République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12041-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit au titre de subvention cantonale d'investissement de 10 000 000 F en faveur de la Ville de Carouge, pour la reconstruction du Théâtre de Carouge - Atelier de Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 1er et 2 juin 2017.
Rapport de majorité de M. Yvan Zweifel (PLR)
Rapport de minorité de M. Sandro Pistis (MCG)

Premier débat

Le président. Nous en sommes à la dernière urgence, que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Zweifel.

M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, nous sommes amenés ce soir à voter sur un projet de subvention à l'investissement, il est important de le souligner, d'un montant de 10 millions, pour la démolition et la reconstruction du Théâtre de Carouge. Le projet total est de 54,4 millions. Nous discutons ici de la part cantonale, qui serait donc de 10 millions à l'investissement. Je ne veux pas revenir sur tous les détails de mon rapport, vous trouvez notamment dans l'introduction, aux pages 1 à 3, la plupart des éléments saillants.

Permettez-moi, Monsieur le président, de faire un petit focus sur trois ou quatre points qui me semblent essentiels dans ce projet. D'abord, au sujet du financement: la part cantonale serait donc de 10 millions, ce qui correspond à 18% du total, et surtout, à un montant inférieur aux apports prévus de fonds privés. Il est en effet prévu un montant de 13,6 millions qui serait amené par des privés. Pourquoi est-ce que je le souligne, Monsieur le président, chers collègues ? Parce que je fais partie, à titre personnel, de ceux qui, dans ce parlement, sont parfois un peu déçus de certains milieux culturels qui nous prouvent leur grande créativité artistique sur scène, avec des projets extrêmement bien conçus, qui font plaisir aux spectateurs qui viennent les voir; mais dès qu'on parle de financement, on perd un peu de créativité: la première chose qu'on fait, c'est d'aller toquer à la porte des collectivités locales pour obtenir telle ou telle subvention. Ici, on a la démonstration de personnes qui n'ont pas seulement fait cela, mais qui ont également fait l'effort d'aller chercher des fonds ailleurs, notamment auprès de privés. Ainsi, la part que nous vous demandons de voter est inférieure à ce que le privé a prévu de mettre dans ce projet: c'est rare et il faut le souligner.

Le deuxième point que je voulais rappeler concerne la question de la démolition-reconstruction par opposition à la rénovation. C'est un élément que mon estimé collègue Sandro Pistis évoquera tout à l'heure, j'imagine. Deux choses à ce propos. D'abord, sur les 32 offres reçues pour ce projet, une seule prévoyait la simple rénovation, toutes les autres prévoyaient une démolition-reconstruction. Il y a une bonne raison à cela: la rénovation ne permet pas d'atteindre une des visées essentielles du projet, celle de regrouper à un seul et même endroit tous les services du théâtre aujourd'hui dispersés dans plusieurs endroits de la commune et même du canton. La rénovation ne règle pas non plus un certain nombre de problèmes techniques, notamment la profondeur du théâtre, qui empêche d'amener certains éléments lourds, notamment de décors, et pose aussi des problèmes de visibilité, de sorte que l'intégralité de la scène ne peut pas être actuellement utilisée. Il est donc important de choisir un projet de démolition-reconstruction plutôt qu'une simple rénovation.

Enfin, j'aimerais évoquer un point important, la direction du projet. Si l'on avance de l'argent, que ce soit pour ce projet ou pour un autre, il faut être convaincu que ceux qui vont utiliser cet argent vont le faire à bon escient. Or, je tiens à dire que moi-même et beaucoup de mes collègues de la commission avons été frappés notamment par l'audition du directeur actuel du théâtre, M. Liermier: on a pu constater qu'on avait face à nous pas seulement un directeur artistique, un directeur de théâtre, mais aussi un directeur financier, un directeur administratif, un directeur stratégique et un directeur des ressources humaines. C'est assez rare, il faut souligner ici les multiples compétences de M. Liermier. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il le prouve notamment quand on lui pose la question: «Qu'allez-vous faire pendant les travaux ?» Eh bien, il a d'ores et déjà prévu à la fois ce qui se passera sur la commune de Carouge, l'installation notamment d'une tente - il y avait un excellent article à ce sujet dans la «Tribune» dernièrement - mais aussi la mise en place d'une roulotte qui va sillonner le canton, qui permettra à l'institution non seulement de continuer ses activités, mais en plus, d'aller chercher de nouveaux spectateurs qui seront utiles au théâtre une fois qu'il sera rénové et reconstruit.

Le président. Vous prenez sur le temps de votre groupe.

M. Yvan Zweifel. Oui, merci, Monsieur le président. M. Liermier est également, je le disais, un directeur financier qui respecte l'enveloppe budgétaire proposée; ça n'arrive pas souvent, il faut aussi le souligner. En conclusion, sur ce point-là, Monsieur le président, nous n'avions face à nous pas seulement un directeur artistique, mais aussi un entrepreneur: c'est ce qui, je crois, a achevé de convaincre un certain nombre de mes collègues.

