des associations se sont mobilisées mais des conseils municipaux ont voté des crédits. C'est le cas pour la Ville de Genève qui, au mois de mai, a voté un crédit de 300 000 F. J'apprends aujourd'hui, mais cela est bien sûr à confirmer, que le Conseil d'Etat pour des raisons que j'espère uniquement budgétaires, vient de refuser ce crédit en demandant au Conseil municipal de la Ville de trouver une équivalence de 300 000 F dans son budget avant de pouvoir l'accepter. Je souhaiterais que l'on me donne une réponse à ce sujet également.

M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Je vais répondre un peu longuement à ces cinq textes parlementaires avec l'intention claire de mettre certaines choses au point. Concernant tout d'abord le contexte, je rappellerai que le Conseil fédéral a levé l'admission provisoire collective accordée aux résidents bosniaques dits «réfugiés de la violence». Les autorités fédérales ont fixé au 30 avril 1998 le délai de départ des familles avec enfants. Il a autorisé une prolongation de ce délai au 15 juillet 1998 pour les familles avec enfants scolarisés, pour autant bien sûr que les personnes concernées le demandent. La Confédération a ainsi répondu à une requête expresse de quelques cantons dont Genève, visant à permettre aux enfants de terminer l'année scolaire en cours.

Quelle est dès lors la situation à Genève et je rappelle que je ne parle que des Bosniaques ? Sur les neuf cents personnes admises au bénéfice de l'admission provisoire collective, trois cent septante et une, donc un tiers, sont encore sous obligation de départ, deux cent septante et une sont retournées volontairement en Bosnie-Herzégovine et deux cent cinquante-huit, soit un autre tiers, ont obtenu l'autorisation de rester dans notre pays. Restent donc trois cent septante et une personnes, dont cent trente-huit sont en discussion avec le bureau de départ de la Croix-Rouge genevoise pour organiser leur départ. Le solde en litige porte sur deux cent trente-trois personnes. Cent quarante-quatre personnes sont aujourd'hui au bénéfice d'une prolongation de leur délai de départ au 15 juillet pour des raisons liées à la scolarité des enfants. Il s'agit donc de ceux qui avaient reçu un délai à avril et qui ont obtenu un nouveau délai au 15 juillet à notre demande, pour qu'ils puissent terminer leur scolarité.

Dans le rapport à la motion 1211, le Conseil d'Etat rappelait que ce délai fédéral a été appliqué dans chaque dossier. Il précisait également qu'il procéderait à une analyse de situation avant la fin de l'année scolaire et qu'il prendrait alors une décision sur le séjour à Genève des personnes concernées. Quels sont dès lors les éléments à prendre en considération si l'on veut parler objectivement de ce sujet ? D'abord, j'observe que dans les cinq textes qui nous sont soumis, on enfonce certaines portes ouvertes puisqu'il a déjà été répondu à certaines de ces demandes.

Je répète que les autorités fédérales ont exceptionnellement prolongé le délai de départ au 15 juillet 1998. Or, la Confédération n'accordera pas une nouvelle prolongation de délai. Le 22 de ce mois, j'ai rencontré M. Gerber de l'Office fédéral des réfugiés (ODR), qui ne m'a donné aucune contre-indication à ce sujet. J'ai personnellement pu noter que la pression de certains cantons à ce sujet était forte dans le sens du maintien de cette obligation de départ et je fais allusion à d'autres cantons que celui de Genève. Cela étant, des demandes peuvent en tout temps être adressées aux autorités fédérales compétentes pour toute situation à caractère humanitaire ou médical. Il y a actuellement cent quatre personnes sur les trois cent septante et une qui sont en procédure de réexamen ou de reconsidération pour ces raisons. Par l'intermédiaire de leurs directions de l'enseignement respectives, les enseignants ont été informés à la fin de l'année dernière de l'opportunité offerte à leurs élèves bosniaques de terminer l'année scolaire. L'octroi d'une autorisation de séjour est soumis à l'approbation fédérale que notre canton obtiendra d'autant moins facilement qu'il aura passé outre une obligation de départ fédérale. J'attire votre attention sur le fait que, dans ces conditions, Genève aurait un contingent extrêmement fourni de personnes en zone dite grise, en zone floue, et que ces situations deviendront difficilement gérables par la suite.

