République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

IN 172-B
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier l'initiative populaire cantonale 172 « Zéro pertes : Garantir les ressources publiques, les prestations et la création d'emplois »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 31 octobre, 1er et 7 novembre 2019.
Rapport de majorité de M. Jean-Marc Guinchard (PDC)
Rapport de minorité de M. Jean Batou (EAG)

Débat

Le président. Nous abordons notre premier point fixe, l'IN 172-B, en catégorie II, soixante minutes. (Brouhaha.) J'attends le silence pour continuer ! (Un instant s'écoule.) Le rapport de majorité est de M. Jean-Marc Guinchard, remplacé par M. Jean-Luc Forni, celui de minorité de M. Jean Batou. Monsieur Forni, c'est à vous.

M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'IN 172 a été lancée et déposée par la Communauté genevoise d'action syndicale et les partis de l'Alternative suite au refus populaire de la RIE III par 60% des votants. Cette initiative constitutionnelle entend fixer le cadre cantonal d'application de la réforme de l'imposition des entreprises. Il est à noter qu'elle a abouti - 10 000 signatures ont été récoltées - avant l'acceptation de la RFFA le 19 mai dernier, c'est un élément important pour cadrer le débat. Selon les initiants, le rejet de la RIE III dans le canton de Genève s'explique notamment par la prise en considération des données de la réforme cantonale, même si ce n'était pas formellement l'objet de la votation, d'où le dépôt de leur initiative.

Le 9 avril 2019, alors que l'on était en plein débat politique sur la RFFA, les initiants déclaraient devant la commission fiscale que si le nouveau projet adopté par le Grand Conseil devait être accepté par le peuple, cette initiative servirait de garde-fou eu égard à - je cite - «une situation où les personnes physiques, les salariés et les retraités, seraient amenées à contribuer proportionnellement davantage à la redistribution de richesses que les entreprises, particulièrement les grandes entreprises qui réalisent, pour certaines d'entre elles, des centaines de millions de francs de bénéfices». Il y aurait là - je cite encore - «une inégalité de traitement face à l'impôt qui est quelque chose de complètement opposé à la notion globale de la progressivité de l'impôt». Les auteurs s'opposent au régime des statuts spéciaux qui favorisent un certain nombre de multinationales. Selon eux, ce système doit être aboli, mais pas en créant d'autres privilèges et surtout pas en causant des pertes fiscales pour les collectivités publiques, qui se traduiraient immanquablement par une dégradation des prestations, que ce soient les aides directes à la population ou simplement la qualité et l'étendue du service public.

L'initiative dénonce également une sous-enchère fiscale permanente entre cantons: chacun avance comme argument que celui d'à côté a déjà baissé ses impôts et que si on ne le suit pas, les contribuables vont partir dans les cantons voisins. Pour les initiants, tout ce qui peut empêcher la sous-enchère fiscale intercantonale est bon à prendre. Ainsi, l'initiative comprend une disposition constitutionnelle prévoyant que l'Etat de Genève doit lutter contre cela par tous les moyens. Si on additionne les trois symboles que sont la taxe personnelle, l'imposition des petits propriétaires immobiliers et le fait que les petites entreprises ne sont actuellement pas imposées, on observe, toujours selon les initiants, que le curseur fiscal se déplace vers les personnes physiques.

En fait, Mesdames et Messieurs les députés, la commission a refait le débat politique sur la RFFA durant de longues heures avant de devoir se rendre à l'évidence: le 19 mai, le peuple acceptait très largement la RFFA, ses tenants et aboutissants, à Genève comme en Suisse, ce qui rendait caducs les arguments des auteurs de l'initiative. Malgré les appels du pied de la commission fiscale qui lui proposait de retirer son texte, le comité d'initiative a décidé à l'unanimité de le maintenir, arguant qu'il ne concerne pas uniquement la RFFA, mais soulève des principes constitutionnels, dont celui d'un engagement de l'Etat à lutter contre la concurrence fiscale intercantonale et à favoriser la progressivité de l'impôt ainsi que le maintien des prestations de l'Etat. Voilà les mesures que les auteurs entendent inscrire dans la constitution, lesquelles vont bien au-delà de la RFFA.

Bon nombre de commissaires au sein de la majorité ont regretté l'attitude du comité d'initiative, qualifiant celui-ci de mauvais perdant. En effet, l'initiative a toujours été focalisée sur la RFFA, même si, depuis la votation du 19 mai 2019, ses partisans prétendent qu'elle touche d'autres principes constitutionnels. Par respect pour les 10 000 signataires, la commission fiscale a accepté de mener des auditions supplémentaires afin de traiter les thématiques constitutionnelles invoquées. Néanmoins, les prises de position tant de l'Union des villes suisses que de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances n'ont pas modifié les points de vue divergents des commissaires sur cette initiative.

