République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

PL 11391-A
Rapport de la commission législative chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'organisation des institutions de droit public (LOIDP) (A 2 24)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 13 et 14 octobre 2016.
Rapport de majorité de M. Murat Julian Alder (PLR)
Rapport de première minorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)
Rapport de deuxième minorité de M. Cyril Mizrahi (S)
Rapport de troisième minorité de M. Sandro Pistis (MCG)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous abordons le PL 11391-A, en catégorie I, soit un débat libre. Je passe immédiatement la parole à M. le rapporteur de majorité.

M. Murat Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, très chers collègues, j'aimerais préalablement adresser, au nom de l'ensemble des membres de la commission législative, nos plus sincères remerciements au secrétariat général du Grand Conseil, à la chancellerie, soit, pour elle, la direction des affaires juridiques, ainsi qu'au département présidentiel, pour leurs précieuses contributions aux travaux sur cet objet.

Celui-ci a mobilisé la commission au cours de quinze séances: oui, Mesdames et Messieurs, quinze séances ont été consacrées au traitement de ce projet de loi, qui pourtant n'a pas pour ambition d'introduire une grande révolution. J'aimerais rappeler ici que le peuple genevois a refusé en juin 2012 une précédente loi sur l'organisation des institutions de droit public, par près de 56% des voix, mais que le besoin d'un cadre légal pour ces institutions de droit public, autrement dit une sorte de constitution des institutions de droit public, demeure plein et entier à ce jour et se fait plus que jamais ressentir. Le Conseil d'Etat a donc déposé le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, et dont les principales modifications sont les suivantes.

Tout d'abord, il a été décidé de ne pas remettre en question la représentation des partis politiques dans les conseils d'administration, et ce faisant, de prendre acte de la volonté populaire qui s'est exprimée en juin 2012; le peuple genevois a manifesté sa volonté de conserver un contrôle démocratique dans ces conseils d'administration, de sorte que ce point-là n'est pas contesté. Le deuxième changement n'est autre que l'adaptation à la nouvelle constitution de la République et canton de Genève, dont nous fêtons aujourd'hui les quatre ans d'existence puisqu'elle a été adoptée le 14 octobre 2012. (Remarque.) Cela étant dit, le Conseil d'Etat a réaffirmé sa volonté de limiter un certain nombre de situations qu'il ne pourrait qualifier que d'abusives, à savoir le cumul de mandats dans les conseils d'administration et une absence de limitation du nombre de mandats dans le temps. A cela s'ajoute un aspect très important, qui a soulevé de vifs débats dans la commission: l'incompatibilité entre la fonction de député au Grand Conseil et celle de membre d'un conseil d'administration. Je vous disais tout à l'heure que ce projet de loi a requis un traitement en quinze séances; la raison en est relativement simple: nous n'étions pas tout à fait d'accord sur la manière d'interpréter la volonté populaire exprimée en juin 2012. La majorité estime que le principal point litigieux, à savoir la représentation politique dans les conseils d'administration, ayant été évacué, le reste du projet de loi d'origine aurait pu être conservé. Néanmoins, malheureusement, un certain nombre de groupes avait des revendications qui dépassaient largement le cadre de cette réforme législative. On se souvient notamment que certains groupes, enfin, certains partis, en 2012, avaient agité de manière mensongère le spectre de la privatisation pour faire passer le non, alors qu'il ne s'agit clairement pas d'un projet de loi qui a pour objectif de privatiser quoi que ce soit ou quelque entité que ce soit.

Il y a aussi eu des divergences sur la problématique du contrôle démocratique de ces conseils d'administration: ce contrôle démocratique, au sens de la majorité, n'implique pas qu'un membre du conseil d'administration d'une régie publique doive pouvoir siéger au Grand Conseil. Il nous est apparu nécessaire de clarifier ce point, puisqu'il y a tout de même quelque chose d'assez curieux à ce qu'un député puisse voter de telle manière ici en plénière ou en commission et ensuite, au sein d'un conseil d'administration, voter exactement le contraire. Il s'agit d'un problème patent de loyauté, pour reprendre les termes du Conseil d'Etat, et nous entendons clairement maintenir cette incompatibilité entre le mandat de député et celui de membre du conseil d'administration d'une grande régie. A cela s'ajoute peut-être un autre aspect, et je vous invite à y réfléchir: nous payons tous ici des impôts, souhaitons-nous que nos impôts servent à entretenir des députés qui cumulent des mandats dans des conseils d'administration et encore dans des organes municipaux, vivant ainsi aux frais de la société par ce cumul des mandats politiques ? Je ne crois pas du tout qu'il s'agisse de la volonté du législateur ou du constituant; bien au contraire, il convient de séparer strictement les fonctions de tout un chacun, parce que les responsabilités de chacun sont différentes selon que l'on siège comme député ou comme membre d'un conseil d'administration.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite à voter l'entrée en matière sur ce projet de loi, et je me réjouis d'en débattre avec vous. Je vous remercie de votre attention.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, par ce projet de loi, le Conseil d'Etat a souhaité engranger les points du projet de loi 10679 dont il considérait à tort qu'ils auraient fait consensus. Il a, par ailleurs, dans ce projet de loi sur la gouvernance des institutions de droit public, soigneusement évité la question de la représentation des partis siégeant au Grand Conseil. Ce faisant, il méprise la volonté populaire. En clair, il a essayé de marquer des points en évitant la question qui fâche. Or, il n'y a pas que l'absence de la représentation des partis siégeant au Grand Conseil qui fasse défaut dans ce projet de loi: car outre l'absence de prise en compte de la nécessité de garantir cette représentation, on note aussi la volonté de verrouiller le secret de fonction, la velléité d'interdire le cumul des mandats ou l'incompatibilité du mandat de député avec la qualité de membre d'un conseil. Ce sont là également des questions qui fâchent. C'est pourquoi le rapport de minorité que je vous présente propose plusieurs amendements pour tenter de remédier à cet état de fait.

Mais avant de présenter ces amendements, permettez-moi de rappeler que par deux fois - pas une fois, deux - en 2008 et en 2012, le corps électoral s'est prononcé contre le modèle de gouvernance de conseils d'administration restreints, dans lequel la représentation de tous les partis siégeant au Grand Conseil n'est pas prévue. Dès lors, à nouveau - alors que la population, le vote des électeurs exprimaient la volonté de maintenir le système en vigueur - en refusant ce modèle-ci, on a une fois encore évité, éludé cette question. Ainsi, en déposant le projet de loi 11391 sans prévoir cet élément central, le Conseil d'Etat a non seulement méprisé la volonté populaire, mais plus encore: en n'inscrivant pas dans la loi-cadre l'obligation de la représentation de chaque parti siégeant au Grand Conseil par un membre, il permet que le système qu'il voulait promouvoir perdure; et il permet aussi de modifier éventuellement la législation relative à différents organes autonomes.

Enfin, s'il faut une bonne fois pour toutes tordre le cou à cette espèce d'auto-satisfecit qui prétend qu'à quelques-uns on travaille mieux qu'à un peu plus, que les conseils d'administration sont bien plus efficaces, bien plus efficients ainsi qu'avec quatre ou cinq personnes de plus, eh bien, allons regarder de près comment fonctionnent ces institutions, voyons si les réorganisations qu'elles ont mises en place ces dernières années étaient pertinentes, si on n'a pas perdu énormément d'argent dans toutes ces réorganisations vouées à l'échec et dénoncées comme telles par le personnel que personne n'a voulu écouter. Posez la question à vos propres délégués dans ces organes et demandez-leur si véritablement ils ont l'impression d'avoir une maîtrise sur la conduite des orientations stratégiques, s'ils ont le sentiment d'être mieux entendus, de pouvoir exprimer un certain nombre de choses et d'être pris en compte. Cela n'est pas vrai, vous le savez très bien, et aujourd'hui, cette espèce d'acte de foi, c'est un peu comme la foi du charbonnier: «J'y crois parce que je le veux bien !» Eh bien, ça ne fait pas de vous des gens qui aujourd'hui peuvent véritablement convaincre.

Quant à l'argument de la politisation des conseils - puisque c'est cet argument-là qui a régulièrement été avancé - j'aimerais quand même relever une chose: n'y a-t-il pas aujourd'hui des politiques dans ces conseils d'administration ? (Remarque. Commentaires.) N'y a-t-il pas dans ces conseils d'administration des partis qui sont représentés à plusieurs reprises ? (Commentaires. Le président agite la cloche.) Est-ce que ce n'est pas faire de la politique ? Alors en fait, la politique, quand on la fait entre soi, ce n'en est pas; mais quand on prévoit une représentation de tous les partis élus démocratiquement, ça, c'est de la politisation, et ce serait néfaste à l'exercice de la mission des régies publiques ? Ça n'a aucun sens; ça a d'autant moins de sens qu'aujourd'hui, une grande partie des régies autonomes sont gouvernées par des conseils d'administration qui ont cette représentation d'un membre par parti; et là, pas de catastrophe, pas de naufrage. Eh bien, ce modèle-là a de l'avenir, il fonctionne, et c'est simplement une volonté technocratique qui conduit ceux qui veulent aujourd'hui bannir ce modèle de gouvernance des institutions. C'est pourquoi nous vous proposerons un certain nombre d'arguments et d'amendements visant à modifier cette situation. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs, chers collègues, cela a déjà été dit par la rapportrice de première minorité, il s'agit ici d'institutions publiques et non d'entreprises privées; ces institutions publiques doivent être gérées comme telles, doivent être contrôlées démocratiquement - Jocelyne Haller l'a dit de manière assez détaillée, je n'y reviendrai pas. Elles doivent rémunérer leurs directions et les présidents des conseils d'administration ainsi que leurs membres d'une manière conforme aux principes qui doivent prévaloir dans la gestion d'entités publiques, c'est-à-dire qu'il doit y avoir une équité au niveau des rémunérations mais aussi une prise en compte des rémunérations qui soit respectueuse des deniers publics. Cela avait fait l'objet, Mesdames et Messieurs, chers collègues, d'une proposition de résolution, la R 715, déposée en 2012 par notre collègue Roger Deneys au moment de l'augmentation des rémunérations des conseils d'administration décidée à l'époque par le Conseil d'Etat. Lorsque cette résolution a enfin été traitée, on nous a dit que la question serait discutée dans le cadre du PL 11391, dont il est question aujourd'hui. Eh bien, Mesdames et Messieurs, cette question a été traitée plus qu'imparfaitement: c'est vrai, le projet de loi 11391 prévoit davantage de transparence, mais pour nous, cette transparence est clairement insuffisante. Nous devons avoir des règles claires. Nous estimons qu'il n'est pas acceptable que des bonus, calculés selon des critères fantaisistes, soient servis aux directions, comme le rapport de la Cour des comptes l'a révélé. Nous estimons qu'il est déraisonnable de verser à des administrateurs qui prennent peu, voire pas du tout de risques, qui n'investissent pas leurs propres deniers... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...nous estimons qu'il n'est pas normal de prévoir des rémunérations largement supérieures à celles des conseillers d'Etat et qui parfois dépassent même les rémunérations des conseillers fédéraux. Nous estimons que ce n'est pas dans une logique de concurrence que nous devons attirer les décideurs dans ces régies, mais avec le sens du service public, et ce n'est pas ce qui motive les personnes qui travaillent avec des rémunérations qui augmentent.

Vous les trouverez dans mon rapport, j'en extrais ici une ou deux pour exemple: le président du conseil d'administration des HUG est rémunéré à hauteur, pro rata temporis, de l'équivalent temps plein de 400 000 F annuels. Encore plus problématique, le président du conseil d'administration de l'Hospice général, institution chargée, Mesdames et Messieurs, de l'aide sociale, est rémunéré en équivalent temps plein à hauteur de 342 857 F ! Est-ce que vous trouvez ça normal ? Le directeur général des HUG est rémunéré à hauteur de 339 716 F, et, «last but not least» - j'en finirai par cet exemple - le directeur de Genève Aéroport a reçu une rémunération de 455 808 F comprenant une part variable - on se demande d'ailleurs comment cette part variable est calculée; on peut s'imaginer que plus il y a de chiffre d'affaires, peut-être - et plus il y a de vols, plus il y a de bruit - plus le directeur général reçoit d'argent ! Est-ce que ce sont vraiment des critères pertinents dans la gestion d'un établissement public ? Nous pensons que tel n'est pas le cas et nous vous invitons vivement à suivre le rapport de minorité, qui vous propose un certain nombre d'amendements avec les autres présentés en complément aujourd'hui. Je vous remercie de votre attention, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de troisième minorité. Le MCG se rallie à certains propos tenus par la minorité. Pour le groupe MCG, certains éléments ne figurent pas dans ce projet de loi. Pour nous, il est également important de supprimer l'incompatibilité entre Grand Conseil et conseils d'administration: ces choix-là doivent être faits par les groupes politiques, c'est à eux de prendre la décision de qui ils présentent pour ces conseils d'administration. Un autre élément nous tient à coeur: pour nous, un conseil d'administration de droit public doit être composé de personnes titulaires du passeport suisse. C'est le cas lorsqu'on est député, il faut être suisse; c'est inscrit dans la loi. C'est le cas lorsqu'on est procureur, procureur général: c'est aussi inscrit dans la loi. Nous avons également voulu supprimer une incohérence, celle qui pénalisait une personne qui se voyait condamnée à plus de 180 jours-amende. Il faut savoir qu'initialement, le projet de loi contenait une disposition qui permettait d'éjecter un membre d'un conseil d'administration qui se voyait poursuivi pour une infraction entraînant une condamnation à 180 jours-amende. Vous me direz, c'est quoi, 180 jours-amende ? Eh bien, c'est tout simplement une infraction, un excès de vitesse, en raison de Via sicura par exemple. Alors vous êtes trois fois pénalisé: la première fois parce qu'on vous retire votre permis de conduire, puis parce que vous payez une amende, et enfin, du jour au lendemain, vous perdez le droit de siéger dans un conseil d'administration, tout ça à cause des dispositions de Via sicura. J'en parle, parce que le Conseil d'Etat nous propose un amendement pour remettre ce point dans le texte, ce qui est inacceptable.

