République et canton de Genève

Grand Conseil

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R 766
Proposition de résolution de Mmes et MM. Gabriel Barrillier, Jean-Marc Guinchard, Béatrice Hirsch, Philippe Morel, Anne Marie von Arx-Vernon, Serge Hiltpold, Jean Romain, Pierre Weiss, Vincent Maitre, Frédéric Hohl, Patrick Saudan, Beatriz de Candolle, Murat Julian Alder, Pierre Ronget, Simone de Montmollin, Raymond Wicky, Jean-Luc Forni, Bertrand Buchs, Guy Mettan, François Lance, Olivier Cerutti, Martine Roset, Pierre Conne : Reconnaissance et encouragement du bénévolat : pour une exonération fiscale des indemnités de bénévoles (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 26, 27 juin, 28 août et 9 septembre 2014.

Débat

La présidente. Nous poursuivons avec la proposition de résolution 766, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à son auteur, M. Gabriel Barrillier.

M. Gabriel Barrillier (PLR). Merci, Madame la présidente de séance. Cet objet a un lien avec le point que nous venons d'examiner puisqu'il a été dit très justement, notamment par notre collègue Buchs, que l'Etat ne peut pas tout faire, il a besoin de forces d'appoint comme les innombrables bénévoles qui s'engagent dans différents domaines et activités. Cette résolution, chers collègues, est née lors de mon année de présidence: j'ai eu l'occasion et le plaisir de participer et d'assister à des assemblées générales, à des démonstrations de samaritains et j'ai pu constater, en écoutant ces personnes, que le recrutement et l'engagement de bénévoles deviennent de plus en plus difficiles dans notre société. Pourtant, l'article 211 de notre constitution reconnaît le bénévolat et souligne la nécessité de le soutenir. Certes, les bénévoles ne travaillent pas pour l'argent, on l'aura bien compris, mais il arrive dans certains cas que des responsables touchent de petites sommes, des indemnités qui, s'additionnant, peuvent provoquer le passage à un taux supérieur d'imposition au moment de la déclaration fiscale, ce qui, vous en conviendrez, n'est pas le meilleur système pour encourager les bénévoles à s'annoncer.

La résolution est claire: pour éviter cette situation, elle propose à l'Assemblée fédérale d'une part de modifier la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct afin de permettre une exonération des indemnités de bénévolat jusqu'à concurrence de 5000 F, comme c'est le cas pour les pompiers, d'autre part une révision de la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes - la LHID - qui devrait permettre aux cantons de fixer librement un montant d'exonération pour les activités bénévoles. Depuis lors - il y a deux ans que cette résolution a été déposée - et après réflexion, nous nous sommes dit, c'est-à-dire ceux qui sont à l'origine de cette résolution, qu'avant de la renvoyer à l'Assemblée fédérale, il vaudrait la peine de bien en examiner l'argumentation, de vérifier - nous n'avions pas pu le faire il y a deux ans - l'état actuel du bénévolat dans notre canton ainsi que d'effectuer une comparaison avec d'autres cantons suisses, de façon que...

La présidente. Vous êtes sur le temps de votre groupe.

M. Gabriel Barrillier. Oui, merci. ...de façon que cette résolution soit solide. C'est la raison pour laquelle je vous propose de renvoyer cette résolution à la commission fiscale pour vérification. Je vous remercie.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes bien entendu d'accord en ce qui concerne le bénévolat - je parlerai plutôt de volontariat parce que le bénévolat, par définition, n'est pas rémunéré - et la nécessité de le stimuler, de le soutenir, que ce soit dans des secteurs aussi variés que le sport ou le social. En revanche, un problème se pose en termes fiscaux. Ce n'est pas un sujet nouveau, vous faites même référence dans le texte à son évocation au Conseil des Etats: sauf erreur, il s'agissait de la motion Moret, qui avait été largement refusée par 10 non et 2 abstentions.

Si on se cantonne au domaine fiscal uniquement, alors on parle ici de mesures d'allègement qui répondent quand même à des lois fédérales comme la LHID. A l'époque, il avait été décidé que tous les indicateurs s'agissant du soutien au bénévolat n'étaient pas pertinents et ne répondaient notamment pas au problème soit économique soit social ou sociétal substantiel, ce qui signifie que la mesure qu'on demande, soit une diminution sur la fiscalité, ne permettait pas d'éliminer une partie substantielle du problème et n'était pas plus favorable que d'autres mesures qu'on aurait pu prendre pour soutenir le volontariat. Ce refus de la motion fédérale partait de l'idée que toutes les conditions n'étaient pas réunies pour pouvoir l'accepter, que ça posait de vrais problèmes en termes de progressivité du barème - la diminution aurait été plus effective pour les hauts revenus - et que ça ne résolvait pas...