Mesdames les députées, Messieurs les députés, refaire un débat sur la RFFA alors que le peuple a tranché et avant même que la réforme ne déploie ses effets ne serait pas sérieux et pourrait même être assimilé à de l'obstruction parlementaire. On connaît les méthodes de la gauche pour tenter de fragiliser le tissu économique via l'imposition des dividendes, via des attaques récurrentes contre le bouclier fiscal pour taxer davantage les gros contribuables. La commission a maintes fois discuté du fond de l'initiative. S'il y a un accord quant à la volonté de minimiser les pertes fiscales, il n'y en a pas s'agissant de la méthode. A droite, on explique qu'avec une baisse d'impôts, pour autant qu'elle soit menée de manière intelligente, c'est-à-dire avec des mesures d'accompagnement telles que celles qui sont prévues dans le projet RFFA, le canton sera gagnant à terme. La gauche dit que non et que d'autres mesures sont nécessaires.

Mesdames les députées, Messieurs les députés, une grande majorité de la commission fiscale vous invite à rejeter l'initiative 172 ainsi que le principe d'un contreprojet. Le peuple a très largement accepté la RFFA le 19 mai dernier, rendant obsolètes les fondements de ce texte. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, de toute évidence, tout le monde devrait soutenir cette initiative, puisqu'on nous explique continuellement que l'introduction de la RFFA permettra à l'Etat de réaliser des recettes supplémentaires. On connaît la devise: trop d'impôt tue l'impôt, et si on les baisse, les recettes augmentent. Eh bien voyez-vous, nous aimerions que cela soit inscrit dans la constitution, et ce pour les raisons suivantes: d'abord parce qu'il faut combattre la concurrence fiscale intercantonale, c'est-à-dire le dumping fiscal entre cantons, ensuite parce que - vous le dites toutes et tous - nous voulons garantir le financement des prestations publiques et le maintien des recettes de l'Etat.

En ce qui nous concerne - mais ce n'est sans doute pas partagé par les bancs de droite - nous voulons même accroître la progressivité de l'impôt. C'est exactement ce qui figure dans la nouvelle disposition constitutionnelle: chacun contribue selon ses moyens aux dépenses publiques. Dans une société où les riches deviennent toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres, le rôle de l'impôt consiste à redistribuer un peu plus. Or les riches qui deviennent toujours plus riches n'ont pas envie de céder une part de leur pactole aux gens qui en ont le plus besoin, c'est d'une banalité évidente.

Cette initiative demande quatre choses, que nous souhaitons voir inscrites dans la constitution. Avant tout, il s'agit de lutter contre la concurrence fiscale intercantonale. Il y a deux aspects à la concurrence fiscale intercantonale: l'aspect réel et l'aspect épouvantail. L'aspect épouvantail est tout à fait discutable. En effet, il n'est pas toujours vrai que les entreprises ou les personnes physiques choisissent de s'établir dans tel ou tel canton pour des motifs purement fiscaux. Nous le savons, toutes les études le montrent, il existe bien d'autres critères dans le choix de la domiciliation. Mais évidemment, quand il est question d'impôts, on prétend généralement qu'il est nécessaire de les diminuer parce que le canton voisin l'a fait. L'un des arguments majeurs en faveur d'une réforme à Genève, c'était la baisse de l'imposition des entreprises dans le canton de Vaud.

Pourtant, des études sur la suppression de l'imposition des héritages en ligne directe - la chose avait commencé à Schaffhouse, puis s'était répandue comme une traînée de poudre dans toute la Suisse - prouvent que la concurrence fiscale entre cantons est beaucoup plus limitée que ce qu'avait prétendu chaque canton pour justifier la diminution ou la suppression de cette imposition. Voilà l'aspect épouvantail: il s'agit de faire peur et de forcer chaque canton à s'adapter aux baisses fiscales en faveur des privilégiés.

Mais il y a aussi un aspect réel, et le Conseil fédéral le reconnaît en disant: «[...] dans la littérature, on s'attache essentiellement à deux aspects des inconvénients de la concurrence fiscale. Premièrement, on craint que la concurrence fiscale ne conduise à une surenchère au niveau des baisses d'impôts entraînant une dégradation rampante» - c'est le Conseil fédéral qui le dit, ce n'est pas Jean Batou - «une dégradation rampante des infrastructures. Deuxièmement, on affirme que la concurrence fiscale limite par trop les possibilités politiques de redistribuer les revenus et la fortune.» Oui, Mesdames et Messieurs, «la concurrence fiscale limite par trop les possibilités politiques de redistribuer les revenus et la fortune» ! C'est la raison pour laquelle nous exigeons que soit inscrite dans la constitution la volonté de l'Etat de Genève de combattre la concurrence fiscale intercantonale.

Maintenant, j'en viens à l'argument inepte - et je vais peut-être mordre sur le temps de mon groupe, Monsieur le président - selon lequel trop d'impôt tue l'impôt. Vous savez que c'est une courbe en cloche, il n'y a pas besoin d'avoir fait beaucoup de mathématiques pour le comprendre: s'il n'y a pas d'impôts, il n'y a pas de recettes; s'il y a des impôts, ça monte, ça monte, ça monte et puis à un moment donné, les impôts sont trop importants, ça redescend. Il ne s'agit pas d'une théorie scientifique, mais d'une courbe qui a été tracée par M. Laffer sur une nappe en papier de restaurant à Washington, laquelle est aujourd'hui conservée au musée national d'histoire américaine, car elle cristallise un grand moment: la naissance du néolibéralisme sur le plan fiscal. Après, on s'est interrogé: comment déterminer le sommet de la courbe de Laffer, où est-ce que ça commence à baisser ? Ah, personne ne peut le dire, bien malin qui le sait ! Eh bien je vous le dis, moi, parce que nous l'observons dans tous les pays d'Europe: on diminue les impôts des privilégiés et on réduit les prestations sociales ainsi que le financement des infrastructures publiques.