Bien sûr, nous soutiendrons les amendements de la minorité - certains, peut-être pas tous. Dernier élément, important pour nous, qui nous tient à coeur, et sur lequel le PLR ne veut pas entrer en matière, ce qui en soi n'est pas acceptable: les ADB, les actes de défaut de biens. Peut-on accepter qu'on retrouve dans un conseil d'administration des personnes qui font l'objet d'actes de défaut de biens, des personnes qui ont des dettes de 10 000 F, de 20 000 F, de 30 000 F, de 100 000 F ? Ce n'est pas acceptable, et c'est pour ça que le MCG a déposé un amendement demandant une incompatibilité ou une non-éligibilité pour toute personne qui fait l'objet d'un acte de défaut de biens. Ça coule du bon sens: on ne peut pas accepter que des gens qui ont des dettes puissent siéger dans ces conseils d'administration et prennent des décisions consistant à financer certains montants. Je vous remercie.

M. Alberto Velasco (S). J'ai entendu le rapporteur de majorité souligner le fait que les députés s'enrichissent dans ces conseils d'administration. Personnellement, je peux dire - je n'ai rien à cacher - que je touche 6000 F par année là où je siège. Je ne m'enrichis pas. Par contre, votre remarque est intéressante: si on s'en prend aux conseillers nationaux qui siègent dans les assurances sociales, dans les assurances privées...

Une voix. Maladie.

M. Alberto Velasco. ...maladie, oui, ou dans les banques, à l'époque chez Swissair, etc., etc., où ils se font 150 000 F, alors eux, ils n'ont pas de liens d'intérêts, Mesdames et Messieurs les députés, eux, ils n'ont pas de liens d'intérêts ! Ils touchent des paquets assez considérables pour deux ou trois séances par année, mais ils n'ont pas de liens d'intérêts à Berne ! Quand ils votent, ils votent de manière très, très neutre ! Par contre, en effet, les députés du Grand Conseil genevois, quand ils entrent dans un conseil, ils ont de gros liens d'intérêts ! Par exemple, mon gros lien d'intérêts, c'est 6000 F par année, vous voyez. Pour 6000 F par année, je suis d'accord de vendre tous mes votes ! Je trouve quand même ça absolument incroyable, Monsieur. D'abord, je tiens à vous dire que les affaires des SIG et d'autres conseils, ce sont toujours les députés qui les sortent, et pourquoi ? Parce qu'ils sont assez indépendants ! On peut difficilement les toucher. Tandis que ceux que nomme le Conseil d'Etat, ils ont quand même une allégeance absolument incroyable ! Quand on les voit, c'est aligné, couvert ! Et puis, je comprends que pour le Conseil d'Etat, les députés qui siègent dans ces conseils d'administration, c'est gênant ! Je comprends qu'il veuille les éliminer. Mais nous qui sommes justement l'organe de contrôle, nous qui devons voir ça, eh bien on y tient ! Et j'aimerais dire, cher collègue - Monsieur le président, vous permettez - qu'en principe, le Grand Conseil est l'organe de contrôle de ces entités publiques autonomes ! Mais je peux vous dire qu'à la commission des finances, on n'en voit rien du tout. Normalement, la commission des finances devrait exercer un contrôle sur ces conseils d'administration. S'agissant par exemple de ce qui s'est passé au conseil d'administration de l'hôpital, eh bien on ne voit rien du tout, Monsieur ! Les seuls qui voient quelque chose, ce sont les personnes qui siègent dans ces conseils; ceux qui y siègent et qui rapportent ces faits. Voilà la raison fondamentale pour laquelle, Mesdames et Messieurs, nous devons conserver... pour ceux qui veulent, parce qu'évidemment, chaque parti est indépendant et peut envoyer qui il veut dans ces conseils: ça peut être un député ou pas; et d'ailleurs, tous les députés n'y siègent pas.

Enfin, c'est quand même incroyable que vous releviez cela, mais, voyez-vous, s'agissant d'enrichissement inapproprié, j'aurais peut-être vu des bonus, par exemple. Je n'ai jamais compris pourquoi, dans vos milieux... Et le Conseil d'Etat a accepté que dans ces entités publiques autonomes il y ait des bonus. Je comprends qu'il y ait des bonus dans le privé, je le comprends ! Dans le privé, les chiffres d'affaires peuvent monter et descendre, ça dépend des commandes, de l'engagement de certains employés. Je peux comprendre, il y a le fait d'être compétitif sur le marché, etc. Mais franchement, dans une entité publique autonome, le champ est défini, la prestation est définie, le salaire est adéquat, et en plus, on leur dit: «Si vous travaillez bien, on vous donne quelque chose. Mais si vous ne travaillez pas bien, on vous donne le salaire prévu.» C'est quand même extraordinaire ! Ça veut dire que si vous ne faites pas très bien votre travail, ça ne fait rien, votre salaire n'est pas touché. Mais par contre, si vous travaillez bien, on vous donne des bonus. Et quels bonus ! Parce que les bonus que touchent ceux d'en bas, Mesdames et Messieurs, n'ont rien à voir avec le bonus que touche la direction des entités publiques autonomes. Je trouve qu'il y a là une anomalie qu'il faut corriger; mais là-dessus, le projet de loi ne corrige rien du tout.

J'en reviens aux salaires: la Cour des comptes a révélé ces salaires assez importants. Il y avait eu le problème des SIG, et nous pensions qu'on s'était arrêté là. Mais non, ça continue: si vous regardez les salaires publiés par la Cour des comptes, ils continuent d'être très, très élevés. Je me suis adressé à un moment donné au conseiller d'Etat pour lui dire: «Monsieur le conseiller d'Etat, vous ne trouvez pas que ces salaires sont élevés ?» Il m'a répondu: «Non, au contraire, je pense que c'est nous qui devrions plutôt nous aligner sur les directeurs.» C'est extraordinaire, quand même ! (L'orateur rit.) Une fois que le Conseil d'Etat sera aligné sur les directeurs, les directeurs remonteront, et on aurait comme ça une inflation. Non, Mesdames et Messieurs, à l'époque, si je prends l'exemple de M. Ducor, qui était président-directeur des Services industriels, il avait le même revenu que le Conseil d'Etat. Voilà, c'était comme ça ! Je pense qu'aux TPG, c'était la même chose. Tout d'un coup, on a eu un vent de libéralisme puissant qui a fait que maintenant, ces directeurs touchent 400, 500, 350 000 F, et en plus - en plus ! - avec des bonus. Eh bien ce n'est pas normal, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas normal. Alors avant de vous en prendre aux élus, qui sont justement là pour veiller à ce que les lois soient respectées, à ce qu'il n'y ait pas de dérives au sein de ces conseils, vous devriez déjà commencer par remettre de l'ordre à ce niveau-là. Mesdames et Messieurs, je vous propose de ne pas voter les articles tels quels et d'accepter les amendements qui vous ont été proposés par les rapporteurs de minorité.

M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est la suite et la reprise d'une loi de 2011 refusée par une majorité du peuple en 2012. L'intention était, comme il a déjà été évoqué, de reprendre les éléments non contestés. Cet objectif n'est visiblement pas atteint, les très nombreux amendements et les multiples avis divergents montrent que la cible n'a pas été touchée. Pour l'UDC, l'approche, la manière de traiter ce texte a été et est mauvaise. Ce projet de loi concerne 25 instituts de droit public répartis en 4 catégories et dont la plupart possèdent en plus leur propre loi. De ce fait, il aurait mieux valu établir une loi concentrée uniquement sur les généralités concernant tous les instituts. Pour rappel, tous les instituts sont différents et possèdent des activités différentes. Il est évidemment inadapté de débattre de tous les articles et principes contenus dans une loi chapeautant plus d'une vingtaine d'autres lois qui, elles, sont adaptées à la spécificité de chaque institut et à ses normes. L'UDC a, dans la lignée des autres partis, trois exigences: premièrement, exigence de la nationalité suisse ou de la résidence avec droits civils pour les membres des conseils; deuxièmement, si cette première exigence n'est pas acceptée, nous voulons avoir la confirmation que figure la présence de représentants des partis dans tous les conseils; troisièmement, pas d'incompatibilité entre la fonction de député et celle de membre des conseils. Sans la présence d'au moins un de ces trois éléments, l'UDC refusera cette loi.

M. Edouard Cuendet (PLR). Tout d'abord, je crois qu'il est important de souligner le travail énorme que le Conseil d'Etat et les juristes de la couronne ont mené pour améliorer la gouvernance de toutes ces entités publiques qui sont soumises à des régimes très différents dans une joyeuse cacophonie. C'est le principal mérite de cette loi: remettre de l'ordre dans les écuries d'Augias où régnait une gouvernance d'un autre âge. J'ai été frappé - vous transmettrez, Monsieur le président - par les paroles de la rapporteure de première minorité qui s'insurge contre l'existence d'un secret de fonction, trouvant que c'est un défaut absolument rédhibitoire de ce projet de loi. On a vu lors des travaux de commission que certains veulent instaurer une véritable Landsgemeinde à la place de ces conseils d'administration avec un déni total des réalités économiques qui prévalent dans ces institutions. J'en veux pour preuve l'aéroport et les SIG, par exemple, qui sont des entreprises commerciales confrontées à des concurrents extrêmement forts au niveau international; qu'on veuille dénier ainsi tout droit de garder la confidentialité me paraît une absurdité d'un autre âge. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) De même, le cumul des mandats me paraît une source de conflits d'intérêts absolument majeure; des gens qui peuvent siéger partout, tout le temps, cela me paraît une très mauvaise politique: ils ne peuvent pas se concentrer sur les priorités d'une institution en particulier et on peut difficilement servir plusieurs maîtres à la fois.

Quant à la rémunération, on n'a eu de cesse au cours des travaux de commission de raboter celle des hauts cadres, enfin surtout des directeurs et des membres des conseils d'administration de ces entités publiques, sous toutes sortes de prétextes fallacieux, en niant toujours le fait qu'il y a une concurrence dans ces domaines, que ce soit à l'aéroport ou aux SIG, et même aux HUG d'ailleurs, qu'il y a des responsabilités considérables. Un des grands leitmotivs était de couper dans ces rémunérations. En revanche, pour les représentants de la fonction publique qui doivent siéger dans ces conseils, rien n'est trop beau ! Il faut des décharges, des jetons qu'on ne doit pas restituer à l'employeur, alors qu'on sait que la fonction publique a un salaire moyen de 116 000 F par année, ce qui n'est quand même pas négligeable. Il faudrait y ajouter les jetons et des décharges: pour eux, rien n'est trop beau ! On voit qu'il y a vraiment deux poids, deux mesures, ça me paraît très délicat. Enfin, on a cherché évidemment toutes sortes d'autres prétextes de nationalité, de... Je suis un peu perplexe aussi face à la volonté de certains de laisser à peu près toute personne condamnée siéger dans ces conseils sous prétexte qu'au fond ça ne devrait pas être un motif de récusation. Là aussi, je pense qu'il faut savoir raison garder et faire preuve d'une certaine fermeté dans la composition de ces conseils face à des gens qui ont été condamnés à un certain nombre de jours-amende.

On voit donc que dans l'ensemble, le projet est cohérent, veut justement mettre de l'ordre dans le désordre ambiant avec des principes de bonne gouvernance, de gouvernance moderne. Je vous invite à soutenir ces projets de lois et surtout à rejeter ces amendements d'un autre âge.

