République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 1986-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition contre l'expulsion de David S. du 28, chemin Dr-Adolphe-Pasteur, 1209 Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 15 et 16 décembre 2016.
Rapport de majorité de M. Alexis Barbey (PLR)
Rapport de première minorité de Mme Sarah Klopmann (Ve)
Rapport de deuxième minorité de M. Olivier Baud (EAG)

Débat

La présidente. Mesdames et Messieurs, nous passons aux pétitions, en commençant par la P 1986-A. Je passe la parole au rapporteur de majorité.

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des pétitions a examiné cette pétition dont la presse s'est assez largement fait l'écho et qui a été occasionnée par l'installation de M. David S. avec sa roulotte dans une propriété qui ne lui appartenait pas. Il a ensuite fait l'objet d'une expulsion, sinon en bonne et due forme, en tout cas relativement rapide. Le débat de la commission a porté sur la prééminence du droit de propriété ou du droit au logement; je m'expliquerai plus loin sur ce que cela veut dire. M. David S. a effectué un certain travail sur la parcelle sur laquelle il avait installé sa roulotte: il a fait du nettoyage et, de par sa présence, il a aussi évité qu'un trafic de drogue qui était en train de s'installer ne perdure. A ce titre, il a été tout à fait apprécié par l'entourage immédiat de cette parcelle et les habitants de cette rue. M. David S. a essayé d'obtenir un contrat de bail, le propriétaire de la parcelle n'a pas accédé à cette demande. Une négociation entre le propriétaire et l'occupant temporaire et illégal a été demandée et menée par M. Pagani: cette négociation n'a absolument rien donné. Naturellement, il y a eu deux visions un peu divergentes à l'intérieur de la commission, entre ceux qui estiment que le droit au logement est prioritaire et ceux qui estiment que le droit de propriété a priorité. Il faut admettre que lorsque nous avons reçu cette personne, nous nous sommes aperçus que c'était un jeune étudiant, mais que son cas n'avait rien de gravissime et d'urgent. Son besoin de trouver un logement n'était donc pas plus urgent que celui de n'importe lequel des Genevois et des Genevoises qui cherchent à se loger.

La présidente. Il vous reste trente secondes, après quoi vous prendrez sur le temps du groupe.

M. Alexis Barbey. Merci. D'autre part, il s'agit d'un quartier qui fait l'objet de projets à relativement court terme, qui est en train de se densifier; la présence d'un nouveau locataire à long terme risquerait de retarder ces projets. Enfin, ce qui a aussi beaucoup marqué nos débats est le fait que la guerre des squats, depuis la fermeture de Rhino, est terminée, et que nous n'avons pas envie d'entrer dans des procédures qui risqueraient de la rouvrir. A ce titre, la majorité de la commission - et moi avec elle - vous propose de rejeter cette pétition. Je vous remercie.

Mme Sarah Klopmann (Ve), rapporteuse de première minorité. C'est marrant, parce que de mon point de vue, avec la fermeture de Rhino, c'est plutôt la paix des squats qui s'est arrêtée, et pas la guerre des squats ! Deux visions relativement différentes... On vient d'entendre toutes les circonvolutions du rapporteur de majorité, et je le comprends, finalement: c'est assez difficile de justifier le refus de cette pétition. En gros, c'est simplement l'histoire d'un étudiant qui a voulu se loger, comme d'ailleurs bien d'autres aimeraient pouvoir le faire; et puis, c'est l'histoire d'un quartier qui se plaint depuis des années d'une parcelle laissée à l'abandon et de toutes les nuisances que cela engendre pour les habitants. Un étudiant, un jour, vient avec sa roulotte, il s'installe sur cette parcelle, il la déblaie, il la nettoie, il travaille, il a de beaux projets pour le quartier, tout va bien, les habitants sont ravis, tout le monde est content, mais la société propriétaire, elle, a préféré démolir le toit de sa maison, laisser son terrain pourrir, laisser des dealers occuper sa parcelle pour faire du deal, tout ça au lieu de laisser quelqu'un utiliser ou même louer la parcelle - car les habitants aussi avaient déjà proposé de louer au moins le terrain pour y mettre en place des projets de quartier. Ce propriétaire, une société, souhaite donc absolument laisser pourrir la situation, c'est pour ça qu'il a mis trois mois pour constater que quelqu'un occupait la parcelle. Trois mois: c'est donc trop tard pour évacuer sans jugement; pourtant, un beau matin, après plus de trois mois, la police est venue cueillir l'étudiant. Evidemment, on nous explique que oui, oui, les choses ont quand même été faites correctement; qu'en fait, il y a juste eu un paquet de coïncidences tout à fait bien organisées, qui ont permis de libérer ce terrain dans une illégalité complète, puisque en fait on a évacué quelqu'un de son logement alors qu'il n'y avait pas de jugement permettant de le faire.

