République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 2003-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier la pétition du personnel de la gendarmerie et de la police de la sécurité internationale pour la sauvegarde de l'appellation et du logo « Gendarmerie »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 29 et 30 août 2019.
Rapport de majorité de M. François Baertschi (MCG)
Rapport de minorité de M. Raymond Wicky (PLR)

Débat

Le président. A présent, nous passons aux pétitions avec la P 2003-A qui est classée en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. François Baertschi...

M. François Baertschi. Ah, j'ai oublié de prendre ma carte. (M. François Baertschi va chercher sa carte.)

Le président. Voilà, allez-y, Monsieur Baertschi.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La gendarmerie genevoise a deux cents ans d'histoire. Elle s'inscrit dans une tradition qui honore la République et canton de Genève, une tradition qui a d'ailleurs été fêtée récemment. Si, formellement, ce corps n'a pas été aboli avec la nouvelle loi sur la police, sa désignation a toutefois disparu des véhicules et uniformes. Il faut relever qu'ailleurs en Suisse romande, la dénomination reste bien visible, en particulier chez nos voisins vaudois.

L'Union du personnel du corps de police s'est inquiétée face à l'effacement d'un symbole fort que ses membres portent avec fierté. C'est pourquoi ceux-ci demandent, au travers de leur pétition, que le logo de la gendarmerie apparaisse sur les véhicules, badges, uniformes, patelettes et en-têtes des divers services de gendarmerie.

Depuis la mise en place de la nouvelle loi sur la police et de son système dit en silos, un malaise est apparu parmi les citoyens genevois; nous avons pu le constater dans les médias, mais également dans le cadre de ce Grand Conseil. En répondant favorablement à cette pétition, nous pourrions réinsuffler de la confiance au sein de la population. C'est pourquoi la majorité de la commission judiciaire et de la police vous demande de la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs, chers collègues, tout d'abord, mon préopinant a oublié de signaler que cette pétition commence à dater, puisqu'elle a été traitée en 2017, à l'époque où la contestation commençait à monter par rapport à la nouvelle LPol. Bien évidemment, la minorité de la commission salue ce qui a été dit par M. Baertschi, à savoir que les corps uniformés comme celui de la gendarmerie sont attachés aux traditions, ce que je trouve personnellement très bien, et vous savez parfaitement pourquoi.

Néanmoins, nous traitons ici d'un sujet qui n'est pas vraiment à l'ordre du jour, puisque dans la loi sur la police, nous avons - à tort ou à raison, l'avenir nous le dira - supprimé la gendarmerie en tant que corps constitué, laquelle a été intégrée aux différentes polices - ou aux différents «silos», selon le terme cher à mon préopinant. La minorité de la commission estime que la compétence de déterminer comment marquer les véhicules, le papier à en-tête et les cartes de visite relève de la hiérarchie, voire du conseiller d'Etat chargé du département, mais en tout cas pas de notre Grand Conseil, parce que si on commence à s'occuper de ce genre de choses, où allons-nous dans le futur ?

La commission judiciaire et de la police a été saisie de nombreux textes qui prônent la révision, l'adaptation, l'abolition, la modification de la LPol; ils sont à l'étude actuellement, il nous paraît donc fortement inutile de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat qui, dans sa réponse, nous dira très probablement d'attendre la fin de leur examen. De surcroît, le département a diligenté un audit pour savoir exactement de quoi il retourne avant de nous proposer d'éventuelles modifications, donc cela représenterait une surcharge de travail totalement inutile. Forte de ces considérations, la minorité de la commission vous propose de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Merci de votre attention.

M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, le fait que nous soyons appelés à discuter de cette pétition ici montre quelles relations calamiteuses l'ancien chef du département a entretenues avec le corps de police, relations calamiteuses qui font que des questions comme celle-ci, qui aurait pu être résolue par la discussion, deviennent des objets pour le Grand Conseil.

Pour une raison de fond, nous soutiendrons le renvoi au Conseil d'Etat. En effet, il convient pour nous de marquer - c'est d'ailleurs l'intention du projet de loi que nous avons déposé pour réviser la LPol - une séparation entre la gendarmerie, c'est-à-dire la police uniformée, et la police judiciaire, laquelle a une autre fonction et dépend d'une autorité différente. Dans la nouvelle LPol, on a voulu mélanger ces deux corps sous une appellation unique de policier. Pour cette raison de fond, nous voterons le renvoi au Conseil d'Etat.

Enfin, excusez-moi de le répéter ici, mais j'espère que le nouveau magistrat en place, qui a commissionné une personne quelque peu discutable pour réaliser l'audit de la loi sur la police, pourra nous éviter ce type de débat en résolvant la question par des contacts directs avec le personnel. Il faut dire que nous perdons passablement de temps, depuis la précédente législature, à cause de la gestion d'un certain conseiller d'Etat PLR. Merci. (Applaudissements.)