Mesdames et Messieurs, je conclurai simplement en disant, avec un clin d'oeil au rapporteur de minorité - vous transmettrez, Monsieur le président, même s'il est en face de moi - que comme il le sait, quand une pièce commence, on frappe toujours trois coups avec un bâton qui s'appelle un brigadier. Je suis sûr que le brigadier que j'ai en face de moi comprendra lui aussi que ce projet est frappé au coin du bon sens. Je l'appelle donc à le soutenir, en citant William Shakespeare, je pense que c'est de circonstance: «Je tiens le monde pour ce qu'il est, c'est-à-dire un théâtre où chacun joue son rôle.» Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose ce soir de jouer notre rôle de députés et de voter pour un projet architecturalement intéressant, financièrement intelligent, culturellement valorisant, en bref, un projet équilibré. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député, et encore bravo pour votre prix qui, visiblement, est très mérité. Monsieur Pistis, c'est à vous.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Ce théâtre a été construit, ou plutôt mis en service, en 1972: le Théâtre de Carouge a donc à peine quarante-quatre ans d'existence. Il a été construit par d'excellents architectes carougeois, MM. Zuber et Mégevand. A l'époque, ils avaient utilisé le concept de théâtre à l'italienne, selon lequel, quand vous prenez place dans la salle, vous allez vers le bas pour assister à des spectacles. Il faut également savoir qu'à l'époque où le Théâtre de Carouge a été édifié, les architectes avaient pris le vieux Carouge en considération et avaient réussi à le marier avec le Carouge moderne que nous connaissons. Au fil des années, ce théâtre a été rénové; plusieurs millions de francs ont été consacrés à sa remise en état. Ce que nous proposent aujourd'hui la commune de Carouge et ses démolisseurs, c'est de raser un concept qui tient la route, de raser l'histoire de Carouge, de raser le Théâtre de Carouge pour construire un nouveau théâtre qui sera mégalomane, qui ne remplira plus la simple fonction de Théâtre de Carouge mais plusieurs fonctions, et pour lequel on mettra de côté l'histoire de cette ville et toutes les personnes qui ont participé à des spectacles.

Pourquoi faut-il refuser ce crédit de 10 millions ? Parce que le Grand Conseil ne doit pas être complice de la démolition du Théâtre de Carouge. Les Carougeois y sont attachés. Je vous rappellerai d'ailleurs que le MCG a lancé dans la commune un référendum qui a abouti. Ce référendum a trouvé plus 1502 paraphes, nous allons pouvoir voter tout prochainement - je l'espère - sur le sujet. Il serait indécent d'offrir aujourd'hui sur le plan cantonal 10 millions alors que les Carougeois ne se sont pas encore exprimés sur le fond du projet. C'est pourquoi, Monsieur le président, je demande une suspension de ce projet de loi afin de reprendre les discussions quand le vote communal aura été effectué et que les Carougeoises et les Carougeois se seront exprimés. Je vous remercie.

Le président. Vous demandez donc l'ajournement de ce projet de loi ?

M. Sandro Pistis. Oui, l'ajournement !

Le président. Merci. Le rapporteur de majorité peut s'exprimer, ainsi que le Conseil d'Etat. Monsieur Zweifel ?

M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Les choses sont extrêmement claires, Mesdames et Messieurs: si nous le voulons et si une majorité est d'accord ce soir, nous voterons sur une part du financement de 10 millions pour un projet bien précis. Si en septembre ou en novembre - je ne sais pas quand aura lieu la votation à Carouge - le référendum gagne, c'est-à-dire que le projet est refusé dans sa globalité par les Carougeois, de facto, automatiquement, notre part du financement, si nous la votons ce soir, tombera d'elle-même. Il n'y a pas de lien sauf le sujet de fond. Cette demande d'ajournement n'est donc en aucun cas justifiée, je vous propose, et la majorité avec moi, de la refuser.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci. Monsieur Pistis, vous vous êtes exprimé à ce sujet, je pense que c'est bon ?

M. Sandro Pistis. Je demande le vote nominal.

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. Je passe la parole à Mme la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Très brièvement, Mesdames et Messieurs les députés - j'aurai l'occasion de m'exprimer sur le fond ensuite - il faut bien sûr refuser l'ajournement ! Le sens de la demande d'urgence était de donner un signe aux Carougeoises et aux Carougeois en leur montrant que la majorité de ce Grand Conseil va voter en faveur de la reconstruction du théâtre. Je vous invite donc à continuer les débats puis à suivre sereinement la proposition de la majorité, qui est aussi celle du Conseil d'Etat. (Remarque.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Le vote est ouvert sur cette demande d'ajournement.

Mis aux voix, l'ajournement du rapport sur le projet de loi 12041 est rejeté par 64 non contre 23 oui (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous poursuivons nos débats. La parole est à M. Florey.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Dans un premier temps, je voulais prendre la parole pour faire exactement la même demande. Celle-ci a été refusée. On sent bien le coup électoraliste... (Protestations.) ...que représente cette demande d'urgence, pour faire croire à la population qu'une large majorité, ou même qu'un consensus est trouvé au sein de ce Grand Conseil. Ce que je constate pour ma part, c'est qu'en effet, un référendum a abouti, et que nous allons mener un débat pour rien, assurément, parce que je reste persuadé que ce référendum sera gagné par ceux qui l'ont lancé. Nous allons édicter une loi pour rien, et finalement, nous aurons utilisé les deniers publics à mauvais escient. (Brouhaha.)