Pour d'obscures raisons, la majorité de la commission n'a pas voulu procéder aux auditions que nous faisons habituellement. Même l'audition du magistrat Maudet a été refusée. Je ne comprends pas: si les gens étaient si sûrs du fait qu'il avait le droit de demander à sa police d'évacuer l'étudiant, ils auraient été ravis qu'il puisse venir nous le dire; ça n'a pas été le cas. La société propriétaire paie maintenant un employé d'une entreprise de sécurité pour s'assurer que personne ne reviendra sur la parcelle. Je trouve assez étrange de préférer payer quelqu'un pour surveiller la parcelle plutôt que de pouvoir empocher un loyer en louant la parcelle. L'étudiant, d'ailleurs, proposait de conclure un contrat de prêt à usage. Il précisait qu'il s'en irait évidemment dès qu'un vrai projet qui pourrait se concrétiser serait mis en place pour la parcelle, mais cela n'arrivera pas avant plusieurs années: la parcelle et la maison resteront maintenant vides, malgré la crise du logement. Mais nous connaissons tous ici la morale des milieux immobiliers, qui préfèrent malheureusement laisser des maisons vides plutôt que de laisser les gens se loger sans se ruiner. La constitution garantit pourtant le droit au logement; malheureusement, à Genève, nous le savons déjà, certains droits sont plus facilement bafoués que d'autres. C'est dommage. Evidemment, nous souhaitons quant à nous le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Olivier Baud (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, oui, le logement est un droit garanti par l'article 38 de la constitution. On ne peut pas accepter qu'il soit bafoué. C'est un droit fondamental, et comme pour tous les droits fondamentaux, la garantie de la propriété privée peut être restreinte en particulier si le principe de proportionnalité est respecté. En l'occurrence, M. David S. a installé sa roulotte sur une propriété laissée dans un total abandon, ce qui a créé de l'insalubrité et de l'insécurité. De l'avis général de ses voisins, il a agi pour le quartier en bienfaiteur pour la sécurité et d'un point de vue sanitaire. Il n'y avait donc aucun reproche. Il s'agit juste d'un propriétaire qui a réagi pour des intérêts totalement privés et au mépris des droits de M. David S.