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour le parti démocrate-chrétien, il est clair que cette pétition doit être déposée sur le bureau du Grand Conseil pour des raisons qui sont très bien expliquées dans l'excellent rapport de minorité de M. Wicky. Il me semble tout de même utile de rappeler quelques points. Au moment de son adoption, la loi sur la police - qu'on appelle «nouvelle», mais qui ne l'est plus tellement maintenant - instituait clairement une organisation sans le logo de la gendarmerie, cela avait été accepté.

Ensuite, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, vous avez pu constater que depuis que la loi a été votée, tout est entrepris pour la dénigrer, la faire vaciller, la fragiliser... Heureusement, un audit permettra de remettre les choses à leur place. Au sein du corps constitué, il y a sans doute une minorité insatisfaite, et il est légitime qu'elle s'exprime, mais alors elle est extraordinairement soutenue par le MCG, l'extrême droite et l'extrême gauche qui ne cessent de souffler sur les braises au cas où celles-ci s'éteindraient.

Enfin - M. Wicky l'a indiqué, mais je me plais à le répéter - on parle ici d'opérationnel. Il appartient au Conseil d'Etat ou à la commandante de gérer ce genre de question, et non aux députés. Sinon, nous serions tentés d'oublier que c'est bien la police qui est au service de l'Etat et du canton de Genève, et pas le contraire. Je vous remercie.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition dénote une insatisfaction liée à la loi sur la police - on ne peut plus dire «nouvelle», puisqu'elle est en vigueur - et montre qu'il y a des problèmes de communication. D'une certaine manière, il s'agit d'un marqueur. La commission traite actuellement plusieurs projets de lois qui ont trait à des modifications de la LPol, c'est un message qu'envoie le Grand Conseil au gouvernement pour dire qu'on entend bien revenir sur certaines dispositions de la loi et améliorer le fonctionnement de la police. En effet, il y a un manque de souplesse entre les différents silos, on l'a vu à plusieurs occasions. Je le répète: c'est un signal fort que veut faire passer le parlement, c'est un marqueur de notre soutien à l'égard des policiers sur le terrain. Dans cette perspective, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous prions de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Merci.

M. Jean Romain (PLR). Il est assez amusant, chers collègues, de voir Ensemble à Gauche s'intéresser à la gendarmerie. Depuis toujours, ce groupe déteste la police et fait tout ce qu'il peut pour qu'elle ne prenne pas trop de place. Et aujourd'hui, on entend M. Batou s'investir dans des arguties...

En fait, ce que mon éminent collègue cherche à faire, ce sont deux choses: d'une part, rompre une lance encore et encore contre l'ancien magistrat - on ne risque pas grand-chose, d'autant qu'il n'est pas dans la salle - et d'autre part, affaiblir encore et encore et encore une loi que son parti n'a cessé de combattre. Comment écouter Ensemble à Gauche sans rire ?

Comment croire par ailleurs le MCG ? Les membres de ce groupe veulent, eux aussi, revenir sur une loi qui leur semble mal faite, peu importe le résultat de la votation populaire, peu importe qu'il ait fallu compter les votes deux fois. Nous sommes là en plein délire: l'extrême droite et l'extrême gauche s'unissent pour se rejoindre dans ce délire.

Non, soyons simples, soyons efficaces, ne renvoyons pas cette pétition au Conseil d'Etat, mais déposons-la plutôt sur le bureau du Grand Conseil, et les choses seront comme elles doivent être. L'excellent M. Wicky nous a dit qu'il s'agit d'une vieille histoire datant de 2017; nous ne sommes plus en 2017, mais je veux bien croire qu'à l'extrême droite ou à l'extrême gauche, on soit des nostalgiques du passé ! (Applaudissements.)

M. Sylvain Thévoz (S). Au parti socialiste, nous soutiendrons le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, non pas parce que nous sommes nostalgiques du passé, comme l'a dit M. Jean Romain, mais parce que l'appellation de gendarmerie a une histoire forte, parce que les membres de ce corps ressentent un attachement à ce nom, qu'ils le portent avec fierté et souhaitent le défendre.

Pour le parti socialiste, oui, la police est importante, mais la motivation des policiers l'est encore plus si on veut un service public de qualité pour les Genevoises et les Genevois. Il nous semble extrêmement important que le Conseil d'Etat réfléchisse à cette question ainsi qu'aux dégâts potentiels quand un conseiller d'Etat braque sa base par des mesures trop verticales, sans concertation, quand on se retrouve dans des impasses, dans des situations extrêmement coûteuses pour la collectivité.

