République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11953-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire des communes du Grand-Saconnex et de Bellevue (création d'une zone de développement 3 affectée à de l'équipement public et au logement pour le séjour temporaire de requérants d'asile, d'une zone de développement industriel et artisanal, de quatre zones des bois et forêts et de deux zones aéroportuaires au lieu-dit "Bois-Brûlé")
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 26 et 27 janvier 2017.
Rapport de majorité de Mme Bénédicte Montant (PLR)
Rapport de minorité de Mme Caroline Marti (S)

Premier débat

Le président. L'ordre du jour appelle le traitement du PL 11953-A, qui est classé en catégorie II, trente minutes. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Madame le rapporteur de majorité, vous avez la parole.

Mme Bénédicte Montant (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi propose une modification de zone en zone industrielle et artisanale, en zone de développement 3, très précisément affectée à de l'équipement public et au logement pour le séjour temporaire de requérants d'asile, et minoritairement en fragments de zone aéroportuaire et de bois et forêts. Sur le site sont présents aujourd'hui le foyer des Tilleuls, des installations industrielles et quelques terrains en friche. Les bâtiments sont vétustes, tout particulièrement le foyer des Tilleuls, pour lequel il est urgent de trouver une solution. Nous avons déjà longuement parlé du site la semaine passée lors du traitement du crédit d'étude pour le bâtiment de la police internationale. Il a également déjà été relevé que le site a été choisi pour sa proximité avec l'aéroport et les organisations internationales, ainsi que pour sa bonne accessibilité.

La partie sise en zone de développement prévoit deux constructions: un bâtiment destiné à la police internationale et au SARA - le service asile et rapatriement de l'aéroport - de ressort cantonal, et un bâtiment dévolu au centre de départ fédéral, qui permettra de répondre à la nouvelle loi sur l'asile dans laquelle il est prévu, comme vous le savez, trois centres de départ et un centre de procédure par région.

La zone industrielle densifiée permettra l'installation d'entreprises, conformément à la volonté des communes, soit le Grand-Saconnex et Bellevue, qui ont préavisé favorablement la modification de zone. Il n'y a pas eu non plus d'opposition lors de l'enquête publique, et tous les acteurs concernés ont donné un préavis favorable - le SABRA ainsi que les deux communes. Ce projet est donc conforme au plan directeur cantonal et au droit fédéral, notamment du point de vue de l'affectation et des normes de bruit. En raison des normes OPB, seuls les activités et les séjours temporaires sont autorisés sur le site. La notion de «séjour temporaire» a volontairement été précisée quant à la destination prévue, qui est le séjour temporaire de requérants d'asile, cela afin de ne pas ouvrir la porte à d'autres activités, comme l'hôtellerie, par exemple.

Le SABRA, qui vérifie que les valeurs limites d'immissions sont respectées ou peuvent l'être, moyennant certaines mesures, a délivré un préavis favorable à cette affectation sous conditions: des normes renforcées - SIA 180 - une ventilation centralisée et la prise de mesures sur la bande de quinze mètres qui longe l'autoroute. Il a également été précisé par ce service que des solutions concrètes pourraient facilement être mises en oeuvre pour respecter ces conditions. Enfin, la durée moyenne des séjours est de six semaines, même si certains d'entre eux peuvent s'étendre jusqu'à 140 jours au maximum.

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.

