République et canton de Genève

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M 2271-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Boris Calame, Lisa Mazzone, Sophie Forster Carbonnier, François Lefort, Frédérique Perler, Sarah Klopmann, Yves de Matteis pour une gestion différenciée de la collecte des déchets urbains des entreprises
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 16 et 17 mars 2017.
Rapport de Mme Geneviève Arnold (PDC)

Débat

Le président. Nous passons à l'objet suivant de notre ordre du jour. Le rapport est de Mme Geneviève Arnold. Madame Arnold, je vous passe la parole.

Mme Geneviève Arnold (PDC), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. La proposition de motion 2271 demande une gestion différenciée de la collecte des déchets urbains des entreprises. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Ce texte a occupé la commission de l'environnement et de l'agriculture au cours de onze séances. Il s'agit d'un sujet sensible, puisque cette motion touche au recyclage des déchets, dans une période où le canton de Genève se bat contre la taxe au sac poubelle. Orientée sur l'évacuation des déchets urbains des entreprises, cette motion fait aussi ressortir quantité d'interrogations sur la nature des entreprises touchées, puisque, évidemment, certaines petites structures individuelles, souvent situées dans des immeubles d'habitations, ne produisent que peu de déchets et ne peuvent être comparées à des entreprises d'envergure industrielle. Elles sont à ce jour généralement assimilées aux ménages et profitent des déchetteries communales, sans restrictions et sans taxe supplémentaire, en payant leurs impôts communaux.

Revenant au contexte de la motion, il faut relever que, suite aux modifications décidées en 2015 par le Conseil d'Etat, les entreprises ne peuvent dorénavant plus profiter d'une tolérance de traitement de la part des communes lors de la levée de leurs déchets. L'entrée en vigueur étant fixée au 1er janvier 2017, cette mesure est active. Ainsi, sur le principe du pollueur-payeur, les entreprises doivent payer pour leurs levées personnelles de déchets, le cas échéant en passant contrat avec une entreprise spécialisée.

L'objectif du plan genevois de gestion des déchets est de recycler à hauteur de 70% les déchets urbains émis par les entreprises. Ce taux est ambitieux, il s'agit de se donner les moyens d'atteindre ce but. Le fait de faciliter l'accès aux espaces de récupération est incitateur; cela a toutefois un coût, assumé par les communes. (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Lefort, s'il vous plaît !

Mme Geneviève Arnold. Rappelons que les grandes entreprises ne sont pas concernées par ce sujet, étant déjà organisées et se devant d'évacuer leurs déchets par leurs propres moyens.

L'auteur de la motion souhaite ouvrir des pistes de réflexion, les entreprises devant pouvoir passer contrat avec leur commune de résidence ou obtenir une prestation d'une entreprise spécialisée. L'objectif des Verts, par le biais de cette motion, est d'éviter le cumul des levées des déchets sur la voie publique et, donc, l'encombrement et une pollution encore plus grande de la ville à cause de transports parallèles et non synchronisés. Ce que nous constatons à l'heure actuelle, c'est une multitude de pratiques. Certaines grandes communes taxent déjà les levées des entreprises; d'autres poursuivent sur le principe de la collecte gratuite; parfois, dans certaines communes, le volume de récolte est limité. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) On a donc affaire à quantité de fonctionnements et de pratiques dans les 45 communes genevoises. Le souci que nous avons constaté lors des différentes discussions et auditions est à la fois d'ordre économique, logistique et écologique.

Les différentes auditions - notamment celles de l'ACG, du conseiller d'Etat responsable, M. Barthassat, du GESDEC ou de l'Association des recycleurs - ont entretenu la réflexion des commissaires. Une première directive rédigée par le département à l'attention des communes a alimenté le débat. Elle démontre en premier lieu une volonté d'accompagner les collectivités dans leurs pratiques et d'éviter les différences entre communes, bien que celles-ci connaissent des problématiques d'implantations d'entreprises très diverses. L'élément principal était de ne pas décourager les entreprises qui triaient leurs déchets jusqu'alors, sans taxe particulière, en bénéficiant des déchetteries communales. Il y avait le risque qu'elles renoncent à cette saine habitude du moment où elles devraient de toute façon s'acquitter d'une taxe spécifique supplémentaire. Autre question relevée, le coût pour les micro-entreprises ne produisant pas plus de déchets qu'un ménage, voire moins: ce coût pourrait être accablant alors que ces micro-entreprises paient déjà des impôts communaux.

