République et canton de Genève

Grand Conseil

M 970
24. Proposition de motion de Mmes et MM. Fabienne Blanc-Kühn, Laurent Moutinot, Pierre-François Unger, Philippe Schaller, John Dupraz et Elisabeth Häusermann pour la création d'une unité de détention et de soins encadrant les détenus condamnés pour perversions sexuelles. ( )M970

EXPOSÉ DES MOTIFS

La présente demande doit s'inscrire aujourd'hui dans une réflexion globale concernant la restructuration des actuels Etablissements de la plaine de l'Orbe. En effet, son mode de fonctionnement ne correspond plus aux besoins posés par la population pénitentiaire détenue. Les catégories de détenus ont changé, les délits aussi et l'institution pénitentiaire traditionnelle se doit d'être adaptée à une nouvelle «clientèle».

Cette population est constituée notamment de condamnés dangereux, et les structures actuelles n'offrent pas toujours de mesures d'encadrement aboutissant à une réinsertion réussie. Les condamnés sont donc hélas, dans une très large majorité, récidivistes.

Ces personnes sont actuellement détenues dans les différents établissements pénitentiaires regroupés par le Concordat romand. Elles ne bénéficient pas d'un encadrement particulier, si ce n'est, pour le canton de Genève, celui dispensé par l'unité «La Pâquerette». Cette structure remarquable individualise les prises en charge mais ne peut pas assurer tant au plan de la sécurité que de la prise en charge thérapeutique très particulière des condamnés pour perversions sexuelles graves. Les prises en charge effectuées dans les autres établissements s'avèrent pour ces détenus particuliers parfaitement inopérantes; ni la rééducation par le travail ni l'isolement ne sont des réponses adéquates à cette pathologie relationnelle.

L'autorité de jugement peut infliger deux types de sanctions à l'auteur de ce type d'infraction pénale: d'une part une peine, et d'autre part des mesures (internement, etc.). Peines et mesures peuvent également être prononcées simultanément, si les conditions des deux sanctions sont cumulativement remplies. Dans cette hypothèse, le juge pénal suspendra le plus souvent l'exécution de la peine, pendant l'exécution de la mesure. Faisant l'objet d'une mesure, l'individu voit sa liberté supprimée ou diminuée en raison des caractéristiques de sa personnalité et non pas en raison de ce qu'il a fait. En d'autres termes, les mesures de sûreté ne poursuivent pas un but de répression de l'infraction commise, mais visent à intervenir sur la personne qui a commis un acte révélateur d'un état «anormal».

Concernant plus particulièrement les mesures applicables aux délinquants «anormaux», telles qu'instituées par l'article 43 du CPS, elles peuvent consister soit en le renvoi du délinquant dans un hôpital, en raison d'un état mental exigeant un traitement médical (art. 43, ch. 1, al. 1 CPS), soit en l'internement dans un établissement approprié garantissant la sécurité publique (art. 43, ch. 1, al. 2 CPS).

Dans le premier cas, la mesure tend à pourvoir à l'amélioration de l'état personnel du délinquant par un traitement adéquat, mais aussi à la neutralisation de l'individu par sa mise hors d'état de porter atteinte à la société. Dans le second cas, c'est essentiellement dans la perspective de neutraliser l'individu jugé dangereux que la mesure est ordonnée. Autrement dit, chacune des deux mesures visées par les alinéas 1 et 2 de l'article 43, chapitre 1 CPS poursuit un but d'utilité sociale, mais celle prise en application de l'article 43, chapitre 1, alinéa 1 CPS répond avant tout à un besoin personnel de traitement, impératif, d'utilité individuelle. Dans cette perspective, on ne saurait mésestimer la portée du choix du genre d'établissement voué à accueillir les destinataires de telles mesures.

Le nombre de ces détenus est assez peu élevé en Suisse romande et Tessin (cantons liés par le Concordat). Il serait judicieux que ces personnes soient encadrées dans une même unité, spécialisée dans ce type de déviance.