M. François Baertschi (MCG). Je me fais beaucoup de soucis pour le rapporteur de majorité, M. Murat Alder. (Exclamation.) Vous lui transmettrez, Monsieur le président - ou vous le lui rappellerez plus tard, puisqu'il a l'air de ne pas suivre le débat. Mais apparemment, les affaires de Murat Alder vont très mal, parce que s'il estime qu'on devient millionnaire par la politique, ce qu'il laissait entendre, ou en tout cas qu'on fait de très bonnes affaires en politique, c'est vraiment que ses affaires doivent aller très mal. Je prierai même peut-être le président de faire une quête pour lui afin de lui donner de l'argent... (Remarque.) ...tellement, dans son étude, ça doit aller mal. Un autre avocat, qu'on voit fréquemment dans cette enceinte, et qui a dû endosser l'apostolat d'entrer au Conseil d'Etat, se plaignait de gagner des sommes misérables par rapport à ce qu'il gagnait auparavant comme avocat; parce que c'est bien connu que comme avocat, on gagne très bien sa vie. C'est quand même un élément, je me fais du souci pour Murat... (Exclamation.) ...que j'ai connu à une époque où il avait un look, comment dire ? Plus jeune, plus hippie, même ! (Exclamations et rires. L'orateur rit.)

Une voix. Oh !

M. François Baertschi. Les cheveux lui tombaient relativement bas; bon, c'était une autre époque, maintenant il se retrouve au PLR: tout change, tout évolue ! (Exclamation.)

Ce qui me fait peur dans ce projet de loi, c'est qu'on a véritablement une prise de pouvoir du Conseil d'Etat; prise de pouvoir dans les conseils d'administration, avec un Conseil d'Etat qui décide de tout. C'est mauvais pour nos institutions: dans celles-ci, il faut un partage des pouvoirs, un équilibre des pouvoirs; il le faut également dans les institutions subventionnées. Ce qu'il y a de grave pour Genève, c'est qu'on se retrouve avec des prises de pouvoir par un seul clan: prise de pouvoir au niveau du procureur général, qui a un énorme pouvoir à Genève, et du judiciaire: prise de pouvoir du PLR, à ce niveau-là. (Commentaires.) Prise de pouvoir au Conseil d'Etat par l'alliance PDC-PLR... (Exclamation.) ...pas uniquement au niveau politique, mais aussi à celui des grands cadres de l'administration. Comme il y a eu autrefois un Etat UDF ou un Etat RPR, on se trouve avec un Etat PLR, ou PLR-PDC... (Commentaires.) ...avec le PDC qui vient un peu comme supplétif dans cette affaire. (Exclamation. Commentaires.) C'est quelque chose qui n'est pas acceptable: non pas que le PDC soit supplétif, mais qu'un seul clan tienne tout... (Remarque. Le président agite la cloche.) ...alors que le système suisse se caractérise par le partage du pouvoir. Ce partage du pouvoir, on s'en éloigne de plus en plus. Avec cette loi, on va s'en éloigner encore plus.

Mais, me répondrez-vous, efficacité ! Il faut être petit, on va choisir deux ou trois copains - et coquins - pour gérer des conseils d'administration. On a vu le résultat: la FIPOI, la géniale FIPOI qui a été tellement bien gérée, avec tous les scandales qu'on connaît. Qu'aurait-on dit si tous les partis politiques siégeaient dans cette institution ? Qu'aurait-on dit ? Je n'ose pas l'imaginer. On a été beaucoup plus muet sur ce sujet-là. La Genève des copains et des coquins, la Genève où on peut interdire l'entrée des conseils d'administration à quelqu'un qui par erreur - par erreur - a roulé trop vite sur une autoroute - ça peut arriver... (Remarque.) Personne n'a été mis en danger, aucune vie. (Remarque.) On veut exclure ces personnes, et dans le même temps, on va garder des affairistes, des magouilleurs qui peuvent tout à fait être l'objet d'actes de défaut de biens, avoir commis des vilenies. On va les nommer dans ce genre d'institution ? Non, je crois qu'il faut être sérieux, avoir quelque chose d'équilibré, d'autant plus que le peuple s'est déjà prononcé deux fois contre certaines incompatibilités. On se moque de la démocratie, on veut passer en force sur cette question qui a déjà été tranchée par le peuple. Je vous rappelle juste les bases de notre Etat politique: c'est quoi ? Notre légitimité, c'est la délégation du peuple. Ne l'oublions pas, beaucoup de gens ici l'oublient. Soyons le plus représentatifs possible, essayons d'avoir la meilleure gouvernance. La meilleure gouvernance, ce n'est pas les copains et les coquins. (Quelques applaudissements.)

M. Pierre Vanek (EAG). Mesdames et Messieurs, la rapporteuse de première minorité, outre ses infinies qualités, a eu la bonne idée de mettre à la page 228 l'argumentaire du comité référendaire concernant le deuxième vote sur cette question, suite à quoi la dernière loi sur l'organisation des institutions de droit public commise par le Conseil d'Etat a été refusée. Le Conseil d'Etat était tellement persuadé qu'il allait réussir à faire passer cette loi qu'il a même prolongé de deux ans une série de mandats: j'ai siégé aux Services industriels, la dernière fois, six ans plutôt que quatre, parce que de manière peu démocratique - enfin, ça avait passé par le Grand Conseil - le Conseil d'Etat avait prolongé les mandats pour permettre à cette loi de passer et de déployer ses effets. Mais cette loi a été refusée par le peuple, et l'argumentaire est excellent; il est très clair, j'ai même tenu une partie des plumes qui ont contribué à l'écrire. Il indique qu'il y avait un refus du peuple de «[mettre] en péril le contrôle démocratique et la transparence de la gestion d'institutions de droit public». M. Cuendet, tout à l'heure, en plus de critiquer les institutions démocratiques de la Suisse primitive en dénigrant les Landsgemeinden, disait qu'il faut une loi moderne de gestion. Il a repris tout l'argumentaire ancien du Conseil d'Etat à ce propos, qui se fondait - et c'est critiqué dans la brochure de votations - sur un rapport; c'était explicite dans l'exposé des motifs du Conseil d'Etat, en termes de gestion moderne, il se référait au groupe de travail sur les privatisations de l'OCDE... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...comprenant des représentants de la Banque mondiale, du FMI et toutes sortes de spécialistes en matière de politique ultralibérale et antisociale. C'est normal qu'Edouard Cuendet ait ces références, mais enfin, il faut quand même dire de quoi on parle quand on parle de gestion moderne. Par contre, le peuple genevois a dit non à une loi au motif d'un argumentaire qui voulait le maintien du contrôle démocratique, à travers la représentation de chaque parti siégeant au Grand Conseil par un membre. Il voulait éviter que les élus du peuple en question soient écartés de ces conseils d'administration, parce qu'il estimait normal que le Grand Conseil puisse avoir, à travers des députés envoyés dans ces conseils, des informations directes sur un certain nombre de situations. Le peuple voulait refuser - ce sont des «non» qui figurent dans l'argumentaire - le «pouvoir accru, excessif et disproportionné du Conseil d'Etat sur ces institutions» conduisant à «une gestion de ces institutions opaque» et technocratique. Il voulait aussi éviter que soit réduite la représentation des membres du personnel. Et de ce point de vue là, un conseil d'administration que je connais bien... (Remarque.) ...qui fonctionne très bien et dont le président défend la représentation et le fonctionnement, c'est celui des Services industriels de Genève, avec un membre par parti, avec une représentation forte du personnel - on l'a augmentée, quand nous étions majoritaires à gauche, de trois à quatre membres du personnel - avec une représentation des communes et de la Ville de Genève. C'est donc un conseil qui a une certaine étoffe, une certaine assise sociale, un enracinement démocratique dans les différentes institutions et collectivités de la république, et on s'en félicite ! On s'en félicite sur tous les bancs. Les budgets, les comptes et les propositions de ce conseil qui sont soumises à notre parlement sont plébiscités comme jamais par ce même parlement. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Or, on voudrait caviarder le fonctionnement assez exemplaire de ce type d'institution.

Je soutiens bien entendu les amendements de la rapporteuse de première minorité concernant le secret de fonction. On a dit qu'on le remettait en cause. (Remarque.) Pas du tout, pas du tout ! Il s'agit que la loi s'applique correctement, mais que précisément les membres de ces conseils puissent faire le travail d'information nécessaire. Quand je dis que la loi doit s'appliquer, je parle d'une loi moderne, Monsieur Cuendet, pas de vos conceptions désuètes et féodales ! (Remarque.) Je parle de la LIPAD que nous avons dans ce canton, qui dit que les institutions communiquent spontanément au public les informations qui sont de nature à l'intéresser, à moins qu'un intérêt prépondérant ne s'y oppose. La règle générale, c'est la transparence ! La règle générale, c'est l'information du public ! La règle générale, c'est que précisément on doit se servir des relais que sont les représentants - un par parti - dans ces conseils pour communiquer dans toute une série de domaines, apporter des informations utiles; mais s'il y a des raisons prépondérantes pour ne pas communiquer et pour imposer un secret, on le fait ! Mais pour le Conseil d'Etat, la logique qui préside à cette législation consiste à dire qu'en principe, tout ça est interdit et secret, à moins que la loi ne permette de communiquer. C'est l'inverse ! C'est à l'inverse d'une logique moderne initiée par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui a une certaine modernité ! Elle dit que la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui et que les droits naturels de chacun peuvent s'exercer et n'ont de bornes que déterminées par la loi s'il y a un problème et s'il y a un intérêt prépondérant à fixer des bornes à la liberté. C'est dans ce sens-là qu'on doit travailler si on veut construire des lois modernes. A part la déclaration des droits de l'homme de 1789, je me réfère à notre LIPAD: cet esprit-là devrait être incarné dans cette loi sur nos institutions, et il ne l'est manifestement pas, ce qui justifie les amendements de ma collègue Jocelyne Haller.

Maintenant, une petite question. Sandro Pistis et André Pfeffer ont déposé un amendement selon lequel il faut être de nationalité suisse ou résident exerçant le droit de vote au niveau communal. Je comprends bien qu'il y a un critère de résidence...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Pierre Vanek. Combien ?

Le président. Trente secondes.

M. Pierre Vanek. Je comprends bien qu'il puisse y avoir un critère de résidence, de connaissance de la société locale du point de vue de la gestion de ses institutions. Il n'est pas certain qu'un Suisse qui débarque de l'Amérique latine, parce qu'il a le passeport... J'aime bien le critère de résidence, il n'y a pas de problème majeur. A part ça, juste sur les...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Pierre Vanek. ...sur les mots «exerçant le droit de vote»: il faut «disposant du droit de vote».

Le président. C'est terminé !

M. Pierre Vanek. Oui, en effet !

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, le commissaire socialiste ici rapporteur de minorité le rappelait, le problème majeur de ce projet de loi, c'est qu'il n'intervient pas sur les rémunérations des membres des conseils d'administration et des directions générales. C'est un problème, puisque aujourd'hui, il y a des pratiques scandaleuses. On le sait, depuis un certain nombre d'années, la fonction publique est la proie d'un nombre incessant d'attaques provenant la plupart du temps des bancs de droite qui cherchent à faire des économies sur celle-ci. Dès lors, le groupe socialiste est surpris de voir que ces mêmes bancs ne cherchent pas, dans la même dynamique, à effectuer des économies sur des salaires particulièrement élevés. Vous lirez à la page 232 du rapport les montants quand même faramineux des salaires et des indemnités que perçoit en équivalent plein temps la présidence de certaines entités: pour rappel, celle des HUG, en équivalent plein temps, est à 400 000 F annuels, celle de l'aéroport à 240 000 F, celle de l'Hospice général à 342 000 F et les TPG à 200 000 F. Ce n'est pas cette somme-là qui est versée, puisque ce sont des équivalents plein temps. Mais les montants des revenus des directions sont également extrêmement élevés. M. Mizrahi l'a fait remarquer, ils sont en effet plus élevés que les revenus des conseillères et conseillers d'Etat, dont les responsabilités sont vraisemblablement encore plus grandes, pourrait-on penser, d'après la hiérarchie des responsabilités dans notre canton, que celles des directions générales de ces établissements.

