République et canton de Genève

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M 2432-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Olivier Baud, Christian Zaugg, Jocelyne Haller, Pierre Vanek, Jean Batou, Salika Wenger, Maria Pérez, François Baertschi, Daniel Sormanni, Henry Rappaz, Florian Gander, Pascal Spuhler, Christian Decorvet, Jean-François Girardet, Christian Frey : « Police-Secours » : au secours !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 24 et 25 mai 2018.
Rapport de majorité de M. Jean-Marie Voumard (MCG)
Rapport de minorité de M. Pierre Conne (PLR)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs, notre ordre du jour appelle le traitement de la M 2432-A en catégorie II, quarante minutes. Le rapport de majorité est de M. Jean-Marie Voumard, à qui je passe immédiatement la parole.

M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, cette motion a été déposée suite à la parution dans la presse de plusieurs articles relatant l'intervention lente, voire l'absence d'intervention, de la police cantonale. Cela nous a permis de travailler sur ce problème.

Lors de son audition, le syndicat nous a rapporté que s'il manque des effectifs à police-secours, ce n'est pas en raison des ressources financières. Le personnel de police-secours a diminué de 29%, tandis que celui de la police de proximité a augmenté de 119%. En 2017 - nous avons entendu le syndicat vers la fin de l'année - les services de police n'ont pas pu répondre à plus de 1600 réquisitions. Il existe carrément un mot-clé pour décrire ce problème: PAMP, soit «pas assuré manque de patrouilles».

L'adjoint de Mme Bonfanti nous a indiqué que l'effectif de police-secours s'élève actuellement à 400 personnes. Si on soustrait les membres de l'état-major qui n'assurent pas les réquisitions, cela fait 273 agents au lieu de 552. Selon lui, le service idéal sera atteint lorsque les budgets le permettront. Là, on parle à nouveau d'argent, alors que le syndicat y était totalement opposé. Mme Bonfanti a même mentionné que la priorité numéro un est police-secours et que les nouveaux effectifs iraient là-bas.

«Protéger et servir», la devise de la police ? Si la protection ne peut pas être garantie lorsque vous téléphonez au 117, il y a un problème. Faut-il que la CECAL, la centrale d'engagement, de coordination et d'alarme, distribue les réquisitions selon l'ordre des travaux ? Ça peut aller à la police des transports, à la police municipale s'il s'agit d'un problème de bruit, de restaurant. Y a-t-il là aussi un problème d'effectifs ?

Ça reste à voir, et cette motion doit être renvoyée au Conseil d'Etat pour que nous obtenions des réponses. Je précise que ce texte n'a pas été déposé pour faire peur aux Genevois, mais au contraire pour les rassurer. La police fait bien son travail quand elle le peut, quand elle en a le temps. Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs, de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Merci.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la minorité de la commission que je représente ici considère que cette motion est une instrumentalisation alarmiste de rumeurs relayées par la presse. Il suffit de se référer aux considérants tels qu'ils sont introduits: «les faits alarmants parus récemment dans la presse», «les alertes lancées par les syndicats de la police», «la baisse drastique des effectifs». Je ne vais pas tous les lire, mais on trouve encore: «les risques que représente pour la population genevoise», «le danger que cette situation fait [...] courir aux agents». Il s'agit vraiment d'une instrumentalisation alarmiste fondée sur des rumeurs. D'autres parmi nous, minoritaires dans la commission, estiment que les citoyens attendent du parlement qu'il agisse sur des bases plus solides et plus sérieuses que sur des rumeurs rapportées dans les médias.

Dans mon rapport de minorité, je me suis attaché à démonter un par un tous les considérants de cette motion. Je ne vais pas tout vous lire, mais je citerai néanmoins les conclusions des syndicats de police que nous avons auditionnés: «en termes d'effectifs, la police dans son ensemble n'a pas de problèmes».

Toujours sur la question des ressources humaines, nous avons obtenu du département et de la direction de la police l'évolution des effectifs ces quatre dernières années, notamment depuis l'introduction de la nouvelle loi sur la police, et leurs informations sont les suivantes: il y a quatre ans, police-secours comptait 310 collaborateurs et ils sont toujours autant dans les postes aujourd'hui. «Les policiers qui exécutaient des missions de police-secours avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la police ont tous été affectés à police-secours dès l'entrée en vigueur de cette loi.»

Enfin, s'agissant du pseudo-gonflement des états-majors, voici les statistiques: «Les états-majors n'ont pas été grossis avec l'entrée en vigueur de la LPol et la séparation de la gendarmerie en plusieurs services. La variation est estimée à 0,2% au plus.»