Il nous faut rompre avec cette logique, faute de quoi nous allons revenir au XIXe siècle - c'est ce que dit Thomas Piketty dans ses différents bouquins - à l'époque de Balzac où les rentiers qui possédaient beaucoup d'argent dans leur bas de laine dominaient la société tandis qu'il était impossible pour les travailleurs d'accumuler ne serait-ce qu'un tout petit peu de bien-être. Nous sommes en train de revenir à une société de propriétaires, d'héritiers, de multimillionnaires, de gros actionnaires qui ne veulent plus payer leur contribution aux dépenses publiques alors que se creuse le fossé social en défaveur des personnes les plus précarisées. Il nous faut rompre avec cette logique, inscrire dans la constitution que toute réforme fiscale fédérale doit nécessairement se traduire premièrement par la préservation des prestations et subventions, deuxièmement par le maintien des recettes publiques, troisièmement par un renforcement de la progressivité de l'impôt.

Vous allez me demander: comment augmenter la progressivité de l'impôt des personnes morales ? Eh bien c'est très simple: plus votre bénéfice est important, plus votre taux d'imposition augmente. J'avais déposé un projet de loi pour réintroduire cette progressivité et je vous assure - j'en prends l'engagement ici - que je redéposerai un texte similaire dans le cadre de la RFFA. En effet, on a malgré tout abaissé les impôts à 13,99%; alors c'est très bien pour les petites entreprises - même si, en général, celles-ci ne paient pas d'impôts sur le bénéfice - mais on pourrait imaginer que pour des sociétés qui réalisent de gros bénéfices, on monte par paliers à 14%, 14,5%, 15%, jusqu'à 16% ! 16%, le taux fatidique qui nous permettrait de parvenir à la neutralité fiscale. Je vais vous faire une révélation. (Exclamations.) Avec une progressivité de l'impôt des personnes morales, nous pourrions épargner 95% des entreprises et rentrer dans nos fonds en taxant un peu plus les grandes compagnies, en tendant pour elles vers les 16%.

Pour cette raison, Mesdames et Messieurs, surtout sur les bancs de droite, je vous incite à faire un examen de conscience. Puisque vous nous garantissez que nous toucherons davantage de recettes fiscales grâce à la baisse de moitié des impôts des entreprises, eh bien chiche, soutenez l'initiative 172; elle ne vous engage qu'à respecter vos convictions. Ainsi, nous allons tous voter ce texte de manière unanime. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, l'initiative 172... (Brouhaha.) Si je pouvais avoir un peu de silence !

Une voix. On n'entend rien !

Le président. Attendez un instant que ça se calme ! (Un instant s'écoule.) Voilà, vous pouvez poursuivre.

M. Christo Ivanov. Merci, Monsieur le président. L'initiative 172 a en effet été lancée par la CGAS et les partis de l'Alternative suite au refus populaire de la RIE III par 60% des votants à Genève. Or cette année, le peuple genevois a adopté à la fois la réforme fédérale et la réforme cantonale, avec un taux d'acceptation de plus de 58%.

Les initiants demandent tout d'abord à l'Etat d'agir pour réduire la concurrence fiscale intercantonale. On peut y être favorable ou opposé, mais la réalité, c'est que quasiment tous les autres cantons ont déjà mené leur propre réforme fiscale: Bâle-Ville, par exemple, a opté pour un taux de 13%, Vaud pour un taux de 13,79%, Fribourg pour un taux de 13,72%. Genève a décidé, par la voix populaire, que son taux s'établirait à 13,99%. Je rappelle que de nombreux pays étrangers ont également baissé leur taux d'imposition sur le bénéfice, comme les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne - et ce sera très bientôt le cas de la France.

Le texte vise ensuite la préservation du financement des services publics et le maintien du niveau des recettes fiscales cantonales et communales. Les auteurs ont-ils mesuré le risque que les entreprises partent, à commencer par les sociétés à statut ou les forfaitaires fiscaux, sans lesquels nous aurions de grandes difficultés à financer le social dans notre canton ? Cela représenterait un coût bien supérieur aux chiffres de la réforme et à ceux qu'ils évoquent. La RFFA ne connaît pas de progressivité, puisque l'impôt sur le bénéfice est un taux fixe. Quant au coût, il n'est pas de 186 millions, mais de 372 millions, car il faut y ajouter les 186 millions du contreprojet à l'initiative 170. Je me permets de demander aux initiants comment tout cela serait financé.