Plus problématique encore: le manque de transparence. J'ai parlé en préambule des économies incessantes qui sont faites sur la fonction publique et du manque de transparence sur les bonus octroyés aux directions générales, comme vous l'avez certainement lu dans le rapport n° 82 de la Cour des comptes. On se rappelle - M. Barthassat est présent - les économies souhaitées sur les tarifs TPG, suite auxquelles on demande aux usagers de dépenser davantage; or, on s'aperçoit que la direction des TPG s'accorde pour sept personnes un bonus de 196 000 F pour l'année passée. Dès lors, il y a peut-être de petites économies à faire, et on a du mal à comprendre pourquoi d'un côté on va demander aux Genevois de payer davantage les billets TPG, alors que d'un autre côté, vous avez sept membres de la direction qui s'octroient un bonus, certes petit, mais enfin, je dirais qu'aujourd'hui, les économies sont à faire pour tout le monde. (Remarque.) Mesdames et Messieurs, et surtout les bancs d'en face, soyez cohérents avec vos propos: si vous souhaitez réellement faire des économies dans les charges de l'Etat, commencez ici, par les conseils d'administration et les directions générales. On ne peut pas laisser cette pratique perdurer, elle amène un manque de transparence et surtout un manque d'égalité de traitement envers le reste de la fonction publique à qui, on le sait, le Conseil d'Etat n'a pas accordé d'annuité en 2016 alors que cette direction générale s'accorde des bonus. Mesdames et Messieurs, il y aura des amendements tout à l'heure, et je vous inviterai à accepter les amendements socialistes pour poser un cadre égalitaire dans la fonction publique et ces établissements publics et avoir un peu plus d'ordre dans tout cela. (Applaudissements.)

M. Bernhard Riedweg (UDC). Pour avoir des directeurs généraux compétents, qui ont la responsabilité de plus de dix mille collaborateurs comme aux HUG, il faut faire appel à des candidats d'expérience, qui ont fait leurs preuves. Pour ce faire, il faut s'aligner sur l'économie privée. Les rémunérations des directions au sein des principaux établissements de droit public doivent tenir compte de la mission et de la nature de ces établissements ainsi que des responsabilités et des budgets respectifs. Une différence de rémunération peut donc se justifier d'une institution à l'autre. Les cadres reçoivent une compensation financière pour les risques légaux qu'ils encourent sans toutefois que ceux-ci soient vraiment pris, puisqu'on reste dans des institutions publiques. Les institutions de droit public sont confrontées de plus en plus à une complexification de leurs secteurs d'activités et à des budgets contraignants ainsi qu'à des tâches ardues. Mesdames et Messieurs, pour fixer les salaires des membres de la direction générale, il faut tenir compte de la concurrence sur le marché du travail. La moyenne des salaires des directeurs aux SIG est de 314 000 F, de 260 000 F à l'aéroport, de 304 000 F aux HUG, de 294 000 F aux TPG, ce qui est comparable aux mêmes postes dans le secteur privé, dans des sociétés de moyenne grandeur. Sachez que les jetons de présence moyens par administrateur se montent à 40 000 F aux SIG, 14 200 F à l'aéroport, 13 000 F aux HUG, 23 000 F à l'Hospice général, 22 000 F aux TPG. Ce sont des rémunérations qui ne sont pas exagérées, car il y a des temps de préparation importants, sans compter l'expérience de l'administrateur et ses compétences techniques. Merci, Monsieur le président.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Au-delà de tout le débat-fleuve qui a l'air de s'annoncer, le parti démocrate-chrétien reste, lui, très attaché au fait que le peuple voulait absolument une politisation des conseils d'administration... (Remarque.) ...ce dont il a bien entendu pris acte. Le parti démocrate-chrétien s'y est toujours opposé, préférant une professionnalisation et l'efficacité des conseils d'administration. Cela étant dit, étant donné que le peuple l'a décidé, comme l'a dit le rapporteur de majorité, il faut composer avec cet élément, ce qu'a fait le Conseil d'Etat dans son projet de loi. Maintenant, ce que nous souhaitons pour notre part, c'est que l'on n'aille pas au stade suivant, à savoir qu'on n'assiste pas à une professionnalisation de la députation; c'est pour cela - on y reviendra tout à l'heure à propos des amendements - que nous nous opposerons à ce que les députés aient une mission d'administrateurs de ces grandes sociétés. Politisation oui, mais sans compatibilité avec la fonction de député.

On parle beaucoup des rémunérations des conseils d'administration, des directions, des présidents des conseils d'administration: mon préopinant l'a rappelé, il faut faire une comparaison avec l'économie privée. Il est clair que si on veut des personnes compétentes aux postes définis par les charges et le type d'exploitation, il faut proposer des salaires attractifs et qui permettent d'effectuer ces charges et ces missions avec les compétences requises et l'efficacité demandée. Je vous remercie.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce que j'entends cet après-midi me fait presque tomber les chaussettes ! Qu'est-ce qui permet de dire que finalement, s'il y a des députés dans des conseils d'administration, ce ne sont pas des professionnels ? Tous ici, nous exerçons un métier, nous avons des compétences-métier. Le fait qu'en plus nous ayons une étiquette politique et siégions dans un parlement - qu'il soit municipal ou cantonal - fait obligatoirement de nous des gens incompétents, et il faudrait donc placer des professionnels dans ces conseils ? Regardons un peu ce qui s'est passé à Genève, en Suisse et dans le monde avec les entreprises qui ont eu des professionnels - on ne va pas les citer ici, parce que la liste serait trop longue de ces grands professionnels très compétents qui ont mis leur entreprise en difficulté et qui, en partant, bénéficiaient encore d'un parachute. C'est ça que vous voulez ? Vous voulez des rémunérations comme à la Poste, aux CFF, avec de très grandes compétences, à un million de francs par année ? Il ne faut pas s'arrêter en si bon chemin: puisqu'on est déjà à 400 000 F, allons à un million ou plus ! On est vraiment sur une autre planète ! Ici, dans cette salle, beaucoup ont des professions et sont parfaitement compétents dans leur domaine d'activité, et je ne vois pas pourquoi, parce qu'ils sont députés, ils deviendraient des incompétents. Arrêtez avec ce débat qu'on entend depuis une dizaine d'années et qui est totalement faux, totalement faux. Bien sûr, il faut aussi que les partis choisissent les bons candidats ! (Exclamation.) Mais ça, vous n'y échapperez pas: ce n'est pas parce que vous aurez enlevé l'étiquette de député que le parti x, y ou z mettra le bon candidat dans le bon conseil d'administration... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...ça ne changera rien du tout. Et je ne comprends pas qu'on alimente ce débat sur le problème de la compétence ou de l'incompétence.

Il faudrait aussi se rappeler quand même que le peuple s'est prononcé deux fois; nous sommes des députés, nous sommes ici par délégation du peuple, et la première chose que nous devons faire est de respecter la volonté de la population et des électeurs qui se sont prononcés deux fois. On se fiche de leur poire, on se moque de la démocratie, et après, on se plaint qu'ils ne vont pas voter ! Pourquoi est-ce qu'ils ne vont pas voter ? Leur réponse - et ils ont raison - est que les politiques font toujours ce qu'ils veulent. On entend ça depuis toujours, j'entends ça depuis que je suis en âge de voter - ça fait déjà un certain temps - et ce n'est pas tout faux ! On n'écoute pas le peuple, il n'y a qu'à voir comment, au niveau fédéral, on essaie de concrétiser un certain nombre d'initiatives. On le voit bien, on se moque du peuple, on essaie de tordre sa volonté, et après on se plaint que les gens ne vont pas voter. Il faut arrêter avec cette façon de voir les choses, il faut maintenant remettre les pieds sur terre. Oui, les députés sont compétents pour faire partie des conseils d'administration, il n'y a aucune raison de les en exclure et il faut revenir à des rémunérations raisonnables. Ce ne sont pas les membres des conseils d'administration qui ont des rémunérations déraisonnables, ce sont soit les présidents de ces conseils, soit certains directeurs généraux, et moi, je trouve que ce n'est finalement pas normal qu'ils gagnent plus que le Conseil d'Etat ! Il n'y a aucune raison ! On doit rester dans des rémunérations raisonnables. L'argument selon lequel il faut de hautes rémunérations parce qu'on veut des gens compétents, il est faux: il y a aussi une mission de service public. Alors soit on vient pour l'argent, soit on vient parce qu'on remplit une mission de service public, et c'est ça qu'on veut. C'est pour cette raison que je vous invite en tout cas à voter les amendements qui vont être présentés par les différents partis de la minorité, dont on espère que tout à l'heure ils formeront la majorité. (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai eu l'honneur et le plaisir de siéger au sein de ce Grand Conseil à l'occasion des deux débats précédents qui concernaient les conseils d'administration des régies publiques, et j'ai eu l'occasion de participer à la récolte de signatures sur les deux référendums déposés après les votes du Grand Conseil, qui ont abouti en votation populaire. Il faut rappeler qu'un refus par le peuple d'un projet de loi voté par ce Grand Conseil n'implique pas qu'on connaît l'intention du peuple; ça veut simplement dire que le peuple n'est pas satisfait par la proposition formulée. En l'occurrence, quatre problèmes se posent concernant les conseils d'administration des entités publiques, que ce soient les établissements publics autonomes ou des fondations de droit public: la question de la rémunération des membres du conseil d'administration, celle de la rémunération des directions des établissements en question, celle de la représentation politique et celle de la présence ou non des députés au sein de cette représentation politique. Ce sont là les quatre enjeux auxquels nous devons faire face aujourd'hui. On peut dire que ce projet de loi est nécessaire et utile, qu'il serait bien de trouver une solution satisfaisante pour tout le monde, parce qu'il est nécessaire, c'est vrai, d'avoir des règles communes pour tous les établissements, et si possible des règles suffisamment démocratiques pour qu'on s'y retrouve et qu'il n'y ait pas un référendum supplémentaire.

Il faut voir ces problèmes les uns après les autres. S'agissant de la rémunération, notre Grand Conseil a refusé lors de sa précédente session ma proposition de résolution 715 - Cyril Mizrahi, rapporteur de minorité, l'a évoqué - qui demandait à revenir en arrière sur des augmentations de rémunération pour les membres des conseils d'administration de ces établissements décidées par le Conseil d'Etat en 2012, en catimini, sans avertir le Grand Conseil et sans même diffuser les chiffres en dehors d'un cercle d'initiés, c'est-à-dire les membres de ces conseils. Mesdames et Messieurs les députés, contrairement à ce qu'a dit François Longchamp la dernière fois - pour moi c'était clairement un mensonge - ces chiffres n'ont pas été communiqués publiquement; c'est suite à des articles de presse et à mes questions écrites urgentes... (Protestations. Le président agite la cloche.) ...que ces chiffres ont été connus. Le Conseil d'Etat n'a jamais communiqué les augmentations de rémunération en question, il l'a fait parce qu'il y a été contraint et forcé. Ça, c'est la première chose: nous ne voulons plus d'augmentation de rémunération faite en catimini, sans l'accord de ce Grand Conseil. Parce que c'est là l'enjeu, mon collègue Romain de Sainte Marie l'a évoqué: quand on demande à la population genevoise de faire des efforts, de supprimer quelques prestations sociales pour des personnes qui gagnent entre 3000 F et 4000 F par mois, voire moins, ce n'est absolument pas normal qu'on augmente les rémunérations des membres des conseils d'administration ! C'est le principe d'équité, le peuple doit pouvoir connaître les chiffres de ces rémunérations.

La question des directions est un autre problème; il s'agit de savoir si on est sur un marché en concurrence ou pas. M. Cuendet a évoqué la concurrence pour l'Aéroport international de Genève: je doute que demain matin, un aéroport ouvre à Versoix ou à Plan-les-Ouates pour faire concurrence à l'aéroport qui se trouve à Cointrin. (Remarque.) A mon avis la concurrence n'existe pas sur certains de ces marchés - personne ne va non plus faire concurrence aux TPG demain matin ! (Remarque.) En l'occurrence, cette question ne se pose pas uniquement en termes de marchés, elle se pose en termes de prestations publiques de qualité. Ce n'est pas que la question du coût, c'est la question de la qualité et du rapport qualité-prix. La question de la rémunération de la direction est donc un autre problème.

Concernant la représentation politique, pour moi, c'est très clair: je pense qu'un représentant par parti représenté au Grand Conseil, c'est nécessaire. On voit bien ce qui s'est passé dans les conseils d'administration des législatures précédentes. C'est aussi une façon d'associer tous les partis politiques, qui ne peuvent pas se défausser sur les autres quand ça va mal. Il s'agit de dire: «Vous étiez aussi dans ces conseils, vous aviez aussi la possibilité d'intervenir, vous n'avez rien fait.» Nous devons être à la hauteur de nos responsabilités et participer à ces conseils. Ça pose la question du secret professionnel, c'est vrai, du secret de ces conseils, c'est vrai, mais il n'empêche que c'est un vrai enjeu que nous soyons associés à la gestion de ces établissements publics autonomes ou de ces fondations.

Enfin, le dernier enjeu est la compatibilité avec la fonction de député. Je ne vais pas la trancher ce soir, je vais simplement vous dire une chose. (Commentaires.) J'ai eu des échos de députés qui, semble-t-il, monnayaient leur vote quand ils étaient au sein de ces conseils et qui prétendaient pouvoir voter ceci ou cela... (Remarque.) ...au sein de notre Grand Conseil en fonction de leurs intérêts dans ces conseils. Pour moi, c'est là un problème. Il ne s'agit pas de dire que c'est totalement impossible, parce que les enjeux des lobbys x ou y existent pour d'autres problèmes... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...mais il n'empêche que cette question doit quand même être posée. Le minimum serait de mettre des cautèles, parce que ça, ce n'est pas admissible.

