République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

La séance est ouverte à 18h, sous la présidence de M. Jean-Marc Guinchard, président.

Assistent à la séance: MM. Serge Dal Busco et Mauro Poggia, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anne Marie von Arx-Vernon, Beatriz de Candolle, Roger Deneys, Stéphane Florey, Lionel Halpérin, Serge Hiltpold, Frédéric Hohl, Carlos Medeiros, Bénédicte Montant, Philippe Morel, Pierre Ronget et Eric Stauffer, députés.

Députés suppléants présents: Mme et MM. Maria Casares, Christian Decorvet, Patrick Dimier, Patrick Hulliger, Jean-Charles Lathion, Patrick Malek-Asghar, Charles Selleger et Alexandre de Senarclens.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 11504-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Thierry Cerutti, Pascal Spuhler, Sandra Golay, Henry Rappaz, Jean-François Girardet, Jean Sanchez, Ronald Zacharias, Marie-Thérèse Engelberts, Francisco Valentin, Stéphane Florey modifiant la loi générale sur les contributions publiques (LCP) (D 3 05) (Abolir l'impôt sur les chiens)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 22, 23 et 29 janvier 2015.
Rapport de majorité de M. Vincent Maitre (PDC)
Rapport de première minorité de M. Stéphane Florey (UDC)
Rapport de deuxième minorité de M. Thierry Cerutti (MCG)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous traitons le PL 11504-A en catégorie II, cinquante minutes. Je vous informe que le rapporteur de première minorité, M. Stéphane Florey, est remplacé par M. Christo Ivanov. Je cède la parole au rapporteur de majorité, M. Vincent Maitre.

M. Vincent Maitre (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce sujet a déjà été traité de nombreuses fois ainsi que voté par le peuple. Ce nouveau projet de loi méconnaît un principe fondamental qui est tout simplement celui de l'intérêt public, tant on sait que les déjections canines génèrent un coût qu'il convient d'assumer notamment par le biais de l'impôt. On voit bien l'intérêt plutôt privé que défend le premier signataire de ce projet de loi. Il est finalement à son image: inutile et absurde. (Rires. Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Un peu de silence, s'il vous plaît ! La parole est au rapporteur de première minorité ad interim, M. Christo Ivanov.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, une fois de plus, les opposants à l'abrogation de l'impôt sur les chiens nient l'importance de la place du chien dans notre société. En effet... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président. ...posséder un chien permet à certaines personnes de conserver un lien social et une ouverture vers l'extérieur; sans animal de compagnie, elles ne sortiraient tout simplement plus de chez elles. C'est pourquoi la minorité que je représente vous demande d'accepter ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.

M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de deuxième minorité. J'entends bien que lorsqu'une personne utilise la voie publique ou obtient des prestations de l'Etat, elle devrait être soumise à un impôt particulier. On a parlé de déjections canines... Je rappelle tout de même que, dans notre société, un nombre considérable de personnes dont les besoins ne sont pas fondamentaux et d'activités qui ne représentent pas des priorités étatiques perçoivent des prestations de manière directe ou indirecte de l'Etat - je pense notamment aux cyclistes et à toutes les infrastructures développées pour eux: bandes cyclables, parkings pour vélos, etc. Etonnamment, les cyclistes ne paient pas d'impôt pour pratiquer leur activité. Partant, il est assez indécent de constater qu'un propriétaire de chien, qui lui est un contribuable dans la mesure où il verse un impôt, n'a pas le droit de bénéficier d'une prestation en contrepartie.

Un propriétaire de chien participe à la vie économique de notre canton de par l'acquisition de l'animal, pour commencer, de par la nourriture qu'il achète et les soins qu'il lui prodigue. Je rappelle aussi que lorsqu'on parle d'un chien, on ne parle pas d'un objet; d'ailleurs, ce sujet est régi par la loi fédérale, qui stipule que les animaux ont des droits. Je souligne également que le chien est le seul animal à être soumis à une contribution fiscale aujourd'hui, contrairement au chat, au cheval, à la vache ou à tout autre animal. Enfin, être propriétaire de chien signifie aussi être responsable, notamment dans le cadre de la vie sociale, le chien apportant un bien-être à des gens vivant seuls, par exemple certaines personnes âgées. Il y a donc un intérêt public voire médical suivant les cas - on pourrait citer un nombre important d'études qui expliquent le rôle prépondérant que joue le chien au sein de la société. Dès lors, il n'y a pas de raison d'être prétérité si on fait le choix d'en adopter un. Je ne me rabaisserai pas aux insultes du rapporteur de majorité car je pense que lorsqu'il parle de déjections canines, il fait allusion à sa propre image.

M. Yvan Zweifel (PLR). Quelle ambiance, Monsieur le président !

Une voix. Quelle ambiance, oui !

M. Yvan Zweifel. Ce point de l'ordre du jour nous permet, Mesdames et Messieurs les députés, de traiter de la troisième réforme de l'imposition canine... (Rires.) ...et c'est très bien ainsi !

Une voix. Bravo !

M. Yvan Zweifel. J'essaie de détendre un peu l'atmosphère... (L'orateur rit.) ...vous ne m'en voudrez pas ! (Commentaires.)

Plus sérieusement, le groupe PLR rejoint évidemment les considérations de l'auteur de ce projet de loi et du rapporteur de première minorité quant à l'importance sociale que peut revêtir un chien pour les uns, voire à la nécessité pour les autres d'en posséder un, ne serait-ce que pour leur sécurité ou d'autres raisons encore. Néanmoins, Mesdames et Messieurs, faisons un peu de sémantique: il convient de se demander si, quand on parle d'impôt sur les chiens, on parle vraiment d'un impôt. A titre personnel, je ne le pense pas, et c'est la différence entre un impôt et une taxe. Un impôt, comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, est prélevé chez à peu près tout le monde et redistribué aux plus démunis ou utilisé pour des prestations générales offertes par l'Etat à sa population; une taxe, quant à elle, est perçue sur une substance fiscale particulière - enfin, j'ignore si on peut parler de substance fiscale s'agissant d'un chien, mais disons en tout cas sur un élément fiscal particulier - afin de donner des moyens à l'Etat ou aux communes pour couvrir les frais engendrés par ce même élément.

D'ailleurs, le MCG avait déjà proposé cette abolition de l'impôt sur les chiens, c'est-à-dire du centime additionnel communal, dans différentes communes dont la mienne, Onex. Nous avons donc déjà eu ce débat, et il a été intéressant de poser la question suivante: combien coûtent, en termes de voirie, de sécurité ou d'autres aspects encore, les dégâts ou les déjections canines sur l'espace public ? On a calculé que le coût engendré équivalait exactement à la taxe qu'on appelle impôt sur les chiens. Aussi ne s'agit-il pas réellement ici d'un impôt mais bel et bien d'une taxe, prélevée pour couvrir les frais engendrés par l'élément en question, à savoir le chien.

Le PLR vous propose de rejeter ce projet et de suivre le rapporteur de majorité, non pas que nous soyons contre les baisses d'impôts, vous savez que c'est l'inverse, mais parce que nous considérons qu'il s'agit ici d'une taxe. Quant à ceux qui, par hypothèse, viendraient me parler de la TVA, soit la taxe sur la valeur ajoutée, sachez qu'il ne s'agit dans ce cas-là justement pas d'une taxe mais d'un impôt. C'est un problème de sémantique car d'un point de vue juridique et fiscal, nous ne parlons pas ici d'un impôt mais bel et bien d'une taxe, et je crois qu'il faut la conserver car elle permet au canton et aux communes de répondre exactement aux frais engendrés par les chiens. Je vous remercie.

M. Romain de Sainte Marie (S). C'est vrai qu'il ne faut pas sous-estimer l'importance... (Commentaires.) Merci, Monsieur Zacharias. Il ne faut pas sous-estimer l'importance des chiens pour beaucoup de personnes, comme cela a été rappelé, ni négliger la dimension sociale que peuvent apporter ces animaux de compagnie. Par contre, et je pense qu'il faut le souligner dans ce débat, les chiens reconnus d'utilité publique ou ceux d'assistance, par exemple pour les personnes handicapées, sont déjà exonérés de l'impôt. Par conséquent, le fait de posséder un chien relève du choix et de la liberté individuels, comme pour toute autre chose: avoir une télévision, payer la redevance Billag, autant d'éléments qui relèvent du choix personnel. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il a également été mentionné, et il me semble très important de le répéter, que les chiens génèrent un certain coût pour la collectivité, notamment leurs déjections: il s'agit d'un véritable problème dans nos villes, qui coûte cher en termes de nettoyage et d'infrastructures.

Il est tout de même assez piquant de relever - même si je reconnais le rôle social que peut jouer un animal de compagnie tel le chien - que le MCG, premier signataire de ce projet de loi, vise d'un côté à exonérer les propriétaires de chien et donc à effectuer une baisse de 3 millions de francs dans les recettes fiscales du canton et, de l'autre, sous prétexte de manque à gagner pour l'Etat, coupe dans les prestations sociales pour les personnes les plus faibles - je pense notamment au subside d'assurance-maladie ou au complément d'intégration à l'aide sociale. Il est donc très surprenant de constater que, d'un côté, pour des raisons sociales, on supprime des recettes et, de l'autre, pour des raisons économiques, on supprime des prestations.