Mme Bénédicte Montant. Nous avons déjà voté le crédit d'étude portant sur le bâtiment de la police internationale, qui fera l'objet d'un concours, et cette modification de zone permettra de relocaliser ladite police internationale dans des conditions dignes et pérennes, d'accueillir l'un des trois centres de retour exigés par la nouvelle loi sur l'asile et de conserver des activités industrielles sur les deux communes concernées, en en augmentant la capacité. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, la majorité vous recommande de voter ce projet de loi. Merci.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la minorité voit d'un très bon oeil l'implantation d'une zone de développement industriel et artisanal sur ce site, dans la mesure où cela répond à un réel besoin, notamment pour loger les entreprises de la commune. L'installation des locaux de la police internationale ne pose pas fondamentalement problème non plus. En revanche, nous nous opposons fermement à l'implantation du centre de départ fédéral, qui vise à loger des requérants d'asile sur ce site, étant donné qu'il se situe à quelques mètres seulement de la piste de l'aéroport. En effet, l'ordonnance sur la protection contre le bruit établit des valeurs limites et des valeurs d'alarme qui ne doivent pas être dépassées dans les différents quartiers, et notamment les quartiers habités. Or le SABRA, Mme Montant l'a rappelé, a décrété que ces bâtiments ne devaient pas être considérés comme du logement mais assimilés à un hôtel, dans la mesure où ils étaient utilisés pour du séjour temporaire. Le problème, c'est qu'absolument rien n'est dit, dans cette ordonnance sur la protection contre le bruit, quant à la durée de ces séjours de courte durée, précisément. Ils sont donc soumis à interprétation, et celle qu'en fait le SABRA est à notre sens contestable, étant donné notamment que ces requérants d'asile pourraient y vivre jusqu'à 140 jours; c'est un séjour de courte durée qui commence à durer...

De plus, si l'on assimile ces bâtiments à un hôtel, les possibilités de valeurs limites en termes de bruit peuvent être augmentées de cinq décibels. Mais même si l'on construisait sur ce site des bâtiments standards, je dirais, les niveaux sonores à l'intérieur des bâtiments seraient de toute façon largement dépassés. A ce sujet, voici la réponse que nous a donnée le département - je cite l'un de ses représentants: «Les locaux devront respecter une certaine isolation phonique et devront avoir des systèmes de ventilation perfectionnés afin de ne pas ouvrir les fenêtres.» On va donc mettre des requérants d'asile pendant 140 jours - 140 jours ! - dans un bocal hermétique, à respirer de l'air artificiel... Voilà ce que nous propose le Conseil d'Etat. Pour nous, il s'agit de conditions de vie qui sont indignes, raison pour laquelle nous n'accepterons pas ce déclassement.

De plus, malgré toutes ces mesures, le niveau sonore dit d'alerte reste encore dépassé entre 22 et 23 heures. Qu'à cela ne tienne, le Conseil d'Etat, comme pour La Brenaz...

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée, mais vous pouvez prendre sur le temps de votre groupe.

Mme Caroline Marti. Merci ! ...invoque l'intérêt public et use du régime dérogatoire. Mais il y a encore un point à préciser, c'est que les valeurs d'alerte évoquées dans le cas présent se basent sur des mesures des niveaux sonores qui datent de 2009. Or, de l'aveu même du directeur du SABRA, les niveaux phoniques autour de l'aéroport ont largement augmenté depuis cette date et, au vu du développement potentiel de l'aéroport, ces niveaux sonores risquent encore de croître ces prochaines années.

De ce fait, et pour résumer, le Conseil d'Etat ici présent nous demande de permettre la construction d'un lieu d'hébergement pour requérants d'asile sur un site où, malgré les aménagements d'isolations phoniques, les valeurs d'alarme restent dépassées, tout en sachant que les nuisances sonores sont sous-évaluées et qu'elles vont augmenter ces prochaines années. A notre sens, cette proposition n'est ni appropriée ni acceptable, elle est même profondément indigne et inhumaine, raison pour laquelle la minorité de la commission d'aménagement vous recommande de refuser ce projet de loi. Je vous remercie.