M. Mathias Buschbeck (Ve). Chères et chers collègues, il est temps de combler le vide juridique dans lequel flottent depuis trop longtemps nos institutions parapubliques, il est temps ce soir de voter une loi-cadre. Les Verts sont globalement satisfaits du texte issu des travaux de quinze séances de commission. Dans la plupart des situations, des solutions pleines de bon sens ont été trouvées. Tout d'abord, pour la question des cumulards, il est temps de mettre fin au cumul. Lors des élections, tous les partis disent qu'ils sont contre le cumul, mais lorsqu'il faut voter des lois comme celle dont il s'agit ce soir, on assiste à des atermoiements. Il est temps de mettre fin à la pratique de siéger en même temps dans des conseils et dans cette enceinte censée les contrôler... (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Mathias Buschbeck. ...et de cumuler de nombreux conseils d'administration. (Commentaires.) Sur les rémunérations, des solutions intelligentes ont aussi été trouvées... (Remarque.) ...en consacrant le principe de la transparence. En effet, si cette loi est votée... (Commentaires de M. François Baertschi.) ...l'ensemble des rémunérations de la direction et du conseil d'administration... (Commentaires persistants de M. François Baertschi.)

Le président. Monsieur Baertschi, vous n'avez pas la parole ! (Commentaires.)

M. Mathias Buschbeck. ...seront publiques et plafonnées, contrairement à ce qui a été dit, sauf exceptions qui devront être dûment motivées par le Conseil d'Etat. Le principe de la transparence est aussi consacré, puisque aujourd'hui, il n'y a par exemple aucune obligation de publier l'ensemble des liens d'intérêts que vous avez avant d'entrer dans un conseil d'administration. Je pense que ce type de disposition va dans le sens de la suppression des «copains coquins» que M. Baertschi dénonçait. On note aussi l'interdiction de s'attribuer un mandat en tant que membre du conseil et de mandater son entreprise pour des travaux à exécuter: une fois de plus, une transparence au niveau des incompatibilités. A nouveau, nous avons besoin de cette loi-cadre pour y arriver.

Enfin, sur la gouvernance et la représentation des partis, les Verts sont convaincus... Je pense que c'est une question de bon sens: pour nous qui siégeons dans beaucoup d'instances, que ce soit des commissions ou des associations, on le remarque: quand on est en nombre trop élevé, on n'arrive pas à prendre des décisions correctes. On voit très bien que quand un groupe dépasse neuf, dix, douze personnes et atteint quinze à vingt personnes, le sens des responsabilités n'est pas le même. Les Verts sont convaincus que les conseils réduits sont des conseils plus responsables, pour une deuxième raison également: on sait très bien que dans les conseils pléthoriques actuellement, comportant plus de treize ou quinze personnes, un comité est créé, un comité du conseil d'administration, et finalement, c'est ce petit comité, ce petit bureau qui prend l'ensemble des décisions; l'ensemble du conseil devient simplement une chambre d'enregistrement. Pour des conseils efficaces, nous sommes convaincus qu'il faut en rester à un nombre réduit de membres. (Remarque.)

Comment rendre compatible ce besoin de conseils d'administration réduits avec ce principe auquel les Verts tiennent de ne pas uniquement avoir des technocrates mais aussi en effet des représentants de la société civile, des représentants des partis ? Il y a un équilibre à trouver, peut-être qu'il doit être trouvé institution après institution, comme nous l'avons fait jusqu'à maintenant, en introduisant un certain nombre de représentants du Grand Conseil; mais de grâce, pas un membre par parti ! Nous sommes actuellement sept partis dans ce Grand Conseil, ça veut dire qu'automatiquement vous avez sept membres désignés par ce Grand Conseil issus des partis politiques, et forcément, vous vous retrouvez tout de suite, avec les autres nominations - que ce soit de l'ACG, de la Ville de Genève, du Conseil d'Etat - avec des conseils d'administration beaucoup trop grands, raison pour laquelle les Verts refuseront les amendements qui demandent une telle disposition.

J'espère que nous arriverons à terminer ce débat ce soir; je suis un peu inquiet, mais en tout cas, les Verts soutiendront dans l'ensemble les dispositions sorties de la commission. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Bertrand Buchs (PDC). Je crois que le débat jusqu'à présent montre la grande difficulté que l'on a à donner l'indépendance aux régies publiques... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...parce qu'on a décidé de leur donner leur indépendance; mais si on ne veut pas la leur donner - comme c'est le cas d'une minorité dans cette salle, ou peut-être d'une majorité à la fin des débats - alors il faut supprimer les conseils d'administration et remettre toutes ces structures dans le petit Etat, point ! Ce sont le Conseil d'Etat et le Grand Conseil qui les géreraient. Mais on ne peut pas faire deux choses à la fois: si on décide de donner l'indépendance à ces structures parce qu'on pense qu'en faisant cela on aura un meilleur résultat, une plus grande efficacité, alors il faut aller jusqu'au bout ! Il ne faut pas que le Grand Conseil soit tout le temps derrière et décide par deux fois ce qu'il doit faire, une première fois dans les conseils d'administration et une deuxième fois dans les débats de commission ou en plénum. C'est complètement schizophrène ! Il faut donc clairement - et c'est simple - qu'il n'y ait pas de cumul des mandats. Notre parti a déjà commencé: nous interdisons le cumul des mandats dans notre parti. Je rappelle, et je m'adresse au MCG, qui est très sensible à cette question... (Remarque.) Dans notre parti, il faut qu'on le règle au niveau fédéral. Mais à Berne, des gens sont membres des conseils d'administration de caisses maladie et font partie des commissions respectives de la santé du Conseil des Etats et du Conseil national. Qu'est-ce qu'on voit comme résultat politique ? Une catastrophe ! On ne peut rien changer. A toutes les demandes qu'on fait, on nous répond non, parce que ces gens-là sont payés plus de 100 000 F par année pour dire non, parce qu'ils sont payés par des intérêts étrangers à leurs fonctions. Ça, c'est scandaleux ! Et vous voulez la même chose ici ? Vous voulez strictement la même chose. Ce soir, vous devez voter pour qu'il n'y ait pas de députés dans les conseils d'administration, c'est le minimum. Si cela ne passe pas, le parti démocrate-chrétien ne votera pas cette loi. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, mon intervention sera fort brève, parce que mon collègue, M. Mathias Buschbeck, a déjà présenté la position des Verts, de manière fort éloquente; je le rejoins en tous points. Je voulais simplement rappeler à ce parlement un événement assez récent qui m'a personnellement convaincue que la fonction de député et celle d'administrateur sont incompatibles. (Remarque.) Il ne s'agit pas, comme le dit M. Sormanni, de questions de compétences: un député peut en effet avoir la compétence de siéger dans un conseil d'administration, mais alors il doit faire un choix entre la fonction d'administrateur ou celle de député. Ce qui a fini de me convaincre du bien-fondé de ce projet, c'est le dépôt il y a quelque temps d'une proposition de motion par deux groupes parlementaires, le MCG et l'UDC, qui demandait la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les SIG. Cette motion a été signée par deux administrateurs des SIG ! (Remarque.) Mesdames et Messieurs les députés, cela n'est tout simplement pas possible. Un administrateur d'une institution ne peut pas demander la création d'une commission d'enquête parlementaire sur cette institution, on marche sur la tête ! (Commentaires.)

Deuxième cas de figure: je suis extrêmement gênée quand en commission nous recevons le président d'une institution ainsi que son directeur, et qu'un administrateur qui siège dans la commission en tant que député pose des questions, nous indique: «Oui, je sais mieux, je peux vous expliquer», coupe la parole, etc. Tout ça n'est pas correct, cela ne se fait pas. (Remarque.) Mesdames et Messieurs les députés, nous avons l'occasion aujourd'hui de poser des règles strictes... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...des règles claires pour tous. Je vous invite à rendre incompatibles la fonction de député et celle d'administrateur. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chacun a sa propre éthique. En effet, peut-être que la situation que la députée vient de décrire n'est pas normale. Mais si vous voulez régler les problèmes individuels d'éthique de chacun par une règle générale, vous faites fausse route. C'est ça qui ne joue pas du tout. Ces situations doivent être réglées l'une après l'autre vis-à-vis des personnes qui ont peut-être enfreint cette façon de voir les choses. Mais on n'est pas dans le bon trend: je ne vois pas pourquoi on veut absolument empêcher une catégorie de la population de pouvoir siéger... Je suis très à l'aise, personnellement je n'ai pas de mandat ! Alors on peut toujours causer, mais chaque parti, en fonction des compétences présentes chez ses membres, va choisir ceux qui lui paraissent les plus adéquats pour aller dans les conseils d'administration. (Remarque.) Il n'y a pas de raison qu'on fixe ici une règle générale en excluant telle ou telle personne de la population. Je pense qu'on fait totalement fausse route, et je constate en tout cas une chose ce soir: les Verts, ou une partie d'entre eux, je ne sais pas, ils ont changé de bord ? Le parti doit s'appeler les «Verts libéral», VLR ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Ils soutiennent aujourd'hui les règles du parti libéral, qui vont totalement à contresens de ce qu'ils nous serinent - parce que je le vis à la Ville de Genève - en étant toujours d'accord avec les règles du reste de la gauche, de l'Alternative; mais alors là, ils ont passé libéral, hein, et je ne comprends pas pourquoi subitement ils sont dans ce trend. Enfin, ça leur appartient, mais je pense qu'ils doivent changer d'étiquette !

