République et canton de Genève

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PL 12445-A
Rapport de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Grégoire Carasso, Léna Strasser, Diego Esteban, Caroline Marti, Thomas Wenger, Nicole Valiquer Grecuccio, Jean-Charles Rielle, Marion Sobanek, Emmanuel Deonna, Helena Verissimo de Freitas, Amanda Gavilanes, Sylvain Thévoz, Salima Moyard, Jocelyne Haller, Pierre Bayenet, Cyril Mizrahi, Olivier Baud modifiant la loi sur les bourses et prêts d'études (LBPE) (C 1 20) (Pour un véritable accès à une formation de reconversion)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 12 et 13 décembre 2019.
Rapport de majorité de M. Christo Ivanov (UDC)
Rapport de minorité de Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR)

Premier débat

Le président. Voici notre dernière urgence: le PL 12445-A. Nous la traitons en catégorie II, quarante minutes. La parole va à M. Christo Ivanov. (Un instant s'écoule.)

M. Christo Ivanov. Monsieur le président, quelqu'un avant moi a oublié sa carte.

Le président. D'accord, je vais communiquer l'information...

M. Christo Ivanov. Monsieur Eckert, tu as oublié ta carte !

Mme Salima Moyard. Tiens, Pierre, récupère ta carte.

M. Pierre Eckert. Merci.

Le président. Allez-y, Monsieur Ivanov.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons ici un projet de loi qui me paraît fort important, car il concerne la reconversion professionnelle et donc l'emploi dans notre canton. Dans l'un de ses rapports, la Cour des comptes a établi sept recommandations sur cette problématique; la recommandation 4 consiste à mieux tenir compte des parcours de formation atypiques et la recommandation 5 à apporter un soutien plus affirmé aux personnes en reconversion. Voilà précisément ce que propose le projet de loi 12445 déposé par notre collègue Grégoire Carasso.

Les travaux de commission ont mené à un compromis entre les 32 000 francs que perçoivent les bénéficiaires de l'aide sociale et les 48 000 francs du texte initial: nous avons amendé le montant pour le ramener à 40 000 francs. Je rappelle que les personnes touchant l'assurance-chômage ou l'AI sont exclues du dispositif, elles n'y ont pas droit. Ce projet de loi vise à offrir une deuxième chance à celles et ceux qui ont suivi une première formation et qui, par la suite, entendent opérer une reconversion professionnelle.

Sur le plan financier, le coût maximum par an serait de 12 millions de francs: environ 500 bénéficiaires pour un montant annuel de 24 000 francs, soit 2000 francs par mois. Les dossiers de tous ceux qui souhaiteraient disposer d'une bourse seront examinés par une commission tripartite Etat-patronat-personnel. La majorité de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport vous demande d'accepter ce projet de loi tel qu'amendé en commission. Je vous remercie.

Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR), députée suppléante et rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, suite aux travaux de commission, le PLR relève plusieurs points problématiques concernant ce projet de loi. Tout d'abord, les exemples de parcours de formation donnés par les auteurs et ceux des avantages qu'offrirait une modification de la LBPE ne tiennent pas compte du fait que ces dernières années, le DIP a déployé de nombreux efforts pour que les jeunes ne se retrouvent pas «parqués» dans une formation initiale qui ne leur plairait pas.

Même si le postulat du projet de loi est juste, à savoir qu'une reconversion est parfois nécessaire à l'âge adulte, on ignore combien ce dispositif coûterait exactement. Le projet de loi ne prend pas en considération les nombreux nouveaux parcours, notamment les passerelles ou encore les élèves qui suivent directement un second cursus à la suite du premier. Je le répète: il existe aujourd'hui des formations nouvelles que ce projet de loi omet complètement.

De plus, le texte ne tient pas compte des possibilités de se former qui amènent de plus en plus souvent les gens à terminer leurs études entre 25 et 30 ans. Des exceptions sont déjà possibles pour les personnes qui effectuent une demande de bourse dans le cadre d'une reconversion professionnelle, ce alors même qu'elles n'ont pas encore 30 ans. En toute logique, ces exceptions seront plus nombreuses avec l'abaissement de l'âge minimum à 25 ans, ainsi que la commission en a décidé. Cette modification de l'âge d'accès à une bourse pour se reconvertir professionnellement n'a d'ailleurs été considérée à aucun moment et son impact financier jamais strictement calculé.