Vous me permettrez enfin, Monsieur le président, de faire la remarque suivante: débattre pendant cinquante minutes sur l'imposition des chiens, dans un contexte financier relativement délicat - même si, c'est vrai, cela concerne beaucoup de personnes et que les sommes en jeu ne sont pas négligeables, il en va de 50 F à 100 F - alors qu'hier, nous n'avions que trente minutes pour discuter de la progressivité de l'impôt et du bouclier fiscal, qui ont tout de même des impacts beaucoup plus importants sur les finances et l'économie de notre canton, je trouve que c'est déséquilibré: il y a une certaine disproportion dans ce Grand Conseil en matière de débat.

Une voix. C'est vrai !

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons tous des notions d'importance différente: primordiale, non primordiale, essentielle, non essentielle... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il n'en demeure pas moins, et je réponds ici à mon préopinant, que l'une des grandeurs de la démocratie consiste peut-être justement à s'occuper des petites gens, ceux qui n'ont pas vraiment voix au chapitre, et je pense que les propriétaires d'un animal de compagnie en font partie. Je me sens à l'aise pour en parler parce que je n'en possède pas, je fais partie de ceux qui, parfois, pestent parce qu'ils marchent dans un excrément sur un trottoir, même s'il y en a de moins en moins.

Mais j'aimerais attirer votre attention sur un autre sujet, qu'on essaie timidement d'aborder mais à propos duquel personne n'ose y aller frontalement: parmi les personnes qui ont un chien, et ça devrait davantage toucher la gauche que nos bancs, beaucoup vivent dans une certaine précarité sociale. En effet, je vois peu de nantis promener leur chien en Mercedes, Rolls-Royce ou autre véhicule de luxe, ou alors c'est une espèce de petit truc qui est tout juste bon à être mangé ! Je peux le dire, même si je suis de l'UDC - puisqu'on m'étiquette quelquefois uniquement ainsi - car j'habite dans le quartier populaire des Palettes, où résident beaucoup de petites gens, et je remarque le nombre de personnes âgées qui possèdent un chien, le sortent, s'en occupent le soir.

J'ai apprécié le discours de mon préopinant PLR tout à l'heure, qui nous a fait toute une digression sémantique sur les moyens plus ou moins honnêtes que déploie l'Etat pour nous faucher de l'argent; en définitive, qu'il s'agisse d'une taxe, de la TVA ou d'un impôt, le but est quand même de prélever un supplément. Pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, face à ce genre de projet de loi - certes peu important, comme le disait mon préopinant socialiste - on devrait plutôt s'intéresser à un phénomène extraordinaire propre au XXIe siècle: l'Etat, quel qu'il soit, c'est-à-dire sans doute nous puisque nous en sommes les auteurs, s'amuse à séquencer notre vie, à l'analyser, à la diviser pour déterminer si, sur chacun des minuscules brins de notre liberté, il n'y aurait pas une taxe, un impôt ou une redevance à prélever - je pense que là, on a affaire à de l'émotionnel. En ce qui nous concerne, le groupe UDC soutiendra ce projet de loi et vous demande de faire de même. Je vous remercie.

M. Ronald Zacharias (MCG). Contrairement à ce qu'on a pu entendre, Mesdames et Messieurs les députés, le sujet est grave et le débat se doit d'être fondamental. On ne peut pas vraiment être d'accord avec la qualification qu'a faite M. Zweifel de cet impôt en disant qu'il s'agit d'une taxe sous prétexte qu'il est équivalent au montant des perceptions. Il y a une différence entre ces deux contributions publiques: la taxe est affectée à 100% au coût social tandis que l'impôt fonctionne différemment, il peut être utilisé de diverses manières voire d'une manière non définie au départ. Mais surtout, ce qui en fait l'énorme différence d'avec la taxe - raison pour laquelle la gauche, dans son intégralité, va évidemment soutenir ce projet de loi - c'est qu'un impôt dépend de la capacité contributive. C'est ça, la justice sociale; c'est ça, la justice fiscale. Dès lors qu'il s'agit bel et bien d'un impôt, le principe de la capacité contributive doit s'appliquer, faute de quoi il serait tout simplement injuste. C'est pour cette raison de principe uniquement qu'il convient de donner une suite favorable à ce projet de loi, et je vous en remercie.

Des voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai craint un instant que M. Zacharias ne nous propose un bouclier fiscal s'agissant de l'impôt sur les chiens; heureusement, il n'en est rien ! (Commentaires.) Plus sérieusement, je vous rappelle que ce parlement a travaillé pendant de nombreuses heures d'abord sur la création de l'impôt sur les chiens, puis sur une loi sur les chiens, notamment à la commission de l'environnement, et que ces deux projets sont ensuite passés devant la population genevoise qui, à une majorité extrêmement confortable, a accepté la création de cet impôt. Je trouve donc un peu fort de café de revenir sur le sujet quelques années après - on a voté il n'y a pas très longtemps - pour annuler une décision populaire. C'est la raison pour laquelle le groupe des Verts refusera l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie, Monsieur le président.

Mme Geneviève Arnold (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PDC ne remet nullement en question le rôle que joue l'animal de compagnie pour l'humain. En effet, que l'on soit enfant, adulte ou aîné, sain ou malade, l'animal constitue un appui indispensable dans de nombreux cas de figure et pour beaucoup de familles. Cependant, on ne doit pas oublier le coût que représentent les déjections canines pour les collectivités publiques, qui se doivent d'être attentives aux normes de sécurité, de prévention et de nettoyage, notamment dans les parcs ou à proximité des écoles et des institutions de la petite enfance. Tout ceci a un coût, également lié à la présence d'APM sur le territoire.

Je prendrai l'exemple de la commune de Plan-les-Ouates, que je connais bien: une campagne avait été lancée il y a une dizaine d'années par le service de l'environnement et des espaces verts, qui consistait à déposer des fanions dotés d'un logo sympathique - une petite taupe - sur les déjections canines. Cela aurait dû être une campagne unique pour que la population se montre par la suite davantage respectueuse de l'espace public; eh bien non, cette campagne est réitérée régulièrement, au minimum tous les deux ans, et on constate que ce n'est pas une question de personnes à faible, moyen ou haut revenu, c'est la population tout entière qui est concernée. L'impôt sur les chiens correspond à une responsabilité que tout détenteur doit assumer, donc nous souhaitons conserver cet impôt et nous refuserons évidemment de le supprimer.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme Danièle Magnin pour trois minutes quarante et une secondes.

Mme Danièle Magnin (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président, je ne serai pas longue. D'abord, Mesdames et Messieurs, je voudrais tous vous informer que j'ai réussi mes examens: je suis éducatrice canine diplômée aux niveaux fédéral et cantonal... (Applaudissements.) ...en plus de toutes mes autres casquettes ! Par conséquent, j'ai évidemment eu le temps d'étudier la loi fédérale sur la protection des animaux ainsi que la loi genevoise sur les chiens, et j'aimerais vous dire que ce n'est pas un impôt qui va couvrir les frais liés aux déjections. On croise bien des gens dans la rue qu'on regarde de façon réprobatrice lorsqu'ils ne ramassent pas les crottes de leur chien, et ceux-ci répondent: «Ah, mais je paie un impôt, donc j'ai le droit de salir !» De la même manière, ceux qui possèdent une grosse cylindrée bien polluante vous diront: «Je paie beaucoup d'impôts, donc j'ai le droit de polluer !» Ceci même s'ils font crever leurs voisins !

Non, l'impôt ne sert pas à empêcher les gens de salir; ce qui les contraint à ramasser les déjections, ce sont des amendes salées, et je suis pour les contraventions lorsque les propriétaires de chien détériorent le domaine public, ce qu'ils n'ont absolument pas le droit de faire. Cependant, le simple fait de posséder un chien ne doit pas engendrer un impôt, tout comme le fait d'en avoir deux, trois ou quatre ne doit pas faire augmenter cet impôt, c'est une sottise. La manière dont on a présenté les choses, en particulier vers 2004-2005, a mené à la diabolisation des chiens alors que ce sont certains maîtres qu'il convient de diaboliser. Frapper l'ensemble des détenteurs de chien d'un impôt est parfaitement injuste, je dirais même immoral. Je vous remercie.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas répéter tout ce qui s'est dit mais juste rappeler que cette loi sur les chiens ainsi que la taxe qui a été instaurée découlaient de toute une réflexion menée par le parlement quant aux événements catastrophiques qui ont eu lieu en Suisse et à Genève - je pense aux agressions - et à la difficulté à gérer le parc canin en général. Je crois qu'on ne doit pas l'oublier parce que cet impôt non seulement permet d'obtenir une médaille, un suivi des vaccins et des cours de sensibilisation ou d'éducation canine pour les propriétaires, mais introduit également une progressivité de l'impôt s'agissant des grands chiens ou du nombre qu'on en détient.