Visiblement, il y a quelque chose qui ne joue pas dans ce débat. Je ne sais pas ce que vous craignez, ce que vous voulez, où vous voulez nous amener, mais je pense que c'est une nécessité que les partis soient représentés dans les conseils d'administration, c'est faux de dire que parce qu'ils sont restreints ça marche mieux. Tout à l'heure, on a cité la FIPOI, mais il n'y a pas que cet endroit-là où il y a eu quelques difficultés. D'accord, elles ont été réglées, mais enfin, ils sont quatre, à la FIPOI, ils ne sont pas sept partis plus tous ceux qui sont nommés par le gouvernement. Vous voulez donc remettre aux mains du gouvernement la gouvernance totale de toutes ces institutions, et que les députés n'aient plus rien à dire ? C'est ça que vous voulez, visiblement, eh bien on va s'y opposer ! (Quelques applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je ne me suis pas senti contraint, mais il me semble nécessaire d'exprimer toutes les sensibilités, tous les avis, peut-être toutes les nuances. J'avoue être toujours surpris quand je vois le parti des Verts presque nous tenir des théories d'Ancien Régime: vous vous souvenez, Louis XIV, diviser pour mieux régner. C'est à peu près ça: il est totalement inconsidéré, et «inconsidérable», que des gens qui font de la politique - qui sont bel et bien élus, malgré les difficultés qu'on connaît - puissent siéger. Il me semble qu'on tombe aussi dans un travers que les gens des bancs d'en face aiment décrier abondamment à notre encontre: surtout, pas d'amalgames ! Mais ils sont en plein dans l'amalgame, là ! Quelle serait la différence, pourquoi quelqu'un serait-il moins capable ? On nous dit qu'il y a des questions où il est impossible de... Par exemple, comme on l'a dit, l'ouverture d'une commission d'enquête parlementaire. OK ! Les administrateurs ne peuvent pas... Mais j'aimerais demander: quels sont les présidents et quels sont les staffs de ces entités, de ces CODOF, comme on les appelle ? Ce sont tous des gens désignés par les partis gouvernementaux, souvent d'anciens élus - et la critique ne porte pas sur leurs qualités - qui ont une place prépondérante. Le problème n'est pas là, le problème est que ceux qui siègent au Grand Conseil mais qui ne sont pas représentés au Conseil d'Etat n'ont jamais des sièges de présidents. Est-ce être envieux de ces sièges de présidents ? Pas du tout, c'est simplement, Mesdames et Messieurs les députés, que certains sont en train de dire: cette petite ligne ténue, tellement atrophiée par le secret de fonction entre un politicien qui siège dans un conseil d'administration et son parti, quand il y a des problèmes graves... Parce qu'on ne peut pas nier qu'il y a eu des problèmes graves et des interprétations plus qu'oiseuses de ce qui s'est passé. Alors oui, chacun est en train de se dire: attention les dangereux cumulards ! Comme si vous alliez dans ces institutions pour vous en mettre plein les poches. En tout cas, en ce qui nous concerne comme administrateurs - parce que, mon Dieu, j'en parle puisque j'en suis un - c'est dérisoire. Et je trouve vraiment dommage que la seule argumentation ou l'une des facettes que l'on relève, ce soit... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...que ces affreux cumulards, il faut les éliminer; ces affreux politicards, il faut les éliminer, ils ne sont pas capables de faire la distinction et ils n'ont pas la sagesse de voir où est le bien général, où est le bien de la collectivité. Mesdames et Messieurs les députés, c'est peut-être sur ce dernier mot, le bien de la collectivité, que je militerai sans cesse pour dire que des politiciens élus doivent être dans ces conseils d'administration parce qu'ils évitent les dérives des technocrates. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo ! (Brouhaha.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, c'est une longue soirée qui nous attend, et tout se passera mieux si vous arrivez à observer un petit peu de silence, merci. Je passe la parole à M. le député François Baertschi.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Tout à l'heure, les Verts nous ont fait la leçon, une fois de plus, sur le fait qu'il faut être équilibré, avoir le moins de monde possible dans ces conseils d'administration, que certains exagèrent. Je vais prendre un exemple: la FTI, Fondation pour les terrains industriels. On y trouve près de 50% de Verts, ou 40% - c'est la même chose. On a vraiment une représentativité assez fabuleuse ! Alors quand on veut donner des leçons, on ne se présente pas en masse dans un conseil d'administration, comme vous le faites, avec notamment MM. Rochat, Walder, Bonfanti, qui représentent à chaque fois des communes et représentent une sorte de verdure industrielle, assez cocasse, d'ailleurs. (Commentaires.) On peut faire le calcul - je n'ai pas eu le temps de le finaliser, Monsieur le président, et je m'en excuse - mais on doit bien avoir environ huit ou dix personnes membres du parti des Verts, ou à peu près, un peu plus, un peu moins, sous la responsabilité de M. Hodgers. Alors je veux bien qu'on donne des leçons sur la bonne organisation de l'Etat, mais chacun verra que sur ce point-là, ça ne joue pas ! (Remarque.) J'en étais même - ce serait, bien sûr, une bêtise... Parce que partir de quelque chose qui ne va pas pour essayer, de manière institutionnelle, de la changer, c'est une stupidité. Ce serait stupide d'enlever leurs représentants aux communes de Vernier, de Lancy, de Plan-les-Ouates. On pourrait imaginer d'enlever de ces institutions les conseillers administratifs. Je crois que c'est ce qui avait été fait ad hominem contre M. Pagani, parce qu'en politique, très souvent, on prend des positions qui sont politiciennes dans ce que cela a de plus désagréable. Si on restait dans cette option, on s'attaquerait aux conseillers administratifs en disant que ces braves gens n'ont pas le droit - c'est un dysfonctionnement - de siéger dans le conseil de cette fondation. C'est une erreur ! Tout ce projet de loi est une erreur, parce qu'il y a plein d'arrière-pensées, de petites combines, de petites magouilles à deux balles... (Protestations.) ...et on voit comment ça marche, on voit comment certaines décisions du Conseil d'Etat sont prises, notamment dans ces nominations: ça ne tient pas la route. Quand les choses vont mal, le Conseil d'Etat a souvent une très lourde responsabilité, qu'il n'assume pas. Ce n'est pas au parlement de faire des lois biscornues, qui ne correspondent pas à la volonté populaire; ce n'est pas à notre parlement de commettre des erreurs pour tenter de réparer celles qui ont été commises par le Conseil d'Etat. Il faut avoir un minimum de bon sens et arrêter dans cette instrumentalisation des institutions par quelques petites coteries qui sont utilisées... Je plains un peu les Verts, qui sont un peu les idiots utiles du système... (Rire. Commentaires.) ...comme disait Marx, utiles et inutiles, je ne sais pas - utiles à certains, en tout cas. Mais ils aiment apparemment bien ce rôle-là. C'est dommage, je le déplore, je pense que nos institutions méritent mieux. (Quelques applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce qu'on peut retenir des deux précédents référendums, c'est clairement que la volonté était de maintenir une représentation des partis politiques de ce Grand Conseil, parce que c'était bien la disposition qui a été utilisée par les opposants aux lois précédentes pour dire qu'il fallait les refuser et revenir à une autre proposition. En l'occurrence, je pense qu'une loi qui permet de clarifier pour l'ensemble des institutions les règles de nomination au sein de ces conseils est nécessaire. Je vous donnerai comme exemple la dernière séance de la commission de l'économie, où le PLR n'a pas pu s'empêcher, au détour d'un projet de loi qui concerne la Fondation pour les terrains industriels, au lieu de s'occuper vraiment du projet de loi, de revenir sur la composition du conseil de cette fondation en remettant en cause le principe de la présence d'un membre par parti de ce Grand Conseil. C'est vraiment un problème. On aurait plutôt intérêt à fixer une règle générale pour éviter les différences entre établissements, et à dire simplement: nous sommes tous coresponsables, nous sommes tous au Grand Conseil, nous votons les budgets, nous avons des lois, des contrats de prestations, des indicateurs; nous sommes tous coresponsables de la gestion de ces établissements publics ou de ces fondations de droit public. Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, la représentation des partis politiques présents dans ce Grand Conseil me semble nécessaire.

La question subsidiaire est la suivante: faut-il que ce soient des députés en exercice ? A mon avis, on peut être politicien sans être député en exercice; je n'ai donc pas l'impression que ce soit une condition sine qua non. On peut tout à fait être un jour député et un autre jour administrateur, et on n'a pas forcément besoin de le cumuler. La question liée des conflits d'intérêts est légitime, en effet. J'ai évoqué tout à l'heure le fait que certaines personnes monnayaient leur vote, semble-t-il. Mme Sophie Forster Carbonnier a parlé du fait qu'il pourrait y avoir, à l'inverse, des personnes qui signent des propositions de motions instituant des commissions d'enquête parlementaire alors qu'elles sont membres des conseils d'administration: j'ai envie de dire que c'est plutôt en faveur de la présence de députés, parce que le secret auquel on est soumis quand on est membre de ces conseils empêche de parler publiquement de certains problèmes et le Grand Conseil représente peut-être un moyen d'aller investiguer. Alors c'est vrai, un membre qui ne ferait pas partie du Grand Conseil pourrait dire à ses collègues de parti membres du Grand Conseil: «Ecoutez, les gars, il y a un problème, il faudrait enquêter sur telle ou telle institution, parce que ça dysfonctionne.» Ce n'est donc pas une obligation non plus, mais c'est peut-être plus facile, parce qu'un député en exercice se sent peut-être aussi un peu plus sûr pour être prêt à affronter le conseil d'administration x ou y et à lui signifier que quelque chose ne marche pas et qu'il va le dire au Grand Conseil. Je suis assez partagé sur cela, mais je pense que la question du conflit d'intérêts est clairement posée. C'est vrai que lors de la dernière session du Grand Conseil, on a voté sur le fait de revenir en arrière sur les rémunérations: j'étais quand même assez étonné de voir que sur les bancs d'en face, en l'occurrence l'UDC et le MCG, dont, ma foi, beaucoup de membres de la députation sont aussi présents dans les conseils en question, on s'est opposé à la baisse en question. Alors quand on demande un effort à toute la population, ça pourrait aussi être sur les membres de ces conseils d'administration. Ça, pour moi, c'est problématique, et en plus, je pense qu'ils ne se sont pas tous abstenus. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, la présence de députés en exercice est effectivement problématique. Soit il ne faut pas la traiter maintenant mais il faut aller de l'avant avec la loi pour avoir un cadre général, soit il faut trancher, mais avec les risques que cela peut faire courir à ce projet de loi. Je serais plutôt pour une solution par étapes; je pense que la présence de députés en exercice n'est pas raisonnable dans le fond, mais dans un premier temps, on pourrait déjà essayer de fixer un cadre général selon quoi il y a un représentant par parti politique, on cadre les rémunérations, et peut-être que la question des députés doit prendre place dans un autre projet de loi, pour ne pas saborder l'ensemble du système. Mais je laisse ça à votre sagacité de députés !

M. Boris Calame (Ve). Je tiens d'abord à rappeler que nous sommes le législateur. J'aimerais ensuite dire deux mots sur la proposition d'amendement à l'article 17, qui interdit le cumul avec la fonction de député au Grand Conseil. On a eu une jolie démonstration aujourd'hui: un certain nombre d'administrateurs se sont exprimés. Dans notre LRGC, l'article 24 prévoit une obligation de s'abstenir: «Dans les séances du Grand Conseil et des commissions, les députés qui, pour eux-mêmes, leurs ascendants, descendants, frères, soeurs, conjoint, partenaire enregistré, ou alliés au même degré, ont un intérêt personnel direct à l'objet soumis à la discussion, ne peuvent intervenir ni voter, à l'exception du budget et des comptes rendus pris dans leur ensemble.» Ont l'interdiction ! Donc à un moment, il faut quand même se poser la question: comment peut-on prétendre être député, soit représenter, et être administrateur, et venir ici débattre parmi les cent députés ? C'est simplement incompatible ! Ils ont un devoir de réserve, ils ne peuvent s'exprimer, ils ne peuvent voter. Tout le monde est perdant, alors que notre parlement est l'organe qui doit superviser, contrôler ces établissements. C'est démontrer que ces fonctions sont incompatibles. Si vous voulez changer quelque chose, commencez par respecter la loi qui est notre propre loi, et ensuite, si vous n'êtes pas d'accord avec cette loi, modifiez-la. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député François Baertschi... qui renonce. La parole est donc à M. le député François Lefort. (M. François Lefort descend de sa place sur l'estrade du Bureau pour gagner son siège dans la salle.) Footing, Lefort, footing !

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président, pour votre patience. Il y a des choses qu'on ne peut pas laisser dire: les attaques de M. Baertschi contre les Verts procèdent du mensonge. C'est un énorme mensonge ! Pourquoi y a-t-il des Verts dans le conseil d'administration de la FTI ? C'est très simple: parmi les vingt membres, il y a un conseiller d'Etat en charge de l'aménagement qui fait partie des Verts, oui, c'est vrai. Il y a une seule représentante des Verts au titre du Grand Conseil, et enfin, quatre conseillers administratifs qui sont là au titre de conseillers administratifs des communes qui hébergent les grandes zones industrielles. Voilà la vérité. Mesdames et Messieurs du MCG, si vous voulez plus de membres du MCG dans les conseils d'administration au titre de conseillers administratifs qui s'occupent des zones industrielles, c'est très simple: il faut faire élire des conseillers administratifs MCG. (Exclamations et commentaires. Quelques applaudissements.)

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, chers collègues, je trouve que dans ce parlement, on ratiocine beaucoup, et on en finit par perdre totalement de vue le nord magnétique. Quel est l'intérêt, franchement, par exemple, des propositions qui nous sont soumises par la voix de M. Buschbeck ou de Mme Forster Carbonnier en vue de réduire le nombre de représentants dans les conseils d'administration ? C'est amusant, ce que j'entends: pensez-vous que si demain on suivait ce qui était la proposition du Conseil d'Etat avant les fameuses votations, la majorité de ce Grand Conseil aurait véritablement intérêt à ce qu'un Vert siège au conseil d'administration de l'aéroport ? Aux Services industriels ? Ou encore aux TPG ? (Remarque.) C'est absolument extraordinaire: le peuple a voté à deux reprises; il s'est manifesté très clairement, il a dit qu'il souhaitait que tous les partis soient représentés au sein de ces organisations et d'aucuns reviennent là-dessus.

Une voix. Pas les députés !

M. Christian Zaugg. Tous les partis ! Le peuple a voulu que le jeu soit véritablement ouvert, et maintenant, nous sommes en train d'argumenter - enfin, certains d'entre nous - afin de réduire cette possibilité et d'empêcher des députés très compétents en la matière de pouvoir y siéger. C'est totalement absurde ! (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. En accord avec les membres du Bureau, j'ai décidé de clore la liste après l'intervention de M. le député Pierre Vanek, à qui je donne la parole. Il est bien entendu que je donnerai ensuite la parole aux rapporteurs.

M. Pierre Vanek (EAG). Monsieur le président, je ne voulais pas intervenir, mais j'ai été un peu surpris par les propos de Boris Calame, qui invoquait l'article 24 de notre règlement. L'article 24 de notre règlement parle d'intérêt personnel direct ! (Commentaires. Applaudissements. Le président agite la cloche.) J'aimerais savoir si les représentants du groupe de M. Calame, ou dans ce Grand Conseil, ou dans les conseils d'administration où ils sont envoyés, sont là-bas, et se considèrent là-bas, comme des représentants de leurs intérêts personnels directs ! (Vifs commentaires.) J'espère que non ! J'espère que non ! C'est scandaleux d'émettre l'hypothèse a priori qu'on serait dans un conseil d'administration - comme dans ce Grand Conseil d'ailleurs - pour représenter un intérêt personnel direct ! (Vifs commentaires. Le président agite la cloche.) On y est pour représenter des idées politiques, des lignes politiques, des orientations, faire prendre des décisions qui peuvent être à gauche, qui peuvent être à droite, qui peuvent être différentes...

Une voix. Ou au centre !