La RFFA ayant été votée en mai 2019, cette initiative est obsolète et vous devriez la retirer. Vous la maintenez pour des raisons stratégiques que je peux tout à fait comprendre, mais par honnêteté intellectuelle vis-à-vis du vote du souverain, par respect pour notre population, vous devriez la retirer. Mesdames et Messieurs, le groupe UDC refusera cette initiative et vous demande de voter non également. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, les propos de mon préopinant sont simplement faux, et les partis comme les syndicats qui ont récolté des signatures pour cette initiative n'ont absolument pas à la retirer. Pourquoi ? Parce qu'elle ne concerne pas seulement la RFFA, mais intervient dans le cadre extrêmement large de toute réforme fédérale sur la fiscalité, aussi bien des personnes physiques que morales. Je reviendrai à la fin de mon intervention sur la progressivité de l'impôt qui, à Genève, porte exclusivement sur les personnes physiques - mais le canton du Valais, par exemple, connaît une progressivité de l'impôt des personnes morales.

Je suis un peu déçu, parce que je pensais à titre personnel que suite à la RFFA, on manifesterait une certaine sagesse, une certaine raison s'agissant des finances publiques, mais force est de constater que je me suis trompé. En effet, depuis le vote de cette réforme, la droite a effectué plusieurs baisses d'imposition, notamment des déductions fiscales supplémentaires pour les frais de garde d'enfants, sous prétexte qu'elles arrangent les familles; c'est parfaitement faux, je l'ai prouvé lors du dernier débat. En réalité, ces déductions pénalisent les finances cantonales et donc les prestations publiques, c'est-à-dire ce dont ont vraiment besoin les familles aujourd'hui. Je me suis trompé, je croyais qu'on pourrait faire preuve d'esprit de compromis, négocier, pourquoi pas en élaborant un contreprojet à cette initiative - je l'ai mentionné en commission. Rien à faire, aucune ouverture, la discussion en matière de fiscalité est close. Je me suis donc trompé, je nourrissais peut-être trop d'espoirs.

Maintenant, Mesdames et Messieurs, analysons cette initiative. Tout d'abord, elle pose un cadre en mentionnant que l'Etat doit lutter contre la concurrence fiscale entre les cantons. Comment s'opposer à ce principe ? Chaque mardi midi, à la commission fiscale, et lors de chaque séance du Grand Conseil, nous évoquons cette fameuse concurrence fiscale, et les représentants de la droite martèlent que Genève aurait le taux d'impôt sur la fortune le plus élevé et qu'il faut le baisser, que la charge fiscale dans notre canton serait la plus élevée du pays et que, partant, il convient de diminuer les différentes impositions. La droite fait constamment référence à la concurrence fiscale pour réduire le niveau d'imposition !

Le résultat, on le voit très concrètement avec la réforme sur les forfaits fiscaux. Il y a quelques années, la majorité de droite a opté pour le modèle de calcul des forfaits fiscaux qui avantage le plus les grandes fortunes, le pire modèle de Suisse en comparaison intercantonale, un véritable cadeau aux plus nantis du canton. Si on joue à la concurrence fiscale, on se retrouvera comme le canton de Lucerne qui introduit une semaine de vacances supplémentaire pour les enfants parce qu'il n'a plus les moyens de financer l'ensemble de la scolarité.

Examinons les autres éléments de cette initiative: préservation des finances publiques et maintien du niveau des recettes fiscales. Là encore, si on ne veut pas devenir le canton de Lucerne, il nous faut conserver nos recettes. Pourquoi ? Ce n'est pas juste pour la beauté du chiffre, mais parce que nous assumons d'importantes charges. Aujourd'hui, malheureusement, Genève connaît un appauvrissement et un vieillissement de la population ainsi qu'un accroissement démographique. Année après année, on le voit, les charges augmentent, non pas parce que Genève offre la moindre nouvelle prestation publique - non, non, pas du tout ! - mais parce que notre canton connaît un vieillissement et un appauvrissement de la population ainsi qu'un accroissement démographique. C'est ce qu'on appelle des charges automatiques, c'est-à-dire qu'en ne changeant rien à nos prestations, les charges augmentent. Voulons-nous davantage d'élèves par classe ? Voulons-nous un accès à la santé de moins bonne qualité ? Non, je ne crois pas, et c'est pourquoi ces deux éléments - préservation du financement des prestations publiques et maintien du niveau des recettes fiscales - sont indispensables.

Le dernier aspect, c'est le renforcement de la progressivité de l'impôt. Bien sûr, nous pouvons modifier les dispositions actuelles s'agissant des personnes morales, et peut-être que M. Batou déposera un projet de loi à ce sujet, mais en ce qui concerne les personnes physiques, c'est-à-dire les individus - je rappelle que les personnes morales sont les entreprises, les personnes physiques les individus - nous pouvons continuer à jouer là-dessus, nous pouvons augmenter la progressivité de l'impôt. Pourquoi ? Parce qu'il y a dans notre canton une inégale répartition des richesses, qui va hélas croissant, on l'observe année après année. La part de la population qui ne paie pas d'impôts parce qu'elle n'en a pas les moyens atteint 35%; à l'inverse, le ratio des contribuables multimillionnaires augmente, pas nécessairement en effectifs - même si ceux-ci progressent aussi - mais en fortune.

