République et canton de Genève

Grand Conseil

M 473-A
16. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes Jacqueline Berenstein-Wavre, Liliane Johner et Monique Vali concernant la garde des enfants malades. ( -) M473
Mémorial 1987 : Annoncée, voir résolution 118. Motion, 6303.

LE GRAND CONSEIL,

considérant,

 la grande difficulté que rencontrent de nombreux parents à obtenir un congé de la part de leur employeur lors de la maladie d'un enfant;

 que les crèches, jardins d'enfants et écoles ne sont pas équipés pour recevoir des enfants malades;

 que le recours à un service d'aides familiales pose un problème pratique d'intervention;

 que les partenaires sociaux sont ouverts à ce problème,

invite le Conseil d'Etat

à proposer des solutions à ce problème social important en collaboration avec toutes les parties concernées, soit:

 les parents qui travaillent;

 les associations s'étant déjà préoccupées de la question;

 les services s'occupant d'enfants;

 les syndicats;

 les employeurs;

 les associations professionnelles.

Pour répondre à cette motion, le Conseil d'Etat a tenté, en collaboration avec toutes les parties intéressées, d'analyser tous les aspects de ce problème important afin de proposer les solutions les plus adéquates.

Dans un premier temps, une recherche a été effectuée dans les crèches du canton sur les maladies des enfants et les solutions de garde mises en oeuvre.

La recherche menée, en collaboration avec le Service de santé de la jeunesse, avait pour objet:

 de cerner l'ampleur et les fréquences des cas de maladie dans les crèches;

 de connaître les stratégies mises en place par les parents pour y faire face, et notamment les difficultés rencontrées dans la recherche de solutions de garde.

L'enquête s'est déroulée sur une période de cinq semaines en janvier et février 1991 dans 24 crèches sur un total de 28 pour le canton de Genève, accueillant quelque 1'400 enfants, âgés de quelques mois à 6 ans. N'ont été pris en considération dans l'étude que les enfants fréquentant la crèche cinq jours par semaine, à mi-temps au moins.

C'est sur la base d'un questionnaire distribué dans les crèches que diverses informations relatives aux enfants malades ont été recueillies.

1. Principaux résultats

1.1. Fréquence de la maladie

La maladie est un phénomène courant dans les crèches, puisque près de quatre enfants sur dix ont été malades durant la période observée, soit 394 malades sur un total de 1'067 enfants.

18 % des enfants ont connu plusieurs épisodes (d'un jour ou plus) de maladie.

1.2. Durée moyenne de la maladie

Au total, ce sont 1'515 jours de maladie qui ont été enregistrés dans les 24 crèches, soit une moyenne de 3,8 jours par enfant. Les épisodes de maladie sont le plus souvent courts: entre un et trois jours dans environ sept cas sur dix. Les enfants malades plus d'une semaine sont minoritaires (8 %).

1.3. Gestion de la maladie

Si dans la majorité des cas, lors du premier jour de maladie, les enfants restent à la maison (58 %), il faut pourtant relever que 23 % d'entre eux arrivent malades. Sur les 197 enfants arrivés ou tombés malades à la crèche, seuls 75 sont repartis chez eux, tandis que 122 sont demeurés à la crèche.

La raison invoquée le plus souvent pour expliquer le maintien dans l'institution est la non-possibilité pour la mère d'obtenir un congé de son employeur-se. Les jours suivants, soit les deuxième, troisième et quatrième jour de maladie, la proportion d'enfants arrivant malades à la crèche se maintient à ¼ environ. En fait c'est environ un enfant sur deux qui a fréquenté la crèche, un jour au moins, en étant malade.

L'examen des données montre que le risque de se retrouver malade à la crèche est plus fréquent lorsque la mère occupe une position inférieure dans la hiérarchie des emplois; il est le plus faible pour les enfants dont la mère ne travaille pas à l'extérieur.

1.4. Modes de gardes

Dans un cas sur quatre, aucune solution n'est trouvée puisque l'enfant reste à la crèche, et dans plus d'un cas de maladie sur trois, c'est la mère qui prend en charge la garde de l'enfant; dans un cas sur cinq, il est fait appel au réseau familial et dans un cas sur sept, c'est le père qui prend en charge l'enfant.

Le recours à un service payant (3 %) n'est le fait que d'une petite minorité de familles; cela n'est pas étonnant vu les coûts entraînés par ce type de solution.

Face à ces résultats, une analyse approfondie de la situation juridique a été menée.

