République et canton de Genève

Grand Conseil

R 360
17. Proposition de résolution de Mmes et MM. Dominique Hausser, Alberto Velasco, Françoise Schenk-Gottret, Bernard Clerc, Christian Ferrazino, Erica Deuber-Pauli, David Hiler et Antonio Hodgers concernant l'Accord multilatéral sur l'investissement : Gardons-nous de cet ami. ( )R360

EXPOSÉ DES MOTIFS

Depuis mai 1995 se négocie à huis clos au sein de l'OCDE (Organisation pour la Coopération et le Développement Economique) un projet d'Accord Multilatéral sur l'Investissement (AMI) qui devrait être présenté au Conseil des ministres de l'OCDE (29 Etats membres, dont la Suisse) en mai prochain, après un ultime round de négociations à mi-février à l'OCDE.

L'AMI est destiné à mettre sur pied d'égalité, dans tous les domaines d'activité économique possible, tous les investisseurs possibles, et à abolir de ce fait toute espèce de préférence nationale, sociale, culturelle favorisant certains investisseurs par rapport à d'autres. Il s'agit en réalité d'un pas gigantesque vers la mercantilisation de toute activité sociale, et vers l'abolition de toute capacité des Etats et des collectivités publiques "; infra étatiques " à faire des choix et à mener des politiques économiques et sociales spécifiques.

Si les dispositions prévues dans le projet d'accord devaient être retenues, les investisseurs étrangers (en particulier les opérateurs multinationaux) disposeraient de droits et de protections quasi illimitées, dans tous les domaines. Par contre, les gouvernements et les collectivités publiques nationales, territoriales et locales seraient contraints au démantèlement progressif de tous leurs dispositifs légaux et réglementaires, dans tous les domaines: droit social et droit du travail, santé publique, aides à l'investissement et garanties des risques dans les régions économiques défavorisées et les secteurs en crise, protection de l'environnement, information, culture, etc.

L'AMI reconnaît notamment le droit des investisseurs industriels et financiers à poursuivre les gouvernements chaque fois qu'une disposition légale portera atteinte à leurs investissements ou aux bénéfices qu'ils en escomptent, devant une Chambre de Commerce Internationale dont les verdicts sont sans recours.

Les négociations de ce texte calamiteux ont été menées dans une discrétion qui confine au secret, comme si cet AMI souffrait du même mal que les vampires de Transylvanie, se désintégrant à la lumière du jour. Compte tenu des implications d'un tel accord sur l'ensemble des domaines de l'action politique des Etats, des collectivités territoriales et des communes, et du risque de voir les capacités de cette action être réduites à rien, il importe d'une part qu'un maximum d'information soit donnée sur la nature et le contenu des négociations, l'identité et le mandat des négociateurs, et que d'autre part les droits démocratiques soient sauvegardés au moment où il s'agira d'adhérer ou non à ce texte.

Il importe notamment que le parlement et le peuple aient non seulement leur mot à dire, mais la décision ultime à prendre, et que le droit de référendum populaire s'applique pleinement à ce texte.

Nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer cette initiative cantonale aux autorités concernées.

Débat

M. Dominique Hausser (S). La pensée ultra-libérale développe une notion d'inéluctabilité : le système qui est doit être parce qu'il est; la mondialisation/globalisation telle qu'elle se déroule est incontournable, toutes et tous doivent s'y ajuster (a écrit Eric Toussaint très récemment dans son passionnant ouvrage «La bourse ou la vie»).

Difficile d'être plus mystique ou fataliste. Cependant, les certitudes théoriques affichées aujourd'hui ne valent guère plus que celles affichées par les conservateurs à la veille du krach financier de 1929.

Depuis mai 1995 les pays membres de l'OCDE planchent sur un projet d'Accord Multilatéral sur l'Investissement (AMI).

Les négociations de ce texte calamiteux ont été menées dans une discrétion qui confine au secret, comme si cet AMI souffrait du même mal que les vampires de Transylvanie, se désintégrant à la lumière du jour.

Il y a quelques mois seulement que cet accord a été «rendu public» grâce à la mobilisation de citoyens.

Compte tenu des implications d'un tel accord sur l'ensemble des domaines de l'action politique des Etats, des collectivités territoriales et des communes, et du risque de voir les capacités de cette action être réduites à rien, il est très compréhensible que l'on tente d'en cacher le contenu. Mais c'est totalement inacceptable.