Certes, ce projet de loi répond à des recommandations de la Cour des comptes - cela a été indiqué - mais celles-ci laissent entendre qu'une refonte complète de la loi sur les bourses et prêts d'études est imminente, ce dont les auteurs font fi, puisqu'ils proposent une modification de cette LBPE sans anticiper celles qui seront apportées ces prochaines années. Il est aussi à noter que le texte s'inscrit pleinement dans la refonte de l'aide sociale individuelle qui devrait être discutée au printemps de cette année. Seule une toute petite partie des recommandations de la Cour des comptes a été retenue alors qu'il faudrait imaginer une réforme globale de la loi en l'inscrivant dans une réflexion bien plus poussée et complexe.

Le PLR relève encore que les projections financières sont presque inexistantes; tout juste a-t-il été esquissé que le dispositif, pour autant que le nombre de demandeurs de bourses reste le même - et ceci est pure extrapolation - coûterait entre 12 et 16 millions de francs. Pour nous, l'absence de budgétisation constitue un grave problème. Notre groupe entend bien que l'un des objectifs est d'éviter que les personnes en difficulté professionnelle tombent à l'aide sociale, mais le lien de causalité entre abaissement de l'âge auquel il est possible de bénéficier d'une bourse et évitement de l'aide sociale n'est pas prouvé.

Au vu des constats qui précèdent et dans la perspective d'une refonte prochaine de la LBPE, le PLR considère qu'il est irresponsable de ne pas imaginer des prêts plutôt que des bourses d'études. En effet, il est d'ores et déjà possible de bénéficier d'un prêt quand on a plus de 35 ans et qu'on se trouve dans une dynamique de reconversion. Le prêt constituerait une solution tout à fait concevable pour des adultes qui assumeraient ainsi un engagement fort envers l'Etat, lequel les soutient dans leur démarche.

Enfin, il est légitime de s'interroger quant à la volonté des auteurs de créer une commission tripartite dont les règles, la forme et le fonctionnement ne sont pas encore définis. Il faut aussi se poser des questions sur les prestations de l'office cantonal de l'emploi et penser les mécanismes en lien les uns avec les autres, et pas séparément, en ne perdant pas de vue que la communication entre ces différentes entités doit être constante. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, le PLR refusera le projet de loi 12445 et vous recommande de le suivre. Merci. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Lors de l'étude de ce projet de loi, la majorité de notre caucus a été convaincue du bien-fondé du rapport de minorité, car nous relevons un certain nombre de problèmes dans ce texte. En fait, nous pensons que les travaux ne sont de loin pas aboutis, que la commission de l'enseignement a effectué un demi-travail. Ce qu'on peut lire dans le rapport, et c'est surprenant, c'est que M. Apothéloz lui-même... (L'orateur parcourt le rapport.) ...indique qu'il faut... Non, pardon, je me trompe de page. (Un instant s'écoule.) Voilà: «M. Apothéloz indique que le PL ne remet pas en cause la situation actuelle mais l'améliore sur certains points.» Ainsi, le magistrat lui-même admet que l'objectif est de ne traiter qu'une toute petite partie du problème !

Puis, il ajoute que «le département souhaite reprendre les recommandations de la Cour des comptes» et qu'il reviendra très prochainement avec un projet de refonte totale. Là aussi, on peut se poser des questions: pourquoi la commission s'est-elle évertuée à ne traiter qu'une partie du problème ? En plus, on ne trouve aucun élément chiffré probant dans ce projet, et M. Apothéloz le reconnaît: «Il fournira ultérieurement les chiffres précis pour le rapport.» Or il n'en est absolument rien, les chiffres demandés n'ont apparemment jamais été présentés. A la lecture de ces trois extraits, on voit bien que le travail de commission n'est absolument pas abouti. Notre caucus s'est même demandé pourquoi, au final, ce projet de loi avait été voté.

C'est la raison pour laquelle le groupe demande son renvoi à la commission de l'enseignement: celle-ci doit d'une part s'atteler à une refonte complète de la loi, d'autre part revenir éventuellement sur ce petit bout du problème avec de vrais éléments chiffrés, histoire qu'on puisse réellement déterminer ce qui nous attend au niveau financier. On nous dit que la somme «serait de»; je suis désolé, mais ce ne sont que des suppositions, et en réalité, ça risque de coûter beaucoup plus cher alors qu'on n'aura résolu qu'une toute petite partie du problème. Je vous remercie.

