République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2393-B
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier la proposition de motion de MM. Patrick Lussi, Michel Baud : Non à la discrimination : pour une pratique conforme au droit fédéral en matière d'acquisition d'armes par les particuliers !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 20 et 21 septembre 2018.
Rapport de majorité de M. Raymond Wicky (PLR)
Rapport de minorité de M. Marc Fuhrmann (UDC)

Débat

Le président. Nous arrivons à la M 2393-B, qui sera notre dernier objet pour aujourd'hui - vous avez particulièrement bien travaillé. Notre débat est en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. Wicky.

M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, un point sur l'historique de cet objet tout d'abord. Je vous rappelle que nous l'avons déjà traité en plénière et qu'il a été renvoyé suite à la demande de nos collègues de l'UDC, qui avaient estimé que le travail n'avait pas été très bien fait en commission puisqu'on n'avait pas auditionné le magistrat. Nous nous sommes alors exécutés. Lorsque nous avons auditionné le magistrat, il nous a très clairement dit qu'il avait délégué la compétence en la matière à l'autorité qui doit assurer la surveillance, le recensement et l'application de la loi, c'est-à-dire au corps de police. Nous avons donc convoqué Mme la commandante, qui est venue accompagnée de Mme la lieutenante Cloé Monnot, cheffe du service des armes, des explosifs et des autorisations. Ces dames... (Exclamation.) Ce ne sont pas des dames ? (Remarque.)

Le président. S'il vous plaît, on continue ! Monsieur Wicky, on ne discute pas comme ça avec la salle. Continuez, s'il vous plaît !

M. Raymond Wicky. Ces personnes... (Rires.) ...nous ont donc dit très clairement que la délégation de compétence a été mise en oeuvre de manière à tenter de mieux maîtriser la distribution des armes à Genève, notamment en favorisant le travail avec les armuriers de la place, puisqu'ils sont des professionnels et qu'ils ont non seulement la compétence de vente, mais qu'ils peuvent également informer et conseiller sur les mesures de sécurité. En ce qui concerne les collectionneurs, la cheffe de service nous a dit qu'elle leur proposait régulièrement des entretiens pour essayer de trouver des solutions par rapport à certaines problématiques liées à l'acquisition, puisque la possibilité d'acquérir trois armes au travers d'un permis, selon elle, est toujours possible sous condition. Enfin, la police cantonale a soumis à l'autorité fédérale, au département fédéral de justice et police, sa manière de procéder, afin d'être certaine que Genève agit conformément à la législation et au droit supérieur. Contrairement à ce qu'on a dit, dans ce domaine, l'égalité de traitement a été assurée.

Avant de conclure, je dirai qu'à ma connaissance, la procédure juridique qui a été entamée notamment par Pro Tell devant le Tribunal fédéral n'a pour le moment pas fait l'objet d'une décision finale. Si vraiment les choses venaient à changer, Genève devrait s'adapter. Ainsi, la commission vous invite toujours à refuser cette proposition de motion. Merci pour votre attention.

M. Marc Fuhrmann (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, mon rapport de minorité n'est pas des plus simples, pour un sujet très particulier. J'aimerais vous rendre attentifs à quelques points. D'abord, la pratique genevoise est une première en Suisse, fondée sur le droit des armes, qui est fédéral. Le canton de Genève est le seul à avoir mis en place cette forme de discrimination, à savoir demander pour trois armes trois permis différents, alors que cette différenciation n'existe pas dans la plupart des autres cantons. Genève a encore ajouté une discrimination entre les particuliers et les armuriers. La minorité constate aussi que pour l'Etat, qui demande ces papiers, cela ne représente pas plus de travail d'en traiter un que d'en faire trois avec une arme par formulaire. C'est donc disproportionné, et nous ne comprenons pas non plus pour quelle raison l'Etat demande plus d'argent: il n'y a pas plus de travail, l'Etat n'en effectue pas plus, le contrôle reste le même.