En conclusion, il ressort que le principe d'imputation aux pollueurs doit être appliqué en vertu de la décision du Conseil d'Etat. La majorité des commissaires a reconnu la pertinence de la directive départementale grandement amendée en commission. Effectivement, les différences de tailles des entreprises sont dorénavant reconnues avec la prise en compte des ETP et en signalant que seules les structures dès 2 ETP seraient taxées à hauteur de 100 F par an. Les petites structures se voient ainsi reconnues dans leur faible production de déchets urbains. La motion amendée mentionne dorénavant ladite directive concernant la suppression des tolérances communales mise en application dès le 1er janvier 2017. Cette directive permet de formaliser uniformément les pratiques communales, sans pour autant péjorer les pratiques environnementales acquises et les finances des micro-entreprises.

Dans ce contexte, la forte majorité de la commission - puisque cela a été voté par 10 oui contre 3 non et 2 abstentions - vous recommande d'approuver la motion 2271 qui a permis d'approfondir la réflexion portant sur la gestion différenciée des collectes de déchets.

M. Norbert Maendly (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC s'est penchée avec bienveillance sur cette motion, car elle est sensible à la problématique de l'augmentation des déchets urbains des entreprises comme elle l'est à celle de la population du canton dont la gestion semble plus problématique. L'UDC souscrit à la volonté de la majorité de la commission de l'environnement de mettre en oeuvre les mesures propres à permettre le recyclage de plus de 50% des déchets ménagers et d'éviter ainsi l'instauration d'une taxe au sac. L'Etat, pour sa part, a déjà mis en oeuvre un système de recyclage qui lui permet à terme d'atteindre une réorientation de 70% des déchets urbains émis par les entreprises. L'UDC soutient également une proposition émanant de la commission visant à mettre en oeuvre, en étroite collaboration avec les communes, tout système qui permette aux entreprises qui produisent peu de déchets et qui assument leurs responsabilités de pollueur-payeur d'accéder légalement aux déchetteries de quartiers et, le cas échéant, aux espaces de récupération cantonaux ESREC. L'UDC vous demande donc d'accueillir favorablement ce rapport.

Mme Isabelle Brunier (S). Il a fallu de nombreuses séances consacrées à ce sujet qui, on l'a découvert en l'étudiant, les méritait vraiment. On peut d'ailleurs remercier le premier motionnaire qui a fait oeuvre d'anticipation en déposant cette motion, il y a déjà un certain nombre de mois voire d'années. Ce n'est pas que l'Etat avait oublié de s'occuper de cet aspect-là, puisqu'une nouvelle directive devait effectivement entrer en vigueur en janvier 2017, mais l'examen approfondi de cette motion en commission a permis de compléter et de préciser l'action étatique, et je pense que c'est parfois le rôle de certaines motions - même si chemin faisant on s'aperçoit que certaines tâches sont déjà prises en compte. On s'aperçoit aussi parfois que certains aspects ont été oubliés. Effectivement, grâce au travail de la commission, grâce à la motion des Verts, eh bien, une première directive du GESDEC à l'intention des communes a pu être précisée et complétée. On peut s'en féliciter ! Il s'agit donc d'espérer désormais que les bases d'une gestion vertueuse - mot préféré de M. Martelain, directeur du GESDEC - pourront être mises en place et que cela portera ses fruits, dès cette année, nous espérons, puisque cette directive est déjà en vigueur.

Le président. Merci, Madame. La parole est à M. Riedweg pour une minute quarante-cinq.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. Ce sera largement suffisant. Le déchet urbain est soumis au monopole étatique, délégué lui-même entièrement aux communes qui ont à leur tour la possibilité de le déléguer à des sociétés privées; cela évite de multiples interventions. S'agissant de la levée des déchets des sociétés, les pratiques sont différentes entre les communes, certaines estimant qu'elle devrait être gratuite; dans d'autres, la collecte des déchets est limitée; dans d'autres encore, une taxe est appliquée.