Le président. Merci bien. Je laisse les rapporteurs s'exprimer sur la proposition de renvoi en commission.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Il faut refuser le renvoi en commission, Monsieur le président. Je vous remercie.

Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR), députée suppléante et rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs, nous vous conseillons d'accepter le renvoi en commission. Il convient de mener une discussion globale, comme cela a été évoqué, qui prenne en compte à la fois la refonte de la LBPE et celle de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle. Merci.

Le président. Bien, je mets aux voix la demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12445 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est rejeté par 47 non contre 38 oui.

Le président. Nous poursuivons le débat, et je passe la parole à M. Grégoire Carasso.

M. Grégoire Carasso (S). Merci, Monsieur le président. Julie et Albert ont 37 ans. Ils se sont rencontrés durant leurs belles années de formation, au terme desquelles ils ont décroché un CFC dans la vente. Julie et Albert vivent ensemble à Genève avec leur fille de dix ans. Cette jolie histoire se complique lorsque l'entreprise d'Albert met la clé sous la porte, emportée par la concurrence du commerce en ligne. Albert bénéficie du chômage, il enchaîne les postulations et mesures proposées par l'OCE - comment rédiger son CV, développer son réseau, etc. - mais sans succès.

Julie, qui est bien placée pour constater l'évolution négative de leur branche, essaie de convaincre Albert de se lancer dans un nouveau projet. Albert a toujours rêvé d'être infirmier. Seulement voilà, la loi fédérale sur l'assurance-chômage n'autorise pas la reconversion professionnelle, et du fait de son âge - je rappelle qu'il a 37 ans - Albert ne peut pas non plus bénéficier d'une bourse pour entamer une formation en vue d'un changement de métier. Arrivé en fin de droits en septembre dernier, Albert est venu grossir les rangs des bénéficiaires de l'Hospice général et montre de premiers signes inquiétants pour sa santé.

Je ne vous raconte pas la suite, Mesdames et Messieurs, non seulement parce qu'elle est relativement glauque, mais surtout parce que le Grand Conseil a aujourd'hui la possibilité d'écrire une autre fin à cette histoire. Le projet qui vous est soumis modifie en effet la loi sur les bourses et prêts d'études en suivant deux recommandations de la Cour des comptes: d'abord en introduisant l'objectif de reconversion professionnelle dans la loi, ensuite en supprimant la limite d'âge - qui, actuellement, empêche toute bourse pour une formation au-delà de 35 ans - enfin en déplafonnant le montant maximum annuel des bourses et en le faisant passer de 16 000 à 40 000 francs. Dans le cas d'Albert, en tenant compte du revenu de sa femme, du coût de leur quatre-pièces et de leur fille à charge, afin d'assurer au ménage un minimum vital décent, la bourse s'élèverait à environ 25 000 francs.

Cette bourse, Mesdames et Messieurs, chers collègues, n'est pas une nouvelle charge, contrairement à ce qui a été affirmé de manière purement théorique et fantasmée tout à l'heure. Dans le cas d'espèce, il s'agit en fait d'une charge transférée de l'Hospice général au service des bourses et prêts d'études. Une bourse pour trois ans de formation à mettre en balance avec le coût humain et financier potentiel d'une vie à l'aide sociale ! Une vie à l'aide sociale, voilà ce que nous propose le PLR en s'opposant à ce projet de loi, suivi, semble-t-il, par quelques députés UDC perdus. Enfin, il s'agit d'une bourse qui permet de redonner une perspective de vie et d'emploi dans un monde dur, un monde qui change vite et face auquel il est urgent de revoir nos prestations publiques. Nous vous invitons donc à soutenir ce projet de loi qui adapte la loi sur les bourses et prêts d'études aux réalités du XXIe siècle. Je vous remercie de votre attention et de votre soutien à ce projet de loi important. (Applaudissements.)

M. Murat Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, très chers collègues, la rapporteure de minorité a excellemment décrit ce projet de loi ainsi que l'ensemble des problèmes qu'il soulève. Le texte a été adopté dans la précipitation, et c'est pour cela que j'en redemande le renvoi en commission. Je vous remercie. (Exclamations.)

Le président. Merci. Avez-vous quelque chose à dire concernant le renvoi, Monsieur Ivanov ?

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. C'est non.

Le président. Madame Buffet-Desfayes ?

Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR), députée suppléante et rapporteuse de minorité. C'est oui.

Le président. Merci. Je lance la procédure de vote sur cette nouvelle proposition.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12445 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est rejeté par 54 non contre 27 oui.