Le fait de ne pas accorder une tolérance de séjour n'implique pas nécessairement le recours à l'usage de la contrainte pour exécuter un départ. Il faut ici rappeler qu'à ce jour aucun renvoi n'a été effectué par la force vers la Bosnie-Herzégovine. Il découle par contre une absence d'obligation de prise en charge par l'assistance publique cantonale des personnes qui se soustraient au départ. Le canton a accordé une tolérance de séjour au 31 décembre 1998 sujette à prolongation au 31 décembre 1999 à tous les jeunes en apprentissage et aux élèves d'écoles supérieures pour leur permettre de terminer leur formation professionnelle. A ce jour, nous n'avons reçu que cinq demandes, toutes parfaitement motivées et accompagnées d'un plan de financement privé. Le canton a également accordé une tolérance de séjour au 15 juillet 1998 aux femmes seules avec enfants non scolarisés dont la situation fait l'objet de la pétition 1194.

L'ODR avait d'ailleurs suggéré aux personnes appartenant à cette catégorie de lui adresser des demandes de réexamen pour qu'il puisse procéder à un examen individuel de l'exigibilité du renvoi, voire se déterminer sur l'opportunité de prononcer une admission provisoire dans les cas où les autorités fédérales ne régulariseraient pas le séjour des demanderesses. Le canton pourrait éventuellement prolonger la tolérance de séjour au 31 décembre 1998, voire au 30 juin 1999, s'agissant là de situations plus délicates. Par souci de cohérence, il devrait alors accorder le même privilège aux femmes seules avec enfants scolarisés. Le canton de Vaud est le canton suisse qui s'était le plus engagé contre le renvoi des Bosniaques. Or, il n'accordera pas de tolérance de séjour aux familles avec enfants scolarisés au-delà du mois de juillet 1998. Par contre, comme chez nous, les femmes seules avec enfants pourront rester dans le canton jusqu'en juin 1999. Nous affirmons, même si cela ne vous convainc pas, que la circonspection doit prévaloir dans l'examen des situations particulières.

Je me suis exprimé uniquement sur le cas des Bosniaques. Concernant les Kosovars, je rappelle simplement que nous avons annoncé le 23 avril 1998, que nous suspendions tous les renvois vers la Kosove à l'exception de ceux des délinquants.

A la lumière des explications qui précèdent, le Conseil d'Etat confirme les termes de son rapport en réponse à la motion 1211. Etant donné qu'un certain nombre de situations font actuellement l'objet d'une demande de réexamen auprès de l'ODR, le Conseil d'Etat se déterminera d'urgence avant la fin de l'année scolaire. Mais la résolution 375 demande une audience auprès de la délégation du Conseil d'Etat chargée des réfugiés. Je rappelle que cette délégation est présidée par M. le conseiller d'Etat Guy-Olivier Segond et que Mme Brunschwig Graf et moi-même sommes membres de cette délégation. Je vous informe que cette audience est fixée à 12 h le 1er juillet 1998 à la salle Nicolas-Bogueret. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce que j'entendais dire en réponse aux nombreux textes qui nous sont soumis ce soir.

Mme Liliane Charrière Debelle (S). Je n'interviendrai pas sur les paroles que vient de prononcer M. Ramseyer. Je voulais intervenir juste avant sa prestation et faire un simple constat. Je voudrais remercier, même si cela a un tout petit peu changé depuis, la vingtaine de députés d'en face qui ont assisté aux débats. Je les remercie car, eux mis à part, les rangs étaient plutôt clairsemés. Il est vrai que nous avons chacun nos intérêts mais je trouve quelque peu regrettable que seuls vingt députés de l'Entente se soient intéressés à ce sujet ô combien important. Dans cinquante ans, on dira : «Ils auraient dû..., il aurait fallu..., il ne fallait pas les renvoyer», mais cela sera trop tard. Je pense que ce sujet aurait mérité que l'ensemble de ce parlement écoute ce qui se disait. (Applaudissements.)

