République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

P 2050-B
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la pétition : Que la honte change de camp !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 12 et 13 décembre 2019.

Débat

Le président. Nous poursuivons avec la P 2050-B. La parole revient à Mme Léna Strasser.

Mme Léna Strasser (S). Merci, Monsieur le président. A notre goût, la réponse du Conseil d'Etat est lacunaire sur la plupart des points de cette pétition, aucune action nouvelle n'est proposée. Nous avons accepté hier un projet de loi ouvrant un crédit extraordinaire pour Viol-Secours, mais qu'en est-il des autres associations directement engagées auprès des femmes victimes de violences qui se trouvent dans des situations similaires ? Qu'en est-il d'un règlement en matière de prévention et de traitement du harcèlement sexuel au travail, par exemple via un mandat confié à l'OCIRT, afin d'éviter que cette protection ne dépende au final que d'une défense judiciaire difficile et pas forcément à la portée de chaque citoyenne ou citoyen ?

Au niveau juridique, qu'en est-il de la loi sur le sexisme dont le dépôt était imminent ? Qu'en est-il d'une réflexion de fond sur la simplification du dépôt de plainte ? En effet, l'existence d'un arsenal légal en matière de protection des victimes ne peut pas, en soi, être reconnue comme un facteur suffisant pour faire diminuer les cas de violences sexuelles. La dernière étude d'Amnesty International en Suisse, qui date de 2019, révèle que seules 8% des femmes ayant vécu des violences ont porté plainte.

Enfin, la demande de la pétition - et donc des associations qui l'ont signée - quant à un observatoire indépendant des violences faites aux femmes est balayée sous prétexte qu'un observatoire des violences domestiques existe déjà. Or la réalité des violences subies par les femmes recouvre un éventail beaucoup plus large de manifestations, et pour évaluer les politiques de prévention et les actions menées contre les différents types d'actes perpétrés à l'encontre des femmes et des filles à l'école, au travail, dans l'espace privé et dans l'espace public, nous avons besoin de chiffres qui prennent en compte l'ensemble des données.

Vous l'aurez compris, le groupe socialiste demande le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat pour que la honte change réellement de camp ! (Applaudissements.)

Mme Adrienne Sordet (Ve). Je vais aller un peu dans le même sens que Mme Strasser, mais je tiens d'abord à remercier le département et l'ensemble des collaboratrices et collaborateurs ainsi que des associations qui oeuvrent quotidiennement pour l'égalité. Si le Conseil d'Etat fait quelques pas dans la direction des pétitionnaires, certains aspects ne sont pas abordés suffisamment en profondeur pour le groupe des Verts.

Par exemple, bien que la législation fédérale actuelle demande aux entreprises de prendre des mesures quant au harcèlement sexuel et aux comportements discriminatoires en leur sein et que certaines d'entre elles soient accompagnées par le SECO, peu - voire pas - de contrôles sont effectués. Or comment savoir si de telles règles sont adaptées ou appliquées en l'absence de suivi ? Envoyer le règlement à l'OCIRT constituerait une solution tangible qui n'a même pas été évoquée par le Conseil d'Etat.

On nous dit également qu'en matière de formation pour les professionnels des milieux médicaux, sociaux et éducatifs, le BPEV soutient ponctuellement les associations réalisant des projets en lien avec l'égalité. Eh bien il faudrait lui allouer des ressources supplémentaires pour que ce «ponctuellement» se généralise et se transforme en «continuellement».

S'agissant des moyens accordés aux associations de première ligne, qui jouent un rôle crucial dans la prise en charge des victimes de violences, de harcèlement et de discrimination, le gouvernement a fait un pas dans la bonne direction avec une proposition de réajustement du contrat de prestations 2020 de Viol-Secours ainsi que du foyer Arabelle, que je vous invite d'ailleurs à voter. Nous espérons que les promesses faites hier en plénière seront tenues et que suite à l'audit qui se terminera en février, le Conseil d'Etat continuera à soutenir Viol-Secours tout comme les autres associations qui oeuvrent dans le même sens.

En ce qui concerne l'éducation sexuelle, nous savons que c'est dans les périodes de la vie où ils se découvrent que les élèves ont le plus besoin d'être sensibilisés à ces thématiques car, rappelons-le... (Brouhaha.)

Une voix. Chut !

Une autre voix. S'il vous plaît !

Mme Adrienne Sordet. ...car, rappelons-le, le taux de suicide déjà élevé chez les jeunes en Suisse l'est deux à cinq fois plus chez les LGBTIQA+. L'école a un rôle très important à jouer au niveau de la prévention et de l'information, et si les actions actuelles sont louables, elles ne vont pas assez loin; un projet de loi émanant du Conseil d'Etat commence à se faire attendre. Nous allons continuer à insister sur ce point pour obtenir les ressources nécessaires.

Enfin, concernant la police, les femmes victimes de violences ou de viol n'osent pas toujours se rendre au poste... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...car elles ne s'y sentent pas en sécurité. Pourquoi ? Parce que les questions sont parfois intrusives et que les agents qui les reçoivent manquent de formation. Certes, une permanence téléphonique spécifique existe, mais chaque poste devrait pouvoir accueillir une personne victime de viol ou de violences de manière adéquate. Dans ce domaine-là aussi, il faut initier des mesures supplémentaires.

Bref, vous l'aurez compris, pour le groupe des Verts, la réponse du Conseil d'Etat est acceptable, mais nous estimons qu'après l'année féministe que nous venons de vivre, il est possible de faire mieux et de s'engager davantage. C'est la raison pour laquelle nous ne prendrons pas acte de ce rapport, mais le renverrons à l'expéditeur. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci bien. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi au Conseil d'Etat, que je mets aux voix.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la pétition 2050 est adopté par 39 oui contre 30 non.

Le rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 2050 est donc refusé.