Cette progressivité a été mise en place dans le but de ne pas créer de meutes, ainsi qu'on a pu en voir à certains moments, qui ont conduit à des problèmes assez graves comme des agressions d'enfants et autres incidents. Pour toutes ces raisons, je pense qu'il est un peu expéditif de vouloir simplement abolir l'impôt sans se poser les questions qui ont été évoquées dans notre parlement, et cela n'empêche pas toute personne d'adopter un chien et de bien s'en occuper, tout en laissant ceux qui n'en ont pas bien vivre à Genève. L'impôt permet cette cohabitation de même que la sécurité et la propreté au sein de notre république, ce qui fonctionne assez bien pour l'instant. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG), député suppléant. Merci à M. Zweifel de nous avoir rappelé tout l'intérêt du débat sur la race canine, ce qui lui a permis de proférer des phrases incisives ! Malheureusement, elles ne sont pas tout à fait décisives dans notre discussion. Le second intérêt de ce débat est qu'il oppose un rapporteur à son maître, histoire de nous rappeler quelques belles scènes de chasse parlementaire !

Pour ce qui est de la taxe, n'oublions pas que celle-ci a été soigneusement planquée au milieu d'un vote de panique sur un vrai problème, à savoir le danger que représentaient les molosses. Le peuple, dans sa grande sagesse, a voulu contrer ce risque et a fait un choix en préférant interdire les molosses et réglementer leur détention, et tant pis pour la taxe. Mais dans cette majorité, les petits n'ont peut-être pas eu la voix qu'ils méritaient. Quant aux dépenses qu'occasionnent les chiens et qui justifieraient un impôt, c'est un peu comme le prince Jean: la taxe justifie tout, même le départ à la guerre. Or on ne nous dit pas qu'en parallèle, on fait rouler des vélos sans aucune taxe et que les frais que ceux-ci occasionnent sont autrement plus élevés.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et donne la parole à M. Francisco Valentin, qui dispose encore d'une minute.

M. Francisco Valentin (MCG). Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas répéter tout ce qui a déjà été dit. J'aimerais revenir sur la commune de Plan-les-Ouates, dont l'exemple a été évoqué et que je connais particulièrement bien également: celle-ci dispose d'un budget annuel de 57 millions de francs avec, en moyenne, 9 à 10 millions de boni, soit de résultat excédentaire, chaque année. Il s'agit de l'une des dernières collectivités à pratiquer l'imposition maximale sur les chiens, c'est-à-dire que la taxe, qui est en fait libellée comme un impôt, est doublée et rapporte 22 000 F par année. A mon avis, c'est simplement une moquerie absolue, et les gens que je croise dans cette commune me disent tous la même chose: «On verse des impôts pour la voirie, on paie de tous les côtés et, en plus de ça, on doit encore s'acquitter d'une taxe sur les chiens et ramasser les excréments !» Mon préopinant m'a volé la conclusion s'agissant des vélos; je voudrais en effet bien savoir combien paient les cyclistes pour l'élimination de leur bécane quand celle-ci est pourrie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je suis navré, Madame Magnin, mais le temps de parole de votre groupe est épuisé. La parole revient au rapporteur de deuxième minorité, M. Thierry Cerutti.

M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. On a parlé de la fameuse nouvelle loi votée par le peuple il y a quelques années; je vous rappelle quand même qu'on n'a pas instauré de taxe particulière puisque cette taxe a toujours existé, on a simplement réajusté les tarifs et rendu l'impôt progressif en fonction du nombre de chiens. Le peuple n'a donc pas voté de taxe spécifique mais a décidé de légiférer sur les chiens dits dangereux, ceux qui sont admissibles et ceux qui ne le sont pas. Mais surtout, il a voté une loi permettant de réglementer l'acquisition d'un chien grâce à des cours et à des formations aux futurs propriétaires suivant les races, ce qui permet également de sociabiliser les chiens. C'est donc un mensonge de dire qu'on a voté sur une taxe puisqu'elle a toujours existé.

Maintenant, à vous entendre lorsque vous parlez de déjections canines, j'ai l'impression que les voiries, qu'elles soient cantonales ou communales, sont créées uniquement pour nettoyer les crottes de chien. C'est une absurdité totale: la voirie travaille pour maintenir nos chemins, nos rues et notre environnement propres, que les déprédations soient causées par un chien ou par l'humain - et c'est bien plus souvent ce dernier qui crée des problèmes. Alors venir prétendre que cette taxe permet de payer la voirie constitue un deuxième énorme mensonge puisque la voirie, qu'il y ait des chiens ou pas, serait là de toute façon et aurait exactement le même coût, elle ne coûterait ni plus ni moins avec ou sans les chiens. Il s'agit là d'une deuxième hérésie qui a été prononcée au sein de cet hémicycle.

La troisième chose que j'aimerais rappeler à nos collègues PLR, c'est qu'on a eu un débat sur la mobilité il n'y a pas si longtemps, qui a d'ailleurs été fort long et fort houleux, dans le cadre duquel tout le PLR s'est offusqué d'apprendre qu'on allait taxer les motocyclistes...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Thierry Cerutti. Oui ! Vous trouviez scandaleux qu'on crée une taxe pour les motocyclistes et qu'ils doivent participer financièrement aux infrastructures que l'Etat réalise pour eux, notamment les places de parking et des accès à divers endroits, vous avez été offusqués par cette taxe et on l'a donc supprimée. Dès lors, je ne comprends pas cette incohérence: si vous avez une théorie sur la taxe des parkings et que vous êtes contre, vous devriez suivre la même réflexion concernant l'impôt ou la taxe sur les chiens.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Saudan, c'est à vous pour une minute vingt-quatre.

M. Patrick Saudan (PLR). Ce sera amplement suffisant, Monsieur le président, merci. Excusez-moi de m'immiscer dans ce débat, je ne voulais pas du tout intervenir mais la hargne de mes préopinants du MCG contre les vélos m'a un petit peu interpellé. J'aimerais simplement dire à M. Patrick Dimier que les chiens représentent un intérêt pour la santé publique et que je suis pour qu'on propage l'usage des animaux de compagnie parmi les personnes âgées parce que cela permet d'augmenter leur mobilité et que c'est un très bon moyen de lutter contre la sédentarité. Quand on prend en charge les coûts induits, que ce soit par les chiens ou par les vélos, il faut penser aux bénéfices en termes de santé publique: il y en a certes pour les chiens, mais ceux générés par la pratique du vélo sont énormes, et je peux vous dire que la société aurait tout à gagner à ce que les gens fassent davantage de vélo. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Je voudrais juste clarifier un élément qui a été mentionné mais qui n'est pas tout à fait correct. On nous a dit que le peuple avait voté conjointement l'interdiction des chiens dangereux et la taxe, ce n'est pas juste: on a accepté la taxe et la loi sur les chiens en décembre 2007, et l'initiative sur les chiens dangereux est venue par la suite, en février 2008, donc ça n'a rien à voir. Je vous remercie, Monsieur le président.

Une voix. Exactement !

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité ad interim. J'aimerais juste répondre à quelques commentaires de collègues députés, tout d'abord à M. Patrick Saudan - vous transmettrez, Monsieur le président: aujourd'hui, il y a des vélos électriques, donc les efforts physiques sont bien moindres, et on voit que même l'élite utilise des trucages électriques... (Exclamations.) ...donc on peut argumenter longtemps sur la question. Une préopinante du groupe des Verts a fait un reproche aux signataires de ce projet de loi en indiquant que le peuple avait déjà voté sur ce sujet; dont acte. Mais alors tous les projets de lois déposés par la gauche élargie sur la fiscalité, le bouclier fiscal, les baisses d'impôts, les 12% et j'en passe, ça ne gêne personne ! Je trouve qu'on se moque de la députation, il faudrait arrêter de se payer notre tête.

Pour revenir à ce projet de loi, je rappelle qu'il existe déjà un certain nombre d'exonérations s'agissant des chiens pour aveugles et handicapés et de ceux employés par la police ou pour le sauvetage en cas de catastrophe. Ces exonérations existent déjà, et ce projet de loi vise simplement à les étendre à toutes et tous. C'est pourquoi la minorité de la commission vous demande d'accepter ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, pardonnez-moi de prolonger encore ce débat, je serai extrêmement bref. Le Conseil d'Etat reconnaît évidemment le rôle éminemment social d'un animal de compagnie, mais le fait de détenir un chien a un coût avéré, et il est parfaitement normal d'exiger une contribution de la part des propriétaires. Au demeurant, cette contribution est modeste, même très modeste en regard des frais engendrés par l'animal... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...pour sa détention - je pense notamment à la nourriture, à l'entretien, etc. Finalement, Mesdames et Messieurs, le peuple considère - a considéré - qu'il s'agit d'un dispositif parfaitement équilibré puisqu'il l'a approuvé à une écrasante majorité. Je m'arrêterai là, Mesdames et Messieurs, en vous précisant qu'il faut bien entendu, selon le Conseil d'Etat, refuser ce projet de loi. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'ai le plaisir de saluer à la tribune un groupe de l'Université ouvrière de Genève accompagné de M. Claude Gerber, responsable de formation, qui vient nous rendre visite dans le cadre d'un cours sur le système politique. Bienvenue ! (Applaudissements.)

Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, je vous prie de bien vouloir voter sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11504 est rejeté en premier débat par 57 non contre 34 oui et 1 abstention.

PL 11539-A
Rapport de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers (LTrait) (B 5 15) (Dernier traitement)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 17 et 18 mars 2016.
Rapport de majorité de M. Alberto Velasco (S)
Rapport de minorité de M. Ivan Slatkine (PLR)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au point suivant de l'ordre du jour. Le rapport de majorité est de M. Roger Deneys, remplacé par M. Alberto Velasco, et le rapport de minorité est de M. Ivan Slatkine, remplacé par M. Cyril Aellen. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Monsieur Velasco, vous avez la parole.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je remplace à nouveau mon collègue Roger Deneys, rapporteur de majorité. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Mesdames et Messieurs, comme vous avez pu le constater, il s'agit d'un projet de loi déposé par le Conseil d'Etat, qui vise à supprimer le doublement du dernier salaire mensuel des fonctionnaires en fin de carrière. Lorsqu'un fonctionnaire arrive en fin de carrière et qu'il se retire à l'âge de la retraite, il reçoit comme marque d'estime, de considération et de reconnaissance pour le travail qu'il a effectué, un cadeau qui consiste à doubler son dernier salaire. C'est une tradition instaurée dans cette république depuis longtemps et le Conseil d'Etat, eu regard à la situation de notre république et au fait qu'il faut chercher à faire des économies, a présenté un projet de loi pour supprimer cette disposition.

Les socialistes et la majorité pensent que ces réformes devraient plutôt s'insérer dans le cadre du projet SCORE, dans le cadre d'une réforme générale des structures salariales, et non pas au coup par coup, en envoyant au Grand Conseil des projets de lois sans vision d'ensemble. Je crois, Monsieur le conseiller d'Etat, que le moment est maintenant venu que vous négociiez avec la fonction publique dans le cadre du projet SCORE d'une éventuelle restructuration des revenus ou des salaires, comme vous voulez l'appeler, et que ce soit dans le cadre d'un grand projet qui revienne à la commission ad hoc, comme il était prévu au début de la législature. En effet, à ce moment-là, le Conseil d'Etat nous avait indiqué qu'un projet de loi SCORE se négociait avec la fonction publique, qu'il tenait compte d'une série de facteurs et consistait à revoir la rémunération des fonctionnaires. C'est donc le moment de déposer ce projet de loi, de négocier avec la fonction publique, parce que vous êtes à deux ans de la fin de la législature et que vous aviez promis que ce projet serait discuté avant ce délai.

Mesdames et Messieurs, la commission dans sa majorité a estimé qu'il ne fallait pas entrer en matière sur ce projet de loi. Le rapporteur de majorité recommande donc de rejeter l'entrée en matière. Voilà, Monsieur le président, pour le moment, je n'ai plus rien à dire, si ce n'est que je reprendrai peut-être la parole plus tard.

M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Je commencerai par féliciter le rapporteur de majorité remplaçant. J'aurai l'occasion d'y revenir lorsque je reprendrai les procès-verbaux de la commission des finances, où la position socialiste est parfois ambivalente sur le sujet. Cela étant, j'entends les arguments avancés selon lesquels il faut traiter de ce sujet dans le projet SCORE, de façon globale, car on ne peut pas prendre les choses séparément. Admettons. Est-ce qu'on mène le même raisonnement lorsqu'on discute des augmentations d'impôts de façon toujours spécifique ? Une niche fiscale par-ci, une augmentation sensible par-là ? Non, jamais ! Ici, il s'agit d'un réflexe purement corporatiste qui va exactement à l'inverse de ce qui nous est prôné quotidiennement par la gauche: «Arrêtons les cadeaux à des catégories spécifiques de personnes !» En l'occurrence, il s'agit de fonctionnaires, alors c'est plus compliqué. «Arrêtons d'octroyer des privilèges !» Là, si on n'a pas affaire à un privilège, à quoi avons-nous affaire ? Pour moi, l'élément le plus important, qui est significatif de la position des groupes des bancs de gauche quand ils nous disent que la défense des salaires et des conditions des employés de la fonction publique équivaut à des prestations, c'est que dans ce cas, on défend un privilège, un cadeau pour des gens qui n'octroieront plus aucune prestation pour l'Etat. En réalité, on défend des cadeaux, des privilèges pour les siens.

M. Christo Ivanov (UDC). Le PL 11539 vise, vous l'aurez compris, à supprimer le doublement du dernier salaire mensuel versé à un collaborateur ou à une collaboratrice de l'Etat qui prend sa retraite. En commission, le groupe UDC avait voté l'entrée en matière sur ce projet de loi. Il est toutefois dérangé par ce qu'on peut appeler le fait accompli. Le groupe UDC aimerait que ceux et celles qui ont été engagés et qui ont droit à cette prime de départ la touchent et qu'elle ne soit supprimée que pour celles et ceux qui seraient engagés à partir du 1er janvier 2016. Notre groupe estime aussi que cette problématique devrait être traitée dans le cadre du projet SCORE - cela a été dit par mon préopinant Alberto Velasco - ce projet de loi que nous attendons depuis 2014. Nous nous rejoignons dans ce domaine. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC s'abstiendra sur cet objet. Je vous remercie.

M. Gabriel Barrillier (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, c'est une genevoiserie de plus ! D'ailleurs, vous avez lu dans le rapport sur ce projet de loi que Genève est le seul canton - je me place à ce niveau-là - qui accorde le doublement du dernier salaire lors du départ à la retraite. Dans une annexe que vous n'avez sans doute pas lue, on trouve une liste tout à fait intéressante: à la Confédération, aucun témoignage de reconnaissance, les collaborateurs offrent eux-mêmes la verrée de départ ! Dans le canton de Berne, c'est la même chose, en Valais aussi. A Genève, ce qui est intéressant, et il faut quand même le dire, c'est que le dernier salaire est doublé et qu'«un apéritif est offert selon une liste d'invités établie par le futur retraité. Le montant octroyé par personne est de 35 F pour un montant total de 1000 F au maximum. Le Conseil d'Etat offre un cadeau que le collaborateur peut choisir entre la montre, le stylo...» - Caran d'Ache, sans doute ! - «...ou le bon d'achat de livres. Valeur: entre 220 F et 250 F». A noter que «le bon d'achat de livres est rarement choisi» ! (Rires.)

Mesdames et Messieurs les députés, cette mesure - qui est une mesurette, on est bien d'accord - aurait permis d'économiser 1,5 million à 2 millions de francs. Mais vous savez, les petits ruisseaux font les grandes rivières ! Même cette mesure n'a pas trouvé de majorité à la commission ad hoc. Là, je me permets de faire un petit retour en arrière. J'ai eu l'honneur de présider la première séance de cette commission ad hoc en 2002. Eh bien, chers collègues, en... Combien ? Quatorze ans ? En quatorze ans, on n'a jamais produit une modernisation, une avancée dans le traitement de la fonction publique. Alors, vous me direz, SCORE... SCORE, on n'a encore rien vu ! J'aimerais quand même que vous ayez conscience - je ne parle pas de privilège, ici, mais des conditions exceptionnelles qui ont été accordées à l'époque pour différentes raisons. Mais je crois que maintenant, dans la situation où nous nous trouvons, nous devrions faire un petit effort, et je pense que la fonction publique serait d'accord de le faire. Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais juste rappeler à ceux qui sont là déjà depuis un certain nombre d'années, s'ils ont suivi l'actualité, que ce soit à Genève ou dans ce parlement, que contrairement à ce qui vient d'être dit, le statut de la fonction publique a été altéré à de multiples reprises et que les conditions de travail du personnel de la fonction publique ont été détériorées plusieurs fois. Je ne reviendrai pas sur ce sujet en détail, mais vous n'avez qu'à consulter le Mémorial et vous pourrez le constater.

Il n'y a pas de petites économies, dit-on, mais ce qui est sûr, c'est que certaines sont plus mesquines que d'autres, et celle-là en est une. Une de plus qui entre dans le florilège de toutes ces atteintes aux conditions salariales du personnel de la fonction publique et du secteur subventionné. Cela, en dépit de ce que vient d'affirmer M. Barrillier. En fait, cette diminution, et cela a été relevé à plusieurs reprises, ne s'insère absolument pas dans une réflexion globale sur une éventuelle révision qu'il faudrait mener des conditions salariales du personnel de la fonction publique. C'est pourquoi nous la refuserons encore aujourd'hui, comme nous l'avons refusée en commission.

