République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11929-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Caroline Marti, Roger Deneys, Christian Frey, Romain de Sainte Marie, Jean-Charles Rielle, Thomas Wenger, Nicole Valiquer Grecuccio, Salima Moyard, Cyril Mizrahi, Irène Buche, Lydia Schneider Hausser modifiant la loi sur les prestations complémentaires cantonales (LPCC) (J 4 25) (Pour la prise en compte de loyers réalistes dans les prestations complémentaires cantonales, les prestations complémentaires familiales et l'aide sociale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 1er et 2 juin 2017.
Rapport de majorité de M. Patrick Saudan (PLR)
Rapport de minorité de M. Christian Frey (S)

Suite du premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous poursuivons la discussion sur le PL 11929-A. La parole revient à M. Falquet.

M. Marc Falquet (UDC). Oh, mince, c'est déjà à moi ! Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, comme il a été mentionné tout à l'heure, une réforme est en cours au niveau fédéral et, à mon avis, il n'y a pas de quoi paniquer s'agissant de ce projet, même si c'est vrai que la situation est difficile pour de nombreuses personnes dont les loyers sont supérieurs au barème donné.

J'ai un proche qui bénéficie de l'aide sociale, soit 1200 F par mois, et son loyer est de 1650 F par mois. Or l'Hospice général n'a rien voulu savoir, et pourquoi ? Parce que le bail n'est pas à son nom, tout simplement ! En effet, bon nombre de personnes sous-louent des appartements - à des prix très élevés, évidemment, bien au-dessus des barèmes - et ne peuvent donc pas recevoir d'aide parce que le bail n'est pas à leur nom. Par contre, en temps normal, on peut percevoir jusqu'à 20% de cette somme de 1200 F en plus.

La question est la suivante: est-ce que la personne en question, à qui il reste 900 F pour vivre et qui doit encore s'acquitter de 450 F, mange tous les jours ? La réponse est oui. Il ne faut pas pleurer sur le sort des gens et dire qu'ils n'arrivent pas à manger. Cette personne est tout à fait digne, je la connais bien; évidemment, sa situation n'est pas confortable, mais elle se débrouille, elle dépense moins d'argent, elle achète dans des endroits où les produits sont moins chers, elle bénéficie d'une carte Caritas. Elle ne va pas manger dans les associations, elle mange chez elle ! La situation n'est pas facile, mais elle se débrouille dans la dignité, et il existe beaucoup d'autres solutions; même si ce n'est pas évident, les gens arrivent parfaitement à s'en sortir.

Comme autres solutions, il y aurait par exemple l'échange d'appartements. Beaucoup de gens vivent dans des appartements trop grands, et lorsqu'ils proposent d'échanger leur logement avec quelqu'un d'autre, les communes ou les régies refusent, on ne sait pas trop pourquoi. Là, je pense qu'il y aurait beaucoup de choses à améliorer. Quant aux autres citoyens qui ne sont pas à l'aide sociale mais qui doivent se débrouiller, comme les étudiants, est-ce qu'ils mangent tous les jours ? Souvent, ils disposent de 200 F ou 300 F par mois et ils se débrouillent pour manger, il n'y a pas de problème.

A Genève, on peut s'en sortir avec peu d'argent tant l'offre est grande, et je trouve que la gauche infantilise les gens en pensant qu'ils n'arriveront pas à se débrouiller. Il faut sortir de cette mentalité, arrêter de vouloir mettre les gens sous tutelle ou sous curatelle parce qu'il leur manque 200 F par mois. Rien n'empêche une personne à l'aide sociale de prendre un petit travail de deux ou trois jours par semaine pour compenser le manque. S'il s'agit de gens normaux, qui ne souffrent pas d'une quelconque invalidité, rien ne les empêche de compenser avec un autre revenu ou de se débrouiller autrement. Ce projet de loi - je ne sais plus si c'est une motion ou un projet de loi - n'est pas urgent puisque la loi fédérale va bientôt être modifiée, alors arrêtons d'infantiliser les personnes à l'aide sociale, elles ont une dignité ! Je trouve que la gauche ne leur rend pas service, il faudrait plutôt les responsabiliser.