Il faut quand même considérer que pour l'amener à son audition au poste de police, ce sont trois fourgons de police qui sont venus, une quinzaine d'agents, etc. C'est tout simplement disproportionné ! Comme l'a expliqué la rapporteuse de première minorité, on attend des réponses à certaines questions, et c'est pour cela qu'il faut renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Il y a une certaine opacité sur la procédure et l'action de la police dans cette affaire. Quel intérêt y aurait-il à vouloir nous cacher cela ? Le rapporteur de majorité nous a fait une sorte de résumé. Il est bien gentil, mais on ne comprend pas pourquoi il omet de signaler les votes en commission, pourquoi il nous parle d'une forte majorité alors que c'étaient neuf voix contre six. Oui, Monsieur Barbey, il y a eu un vote pour le renvoi au Conseil d'Etat, et vous n'en faites pas mention ! Quant aux auditions... Parce que c'est facile de citer M. Rémy Pagani: en fait, on ne sait rien de la médiation qu'il aurait menée, puisque vous - enfin, la majorité de la commission a refusé de l'auditionner, ainsi que les autres auditions, notamment le magistrat, M. Pierre Maudet, pour qu'il nous explique l'action de la police. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, renvoyons cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, on en a parlé hier lors du débat sur la Cité universitaire, Genève souffre d'un manque cruel de logements pour étudiants et beaucoup d'entre elles et eux n'arrivent pas à trouver un logement sur ce marché-là, d'autant plus que certains sont dans une situation financière extrêmement précaire et que même sur le marché du logement pour étudiants, ils ont de la peine à payer le loyer qu'on leur demande. Face à cette situation, nous, politiques, nous avons beaucoup de peine à trouver une solution, à leur apporter une réponse. Cela amène certains de ces étudiants à devoir trouver d'autres solutions. La solution trouvée par M. David S. a été d'occuper une parcelle laissée vide - il y en a malheureusement beaucoup à Genève - et surtout à l'abandon par un propriétaire qu'on peut vraiment qualifier de négligent, puisqu'il avait laissé énormément d'immondices s'entasser sur sa parcelle, ce qui créait des nuisances considérables pour le voisinage. Dans cette situation, l'installation de David S. sur cette parcelle a été vue d'un très bon oeil par les voisins. Il s'agissait d'une situation gagnante pour tout le monde: cette personne avait trouvé une solution pour se loger, les voisins ont vu les nuisances à côté de chez eux s'éloigner; de plus, le propriétaire lui-même aurait dû y voir un avantage dans la mesure où il n'avait pas besoin d'assurer la sécurité de la parcelle.

Le cas que nous sommes en train de discuter aujourd'hui, c'est celui d'une situation alternative pour se loger, trouvée par un étudiant, mais c'est aussi - je pense qu'il est important de le souligner - une jolie histoire de voisinage: ça a permis de créer du lien social entre voisins, entre cette personne, David S., et les voisins, et de redynamiser la vie de ce quartier. Malheureusement, comme les deux rapporteurs de minorité l'ont rappelé, cette jolie histoire s'est arrêtée de façon très abrupte, assez violente même, le 15 août 2016, dans le cadre de l'instruction d'une plainte pénale. Vous savez que généralement, quand une plainte pénale est déposée, la police envoie une convocation écrite pour que la personne se rende dans un commissariat. Eh bien là, c'est à se demander si les policiers n'avaient plus de papier dans leur imprimante: ils ont envoyé carrément trois fourgons de policiers avec une dizaine ou une quinzaine de gendarmes, ce qui est parfaitement disproportionné. Et puis c'est surtout absolument inacceptable, car ça s'est fait dans un cadre totalement extrajudiciaire, dans la mesure où il n'y avait eu aucune décision, aucun jugement d'expulsion. Or, Mesdames et Messieurs les députés, nous nous trouvons dans un Etat de droit; M. David S. avait également des droits, notamment celui de possession. Dans cette affaire, la police n'a pas jugé bon de protéger ses droits. Le droit de propriété n'est pas ultime, il peut être restreint, et dans ce cas, la police a décidé de faire justice elle-même et non de se contenter de ce qu'on lui demande de faire, c'est-à-dire appliquer des décisions de justice prises par celle-ci. Cette situation est extrêmement grave et problématique à notre sens. C'est pourquoi le parti socialiste vous recommande de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat afin qu'il puisse s'expliquer sur ce cas. Je vous remercie.