Alors oui, cette pétition doit être renvoyée au Conseil d'Etat; oui, le gouvernement doit prendre acte et aller au-delà des conflits qui ont pu exister au sein de la police par le passé, en partie - il faut regarder la réalité en face - en raison de la gestion beaucoup trop militaire, beaucoup trop verticale d'un magistrat qui n'est plus aux commandes aujourd'hui. Merci beaucoup.

M. Jean Batou (EAG). Monsieur le président, je ne peux tout de même pas laisser dire à mon collègue Jean Romain - vous lui transmettrez - que l'extrême droite et l'extrême gauche - je ne sais pas dans quel monde il vit, il doit être resté bloqué dans les années 30 - se sont liguées contre le bon sens. Non, Monsieur Romain, non - vous transmettrez toujours, Monsieur le président: toute personne de bon sens sait que la loi sur la police ne fonctionne pas, que l'un de ses principaux problèmes est la confusion entre police judiciaire et gendarmerie, et cet appel qui vient de la base va dans le sens de séparer clairement ces deux fonctions. Ainsi, nous répétons qu'il faut renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Merci. (Applaudissements.)

M. Thierry Cerutti (MCG). Monsieur le président, vous rappellerez à notre collègue député Jean-Romain Putallaz - puisque c'est son nom de famille, Jean-Romain n'étant que son prénom - que la gendarmerie est inscrite dans le projet de loi qui a été adopté grâce à une différence de 38 voix, donc il s'agit juste de rendre à César ce qui lui appartient, c'est-à-dire la vraie terminologie: la gendarmerie. Merci.

M. Jean Romain (PLR). Je constate qu'à l'extrême droite comme à l'extrême gauche, on est très proche de l'onomastique, n'est-ce pas ? On s'intéresse beaucoup aux mots et peu aux choses, on écrase quelques mouches sur des appellations et on évite coûte que coûte de parler du fond. Alors il est du droit de chacun de faire ça, aussi bien de Monsieur que de Madame, aussi bien de celui-ci que de celui-là.

Le problème n'est pas tant de savoir quel nom exact il faut donner - je suis aussi soucieux que plusieurs députés ici de l'aspect historique des choses - mais maintenant il y a une loi; elle est ce qu'elle est, mais elle a été acceptée, et on ne peut pas revenir dessus d'une quelconque manière, quand bien même M. Cerutti, prétendu valaisan, serait mécontent. Peu importe, après tout, peu importe ! Faisons ce qu'il convient de faire, déposons cette ancienne pétition sur le nouveau bureau du Grand Conseil et les choses iront fort bien ainsi.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Je ne veux pas prolonger le débat, mais quand j'entends certains propos du député Jean Romain - vous transmettrez, Monsieur le président - sur l'extrême droite et l'extrême gauche de ce parlement... S'il y a une chose à remarquer, c'est que tous les groupes de ce Grand Conseil respectent la démocratie, ce ne sont pas des partis antidémocratiques comme l'ont été certaines extrêmes gauches et extrêmes droites dans le passé. Je lui rappellerai encore qu'au sein de ce qu'il nomme l'extrême droite, il y a l'Union démocratique du centre - ce sont des centristes, donc... (Rires.) ...et il y a le Mouvement Citoyens Genevois, dont le positionnement est le suivant: ni gauche ni droite, Genève d'abord. Voilà, j'en ai terminé.

M. Daniel Sormanni (MCG). Oui, je crois qu'on va conclure là-dessus. Monsieur le président, vous transmettrez encore à M. Romain que je ne peux pas être d'accord avec ce qu'il dit, à savoir que cette loi a été votée il y a deux ans et «Punkt Schluss». Non, une loi se modifie, surtout quand il y a un certain nombre de problèmes. D'abord, elle n'est pas si ancienne que ça, et puis elle contient des couacs qui font que ça ne fonctionne pas, et ce n'est pas pour rien que toute une série de projets sont étudiés en ce moment à la commission judiciaire et de la police.

L'objectif, c'est bel et bien de changer ce qui ne va pas; ce n'est pas forcément de revenir en arrière, mais de changer ce qui ne va pas, et je pense qu'il y aura une majorité dans ce parlement pour aller de l'avant sur cette question, ce qui est bien heureux. Cette pétition constitue un premier signe, on annonce qu'on entend modifier ce qui ne fonctionne pas et en revenir aux vraies valeurs de la police.

Le président. Merci bien. Nous passons au vote... Ah, il y a encore une demande de parole. Allez-y, Madame de Chastonay.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Oui, je serai extrêmement rapide... Est-ce que mon micro fonctionne ? Ah oui, voilà. Je voulais juste dire la chose suivante: étant donné que les Verts sont cosignataires d'un projet pour une éventuelle nouvelle loi sur la police, nous allons forcément soutenir la pétition et donc son renvoi au Conseil d'Etat.

Le président. Merci. Nous passons au vote.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission judiciaire et de la police (renvoi de la pétition 2003 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 50 oui contre 31 non.