Il n'est pas envisageable que toutes les entreprises puissent utiliser gratuitement les déchetteries communales; des tolérances strictes doivent être fixées et publiées. Seules les PME et PMI sont concernées par cette motion, les grandes entreprises de plus de 250 employés ayant déjà organisé le tri de leurs déchets et leur recyclage ainsi que la gestion de l'évacuation de leurs déchets, y compris les incinérables. Il est évident que les mesures qui seront prises par les PME et PMI pour assurer la collecte de leurs déchets urbains auront des conséquences financières puisqu'elles paieront une taxe annuelle pour ce service d'évacuation, charges qui seront immanquablement répercutées sur les prix facturés aux clients. Il s'agit aussi d'évaluer la quantité approximative de déchets produite par ces entreprises afin de savoir si elles sont autorisées à utiliser les déchetteries de quartier ou les espaces de récupération cantonaux, profitant ainsi de la mutualisation des levées. L'Union démocratique du centre votera cette motion telle qu'amendée. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Un peu de silence, s'il vous plaît ! Merci ! Monsieur Calame ?

M. Boris Calame (Ve). Merci, Monsieur le président. C'est une motion qui a quand même deux ans. Elle est liée à cette inquiétude face à la disparition de la gratuité de la levée des déchets dans les communes. Je tiens à saluer l'excellent travail de la commission et le rapport de la rapporteuse qui est très complet, en tout cas reflété dans ses propos d'aujourd'hui. J'aurais été curieux d'en entendre un petit peu plus sur les travaux de la commission, mais je pense que c'est une motion qui a permis d'avancer grâce aux propos des uns et des autres.

Il y a une prise de conscience certaine, qui a eu lieu notamment lors les travaux, de la part de l'Etat et des communes. J'ai eu un peu de peine à comprendre le positionnement de l'ACG, mais c'est peut-être une incompréhension. Les entreprises ont aussi été très impliquées, avec des positionnements assez divergents ou assez différents, tout simplement parce que l'économie et les caractéristiques des entreprises sont partiellement ou très différentes. On a entendu une grande diversité de positions, je l'ai dit. Un ou deux amendements de la commission vont tout à fait dans le bon sens puisqu'ils prévoient que l'Etat accompagne la contrainte faite aux communes. L'Etat doit accompagner ce travail pour que, principalement, les très petites entreprises puissent être intégrées dans un système de levée cohérent et commun.

Une directive du service concerné va dans le bon sens; elle a la forme d'une recommandation aux collectivités publiques, donc les communes. Je regrette toutefois que la directive mise à jour telle qu'annoncée dans le rapport de majorité ne soit pas disponible sur le site de l'Etat. Nous avons toujours une version d'octobre 2016, sauf erreur, qui n'est pas celle qui a été présentée à la commission et a été validée par celle-ci.

Pour finir, cette motion des Verts vise à simplifier les tâches des très petites entreprises, elle se veut au service des entreprises, et je tiens à remercier encore une fois la commission pour son travail qui a permis, je pense, une prise de conscience des acteurs concernés par ce sujet.

Mme Simone de Montmollin (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je crois que tout a été dit. La rapporteure de majorité a tout à fait bien exposé le sujet. Cette motion vise essentiellement les toutes petites entreprises, celles qui ne sont d'ailleurs pas forcément entendues ou définies en tant qu'entreprises. Les travaux de la commission ont eu le mérite de clarifier un certain nombre de choses, notamment ce qu'est une entreprise, puisque ce n'est pas une définition juridique. Ils ont permis de constater que cette thématique avait déjà été abordée dans le cadre du plan cantonal d'adoption des déchets et que le GESDEC avait aussi déjà entrepris un certain nombre de discussions avec les communes. Cela a permis une étude plus approfondie de la directive - directive que nous avons modifiée, mais qui ne semble pas encore être officielle ou disponible pour les communes aujourd'hui.

Le PLR est satisfait de l'évolution de ces travaux, mais il attend aussi que les mesures mises en place soient conformes à ce que la commission a fait, c'est-à-dire que le principe de pollueur-payeur ne se résume pas au principe seul de payeur, que les mesures restent pragmatiques, qu'elles soient faciles à mettre en oeuvre par les communes et non pas la cause de charges administratives supplémentaires, et qu'elles ne dissuadent pas les toutes petites structures de continuer à trier leurs déchets. Je crois que c'est ce que nous avons réussi à obtenir avec les travaux de cette commission. Cela figure normalement dans cette directive, maintenant, et nous ne pouvons qu'appeler de nos voeux que celle-ci soit réellement mise à jour et rendue disponible pour l'ensemble des communes genevoises. Dans ces conditions, le PLR pourra soutenir cette motion dont nous remercions l'auteur.

Une voix. Bravo ! (Commentaires.)