Sur le fond, comme je l'avais dit en commission, je constate une chose: premièrement, il n'y a pas un engouement extraordinaire des mécènes pour financer ce théâtre. Il n'y en a eu qu'un. Il manque actuellement encore 2 millions pour boucler le budget. Le seul mécène qui a été trouvé, qui tient à rester anonyme et que je ne citerai donc pas - mais tout le monde le connaît, on sait très bien qui c'est - a lui-même mis 10 millions; mais il n'y a personne d'autre ! On se demande donc bien où est cet engouement général qui nous a été décrit en commission. Finalement, voyant la peine de la commune de Carouge à boucler son budget, qu'est-ce qu'on fait ? On vient pleurer misère au Grand Conseil, on vient taper aux portes du Conseil d'Etat pour qu'il finance avec de l'argent public ce qu'il n'a aucune obligation de financer - ça aussi, on a tenté de nous le faire croire en commission alors que ce n'est absolument pas vrai; la loi sur la culture dit tout au plus que l'Etat peut financer, mais il n'en a nullement l'obligation. Cela étant dit, dans notre groupe, la plupart refuseront ce crédit, d'autres s'abstiendront. Voilà sur le fond; on verra bien ce qu'il adviendra de ce référendum. Je vous remercie.

M. Bertrand Buchs (PDC). Il est clair que le groupe démocrate-chrétien votera avec enthousiasme ces 10 millions. Nous nous sommes battus dès le début pour que le Théâtre de Carouge soit reconstruit, que ce projet magnifique soit concrétisé. Ce projet tient la route, comme le rapporteur de majorité l'a très bien décrit dans son rapport, baisse de manière importante les frais de fonctionnement, permet de faire travailler des gens en offrant des postes de travail, permet aussi aux comédiens d'offrir 21 à 22 représentations par production à Genève et plus de deux cents en Europe et dans le monde francophone.

Il faut savoir que l'histoire de cette institution n'est pas seulement liée au bâtiment actuel: le premier Théâtre de Carouge se trouvait dans la chapelle de la Persécution, au sein de la paroisse catholique de Carouge, il y a plus de cinquante ans. Le Théâtre de Carouge fait donc partie de l'histoire du théâtre genevois. Il a un succès extraordinaire: les représentations sont pleines à plus de 90%. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, la plupart des spectacles créés là-bas - parce que c'est un théâtre de création, ce n'est pas une institution qui achète des spectacles, mais qui en crée - partent dans toute la francophonie, quelquefois au Canada et même aux Etats-Unis, puisqu'ils ont pu jouer à New York. C'est donc une chance énorme pour les comédiens d'avoir du travail. En plus, comme il a très bien été dit, il y a eu un concours; le concours ne visait pas la reconstruction absolue, il laissait libres les architectes quant à ce qui était le mieux, avec une enveloppe budgétaire extrêmement stricte. A Carouge, on a toujours fait très attention à ce que la commune ne mette pas plus qu'une trentaine de millions, ce qui sera le cas avec la part du canton, la part des communes genevoises - on oublie qu'elles mettront aussi une partie de l'argent - et la part des privés. Je rappellerai à l'UDC genevoise - c'est piquant de le relever - que l'UDC carougeoise soutient le projet de nouveau théâtre et n'a pas participé au référendum lancé par le MCG.

Quant à vouloir garder l'ancienne salle, d'accord, gardons-la ! Mais elle ne fonctionne pas, actuellement: l'été, on ne peut pas faire de spectacles, il fait trop chaud; l'hiver, il n'y a pas de chauffage; on ne peut pas utiliser l'intégralité de la scène, parce que le système de la scène ne marche plus; en plus, c'est extrêmement dangereux, il y a des risques d'accidents extrêmement graves pour les gens qui manient les décors ou les sortent de la scène pour les mettre dans les camions. En outre, il y a de l'amiante ! Il faut donc tout revoir. Pour le même prix, on construit un théâtre magnifique avec deux scènes, qui permet de regrouper toutes les activités du Théâtre de Carouge qui actuellement sont éclatées, et qui baisse les frais de fonctionnement. C'est vraiment un magnifique projet, il faut le voter avec enthousiasme. (Quelques applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas ce soir un choix électoraliste que nous allons faire... (Vifs commentaires.)

Une voix. Non ?!