J'en viens à l'argument sécuritaire: nous ne comprenons pas quel est l'avantage sécuritaire à demander trois fois un formulaire au lieu d'avoir les mêmes informations sur un seul formulaire. Nous n'y voyons pas d'avantage.

Autre discrimination, qui est aussi difficile à comprendre: ça rend le commerce - enfin, ce n'en est pas un - la vente d'armes entre particuliers beaucoup plus difficile que l'achat d'armes neuves chez l'armurier. Or, je pense que dans un souci de sécurité - personne n'a envie de voir plus d'armes en circulation dans ce canton ou dans ce pays - c'est aussi incompréhensible, parce que ça va rendre plus difficile la vente ou l'échange d'armes entre particuliers.

Je termine avec l'élément qui pour moi va encore au-delà de la problématique ici abordée, à savoir celle des armes: c'est une dérive grave de l'Etat. Si l'Etat commence à demander arbitrairement trois fois plus de frais sans plus de travail et impose plus de tracasseries administratives sans aucun bénéfice ou utilité, il y a une dérive très dangereuse et inacceptable pour la minorité et pour l'UDC. Merci.

M. François Lefort (Ve). Comme vient de le rappeler le rapporteur de majorité, la pratique genevoise est tout à fait légale et conforme au droit fédéral, en l'occurrence à l'article 16 de l'ordonnance sur les armes qui permet d'acquérir jusqu'à trois armes simultanément. A Genève, seuls les armuriers peuvent délivrer ainsi trois armes. La pratique genevoise est non seulement légale, elle est aussi raisonnable. Sans gêner les tireurs sportifs ni les collectionneurs, elle tend à restreindre ces achats d'armes; elle ne les empêche pas, mais instaure le fait qu'on achète légalement une arme à la fois. Nous ne croyons d'ailleurs pas qu'il y ait dans la population beaucoup de personnes qui aient besoin d'acheter trois armes à la fois quand ils vont acheter des armes !

Cette proposition de motion était sortie minoritaire de commission une première fois; en décembre 2017, elle a été renvoyée en commission plutôt pour des raisons de saison, parce que nous avions déjà établi des faits, le fait que ce texte est un caprice. Pourquoi en ressort-elle avec le même destin minoritaire ? Parce que la majorité de la commission pense que la pratique genevoise est conforme au droit fédéral, ne gêne pas les tireurs sportifs ni les collectionneurs, et que cette majorité n'est pas favorable à laisser augmenter le commerce des armes et les possibilités de trafic qui pourraient surgir si beaucoup de gens acquéraient trois armes à chaque fois qu'ils en achètent. Les Verts, comme la majorité, ne sont pas prêts à souscrire à ce caprice armé de l'UDC et refuseront sa prise en considération. Merci.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Le refus du groupe démocrate-chrétien de cette motion déjà refusée une première fois est très clair. Grâce aux auditions, notamment à celle de Mme la commandante, nous avons tous les arguments nécessaires. Celle-ci a confirmé que cette motion n'avait pas lieu d'être, car elle n'est pas conforme au droit fédéral. En plus, elle concerne une pratique qui de fait n'existe pas, car la vente et la réquisition pour acheter des armes sont tout à fait conformes au droit en vigueur. Je tiens à remercier M. Wicky pour son excellent rapport. Convaincus, nous voterons contre ce texte. Merci, Monsieur le président.

M. François Baertschi (MCG). Actuellement, on observe un acharnement contre les amateurs d'armes, ce qui est complètement impensable dans notre pays qui a une longue tradition en la matière, avec notamment les stands et clubs de tir et le nombre considérable d'armes dans la population, qui ne pose aucun problème. Ces limitations excessives, nous nous y opposons. C'est pourquoi le groupe MCG soutiendra cette motion.

M. Christian Flury (MCG). Comme expliqué, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le droit fédéral permet d'acquérir trois armes ou trois éléments essentiels d'armes avec un seul permis d'achat d'arme. La majorité des cantons suisses applique cette disposition, ce n'est qu'à Genève que la pratique est restrictive. Dans le rapport de commission, on apprend que les pistolets de sport ne sont pas concernés. Ceci est faux: les pistolets de sport sont soumis au permis d'achat d'arme; seuls les pistolets un coup de précision pour 50 m en sont dispensés.