M. François Baertschi (MCG). Le MCG s'opposera à cette motion. Pourquoi? Non pas que nous soyons contre le recyclage et contre les bonnes solutions pour les déchets, mais cette motion est négative. Pourquoi ? Parce qu'elle développe les contraintes et les taxes ! On va dans cette direction, on va là dans une direction qui n'aide pas les entreprises, mais les contraint de plus en plus, les insère dans un carcan, ce qui passe inévitablement par des taxes à un moment ou à un autre. C'est donc ce que devront payer les entreprises et c'est ce que devront également payer les consommateurs - parce qu'on oublie ce lien de causalité ! Quand on demande de l'argent aux entreprises, en général, c'est le consommateur qui casque, ce n'est pas plus compliqué que ça ! Alors voilà, ça ne va pas du tout dans notre philosophie, mais bon, nous ne sommes pas surpris de voir aller dans cette direction M. Apothéloz, président des communes genevoises et conseiller administratif socialiste qui est pour une municipalisation - je n'ose pas dire une étatisation rampante. Il va dans une voie qui n'est pas la nôtre, il va dans une voie que nous contestons. Il faut bien le reconnaître, il y a des malades de la taxe et, dans le domaine du déchet, ce n'est pas la bonne méthode. Comme l'avait dit un des auditionnés, il faudrait beaucoup plus - beaucoup plus - penser à la régulation du marché, avec des incitations, mais des incitations intelligentes et non pas une bureaucratie sans fin avec des formulaires qui n'en finissent pas. Non, ce n'est pas la méthode ! L'Etat a des tâches régaliennes, des tâches fondamentales qu'il doit bien assumer, c'est sa priorité. Qu'il le fasse et qu'il le fasse bien ! On ne doit pas lui demander de s'occuper de tout et de rien. Ainsi en va-t-il des communes: il ne faut pas qu'elles s'occupent de tout et de rien ! Là, au lieu de concentrer l'effort des communes sur ce qui est important, on se disperse et on va créer des usines à gaz: c'est pour cela que le groupe MCG vous demande de voter non.

Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Sormanni pour trente-neuf secondes.

M. Daniel Sormanni (MCG). Oui, merci, Monsieur le président. Mon collègue ayant dit l'essentiel - nous voterons non - je rappelle très rapidement qu'il y a cette tolérance communale pour les toutes petites entreprises, les petits artisans, ces petites entreprises qui créent et maintiennent l'emploi ici à Genève. En supprimant cette tolérance, vous allez obliger toutes ces entreprises - le fleuriste du coin, le boucher du coin, le tabac du coin - à mandater une entreprise privée pour évacuer leurs déchets. Eh bien, ce seront des charges supplémentaires et ces entreprises supprimeront des emplois ! C'est une erreur et je vous invite donc à refuser cette motion.

Le président. Merci, Monsieur. Madame Arnold, vous avez encore vingt-sept secondes si vous voulez prendre la parole. (Commentaires.)

Mme Geneviève Arnold (PDC), rapporteuse. Volontiers, Monsieur le président. Pour faire suite à la dernière intervention, vous pourrez transmettre, je rappelle que nous avons fait intervenir dans la directive la fameuse mention de ne pas taxer les petites entreprises jusqu'à 2 ETP, justement ! Cela permet aux toutes petites structures de ne pas être taxées et je rappelle que le montant de la taxe prévue est de 100 F par année - à partir de 2 ETP, donc !

Le président. Merci, Madame !

Mme Geneviève Arnold. Et je vous encourage évidemment à accepter cette motion !

M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, si on veut éviter les taxes, comme disaient certains députés MCG, eh bien, il faut tout simplement bien trier ! Et pour bien trier il faut que tout le monde soit bien concerné. Ce sont des discussions qu'on a par rapport à la motion qui nous intéresse, des discussions qu'on a avec tous les acteurs concernés par le tri des déchets, que ce soit avec les communes ou même avec la Ville. Pour être bref, je dirai que la motion telle qu'amendée va tout à fait dans le sens de la politique menée par mon département en matière de gestion des déchets. Par contre, les solutions proposées nécessitent bien entendu des études qui devront être un petit peu plus approfondies... (Exclamation.) ...justement par rapport aux propositions qui sont formulées, mais nous accueillons avec bienveillance cette motion. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote.

Mise aux voix, la motion 2271 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 67 oui contre 15 non et 4 abstentions.

Motion 2271