République et canton de Genève

Grand Conseil

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IN 167
Initiative populaire cantonale « Pour une politique culturelle cohérente à Genève »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 21, 22 juin et 30 août 2018.
IN 167-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative populaire cantonale 167 « Pour une politique culturelle cohérente à Genève »
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 21, 22 juin et 30 août 2018.

Débat

Le président. Nous passons au point suivant de notre ordre du jour, l'initiative 167 et le rapport du Conseil d'Etat qui la concerne. Le débat est en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) La parole est demandée par M. le député Grégoire Carasso, à qui je la passe.

M. Grégoire Carasso (S). Merci, Monsieur le président. Deux mots au nom du groupe socialiste sur cette initiative 167 intitulée «Pour une politique culturelle cohérente à Genève» qui, vous en avez sans doute pris connaissance, vise à modifier l'article 216 de la constitution sur le rôle de l'Etat en matière de culture. Soutenue - et nous le saluons - par le Conseil d'Etat, cette initiative permet à nos yeux de tourner la page de la partie de la LRT qui concerne la culture et de revenir à l'esprit de la loi sur la culture de 2013. Selon les initiants, ce changement de paradigme tient en trois mots-clés, Monsieur le président: création, concertation et - je le souligne - cofinancement. Considérant que la culture participe à la cohésion sociale, l'initiative, vous l'aurez compris, appelle à une nouvelle gouvernance fondée sur une collaboration active entre les communes, les villes et le canton. Plutôt que de chercher à séparer le bon grain de l'ivraie, l'initiative porte en elle le «faire-ensemble» culturel cher au groupe socialiste. Nous vous invitons donc à la renvoyer à la commission de l'enseignement et de la culture. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je salue la présence dans la salle d'un ancien député, M. Pascal Spuhler. (Applaudissements.) La parole est maintenant à M. le député Jean Burgermeister.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative a été rendue nécessaire par le refus réitéré d'une majorité du parlement de prendre ses responsabilités en matière de politique culturelle. Alors qu'une meilleure répartition des tâches entre le canton et les communes était nécessaire et réclamée par tous, la répartition telle que votée par le Grand Conseil lors de la législature précédente est conçue comme une séparation stricte des financements, ce qui fragilise la situation des artistes en réduisant les possibilités d'accès aux subventions. Le cofinancement, comme le prévoit cette initiative, devrait au contraire permettre de développer et de dynamiser la création artistique. Car le transfert de certaines compétences au canton ne doit en aucun cas se faire au détriment de la diversité culturelle; il est évident qu'il est nécessaire de défendre une culture publique, gérée de manière démocratique et surtout de concert avec les acteurs culturels.

De même, la nouvelle répartition des tâches ne devrait pas être le prétexte à une privatisation - même partielle - des institutions publiques, à une dégradation des conditions de travail. Les collectivités publiques doivent au contraire assurer la diversité des expressions culturelles en mettant à disposition des espaces permettant une effervescence créative. Elles doivent de même assurer un accès à la culture pour toutes et tous, indépendamment de la situation financière de chacun. Je pense que c'est l'esprit de cette initiative.

Mais il faut aussi rappeler - car l'actualité le réclame - qu'une politique culturelle ne va pas nécessairement de pair avec un financement par l'Etat; bien souvent, c'est d'espace que les collectifs ont besoin. Des espaces qu'ils trouvaient historiquement dans les squats ou dans les lieux alternatifs comme Artamis, des lieux qui ont majoritairement fermé, victimes d'une politique ultra répressive. J'aborde cette question parce qu'un collectif occupe actuellement un bâtiment à l'ancienne station d'épuration d'Aïre: Porteous. Ce bâtiment est emblématique de la cécité du gouvernement face aux besoins des milieux culturels. Alors qu'un projet de centre culturel est proposé dans un bâtiment laissé vide depuis vingt ans et qui appartient à l'Etat, le gouvernement préfère en faire un centre pénitentiaire malgré la volonté des autorités de Vernier. A rebours de cette gestion répressive, le collectif Prenons la ville et ses nombreux soutiens souhaitent en faire un centre autogéré ouvert aux collectifs d'artistes et à la population. Ça aussi, nous devons l'entendre, de même que l'appel des collectifs qui ont lancé cette initiative. Ensemble à Gauche soutient donc fermement l'initiative pour une politique culturelle cohérente à Genève et, dans le même mouvement, l'occupation de Porteous. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Mme Alessandra Oriolo (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts saluent la décision du Conseil d'Etat de soutenir cette initiative. (Un instant s'écoule.) Si cette initiative passe, nous aurons ainsi... (Un instant s'écoule.) Pardon, excusez-moi. Si cette initiative passe, nous aurons la possibilité de nous doter d'une politique culturelle cohérente à Genève. Le canton pourra assumer son rôle de coordinateur, en concertation avec les milieux culturels et les communes. Avec cette initiative, il s'agira de définir la mission et de mandater formellement le Conseil consultatif de la culture - il ne s'agira pas de faire une usine à gaz mais bien de définir un conseil actif qui doit être une force de proposition.