La même audition nous apprend que Genève a une volonté d'inscrire cette pratique restrictive dans le double but de tendre à une meilleure maîtrise des possesseurs d'armes à feu et à une limitation de ces armes. Il est bien clair, Mesdames et Messieurs, que ne sont concernés par ces directives que les honnêtes citoyens qui soit font du tir, soit collectionnent des armes. Tous les bandits et les gangsters importent leurs armes en douce, elles ne sont jamais déclarées.

Cette pratique administrative, cette tracasserie est clairement discriminatoire envers les tireurs sportifs et les collectionneurs. Le groupe MCG ne demande pas l'impossible, Mesdames et Messieurs, mais simplement l'application aussi à Genève d'un droit fédéral. Je vous remercie de soutenir cette motion.

M. Alexandre de Senarclens (PLR). Le PLR refusera cette proposition de motion. La pratique genevoise est parfaitement conforme au droit fédéral. Elle vise à assurer que les ventes d'armes sont faites essentiellement par des professionnels, par des armuriers. L'objectif est de maîtriser la possession des armes à feu et de limiter leur augmentation à Genève afin, évidemment, de renforcer la sécurité publique.

M. Pierre Bayenet (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, vous l'aurez compris, cette proposition de motion vise à élargir l'application faite par le canton de Genève de l'ordonnance sur les armes, puisque notre canton a décidé - à raison selon moi - d'adopter l'application la plus restrictive possible de ce texte fédéral.

J'aimerais rappeler, car on ne l'a pas dit jusqu'à maintenant, que les armes à feu tuent. C'est peut-être une évidence, mais il faut quand même le rappeler. En général, elles tuent plutôt des honnêtes gens que des malhonnêtes gens - d'ailleurs, même les malhonnêtes gens ne devraient pas être tués par des armes à feu. Je lis dans les chiffres de l'Office fédéral de la statistique pour 2015 qu'il y a eu cette année-là 231 décès liés à des armes à feu. Ce qui est intéressant, ce n'est pas tellement le nombre de décès, mais le fait que sur ce nombre, 211 sont des suicides. En réalité, l'arme à feu est très dangereuse: avoir une arme à feu à la maison favorise le passage à l'acte d'une personne désespérée. Des mesures assez simples peuvent l'éviter. On a beaucoup parlé récemment du pont de la Jonction et du pont Butin. Une personne susceptible de se suicider prémédite rarement son acte. Le fait d'avoir une possibilité favorise énormément le passage à l'acte; s'il faut une demi-heure ou une heure pour trouver un moyen, on peut changer d'avis, faire appel à un tiers et éviter l'issue fatale. Je voulais rappeler ainsi qu'il ne s'agit pas de quelque chose d'anecdotique, mais d'une pratique qui vise aussi à prévenir les suicides dans notre population.

M. Alberto Velasco (S). J'aimerais rappeler au groupe UDC que parfois, pour préserver la vie des citoyens, on peut limiter la liberté dans le cadre de notre démocratie. C'est ici le cas. Il est évident que posséder une arme est déjà un risque pour l'ensemble de la société; la possession de plusieurs armes multiplie les risques, c'est pourquoi nous avons une police, une gendarmerie armée, à qui on délègue justement le port d'arme. Le groupe socialiste considère que ce texte est risqué et votera contre.

Le président. Je vous remercie. La parole est à M. le député François Baertschi pour une minute.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez au député Bayenet, qui s'inquiète des suicides, qu'il faut alors qu'on supprime les ponts: ils sont facteurs de suicide ou aident au suicide. Il faut aussi supprimer les médicaments, car certains sont pris pour se suicider. C'est un raisonnement tout à fait absurde; je l'entends, mais j'ai beaucoup de peine à le comprendre.

Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote sur cet objet.

Mise aux voix, la proposition de motion 2393 est rejetée par 59 non contre 16 oui.