Dans une période de restrictions budgétaires importantes, il pourrait être assez mal vu de prévoir des dépenses supplémentaires pour une catégorie de la population, heureusement très minoritaire, celle des personnes ayant été condamnées pour des actes graves relevant de perversions sexuelles. Ces actes, lourdement répréhensibles au sens du Code pénal, sont condamnés à des peines de longue durée. Vouloir créer une unité spécialisée dans ce type de soins et d'encadrement hors du contexte pénitentiaire déjà en activité soulève l'ire des parlementaires et de la population qui jugent que cette population ne mérite pas d'investissement financier.

C'est pourquoi, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'adresser cette motion au Conseil d'Etat.

Débat

Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Avant d'aborder le contenu de cette motion, une petite modification doit être apportée au texte que vous avez en votre possession. Cette fois, la «Tribune de Genève» a été plus rapide que le secrétariat du Grand Conseil, puisqu'elle a corrigé d'elle-même le sigle qui figure dans plusieurs pages : il s'agit du sigle EEP et non EEE.

Cette motion répond aux impératifs suivants :

- D'abord, assurer un encadrement tant au plan de la sécurité que thérapeutique.

- Reconnaître la problématique particulière des personnes condamnées pour perversions sexuelles graves.

- Intégrer cette problématique à la restructuration actuellement en cours aux Etablissement de la Plaine de l'Orbe, par le biais du groupe de réflexion EEP 2000.

- Permettre la réalisation de cette structure dans une perspective romande.

Le code pénal prévoit l'irresponsabilité totale dans son article 10, partielle ou restreinte dans son article 11, de l'individu et inculpé. Cette responsabilité est notamment mise en évidence par l'expertise psychiatrique. Celle-ci est utile au moment du jugement, mais ne garantit pas d'office un encadrement thérapeutique. Elle recommande si un traitement hospitalier ou ambulatoire est à recommander. Vous le savez, les crimes sexuels secouent fortement l'opinion publique et provoquent des réactions souvent dignes de la loi du talion.

La population, les parents des victimes ne comprennent pas comment des criminels sexuels peuvent, un jour, être remis en liberté, prêts à récidiver. Et leur incompréhension se justifie, car la question de la récidive se pose régulièrement. D'une part, il y a les personnes qui ont été condamnées à plusieurs reprises pour le même type de délits et celles qui sont condamnées pour la première fois après avoir commis une série de délits. Dans les deux cas de figure, les personnes ont agi, de manière répétitive, avec un comportement destructeur.

Dans les deux cas, ces condamnés purgent leur peine de prison dans des établissements ne pouvant pas assurer de prise en charge intensive, à la mesure des motifs de la condamnation. Les juges condamnent à des peines de plus en plus lourdes, alors que les établissements spécialisés, à part «La Pâquerette», n'existent pas.

Les peines sont de plus en plus lourdes, d'une part, parce que les crimes sexuels commis sur des enfants ou des adolescents sont reconnus comme extrêmement graves et, d'autre part, parce que les récidivistes échappent moins facilement à la justice. Quand une victime dénonce ou que la mise en scène signe un acte lié à la perversion sexuelle, la police enquête d'abord sur les agissements des personnes connues pour ce type de comportement.

La lourdeur des peines et le nombre croissant de condamnations pour crimes sexuels apparaissent dans les statistiques des établissements romands. Ainsi, celui qui accueille des condamnés primaires - donc condamnés pour la première fois, comme à Bellechasse - a moins d'auteurs de délits sexuels et pour de plus courtes périodes qu'un établissement accueillant des détenus récidivistes pour ces mêmes délits, comme c'est le cas à Bochuz. Ce phénomène est observé dans d'autres pays où des campagnes intenses d'information et de soutien aux victimes ont été mises en place. Les peines sont plus lourdes, car les faits sont reconnus comme plus graves, renforcées en été 1994 par une jurisprudence fédérale, et parce que la récidive influence la lourdeur de la condamnation. De plus en plus de personnes se verront condamnées pour ces délits et elles resteront plus longtemps en milieu pénitentiaire.