Le président. La parole revient à Mme Ana Roch.

Mme Ana Roch (MCG). Merci, Monsieur le président. Certes, il y a un gros travail à entreprendre sur le fond, mais ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas déjà commencer. Cette modification s'adapte au terrain, elle offre un coup de pouce aux personnes en reconversion qui, malheureusement, n'ont généralement pas beaucoup de moyens et doivent garder leur emploi pour survivre. Nous savons très bien que la vie est chère à Genève, on ne peut pas prendre la décision d'arrêter de travailler pour se lancer dans une nouvelle formation sans aide financière. Il s'agit simplement d'adapter le dispositif, d'élargir les conditions d'obtention d'une bourse en vue d'un nouvel horizon professionnel.

Nous avons initié le processus; charge maintenant au département, s'il le souhaite, d'approfondir le travail, mais dans l'intervalle, il est indispensable que nous puissions d'ores et déjà mettre en oeuvre ces mesures. C'est un investissement: les gens pourront améliorer leur quotidien, sortir de l'aide sociale ou du chômage ! Il est vraiment important de soutenir ce changement. Pour ces raisons, le Mouvement Citoyens Genevois votera ce projet de loi et refusera son renvoi en commission; le travail a été fait correctement, je ne vois pas ce qu'un retour en commission pourrait amener de plus. Merci. (Applaudissements.)

Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous évoluons vers une société dans laquelle l'intelligence artificielle, avec d'autres technologies, occupera une place prédominante et risque de bouleverser le marché du travail. Nous devons nous y préparer, il est primordial que nous soyons en mesure d'affronter cette réalité. La démarche de ce projet de loi s'inscrit précisément dans cet objectif, il s'agit d'une bonne première étape dans ce sens.

Les détails du texte ont été discutés en commission et la majorité a trouvé un compromis dans les chiffres: un âge minimum de 25 ans pour avoir accès à une bourse d'études et une somme plafonnée à 40 000 francs par an. L'abaissement à 25 ans est pertinent, car c'est l'âge à partir duquel le revenu des parents n'est plus considéré lors de l'octroi d'une bourse, étant donné que ceux-ci ne sont plus supposés subvenir aux besoins de leurs enfants. Bien qu'il puisse paraître très bas, ce seuil permettra aux apprentis d'entreprendre une reconversion professionnelle, étant entendu qu'ils auront déjà travaillé un certain nombre d'années. Le projet original prévoyait un plafond à 48 000 francs, calqué sur un salaire minimum de 4000 francs; le nouveau montant de 40 000 francs permettra encore aux familles de disposer d'un niveau de vie décent et surtout aux gens d'oser se replonger dans une formation.

A ceux qui seraient encore un peu réticents face à ces mesures, il sied de rappeler qu'il s'agit de plus que d'une aide financière: l'Etat opère ici un véritable investissement sur des profils de carrière qui ont besoin de se réorienter pour accéder à nouveau au marché de l'emploi, c'est une épargne sur le long terme. Les bénéficiaires se sentiront valorisés et pourront entrevoir une autre issue que le chômage ou l'aide sociale.

Au vu de tout ce qui a été dit, Mesdames et Messieurs, je vous encourage à voter en faveur de cet excellent projet de loi et surtout à ne pas le renvoyer en commission; je ne vois pas ce qu'on pourrait faire de plus que dépenser des jetons de présence. Nous avons mené les auditions nécessaires pour aboutir à une décision et nous sommes même parvenus à un compromis qui a dessiné une majorité claire sur ce texte. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Delphine Bachmann (PDC). En préambule, je souhaiterais indiquer que les travaux n'ont pas été vite faits ou mal faits; s'ils n'ont pas été faits dans le sens qui convient aux représentants de la minorité sur cet objet, eh bien c'est leur problème. Le travail en commission a été effectué, et bien effectué. Nous avons procédé à des auditions, des discussions ont eu lieu et - cela a déjà été souligné - un compromis a été trouvé quant au montant à accorder.