Quant au fameux départ des riches, c'est un mythe, puisqu'ils continuent à arriver. Tant mieux pour notre canton, ils amènent avec eux des recettes fiscales ! Cependant... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...ils doivent contribuer en fonction de leurs moyens. Or nous constatons aujourd'hui que cette inégale répartition des richesses s'accroît, et si nous visons le bon fonctionnement de l'imposition, une plus juste répartition des richesses pour permettre une vraie égalité des chances dans notre canton, eh bien ça doit passer par une progressivité de l'impôt. Cela signifie que plus on a de moyens, plus on participe; c'est normal, c'est un effort en faveur de la collectivité. A l'heure actuelle, c'est la classe moyenne qui fait cet effort, ce sont les milieux les plus précaires qui souffrent en premier, car les prestations publiques sont menacées...

Le président. C'est terminé. Je passe la parole...

M. Romain de Sainte Marie. ...et c'est pourquoi il faut augmenter la progressivité de l'impôt. (Applaudissements.)

Le président. ...au député M. Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Ce débat, vous savez, c'est comme «Top Models»: vous pouvez louper 250 épisodes, vous comprenez toujours la suite, parce que c'est continuellement la même discussion ! (Rires. Applaudissements.)

En ce qui me concerne, je serai très court, ça ne sert à rien de perdre douze minutes sur ce sujet. On a voté, le peuple a décidé, le peuple a arbitré, et on va maintenant attendre de voir ce que donne cette réforme sur la fiscalité des entreprises. On ne va pas recommencer le débat, on ne va pas s'amuser à déposer des projets de lois. Non, il faut accepter la voix populaire, c'est le minimum, et se donner rendez-vous dans deux ou trois ans pour voir qui aura eu raison. Je vous remercie.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci bien. Je rappelle que nous disposons tous d'une carte et que les députés qui souhaitent prendre la parole doivent d'abord l'insérer dans le lecteur; ensuite, je leur passerai la parole. C'est le tour de M. Rossiaud.

M. Jean Rossiaud (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'initiative «Zéro pertes» a été déposée démocratiquement, elle doit être soumise au peuple démocratiquement, il n'y a aucune raison qu'on la retire et qu'on décide de ne pas la mettre aux voix. En effet, son principe est toujours valable: elle a été lancée pour tempérer les risques de la RFFA - et, avant elle, de la RIE III - et encadrer les mesures fiscales qui feront subir à l'Etat des pertes considérables et endetteront la collectivité pour longtemps - c'est ce qu'on est en train de voir avec le budget qui nous est présenté.

L'initiative demande la neutralité fiscale. Il aurait été possible, Mesdames les députées, Messieurs les députés, de consulter les citoyens sur ce texte avant de leur poser la question de la réforme fiscale. La population s'est prononcée en faveur d'un taux unique pour les entreprises locales comme pour les sociétés à statut, c'est un point sur lequel nous étions tous d'accord. Ce que nous, les Verts, avions demandé en commission, ce sur quoi nous n'avons pas été écoutés, c'est que cette initiative sur la neutralité fiscale soit soumise au vote populaire avant la RFFA.

En repoussant le scrutin de quelques mois, le peuple aurait pu se prononcer avant, il aurait été possible de mener une réforme fiscale avec zéro pertes, en passant d'un taux de 24% à 15,5% ou 16%, ce que proposaient les Verts, au lieu des 13,99% décidés par la droite de ce Grand Conseil. Le Conseil d'Etat a privilégié son entente avec les multinationales plutôt que la démocratie; c'est regrettable, mais nous pouvons encore corriger cette erreur. Je vous remercie.

Mme Françoise Sapin (MCG). Cette initiative, déposée par les Verts, Ensemble à Gauche et le parti socialiste dans le cadre des réformes RIE III et RFFA, est basée sur la crainte que l'Etat ne puisse plus délivrer les prestations à la population. Elle a été balayée à la commission fiscale par tous les partis de droite, qui ont également décidé de ne pas présenter de contreprojet.

Le MCG estime que l'ensemble des risques - baisse des recettes, frein à l'endettement, pour ne citer que ceux-là - étaient connus et ont été analysés, et que tout a été mis en oeuvre pour limiter les pertes fiscales et garantir les services publics. Nous précisons que la RFFA permettra si ce n'est la création d'emplois, à tout le moins le maintien des postes actuels, puisque les sociétés pourront rester à Genève. Par ailleurs, le MCG rappelle que la RFFA a non seulement été acceptée par le peuple, mais constitue un consensus entre les partis qui se sont entendus pour élaborer une loi qui soit plausible à la fois pour la droite et la gauche, et c'est ce qui est arrivé avec le projet présenté.

Quant à l'autre élément relevé dans le texte, à savoir la concurrence intercantonale, je ne pense pas, et le MCG non plus, que le canton de Genève pourra régler ce problème seul dans son coin. Par conséquent, cette initiative est totalement inutile et le MCG votera non.

Mme Danièle Magnin. Bravo, Françoise !