2. Droit du travail

2.1. Le titre X du Code des obligations ne contient pas de disposition précise à ce sujet. Il est à relever cependant que le Tribunal du travail de Zurich a rendu un arrêt le 2 juillet 1987 qui garantit le droit au salaire d'un père ou d'une mère obligé-e de rester à la maison pour garder un enfant malade. Aux termes de cet arrêt, cette obligation pour l'employeur découle de l'article 324a du Code des obligations qui prévoit que l'employé-e qui est empêché-e de travailler pour accomplir un «devoir légal a droit à son salaire». S'occuper d'un enfant malade, selon ce même tribunal, est une obligation légale au sens de l'article 276, alinéa 2 du Code civil suisse. Le droit au salaire est garanti pour un temps limité, c'est-à-dire le temps nécessaire pour qu'une autre solution puisse être trouvée (en principe 3 jours).

Cette décision correspond à la réponse du Conseil fédéral à une motion du 17 mars 1983 sur ce sujet, qui précise: «Le travailleur ou la travailleuse qui, sans faute de sa part, est empêché-e de travailler pour des causes inhérentes à sa personne, a droit, selon l'article 324a, alinéa 1 du Code des obligations, au salaire pour un temps limité... Cette disposition englobe tous les empêchements non fautifs de nature personnelle, corporelle ou découlant d'un service public». Le Conseil fédéral rappelle à ce propos que le message du 25 août 1967 concernant la révision du droit du contrat de travail déclare expressément que les événements familiaux, telle la maladie d'un proche parent, comptent parmi ces motifs d'empêchement.

2.2. Les conventions collectives

Selon les renseignements détenus par l'OCIRT (Office cantonal de l'inspection et des relations du travail) en juillet 1993, sur les quelque 130 conventions en vigueur, 15 seulement prévoient une disposition particulière pour la garde d'un proche ou d'un enfant malade (10 conventions de secteurs et 5 d'entreprises).

2.3. Le secteur privé

Sous l'égide de la Fédération des syndicats patronaux, un sondage a été effectué en automne 1988, auprès de 50 entreprises, qui se déclarent disposées à trouver une solution qui ne pénalise que partiellement le parent appelé à s'occuper de son enfant malade.

La plupart des entreprises sont d'accord d'octroyer un congé avec une compensation en temps de travail, et un petit nombre d'entre elles, avec une réduction de salaire.

Beaucoup d'entreprises désirent d'une façon générale pouvoir régler ce genre de situation à l'amiable et de cas en cas.

Aucune entreprise cependant n'a proposé de permettre à un parent de s'absenter lorsque son enfant est malade sans réduction de salaire ou sans compensation en temps de travail.

L'Union des associations patronales genevoise admet depuis longtemps le principe selon lequel l'employeur doit autoriser un parent à garder son enfant malade mais avec une compensation en temps de travail, voire une réduction du salaire. Les employeurs interrogés se rallient par conséquent à cette position.

2.4. Fonction publique

Pour sa part, l'Etat de Genève depuis le 1er janvier 1990 accorde, aux termes de l'article 30 lettre n du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration (B51) un congé payé sans réduction de salaire en cas de maladie grave de père, mère, conjoint-e, enfant ou d'une personne en faveur de laquelle l'intéressé-e remplit une obligation d'entretien et qui fait ménage commun avec lui. Ce congé est de deux semaines par année (10 jours ouvrables), il est accordé sur présentation d'un certificat médical dès le 1er jour (sauf pour les enfants jusqu'à 6 ans).

Il en va de même pour les membres des différents corps enseignants ainsi que pour le personnel des établissements publics médicaux.

3. Les services de garde d'enfants malades

Il existe à Genève quelques services, tous privés, susceptibles de dépanner les parents en cas de maladie d'un enfant.

 l'Association des mères cheffes de familles et des familles monoparentales (AMCF-AFM);

 le Chaperon rouge (Baby-Call-Croix-Rouge);

 le service d'aide familiale (SAF).

Parmi tous les services interrogés sur le problème de la garde des enfants malades, seuls l'AMCF-AFM et le Chaperon rouge répondent en partie à cette demande spécifique.

La réponse est totalement adéquate lorsque:

 elle peut-être apportée rapidement (dans les 4 heures qui suivent la demande);

 elle peut couvrir de 1 à plusieurs jours de 8 heures au moins;

 elle est financièrement supportable pour toutes les couches sociales de la population.