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, jeudi dernier nous vous avons proposé de retirer la mention de la zone de détention incluse dans le PL 11942, qui ouvrait un crédit d'étude en vue de la construction d'un bâtiment administratif pour la police internationale, de la plate-forme de coopération douanière franco-suisse ainsi que d'un centre de détention. Or vous avez refusé cet amendement, ce qui a eu pour effet que nous n'avons pas appuyé ce projet de loi, que nous avions soutenu initialement. Et ce soir, ce vote de jeudi dernier a la même conséquence: il rend caduc notre soutien initial à ce projet de modification de zone. Nous ne nions pas les besoins de la police internationale et de la plate-forme de coopération douanière, ni ceux d'une zone artisanale et mixte pour la commune du Grand-Saconnex, mais nous rejoignons ici les arguments de la rapporteure de minorité et estimons qu'il n'y a pas lieu d'installer un centre de détention et de rapatriement à cet endroit-là. En conclusion, nous ne soutenons plus ce projet de modification de zone, dont l'objectif est bien sûr de déclasser des terrains pour ce bâtiment administratif de police et de douane, et nous nous rallions aux arguments de Mme Marti, rapporteure de minorité. Pour toutes ces raisons, nous refuserons donc évidemment ce projet de loi. Merci.

M. André Pfeffer (UDC). Ce projet de loi est conforme au plan directeur cantonal. Le bâtiment prévu pour la police internationale est absolument nécessaire et remplacera des constructions provisoires. Le centre de départ fédéral est une obligation, une exigence liée à la nouvelle loi sur l'asile. Enfin, la commune désire densifier la zone industrielle, afin de donner la possibilité à de nouvelles entreprises de s'y installer. Le groupe UDC avait déjà accepté la semaine dernière le crédit d'étude pour ce périmètre et soutiendra bien entendu ce projet de loi. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Geneviève Arnold.

Mme Geneviève Arnold (PDC). Merci, Monsieur le député. (Remarque.) Euh, Monsieur le président, pardon ! J'insiste !

Le président. Pas encore, Madame la députée ! (Exclamations.) Bientôt !

Mme Geneviève Arnold. Je suis désolée de vous avoir froissé ! Ce projet de loi s'intéresse à un périmètre situé près de la piste de l'aéroport et de l'autoroute, occupé partiellement par des bâtiments provisoires destinés déjà à l'accueil de requérants d'asile. Ce projet, initié à l'origine par la commune du Grand-Saconnex en 2011, a été rejoint par la commune de Bellevue, qui a vu son intérêt dans une zone de développement industriel et artisanal. Ce projet de loi a donc des objectifs multiples. Les conclusions apportées par la rapporteure de majorité, relevant notamment la possibilité de relocaliser la police internationale dans des conditions adéquates et d'accueillir, comme le demande la loi sur l'asile, un centre de retour - il s'agit donc d'un accueil temporaire - encouragent les démocrates-chrétiens à voter ce projet de loi, convaincus par cette modification de limites de zones conforme au plan directeur.

Une voix. Bravo !

M. Christophe Aumeunier (PLR). Au fond, il existe un seul grief dans ce dossier pour les minoritaires: il s'agirait de ne pas pouvoir établir un centre pour requérants d'asile parce qu'il y aurait trop de bruit. Mais c'est faire fi aussi du fait que notre territoire est limité, que vous ne voulez pas consommer des surfaces d'assolement et que vous voulez construire exclusivement du logement pour les Genevois. Il faut être un tout petit peu cohérent ! Il n'y a pas de problème de légistique ou de légalité dans ce dossier, puisque le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants indique et considère que ce projet est conforme à l'ordonnance sur la protection contre le bruit. Vous, les socialistes, vous nous dites souvent qu'il faut faire confiance aux services, aux personnes qui servent l'Etat, car elles sont en définitive les plus à même de répondre à cette question. Eh bien ce service répond à cette question en disant qu'il y a des mesures d'allégement. Quelles sont-elles ? Ce sont des mesures constructives; on protège contre le bruit par des mesures constructives, et puis c'est considérer que finalement les personnes ne vont pas habiter là pour de nombreuses années, mais pour six semaines au maximum. Il s'agit donc d'une occupation temporaire, et elles peuvent en définitive supporter ces niveaux de bruit. Vous nous dites par ailleurs que les niveaux sonores vont augmenter à l'avenir. Pas vraiment, non, parce que les avions font moins de bruit. On ne sait donc pas trop comment les niveaux sonores évolueront, mais ils n'augmenteront peut-être pas.