M. Yvan Zweifel (PLR). Mon préopinant Bertrand Buchs a raison: c'est un débat à la «Top Models». Il faut néanmoins constater, concernant ledit feuilleton, que malgré son nombre infini d'épisodes, les gens ne s'en lassent pas; il semble que ce soit pareil pour la RFFA. Comme je suis un poil plus jeune que lui, je n'ai malheureusement pas sa sagesse et je vais prolonger quelque peu l'épisode en cours.

Mesdames et Messieurs, que dit cette initiative ? D'abord, que l'Etat doit agir pour réduire la concurrence fiscale intercantonale. Eh bien bonne nouvelle, c'est déjà fait ! Avec la RFFA, le canton de Genève s'est doté d'un taux de 13,99%; si sept cantons en ont certes un plus élevé, il y en a aussi dix-huit où il est plus bas, ce qui fait que Genève a parfaitement oeuvré dans le sens de cette initiative. Il en va de même pour les personnes physiques, Mesdames et Messieurs, puisque Genève, vous le savez, est le canton qui utilise le plus son potentiel fiscal - ce n'est pas moi qui le dis, mais le Département fédéral des finances. Alors si quelqu'un doit revoir l'idée de la concurrence fiscale intercantonale, ce sont tous les autres cantons, mais en aucun cas celui de Genève, qui a déjà fait sa part du travail. Voilà, le premier point est réglé.

S'agissant des deux points suivants - préservation du financement des services publics et des prestations à la population, ainsi que maintien du niveau des recettes fiscales cantonales et communales - encore une bonne nouvelle, Mesdames et Messieurs: la politique mise en place ces dernières années, notamment par la majorité de droite, a porté ses fruits, puisque nous avons su garder ici de la substance fiscale, laquelle permet à notre canton d'avoir les moyens - oui, Mesdames et Messieurs, les moyens ! - d'offrir des prestations de qualité à la population. Pourtant, sur les vingt dernières années, nous avons baissé les impôts par deux fois de manière importante et plusieurs autres fois de manière moins importante. Malgré ces diminutions et bien que, dans la même période, la population ait augmenté de 24%, les recettes fiscales ont crû de 100%. Nous avons ainsi répondu aux alinéas a et b du texte.

Le dernier point concerne le renforcement de la progressivité de l'impôt. Je ne reviendrai pas sur cette question pour ce qui concerne les personnes morales, on serait quand même un peu idiots d'être les seuls à instaurer un tel dispositif alors qu'aucun autre canton ne le pratique - j'imagine que pour Ensemble à Gauche, on est plus intelligents que tous les autres réunis ! Mais parlons des personnes physiques: bonne nouvelle, Mesdames et Messieurs, Genève est l'un des cantons suisses où la progressivité est la plus forte. En effet, le temps d'entrer dans le barème est extrêmement long, ce qui signifie que les plus bas revenus ne paient pas d'impôts pendant très longtemps tandis que les riches s'acquittent des taux les plus élevés.

J'en profite pour corriger M. de Sainte Marie qui disait, je cite: «La droite martèle que Genève aurait le taux d'impôt sur la fortune le plus élevé.» Non, Monsieur de Sainte Marie, il s'agit bel et bien du taux d'impôt sur la fortune le plus élevé ! Il supposait ensuite que Genève ponctionnerait le plus. Non, Monsieur de Sainte Marie, Genève ponctionne le plus, vous pouvez abandonner le conditionnel, c'est malheureusement une réalité. Mais heureusement pour vous, puisque ainsi, tous les points de votre initiative sont remplis, on est finalement en avance sur les autres. D'ailleurs, si on met le dernier point, à savoir le renforcement de la progressivité de l'impôt, en lien avec le premier, soit la réduction de la concurrence fiscale intercantonale, cela signifie que Genève doit se mettre au niveau des autres et se montrer un peu moins progressif. J'imagine que ce n'est pas ce que vous souhaitez, mais si c'est ce que vise l'initiative, alors je pourrais m'y rallier.

Mesdames et Messieurs, je reviens maintenant sur deux éléments évoqués par M. Batou. D'une part, il disait que les riches veulent garder leur pactole pour eux, ce qui est normal, et qu'ils doivent cracher un petit plus au bassinet - je caricature vos propos, mais je crois que c'est ce que vous vouliez dire, Monsieur le député, cher ami, cher collègue. Pourtant, une fois de plus, les chiffres montrent que c'est déjà le cas, puisque 4% des personnes physiques paient aujourd'hui 50% de l'impôt sur le revenu. Oui, 4% des contribuables versent 50% de ce qui est encaissé par l'Etat au titre de l'impôt sur le revenu ! Quant à l'impôt sur la fortune, 1% des citoyens seulement s'en acquittent à hauteur de 65%. Là encore, Monsieur Batou, soyez heureux: votre politique est d'ores et déjà mise en oeuvre à Genève, bien plus que dans n'importe quel autre canton. En réalité, il faudrait prendre exemple sur les autres et revenir au bon sens plutôt que de faire n'importe quoi, comme vous le proposez.