Qui sont-elles ?

Les psychanalystes et les psychiatres sont pour une fois d'accord : les origines de délits sexuels sont multiples, mais apparaissent chez des individus ayant une immaturité affective et sexuelle. Un point commun chez beaucoup d'entre eux : ils ont subi dans leur jeune âge des sévices sexuels. A part ces points communs, les cadres théoriques traditionnels sont bien en peine de brosser le portrait-robot psychologique : tous n'ont pas de caractéristiques psychotiques, tous n'ont pas uniquement de troubles de la personnalité.

Selon Georges Abraham, leur imaginaire est limité, ils ont besoin de ritualiser la mise en scène accompagnant l'acte sexuel, d'où la récidive. Etant donné leur sensibilité physique réduite, ressentant eux-mêmes difficilement la douleur, ils peuvent commettre des actes violents sur leurs victimes. Ayant été déjà condamnés, ils peuvent chercher à effacer les traces de leurs délits en tuant et en faisant disparaître la victime. Mais selon le seul médecin ayant observé ces personnes - M. Georges Abraham - il n'y a pas de théorie de la perversion sexuelle. Cela pose des problèmes thérapeutiques, car tout traitement repose sur une hypothèse, et celle-ci n'est pas claire dans le cas qui nous occupe.

Reste encore la délicate question de la demande thérapeutique. Là aussi, pas de constance. Pour demander de l'aide, il faut avoir conscience d'une défaillance. Chez les auteurs de délits sexuels, certains demandent des soins, d'autres les refusent, car ils ne reconnaissent pas la nature des délits qui leur sont reprochés. Deux types de soins sont habituellement proposés. L'approche psychanalytique, qui est longue, s'adresse à des personnes capables d'élaborer un tant soit peu leurs conflits, et remporte peu de succès, tant au plan de la demande que de la réussite. Si des pervers demandent des soins à un psychanalyste, ils le font souvent parce que leur entourage ou la justice les y pressent.

Cette même difficulté se rencontre dans l'offre plus purement psychiatrique. Le patient doit être demandeur pour qu'une thérapie lui soit proposée. S'il se considère comme normal il ne fait pas de demande. De plus, les rares psychiatres intervenant quelques heures dans les établissements pénitentiaires traitent des problèmes de crise, troublant le quotidien de la prison. Ces détenus recevront des soins en situation de crise - tentative de suicide, crises délirantes, dépression - mais regagnent leur unité pénitentiaire l'épisode aigu passé. Ces détenus ne reçoivent donc pas de soins à long terme.

La diversité des raisons ayant amené des pervers à commettre des crimes ou d'autres actes violents doit déboucher sur une série de réponses thérapeutiques s'adaptant aux problématiques posées, sans attendre une hypothétique demande formulée spontanément. La sacro-sainte demande est le fruit de l'errance de la psychanalyse et de la psychiatrie. Les actes qui ont été commis sont, eux, parlants.

A la question de savoir s'il n'est pas préjudiciable à ces personnes d'être regroupées dans un même dispositif de soins, M. Georges Abraham est formel : il n'y a aucun sadisme ni aucun danger à regrouper des personnes se distinguant par ce type de comportement, car elles savent très bien se défendre. Ces personnes coexistent actuellement avec les autres détenus et se distinguent par leur bonne conduite en milieu pénitentiaire. Ces détenus sont serviables, disponibles... souvent plus que les autres détenus et obtiennent de bonnes notes de conduite, lesquelles pèsent lourd au moment de l'évaluation pour une libération conditionnelle ou pour des sorties. Les regrouper permettrait de les observer dans un contexte différent, permettant certainement de mettre en évidence certains modes de communication particuliers.