Je pense aux artisans: quand ils ont payé leurs factures, je vous garantis que bon nombre d'entre eux ont moins de 900 F par mois pour vivre, et ils ne se plaignent pas, alors qu'ils travaillent souvent plus de quarante heures par semaine. Je pense aussi au secteur agricole - c'est un petit clin d'oeil à mon collègue maraîcher: bien souvent, les patrons disposent de beaucoup moins que du minimum vital, et ils ne viennent pas pleurer dans le gilet de l'Etat, ils se débrouillent, ils ont leur dignité. Alors arrêtons d'infantiliser les gens, merci ! (Quelques applaudissements.)

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas revenir sur les propos déplorables tenus par mon préopinant, mais simplement lui rappeler que les personnes qui touchent les prestations complémentaires ne peuvent justement pas travailler pour avoir un complément de revenu, étant donné qu'elles sont soit invalides, soit à la retraite. Le système des prestations complémentaires et de l'aide sociale fonctionne selon un schéma assez simple: le bénéficiaire obtient d'abord un forfait d'entretien pour subvenir à ses besoins vitaux, puis une somme afin de payer son loyer. Or tout le problème réside dans le fait que le montant maximal d'aide est plafonné à un niveau beaucoup trop bas, car il n'a pas été réévalué depuis 2001, comme il a été rappelé. Depuis 2001, Mesdames et Messieurs les députés !

Nous connaissons tous le contexte du marché du logement à Genève, les loyers ont considérablement augmenté depuis 2001 - de 33%, pour être exacte. Les conséquences sont directes pour les bénéficiaires de l'aide sociale et des prestations complémentaires: ils doivent utiliser une partie de leur forfait d'entretien, c'est-à-dire rogner sur les dépenses censées couvrir leurs besoins vitaux, pour s'acquitter du surplus de loyer. Et il ne s'agit pas d'une situation marginale, Mesdames et Messieurs: selon les chiffres émis par le département, 30% des bénéficiaires sont dans ce cas de figure, ont un loyer qui dépasse les plafonds admis.

Heureusement, il y a eu une prise de conscience de ce problème, d'abord de la part des associations, mais également de la part du Conseil fédéral - on a parlé de la réforme en cours - et finalement du Conseil d'Etat, qui a admis que cette situation était problématique. Ce projet de loi vise à régler cela, et il est très modéré dans la mesure où il reprend dans les grandes lignes un projet du Conseil fédéral, qu'on ne peut pas accuser d'être de gauche. Il s'agit simplement d'anticiper cette réforme, et il est absolument fondamental de le faire maintenant, parce qu'elle est en stand-by et qu'il y a urgence pour les personnes bénéficiaires de l'aide sociale, elles ne peuvent plus attendre.

Alors oui, ça va coûter une certaine somme à l'Etat - 10 à 12 millions par année, peut-être moins puisque la réforme fédérale va venir combler ce montant - mais ce que nous devons voir sous cette dépense, c'est qu'actuellement - et si ce projet de loi n'est pas voté aujourd'hui, cette situation perdurera - l'Etat économise sur le dos des personnes particulièrement précarisées, il se sert dans leurs poches, et ce n'est pas acceptable. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ces personnes ont un revenu qui oscille entre 2000 F et 3000 F par mois, elles se trouvent donc dans des situations extrêmement précaires.

On tente de nous dire que l'Etat de Genève n'a pas les moyens d'augmenter ces prestations, mais ce discours n'est pas acceptable puisque, je vous le rappelle - et ce sera ma conclusion, Monsieur le président - ce parlement a refusé hier ne serait-ce que d'étudier la possibilité de suspendre le bouclier fiscal qui, s'il était supprimé, rapporterait pourtant plus de 100 millions par année, ce qui permettrait largement d'accorder cette petite aide supplémentaire qui est absolument nécessaire pour les bénéficiaires des prestations complémentaires. Je vous remercie d'accepter ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Il faut recentrer le problème, Mesdames et Messieurs. Nous parlons en ce moment du calcul de l'aide sociale pour les personnes qui perçoivent des prestations complémentaires et, dans ce calcul, il est tenu compte d'une certaine somme pour le loyer. Le MCG a une autre optique que certaines personnes qui s'opposent au bouclier fiscal, notamment un préopinant qui voulait que les gens se nourrissent de pissenlit ou de graines à défaut de pouvoir payer leur loyer, ce n'est pas du tout notre vision des choses.