M. Jean Romain (PLR). Chers collègues, j'ai lu les rapports. «Au nom de la sacro-sainte propriété», s'offusque Mme Klopmann. «Les propriétaires ont tous les droits», ironise M. Baud. Diable ! Dans cette affaire de roulotte, la gauche pro-squatteurs qui soutient cette pétition semble avoir fait sien le cri de révolte de Proudhon dans son pamphlet de 1840: «La propriété, c'est le vol !» (Quelques applaudissements.) Chez nous, la propriété est un droit, que les squatteurs avaient jadis contesté, avec un succès relatif d'ailleurs. Mais peu importe, «la propriété, c'est le vol». Pourtant, le célèbre anarchiste a considérablement nuancé son propos par la suite, notamment dans son ouvrage posthume «Théorie de la propriété»: on y trouve au contraire une défense de la propriété, je cite, «pivot et grand ressort de tout le système social», dont notre gauche ferait bien de s'inspirer. Tout d'abord, Proudhon reconnaît dans la propriété un «contrepoids» à l'Etat - eh oui, c'est un anarchiste - une manière pour les individus d'affirmer leur autonomie face à la machine centralisatrice. Mais pour cela, la propriété doit être «égale en autorité et en souveraineté à l'Etat», et donc garantie contre toute velléité gouvernementale d'en rogner les contours. Une société de propriétaires trouvera en elle-même les forces de résistance à l'arbitraire et créera de manière endogène les conditions de l'égalité. La propriété, seule alternative au collectivisme !

Un siècle plus tard, chers collègues, savez-vous que John Rawls poursuivra cette réflexion dans sa fameuse «Théorie de la justice», popularisant la notion d'une démocratie de propriétaires, où chacun se sent également impliqué et où la justice naît moins de règles anonymes que du libre jeu des intérêts bien compris ? La propriété devient ainsi la condition de la liberté et le début - le début seulement, mais le début quand même - de l'égalité. Jean Jaurès - Jean Jaurès ! - voyait en Proudhon «un grand libéral en même temps qu'un grand socialiste». (Commentaires. La présidente agite la cloche.) Notre gauche n'est ni l'une, ni l'autre. (Commentaires.)

Puisque la roulotte de M. David S. a été accueillie à un autre endroit, puisque la propriété est un droit garanti par la constitution, puisque cette pétition n'a plus d'objet à part le combat de principe qu'en fait la gauche, le PLR demande qu'on suive la large majorité de la commission qui, très sagement, a décidé de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. (Approbations. Quelques applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Pascal Spuhler (MCG). Je serai un peu plus bref. Effectivement, le droit à la propriété privée est quand même un droit qu'on doit respecter. On ne peut pas mythifier le squat, comme le font certains, notamment dans ce cas-là. Aujourd'hui, M. David S. n'est plus installé sur cette parcelle. Certes, peut-être que les procédures, peut-être que les propriétaires ont été maladroits, peut-être, peut-être, peut-être... Mais en l'occurrence, il n'est plus là. Et si on s'en tient stricto sensu à la pétition et à ses invites, celles-ci n'ont plus de nécessité. Je ne peux donc que vous recommander, évidemment, de déposer ce texte sur le bureau du Grand Conseil.

M. Stéphane Florey (UDC). L'UDC retiendra deux choses à propos de cette pétition: d'abord, même si on est dans un Etat de droit, on n'a pas le droit d'occuper un terrain qui ne nous appartient pas; c'est clairement une violation de la propriété. Le propriétaire en question est libre de disposer de son bien comme il l'entend. La deuxième chose, qui est plus surprenante, c'est que la pétition s'élève contre cette expulsion, mais sur les cinq villas qu'il y a sauf erreur dans ce chemin, un seul habitant de ces villas s'est proposé pour reloger la roulotte chez lui, et de manière provisoire: pour x raisons, cette personne aurait dit qu'elle ne pouvait pas l'accueillir indéfiniment, mais que, pour dépanner un moment, elle pouvait bien prendre l'étudiant chez elle. Ce qui veut dire, ou en tout cas ce qui nous fait dire à nous, que finalement, il n'est pas certain que cet étudiant ait été aussi bien accueilli qu'on essaie de nous le faire croire. Sinon, les habitants du quartier, à mon sens, se seraient dévoués pour l'accueillir de manière définitive. On voit donc bien que cette situation n'est pas la meilleure des situations, que ce qu'il a fait est inacceptable sur le fond. Je terminerai en disant que finalement, M. S. peut s'estimer heureux des conséquences: il est expulsé, mais il n'y aura pas de poursuite autre que l'expulsion... (Remarque.) ...sachant que d'autres propriétaires auraient peut-être été plus loin dans la démarche et auraient demandé ne serait-ce que des indemnisations pour un bien occupé illégalement. Le groupe UDC soutiendra le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts pour une minute trente.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Madame la présidente. Que de bonnes paroles nous avons entendues cette après-midi ! Pour nous, députés, la première chose est au minimum de respecter les principes du droit. Quand on a dit cela et qu'on a posé le cadre, on peut quand même se demander quelle est la réalité de la situation à laquelle nous faisons face. Ce qui vraiment me gêne dans l'ensemble des propos tenus, à part ceux des rapporteurs de minorité, c'est qu'au fond, faire preuve d'un peu d'originalité, saisir une opportunité, faire preuve d'un peu d'imagination pour un étudiant - il ne s'agit pas de mille personnes ! - qui fait une démarche originale, civique, intéressante, qu'on aurait pu soutenir à un moment donné, comme l'ont fait les habitants du quartier... Comme le disait M. Chevallaz, dans notre pays, il suffit qu'il y ait un échalas qui dépasse un peu les autres pour qu'on coupe tout !