Encore un mot sur les réquisitions d'urgence qui n'auraient pas été suivies de réactions des patrouilles. On nous a expliqué que la base de données de la centrale, qui permet de valider le fait qu'un appel a été sanctionné par une intervention, était incomplète: toutes les demandes figuraient comme ouvertes, le bouclement de celles qui avaient été terminées n'y était pas inscrit, ce qui donnait une fausse impression statistique d'un très grand nombre d'appels urgents non suivis d'effets. Ce biais de mesure a été corrigé, et chaque fois que la centrale d'appels transmet une réquisition à une patrouille et que l'action est terminée, elle est quittancée dans la base de données et figure comme bouclée.

A cet égard, la police s'est montrée très claire: il arrive effectivement qu'elle doive accorder des priorités, notamment quand il s'agit de demandes réitérées pour du tapage nocturne dans des circonstances qui sont connues. Lorsque la police est mobilisée pour d'autres interventions plus urgentes, il se peut que les patrouilles n'interviennent pas dans les cinq minutes, surtout lorsqu'il s'agit de tapage nocturne.

La minorité de la commission judiciaire et de la police arrive à la conclusion que cette proposition de motion est non seulement sans fondement, mais surtout dangereuse, parce qu'elle cherche à faire peur aux Genevois sans autre but que d'affaiblir des personnes responsables qui oeuvrent au quotidien pour garantir notre sécurité. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à la refuser. Je vous remercie de votre attention.

M. Olivier Baud (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, les Genevoises et les Genevois qui téléphonent au 117 ne sont-ils pas en droit d'obtenir une réponse adéquate à leur appel au secours ? La police devrait avoir les moyens de répondre aux appels de détresse qu'elle reçoit. C'est le thème dont il est question ici, et si cette motion a été déposée, c'est bien parce qu'il y a un problème: plus de 1600 sollicitations n'ont pas été suivies d'interventions, faute d'effectifs suffisants.

Il ne s'agit pas de susciter la peur au sein de la population, au contraire. Il faut simplement écouter les forces de police qui s'expriment par la voix de leurs syndicats et les soutenir quand elles sont contraintes d'avouer leur impuissance, quand elles ne peuvent pas remplir correctement leur mission et doivent faire des choix douloureux. Reléguer cette problématique bien réelle au rang de rumeur, comme le fait le rapporteur de minorité, est dangereux; la banaliser est tout aussi irresponsable.

Une femme se fait menacer par deux hommes armés d'un couteau à trois heures du matin, ils lui dérobent son téléphone portable et son porte-monnaie; la police répond qu'il n'y a pas de patrouille disponible, et ce serait normal ? Cela semble l'avis du député Conne, le rapporteur de minorité, qui parle de «soi-disant» agression. Selon lui, vu qu'il n'y a pas eu de coup porté, donc pas de blessure, il n'y aurait pas d'agression. Menacer une personne avec une arme blanche pour la contraindre à s'exécuter contre sa volonté serait somme toute un événement mineur, anodin, qui ne requerrait pas l'intervention de la police, la victime peut se débrouiller seule.

C'est tout simplement insensé, et c'est bien cela qui fait peur: le mépris quant aux besoins des habitantes et habitants du canton qui veulent juste pouvoir compter sur une police-secours sans faille. Or la droite fait passer les économies avant tout, au détriment des prestations dues, y compris celles ayant trait à la sécurité de la population. Ce n'est pas acceptable, tout comme il est inadmissible que la police soit obligée de renoncer à intervenir au prétexte qu'il n'y aurait pas convergence d'appels sur un même cas.

Je me souviens d'une anecdote: une bagarre violente avait été signalée au 117, et le policier avait dû répondre qu'il ne pouvait envoyer de patrouille, faute de forces disponibles. Cela avait suscité l'incompréhension de la personne au téléphone, et le gendarme avait ajouté qu'il faudrait mieux voter la prochaine fois ! L'interlocuteur - c'était le président des jeunes libéraux, si je ne me trompe - avait peu apprécié la réplique. Mais on comprend bien pourquoi le policier était excédé. Le PLR, lui, semble n'avoir toujours rien capté ou entendu.