Pour ma part, ayant eu l'occasion de devoir évaluer l'état de santé psychique de ces personnes, alors que je travaillais en milieu psychiatrique, je n'ai aucun état d'âme particulier à les imaginer regroupées dans une même unité ou un même dispositif de soins.

La présidente. Madame Blanc-Kühn, vous avez déjà dépassé votre temps de parole de deux minutes !

Mme Fabienne Blanc-Kühn. J'ai tout de suite fini !

Trente-quatre personnes pourraient être concernées par ce type d'unité au niveau romand. Soyons pratiques ! Pourquoi les motionnaires ont-ils demandé à ce que cette motion soit renvoyée directement au Conseil d'Etat ? Tout simplement parce que le groupe EEP 2000 est en pleins travaux pour la restructuration de Bochuz et que nous perdrions du temps à renvoyer cette motion à la commission judiciaire qui demanderait à auditionner moult personnes, alors que les travaux s'effectuent actuellement au niveau romand, dans le cadre de la restructuration de Bochuz.

M. Gilles Godinat (AdG). Notre groupe accueille cette motion avec une certaine réserve, pour deux raisons. Tout d'abord, son intitulé nous pose un problème : les détenus condamnés le sont pour des délits et non pour des perversions sexuelles. Il y a là un glissement qui me laisse songeur, car cela manque de précision. Ensuite, je trouve que le fait d'assimiler l'article 43 aux délits sexuels sème la confusion au niveau des chiffres qui viennent d'être évoqués.

En effet, il me semble qu'il faudrait être plus précis, et affirmer qu'on a besoin d'une unité spécifique sans avoir, au préalable, entendu les équipes qui s'occupent de ces détenus depuis des années me paraît un peu léger ! Pour ma part, j'aurais préféré que l'on demande une audition à la commission des visiteurs de prison pour savoir si une telle unité devait être envisagée ou non, compte tenu des vingt ans d'expérience des équipes de médecine légale. Je souhaite donc avoir l'appréciation de ces équipes, notamment du professeur Harding. En effet, ce dernier est totalement opposé à la création d'une telle unité spécialisée. Je serais très intéressé de l'entendre en commission.

M. Andreas Saurer (Ve). J'émets un peu les mêmes réserves que mon collègue Gilles Godinat concernant cette proposition de motion.

En effet, l'invite crée une certaine confusion entre perversion sexuelle et délit sexuel. Cette confusion est significative. Vous parliez tout à l'heure de psychanalyse et de Freud, c'est peut-être le «sens latent» qui apparaît sous cette terminologie.

Je précise ma pensée. La perversion sexuelle, jusqu'à nouvel avis, ne constitue pas un délit et j'aurais même envie de revendiquer le «droit à la perversion sexuelle»... (Immense charivari; remarques et quolibets fusent de toutes parts. La présidente fait sonner la cloche pour ramener l'ordre.) Chacun pratique ses ébats comme bon lui semble; heureusement, cela ne constitue pas encore un délit sexuel, sinon je pense qu'il y aurait beaucoup de condamnés. J'ai l'impression que votre conception de la sexualité est très calviniste... (Rires.) ...mais je ne suis pas convaincu que Calvin avait dans ce domaine des conceptions aussi restrictives que vous. Vous semblez, en fait, préconiser ce que l'on pourrait appeler «ortho-sexualité socialiste», une norme dont je voudrais bien me distancer.

Cela dit, le problème soulevé par cette motion est l'utilisation de l'article 43. Je me suis renseigné auprès du Conseil de surveillance psychiatrique qui s'occupe de toutes les personnes concernées par cet article, ici à Genève. L'article 43 ne concerne pas seulement les pervers qui commettent des délits sexuels, mais l'ensemble des condamnés pour maladie mentale. Il s'avère que seulement six personnes sont condamnées et suivent un traitement hospitalier. Une trentaine de personnes suivent un traitement ambulatoire et, finalement, quatre ou cinq personnes seulement sont internées à Champ-Dollon. Mais, parmi ces quatre ou cinq personnes internées, aucune n'est internée pour cause de délit sexuel.