Mme Nicole Valiquer Grecuccio. ...mais clairement un choix politique en faveur de la culture. Dire oui à ce projet... (Remarque.) ...c'est accepter un projet ambitieux pour un théâtre de création. Nous devrions au contraire être tous très contents de pouvoir voter durant cette législature non pas seulement pour un théâtre de création, mais pour deux - nous avons en effet déjà voté le projet de la Nouvelle Comédie. Dire oui à ce projet, c'est dire oui à un projet qui correspond, je le rappelle, à la déclaration conjointe Ville-Etat-communes sur la culture; très clairement, les autorités s'étaient engagées en faveur de ce Théâtre de Carouge. Nous ne faisons donc que suivre des décisions signées notamment par le Conseil d'Etat et particulièrement par M. Longchamp ici présent. De la même façon, nous ne faisons que suivre les débats sur la loi sur la répartition des tâches en matière de culture. Lors de ces mêmes débats, je vous rappelle qu'un député UDC, M. Riedweg, pour ne pas le nommer, s'était élevé et avait dit qu'il ne faudrait pas oublier, le moment venu, le Théâtre de Carouge. Il avait été suivi en cela par M. Lance, qui avait souligné la même chose au nom de l'Association des communes genevoises. Cela étant dit, c'est bien parce que l'ensemble des partenaires s'est réuni, certes le canton moins que les privés - mais je tiens à dire que c'est bien le rôle des collectivités publiques que de mettre de l'argent pour le théâtre, et la commune s'engage en effet, et fortement, pour ce théâtre.

Je ne reviendrai pas sur ce qui fait de ce théâtre une institution phare, dont le rayonnement dépasse largement la commune de Carouge; mais je rappelle, avec l'enthousiasme qu'a eu son directeur, M. Jean Liermier, que la reconstruction du bâtiment est aussi nécessaire parce que les répétitions n'ont pas lieu dans le théâtre même où nous allons voir les spectacles, mais au 57, rue Ancienne, dans une grange dont le bail va arriver à terme. Très clairement, si nous ne votons pas cette participation, tout simplement, dès 2020, il n'y aura plus de Théâtre de Carouge. Soulignons encore l'excellent travail avec les écoles, que son directeur a mentionné: c'est aussi notre rôle que de favoriser l'accès du théâtre aux écoles, aux élèves, de former nos jeunes à la culture de manière générale. Je terminerai en disant que voter en faveur du Théâtre de Carouge, c'est aussi rassurer les acteurs culturels dans le contexte délicat de la répartition des tâches et des problèmes qui se sont ensuivis, reconnaître que les acteurs culturels font un excellent travail; c'est, au fond, une manière de rétablir la conscience... la confiance, pardon. Dire oui, c'est donc dire oui à un projet de culture. Au fond, quoi de mieux que d'accompagner ce Théâtre de Carouge comme nous l'avons fait pour la Nouvelle Comédie ? Le groupe socialiste vous demande résolument de voter ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. François Lefort (Ve). On parle d'une subvention de 10 millions pour aider Carouge à reconstruire son théâtre. Cette subvention, le rapporteur de majorité l'a rappelé, c'est moins de 20% du coût total, des 54 millions prévus pour reconstruire ce théâtre. La Ville de Carouge y met aussi de l'argent: plus de 22 millions. Elle a trouvé des mécènes pour le reliquat, pratiquement tout: environ 13,6 millions pour la fondation du théâtre, financés par des mécènes privés. L'Association des communes genevoises met 7 millions. Il est clair que les 10 millions que nous allons voter ce soir aideront la fondation du théâtre à trouver des mécènes pour le reliquat. En plus, à côté de ce théâtre, la Ville de Carouge rénove la salle des fêtes pour plus de 10 millions. Ce sont là les chiffres. Notre participation de 10 millions va rendre cette reconstruction tout à fait réalisable.

Ce projet est impératif pour la survie de ce théâtre, comme Mme Valiquer Grecuccio l'a dit. Pourquoi ? Tout simplement parce que le bâtiment actuel, avec une scène en fosse, est obsolète, vétuste; certaines installations importantes et nécessaires, comme le monte-charge, sont en panne depuis plus de vingt ans, et en plus, irréparables - c'est d'ailleurs pour cela qu'elles sont toujours en panne. C'est là le genre de bâtiment qui plaît au MCG et à l'UDC ! C'est ce que nous a dit M. Pistis: le bâtiment actuel est très bien, et il ne faut surtout pas le rénover, évidemment, selon ces deux partis. Malgré cette vétusté, qui s'est accrue, le Théâtre de Carouge est parvenu à un rayonnement régional et international; c'est bien la responsabilité de ce Grand Conseil de venir en soutien à la mairie de Carouge qui s'implique pour ce rayonnement, qui d'ailleurs profite au canton mais aussi à sa population: les spectateurs viennent en effet en majorité du canton plutôt que de Carouge.

Enfin, 10 millions, il faut le dire, ce n'est rien en regard d'autres investissements que nous propose ou va nous proposer le Conseil d'Etat. Quelques exemples: on frôle les 100 millions pour les trois casernes que nous allons payer à la Confédération et qu'elle aurait dû payer; voilà, Monsieur Florey, des deniers qui sont très mal utilisés. Quant à la planification pénitentiaire, elle se monte à 500 millions, c'est ce qu'elle va nous coûter - et encore, comme dit Mme Schneider Hausser. Alors franchement, 10 millions pour le théâtre, en comparaison, ce n'est vraiment pas cher, et c'est bien sûr avec grand plaisir que nous voterons cette subvention. (Applaudissements.)