3.1. L'Association des mères cheffes de famille et des familles monoparentales

L'AMCF-AFM a créé en 1982 le premier service de garde d'enfants malades. Réservé en priorité aux membres de l'association, il est ouvert, depuis 1986, à tous les parents dans la mesure des disponibilités.

Ce service qui fonctionne depuis 10 ans se compose d'une responsable à 50 % et d'une répondante téléphonique à 30 %, d'une douzaine d'auxiliaires pour la garde d'enfants malades.

Il s'agit la plupart du temps de personnes membres de l'association et au bénéfice d'une expérience pratique avec des enfants.

Les auxiliaires peuvent intervenir plusieurs jours de suite, des journées complètes, le soir et le week-end.

Le tarif horaire est de 10 F/l'heure pour les familles monoparentales et de 15 F/l'heure pour les couples.

3.2. Le Chaperon rouge

Le Chaperon rouge est le résultat d'une mise en commun des savoirs et de l'expérience de l'association Baby-Call, service privé spécialisé dans la garde d'enfants depuis 1984 et du service de baby-sitting, organisé par la Croix-Rouge genevoise.

Ce service qui fonctionne depuis le début de l'année 1993 a une vocation de dépannage rapide et dispose d'un personnel possédant des expériences pratiques diverses, âgé de 18 à 50 ans et bénéficiant de séminaires de perfectionnement professionnel. Il est composé d'une responsable à 75 %, d'une secrétaire à 50 % ainsi que de 29 gardes d'enfants. En pleine expansion, ce service engage encore des gardes d'enfant.

Il répond dans les quatre heures à différents types de demande:

 garde d'enfant à domicile;

 remplacement de personnel dans les crèches, jardins d'enfants et garderies;

 baby-sitting.

Les tarifs en usage sont pour le jour:

 le tarif plein de 20 F l'heure; mais sur présentation du bordereau d'impôts, le tarif horaire est calculé selon le revenu (minimum 7 F, maximum 20 F);

 pour des gardes de huit heures, un tarif dégressif est proposé (minimum 40 F, maximum 140 F).

Le soir, un tarif unique de 12 F l'heure est appliqué de 20 heures à 24 heures, lequel passe à 13 F l'heure après minuit.

3.3. Le service d'aide familiale

La mission générale du service d'aide familiale est un soutien à la famille dans toutes ses composantes. Actuellement la majorité des prestations assurées est constituée de l'aide aux parents malades eux-mêmes et aux personnes âgées.

L'objectif principal de ce service n'est donc pas le dépannage d'urgence, il ne possède pas un personnel de réserve suffisant en mesure d'intervenir sans délai. Le placement d'une aide familiale est le plus souvent planifié à l'avance ou nécessite un certain délai d'attente.

Conscient cependant du problème posé aux parents qui travaillent, ce service essaie d'y répondre dans la mesure de ses possibilités et après avoir analysé avec le parent demandeur toute autre solution (services de garde, voisins, parents, etc.). Il renvoie fréquemment ce type de demande aux services existants.

Le tarif est fixé en fonction du revenu et va de 5 F/l'heure à 25 F/l'heure.

De manière générale, le coût des prestations offertes en matière de garde d'enfants malades reste élevé et constitue souvent un obstacle important à l'utilisation généralisée de celles-ci.

4. Les solutions au problème de garde des enfants malades

4.1. Une information ciblée

La plupart des personnes concernées ont été interrogées dans le cadre de cette recherche: les parents, les employeurs-euses, les crèches, les écoles ainsi que l'ensemble des services publics ou privés susceptibles d'être touchés par cette problématique.

Le besoin d'information a été exprimé à tous les niveaux.

Dans ce but, un rapport très complet sur la question intitulé «38.5o le matin: enfants malades dans les crèches et solutions de garde» a été préparé par le Bureau de l'égalité des droits entre homme et femme et sera diffusé très largement auprès des organismes et personnes concernées.

4.2. Une pochette d'information

Dès 1990, un groupe de travail, réunissant l'AGIS, l'AMCF-AFM, Baby-Call, la Croix-Rouge, le SAF, la Délégation à la petite enfance de la Ville de Genève et l'Office de la jeunesse, s'est créé dans le but de mieux connaître les différents services publics et privés s'occupant de garde d'enfants, de recenser les prestations de chacun dans ce domaine et de réunir dans une pochette les informations concrètes susceptibles d'intéresser les parents et le public en général. Cette plaquette, intitulée «Où et à qui confier nos chers petits?», sortira d'ici la fin de l'année.