Mesdames et Messieurs les députés, cette motion a été amendée fort à propos, la troisième invite étant effectivement hors sujet, j'en conviens. Pour Ensemble à Gauche, il faut la voter ainsi, afin que les effectifs de police sur le terrain soient renforcés. Je vous remercie de votre attention.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Et voilà, Monsieur le président, encore la dictature des émotions ! Le rapport de minorité montre que chaque rumeur sortie du contexte a eu droit à une réponse détaillée. M. Conne nous a épargné la liste complète, mais on pourrait la citer. Le constat, finalement, c'est que le rapport de majorité constitue l'avatar d'une non-acceptation de la loi sur la police dont des détracteurs sont dans cette salle, Monsieur le président !

Ce qui est grave, ce n'est pas simplement de donner suite à des rumeurs dont la presse a évidemment amplifié les détails - parce que c'est très vendeur, tout ça; non, ce qui est grave, c'est que ça fait passer les policiers pour d'éternels râleurs, des personnes uniquement préoccupées par leurs horaires ou leur brigade, alors qu'en fait, il s'agit de gens remarquables qui sont quotidiennement au service de la population, qui font très bien leur travail: quand il y a des réquisitions, ils y vont. Faire croire que c'est faux est extrêmement indigne et indécent par rapport aux policiers. Pour toutes ces raisons, le parti démocrate-chrétien rejettera cette motion. Je vous remercie.

M. Diego Esteban (S). Ce que demande cette motion est l'élément clé du texte. Or le rapporteur de minorité consacre l'intégralité de son rapport aux considérants, ce qui n'est pas dénué d'intérêt, mais peut être interprété comme une impossibilité de contester les invites de la motion elles-mêmes.

Celles-ci exigent le renforcement des effectifs de police-secours et la présentation d'un plan d'action y relatif. Cela revient à se demander s'il existe un problème directement lié au personnel. La réponse est affirmative pour le syndicat de la police judiciaire que je cite: «[...] la police, faute de moyens, doit faire le choix de dé-prioriser certaines missions. [...] la police avait quand même matière à traiter l'affaire, mais [...] elle a dû faire le choix de ne pas intervenir par faute de moyens suffisants.»

La réponse est également affirmative pour le PDC de Thônex qui, en 2017, a déposé devant le Conseil d'Etat une pétition faisant état de lacunes dans les effectifs de la police durant la nuit. Enfin, la réponse est encore affirmative pour toutes les personnes qui, au bout de la chaîne, subissent les conséquences de ce manque de ressources.

Certes, quelques anecdotes ne correspondent pas forcément à l'état des lieux présenté par l'auteur de la motion et le rapporteur de majorité, mais si on fouille un peu, on trouvera toujours l'histoire de quelqu'un qui a dû subir des manquements en raison d'une carence d'effectifs. Je pense par exemple à une personne qui a été appelée par la police: en raison de violences conjugales, elle a perdu ses deux parents à Chêne-Bougeries; elle se trouvait elle-même à Lausanne, a été avertie en même temps que la police et est arrivée en même temps aussi, alors qu'elle avait cinquante kilomètres à parcourir en transports publics !

Une véritable saturation a été relevée tout au long des travaux de la commission: manque d'effectifs, manque de moyens à cause de la nouvelle organisation de la police. Cette motion permettra de pallier la pénurie de personnel. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, le parti socialiste la soutiendra et vous invite à en faire de même. (Quelques applaudissements.)

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, comme il a déjà été dit, cette proposition de motion invite le Conseil d'Etat à prendre des mesures urgentes pour renforcer les effectifs de police-secours dans les plus brefs délais ainsi qu'à élaborer un plan d'action lié à une augmentation indispensable des postes d'agents de police de terrain. Cet objet s'inscrit dans un contexte particulier, suite à des événements précis datant de novembre 2017.

Les Verts partagent certaines inquiétudes des auteurs, notamment quant au manque d'effectifs et à une éventuelle mauvaise répartition des ressources. Mais nous nous posons aussi des questions quant aux risques pour la population et à la capacité de la police genevoise de répondre aux urgences si moyens insuffisants il y a.

Pour toutes ces raisons, parce que des événements tragiques peuvent survenir n'importe quand - je pense au tabassage d'une violence inouïe et gratuite de cinq femmes par de jeunes hommes en août dernier au centre-ville - et parce qu'il peut y avoir des dysfonctionnements, les Verts voteront cette motion afin que des éclairages soient apportés. Merci.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole va maintenant à M. Patrick Lussi. (Un instant s'écoule.)

M. Christo Ivanov. Patrick, c'est à toi. (Un instant s'écoule.) Patrick !

Le président. Monsieur Lussi, c'est à vous !