Le président. Je rappelle qu'il est interdit de manifester à la tribune, s'il vous plaît. A défaut, je serai obligé de faire évacuer la tribune, ce qui serait regrettable.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). J'ai bien écouté les propos de M. Ramseyer qui conclut en disant : «A la lumière de tout ce qui vient d'être dit...» Je ne dois pas avoir vu cette lumière parce que je n'ai pas entendu de réponse à mes trois questions. Est-ce que vous voulez, comme c'est écrit dans votre rapport, subordonner toute prolongation d'autorisation de séjour à une prise en charge par des tiers, ce qui est pour nous inacceptable comme je l'ai déjà dit ? Est-ce que vous entendez, parmi les différentes catégories dont vous avez parlé, donner à ceux qui bénéficieraient de prolongations de séjour, des autorisations de séjour claires de manière à ce qu'ils puissent chercher un emploi ? Enfin, vous avez énuméré toutes sortes de catégories qui font déjà l'objet de décisions fédérales. Nous ne sommes pas très inquiets pour les femmes seules avec enfants parce que M. Gerber a été très clair et très positif dans nombre de déclarations publiques. Par contre, il y a des déserteurs, il y a d'autres familles qui ne sont ni des familles mixtes, ni des femmes seules avec enfants et de ceux-là vous n'avez pas parlé. Or, j'aimerais des réponses à ces questions, s'il vous plaît, Monsieur le conseiller d'Etat.

M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. A la question sur la subordination de la présence de ces personnes à la prise en charge par des tiers, la réponse est oui et elle figure dans notre rapport. Il n'y a pas d'argent public prévu, sauf si le Grand Conseil en décide autrement, pour pallier les conséquences liées au non-respect des obligations fédérales par le canton de Genève. La seconde question avait trait à la prolongation et à la fourniture des papiers permettant un emploi. Nous avons déjà agi dans ce sens et plusieurs députés de ce Grand Conseil sont intervenus pour nous citer quatre ou cinq cas de personnes qui avaient un problème. Elles peuvent d'ailleurs en témoigner : tous ces problèmes ont été réglés à satisfaction par nos services. Je vous prie simplement de respecter le fait que la règle est non et que l'on peut exceptionnellement dire oui, ce n'est pas le contraire.

Ma réponse peut vous choquer, mais je vous rappelle simplement que jusqu'à maintenant, et c'est aussi pour nous une fierté, nos services n'ont jamais provoqué un seul départ sous contrainte de Bosniaques. Je vous mets au défi de citer un quelconque cas que vous puissiez brandir et publier dans lequel vous n'auriez pas trouvé, auprès de l'Etat et de ses services, une écoute attentive et bienveillante. J'ai malheureusement oublié, Madame la députée, quelle était votre troisième question.

Le président. Madame la députée, veuillez répéter la troisième question, s'il vous plaît.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Il s'agissait des différentes catégories de Bosniaques, en particulier les déserteurs.

M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Dans notre réponse, et sa lecture attentive vous en aura convaincue, nous n'avons fait aucune distinction entre qui que ce soit. Toutes les distinctions que nous avons opérées en harmonie avec la Confédération portent sur des exceptions positives. Nous avons dit qu'une règle s'appliquait, en l'occurrence celle que nous dicte la Confédération. De plus, nous avons nous-mêmes fait et demandé des exceptions pour des cas particuliers, les déserteurs ne faisant pas, à ma connaissance, partie des exceptions auxquelles vous vous référez. Mais je rappelle que les femmes seules, les familles avec enfants scolarisés, etc., toutes ces demandes ont fait l'objet d'exceptions que nous avons accordées.

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Ainsi que Mme Reusse-Decrey, je souhaiterais des réponses à mes questions. Vous avez satisfait une de nos demandes en nous accordant l'audience que nous avions sollicitée. Je vous en remercie. J'avais demandé deux autres choses.