La présidente. Il vous reste trente secondes.

Mme Lydia Schneider Hausser. ...le problème de la simulation des revenus inférieurs au barème. Voilà, ce texte avait été refusé en raison de toutes ces conditions fiscales. De fait, je vous rejoins - nous, au PS, vous rejoignons: il est indispensable de passer par la commission fiscale afin de ne pas juste refaire un bis repetita de la motion fédérale et peut-être trouver encore des éléments autres que fiscaux. Il faut soutenir l'implication conséquente des gens dans le volontariat.

Présidence de M. Jean-Marc Guinchard, président

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe des Verts soutiendra le renvoi de cette résolution en commission. En effet, il nous semble qu'il y a passablement de choses à étudier et vérifier avant de la voter. Je voudrais simplement rendre son auteur attentif à ceci: vous courez à nouveau le risque de perdre des contribuables et d'augmenter encore la masse des citoyens qui ne paient pas d'impôts à Genève ! Merci.

Mme Geneviève Arnold (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution traite d'un sujet cher aux collectivités publiques et aux personnes qui en bénéficient: le bénévolat. Cette tâche noble consistant à accomplir une activité sans être rémunéré, sans y être obligé, à titre gracieux, est précieuse au sein de nombreuses associations, et je tiens à relever que ce type d'investissement personnel permet justement à de nombreuses personnes et structures de continuer à exister en bénéficiant d'un savoir-faire, de compétences ou tout simplement de temps offert. Le bénévolat permet aux gens d'accéder à des prestations, des loisirs, des apprentissages, des activités multiples, qu'elles soient culturelles, sportives, en faveur d'aînés, à des prix souvent très modiques voire gratuites. Source de satisfaction intense pour les personnes qui le pratiquent, il favorise des moments de rencontre si importants en ces périodes où l'isolement social est très présent et apporte un réel salaire moral. Faut-il rappeler que le salaire du bénévole, c'est le sourire, c'est le bien-être ressenti par celui qui en bénéficie, c'est la satisfaction personnelle suite à un certain don de soi ? Sans bénévoles, les collectivités publiques devraient assurer des tâches qui seraient bien plus coûteuses en engageant du personnel qualifié avec des actions moins personnalisées et certainement moins diversifiées. La richesse du milieu associatif n'est plus à démontrer.

Mais, il est vrai, l'activité volontaire est parfois rémunérée de façon modeste. Ainsi, dans le cas où une rémunération devait venir en appui aux bénévoles, qu'elle soit financière ou en nature - pensons aux samaritains, toujours présents dans les manifestations ou aux entités sportives qui engagent des entraîneurs - il nous apparaît totalement injustifié que celle-ci soit soumise à la fiscalité alors que l'apport personnel, lui, ne se décompte pas. De plus, l'imposition fiscale serait un frein réel pour toute nouvelle personne disponible souhaitant apporter son appui et intégrer une association communale sujette à indemnités personnelles. Le renouvellement des actifs deviendra bien difficile, donc ne décourageons pas ces troupes et ne cassons pas cette belle branche qui sait si bien répondre aux besoins de notre population par générosité et altruisme. Aussi le PDC, convaincu du bien-fondé de cette proposition de résolution, préconise-t-il son renvoi en commission afin de poursuivre son étude.

M. Stéphane Florey (UDC). Sur le fond, nous sommes entièrement d'accord avec cette résolution, et je salue d'ailleurs l'initiative de notre collègue Gabriel Barrillier. Simplement, nous avions un doute - et nous l'avons toujours - s'agissant de la forme. Il me semble qu'il y a une distinction à opérer - et on sent bien, d'après certaines interventions, que ce n'est pas clair pour tout le monde - entre bénévolat et volontariat. En effet, en principe, le bénévole ne touche rien alors que le volontaire, lui, peut percevoir une indemnité. Il est donc intéressant de renvoyer cette résolution en commission déjà rien que pour éclaircir ce point puis pour déterminer s'il n'y a pas quelque chose à modifier ou à moduler dans l'invite. Sur le fond, nous aurions été prêts à la renvoyer directement au Conseil d'Etat puisque nous sommes entièrement d'accord; mais il est vrai qu'il y a peut-être quelque chose à changer sur la forme, et c'est pour cela que nous soutiendrons bien évidemment le renvoi de cette résolution à la commission fiscale. Je vous remercie.