M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, si chaque objet dont l'urgence est acceptée se voit accuser d'être électoraliste, ça va être compliqué pour les dix mois à venir ! Il n'y a absolument rien d'électoraliste dans ce crédit accordé pour le Théâtre de Carouge, rien du tout, et il y a une véritable urgence, en effet, puisque ces bâtiments sont délabrés, comme on l'a longuement détaillé. Celles et ceux parmi vous qui ont pris part à la visite organisée il y a quelque temps par le directeur, Jean Liermier, ont pu le constater in situ. Il faut donc voter ce projet. 10 millions, c'est bien peu, a dit M. Lefort; c'est même, je dirais, vraiment un minimum; j'aimerais que ce soit davantage: le canton se targue de s'occuper de la culture, mais ce qu'il fait concrètement, ce n'est rien ! A la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport, on parle d'éducation, oui, de formation, d'enseignement; de culture, jamais, de sport, jamais ! Il est grand temps de s'en occuper un peu. Ces 10 millions, proportionnellement à la fréquentation du théâtre, sont insuffisants. Si l'on regarde les abonnés, 8% viennent de Carouge, 70% viennent du canton. Le canton pourrait, d'une certaine manière, participer à cette hauteur-là.

Quant aux prédictions, aux pronostics sur la votation à Carouge, j'espère que les habitants accepteront ce théâtre, qu'ils comprendront la nécessité des travaux. Je fais le parallèle avec la Maison de la danse à Lancy - ce sont des affaires communales et les communes sont souveraines. (Remarque.) Cette Maison de la danse avait été refusée en 2006. Que se passe-t-il, onze ans après ? L'Association pour la danse contemporaine n'a toujours pas de lieu ! On parle d'un pavillon de la danse à la place Sturm, etc. Ça prend énormément de temps quand des projets culturels sont refusés, souvent pas pour d'excellentes raisons. Et surtout, la culture et les acteurs culturels en pâtissent; ils en ont beaucoup trop pâti aussi avec les dernières votations en Ville de Genève. Il faut maintenant stopper cela, dire oui à ces 10 millions qui sont un minimum et faire en sorte, si possible, que les Carougeois votent en faveur de ce théâtre dans le même enthousiasme que ce soir.

M. François Baertschi (MCG). Que voilà des propos de bonimenteurs ! Je te donne un théâtre pour quelques millions, je te donne 10 millions par-ci, 1 million par-là, allez, c'est pas cher ! Au train où va la vie... Bon, il y a quand même un progrès par rapport à la période du référendum, quand nous avons cherché les signatures, quand les militants de Carouge sont allés les récolter presque de manière honteuse, tellement ils avaient peur que certains militants de certains partis - je devrais dire certains groupuscules partisans - les attaquent. On se serait vraiment cru dans un régime totalitaire ou autoritaire. C'est la honte de la démocratie genevoise, ce qui s'est passé, et je crois qu'il faut avoir le courage de le dire. (Commentaires.) Heureusement, les Carougeois ont pu faire passer leur droit démocratique malgré toutes ces pratiques véritablement honteuses. Venons-en au fait, venons-en à l'essentiel.

Des voix. Ah !

M. François Baertschi. Dépenser, c'est ce que beaucoup parmi nous veulent faire et font malheureusement. Si on se retrouve avec près de 12 milliards de dette, ce n'est pas un hasard, c'est la suite logique de ce qui a été fait. Nous voyons aujourd'hui ce qui se passe: 10 millions pour le Théâtre de Carouge, 45 millions pour la Comédie, sans compter toutes les autres dépenses... (Remarque.) ...dont je vous épargne la liste. Je suis très surpris quand certains partis... (Commentaires.) ...se plaignent des dépenses publiques et autres alors que ce sont eux qui poussent au crime ! (Remarque.) Que penser de ce genre de pratique !

Une voix. Les écoles, les écoles !

M. François Baertschi. A côté de ça, on entend parler de créativité comptable: je veux bien, ce n'est sans doute pas la meilleure chose. On a également un patrimoine, quand même issu de deux architectes carougeois importants, d'une certaine époque. Certains gabarits avaient été respectés qui ne le sont plus - c'était un principe très important autour du vieux Carouge: il était important de ne pas avoir de grandes tours, de grands blocs, or maintenant, on est en train de créer un grand bloc à proximité du vieux Carouge. Ça, ce n'est pas souhaitable. On critique ce qui a été fait: il est très facile de critiquer le travail d'architectes qui ne sont plus là ou ne sont plus à même de venir défendre leur oeuvre. (Commentaires.) Quelque part, il y a également une lâcheté culturelle et politique. Je le proclame aujourd'hui, nous ne devons pas entrer dans cette facilité, cette stupidité de vouloir tout détruire sans comprendre ce qui a été fait. C'est pour cela que je vous invite résolument à voter non.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je salue à la tribune des membres de la Fondation RAFAD, ONG qui travaille sur la microfinance et le Fonds international de garantie. Ils sont présents pour montrer à leurs partenaires le fonctionnement de notre démocratie. (Applaudissements.)

La parole est à M. Béné pour deux minutes cinquante.

M. Jacques Béné (PLR). Merci, Monsieur le président. Pour le groupe PLR, la situation est très claire: soit ce théâtre est démoli et reconstruit, soit il n'y aura plus de théâtre de création à Carouge. Il faut relever qu'en 1972, à la différence de ce qui s'est fait dans le cadre du dernier concours mis en place, les utilisateurs n'ont pas été consultés. C'est bien pour cela qu'aujourd'hui, ce théâtre est complètement obsolète, qu'il ne peut plus remplir la fonction pour laquelle il a été créé. Une rénovation coûterait de toute façon au bas mot une trentaine de millions de francs.