En conclusion, la pesée des intérêts qui préside à l'opportunité d'accepter ce déclassement penche très clairement en faveur de la nécessité de créer ce centre pour requérants d'asile, et c'est la raison pour laquelle je vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'adopter ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Christian Dandrès pour deux minutes.

M. Christian Dandrès (S). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la position du groupe socialiste se fonde sur une tradition qui est celle de notre canton. En effet, notre canton a été pionnier en matière de protection du droit des détenus: je pense notamment à la commission des visiteurs, une institution particulièrement admirable, qu'il faudrait à mon avis pouvoir étendre à l'intégralité des cantons de notre pays. Je crois que cette approche, à savoir l'approche républicaine - j'irai jusqu'à dire parfois même radicale, en tout cas dans la version historique de ce parti - il faut effectivement la préserver, et une manière de le faire serait de garantir des conditions de détention, parce qu'on a quand même une dimension de contraintes pour les personnes qui y vivent, on n'est pas dans de l'habitat conventionnel. Et certes, si des mesures constructives peuvent effectivement être mises en oeuvre pour éviter, autant que faire se peut, ces nuisances, il n'empêche qu'elles sont présentes et qu'elles ajoutent des contraintes supplémentaires pour les personnes qui vont y vivre. De plus, le bruit des avions va peut-être diminuer à l'avenir, mais il y a quand même une augmentation des vols très importante dans le secteur - pas mal de riverains s'en plaignent, d'ailleurs. C'est la raison pour laquelle je pense que là - et j'en appelle aussi à une forme de pratique, qui est celle d'une majorité que l'on a dans ce Grand Conseil, consistant à procéder à une amputation salutaire, comme vous avez voulu le faire aux Corbillettes - il faut que nous réalisions cette amputation, que nous déclassions la partie qui concerne la zone industrielle et que nous laissions effectivement de côté le secteur relatif aux détentions. C'est la raison pour laquelle ce rapport doit être évidemment soutenu.

Mme Claire Martenot (EAG), députée suppléante. Je voudrais dire que le groupe Ensemble à Gauche s'opposera lui aussi fermement à ce projet. On a l'impression qu'on se cache derrière les lois pour ne pas parler des conditions qui sont réservées aux réfugiés. On prépare pourtant un bâtiment sous la piste de décollage des avions, dans des conditions extrêmement difficiles. Pour notre part, nous nous prononcerons donc pour un centre d'accueil dans des conditions nettement plus favorables.

M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que tout a été dit sur ce projet de loi. Il est conforme au plan directeur cantonal 2030, et il répond aux besoins de développement de la commune et de création d'hébergements pour requérants d'asile. A défaut de pouvoir réquisitionner un hôtel cinq étoiles au sud des pistes pour les y mettre - pour les y placer, plutôt - construisons-leur un logement adapté à leurs besoins et qui entre dans l'assiette financière des capacités cantonales. Le Mouvement Citoyens Genevois soutiendra donc ce projet de loi. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la rapporteure de minorité pour quarante secondes. (Exclamations.)

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Il ne m'en faudra pas plus, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais simplement répondre à M. Aumeunier - vous lui transmettrez, Monsieur le président - qui nous a dit qu'il n'y avait pas de problème de légalité. Effectivement, c'est vrai, mais dans le cas présent on tord le bras à toutes les normes d'aménagement, à toutes les normes de protection contre le bruit et, cumulées, ces petites entorses multiples, ces dérogations et ces interprétations diverses aboutissent à une situation qui n'est pas acceptable pour les personnes qui logeront dans ces bâtiments. C'est pour ces raisons que la minorité vous recommande de refuser ce projet de loi.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, nous allons passer au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 11953 est adopté en premier débat par 56 oui contre 29 non.

La loi 11953 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11953 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 54 oui contre 30 non.

Loi 11953