4.3. Information aux parents

Alerté par le nombre d'enfants malades à l'école ou en crèche, le Service de santé de la jeunesse, en collaboration avec le Bureau de l'égalité, a édité un dépliant «Info aux parents» afin de rappeler à ceux et à celles qui travaillent leurs droits en cas de maladie de leur enfant.

Ce papillon, sorti au printemps 1992, devrait être distribué par l'intermédiaire de l'infirmière scolaire à tous les parents dont l'enfant commence l'école ou est intégré pour la première fois dans une structure d'accueil.

4.4. Sensibilisation des milieux professionnels

4.4.1.

Les partenaires sociaux recevront, pour information, la brochure «38,5° le matin», qui contient entre autres tous les résultats de l'enquête effectuée dans les crèches du canton.

4.4.2.

De manière plus concrète, il est important d'informer les travailleurs et les travailleuses de leurs droits dans ce domaine. Il est apparu, par exemple, que peu de fonctionnaires connaissaient la teneur de l'article 30 lettre n, déjà mentionné, du règlement sur le statut des fonctionnaires.

Le Conseil d'Etat diffusera une information rappelant, notamment, l'existence de cette disposition réglementaire.

4.5. Renforcement des services de garde d'enfants malades

Un rapport de la commission sociale et de la jeunesse du Conseil municipal de la Ville de Genève chargeait, en 1987 déjà, le Conseil administratif de prendre contact avec les associations et institutions de l'Etat afin de voir dans quelle mesure on pouvait améliorer leurs prestations en matière de garde d'enfants malades.

L'analyse de ces différents services montre que depuis lors, rien n'a véritablement changé, non pas faute d'énergie mais surtout par manque de moyens financiers. Un nouvel élan a toutefois été donné grâce à l'acceptation de la loi sur l'aide à domicile: un des arguments avancés par les partisans du projet était notamment le développement des prestations en matière de garde d'enfants malades.

Ce dossier a depuis été soumis à la commission sur l'aide à domicile qui doit examiner les différentes possibilités de financement de ces services. Ceux-ci ont été appelés, par le biais d'un appel d'offre avec cahier des charges, à présenter des projets de coordination de leurs activités, notamment en ce qui concerne:

1. la formation de leur personnel;

2. l'information destinée au public;

3. la tarification des services offerts.

Il semble important d'assurer une cohérence dans le développement de cette prestation à la population en maintenant les services déjà existants et en leur donnant les moyens de mieux répondre à la demande des parents qui travaillent.

5. Le problème du financement

Le coût des prestations offertes actuellement est trop élevé pour la plupart des familles, il était, par conséquent, nécessaire d'étudier d'autres modes de financement.

Pour ce faire, une étude de faisabilité d'une assurance «Garde d'enfants malades» telle qu'elle existe déjà en France, a été menée en collaboration avec diverses compagnies d'assurance.

Cette couverture GEMD permet aux parents de continuer à exercer leur activité professionnelle lorsque leur enfant est malade. Cette prestation doit permettre aux parents de se retourner et de prendre les dispositions nécessaires. Elle ne remplace pas le congé accordé par l'entreprise mais peut le compléter en cas de maladie de longue durée.

Par contre, tant que ce congé n'est pas accordé par l'entreprise, cette prestation d'assurance offre la possibilité de faire garder l'enfant à domicile, sans générer de culpabilité ou de conflits professionnels. L'étude a démontré que l'obstacle majeur du développement de cette couverture GEMD reste son coût. La solution où seuls des partenaires privés créent le produit n'est pas viable. Le montant de la prime calculé par les compagnies d'assurance sollicitées rend le produit peu commercialisable.

Seule une forme de subventionnement, problématique dans la situation présente des finances publiques, pourrait offrir le complément financier nécessaire à la création du produit.

Ce projet mérite toutefois d'être affiné et le sera dans le cadre de la réflexion que mènent actuellement les services intéressés à promouvoir les prestations en matière de garde d'enfant malade.

Débat

Mme Monique Vali (PDC). Notre motion datait de 1987 et, à la lecture de ce rapport, six ans après, je n'ai, à titre personnel, absolument rien appris de nouveau. Je veux bien accepter et prendre acte de ce dernier pour autant qu'il soit considéré comme un rapport intermédiaire, en souhaitant que le rapport final ne prenne pas autant de temps et soit le reflet d'une véritable prise en compte de la garde des enfants malades.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.