M. Pierre Vanek. Au centre, rarement ! (Rires.) Mais en principe, pour défendre des convictions et des orientations pour lesquelles on est mandaté par les citoyens qui vous ont élu. Si je m'échauffe sur cette question, c'est qu'on a essayé de me la faire quand j'ai été élu sur les bancs de l'Alliance de gauche, là devant, il y a une vingtaine d'années... (Remarque.) Plus même, plus, me glisse Mme Haller. ...notamment parce que j'étais militant engagé contre le nucléaire, président de ContrAtom, ce qui a évidemment contribué à mon élection. Je suis venu sur ces bancs défendre des orientations, entre autres sur la question du nucléaire, et assez logiquement, le groupe dont je faisais partie m'a envoyé à la commission de l'énergie. J'ai défendu ces convictions et mon groupe m'a envoyé au conseil d'administration des Services industriels. A l'époque, il n'y avait pas un membre par parti: c'est une introduction de la gauche majoritaire en 1997, par le biais du Conseil municipal, au conseil d'administration des Services industriels. Un certain nombre de députés libéraux de mauvaise foi ont dit à l'époque: «Mais ce M. Vanek, ce n'est quand même pas normal qu'il s'exprime et qu'il vote à la commission de l'énergie du Grand Conseil, parce qu'il est au conseil d'administration des Services industriels !» Ça tombait bien: il y avait un représentant du PDC - c'était Claude Blanc, si je ne m'abuse - au conseil d'administration des Services industriels; il y avait... Qui était le radical ? Je ne sais plus, je ne sais plus non plus qui était le libéral, bref. (Remarque.) Non, ce n'était pas lui ! Bref, ils se sont tous levés pour dire que ce n'était pas raisonnable, et nous avions demandé un arbitrage du Bureau. Le Grand Conseil était alors présidé, si mes souvenirs sont bons, par un architecte libéral, M. René Koechlin, qui avait rendu un avis disant: «Bien sûr que M. Vanek peut s'exprimer à la commission de l'énergie et y défendre ses convictions anti-nucléaires, notamment parce que les convictions anti-nucléaires de M. Vanek qui le motivent ne relèvent pas de son intérêt personnel direct.» Alors bien sûr, j'avais un intérêt personnel direct à ne pas me faire contaminer par des déchets radioactifs, un intérêt personnel direct à ce que la centrale nucléaire de Creys-Malville, à 70 kilomètres, ne pète pas et ne tue pas Pierre Vanek et sa famille. Mais enfin, quand même ! C'était un intérêt personnel direct partagé... (Exclamations. Applaudissements. Le président agite la cloche.)

Des voix. Bravo !

M. Pierre Vanek. ...partagé, Monsieur Calame, avec un certain nombre de concitoyens, un certain nombre d'électeurs qui m'ont élu, et je ne vois pas, je ne comprends pas cette évocation de l'article 24 de la LRGC dans le cadre de ce débat. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. S'il n'y avait les nécessités du procès-verbal, j'hésiterais à l'avenir à vous donner le micro, Monsieur Vanek ! (Rire.)

M. Pierre Vanek. Désolé !

Le président. Ce n'est pas grave. Je vais passer la parole aux différents rapporteurs, puis à M. le président du Conseil d'Etat. C'est à M. le rapporteur de troisième minorité de s'exprimer.

M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de troisième minorité. Merci, Monsieur le président. Je demande un renvoi en commission après l'entrée en matière sur ce projet de loi, vu le nombre d'amendements qui nous ont été présentés par le Conseil d'Etat: il y a en tout cas huit pages d'amendements, je pense que ce n'est pas faire du bon travail que de les voter ainsi en plénière, sans savoir vraiment à quoi ils correspondent; sans bien sûr compter les nombreux amendements que nous avons émanant de différentes sensibilités politiques.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de troisième minorité. Monsieur Cyril Mizrahi, souhaitez-vous la parole ? (M. Cyril Mizrahi acquiesce.) Très bien, vous l'avez.

M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais rappeler un élément central pour nous, socialistes, et c'est à cette aune que nous jugerons finalement le projet qui sera issu de nos travaux: les institutions de droit public doivent être gérées comme des institutions publiques et non comme des entreprises privées. Cela implique qu'il doit y avoir d'une part un contrôle démocratique et d'autre part des rémunérations respectueuses des deniers publics et équitables. Certains ici nous disent qu'ils préfèrent avoir peu de personnes qui soient rémunérées de manière très élevée; nous, nous préférons une gestion démocratique avec davantage de personnes pour exercer le contrôle et des rémunérations raisonnables. Nous gageons que c'est un plus à la fois pour le contrôle démocratique et une gestion de ces institutions conforme à l'intérêt public, mais également du point de vue des deniers du contribuable, question sur laquelle nous entendons des propos un peu à géométrie variable de la part de certaines forces représentées dans ce parlement. J'en terminerai par là, Monsieur le président.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. J'aimerais juste rectifier deux contrevérités, et je vous prie de bien vouloir transmettre à M. Cuendet. A aucun moment - qu'il lise mon rapport de minorité - je n'ai proposé de supprimer le secret de fonction. Bien au contraire, j'ai simplement demandé qu'il ne soit pas enterré sous une chape de plomb, mais qu'il s'applique rigoureusement, conformément aux dispositions de la LIPAD. Si c'est là vouloir annuler le secret de fonction, alors qu'il vienne nous l'expliquer. En ce qui concerne les décharges ou l'octroi de jetons aux représentants du personnel, il a dit: «Alors il faudrait qu'ils aient des jetons, une décharge, et qu'en plus ils ne soient pas obligés de les rendre à l'employeur !» A nouveau, jusqu'à maintenant, j'avais présumé certaines capacités de lecture de M. Cuendet: visiblement, soit je me suis trompée, soit il a manqué le passage de mon rapport où il est très clairement mentionné que notre intention était simplement qu'existe la possibilité d'avoir soit des jetons soit une décharge, et où figurent les raisons pour lesquelles dans certaines circonstances la décharge n'est pas le bon moyen mais est simplement une manière de porter préjudice aux personnes qui se dévouent pour représenter leurs collègues dans les conseils d'administration. C'était donc la première chose.

La seconde chose, c'est le constat qu'il y a une sorte d'appréciation à géométrie variable de concepts tels que la loyauté ou la politisation. Je l'ai dit tout à l'heure, la politisation à quelques-uns, ça va, à plusieurs, ça ne va plus ! Quand on a épuisé l'argument de la politisation, on vient avec celui de la professionnalisation. Mais qu'on regarde, alors, dans ces conseils d'administration ! Les personnes qui y siègent ont-elles vraiment les compétences requises par l'exercice des activités de l'institution en question ? Non. On vient donc nous faire passer un concept pour un autre en espérant qu'on puisse régler ainsi la question. Eh bien non ! Sur le thème de la loyauté, je constate que quand il s'agit de l'incompatibilité entre la qualité de député et celle de membre d'un conseil d'administration, cette question de la loyauté se pose; quand il s'agit de la représentation dans cette enceinte de puissants lobbys ou de milieux particulièrement présents...

M. Murat Julian Alder. Les syndicats, par exemple !

Mme Jocelyne Haller. Mais ceux-là comme d'autres, Monsieur Alder ! Vous lui transmettrez, Monsieur le président ! On peut parler des milieux immobiliers, des milieux de la finance...

Une voix. Ou de l'ASLOCA !

Une autre voix. Des fonctionnaires !

Mme Jocelyne Haller. Ou d'autres ! Eh bien là, tout à coup, on parle de problèmes de loyauté. Mais quand il s'agit de ces milieux-là, il n'en est plus question ! Et pourtant, on pourrait demander si parfois il n'y a pas une contradiction entre les intérêts bien compris de la république et ceux des lobbys que ces gens représentent. Evidemment, en entrant dans un parlement, on s'engage à faire son travail et à exercer sa fonction avec intégrité, si possible avec intelligence - ça, c'est plus aléatoire - mais au moins, on essaie d'être correct. Or, les arguments que j'ai entendus aujourd'hui ne sont pas de ce lot-là.

Enfin, parlons d'autonomie: garantir la présence d'un membre par parti représenté au Grand Conseil, qu'est-ce d'autre qu'équilibrer le rapport de force entre la représentation du Conseil d'Etat dans les conseils d'administration et celle du Grand Conseil ? On parle d'autonomie et de régies autonomes. Mais pourrait-on mesurer aujourd'hui à quel point elles sont autonomes ? Jusqu'où les décisions prises récemment par ces régies ont-elles vraiment été guidées par l'expertise institutionnelle, par le bon sens, par des notions de bonne gestion... (Remarque. Le président agite la cloche.) ...ou par un certain nombre d'intérêts politiques de ceux qui commandent à ces institutions ? Ce que nous voulons, c'est une autonomie, c'est une distance critique à l'égard de ceux à qui ces conseils sont aujourd'hui inféodés. Alors choisissez, Mesdames et Messieurs les députés: soit vous respectez un certain nombre de principes pour lesquels vous vous êtes engagés dans ce Grand Conseil, et qui font la valeur de votre fonction, soit vous vous inclinez, vous gardez une échine relativement souple, mais à ce moment-là, vous trahirez les intérêts de cette république. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Murat Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Beaucoup de choses ont été dites, mais je sais par où je vais commencer: par le plaisir, exceptionnellement. Puisque j'ai été attaqué à titre personnel par l'un des députés du groupe MCG, j'aimerais lui répondre. Vous transmettrez le message suivant à M. Baertschi: tout d'abord, j'aimerais le remercier de se soucier de mes affaires, quant à moi je l'invite à se mêler des siennes. Ensuite, j'aimerais le remercier pour la quête qu'il entend entreprendre en ma faveur. Je trouve cette démarche fort intéressante, et si les montants récoltés me le permettent, j'aimerais lui offrir un cours privé de bonnes manières... (Exclamation. Commentaires.) ...grâce auquel il apprendra à ne pas prendre les choses trop personnellement; il apprendra qu'il n'y a que la vérité qui blesse; il apprendra à respecter ses adversaires... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...il apprendra à s'abstenir de formuler de basses attaques personnelles; il apprendra aussi à M. Sormanni à se taire quand quelqu'un parle; il apprendra à ne pas juger les gens sur leur apparence, leur tenue ou leur coiffure passée, présente ou future; et surtout, il apprendra qu'à chaque occasion correspond sa tenue. Voilà la substance du message que je tenais à adresser à M. Baertschi, et ce, bien entendu, avec tout mon respect et en toute amitié.

Maintenant, cette quête que vous croyez devoir organiser en ma faveur, Monsieur Baertschi, j'aimerais la consacrer à l'élévation de votre âme... (Rire. Remarque.) ...parce qu'il y a un moment où on ne peut pas entendre les représentants du groupe MCG... (Remarque.) ...passer tout leur temps à dénoncer les magouilles alors que ce sont exactement les mêmes représentants politiques qui ne cessent de cumuler des mandats aux niveaux cantonal et communal et dans les conseils d'administration. (Vives protestations.) C'est à se demander à qui profite le crime ! (Huées. Commentaires.) Je crois que la première leçon de bonnes manières a été apprise: il n'y a que la vérité qui blesse. (Remarque.)

S'agissant de la problématique de la représentation politique, Mesdames et Messieurs les députés, puisque les partis qui revendiquent le monopole de la lutte contre le politiquement incorrect et pour le «parler vrai» ont failli à leur devoir, je vais m'en charger. La vérité, c'est que les partis qui veulent profondément cette représentation politique lorgnent en réalité sur les jetons de présence... (Remarque.) ...versés dans les conseils d'administration, parce que c'est le seul moyen qu'ils ont à disposition pour financer leurs activités. (Commentaires. Le président agite la cloche.) Néanmoins, M. Sormanni disait tout à l'heure qu'un député pouvait être compétent pour siéger dans un conseil d'administration: j'en prends acte. Cela étant dit, on ne va pas mesurer la compétence d'un député à sa capacité de lire, parce que malheureusement pour M. Sormanni, la représentation politique dans les conseils d'administration telle qu'elle est actuellement en vigueur n'est pas remise en question par ce projet de loi. Eh oui, Mesdames et Messieurs, vous avez débattu pendant plus d'une heure sur cela, malheureusement, ce n'est pas du tout le sujet, puisque précisément le Conseil d'Etat a déposé ce texte dans le but d'évacuer la question litigieuse. (Commentaires.) Aujourd'hui, tous les partis qui combattaient déjà la première loi voient leur masque tomber: nous réalisons que ce qui les intéresse, ce n'est pas seulement la représentation politique, c'est la possibilité pour des députés de siéger dans les conseils d'administration. C'est ça qui les dérange, et c'est pour cette raison qu'ils mènent le combat retardateur. C'est pour cette raison qu'ils nous enfument avec des amendements qui n'ont ni queue ni tête. C'est bien triste, Mesdames et Messieurs, que nous en soyons arrivés là. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons passé quinze séances à traiter ce projet de loi en commission; probablement le souhait de celles et ceux qui mènent les manoeuvres dilatoires aujourd'hui est de poursuivre avec quinze autres séances de commission. Je considère que ce sont eux qui violent la volonté populaire, puisque celle-ci était tout simplement le statu quo en matière de représentation politique, qui n'est pas du tout remis en question par ce projet de loi.