Cela étant, sur la manière dont les travaux se sont déroulés, je tiens à dénoncer la volonté de certains députés et du Conseil d'Etat de vouloir traiter ce sujet à la hussarde et de vouloir opposer les usagers au personnel de la fonction publique, en nous disant que ce qui serait donné aux uns serait ôté aux autres. Je tiens à relever que quand on parle de toute une série de dépenses dans ce parlement, cet argument n'est pas relevé. Quand il s'agit de la fonction publique, c'est systématique: on n'a pas les moyens ou alors il faudra les enlever aux gens à qui s'adressent précisément les prestations publiques. Par ailleurs, soutenir que les conditions de travail dans la fonction publique sont très bonnes, excellentes, c'est soit faire preuve d'une méconnaissance crasse de la réalité du travail aujourd'hui dans ce secteur ou dans les institutions subventionnées et oublier l'impact des décisions politiques et financières qui se prennent dans ce parlement, soit faire mine de les ignorer, et cela, ce n'est pas honnête.

Enfin, je ne résiste pas au plaisir de relever un extrait du rapport de la commission qui dit, à propos de la précipitation qui était dénoncée - vous m'excuserez: «Un député PLR entend bien les propos de ses collègues. Maintenant, il y a nécessité que le canton ait un budget l'année prochaine. Il en va de son avenir.» Eh bien parlons de géométrie variable: je constate qu'en 2014, il était indispensable d'avoir un budget et qu'aujourd'hui, en avril 2016, on peut s'en passer ! A ceux qui, hier soir, nous disaient: «Mais c'est vous, dans vos rangs, qui avez refusé ce budget !», j'aimerais rappeler qu'ils l'ont également refusé et qu'il n'y a qu'une seule personne dans ce parlement qui l'a accepté. Alors oui, nous avons refusé le budget 2016 qui nous a été proposé, nous étions en désaccord avec son contenu et aujourd'hui, nous demandons un autre budget, et celui-là, nous l'attendons fermement. Je vous remercie de votre attention.

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Le parti démocrate-chrétien est très satisfait d'entendre que le parti socialiste sera prêt à revenir sur ce double salaire dans le cadre de l'étude du projet SCORE. Nous en prenons note. Concernant l'objet qui nous occupe aujourd'hui, le parti démocrate-chrétien votera l'entrée en matière sur un projet de loi qui vise à éliminer non seulement une genevoiserie - cela a été relevé par M. Barrillier - mais surtout un cadeau «arrosoir» qui ne vise absolument pas une certaine catégorie de fonctionnaires, mais qui octroie ce double salaire quel que soit le salaire de base ! Honnêtement, ce parlement s'est suffisamment plaint des mesures dites «arrosoir», il est donné là l'occasion d'en supprimer une, et je pense que ce serait une bonne occasion de le faire.

Par ailleurs, je ne peux pas résister - Monsieur le président, vous m'excuserez, vous transmettrez à Mme Haller - à l'envie de relever que son parti et bon nombre de partis en dehors du PLR et du PDC ont refusé d'étudier ce projet de loi en commission ! Déjà en commission ! Il n'était donc nullement possible, de toute façon, d'étudier le projet de budget 2016 dans le cadre de cette enceinte, en plénière, compte tenu de la manière dont avaient démarré les travaux autour de tous les projets de lois qui faisaient partie des mesures liées à ce projet de budget 2016 et de la manière dont les débats ont été menés. Soyons donc clairs: le PLR et le PDC ont voté l'entrée en matière sur le projet de budget 2016 pour l'étudier en commission. C'était par là qu'il fallait commencer. Je vous remercie, Monsieur le président.

Mme Frédérique Perler (Ve). Le groupe des Verts refusera ce projet de loi. En effet, comme cela a été précisé, c'est une mesure spécifique liée au projet de budget 2015 et il s'agit d'étudier et au moins d'évaluer les effets de cette suppression du doublement du dernier salaire dans le cadre du projet SCORE. Nous estimons qu'on ne peut pas, d'un revers de main, pour économiser 1,5 million à la veille du vote du budget, balayer, gommer de la sorte une pratique de l'Etat de Genève datant des années 60 et qui fait quand même partie de la rémunération. Nous pensons que sans une position argumentée et justifiée tant de la part du Conseil d'Etat que de la part de ce Grand Conseil, on ne va semer que crispation et énervement au sein de l'administration publique.

J'aimerais quand même relever que contrairement à ce qu'a dit M. Aellen, rapporteur de minorité, il ne s'agit pas d'un réflexe corporatiste, ni d'un privilège. Il est inscrit dans la loi et il n'est pas distribué à géométrie variable. Les Verts sont d'accord sur le fait que cela dépend du montant du salaire et que là, effectivement, il y a peut-être une inégalité. Mesure «arrosoir»: oui et non ! Elle est acquise pour tout membre de l'administration au moment où il arrive à la retraite. Il s'agit donc d'examiner cette suppression dans le cadre de tous les enjeux qui devraient s'inscrire dans le nouveau projet SCORE et d'éviter d'imposer des crispations à l'ensemble de l'administration. Je vous remercie.

M. Christian Dandrès (S). Ce n'est certes pas la réforme du siècle et je ne pense pas qu'elle mérite qu'on y consacre beaucoup de temps. Je voulais toutefois réagir aux propos de M. Aellen qui tout à l'heure critiquait la position du parti socialiste en disant en somme que notre approche ou en tout cas notre vue d'ensemble n'était pas toujours cohérente sur les thématiques fiscales et budgétaires. La ligne directrice du parti socialiste est parfaitement claire et la dimension de redistribution l'est également. Elle s'ancre dans une stratégie et une politique que le PLR a des difficultés à comprendre, mais je pense que M. Aellen a l'intelligence politique suffisante pour pouvoir les saisir.

Sur la question de la cohérence par rapport au projet de loi du Conseil d'Etat, on peut à mon avis lui reprocher de vouloir prendre une telle mesure, parce que, précisément, le Conseil d'Etat a gelé toutes les réévaluations de fonction depuis 2010 et a renvoyé systématiquement toutes les demandes des fonctionnaires au projet SCORE qui était censé apporter la cohérence qu'il appelait de ses voeux. Or, nous sommes en 2016 et le projet de loi n'est toujours pas déposé. Et ce qui est dérangeant, c'est que le Conseil d'Etat, malgré ce refus qu'il oppose aux fonctionnaires, continue d'infliger un certain nombre de petits camouflets comme celui-là, qui relèvent de la mesquinerie. C'est d'autant moins acceptable que ce camouflet-là a été infligé dans une période qui était particulièrement sensible et qu'il peut être légitimement considéré comme une volonté d'attiser un conflit que personne ne souhaite. C'est la raison pour laquelle le parti socialiste n'a pas accepté en commission ce projet de loi et ne l'acceptera pas aujourd'hui.

M. François Baertschi (MCG). Le MCG est favorable à ce qu'il y ait à Genève des riches plus riches qu'ailleurs. Le MCG est favorable à ce qu'il y ait des pauvres moins pauvres qu'ailleurs; une classe moyenne plus prospère qu'ailleurs, des fonctionnaires mieux payés qu'ailleurs. (Commentaires.) Ce que nous voulons, c'est une spirale de la richesse et non pas une spirale de la pauvreté. (Remarque.) Alors bien évidemment, on nous dit que c'est 1,5 million chaque année et, de manière mesquine, on veut enlever cela. C'est facile, on dit: «1,5 million, c'est énorme ! Vous ne vous rendez pas compte ! Vous êtes irresponsables !» Mais je remarque qu'en 2015, le Conseil d'Etat lui-même s'est arrogé environ 2,5 millions pour capitaliser ses retraites, c'est-à-dire pour s'offrir des retraites de grand luxe ! (Commentaires.) Il s'accorde à lui-même des conditions de retraite de très haut niveau - parce que c'est vraiment le moins qu'on puisse dire: on reste à la situation antérieure alors qu'il était envisagé dans un projet qui a été retiré que le Conseil d'Etat entre dans la CPEG, sauf erreur - et, dans le même temps, il nous propose ce genre de projet d'économies où on grignote un petit peu à tout le monde. Je regrette, le MCG n'est pas d'accord ! Il y a un minimum de décence à avoir et je vous demande de respecter cela. Nous avons montré à plusieurs reprises que nous sommes prêts à faire des coupes quand c'est nécessaire. Oui, mais pas n'importe comment ! (Brouhaha.)

M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de minorité ad interim. Il y a quand même des choses que je ne peux pas laisser dire. Ceux qui soutiennent qu'on a procédé à la va-vite et que rien n'a été fait sont manifestement des gens obnubilés par la défense de certains privilèges et qui ne prennent pas la peine de lire les rapports. Nous avons auditionné des syndicats; nous avons siégé plusieurs fois; nous avons établi des comparaisons intercantonales; nous avons entendu le Conseil d'Etat, ce pour des économies d'un montant de 1,5 million, et nous avons réalisé que Genève, le canton qui rémunère le mieux, était le seul canton à procéder de la sorte. Il faut arrêter ! Ayez au moins le courage de vos opinions et de dire que vous défendez un certain nombre de privilèges pour des gens que vous avez envie de défendre ! Ce n'est pas grave, mais assumez !