Il me semble donc que nous sommes en présence d'une stigmatisation extrêmement dommageable du délit sexuel. Je ne veux absolument pas minimiser cet acte dramatique, mais nous ne pouvons pas supprimer tous les risques. Tôt ou tard, nous devrons bien décider ce que nous allons faire des personnes condamnées pour de tels délits : je suis entièrement d'accord avec vous ! Mais, je le répète, aucune personne à Genève n'est internée en raison d'un délit sexuel. Une ou deux sont prises en charge ambulatoirement et, jusqu'à maintenant, selon les informations que j'ai reçues, leur prise en charge s'effectue à la satisfaction de tous.

Ces unités ne concernent donc absolument pas des personnes qui ont commis des délits sexuels, mais des personnes qui sont internées, parce qu'elles ont commis un crime grave en relation avec une affection mentale. Maintenant, que faut-il faire des internés à Champ-Dollon ou ailleurs ? La question est sans réponse pour le moment, et Champ-Dollon ne constitue certainement pas une solution adéquate. Faut-il créer une unité particulière à Orbe, ou faut-il étendre le quartier cellulaire pour des malades psychiatriques ? Je n'en sais rien ! Il me semble évident que cette motion doit être renvoyée dans une commission pour auditionner les personnes concernées. Il ne faut pas l'envoyer telle quelle au Conseil d'Etat, car elle est mal ficelée !

La présidente. Monsieur Saurer, quelle commission suggérez-vous ? Les visiteurs officiels de prison ?

Mme Elisabeth Häusermann (R). Suite aux différentes auditions et discussions qui ont eu lieu dans le cadre de la commission des visiteurs officiels, il nous est apparu que le problème de la détention des détenus condamnés pour délits sexuels devait faire l'objet d'une analyse de fond. Il ne serait en effet pas admissible que la société, n'ayant pas le courage d'appliquer les mesures qui s'imposeraient à leur encontre, se contente de fermer les yeux et de laisser les autres détenus appliquer une justice sommaire. S'il est du devoir de la société de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter les récidives de la part de ces condamnés, il est également de son devoir de veiller à ce que ces derniers puissent purger leur peine dans des conditions assurant à la fois leur propre sécurité et celle des autres.

Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Je voulais juste dire quelques mots à notre «expert vert» !

L'assemblée. Aahh ! Bravo ! (Rires.)

Mme Fabienne Blanc-Kühn. Il y a quelques semaines, j'aurais dit notre expert écologiste, mais, vous voyez, je m'adapte à la nouvelle appellation de votre groupe, Monsieur Saurer !

Vous me choquez tout de même un peu en faisant des amalgames assez maladroits entre la sexualité et des crimes assez odieux, qui ont été perpétrés par des gens visiblement mal dans leur tête et qui nécessitent des soins. Si je peux admettre certaines maladresses entraînant une confusion entre l'article 43 et les personnes condamnées en dehors des mesures de sécurité, je pense que ces personnes méritent un traitement adéquat sur le plan romand.

En effet, il est inutile de vouloir créer une unité genevoise que nous avons déjà, par ailleurs, puisqu'il s'agit de La Pâquerette. Vous et M. Godinat clamez haut et fort qu'il faut absolument auditionner la personne responsable du service à Genève. Je voulais éviter de devoir le dire, mais je me vois contrainte de le dire : trois rendez-vous ont été pris avec M. Harding pour discuter de ce problème qui les a décommandés à chaque fois. Le seul argument qu'il a avancé au sujet des récidives est qu'il ne fallait pas en parler, car cela décourageait le personnel ! Je suis désolée, si toutes les infirmières de l'hôpital étaient démotivées à la suite des décès de patients, plus personne ne travaillerait dans les hôpitaux !