Premièrement : le Conseil d'Etat s'engage-t-il à ne procéder à aucun renvoi durant la période estivale ? Deuxièmement : est-il vrai que le Conseil d'Etat n'accepte pas le crédit de 300 000 F voté par le Conseil municipal de la Ville de Genève tant que celui-ci ne proposera pas d'économies équivalentes ? Je vous remercie de répondre à ces deux questions.

M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Est-ce que le Conseil d'Etat s'engage à ne procéder à aucun renvoi ? La réponse est non. Il y a une directive fédérale qui s'applique. Nous appliquons cette règle et - en fonction des besoins - nous accordons des exceptions. Elles sont des exceptions et nous entendons qu'elles le restent. Quant à la question que vous posez relative à la commune de Genève, permettez-moi de passer la parole à M. Robert Cramer.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Je suis pris un peu à brûle-pourpoint par cette question car, premièrement, il n'y a eu aucune décision du Conseil d'Etat sur ce point. Deuxièmement, je n'ai signé aucun courrier dans ce sens. M. Alain Vaissade, qui est magistrat de la Ville de Genève, m'indique qu'une lettre - que je ne connais pas - aurait été signée par un fonctionnaire de l'administration attirant l'attention de la Ville de Genève sur le fait qu'en cas de nouveaux engagements financiers il fallait prévoir une couverture y afférente.

Je considère pour ma part, vu surtout le niveau administratif d'où émane ce courrier, que celui-ci ne doit pas être considéré comme un refus de délibération de la Ville de Genève - qui exige une décision du Conseil d'Etat - mais qu'il doit plutôt être considéré comme une lettre incitant la Ville de Genève à mieux formuler les conséquences de sa délibération.

En d'autres termes, j'imagine que nous attendons maintenant des autorités de la Ville de Genève qu'elles nous disent - dans le même temps qu'elles nous font part de la délibération du Conseil municipal - comment dans les comptes de la Ville, elles trouveront l'affectation budgétaire.

Je ne doute pas que cela sera relativement simple à faire. Vous êtes amenés à approuver les comptes et à voter les budgets de l'Etat de Genève et vous savez bien qu'en cours d'année la réalité des comptes n'est pas exactement celle qui était prévue au budget; ici ou là, il y a toujours des lignes qui ne sont pas utilisées, des engagements qui ne sont pas réalisés et déjà après les six premiers mois de l'année la Ville de Genève devrait arriver à nous dire quelle est la ligne de ses comptes qui ne sera pas totalement utilisée et sur laquelle elle entend prélever ce montant de 300 000 F. Je considère pour ma part qu'il s'agit d'une question de nature purement technique. Le Conseil d'Etat n'a refusé absolument aucune délibération de la Ville de Genève portant sur cette somme de 300 000 F.

M. Christian Ferrazino (AdG). M. Ramseyer vient de répondre en fait clairement - il a fallu du temps - à la question qui a été posée à réitérées reprises par un certain nombre de mes collègues et qui est la question, Monsieur Ramseyer, vous l'aurez compris, qui nous inquiète au plus haut chef : y aura-t-il ou non des renvois au-delà du 15 juillet ? Vous n'avez pas voulu répondre dans un premier temps. Il a fallu vous poser la question trois fois. Vous venez de nous dire maintenant : «Il y en aura, la réponse est oui, il y aura peut-être des exceptions.»

Permettez-moi d'être totalement scandalisé par vos propos, Monsieur Ramseyer, parce qu'au lieu de la matraque vous utilisez un chantage économique en voulant couper les subsides et en faisant ainsi pression sur ces personnes qui se trouvent dans notre République.

Par vos propos, vous nous montrez ce soir finalement que le Conseil d'Etat est une structure froide, apparemment dépourvue de tout sentiment, plutôt qu'une entité composée d'hommes et de femmes, comme nous le pensions, qui exprimaient non seulement un certain nombre de sentiments, mais des valeurs morales qui font la fierté de notre République, Monsieur le président.