J'aimerais aussi dire deux mots à Mme Jocelyne Haller, vous transmettrez, Monsieur le président. Le procès que vous faites s'agissant du budget 2016 est particulièrement malhonnête - je parle en l'occurrence du budget 2016, pas de celui de 2015 que nous avions voté. A la commission des finances, le PLR, le PDC et l'UDC se sont battus pour pouvoir examiner le projet de budget, et c'est vous, Madame Jocelyne Haller, et votre camp qui en avez décidé autrement ! (Brouhaha.) Vous avez voulu prendre en otage le débat en plénière alors que j'avais décidé de rédiger un rapport de minorité avec une demande de renvoi à la commission des finances pour examen de ce projet de budget, parce que nous avons la compétence de modifier le budget, de l'amender comme nous le souhaitons, d'en faire ce que nous voulons; c'est ce que vous n'avez pas voulu. Maintenant, vous avez réalisé que vous avez commis une erreur et vous êtes si peu courageuse, vous êtes si peu responsable que vous accusez le Conseil d'Etat de ne pas avoir effectué le travail que vous avez refusé de faire ! (Commentaires. Quelques applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité ad interim. J'ai entendu notre collègue Barrillier donner un certain nombre d'exemples. Mais vous savez, tout est une question de cohérence, je vous le dis: quand on veut modifier un statut, il faut le prendre dans sa cohérence. Je vous rappelle le départ de l'ancien président du conseil d'administration de l'aéroport. Vous vous souvenez de la fête grandiose, presque monarchique, à laquelle nous avions assisté et qui avait été financée par les deniers publics ! Je vous rappelle aussi que quand le directeur des SIG, qui avait bien travaillé, qui était honorable, est parti... (Remarque.) ...son départ a coûté des centaines de milliers de francs, ou je ne sais pas combien, mais c'était grandiose aussi et cela a été financé par les deniers publics. (Commentaires.) Alors quand un fonctionnaire reçoit une montre, chers collègues et Monsieur Barrillier, cela ne me gêne pas, parce que la montre est un objet physique, et parfois les fonctionnaires sont très honorés de recevoir ce cadeau. En revanche, il est vrai que le problème du doublement du dernier salaire est que pour les petits salaires, le doublement peut être très intéressant et que pour les grands, cela représente effectivement un grand cadeau. C'est vrai. (Brouhaha.) Mais cela n'a pas été mis en perspective. Quand nous avons débattu du treizième salaire, vous vous en souvenez, certains l'ont défendu, le Conseil d'Etat y compris. Or le même Conseil d'Etat qui a défendu le treizième salaire...

Une voix. Le quatorzième !

M. Alberto Velasco. ...dépose un projet de loi pour éliminer le doublement du dernier salaire. (Commentaires.) C'est cela que j'appelle l'incohérence des mesures proposées. Nous voulons un projet cohérent dans son ensemble et qui fasse en sorte qu'il n'existe pas des prébendes d'un côté alors qu'il n'y en aurait pas de l'autre. Mesdames et Messieurs, ainsi qu'il vous est proposé dans le rapport qui vous est soumis, la majorité de la commission vous demande de ne pas entrer en matière sur ce PL 11539. (Brouhaha.)

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il y a des appels à la cohérence dans cette salle, on ne peut qu'abonder dans le sens de cette volonté. Mais dans le cas d'espèce, à nos yeux, refuser ce projet de loi présenté par le Conseil d'Etat, c'est faire preuve d'incohérence. Parlons d'abord de la cohérence que l'on voudrait donner s'agissant de cet objet, dans le cadre du traitement du projet SCORE: ce projet n'a pas du tout pour objectif de régler ce problème, son objectif est de donner de la cohérence à notre grille salariale. Cela n'a rien à voir avec cette question du double salaire lors du départ à la retraite. C'est peut-être un oreiller de paresse qui consiste finalement à balayer ou à remettre à plus tard, en l'occurrence au projet SCORE - qui au demeurant avance - un sujet dont nous pourrions débattre maintenant. (Brouhaha.) Pourquoi ? Le Conseil d'Etat entend très souvent du côté de l'UDC et du MCG des appels aux économies, à la cessation de largesses, de gaspillage de deniers publics en tout genre; je ne dis pas que c'est du gaspillage de deniers publics, mais alors là, Mesdames et Messieurs, un peu de cohérence ! Un peu de cohérence ! Considérons la particularité de ce sujet qui est véritablement une genevoiserie ! Comment pourrait-il en être autrement - et là, du côté de la gauche, je m'étonne quand même, vous qui êtes toujours en train demander plus de justice, d'égalité de traitement et de considération pour les petits et les pauvres... (Commentaires.) ...comment pouvez-vous penser... (Brouhaha.)

Le président. Excusez-moi, Monsieur le conseiller d'Etat. (Un instant s'écoule. Le silence revient.) Merci. Monsieur le conseiller d'Etat, poursuivez.

M. Serge Dal Busco. Merci, Monsieur le président. Comment pouvez-vous penser qu'il soit équitable qu'un doublement de salaire, qui en l'occurrence dépend du montant du salaire en question, quel que soit celui-ci, puisse être versé ainsi, sans distinction ? Comment pouvez-vous imaginer qu'il ne faille pas tenir compte par exemple de la durée pendant laquelle le collaborateur a été au service de l'Etat ? (Commentaires.) Quelqu'un qui aurait accédé à une fonction au sein de l'Etat juste quelques années avant de partir à la retraite toucherait directement son double salaire ! Non, Mesdames et Messieurs, c'est ce genre d'éléments, identifiés par le Conseil d'Etat, qui ont fait l'objet de toute une série de mesures de sa part, dont certaines vous ont peut-être paru mesquines mais paraissaient en tout cas logiques à ses yeux. Celle-là en fait très clairement partie et si nous ne parvenons pas à traiter de sujets comme ceux-ci pour ce qu'ils sont, mais nous demandons si cela est justifié ou non et essayons de noyer tout cela dans une réforme qui n'a rien à voir avec le sujet, nous serons incapables de mener des réformes et de prendre des décisions simplement empreintes de bon sens. Cela n'a rien à voir avec la grande considération que nous avons pour nos collaborateurs; d'ailleurs, la plupart d'entre eux découvrent ce cadeau au départ à la retraite ! Certains nous écrivent pour nous demander si nous ne nous sommes pas trompés dans le dernier bulletin de salaire. On leur répond que non, il n'y a pas eu d'erreur, on applique la loi. C'est dire si l'objet même est de nature à surprendre les bénéficiaires eux-mêmes ! (Commentaires.) Mesdames et Messieurs, je vous invite, parce que c'est le bon sens et la logique, à voter ce projet de loi. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je soumets ce projet de loi à vos voix.

Mis aux voix, le projet de loi 11539 est rejeté en premier débat par 49 non contre 31 oui et 9 abstentions.

PL 11557-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Michel Ducommun, Jocelyne Haller, Magali Orsini, Rémy Pagani, Pierre Vanek, Christian Zaugg, Emilie Flamand-Lew, Lisa Mazzone sur le rétablissement social des finances publiques cantonales
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 4 et 5 juin 2015.
Rapport de M. Christo Ivanov (UDC)
PL 11569-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Alberto Velasco, Lydia Schneider Hausser, Roger Deneys, Cyril Mizrahi, Caroline Marti, Salima Moyard, Christian Dandrès, Romain de Sainte Marie, Irène Buche, Isabelle Brunier, Jean-Louis Fazio, Christian Frey pour le désendettement de l'Etat de Genève et le maintien des prestations essentielles à la population genevoise
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 4 et 5 juin 2015.
Rapport de majorité de M. Christo Ivanov (UDC)
Rapport de minorité de M. Romain de Sainte Marie (S)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons maintenant les PL 11557-A et 11569-A traités conjointement. Ils sont classés en catégorie II, cinquante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Ivanov, à propos du premier objet.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Le peuple genevois avait voté la baisse d'impôts de 12%... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et ce projet de loi 11557 veut revenir à la situation antérieure. Il s'agit donc d'une nouvelle hausse d'impôts proposée par Ensemble à Gauche. Trop d'impôts tue l'impôt ! Ce projet de loi renforçant la progressivité de l'impôt ne touche pas que les riches et les gros contribuables, mais aussi les classes moyennes. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission fiscale vous demande de refuser d'entrer en matière.

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs, j'aborderai uniquement le projet de loi 11569 pour lequel je suis rapporteur de minorité. Ce texte vise à appliquer d'une part aux personnes physiques des centimes additionnels supplémentaires... (Remarque.) ...sur le revenu et la fortune, et d'autre part aux personnes morales sur le bénéfice et sur le capital. Pourquoi appliquer des centimes additionnels supplémentaires ? Tout simplement parce que le canton de Genève connaît une situation financière extrêmement difficile, comme je l'avais déjà relevé précédemment, avec un frein à l'endettement dont nous atteignons bientôt le seuil, puisque nous sommes à quasiment 13 milliards de dettes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...ce qui a des conséquences sur la population. Nous avons déjà pu constater quelles sont ces conséquences, avec la volonté du Conseil d'Etat depuis plusieurs budgets déjà de baisser les charges de 1%. Quand on répète ces baisses de charges de 1%, au final, elles s'accumulent et c'est autant d'accumulations de coupes dans les prestations publiques, je le rappelais encore tout à l'heure, notamment dans les subsides à l'assurance-maladie, ou dans les prestations de l'aide sociale, alors que l'on sait justement qu'il y a un nombre toujours croissant de personnes au bénéfice de l'aide sociale, qui se trouvent par exemple à la fin de leur droit au chômage et n'arrivent pas forcément à retrouver un emploi.