La présidente. Il vous reste trente secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Finalement, je trouve qu'il est très dommage qu'on ne prenne les choses que de ce côté-là au lieu de voir de quelle manière on pourrait, à un moment donné... Il n'y a pas eu un minimum de collaboration et de compassion de ce propriétaire, qui bien sûr a tous les droits. Mais l'étudiant qui ne trouve pas de logement, avec les difficultés qui existent à Genève dans ce domaine, comme on l'a vu hier...

La présidente. C'est terminé, merci, Madame la députée.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...il a aussi le droit d'avoir un habitat ! Et donc, finalement, il y a deux poids et deux mesures. Pour une seule situation, je pense qu'on aurait pu être un peu plus large d'esprit. Je suis pour le renvoi au Conseil d'Etat. Je vous remercie, Madame la présidente. (Applaudissements.)

M. Guy Mettan (PDC). Comme vient de le dire ma collègue Marie-Thérèse Engelberts, dans un premier temps, on peut trouver - c'est aussi mon cas - l'initiative de ce David assez sympathique, un peu anarchiste, comme ça. Pourquoi ? Parce qu'il occupait un terrain laissé à l'abandon. (Commentaires.) Il y a aussi une responsabilité de la part du propriétaire, qui ne s'est pas occupé de son propre terrain. Il y avait donc quelque part une raison pour y faire quelque chose. D'autre part, c'est un signe de cette crise du logement à Genève que ni les uns ni les autres nous n'arrivons à résoudre. Il a trouvé une solution originale, en effet. Mais, mais, comme on l'a dit, ça pose quand même une question de principe importante ! De ce fait, il est difficile d'entrer en matière sur une occupation tout de même illégale de la propriété d'autrui. Au fond, ce qui est très bien dans cette affaire, et ce dont on peut se féliciter, c'est la générosité d'un voisin qui lui a offert provisoirement son terrain et son hospitalité pour l'accueillir, en toute générosité et en toute légalité. Ce problème a donc pu trouver une solution heureuse, ce qui nous donne, à nous autres députés, bonne conscience pour voter le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil afin de respecter la loi dont nous sommes les garants.

M. Olivier Baud (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, M. David S. a rendu service aux habitants du chemin Dr-Adolphe-Pasteur. La villa abandonnée au n° 28 dégradait le quartier, c'est véridique. Il est patent qu'il a réalisé bénévolement un travail de salubrité publique en déblayant le jardin des déchets entassés. Sa présence a surtout contribué à lutter contre l'insécurité ressentie par les habitants, notamment en contraignant les dealers à ne plus fréquenter ce lieu. Mais je note que pour la droite, un propriétaire qui laisse à l'abandon volontairement un terrain, qu'il offre, en fait, aux trafiquants de drogue, ça ne vous pose aucun problème du moment que c'est son droit le plus absolu. On en prend note ! Mais sérieusement, si nous demandons le renvoi au Conseil d'Etat, c'est qu'il n'y a pas eu de réponses à nos questions; nous voulons avoir ces réponses, cela mérite d'être traité, cela mérite une réponse du Conseil d'Etat, aussi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous enjoins de lui renvoyer cette pétition. N'ayez pas peur de sa réponse ! On pourra quand même la lire.