Je crois qu'il faut revenir sur terre, déterminer ce que nous voulons accorder aux plus démunis de notre canton, ceux à qui nous versons le minimum vital. La solidarité sociale est nécessaire, obligatoire, et nous nous engageons dans cette voie. Cela dit, n'en déplaise à certains, cela nous est permis aussi grâce au bouclier fiscal ! En effet, ce mécanisme permet de faire rentrer de l'argent, de financer la politique sociale. Malheureusement, on ne peut pas avoir la vision misérabiliste dont font preuve certains; regardez tous les efforts qu'on fait, tout l'argent qu'on dépense dans le domaine du social ! Ce n'est peut-être pas encore assez, mais Genève en fait déjà beaucoup et doit naturellement continuer dans cette direction.

Quel est le problème de cette loi ? C'est qu'il faut choisir entre loi ou règlement. Actuellement, nous avons un règlement. Celui-ci peut être modifié, et il le sera sans doute, parce que des changements sont en cours au niveau fédéral, c'est-à-dire qu'on va gérer les choses différemment. Peut-être y aura-t-il des spécificités à Genève par rapport à d'autres cantons, ou alors dans l'ensemble des cantons villes - enfin bref, toute une réflexion est en train d'être menée sur cette question. Je ne veux pas trahir les discussions mais, de manière générale, on procédera à un assouplissement des normes. Est-il vraiment temps maintenant de rigidifier les choses ?

Certes, il y a un problème actuellement, on ne peut pas le nier: 30% des bénéficiaires de l'aide sociale et des prestations complémentaires ont un loyer plus élevé que le plafond prévu dans la loi. Mais il s'agit à peine de 30%, ce qui veut dire que les 70% restants sont dans les barèmes ! Sur ces 30%, on dénombre encore 30% de gens qui ont droit à des dérogations, par exemple ceux qui ont un trop grand appartement après que les enfants sont partis - ça peut être d'autres cas particuliers. On dit donc à ces personnes: «D'accord, vous cherchez un nouveau logement - il n'y a pas d'obligation de trouver, vous devez juste en chercher un - et, en attendant, on vous donne une somme supplémentaire pour payer la différence de loyer.» Comme on peut le voir, ça concerne un nombre limité de personnes, heureusement !

Bien sûr, il faut améliorer la situation, il faut faire en sorte de trouver des solutions pour tout un chacun. C'est loin d'être facile, c'est loin d'être évident, mais je pense que même avec la loi qu'on nous propose, il y aura toujours des gens dont les loyers de 2500 F ou 3000 F ne seront pas pris en charge, des gens qui seront en difficulté, on ne peut pas répondre entièrement à la misère actuelle. Aussi, choisissons le règlement plutôt que la loi ! C'est la raison pour laquelle le MCG votera contre ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur. Je salue à la tribune un groupe de l'Université ouvrière de Genève accompagné de M. Claude Gerber, responsable de formation, qui vient nous rendre visite dans le cadre d'un cours sur le système politique. (Applaudissements.) Monsieur Selleger, c'est à vous.

M. Charles Selleger (PLR). Merci, Monsieur le président. A priori, prendre en compte des loyers réalistes dans le calcul des prestations complémentaires semble évident et frappé au coin du bon sens, et je salue tous les efforts que déploie la gauche pour améliorer la situation des gens qui en ont besoin. Mais elle est complètement schizophrène, parce qu'elle réclame toujours plus pour les pauvres - ce qui est bien, certes - sans se soucier du tout des moyens pour accomplir cette mission.

Chaque fois qu'on présente des projets pour diminuer le train de vie de l'Etat, les représentants de la gauche s'y opposent ! Genève a une dette de 12 milliards, qui va encore augmenter de pratiquement un demi-milliard l'année prochaine, tant le budget est déficitaire. Je vous propose d'être cohérents, Mesdames et Messieurs de la gauche, et de ne pas regarder uniquement du côté de ce qu'il faudrait faire en plus en ignorant l'aspect financier. Ce n'est pas en augmentant les impôts des riches qu'on y arrivera, on vous l'a dit et répété. N'oubliez pas que les contribuables fortunés sont mobiles, que 1% d'entre eux paient 70% de l'impôt sur la fortune tandis que 4% de ces mêmes riches versent 50% de l'impôt sur le revenu. Imaginez la catastrophe si la fiscalité de Genève était plus lourde encore ! N'oubliez pas qu'il s'agit déjà de la plus lourde de Suisse, que notre Etat est le plus généreux envers la fonction publique, que le salaire moyen du fonctionnaire genevois est le plus haut et que le nombre de fonctionnaires par tête d'habitant est également le plus élevé du pays !