Il s'agit donc de faire preuve d'un certain sens des responsabilités et de s'attaquer à cette dette, pour arriver déjà à l'amortir et à pouvoir la réduire à hauteur de 7 milliards, ce qui serait déjà une très bonne chose et une preuve de responsabilité vis-à-vis des générations futures. Il s'agit également de pouvoir utiliser la manne financière collectée par ces centimes additionnels supplémentaires pour des investissements, investissements nécessaires au fonctionnement de notre canton et à l'économie genevoise, puisqu'il s'agit d'un véritable moteur pour celle-ci et qu'à long terme c'est une erreur que de vouloir faire des économies sur les investissements.

Nous vous invitons donc, Mesdames et Messieurs, à approuver ce projet de loi, car aujourd'hui nous arrivons à un stade où il s'agit de prendre des mesures responsables, ce qui se traduit en effet par une augmentation de l'imposition, augmentation progressive, puisque en augmentant les centimes additionnels nous jouons sur la progressivité de l'impôt, ce qui fait que, par conséquent, chacun contribue en fonction de ses moyens.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je repasse la parole à M. le rapporteur de majorité Christo Ivanov pour qu'il nous donne son opinion sur le deuxième projet de loi.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je pensais que nous allions traiter et voter le premier projet de loi d'abord et intervenir ensuite sur le second, mais comme les points sont liés, je vais intervenir également comme rapporteur de majorité sur le projet de loi 11569. Cet objet, comme le premier, est présenté par la gauche élargie qui revient à la charge une fois de plus avec une hausse d'impôts. Il est piquant de constater que pour le parti socialiste - voir page 2 du rapport - les contribuables dont les revenus se situent entre 70 000 F et 200 000 F sont considérés comme appartenant à la classe moyenne aisée. Or le nombre de centimes additionnels prévu dans ce projet de loi est multiplié par 1,5 pour les personnes physiques dont le revenu imposable entre dans la fourchette de 70 001 F jusqu'à 200 000 F. Ce projet de loi pénalise la classe moyenne, la classe moyenne aisée, dont beaucoup de fonctionnaires d'ailleurs, et également les contribuables plus aisés touchés par d'autres tranches, puisque le barème est progressif. La majorité de la commission fiscale vous recommande donc, comme pour le PL 11570, de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.)

M. Bernhard Riedweg (UDC). Ces projets de lois sont contraires à la LGAF, ce que nous confirme le responsable des affaires fiscales au département des finances, et ce qui rend ces projets de lois illégaux. Le canton de Genève vit depuis plusieurs années une crise des dépenses et non des recettes. 38 500, soit 15% des contribuables, ont un revenu annuel imposable de 100 000 F et plus et ceux-ci versent 67% des impôts sur le revenu, selon les chiffres de l'OCSTAT. Une hausse d'impôts sur le revenu affecte 230 285 contribuables mais pas les 30 000 bienheureux qui n'ont pas de revenu imposable. En ce qui concerne la fortune imposable, 3,7%, soit 9560 contribuables qui déclarent une fortune de 1 million et plus, paient 80% de l'impôt total sur la fortune. C'est sur ces derniers contribuables que ces deux projets de lois s'acharnent. Sachez que 75% des contribuables, soit 196 000, ne déclarent aucune fortune. Il y a une catégorie de personnes que l'on qualifie de prétendus riches, à savoir des personnes âgées, qui sont pour la plupart à la retraite et qui n'ont de ce fait plus d'attaches étroites dans le canton de Genève, si ce n'est leurs petits-enfants et leurs associations récréatives. (Commentaires.) Ceux-ci peuvent s'en aller quand ils veulent et l'argument d'une fiscalité trop vorace peut jouer un rôle déterminant dans leur décision de quitter le canton.

A Genève, 184 500 personnes, soit 38% de la population, bénéficient du service de l'assurance-maladie, sont enregistrées à l'Hospice général, sont au bénéfice des aides de l'office du logement, de prestations complémentaires AVS-AI et de subsides partiels, ou encore de prestations d'aide et de soins à domicile. De plus, il faut tenir compte des 30 500 personnes qui bénéficient de l'assistance juridique, qui sont des demandeurs d'emploi inscrits, des requérants d'asile, des personnes admises provisoirement auxquelles on a refusé l'asile, des personnes qui bénéficient... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...de prestations du service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires, ou encore du service des bourses et prêts d'études. Au total, ce sont 215 000 dossiers, dont certains peuvent bénéficier à une même personne, que l'Etat aide d'une manière ou d'une autre. Il faut savoir que les habitants au bénéfice de subventions resteront dans le canton car ils y sont choyés. La diminution des prestations sociales de l'Etat n'affecte que les bénéficiaires de ces prestations qui sont bien moins nombreux que les 230 285 contribuables qui verraient leurs impôts augmenter.

Pour l'heure, les personnes morales subissent l'imposition sur le bénéfice la plus élevée de Suisse avec 24,3%, mais les perspectives devraient changer avec RIE III. Je ne serais pas complet si je n'ajoutais que 80 sociétés paient le 75% des impôts sur le bénéfice des sociétés. Pour les salaires de plus de 130 000 F, la progressivité des taux prévus dans ces deux projets de lois est l'une des plus fortes de Suisse et cela pourrait faire fuir les contribuables les mieux payés et les plus fortunés dans le canton de Vaud ou en France voisine. En tous les cas, une imposition trop élevée ne fera pas venir de nouveaux contribuables bien payés et aisés. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le conseiller d'Etat en charge des finances ne voit pas d'urgence à augmenter les impôts, tant que le canton est capable de croître sensiblement plus vite que sa dette, surtout dans un environnement déflationniste. Sachez que les citoyens et citoyennes les plus aisés paient de plus en plus d'impôts tandis qu'une part importante de la population en verse de moins en moins. Une catégorie toujours plus importante de citoyens peut décider des dépenses de la collectivité sans en supporter les conséquences financières. Cela est inacceptable. Ce sont des passagers clandestins de la fiscalité qui ont le droit d'élection et le droit de vote; ils ont le sentiment que les prestations publiques sont gratuites parce qu'ils doivent à l'Etat une somme d'impôts égale à zéro. (Brouhaha.) Contournons ces deux projets de lois en n'entrant pas en matière. Merci, Monsieur le président.

M. Pierre Vanek (EAG). J'interviens concernant le projet de loi 11557, à propos duquel le rapporteur de majorité Christo Ivanov a parlé tout à l'heure d'augmentation d'impôts. (Remarque.) Vous avez parlé d'augmentation d'impôts ! D'abord, Mesdames et Messieurs, ce projet de loi ne changerait pas la situation pour les 85% de contribuables dont les revenus imposables sont inférieurs à 130 000 F. Vous m'accorderez, Monsieur Ivanov, que pour la grande majorité de nos concitoyens, il ne s'agit pas d'une augmentation d'impôts. Ensuite, ce projet de loi, qui est d'une simplicité évangélique... (Commentaires.) ...prévoit non pas d'augmenter les impôts, mais de diminuer très progressivement et par paliers la diminution d'impôts de 12% qui avait été introduite à l'époque et qui figure toujours dans la loi. (Commentaires.) Vous pouvez voir dans le tableau qui se trouve à la page 16, je crois, du rapport, qu'à partir de ce seuil, pour le revenu imposable, je dis bien imposable, la déduction d'impôts est maintenue. Le projet de loi prévoit donc de maintenir une déduction d'impôts à hauteur de 11% et, par tranches de 10 000 F, de diminuer un peu la réduction des impôts votée à l'époque. Ainsi, il ne s'agit pas d'augmenter des impôts, mais de limiter un peu, pour ceux et celles qui en ont les moyens, les cadeaux fiscaux qui avaient été faits à l'époque parmi d'autres.

Or ce projet de loi d'une simplicité évangélique, visant en effet à faire payer très modestement les revenus les plus élevés, autrement dit à leur faire un peu moins de cadeaux, s'inscrivait dans les débats du budget 2015 - il a été déposé, si mes souvenirs sont exacts, à l'automne 2014 dans la perspective du budget 2015 - comme alternative à un certain nombre de sacrifices qu'on cherchait à imposer aux plus démunis, aux locataires, aux personnes âgées, etc., etc. A l'époque, les calculs et les estimations indiquaient que ce projet de loi était en mesure - encore une fois, sans toucher d'aucune manière l'imposition de 85% des contribuables mais en augmentant seulement très progressivement le pourcentage supplémentaire qu'on demandait aux revenus les plus élevés de verser - de rapporter 150 millions de francs environ. C'est à mon avis une mesure extrêmement modérée, une mesure juste, une mesure qui fait porter un effort très modestement supplémentaire non pas sur les plus démunis, non pas sur les couches populaires, non pas même sur les classes moyennes, puisque 85% des contribuables sont épargnés, mais sur les revenus les plus élevés. En effet, c'est seulement à partir de 240 000 F de revenu imposable et au-dessus qu'on revient, non pas à une situation où les impôts seraient augmentés, mais au statu quo ante par rapport à la baisse que les libéraux avaient fait adopter à l'époque et qui, comme toute une série de cadeaux fiscaux, dont on a calculé les effets, se traduit par un déficit des recettes de cette collectivité publique de l'ordre d'un milliard environ par an - les estimations peuvent évidemment varier, mais l'ordre de grandeur est tout à fait celui-là - qui ne rentre pas dans les caisses de la collectivité... (Brouhaha.)