Lorsque l'on sait que l'AMI est destiné à mettre sur pied d'égalité, dans tous les domaines d'activité économique possibles, tous les investisseurs possibles, et à abolir de ce fait toute espèce de préférence nationale, sociale, culturelle favorisant certains investisseurs par rapport à d'autres, nous nous trouvons en réalité face à une mercantilisation de toute activité sociale, et vers l'abolition de toute capacité des Etats et des collectivités publiques «infra étatiques» à faire des choix et à mener des politiques économiques et sociales spécifiques.

Si les dispositions prévues dans le projet d'accord devaient être retenues, les investisseurs étrangers (en particulier les opérateurs multinationaux) disposeraient de droits et de protections quasi illimités, dans tous les domaines. Par contre, les gouvernements et les collectivités publiques nationales, territoriales et locales seraient contraints au démantèlement progressif de tous leurs dispositifs légaux et réglementaires, dans tous les domaines : droit social et droit du travail, santé publique, aides à l'investissement et garanties des risques dans les régions économiques défavorisées et les secteurs en crise, protection de l'environnement, information, culture, etc.

Cependant l'interprétation de cet accord présentée par le Conseil fédéral laisse accroire que tout est fait pour protéger le cadre environnemental et social. Il n'est hélas jamais bon de prendre les citoyens pour ce qu'ils ne sont pas. Il n'est en effet même pas besoin d'être un spécialiste pour en comprendre les tenants et les aboutissants.

Les parlementaires français ont adopté le 22 avril une déclaration qui va dans le même sens que la résolution qui vous est soumise ce soir et qui invite à assurer un débat public autour de cet accord, à tout mettre en oeuvre pour enterrer ce texte qui ne pourra jamais être suffisamment amélioré pour en devenir acceptable et non pas seulement à ne pas signer cet accord international.

Depuis le dépôt de cette résolution, quelques mois se sont écoulés. La montée en puissance de la résistance a déjà réussi à modifier le calendrier des négociations. A fin avril les ministres des 29 Etats participants ont reporté de six mois la signature de cet accord.

Il est temps de mettre un frein à cette volonté de transférer le pouvoir à l'argent et de démanteler la démocratie lentement construite, qui loin d'être parfaite assure un minimum de respect de l'autre.

M. Pierre Vanek (AdG). C'est avec intérêt que j'ai écouté notre ami Hausser.

Ce sujet me semble trop important et trop sérieux pour que nous le traitions dans les conditions qui prévalent maintenant dans ce parlement. Ce n'est pas seulement une question d'heure tardive, puisque nous avons souvent fait du bon travail jusqu'à minuit. Mais vu les incidents qui ont émaillé les précédents débats, il me semble inopportun, en présence seulement de trente à quarante députés, de poursuivre le présent débat. Je propose donc d'interrompre ici nos travaux.

Lors de notre prochaine séance, nous pourrons débattre avec sérieux de ce sujet important qui mérite d'être traité autrement qu'il ne l'est en ce moment.

Le président. Je mets aux voix cette motion d'ordre. Monsieur Lombard, je vous donne la parole uniquement à propos de la motion d'ordre.

M. Armand Lombard (L). Je soutiens la proposition de M. Vanek. Permettez-moi, toutefois, de souhaiter qu'à l'avenir nous n'ayons plus affaire à une intervention radicale nous demandant d'aller nous coucher un quart d'heure plus tôt. Je vous remercie de régler ce problème avec le Bureau.

Nous sommes prêts à rester jusqu'à minuit si nécessaire. Mais de grâce, que l'on fixe cela à l'avance et que l'on arrête d'être interrompus par un type qui a trop bu et qui veut rentrer se coucher ou par un autre type qui se fâche et qui nous fait une crise d'adrénaline.

Que l'on mette tout cela au point pour que nous puissions travailler sans être perturbés ! (Applaudissements.)

Le président. Nous avons procédé de façon démocratique, Monsieur le député. Nous avons mis aux voix la poursuite de nos travaux en faveur de laquelle s'est prononcée la grande majorité du Grand Conseil. Nous avons obtempéré. Je ne pouvais pas agir autrement.

Je mets aux voix la motion d'ordre proposée par M. Pierre Vanek, à savoir interrompre nos travaux ici et reprendre ce point 26 à la prochaine séance.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.

 

La séance est levée à 23 h 15.