Il faut chercher les moyens de mettre en oeuvre votre politique sociale avant de nous bombarder de projets de lois qui, certes, sont intéressants et justifiés - je le répète - mais n'appellent pas non plus un traitement urgent, étant donné la réforme prochaine de la loi fédérale, qui va de toute façon améliorer la situation. C'est pourquoi le PLR ne votera pas ce projet.

Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Forni pour une minute quarante.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Oui, Monsieur le président, j'aimerais juste rappeler à l'intention de l'un de mes préopinants que le problème de la pauvreté à Genève est sérieux. Il faut savoir que près de 20% des assujettis au RDU sont considérés comme risquant de tomber dans la pauvreté, que presque 14% de la population genevoise perçoit une aide sociale au sens large et surtout qu'un citoyen actif sur vingt présente un risque de pauvreté. Cela pose vraiment un problème éthique et sociétal: est-il normal, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, que l'Etat subventionne d'une certaine manière des emplois trop faiblement rémunérés dans certains secteurs de l'économie ou des loyers trop élevés pour une bonne partie de la population ?

Aujourd'hui, nous avons vraiment un signal à donner à ceux qui en ont besoin. On accorde une très grande attention à certaines catégories de la population - je pense notamment aux fonctionnaires, et ils le méritent - mais on ne doit pas non plus oublier ceux qui en ont besoin. Je le répète: refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi, c'est envoyer un signal très négatif à nos concitoyens. Le parti démocrate-chrétien va accepter ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et passe la parole à Mme Engelberts pour deux minutes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Moi aussi, j'accepterai ce projet de loi avec grand plaisir. Contrairement à Mme Marti - vous transmettrez, Monsieur le président - je ne vais pas m'empêcher de faire quelques remarques au député Falquet quant à la manière qu'il a de regarder le monde d'en bas... Monsieur Falquet, vous pourriez au moins m'écouter !

Le président. Adressez-vous à la présidence, Madame.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Oui, Monsieur le président, je vous remercie de bien vouloir lui transmettre. A mon sens, c'est carrément de la maltraitance de considérer que certaines personnes - âgées, par exemple - consultent les catalogues de prestations de l'Hospice général ou se rendent d'une institution à l'autre pour trouver à manger. De la même manière, je ne les vois pas non plus faire cela pour des activités sociales ou autres.

D'accord, vous connaissez une personne à l'aide sociale; pour ma part, j'en connais beaucoup parce que j'ai été amenée à en rencontrer en raison de ma profession, et je crois que la reconnaissance de la dignité commence ici, au Grand Conseil. Soyons clairs sur la situation: on ne peut pas vivre à Genève avec le minimum vital qui est octroyé, à moins d'être jeune, en bonne santé, d'avoir ses deux jambes et toute sa tête. Or ce n'est pas le profil des personnes les plus en difficulté. La manière dont vous avez traité le sujet me paraît - excusez-moi du terme - tout à fait indigne de la part d'un député en mesure d'analyser la situation telle qu'elle est. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Madame. Monsieur Falquet, vous avez vingt-quatre secondes.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Quand j'ai divorcé il y a quelques années, il me restait quelque chose comme 300 F par mois, et je me suis débrouillé, je ne me suis jamais adressé à l'aide sociale - non, en réalité, j'ai voulu y aller, mais j'y ai été tellement mal accueilli que j'ai renoncé, je m'en suis sorti avec mes propres économies. Alors il faut arrêter vos histoires de dignité ! Nous avons un collègue qui bénéficie de l'aide sociale, il aurait beaucoup de choses à dire sur le sujet. La dignité, elle commence dans les institutions qui doivent respecter les gens et arrêter de... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Le président. C'est terminé, merci. A présent, la parole va au conseiller d'Etat Poggia.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous faites faire à l'Etat de Genève un grand écart alors qu'il n'est pas entraîné pour cela, hélas, et je peux vous dire que les abducteurs sont en train de chauffer sérieusement ! Lors de la dernière séance, vous avez décidé d'accorder 30 millions supplémentaires aux TPG; soit. Tout à l'heure, vous avez voté pour octroyer 17 millions rétroactifs à des institutions pour des comptes 2016 qu'elles ont depuis lors bouclés; soit. Aujourd'hui, vous voulez encore redistribuer l'argent que nous tentons péniblement de récolter, ne serait-ce que pour déséquilibrer nos comptes le moins possible - je ne parle même pas de les équilibrer, bien entendu.