Mme Sarah Klopmann (Ve), rapporteuse de première minorité. J'aimerais remercier plusieurs intervenants. D'abord, évidemment, Mme Engelberts, pour sa largeur d'esprit et son vrai souci de trouver des solutions; j'ai beaucoup aimé son intervention. Ensuite, j'aimerais remercier MM. Florey et Mettan, qui vous ont donné un aperçu de la situation assez pathétique que nous avons vécue en commission et des propos risibles tenus par la majorité qui souhaitait refuser cette pétition. «Oui, c'est vrai, ce type est sympa.» Bon, génial, ce n'est pas ce qu'on vous demande de dire ! Ensuite: «Oui, bon, pourquoi les propriétaires du quartier ne lui donnent pas de l'argent pour l'aider à se loger, s'ils l'aiment tant ?» Mais peut-être parce que ce n'est pas ça la solution non plus ! Ensuite, la meilleure des déclarations: «Finalement, le quartier ne le soutient pas, puisqu'il n'y a qu'un propriétaire qui a voulu l'accueillir chez lui.» Oui, il n'y a qu'un propriétaire qui l'a accueilli; mais déjà, c'est le seul terrain où la roulotte entrait, parce qu'il faut quand même un terrain assez grand - qu'a d'ailleurs la société propriétaire qui l'abandonne. Et puis ce n'est pas parce que cette personne accueille un étudiant pour l'aider qu'elle est obligée de l'aider ! Il y a juste des gens qui ont remédié à une situation, qui ont essayé de l'aider, et il ne faut pas dire qu'il est anormal que cette personne n'ait pas envie qu'on empiète sur son jardin de manière perpétuelle, d'ailleurs l'étudiant ne le souhaite pas non plus. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Je ne comprends pas qu'on puisse regretter qu'un voisin ne prenne pas cet étudiant tout le temps mais qu'on puisse en même temps légitimer le fait que quelqu'un abandonne sa parcelle pour des raisons légales. Ici, la loi est toujours du côté des plus riches et des plus forts, on le sait, mais en même temps, avec la loi derrière lui, ce type a quand même permis à des dealers d'occuper un terrain en plein milieu d'un quartier tranquille, et ça, ce n'est pas très légal non plus, je vous le rappelle ! (Quelques applaudissements.)

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de majorité. Il y a trois choses à dire là-dessus. D'après la façon dont la minorité de la commission a présenté les choses, il s'agit de l'histoire d'un étudiant comme un autre qui a eu une idée intelligente et qui pouvait le faire.

La présidente. Il vous reste quinze secondes.

M. Alexis Barbey. Eh bien précisément, c'est ce qui a fait peur à la majorité de la commission, c'est la banalisation de ce genre de comportement qui nous a mis sur les pattes arrière. Deuxièmement, l'insécurité...

La présidente. C'est terminé.

M. Alexis Barbey. ...préexistait à l'histoire de cette roulotte, ça n'a donc rien à voir avec ça, on ne sait absolument pas si c'est l'attitude du propriétaire qui l'a induite.

La présidente. Merci, Monsieur le député.

M. Alexis Barbey. La troisième chose que je voulais dire, c'est que...

La présidente. C'est terminé !

M. Alexis Barbey. ...David S. a maintenant retrouvé un endroit où habiter...

La présidente. Merci beaucoup !

M. Alexis Barbey. ...et que par conséquent, la cause est close. Je vous remercie.

La présidente. La cause est close, comme vous dites ! (Commentaires.) Mesdames et Messieurs les députés, je vous fais voter sur les conclusions de la majorité de la commission, c'est-à-dire le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1986 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 51 oui contre 29 non et 1 abstention.