Mesdames et Messieurs, la situation du Théâtre de Carouge est particulière. Vous savez qu'au PLR, nous avons parfois de la peine avec certains subventionnements culturels; en l'occurrence, cela ne constitue absolument aucun problème pour le PLR de subventionner cette construction à hauteur de 10 millions. Le Théâtre de Carouge, c'est un taux de fréquentation de 90%, ce dont peu, ou plutôt aucun théâtre à Genève ne peut se targuer. C'est également un projet ancré dans la LRT: il n'y aura plus de subventionnement pour cette institution. En outre, 42% des revenus proviennent des propres activités du théâtre, ce qui est aussi exceptionnel. Mesdames et Messieurs, j'aimerais insister sur le fait que le Théâtre de Carouge vient d'obtenir une récompense aux Molières par le biais de sa coproduction de la pièce «La grenouille avait raison». C'est notamment pour cela qu'on peut dire très clairement que c'est une institution culturelle cantonale et qu'il y a lieu de participer à la rénovation et à la reconstruction de ce théâtre. Pour le PLR, c'est une évidence: c'est oui à une institution phare du canton, c'est oui à l'esprit entrepreneurial de l'équipe dirigeante, qui est allée chercher 13 millions de fonds privés, c'est oui au théâtre de création tel qu'il existe aujourd'hui à Carouge, c'est donc oui au Théâtre de Carouge-Atelier de Genève pour les soixante prochaines années. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Très bien, bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Catelain pour une minute dix.

M. Gilbert Catelain (UDC), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Il n'est nullement question de contester la nécessité de refaire le Théâtre de Carouge, mais je me demande si certains parmi nous défendent les intérêts du canton ou ceux de leur commune de résidence... (Remarque.) ...alors que la commune de Carouge est dans une situation financière beaucoup plus favorable que celle du canton de Genève, et je vais vous l'expliquer. Je suis allé sur le site de la Ville de Carouge et j'ai regardé ses revenus: 2005, 57 millions; 2015, 101 millions. Augmentation: 44 millions en dix ans... (Remarque.) ...soit 77% d'augmentation de revenus. (Remarque.) Indice du coût de la vie: 3,9%. En résumé... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...sur dix ans, entre 2005 et 2015, la Ville de Carouge peut se payer un théâtre par année. Mais évidemment, la gestion d'une ville de gauche ne permet pas de thésauriser, n'est-ce pas, il faut dépenser ! (Remarque.) Et en effet, Carouge a dépensé 63% de plus qu'en 2005. Nous demandons à un parlement de droite de financer une ville de gauche ! Mais c'est complètement aberrant ! (Commentaires.) Complètement aberrant ! La Ville de Carouge a les moyens de sa politique culturelle !

Le président. C'est terminé, Monsieur, merci.

M. Gilbert Catelain. Elle peut se financer un théâtre ! Je vous remercie.

Le président. Merci. Madame Engelberts, c'est à vous pour deux minutes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. J'ai l'impression que je vais être très lyrique, après l'intervention de mon préopinant ! Je voudrais juste revenir à un principe fondamental, que chacun connaît, semble-t-il, mais dont on ne se souvient pas toujours, à savoir que l'éducation, la formation et la culture sont vraiment les meilleurs moyens pour lutter contre la violence, l'irrespect, et surtout pour rendre la majeure partie de la population un tout petit peu plus intelligente et surtout bienveillante. (Commentaires.)

J'aimerais rappeler l'historique du Théâtre de Carouge. J'étais en âge d'y aller lorsque François Simon a créé ce théâtre dans un très vieux bâtiment de la paroisse, où nous aidions les acteurs à poser les rideaux, où nous amenions à manger - nos mères, nos parents préparaient des tartes pour que les acteurs puissent se nourrir. Ce temps est bien passé. Ce théâtre a une image, un impact, une valeur que je trouve particulièrement incontestables ! La manière dont on aligne les millions ou l'absence de millions - et c'est normal dans un Grand Conseil... 10 millions me paraissent bien peu pour avoir une population apaisée, bienveillante, pour que tout Genève se déplace, et pas seulement Carouge. Ne serait-ce que pour ça, je regrette d'ailleurs de ne pas habiter Carouge ! Je me dis qu'on a le devoir, véritablement, de soutenir ce crédit. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Buchs pour une minute dix.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. J'aimerais dire deux choses. Premièrement, le nom de l'institution est Théâtre de Carouge-Atelier de Genève: c'était la fusion de deux théâtres pas seulement carougeois. Le Théâtre de Carouge est l'un des premiers théâtres qui a fait de la création pour l'entier du canton de Genève. Deuxièmement, je rappelle que ces 10 millions correspondent aux mêmes 10 millions que le canton avait donnés pour la construction du premier théâtre. Le canton a donc déjà subventionné le premier théâtre ! Il est normal que le canton participe à la reconstruction de ce théâtre de création, puisque la création qui s'y fait ne vise pas seulement Carouge mais tout le canton, et même la France voisine - ô honte, mon Dieu, j'ai parlé de la France voisine ! (Remarque.) Mon Dieu, il y a même des Français frontaliers qui vont incognito au Théâtre de Carouge... (Commentaires.) ...et qui viennent dépenser leur argent à Genève. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ouh là là, qu'est-ce que j'ai peur, qu'est-ce que j'ai honte ! Il faut mentionner aussi ce que ça rapporte à la commune: les restaurants qui sont ouverts le soir et sont remplis, les magasins, un plus au niveau du commerce. C'est un beau projet, un projet enthousiasmant, d'avenir, ce n'est donc ni de gauche ni de droite; mais les rabat-joie sont toujours au même endroit. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Salika Wenger pour une minute vingt.