Les Verts avaient soutenu la récolte de signatures pour cet objet car la situation actuelle n'est pas pleinement satisfaisante. Je ne suis d'ailleurs pas la seule à le dire: le Conseil d'Etat le reconnaît au chapitre 4 de son rapport, «Difficultés de mise en oeuvre», auquel je vous renvoie. Pour ne citer que deux exemples, la situation quant au financement du Grand Théâtre et de la Nouvelle Comédie nous montre que le canton n'a pas assumé son rôle en matière de cofinancement et de coordination. Outre ces exemples, il faut accepter que les milieux culturels se sont trouvés fragilisés, et la consultation avec eux n'a pas eu lieu comme il aurait fallu. La séparation abrupte entre la création et la diffusion pose de nombreux problèmes, particulièrement dans l'allocation des subventions.

Nous avons aujourd'hui la possibilité, je dirais même l'opportunité de prendre nos responsabilités et de rectifier les conséquences néfastes du deuxième volet de la loi sur la répartition des tâches, voté en 2016 et entré en vigueur en 2017. Aujourd'hui, nous pouvons faire le choix d'une culture qui ne soit pas reléguée au dernier plan mais constitue un véritable axe de nos politiques publiques. Si l'on regarde l'actualité, on constate que les Genevois sont en demande de lieux culturels - par exemple le bâtiment Porteous - et qu'il est nécessaire de développer plus de lieux dédiés à la culture, notamment à une culture alternative accessible à toutes et à tous, ce que les Verts soutiennent. Le Conseil d'Etat est aujourd'hui prêt à s'investir pour une politique culturelle concertée; nous en prenons acte. Pour ces raisons, les Verts vous recommandent vivement d'accepter cette initiative. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Alexandre de Senarclens (PLR). Le PLR étudiera avec beaucoup d'intérêt cette initiative populaire en commission. A ce stade, il est d'avis que ce projet constitutionnel ne va pas changer la donne, car ce qu'il propose figure déjà dans la législation actuelle. Cette initiative a néanmoins le grand mérite de mettre en lumière les craintes, justifiées, des milieux culturels dues à l'absence cruelle de vision politique du canton en la matière. Craintes justifiées parce que le Conseil d'Etat, lors de la précédente législature, a délaissé la culture alors que la loi sur la culture demande précisément au gouvernement de définir les grandes orientations de son action dans ce domaine. La loi sur la répartition des tâches, tant décriée, a elle aussi réaffirmé cette ambition et renforcé la concertation avec le Conseil consultatif de la culture et les communes. Hélas, force est de constater que le Conseil d'Etat de la précédente législature n'en a rien fait. Il n'a pas esquissé les premières lignes de ces grandes orientations ni d'ailleurs chargé ce conseil consultatif de faire le travail. Je forme donc le voeu que le nouveau conseiller d'Etat chargé de ce domaine définisse avec les communes, avec les institutions culturelles - qu'elles soient privées ou publiques - une offre culturelle ambitieuse, équilibrée et à la hauteur de notre rayonnement international. C'est d'ailleurs d'ores et déjà sa tâche.