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Excusez-moi, l'Union démocratique du centre tenait juste un petit conciliabule, parce qu'ainsi que vous l'avez peut-être entendu, Mesdames et Messieurs, notre collègue député Marc Falquet s'est fait agresser cet après-midi - nous en saurons davantage sous peu.

Cette motion, qui a été longuement travaillée en commission, n'a pas pour but d'alarmer inutilement la population, en tout cas pas aux yeux de l'Union démocratique du centre. Elle a été déposée au bon moment, suite à la parution d'articles dans la presse, et relève un fait important - les syndicats l'ont évoqué: de manière globale, le problème, ce n'est pas l'effectif de la police, mais plutôt sa répartition. Bien sûr, on est à nouveau en train de parler de la LPol, de l'organisation en silos, des différentes catégories d'agents qui ont été mises en place. Il appert que lorsqu'il y a des urgences, lorsque des appels de nuit sont passés à police-secours, il n'est pas possible d'y répondre dans leur totalité. Rappelez-vous que la Cour des comptes était intervenue il y a quelque temps sur les heures supplémentaires des policiers, avait émis des critiques.

Cela signifie, et il s'agit peut-être là d'un élément de réponse pour la direction, qu'il n'est pas possible de prévoir un certain nombre d'agents en réserve qui seraient prêts à intervenir en cas de surcharge de la CECAL; cela signifie encore que l'organisation actuellement en place n'est pas optimale, qu'il faut la roder: des dysfonctionnements apparaissent, et le cas de police-secours est manifeste.

Voilà pourquoi, au-delà de toute intention alarmiste, il est nécessaire de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour qu'il en tire quelques conséquences et que des réponses correctives soient apportées à la situation actuelle. L'Union démocratique du centre vous recommande d'adopter cet objet. Merci, Monsieur le président.

M. Rolin Wavre (PLR). Chers collègues, cette motion a été rédigée sous le coup d'une émotion - sincère, dans le meilleur des cas - mais l'émotion n'est pas toujours la meilleure des conseillères. Le texte cherche à faire peur, le rapporteur de minorité a détaillé tous les termes alarmistes utilisés, et je pense que ça n'aide pas la police à travailler en toute sérénité et à évoluer dans le cadre de sa nouvelle organisation.

Nous manifestons une opposition de principe, car il faut laisser la police s'organiser suite aux récents votes. Les auditions n'ont absolument pas démontré, et le rapporteur de minorité l'a clairement indiqué dans son rapport, que la nouvelle organisation est à l'origine des problèmes dénoncés.

Monsieur le député Baud - vous transmettrez, Monsieur le président - lorsque des faits sont rapportés par la presse, ça ne veut pas dire que les problèmes sont réels, et les deux cas cités dans les médias en 2017 n'étaient pas de vraies urgences, comme l'a expliqué le rapporteur de minorité. Ce sont des exemples tirés de mains courantes, non pas de cas avérés, ce qui permet évidemment d'en gonfler l'aspect inquiétant. Au nom du groupe PLR, je vous encourage à rejeter cette motion, car elle est sans objet. Merci, Monsieur le président.

M. François Baertschi (MCG). Que dit cette motion ? Cette motion indique que la police est sinistrée, c'est un fait. On lit dans le texte des faits avérés, notamment que plus de 1500 réquisitions, c'est-à-dire appels d'urgence, n'ont pas pu être suivies d'effet par manque de personnel. Il m'a également été rapporté récemment que certaines nuits, les effectifs s'élèvent à 20 personnes alors qu'avant la nouvelle loi sur la police, entre 60 et 65 agents étaient présents. Ça reste à prouver, certes, mais il s'agit quand même de signaux inquiétants qu'on ne peut pas balayer d'un revers de main.

Il y a véritablement un malaise, une désorganisation due à la nouvelle LPol telle que proposée par le magistrat qui était alors à la tête de la police, malheureusement. Il faut reconnaître que c'est un échec patent, ce qui me fâche particulièrement en tant que député et opposant à cette loi. La situation est catastrophique, on a créé des services en silos avec un nombre considérable de nouvelles hiérarchies, on a désorganisé quelque chose qui marchait plutôt bien pour en faire quelque chose qui marche plutôt mal, et on veut maintenant cacher cette réalité. Cette motion nous invite à voir les choses de manière beaucoup plus claire.

Ce qui est choquant d'un point de vue purement démocratique, c'est que le Cercle Fazy-Favon, qui se revendique de deux grandes personnalités de notre république genevoise, a financé de manière trouble la loi sur la police, s'est opposé au référendum. Rappelons que cette loi a été votée par 54 voix de différence seulement, une majorité très faible de 54 voix. A posteriori, on peut s'interroger sur la régularité du vote, se demander s'il n'y a pas eu une grave dérive de notre démocratie.