Pour le reste, je vous invite à voter en faveur de l'entrée en matière, je l'ai dit en préambule: c'est une nécessité législative, le besoin se fait plus que jamais ressentir dans les conseils d'administration des grandes régies d'avoir enfin un cadre clair avec des règles du jeu qui soient claires pour toutes et tous, sans privilège, comme diraient les socialistes. (Exclamation.) Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a déposé il y a un peu plus de deux ans et demi un projet de loi visant à remettre un peu d'ordre dans le désordre législatif qui règne aujourd'hui dans les différents établissements publics. Nous avons des lois qui prévoient, sur un certain nombre de choses, des dispositions contradictoires, divergentes, différentes, incompréhensibles, et qui ont pour seule origine l'écoulement du temps et les différentes modes d'après lesquelles nous avons réglé ce type de problèmes au cours des quatre dernières décennies. Le Conseil d'Etat a donc proposé un projet de loi global, qui permet de fixer des points aussi essentiels que la responsabilité des administrateurs, afin que cela soit réglé de la même manière dans tous les établissements publics et dans toutes les régies publiques, mais aussi les questions du secret de fonction, de la durée des mandats, de l'interdiction du cumul, de la limitation de la durée, de la révocation, des procès verres d'eau... euh, procès-verbaux... (Commentaires.) ...de l'assiduité aux séances, de la rémunération des administrateurs... (Commentaires persistants. Le président agite la cloche.) Oh, vous savez, Monsieur Sormanni, Churchill, que mon collègue Maudet citait hier, disait à la fin de sa vie: «J'avais deux choix pour terminer ma vie: soit être député, soit être alcoolique. Dieu merci, je suis devenu alcoolique.» (Rires. Applaudissements. Commentaires.)

Des voix. Bravo !

M. François Longchamp. De régler, donc, de manière identique, la question de la rémunération des administrateurs... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...des directeurs, des directeurs généraux, des membres des directions générales de ces différentes régies.

Ce projet de loi reprend l'essentiel, si ce n'est la totalité des dispositions qui n'avaient pas été contestées par l'ensemble de votre parlement lorsque nous avons, au cours de la précédente législature, proposé ce projet. Le 17 juin 2012, le peuple genevois a refusé cette loi; le message des référendaires consistait à dire qu'ils voulaient une représentation politique d'un membre par parti dans les différents établissements publics. Le Conseil d'Etat a déposé auprès de vous un projet de loi qui respecte scrupuleusement cette indication populaire extrêmement nette: le texte qu'il a déposé prévoit un membre par parti dans les différents établissements publics, puisque toutes les lois spéciales ne sont pas modifiées sur ce point. Le résultat de vos travaux au sortir de la commission parlementaire a maintenu ce principe. J'ai entendu avec intérêt toutes sortes de discussions sur ce sujet; Mesdames et Messieurs, la loi qui sort de commission, comme celle qui y est entrée, respecte... Et c'est une condition sine qua non pour le Conseil d'Etat, nous nous devons de respecter la volonté populaire; le peuple a dit qu'il voulait un membre par parti dans les établissements publics, le Conseil d'Etat vous a proposé une loi qui reprend ce principe et vous avez voté en commission une loi qui reprend ce principe.

J'ai entendu la question de la présence des députés. La loi qui sort de commission prévoit ceci: «Un député peut être membre d'un conseil, hormis du conseil d'un établissement de droit public principal, tel que défini à l'article 3, alinéa 1 [...]. Il ne peut en outre, dans le cadre de son mandat de député, faire partie d'une commission qui traite des objets en lien avec l'institution concernée.» Voilà les principes que nous discuterons tout à l'heure à ce propos.

J'ai entendu des questionnements justes à la fois sur la rémunération des directeurs, des directeurs généraux, des membres de la direction générale ou des administrateurs. Mesdames et Messieurs, c'est à ce propos que le système actuel est le plus perverti et montre ses limites les plus absolues ! Il n'y a pas un établissement public à Genève qui ait les mêmes règles de contrôle, sur la question des rémunérations, sur celle des règles qui gèrent la rémunération des administrateurs comme celle des directeurs généraux. Dans un certain nombre de situations, c'est le Conseil d'Etat qui décide de cette rémunération; dans d'autres, c'est le conseil d'administration; dans certains cas, c'est le conseil d'administration qui propose le directeur général, et le Conseil d'Etat a un droit de veto; dans d'autres, le Conseil d'Etat a un droit de proposition; etc., etc. Tout cela n'a aucune logique, aucun sens, aucune organisation, aucun mérite, aucune clarté, aucune transparence. Nous vous proposons une loi qui précisément va instaurer des règles qui permettront de contrôler ces rémunérations, de les rendre publiques, Monsieur Deneys, de les rendre publiques - car c'est pour nous essentiel, et nous suivons en cela des recommandations insistantes de la Cour des comptes, qui, dans divers rapports, vous pressait, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir ces différents principes et de clarifier tout cela.

Nous entendons donc prendre nos responsabilités, le faire de manière transparente et claire; c'est ce que propose ce projet de loi. Tout ce que vous avez dénoncé les uns et les autres trouve sa réponse dans ce texte, dans la capacité qu'il contient de régler ces problèmes. Le statu quo, c'est-à-dire le système actuel, c'est-à-dire le refus de ce projet de loi, ne réglera rien de tout cela. Nous continuerons d'avoir un système opaque, non transparent et illogique sur la question des rémunérations, sur celle des responsabilités, sur celle de la présence ou non de députés, sur la composition des conseils et sur tous les éléments que je vous ai indiqués tout à l'heure. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'entrer en matière sur ce projet de loi. J'aurai l'occasion de m'exprimer tout à l'heure sur le renvoi en commission demandé par M. le rapporteur de minorité, mais je vous invite pour l'instant à entrer en matière précisément pour régler les problèmes que vous avez toutes et tous dénoncés au cours de ce débat préliminaire. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11391 est adopté en premier débat par 91 oui contre 1 non et 2 abstentions.

Deuxième débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Avant de vous faire voter, je vais redonner la parole aux rapporteurs, puis au président du Conseil d'Etat. Monsieur Sandro Pistis, souhaitez-vous vous exprimer à nouveau sur le renvoi en commission ? (Remarque.) Non. Monsieur Cyril Mizrahi, vous avez la parole.

M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, nous sommes saisis d'un grand nombre d'amendements, ce qui, en soi, ne veut pas encore dire qu'il faut renvoyer cet objet en commission. Il n'y a pas si longtemps, pour la loi sur les taxis et VTC, nous avons aussi été saisis d'une flopée d'amendements dont nous sommes finalement venus à bout, et avec une majorité importante pour accepter la loi lors du vote final. Mais dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, à mon avis, nous n'avons pas cette majorité pour voter la loi en fin de compte; nous risquons de discuter beaucoup sur ces différents amendements avec un résultat assez aléatoire. Ce qui est quand même assez sûr, au vu des déclarations des uns et des autres et de ces différents amendements, c'est que la meilleure des choses pour ce projet de loi est qu'il soit renvoyé en commission; si on ne le fait pas et si ce texte est mis au vote aujourd'hui, ce qui va se passer - et ce ne sera pas très positif pour le projet de loi du Conseil d'Etat - c'est qu'il sera refusé in fine. Nous, socialistes, nous voulons quand même laisser une chance à ce texte, parce que nous estimons qu'il y a effectivement une nécessité de régler un certain nombre de questions de manière cohérente, comme le président du Conseil d'Etat l'a dit, même si nous avons des divergences profondes sur un certain nombre de points; mais nous pensons qu'il vaut la peine encore d'essayer de trouver une majorité solide. Cette majorité, nous n'allons pas la trouver en plénière. Nous devons retourner en commission. Si fondamentalement vous êtes pour régler d'une manière un tant soit peu cohérente les questions qui se posent, je vous invite à voter ce renvoi en commission. Je vous remercie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, on l'a dit tout à l'heure, nous avons consacré quinze séances de travail - et je vous prie de croire qu'elles ont été particulièrement denses - à l'examen de ce projet de loi. Nous l'avons amendé à diverses reprises; nous sommes aujourd'hui saisis d'une série d'amendements. Je crois que les positions sont clairement définies: je vois mal ce qu'un renvoi en commission pourrait apporter de plus aux positions énoncées aujourd'hui; je pense que ce n'est qu'une manière de gagner du temps ou de ne pas se prononcer sur le texte. Il faut trancher, il faut être clair. Les demandes et les attentes sont exprimées depuis longtemps, nous avons eu l'occasion d'en discuter, et, vous le savez aussi, de pondérer - parce que c'est comme ça que ça se fait - de négocier entre nous. Si nous ne sommes pas parvenus à un meilleur accord que celui qui est aujourd'hui sur cette table, je doute que nous y parvenions dans le futur en renvoyant ce projet de loi en commission. Je vous engage donc à ne pas l'accepter.

M. Murat Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Ce que j'ai toujours apprécié chez Mme Jocelyne Haller, quand bien même je ne partage pas sa définition des lobbys, parce qu'elle a omis dans sa définition des lobbys de citer les syndicats de travailleurs, l'ASLOCA et d'autres organismes de gauche qui sont aussi des lobbys présents dans ce Grand Conseil... (Remarque.) ...c'est qu'elle a un sens profond des responsabilités. Puisse une majorité de ce parlement suivre la sagesse de ses propos. Nous avons en effet consacré quinze séances au traitement de ce projet de loi; il n'y a pas de raison d'y consacrer quinze autres. Nous devons faire des choix, mais j'attends en tant que député, de la part de chaque membre de ce Grand Conseil, qu'on fasse des choix de manière sérieuse et responsable. J'aimerais juste vous donner deux exemples. Le premier est celui de la problématique du casier judiciaire qui a été relevée tout à l'heure... (Protestations.)

Des voix. Sur le renvoi !

Le président. Sur le renvoi, Monsieur le député !

M. Murat Julian Alder. Je m'exprime sur le renvoi. J'aimerais juste donner un exemple, si vous permettez... (Protestations.)

Des voix. Non !

M. Murat Julian Alder. Si !

Le président. Sur le renvoi, Monsieur le député !

M. Murat Julian Alder. Sur le casier judiciaire...

Des voix. Non !

D'autres voix. Sur le renvoi !

M. Murat Julian Alder. ...c'était du travail bâclé...

Le président. Monsieur le député, excusez-moi...

M. Murat Julian Alder. ...et nous ne pouvons pas nous permettre de bâcler une nouvelle fois le travail au sein de la commission. Maintenant, il faut tuer le débat et voter ce projet de loi aujourd'hui. (Commentaires.) Je vous remercie de votre attention.

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je ne vous citerai pas la liste de toutes les personnes qui, au soir du vote de juin 2012, nous ont indiqué que si le Conseil d'Etat redéposait un projet de loi sans la disposition privant les groupes parlementaires d'un représentant pour chacun d'entre eux, ils le voteraient quasi sur-le-champ. Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez indiqué qu'en raison du nombre des amendements du Conseil d'Etat, il était nécessaire de renvoyer le texte en commission. Il n'y a que des amendements techniques dans ce lot, à une exception près. Nous avons déposé ce projet il y a 973 jours ! 973 jours ! Et vous avez voté un certain nombre de choses depuis lors, un certain nombre de lois qui elles-mêmes ont été modifiées et qui ont des conséquences sur cette loi. Vous avez par exemple décidé que les cliniques de Joli-Mont et de Montana soient incorporées aux HUG: cela a des conséquences, évidemment, sur ce projet de loi, etc., etc. Il s'agit de vous redire ici que les amendements du Conseil d'Etat ne sont que l'exact reflet de la durée extraordinairement longue qu'il a fallu à votre Grand Conseil, et plus exactement à sa commission, pour traiter cet objet. Je vous invite donc à ne pas renvoyer ce projet en commission; si c'est pour repartir pour une durée de quelque temps encore, ce ne sera simplement plus possible. Vous auriez pu me demander pourquoi le Conseil d'Etat a demandé l'urgence: il l'a fait, Mesdames et Messieurs, parce qu'à cette allure, nous ne pourrons pas faire entrer en vigueur les nouvelles règles de fonctionnement des établissements publics au début de la prochaine législature, sachant que la législature des établissements publics commence six mois après celle du Conseil d'Etat, c'est-à-dire le 1er décembre 2018.

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11391 à la commission législative est adopté par 45 oui contre 44 non et 3 abstentions. (Exclamations à l'annonce du résultat.)