On reproche aux chiffres de ne pas être suffisamment clairs. C'est sûr que quand on parle d'accorder des bourses et d'en augmenter les critères d'octroi, il est très difficile - le département nous l'a d'ailleurs confié - d'estimer le nombre de personnes qui vont recourir au dispositif. Ce qu'il faut faire, c'est se lancer, puis dresser un bilan après trois, quatre ou cinq ans, quand nous aurons un peu de recul, pour déterminer quel aura été l'impact de cet investissement. Pour le parti démocrate-chrétien, il y a une évidence: il faut éviter au maximum le recours à l'aide sociale, il faut encourager les gens à se former, il faut les réinsérer dans la société, et ce le plus tôt possible, parce qu'on sait bien que plus on est resté longtemps hors du circuit, plus il est difficile d'y retourner. Ça, c'était la première chose.

La deuxième chose - elle a aussi été citée - c'est que le virage numérique est aujourd'hui une réalité et qu'on n'exerce plus une seule profession au cours de sa vie. Quand on observe le marché du travail d'il y a cinquante ans et celui de maintenant, il y a une différence monumentale ! Que dire à quelqu'un qui occupe la même fonction depuis trente ans et dont le métier, en raison de ces changements, n'existe plus ? Il est de notre devoir d'aider ces gens à se réinsérer sur le marché de l'emploi et à prendre leurs responsabilités plutôt que de les laisser s'enfoncer dans la spirale de l'aide sociale.

Le PLR propose à ces personnes - il l'avait déjà fait en commission - de déposer des demandes de crédits auprès de banques. Je reste persuadée, et le parti démocrate-chrétien avec moi, que l'endettement, particulièrement des jeunes, des familles et de la classe moyenne, n'est absolument pas une solution. Ceux-ci rencontrent déjà suffisamment de difficultés, la classe moyenne peine à boucler les fins de mois, la paupérisation de notre société est une réalité. Dès lors, envoyer les gens prendre des crédits pour se former, c'est s'assurer qu'à la fin de leur cursus, ils n'auront pas assez d'argent pour boucler leurs fins de mois; on ne fera qu'engorger Caritas et le Centre social protestant avec des plans de désendettement pour des personnes qui se seront engagées dans une formation sans en avoir les moyens.

Ce que le parti démocrate-chrétien soutient, c'est un essai. Il s'agit de réaliser un investissement pour notre société avec un bilan financier à cinq ans, parce que nous préférons voir les gens sur le marché du travail, même si cela a un coût, plutôt qu'à l'Hospice général pendant vingt ans. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci. Je passe la parole à M. Grégoire Carasso pour quarante-sept secondes.

M. Grégoire Carasso (S). Merci, Monsieur le président. Je rappellerai simplement aux esprits chagrins, notamment du PLR, que la commission a travaillé durant sept séances sur cet objet: elle a auditionné le Conseil d'Etat ainsi que le service des bourses et prêts d'études, elle a pris connaissance du rapport de la Cour des comptes dans le détail, elle a entendu l'Hospice général, les syndicats - la CGAS, en l'occurrence - de même que les syndicats patronaux, qui nous ont dit tout le bien qu'ils pensaient de ce projet de loi; ils l'ont même amélioré sur le plan de la limite d'âge en nous suggérant vivement, ce que la commission a suivi de manière presque unanime, d'abaisser la limite d'âge de 30 à 25 ans. Au PLR qui plaide régulièrement en faveur du dialogue social, je répondrai qu'avoir un projet de loi socialiste soutenu tout à la fois par les syndicats patronaux, la CGAS, l'Hospice général et le service des bourses et prêts d'études est suffisamment rare pour être souligné...

Le président. C'est terminé, Monsieur.

M. Grégoire Carasso. Ah, d'accord. Ce n'est pas grave, Mesdames et Messieurs, vous aurez compris le message ! Merci. (Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG). J'ai entendu - nous avons entendu - l'évocation des prêts. Il faut savoir qu'aujourd'hui, la principale source d'endettement des étudiants américains, c'est leurs études. Il n'existe pas pire moyen pour financer une formation que celui du prêt, il faut farouchement s'opposer à un tel système.

Ensuite, on entend souvent le leitmotiv selon lequel l'arrivée massive de frontaliers sur notre marché est due à une mauvaise formation des gens de chez nous. Il est quand même curieux que ce soient précisément ceux qui se plaignent de cette faiblesse qui s'opposent maintenant à son amélioration. Mesdames et Messieurs, nous devons bien entendu soutenir ce projet de loi. (Applaudissements.)

Le président. Merci. La parole revient à Mme Buffet-Desfayes pour... (Un instant s'écoule.)

Mme Salima Moyard. Pour trois minutes.

Le président. ...pour trois minutes, oui.

Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR), députée suppléante et rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Pour revenir sur le parcours qui a été cité en exemple, on peut suivre exactement la même logique si on considère l'ensemble des nouvelles formations et options qui sont maintenant intégrées au sein du DIP, lesquelles n'existaient pas avant. J'ai entendu plusieurs fois l'évocation de personnes ayant exercé le même métier pendant trente ans; or avec cette modification de la loi, les gens auront accès à un prêt à partir de 25 ans, donc il ne peut pas s'agir de ceux qui ont déjà travaillé pendant trente ans.

Mesdames et Messieurs, n'oublions pas que l'on parle de reconversion professionnelle. Prenons l'exemple d'un élève du DIP qui aurait doublé pendant le cycle d'orientation, qui aurait suivi un premier cursus dans le cadre de l'enseignement secondaire II, qui aurait doublé à nouveau, qui aurait peut-être décidé de changer de voie et aurait finalement commencé un apprentissage après 18 ans; après quatre ans de formation, il aurait 22 ou 23 ans et pourrait bénéficier, quelques années plus tard à peine, d'une bourse pour reconversion professionnelle ? Je ne dis pas que cela ne doit pas être possible, mais des exceptions existent déjà, on nous l'a clairement expliqué pendant les travaux de commission. Partant, on ne peut pas généraliser et abaisser l'âge d'accès aux prêts à 25 ans. Comme je l'ai dit, le «gap» entre la fin des formations telles qu'elles sont proposées aujourd'hui et la reconversion professionnelle est trop faible, c'est absolument injustifié. Je le répète: le projet de loi ne tient pas compte des formations nouvelles ni de la refonte complète de la loi sur les bourses et prêts d'études.

Tout cela relève d'une méconnaissance du fonctionnement du DIP et des nouvelles formations qui ont vu le jour, de FO18 qui déploie tout juste ses premiers effets, et on ne peut pas prétendre qu'on se trouve encore dans un ancien système où les gens sont «parqués» pendant trente ans et, soudain, ne peuvent plus exercer leur profession. Les choses ont beaucoup évolué, les jeunes sont très vite sensibilisés à des réorientations, à des formations complémentaires, ils terminent souvent un premier cursus et en entament directement un deuxième, parce qu'ils en ont le droit. Il y a aussi une sorte de mauvaise foi de la part de ceux qui soutiennent ce projet, car ils s'obstinent à ne pas prendre en compte ces éléments. C'est la raison pour laquelle nous vous appelons encore une fois à considérer les choses dans leur ensemble, à les mettre en perspective avec les réformes que j'ai mentionnées tout à l'heure. Je vous remercie.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Je vais répondre à un certain nombre de questions et d'observations qui ont été formulées. Lors de son audition, le directeur de formation de l'UAPG, donc du patronat, a indiqué ceci: «Il conçoit cependant que la limite de 30 ans est sans doute déjà tardive, et qu'une personne travaillant dans la vente qui pourrait voir son emploi disparaître au profit de l'automatisation devrait sans doute pouvoir y bénéficier dès 25 ans.» Voilà, tout est dit par rapport à cette problématique.

En ce qui concerne la question financière, je parlais tout à l'heure d'environ 500 dossiers qui pourraient être traités par la commission tripartite. Prenons les statistiques actuelles relatives aux bourses d'études: dans la tranche d'âge des 30-34 ans, il y a 145 bénéficiaires; parmi les 35-39 ans, ils sont au nombre de 149; si on y ajoute les 148 bénéficiaires des 40-44 ans, on est dans la cible, voire largement en dessous, puisqu'on se situe aux alentours de 450 personnes. Le montant avancé de 12 millions constitue un plafond qui se révélera en réalité bien inférieur, car des charges seront transférées de l'Hospice général vers le service des bourses et prêts d'études. Ainsi, cette somme sera probablement moins conséquente.

Mesdames et Messieurs, il s'agit de donner une deuxième chance à celles et ceux qui ont besoin d'entamer un nouveau parcours et, pour cela, d'opérer une reconversion professionnelle. Ce projet de loi représente un investissement pour l'avenir, il convient de tendre la main à celles et ceux dont les métiers disparaissent ou qui se trouvent à l'aide sociale. Oui à la formation et donc oui à ce projet de loi ! Je vous remercie.

Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de voter.

Mis aux voix, le projet de loi 12445 est adopté en premier débat par 64 oui contre 27 non.

Le projet de loi 12445 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 12445 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 66 oui contre 26 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 12445