Mme Salika Wenger (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Chers collègues, hier soir, lorsqu'il s'est agi de discuter d'une certaine somme pour la modernisation des armes de la police... (Remarque.) ...certains se sont levés au garde-à-vous et ont voté cette augmentation avec des trémolos dans la voix, j'ai envie de dire. (Commentaires.) Les mêmes, aujourd'hui, quand on leur parle de culture, sortent leurs propres armes ! C'est-à-dire qu'ils coupent dans le budget. (Commentaires.) Je vais paraphraser une citation bien connue: c'est vrai que la culture coûte très cher. Essayez donc un monde sans culture ! (Commentaires. Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Rappaz pour une minute quinze.

M. Henry Rappaz (MCG). C'est gentil, merci, Monsieur le président. Je ne pensais pas prendre la parole, mais en entendant le discours de tous les députés, je suis quand même un tout petit peu attristé. Je pratique souvent les théâtres, je vais voir tous les spectacles possibles à Genève, et je vois rarement tous ces députés-là, je n'en ai pas vu beaucoup... (Remarque.) ...sauf peut-être certains de gauche. Je trouve que ces 10 millions auraient dû être prévus pour de nouveaux spectacles. On parle du taux d'occupation de 90%: ça ne veut rien dire du tout, ça ! Sur quelle durée ? Ça ne veut strictement rien dire. Les spectacles ont une durée de programmation très courte, ils ont donc des taux d'occupation assez élevés. Je rappelle aussi que le théâtre de Meyrin... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...qui vit avec le même budget, est entièrement autonome et fonctionne très bien. (Commentaires.) Je voulais simplement vous dire que j'aimerais bien vous voir de temps en temps au spectacle aussi. Merci, Monsieur le président. (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est au rapporteur de minorité pour trente secondes.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à M. Buchs qu'il traite de rabat-joie environ 1503 personnes qui ont signé le référendum. Je voudrais également préciser un élément important: on vous dit qu'il y a 90% de remplissage au Théâtre de Carouge. Mais c'est normal, la majorité des billets sont offerts... (Protestations. Rires.) ...on les reçoit par la poste. Alors bien sûr qu'il est plein, le Théâtre de Carouge ! Avec une subvention de plus de 2 millions par année que les Carougeois paient !

Le président. C'est terminé, Monsieur, je suis désolé.

M. Sandro Pistis. Je prends sur le temps du groupe !

Le président. Non, votre temps est épuisé. Monsieur Zweifel, aussi pour trente secondes.

M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Trente secondes, Monsieur le président ! Merci. Je vais essayer de synthétiser. Je dirai d'abord à M. Baertschi que j'ai adoré ses leçons sur la dette s'agissant de 10 millions, quand lui-même veut la creuser de 1 milliard pour la CPEG sans aucune restructuration, ça m'a fait très plaisir. J'ai été étonné qu'il ne dise pas que c'est la faute des frontaliers, mais enfin, ça change. Je rappellerai en outre que la rénovation coûterait 30 millions, comme mon collègue l'a mentionné, sans aucune économie dans le fonctionnement, contre 54,4 pour une totale reconstruction. Je conclurai, Monsieur le président - car je sens que vous allez appuyer sur le bouton - en disant à mon collègue Pistis selon qui on va démolir l'histoire de Carouge: Monsieur, cher collègue, l'histoire, ce n'est pas seulement le passé, c'est aussi l'avenir; construisons l'avenir culturel genevois et carougeois ensemble en votant oui à ce projet ! (Vives approbations. Applaudissements. Commentaires.)

Des voix. Bravo !