M. Pierre Vanek (EAG). Bien sûr, nous ne nous opposerons pas au renvoi de cette résolution à la commission fiscale afin de discuter plus abondamment et sérieusement de cette question. Cela dit, a priori, le bénévolat est une activité non rétribuée et cette non-rétribution n'est pas soumise à impôts - je m'en félicite, je soutiens cette idée. Mais si on commence à considérer qu'on rémunère des activités, elles cessent, par définition simple, de relever du bénévolat, et donc la référence à l'article constitutionnel qui stipule qu'il faut encourager le bénévolat me semble discutable... Mais nous en parlerons à la commission fiscale.

D'autre part, on a pu entendre deux ou trois choses inquiétantes, notamment de la part de Mme Arnold, je crois, qui disait que les bénévoles étaient éminemment utiles dans un certain nombre de domaines parce que, sans eux, on serait obligé d'engager du personnel qualifié dans le secteur public pour accomplir des tâches. Eh bien il y a pour nous un réel problème quand on commence à vouloir, à l'aide de bénévoles - et de bénévoles qui cessent de l'être puisqu'ils commencent à être rétribués avec une défiscalisation de cette rétribution, ce qui est d'ailleurs demandé ici - remplacer du personnel qualifié dans le secteur public. Il y a toute une série de problèmes avec cette résolution, laquelle n'emporte pas notre enthousiasme mais n'appelle pas non plus notre opposition quant à son renvoi en commission.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Je suis, moi aussi, extrêmement favorable à l'idée de renvoyer cette résolution à la commission sociale...

Une voix. Fiscale !

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Fiscale, pardon ! Par contre, je voudrais bien, puisqu'on est en train de définir le rôle et éventuellement le statut des volontaires et des bénévoles, que l'on puisse introduire une réflexion sur la place des proches aidants qui, à un très haut pourcentage de temps, remplacent du personnel qualifié auprès de personnes atteintes dans leur santé, principalement sur le plan cognitif. Serait-il possible de mener également cette réflexion ? Je crois savoir qu'une motion sur les proches aidants a été déposée; à ce moment-là, on pourrait revoir aussi la question de leur rémunération telle qu'évoquée pour les bénévoles. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je prends brièvement la parole... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...ne serait-ce que pour dire la reconnaissance du Conseil d'Etat à l'endroit de toutes celles et tous ceux qui s'engagent quotidiennement sans compter leur temps au bénéfice de leur prochain dans des activités bénévoles, au sein d'un tissu associatif qui est d'une richesse extraordinaire dans notre canton. Le Conseil d'Etat leur exprime ici toute sa gratitude.

Cette proposition mérite une analyse soutenue, et j'ai d'ailleurs demandé à mes services, c'est-à-dire à l'administration fiscale, d'examiner les choses de près parce que cela crée tout de même un certain nombre de problématiques. Vous savez, quand on parle de fiscalité, on pense aussi à l'égalité de traitement, par exemple au fait que des bénévoles qui seraient indemnisés et d'autres qui ne le seraient pas risqueraient de ne pas être traités fiscalement de la même manière, ce qui pose un petit problème. Des réflexions ont été menées au sein de l'administration fiscale cantonale, que nous partagerons volontiers... (Brouhaha.)

Le président. Excusez-moi, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ça ne va pas ! Je vous demande de respecter les interventions des membres du Conseil d'Etat et de faire silence, s'il vous plaît. Poursuivez, Monsieur.

M. Serge Dal Busco. ...en commission, ce d'autant plus que cette résolution, telle qu'elle est conçue, s'adresse au Parlement fédéral. Or, comme vous le savez, le canton de Genève est de loin - de très loin ! - celui qui a adressé le plus grand nombre de résolutions auprès des Chambres, ce avec un succès tout à fait relatif, et, s'il s'agit de renvoyer un texte aux Chambres fédérales, il faudrait donc qu'il soit conçu et rédigé de manière absolument impeccable, faute de quoi le sort qui lui sera réservé risque de nous décevoir. Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat est tout à fait d'accord avec ce renvoi en commission. Merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi de cet objet à la commission fiscale, que je mets aux voix.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 766 à la commission fiscale est adopté par 90 oui contre 1 non et 4 abstentions.