D'autre part, et je conclurai là-dessus, le rapporteur de minorité nous lançait un défi. Il disait: «Au final, vous êtes d'accord avec cette initiative, alors chiche, votez-la.» A mon tour de lui lancer un défi: que la gauche reconnaisse qu'elle s'est trompée. En 2009, lorsque nous avons baissé l'imposition de la classe moyenne et instauré un bouclier fiscal, la gauche nous prédisait une tempête fiscale avec 400 millions de pertes; l'année suivante, il y a bien eu des pertes, c'est vrai, mais seulement de 150 millions; l'exercice d'après, on retrouvait le niveau de deux ans auparavant et depuis, les recettes progressent d'environ 3% chaque année. Eh bien le jour où vous reconnaîtrez que vous avez eu tort, Monsieur le député, j'accepterai de voter votre initiative; comme vous ne le ferez pas, vous ne m'en voudrez pas de ne pas passer à l'acte non plus.

Mesdames et Messieurs, cette initiative est inutile, hypocrite, contradictoire. Il n'y a aucune raison de la voter, il faut simplement la jeter là où elle doit se trouver, c'est-à-dire à la poubelle.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC). Supprimer la concurrence fiscale intercantonale est une très mauvaise idée et créerait certainement l'inverse du résultat escompté par les initiants. Pour pouvoir redistribuer la richesse et parler de recettes fiscales, il faut d'abord la créer. Or la richesse est créée par les entreprises. Le projet RFFA améliore les conditions-cadres de nos sociétés et des salariés, et les collectivités publiques en profiteront par la suite.

L'Etat ne peut pas vivre en dehors de la réalité. Le budget du canton de Genève était de 7,6 milliards en 2015, il devrait être de 9,2 milliards en 2020, soit une augmentation de 1600 millions en l'espace de cinq ans. Bref, l'Etat croît alors que les Genevoises et les Genevois possèdent le pouvoir d'achat le plus faible de Suisse, plus bas que celui des Appenzellois ou des Glaronais. En l'absence de concurrence, cette détérioration se poursuivra. Les Genevoises et les Genevois ont un intérêt évident à ce qu'il y ait un minimum de concurrence entre les cantons. Merci.

Une voix. Bravo !

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de minorité. Chers collègues, un certain nombre de choses ont été dites qui sont assez révélatrices. Je vais très rapidement revenir sur les interventions de mes différents collègues. Tout d'abord, M. Pfeffer affirme que la richesse est créée par les entreprises; non, Monsieur Pfeffer, la richesse est créée par les travailleurs, et quand vous aurez compris ça, vous aurez fait un grand pas en avant dans votre appréhension de l'économie politique.

Deuxièmement, M. Zweifel s'exclame: «Ah, c'est épouvantable, une petite couche de gens ultraprivilégiés paie une grande part des impôts !» Eh bien, Monsieur Zweifel, ça montre simplement que la répartition des richesses est de plus en plus inégalitaire. En défendant les grandes fortunes du canton, vous ne faites que mettre le doigt sur la plaie. En effet, la polarisation de la richesse est telle que l'effort fiscal demandé aux privilégiés doit augmenter, c'est une fatalité si on souhaite maintenir les droits sociaux qui sont les nôtres aujourd'hui et qui constituent la base d'une civilisation où on ne laisse pas les plus nécessiteux au bord de la route.

Ensuite, M. Buchs s'écrie - vous transmettrez, Monsieur le président, j'ai oublié de vous le demander pour mes deux autres collègues: «Ouh là, on est dans "Top Models", on nous parle sans cesse de fiscalité !» Oui, Monsieur Buchs, on va reparler de fiscalité, on en parlera encore pendant des années, parce que c'est l'un des dossiers clés que les députés ont à discuter au sein de ce parlement. Et dans cette affaire, les intérêts matériels sont prépondérants. Vous défendez un camp, j'en défends un autre, c'est tout.

De votre côté, vous préconisez de réduire les prestations de l'hôpital public au profit des cliniques privées, vous avez même dit dans «Le Temps» que vous souhaitiez une diminution de 90% des lits de l'hôpital cantonal en faveur des cliniques privées. Avec ce genre de politique, naturellement, il n'y a pas besoin de recettes publiques, il suffit d'offrir le marché de la santé aux cliniques privées ! Bien sûr, le PLR est d'accord avec vous, car l'ensemble des cliniques font des investissements considérables à Genève pour attirer le marché extrêmement juteux de la santé. Eh bien nous disons non à ces perspectives, nous exigeons que l'ensemble des ressortissants du canton soient soignés dans des hôpitaux publics... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...soient pris en charge par un système public, et cela implique des dépenses assurées par les recettes publiques.

C'est la raison pour laquelle il faut soutenir cette initiative. J'invite M. Zweifel à un dernier sursaut de bienveillance, puisqu'il est d'accord avec toutes les considérations de cette initiative et qu'il est presque prêt à presser le bouton vert...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Jean Batou. Qu'il le fasse ! Qu'il le fasse, et on jugera de sa sincérité.