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez eu longuement l'occasion de vous exprimer les uns et les autres, l'essentiel des arguments a été présenté: je vais me contenter de rappeler deux ou trois choses. D'abord, j'insiste sur l'importance du Théâtre de Carouge dans le paysage culturel genevois. On l'a rappelé, il s'agit d'un théâtre d'accueil mais aussi - il faut le souligner - de création, depuis une soixantaine d'années, en parfaite complémentarité avec le reste de la scène théâtrale genevoise. C'est vrai, Monsieur Pistis, on pourrait se demander, quand on connaît mal le sujet... (Rires.) ...mais pourquoi reconstruire alors qu'on pourrait rénover ? C'est vrai, vu de l'extérieur; honnêtement, je me suis aussi posé la question. (Rires persistants. Commentaires.) Quand on ne connaît pas le sujet, on peut se dire, après tout, que c'est un peu absurde de tout raser, de tout refaire, etc. (Commentaires.) Mais vous le savez bien, Monsieur Pistis, ce théâtre ne correspond plus aux normes actuelles, les coûts de rénovation seraient beaucoup trop élevés par rapport à ce qu'on veut faire. Il y a des aspects tout à fait pratiques: vous avez rappelé le plan à l'italienne, j'aurais presque envie de dire qu'il nous rappelle les théâtres grecs antiques, mais vous savez très bien que ça pose d'énormes problèmes pour le matériel, par exemple: quand il faut monter des décors, les amener est extrêmement compliqué; on ne fait plus du théâtre aujourd'hui de cette manière-là. (Remarque.) Certes, on peut rêver de l'Antiquité, mais nous sommes au XXIe siècle, il faut peut-être voir les choses d'une autre manière.

On vous a rappelé aussi une chose essentielle: le théâtre, ce n'est pas seulement la salle que vous connaissez, dans laquelle nous allons voir les spectacles; c'est aussi la salle Gérard-Carrat, ce sont aussi des locaux loués pour les décors, pour la création des spectacles, pour les répétitions, des locaux qui, en surface, sont même plus importants que le théâtre actuel. Il ne faut pas oublier que le projet qui vous est proposé aujourd'hui est un projet global qui permettra d'éviter de se retrouver dans la situation qui menace, à savoir qu'on ne pourrait plus faire de répétitions, préparer des spectacles, etc.

Et puis, croyez-vous que les architectes et les bureaux qui ont participé au concours étaient des illuminés qui ont proposé n'importe quoi ? 31 bureaux sur 32 ont proposé une reconstruction et non pas une rénovation. Pourquoi ? Pour les raisons que j'ai évoquées, mais aussi parce qu'à un moment donné, les coûts de rénovation sont tels que ça n'en vaut pas la peine. Pour la commune, payer autant, voire plus que ce qu'elle va devoir payer avec ce projet-ci, pour une scène qui ne correspondra pas aux besoins actuels, pour ne pas pouvoir, au fond, pérenniser le théâtre, c'est totalement absurde.

Il a été relevé par certains que la commune, ou la fondation, plus exactement, n'aurait trouvé que - que - 13,6 millions de fonds privés: il faut que vous sachiez, Mesdames et Messieurs les députés, que c'est extrêmement difficile de lever des fonds privés pour l'art dramatique. En général, dans ce canton, les mécènes, les privés donnent beaucoup plus pour la musique: à Genève, il y a une tradition de musique, d'art lyrique, d'orchestre symphonique; on donne beaucoup plus facilement pour d'autres arts que pour l'art dramatique. C'est au contraire un exploit, je dirais, d'avoir réussi à trouver autant de fonds privés.

Je vous rappellerai également ceci: est-ce à la commune de Carouge seule d'assumer un investissement d'une telle ampleur... (Remarque.) ...sachant qu'en définitive, seuls 10% des spectateurs et spectatrices sont des Carougeois, comme il a été rappelé ? Il est donc normal que les communes participent. (Remarque.) Elles le font par le biais du Fonds intercommunal. Il est normal aussi que le canton participe. Aucune commune, je dis bien aucune, aussi riche, aussi grande soit-elle, même une ville, ne peut aujourd'hui assumer entièrement la construction d'une telle infrastructure.

Petite parenthèse, j'ai aussi relevé que le député Baud s'inquiétait qu'on ne parle jamais de culture à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport. Je le regrette infiniment, mais c'était votre choix, Mesdames et Messieurs les députés: beaucoup de projets culturels sont liés à des financements, à des subventions, ici à un investissement, et vous avez souhaité qu'il n'y ait plus de préavis donné par les commissions spécialisées de sorte que ces projets aillent directement, soit, pour les investissements, à la commission des travaux, soit, pour le fonctionnement, à la commission des finances. Par exemple, la semaine prochaine, je serai dans cette commission-ci à propos du Grand Théâtre. Nous parlons donc bien de culture dans ce parlement, mais peut-être pas dans la commission où vous siégez, Monsieur Baud.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat insiste sur l'importance de la culture dans ce canton. La culture n'est pas un vernis, la culture n'est pas un luxe qu'on peut s'offrir quand tout va bien; la culture est un moyen de cohésion sociale essentiel, d'autant plus essentiel, je dirais, dans un canton comme le nôtre, qui est multiculturel. Je vous invite à soutenir ce projet qui, comme l'a rappelé le rapporteur de majorité, est frappé au coin du bon sens, un projet pour l'avenir du canton et pour son rayonnement, un projet, en définitive, pour nos enfants. Je vous invite aussi à faire ce cadeau à la conseillère administrative... (Exclamation.) ...de Carouge ici présente, qui fête aujourd'hui son anniversaire. Joyeux anniversaire, Madame la conseillère administrative ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder au vote sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 12041 est adopté en premier débat par 64 oui contre 23 non et 2 abstentions.

La loi 12041 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 12041 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 62 oui contre 23 non et 3 abstentions. (Vifs applaudissements à l'annonce du résultat. Huée.)

Loi 12041