J'ai encore ici le souvenir d'un de vos prédécesseurs - M. Guy Fontanet, pour ne pas le nommer - qui, en réponse à une question qu'un journaliste lui posait alors qu'il était placé précisément dans la même situation que vous et devait exécuter un ordre de Berne concernant le renvoi d'une famille de réfugiés, lui, n'avait pas dit - un peu comme Ponce Pilate qui se lave les mains d'une telle situation : «Finalement, que d'autres fassent le sale boulot, nous ne pouvons rien faire au niveau cantonal, nous ne sommes que de simples exécutants.» Il n'a pas répondu cela, parce qu'il estimait qu'il y avait effectivement des valeurs morales à défendre, qu'il était moralement répugnant de renvoyer dans leur pays d'origine, où leur vie est en danger, ceux qui justement font l'objet de ces situations et qu'il était ignoble d'exécuter de tels ordres. Face à une telle ignominie, il n'y avait qu'un mot à répondre et il l'a dit : «Nous ne sommes pas des salauds !».

Nous espérions, Monsieur Ramseyer, que vous seriez en mesure aujourd'hui de nous montrer que ces principes qui étaient en vigueur dans notre République hier l'étaient encore aujourd'hui. J'ose espérer en tout cas que nous serons suffisamment forts sur le terrain pour vous faire démentir et pour faire en sorte que les principes qui étaient valables hier le soient encore aujourd'hui. (Applaudissements et manifestation à la tribune. Le président agite la cloche.)

Mme Barbara Polla (L). Je suis cosignataire de la résolution de ce soir qui demande une réunion entre une délégation des députés et une délégation du Conseil d'Etat concernant le sujet que nous traitons en ce moment, qui est un sujet chargé de beaucoup d'émotion, il est vrai, nous l'avons entendu à plusieurs reprises ce soir.

J'étais également présente, à l'instigation de mon collègue député Luc Gilly, à la manifestation qui a eu lieu la semaine dernière en faveur des Kosovars. Et je dois dire que ce que je viens d'entendre de la part de M. Ferrazino à l'égard du Conseil d'Etat est tout à fait inadmissible. (Manifestation à la tribune).

Le président. A la prochaine manifestation du public, je fais évacuer la tribune.

Mme Barbara Polla . Le Conseil d'Etat nous a confirmé ce soir qu'aucun renvoi de Bosniaques n'a été effectué par la force. Les propos de M. Ferrazino qui traite - par voie détournée certes - le Conseil d'Etat dans son ensemble de salauds me paraissent inadmissibles et en tant que députée responsable, solidaire du Conseil d'Etat, je m'élève formellement contre ces paroles. Je vous remercie.

Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Très brièvement puisque Mme Polla vient de parler de renvoi par la force. M. Ramseyer a dit une fois : «par la force». C'est vrai, je peux le confirmer, il n'y a pas eu de renvois par la force. Il y a eu en revanche des renvois par la contrainte. Ces contraintes n'ont pas toutes une forme physique; il peut y en avoir d'ordre économique et psychique qui sont inacceptables mais qui portent aussi le nom de contraintes. C'est la première chose que je voulais préciser.

La deuxième est qu'en ce qui concerne le renvoi du rapport au Conseil d'Etat - le retour à l'expéditeur - je demanderai le vote nominal. (Appuyé.) Enfin j'ose espérer qu'il s'agit pour l'instant d'une déclaration de M. Ramseyer et non du Conseil d'Etat dans son ensemble.

M 1211-A

Le président. Le vote nominal, Madame, vous le demandez pour le renvoi du rapport du Conseil d'Etat à son auteur ? Cette proposition étant appuyée, nous procédons au vote nominal. Celles et ceux qui acceptent le renvoi répondront oui, et celles et ceux qui le rejettent répondront non.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 1211 est adopté par 49 oui contre 9 non et 14 abstentions.