A ce stade, avant d'étudier cette initiative, le PLR tient à faire trois remarques. Premièrement, il est préférable qu'une seule entité finance et surveille une institution. Il ne faut pas que ceci soit un dogme inaltérable, intangible - ni même défaire ce qui marche - mais, pour le PLR, il est de bonne gouvernance d'éviter la double tutelle. Deuxièmement, les moyens financiers ne sont malheureusement pas infinis. Si la culture est essentielle, d'autres politiques publiques le sont également. Vous le savez, Genève figure déjà au deuxième rang des cantons suisses les plus généreux. Troisièmement, cette politique culturelle doit mieux associer les mécènes - les mécènes ! - car leur apport dans ce domaine est essentiel. Le PLR, comme je vous l'ai dit en introduction, votera le renvoi en commission. Merci, Monsieur le président.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG renverra également cette initiative en commission pour étude. Il faut effectivement bien relever que la modification constitutionnelle proposée ne change pas grand-chose à l'état actuel, mais elle a le mérite de rouvrir le débat sur la politique culturelle et sur l'engagement du canton. Parce que la LRT - la loi sur la répartition des tâches - est un échec, en tout cas pour nous: on n'a pas vraiment avancé dans le domaine, et je pense qu'il faut remettre l'ouvrage sur le métier pour trouver des solutions plus adaptées. Si on veut que le canton soit véritablement un acteur de la politique culturelle - et je pense que c'est nécessaire - il faut travailler à cela, et l'initiative 167 est à mon avis un bon moyen d'ouvrir ce débat.

Les moyens ne sont bien sûr pas extensibles, mais je pense qu'il y a des choses qu'il est possible de faire, il est possible de se coordonner avec les communes. Il faut simplement se donner la peine de vouloir le faire, de trouver des solutions et de sortir de ce qui a finalement été un échec, je le redis encore une fois, à savoir la répartition des tâches. La culture est le ciment du vivre-ensemble et de la cohésion sociale de ce canton; il faut donc toujours y rester attentif. Nous renverrons volontiers cette initiative en commission pour étude.

M. Christo Ivanov (UDC). Tout à l'heure, j'ai entendu des propos qui m'ont hérissé le poil: ce parlement aurait en effet refusé de manière réitérée de voter des crédits en faveur de la culture et de la diversité culturelle ! Les bras m'en tombent ! J'aimerais quand même vous rappeler que cette assemblée a voté 30 millions pour la Nouvelle Comédie et 10 millions pour le Théâtre de Carouge. Sans ça, les deux projets n'auraient pas vu le jour. Ce Grand Conseil a également voté une enveloppe pour le Grand Théâtre. Je rappelle également qu'une grande fondation que tout le monde connaît ici va mettre 110 millions sur la table pour la future Cité de la musique; je ne sais pas ce qui se ferait encore à Genève sans elle et on ne peut que la remercier.

Il faut reconnaître que les milieux culturels sont essentiels pour Genève car la culture - à travers les musées, la musique et beaucoup d'activités - est extrêmement importante et permet à notre canton d'avoir une attractivité très forte. Ce n'est malheureusement pas le cas pour le sport, ce que je regrette. Cette initiative n'apporte que peu de choses nouvelles: quasiment tout existe déjà dans la loi actuelle, et il s'agit donc de faire du neuf avec du vieux. La culture est l'enfant gâté de Genève alors que le sport est le parent pauvre, ce qui est extrêmement regrettable. (Commentaires.) L'UDC étudiera avec attention cette initiative à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi de vous remercier, au nom du Conseil d'Etat, de l'accueil que vous faites au renvoi de cette initiative en commission. Vous savez que le gouvernement a accepté de la soutenir en vue d'apaiser un domaine qui est, comme cela a été relevé à l'instant, le ciment d'une cohésion sociale forte et dont les enjeux sont conséquents pour notre canton. Cette volonté d'apaisement doit nous permettre d'aborder avec transparence les projets auxquels nous serons bientôt confrontés: les grandes institutions, bien entendu, mais aussi le soutien à la création.

A ce propos, je vous présenterai le bilan de la loi sur la répartition des tâches et en particulier de son deuxième volet. Cela afin de vous permettre de me rejoindre sur l'idée qu'il est nécessaire de reprendre langue avec les milieux concernés et votre parlement au sujet de cette loi que je souhaite en effet - tout comme le Conseil d'Etat - voir évoluer. Merci donc de soutenir le renvoi de cette initiative en commission; j'aurai ainsi l'occasion de vous donner quelques éléments, notamment sur la politique culturelle que le Conseil d'Etat veut soutenir. C'est une obligation légale de par la loi sur la culture, mais c'est aussi la volonté de notre gouvernement: avoir une vision, une volonté concertée et coordonnée. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat.

L'initiative 167 et le rapport du Conseil d'Etat IN 167-A sont renvoyés à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.