A un moment donné, il faut se montrer réaliste: on ne dirige pas un canton comme le nôtre avec les seuls bons sentiments. Le «Geneva finish», comme on l'appelle, a ses limites. Ici, nous faisons toujours plus qu'ailleurs, mieux qu'ailleurs, parce que nous sommes meilleurs qu'ailleurs ! Or être les meilleurs coûte plus qu'ailleurs. Jusqu'où irons-nous dans cette frénésie d'augmentation des prestations sans nous soucier de qui passera à la caisse au final, Mesdames et Messieurs ?

Il s'agit tout de même de citer quelques chiffres sur notre combat contre la précarité et la pauvreté, j'aimerais qu'on sache de quoi on parle: une personne seule à l'aide sociale voit ses primes d'assurance-maladie payées, sa franchise et la participation aux frais médicaux jusqu'à 25 000 F prises en charge par l'Etat, ses besoins vitaux et son loyer couverts à hauteur de 27 624 F ou de 38 755 F si elle bénéficie des prestations complémentaires. Pour deux personnes, les primes d'assurance-maladie sont également payées, les frais médicaux pris en charge, et la somme de 38 938 F versée, ou de 53 492 F s'il s'agit de bénéficiaires des prestations complémentaires. Pour trois personnes, Genève paie 45 207 F et 66 323 F pour les bénéficiaires des prestations complémentaires.

Je vous pose la question suivante, Mesdames et Messieurs: combien de travailleurs dans notre république, après s'être acquittés de leurs primes d'assurance-maladie, de leur loyer et de leurs impôts, réussissent à vivre avec ces sommes lorsqu'ils exercent des professions modestes, sans formation particulière ?

Cette situation n'est pas enviable, mais je dis simplement que nos moyens financiers nous imposent certaines limites et que nous devons nous montrer pragmatiques. Aujourd'hui, 70% des bénéficiaires de prestations sociales ont un loyer inférieur aux normes genevoises. Certes, 30% d'entre eux ont un loyer supérieur, mais mes services prennent en considération les contextes particuliers, parce qu'on ne peut pas déménager du jour au lendemain et que, même si on le souhaite, il est difficile de trouver des loyers qui soient dans les barèmes indiqués. Sur ces 30%, donc, un tiers bénéficie de dérogations, ce qui fait que nous parlons ici de 20% de personnes qui ont un loyer supérieur au plafond et qui doivent - c'est regrettable, je le reconnais - utiliser pour compenser une partie de ce qui leur est versé au titre des besoins vitaux.

Naturellement, pour être équitables, il nous faudrait prendre en charge les montants réels. Or vous voyez toute la distorsion que ce genre de position peut provoquer. C'est comme si, dans le domaine des subsides à l'assurance-maladie, nous payions totalement les primes dont les assurés doivent s'acquitter auprès de leur caisse ! Non, nous leur demandons de faire un effort chaque fois que cela est possible, de réduire leurs primes en optant pour un système meilleur marché, ce d'autant que les bénéficiaires de subsides totaux voient leurs franchise et participation prises en charge par nous.

Mesdames et Messieurs, une réforme est en cours à l'échelle fédérale, car à Berne aussi, on sait que cette situation est problématique, que les loyers se révèlent très inégaux selon qu'on habite dans une zone urbaine ou rurale. Devons-nous systématiquement faire mieux qu'ailleurs, plus vite qu'ailleurs ? Pourquoi ? Parce que nous sommes plus riches qu'ailleurs ? Eh bien non, Mesdames et Messieurs, nous ne sommes pas plus riches qu'ailleurs.

A côté de chez nous, le canton de Vaud va décider de prendre en charge la totalité des primes d'assurance-maladie qui dépassent 10% du revenu pour toute une catégorie de la population. Disposons-nous des moyens pour faire de même ici ? A quand, Mesdames et Messieurs de la gauche, une initiative dans ce sens ? Ce sont 100 millions supplémentaires que le canton de Vaud va verser. Il se trouve que Genève a un statut de contributeur dans le système de péréquation financière tandis que Vaud, lui, perçoit de l'argent des autres cantons.

Le système est perverti, mais il y a une réalité à laquelle nous devons faire face, et je vous demande simplement de revenir sur terre pour une fois dans ce parlement. Je vous remercie.

Des voix. Bravo ! (Longs applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et lance le vote...

Mme Caroline Marti. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenue, Madame ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien. Le vote est lancé.

Mis aux voix, le projet de loi 11929 est rejeté en premier débat par 49 non contre 42 oui (vote nominal).

Vote nominal