Ont voté oui (49) :

Esther Alder (Ve)

Fabienne Blanc-Kühn (S)

Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)

Dolores Loly Bolay (AG)

Anne Briol (Ve)

Christian Brunier (S)

Fabienne Bugnon (Ve)

Pierre-Alain Champod (S)

Liliane Charrière Debelle (S)

Bernard Clerc (AG)

Jacqueline Cogne (S)

Jean-François Courvoisier (S)

Pierre-Alain Cristin (S)

Anita Cuénod (AG)

Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)

Régis de Battista (S)

Jeannine de Haller (AG)

Erica Deuber-Pauli (AG)

René Ecuyer (AG)

Marie-Thérèse Engelberts (DC)

Laurence Fehlmann Rielle (S)

Christian Ferrazino (AG)

Magdalena Filipowski (AG)

Luc Gilly (AG)

Alexandra Gobet (S)

Gilles Godinat (AG)

Mireille Gossauer-Zurcher (S)

Marianne Grobet-Wellner (S)

Nelly Guichard (DC)

Dominique Hausser (S)

David Hiler (Ve)

René Longet (S)

Olivier Lorenzini (DC)

Pierre Marti (DC)

Pierre Meyll (AG)

Louiza Mottaz (Ve)

Danielle Oppliger (AG)

Rémy Pagani (AG)

Véronique Pürro (S)

Jean-Pierre Restellini (Ve)

Elisabeth Reusse-Decrey (S)

Albert Rodrik (S)

Martine Ruchat (AG)

Christine Sayegh (S)

Françoise Schenk-Gottret (S)

Alain Vaissade (Ve)

Pierre Vanek (AG)

Alberto Velasco (S)

Salika Wenger (AG)

Ont voté non (9) :

Hervé Dessimoz (R)

Daniel Ducommun (R)

Pierre Ducrest (L)

Pierre Froidevaux (R)

Bernard Lescaze (R)

Jean-Louis Mory (R)

Jean-Marc Odier (R)

Walter Spinucci (R)

Pierre-Pascal Visseur (R)

Se sont abstenus (14) :

Florian Barro (L)

Luc Barthassat (DC)

Jacques Béné (L)

Juliette Buffat (L)

Christian de Saussure (L)

Bénédict Fontanet (DC)

Jean-Pierre Gardiol (L)

Janine Hagmann (L)

Armand Lombard (L)

Barbara Polla (L)

Stéphanie Ruegsegger (DC)

Micheline Spoerri (L)

Olivier Vaucher (L)

Jean-Claude Vaudroz (DC)

Etaient excusés à la séance (5) :

Bernard Annen (L)

Thomas Büchi (R)

Jean-Claude Dessuet (L)

Claude Haegi (L)

Michel Halpérin (L)

Etaient absents au moment du vote (22) :

Michel Balestra (L)

Charles Beer (S)

Roger Beer (R)

Janine Berberat (L)

Madeleine Bernasconi (R)

Claude Blanc (DC)

Nicolas Brunschwig (L)

Marie-Françoise de Tassigny (R)

Gilles Desplanches (L)

Hubert Dethurens (DC)

John Dupraz (R)

Henri Duvillard (DC)

Alain Etienne (S)

Christian Grobet (AG)

Antonio Hodgers (Ve)

Yvonne Humbert (L)

Alain-Dominique Mauris (L)

Geneviève Mottet-Durand (L)

Chaïm Nissim (Ve)

Louis Serex (R)

Jean Spielmann (AG)

Pierre-François Unger (DC)

Présidence :

M. René Koechlin, président.

Le président. Nous procédons maintenant au vote sur les trois pétitions qui doivent être renvoyées au Conseil d'Etat.

P 1194-A, P 1197-A, P 1198-A

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de ces trois pétitions au Conseil d'Etat) sont adoptées.

R 375

Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat.

Elle est ainsi conçue :

Résolution(375)

sur la situation des ressortissants de Bosnie

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant:

- le rapport du Conseil d'Etat, qui, bien qu'encourageant, laisse quand même planer un certain flou, quant à l'application des renvois ;

- la situation de grande angoisse dans laquelle vivent les personnes concernées par les renvois ;

- le peu de mobilisation qui peut être organisé pendant les périodes de vacances scolaires ;

- les échos mitigés, voire inquiétants, qui nous parviennent au sujet des renvois dits volontaires ;

invite le Conseil d'Etat

à organiser une rencontre la semaine du 29 juin entre une délégation de députés et la délégation du Conseil d'Etat en charge du dossier.