A mon avis, les délinquants sexuels ne sont pas seulement l'affaire de M. Harding et de l'IUML genevois. Ce problème est actuellement discuté au niveau romand dans le cadre de la restructuration de Bochuz, des crédits sont prévus, et il faut l'étudier dans ce cadre. Il faut dont renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour que les choses aillent plus vite plutôt que d'ergoter des heures et des heures en commission judiciaire ou autre, à Genève, en n'obtenant, en définitive, aucun résultat. (Applaudissements.)

M. Philippe Schaller (PDC). Au-delà du débat qui oppose Mme Blanc-Kühn et M. Saurer, je crois que cette motion pose de multiples problèmes. Il est vrai qu'elle est quelque peu réductrice, d'une part, dans son libellé et, d'autre part, dans ses considérants.

Je pense, comme l'ont dit M. Godinat et M. Saurer, que cette motion doit être élargie à toutes les personnes délinquantes anormales concernées par l'article 43. Nous devrions pouvoir examiner cette motion à la commission de la santé. En effet, il faut définir un peu mieux les programmes sociothérapeutiques et pour quelles pathologies. Il faut examiner quelles sont les structures d'accueil existantes et quelles pourraient être les nouvelles structures d'accueil. Il faut également étudier l'aspect ambulatoire de la prise en charge de ces malades.

Une expérience a été effectuée à Bâle consistant à comparer des groupes de délinquants traités ambulatoirement et d'autres en prison : aucune différence dans les récidives n'a été constatée. Certains toxicomanes sont incarcérés, mais on peut se demander s'il ne vaut pas mieux trouver des programmes socio-éducatifs en dehors de la prison ? Cette motion ouvre un certain nombre de portes et il serait bon de la renvoyer à la commission de la santé, car ces problèmes relèvent principalement de la médecine.

La présidente. J'ai trois propositions de renvoi en commission : santé, judiciaire et visiteurs officiels.

M. Laurent Moutinot (S). Le député Saurer a interpellé M. Ramseyer pour lui demander quelle était sa définition de l'intelligence. Je dois par conséquent interpeller M. Saurer pour lui demander ce qu'est une «sexualité socialiste orthonormée» ! (Hilarité sur les bancs socialistes.)

Une voix. Il ne le sait pas lui-même !

M. Laurent Moutinot. En tout cas, je peux vous assurer qu'en tant que chef de groupe, ou en tant que membre du comité directeur, je n'ai jamais vu passer le moindre papier sur ce sujet ni la moindre instruction ! (Rires.) C'est une discussion que nous poursuivrons probablement à la buvette, car le sujet du sexe est évidemment inépuisable !

Plus sérieusement, et en tant que signataire de cette motion, j'aimerais rappeler que les délits graves en matière de sexualité sont des délits qui posent un double problème : à l'auteur et à la victime. La solution apportée actuellement n'est pas satisfaisante, ni pour l'auteur du crime ni pour la victime. Pourquoi ? Parce que l'auteur du crime est lancé dans ce fameux article 43 que je n'aime pas plus que les docteurs Godinat et Saurer et qu'il n'a pas l'espoir de sortie. C'est une solution qui n'est pas satisfaisante pour la victime, parce que ce type d'incarcérations privant de liberté sont floues et que la victime ne sait pas - si elle est toujours vivante - quand elle risque de se retrouver face à face avec son tortionnaire.

C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas l'intention de refaire l'ensemble de la psychiatrie et l'ensemble du droit pénal dans cette motion; nous voulons simplement nous limiter à la situation très particulière des délinquants extrêmement dangereux qui sont très peu nombreux. On ne peut pas, non plus, dépenser des millions pour ces gens.

En revanche, il existe au niveau romand une discussion visant à restructurer les établissements pénitentiaires. C'est dans ce cadre que l'on peut et que l'on doit penser à ce type de problèmes. C'est la raison pour laquelle je suis persuadé qu'il serait passionnant de discuter dans toutes les commissions du Grand Conseil des problèmes soulevés par la motion, mais l'important est que, dans la discussion actuelle au niveau romand sur ces questions, le Conseil d'Etat insiste pour que la prise en charge de ce type de délinquants soit faite de manière adéquate.