Je vois un collègue PDC s'amuser de mes propos; apparemment, le fait que l'on détruise notre démocratie réjouit certaines personnes au sein de cet hémicycle. Pour ma part, je suis consterné, comment peut-on rire de telles affaires, de telles magouilles ? C'est une dérive grave de notre système démocratique, une dérive grave d'une institution importante de notre république qui a vu ses effectifs sur le terrain baisser de deux cents personnes environ, car on a multiplié la hiérarchie. Merci, Monsieur le président.

M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de majorité. J'ai entendu un député parler de main courante. La main courante, au sein de la police, c'est le P2000; s'il ne sait pas ce que c'est, il faudra qu'il se renseigne, car les chiffres ne peuvent pas être modifiés, c'est établi par des policiers suite à une réquisition. Merci.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de minorité. Chers collègues, je vais brièvement répondre à deux interventions, à commencer par celle qui revenait sur l'histoire, rapportée par la presse, d'une femme qui aurait été agressée au couteau pour se faire voler son portefeuille et son téléphone portable; les faits ont été vérifiés, et la commandante de la police nous a confirmé que cette femme n'avait pas été blessée, c'est pourquoi la police s'est concentrée directement sur la poursuite des agresseurs. Arrêtons de monter en épingle des faits erronés ! Voilà la première chose que je voulais dire.

S'agissant ensuite des effectifs, comme l'a mentionné l'intervenant socialiste, la police judiciaire est en effet venue se plaindre d'un manque de personnel. Mais, Mesdames et Messieurs, la police judiciaire n'est pas concernée par ce dont nous parlons ! Police-secours, ce n'est pas la police judiciaire, donc on est une fois de plus en train de monter des faits en épingle, de faire peur à la population et de déformer des données factuelles.

Pour ma part, je conclurai en saluant le travail des policiers, en les remerciant et en rassurant les Genevois: les agents font bien leur travail, nous pouvons compter sur une police de qualité. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion parviendra de toute évidence au Conseil d'Etat, puisqu'une majorité comprenant l'ensemble de la gauche, l'UDC et le MCG semble se dessiner dans ce parlement. Le Conseil d'Etat insiste sur le fait qu'il ne faut pas, comme nous l'avons entendu, instrumentaliser des faits divers en les déformant, faire croire à notre population qu'elle est en péril, ce n'est pas le cas. Par contre, il est exact qu'à certains moments, la police doit prioriser ses interventions: un appel de plainte au sujet de nuisances sonores entre voisins passe après une demande d'intervention relative à l'intégrité corporelle de résidents ou de gens de passage dans notre canton, tout le monde le comprendra bien volontiers.

J'en appellerai à une certaine cohérence de la part de celles et ceux qui soutiennent ce texte. Durant des années, ils ont combattu l'augmentation des effectifs de police, considérant que nous n'avions pas à investir dans cette politique publique, que d'autres programmes étaient prioritaires. Lors de la dernière législature, le personnel de police a été augmenté de 150 équivalents temps plein, et 20 ETP supplémentaires sont prévus en 2019. Sans doute est-ce encore insuffisant, sans doute peut-on faire mieux, mais existe-t-il un seul Etat démocratique dans lequel tout appel à un centre d'urgence fait l'objet d'une réponse immédiate, quel que soit le type de demande ? Non, bien évidemment, il faut établir des priorités. Elles sont établies, et nous pouvons dire aujourd'hui à celles et ceux qui nous écoutent que l'on n'est pas en danger à Genève, en tout cas pas en raison de retards dans les interventions de la police.

Nous pouvons et nous devons néanmoins faire mieux, notamment en termes d'équipement - des lois ont été votées dans ce sens - d'effectifs, de répartition entre police uniformée et soutien administratif. Aujourd'hui, il est nécessaire que nos gendarmes en uniforme ne se retrouvent pas assis derrière un bureau à taper des rapports et que les tâches administratives soient effectuées par du personnel administratif, ce qui, soit dit en passant, permet aussi de réaliser des économies budgétaires. En effet, il s'agit d'éviter de remplacer systématiquement tout gendarme uniformé par un autre gendarme uniformé, lorsqu'on peut précisément apporter un soutien administratif et laisser les policiers faire le travail pour lequel ils prêtent serment, c'est-à-dire défendre la population. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.

Mise aux voix, la motion 2432 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 54 oui contre 37 non.

Motion 2432