M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité ad interim. J'aimerais revenir sur l'audition de l'Union des villes suisses, association qui n'est pas spécialement de droite, qui serait plutôt de gauche. Ses représentants ont dit qu'ils ne se prononçaient pas sur la RFFA, qu'ils en avaient accepté le principe et, au sujet de la concurrence, qu'ils préconisaient un taux d'imposition situé dans une fourchette entre 14% et 16%, ce qui fait du canton de Genève un bon élève: avec ses 13,99%, il n'est pas très éloigné de cette fourchette.

Maintenant, comment peut-on dire que les prestations publiques sont en baisse ? Je rappelle que malgré les 186 millions que vont nous coûter les pertes fiscales liées à la RFFA, malgré les 186 millions de l'initiative 170 sur les subsides d'assurance-maladie - je mets de côté les 213 millions de la CPEG - l'Etat crée encore des ETP: plus de 400 nouveaux postes, dont 200 au DIP. Dans ce contexte, Mesdames et Messieurs les députés, comment peut-on soutenir qu'il y a une réduction des prestations dans notre canton ? Ceux qui ont suivi les auditions du département de la cohésion sociale le confirmeront, il y a un maintien des prestations. Même si les prestations complémentaires fédérales baissent, une compensation est effectuée au niveau du canton, donc il est faux de dire que les services publics diminuent. La seule chose qu'il faut se demander, c'est si l'augmentation du nombre de collaborateurs est forcément synonyme d'efficience - mais ça, c'est une autre question.

Mesdames et Messieurs, on a évoqué le petit ratio de contribuables qui paient une majorité des impôts; eh bien oui, et c'est justement pour ça qu'il faut les garder ici, car c'est grâce à eux que les prestations publiques dont nous venons de parler peuvent être délivrées. La RFFA a été largement acceptée par le peuple, certaines dispositions constitutionnelles contenues dans cette initiative ont déjà été votées dans le cadre de la réforme et il convient maintenant de laisser celle-ci déployer ses effets. Nous examinerons dans quelques années les projections du plan financier quadriennal et pourrons alors déterminer qui a eu raison. Dans l'intervalle, Mesdames et Messieurs, je vous invite à rejeter cette initiative tout comme le principe d'un contreprojet. Merci.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous invite à refuser cette initiative ainsi que l'éventualité d'un contreprojet, ceci pour plusieurs raisons. Nous avons entendu le rapporteur de minorité développer ses théories; eh bien ce ne sont que des théories. Venir plaider devant vous en faveur de l'augmentation des impôts, Mesdames et Messieurs, c'est partir du principe que chaque contribuable est captif, c'est refuser le monde globalisé dans lequel nous vivons, c'est fermer les yeux sur les taux différenciés dans les cantons et les pays qui nous entourent, c'est mentir à la population au sujet de l'emploi et des prestations sociales.

Les personnes qui paient aujourd'hui la plus grande part des impôts, contribuant ainsi de manière conséquente aux revenus du canton, nous permettent précisément de délivrer nos prestations sociales, et si ces contribuables s'en vont, notre pyramide fiscale - qui, plutôt que de reposer sur un socle, s'appuie sur sa pointe - s'écroulera, ce qui aura alors vraiment pour conséquence la cessation des services à la population, lesquels font pourtant partie des priorités du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, expliquer aux gens que l'écart entre leur revenu et le montant d'impôts dont ils s'acquittent doit s'amenuiser, c'est se moquer d'eux. Il ne faut pas oublier que le jour où ces contribuables n'auront plus intérêt à travailler, à réaliser des bénéfices, à gagner leur vie mieux que d'autres, ils arrêteront tout simplement de le faire, voire prendront la décision que certains d'entre eux prennent déjà, celle de quitter notre territoire.

Il faut savoir raison garder: finissons-en avec les théories qui omettent la réalité et les calculs statiques selon lesquels un taux d'imposition de 16% aurait évité toute perte. A cet égard, Mesdames et Messieurs, je vous rappelle que le canton avait chiffré le risque, dans le cas où la réforme de la fiscalité des entreprises n'aurait pas été votée avec un taux acceptable, et ce risque avait été évalué à hauteur de 1 milliard de francs. Vous maintenez que nous devons taxer davantage les grandes entreprises, il nous semble quant à nous plus judicieux de donner à la RFFA, qui a été adoptée par plus de 58% du peuple il y a quelques mois à peine, le temps de déployer ses effets dynamiques; dans un second temps, nous pourrons examiner ensemble les conclusions auxquelles parvenir, le montant des pertes subies ou pas par le canton suite à cette réforme.

L'initiative qui nous est soumise ce soir avait été déposée au même moment que la RFFA qui, je le répète, a été acceptée par la population et accompagnée d'une réforme sociale tout aussi importante en ce qui concerne les prestations publiques, nous ne devons pas l'oublier. Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous recommande de refuser ce texte ainsi que le principe d'un contreprojet. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. Nous passons au vote sur la prise en considération de cette initiative.

Mise aux voix, l'initiative 172 est refusée par 58 non contre 40 oui.

Le président. Je mets aux voix le principe d'un contreprojet.

Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est refusé par 83 non contre 11 oui et 2 abstentions.