M. Gilles Godinat (AdG). Je retire ma proposition de renvoi à la commission des visiteurs officiels, et je me rallie à la proposition du docteur Schaller, soit le renvoi à la commission de la santé.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. J'accueille avec intérêt et attention cette motion.

Vous devez savoir - Mme Blanc-Kühn l'a rappelé - que la prise en charge de ce type de condamnés est envisagée dans le cadre du Concordat romand, dont l'article 12 précise : «Pour les délinquants anormaux, dangereux, et pour les détenus qui se révèlent mentalement anormaux en cours d'exécution, des sections de la prison de Champ-Dollon...». Or, il est exact - Mme Blanc-Kühn a raison - de mentionner que le quartier de sociothérapie «La Pâquerette» et le quartier cellulaire psychiatrique de Champ-Dollon ne sont que des réponses partielles aux besoins exprimés. Enfin, il est exact que, dans le cadre du projet EEP 2000 (Etablissement d'Exécution de Peines 2000), nous avons déterminé un certain nombre de modules qui sont indispensables. Parmi ceux-ci, figure le module qui s'adresse précisément à ce genre de prévenus et de condamnés.

Dès lors, je pense que le Conseil d'Etat peut parfaitement accepter cette motion et intégrer dans la discussion du projet EEP 2000 les préoccupations de Mme Blanc-Kühn.

J'ajoute cependant que le Conseil d'Etat n'a pas encore pris d'engagement quant à la construction de ce nouvel établissement d'exécution des peines de La Plaine de l'Orbe dont il sera saisi le 5 avril. Dans cette perspective, je remercie les motionnaires de m'avoir adressé cette motion.

Il est évident que cette réalisation va prendre un certain temps, puisqu'on en est au niveau du projet d'étude. Dès lors, je pense que l'on peut parfaitement débattre de ce sujet en commission. Personnellement, je comprends cependant la volonté des motionnaires comme étant une demande expresse que ce sujet soit précisé dans le cadre du projet EEP 2000. C'est pourquoi je préférerais que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat.

La proposition de motion est mise aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

La proposition de renvoyer cette proposition de motion à la commission de la santé est rejetée par 46 voix contre 30.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais que vous soyez plus attentifs à l'avenir. En effet, lors du vote précédent, le scrutin laissait pratiquement apparaître une proportion de un tiers de oui / un tiers de non / un tiers d'abstentions ! Cela n'est pas très sérieux !

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

motion

pour la création d'une unité de détention et de soins encadrant les détenus condamnés pour perversions sexuelles

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

 que les personnes condamnées pour perversions sexuelles graves sont détenues dans des établissements pénitentiaires ordinaires;

 qu'elles représentent un taux de récidive important au moment de leur sortie de prison;

 que des conditions de détention et d'encadrement thérapeutique particuliers doivent être prévues;

 que le canton de Genève fait partie du Concordat romand sur l'exécution des peines et mesures concernant les adultes et jeunes adultes (E 3 9,5);

 que cette unité peut être prévue dans le cadre des travaux de EEP 2000 (Etablissements d'exécution des peines 2000),

invite le Conseil d'Etat

 à transmettre la demande de création d'une unité spécifique d'accueil pour détenus condamnés pour perversions sexuelles graves au groupe EEP 2000 travaillant actuellement à la création d'un établissement pénitentiaire remplaçant les Etablissements de la plaine de l'Orbe (EPO), par l'intermédiaire du représentant du département de justice et police et des transports;

 à organiser une étude sur le type de soins et d'encadrement pénitentiaire nécessaires pour cette population;

 à assurer une formation professionnelle ad hoc pour les professionnels appelés à encadrer ces détenus;

 à tenir informée la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil de l'évolution de cette demande.

 

La séance est levée à 19 h 15.