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Pierre Vanek. Eh bien, ça tombe très très bien puisque j'arrive au bout ! ...ce qui sert à creuser cette dette qui sert ensuite à tenter artificiellement de démanteler le service public, de démanteler les prestations à la population et de mettre en oeuvre le programme néolibéral dont la majorité de la population de ce canton est victime. Donc, Mesdames et Messieurs, je vous engage évidemment à soutenir ce projet de loi frappé au coin du bon sens.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Yvan Zweifel.

Une voix. Ah, voilà !

Une autre voix. Ah !

M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Monsieur le président. Je prends beaucoup de plaisir à parler après mon préopinant puisque je vais dire exactement le contraire de ce qu'il a dit... (Rires.) ...sauf sur un point, puisque nous sommes unanimes sur celui-là: les finances publiques genevoises ne sont pas au beau fixe, elles sont même en mauvaise santé. Nous sommes au moins d'accord sur le constat ! Malheureusement, nous ne le sommes peut-être pas sur le diagnostic - pourquoi cette situation est-elle mauvaise ? - et sur les solutions à apporter. En résumant, la gauche explique qu'il s'agit d'une crise des recettes et donc qu'il faut augmenter les impôts. M. Vanek a employé une rhétorique subtile en expliquant: «On n'augmente pas les impôts, on diminue les diminutions.» Heureusement, dans mes cours de mathématiques, j'ai toujours appris que moins et moins font plus, donc à la fin, la diminution des diminutions correspond bien - vous transmettrez, Monsieur le président - à une augmentation des impôts ! (Rire. Commentaires.) Et puis à droite, ce que nous disons, c'est qu'il s'agit d'une crise des dépenses, comme l'a souligné M. Riedweg, et qu'il faut par conséquent une meilleure gestion de l'appareil étatique et donc des économies structurelles.

Pour répondre à la question de savoir s'il s'agit d'une crise des dépenses ou d'une crise des recettes, plongeons-nous dans les statistiques ! Je ne répéterai pas celles de M. Riedweg; j'en apporterai quelques-unes supplémentaires, qui proviennent de l'OCSTAT et donc pas du tout de moi. Je ne les invente pas, vous pouvez les retrouver sur internet sans problème. Quelles sont ces statistiques ? Quelle est cette réalité statistique et comptable ? De 1998 à 2014, les recettes fiscales totales ont augmenté de 72%, malgré neuf baisses d'impôts ! Neuf baisses d'impôts, mais une hausse des recettes fiscales de 72% ! Vous allez me répondre que la population a augmenté dans le même temps. Vous avez raison: elle a augmenté de 20% ! Augmentation de 20% de la population, augmentation des recettes fiscales de 72% sur la même durée, malgré neuf baisses d'impôts. Le PIB, vous allez encore me dire, a augmenté. Vous avez raison aussi: il a augmenté de 60%, toujours moins que les 72% d'augmentation des recettes fiscales, malgré neuf baisses d'impôts !

En 1999, M. Vanek l'a relevé, on a - pas nous, pas les libéraux, non ! la population ! - voté une baisse des impôts de 12%. Que s'est-il passé, Mesdames et Messieurs, en 2000 dans les comptes de l'Etat ? On constate une augmentation de 8% des recettes fiscales sur les personnes physiques, malgré la baisse de 12% votée, soit 8% de recettes fiscales supplémentaires sur les personnes physiques - pour ceux que cela intéresserait, dans le même laps de temps, la population a augmenté de 1%, cette augmentation des recettes n'est donc pas due à l'augmentation de la population. Mesdames et Messieurs, malgré cette baisse, il n'y a donc pas eu de baisse des moyens et donc pas de baisse des prestations, ou en tout cas pas à cause d'une baisse d'impôts voulue par la population. En 2009, le peuple a de nouveau voté une baisse d'impôts. Que s'est-il passé ? Là, je vous donne raison, en 2010, c'est vrai, les recettes fiscales des personnes physiques ont diminué de 4%. Que constate-t-on ? Que dès 2011, le niveau des recettes fiscales des personnes physiques a déjà récupéré son niveau de 2009 et qu'il a ensuite crû de 3% par année. (Commentaires.)

On pourrait également parler des personnes morales. Sur la même période, celles-ci n'ont connu aucune baisse d'impôts, et pourtant, Mesdames et Messieurs, on constate une baisse des recettes sur les personnes morales de 12% en 2002 et de 25% en 2003. Cette baisse est-elle due à des baisses d'impôts ? Non, puisqu'il n'y en a pas eu sur les personnes morales. Elles sont dues évidemment à des crises économiques, en l'occurrence la bulle internet de 2001-2002. En 2009, on constate également une baisse de 9% des recettes fiscales sur les personnes morales et de 9% en 2010. Là non plus, pas de baisse d'impôts des personnes morales, ce n'est donc pas lié; non, évidemment, c'est dû à la faillite de Lehman Brothers et à la crise des «subprimes», cela n'a rien à voir avec les baisses d'impôts. Mesdames et Messieurs, lorsqu'on baisse les impôts, l'argent ne se volatilise pas: ce milliard n'a pas tout à coup disparu des caisses, bien sûr que non ! Cet argent s'est remis dans le circuit économique. Il a non seulement profité à ceux qui ont vu leurs charges baisser, c'est-à-dire à la population, mais il a également fait du bien aux entreprises qui ont vu leurs carnets de commandes grossir. Et pour preuve statistique - parce que vous allez me dire que je raconte n'importe quoi, que c'est le dogme libéral et qu'il faut que j'arrête avec cela - eh bien, Mesdames et Messieurs, sur la même période de 1998 à 2014, les recettes fiscales sur les personnes morales, qui n'ont subi ni baisse ni hausse d'impôts, ont augmenté de 126% alors que les recettes fiscales sur les personnes physiques n'ont augmenté que de 60%. Ces baisses d'impôts ont donc permis de faire tourner le moteur économique: une hausse de 126%.

Cela, Mesdames et Messieurs, c'est la réalité statistique et comptable que personne ne peut nier. Il se passera exactement la même chose - je le dis par avance, je n'ai pas de boule de cristal - avec RIE III: on aura effectivement une baisse d'impôts qui engendrera une amélioration...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Yvan Zweifel. ...de l'activité économique et donc une hausse des recettes fiscales. Mesdames et Messieurs, nous ne connaissons pas une crise des recettes; toutes les statistiques, toutes les comptabilités le montrent: nous connaissons une crise des dépenses. Il faut agir au niveau des économies et non pas au niveau des recettes. Il faut s'occuper de la pauvreté et non pas des riches. Mesdames et Messieurs, il faut voter non à ces deux projets de lois. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, si ce que mon collègue vient de dire est vrai, toutes les collectivités du monde, en tout cas européennes, devraient connaître une situation magnifique ! Toutes ces collectivités, que ce soit l'Espagne, la France, l'Allemagne... (Remarque.) ...tous ces pays-là ont connu, sous l'impulsion des libéraux, des baisses d'impôts. Ils ne devraient donc pas avoir de problèmes budgétaires... (Remarque.) ...ou de problèmes de dettes. Or, tous ces pays... (Remarque.) ...se trouvent dans une situation difficile. Votre théorie présente un petit problème. (Remarque.) Maintenant vous me dites qu'effectivement le milliard a été dépensé. C'est vrai, pour les petits. Mais pour les gros, qui ont tout, ils ont mis de côté et n'ont pas forcément dépensé. Mais c'est ma théorie, Monsieur, et vous avez la vôtre !

Concernant les augmentations des recettes fiscales, c'est vrai, Monsieur: on ne peut pas aller contre les chiffres. Mais les chiffres, il faut les interpréter ! Parce que vous dites qu'il y a eu une augmentation des recettes fiscales, mais ce que vous ne dites pas, c'est qu'en même temps, si les salaires ont augmenté - c'est effectivement pour cela que les recettes fiscales ont augmenté - les loyers ont également augmenté, de même que l'assurance-maladie et le coût de la vie, ce qui fait que le différentiel, Monsieur, est toujours plus petit, et c'est pour cette raison que nous rencontrons des problèmes... (Remarque.) ...parce que l'Etat doit aussi payer des salaires en fonction du coût de la vie et en fonction des problèmes. Il ne faut donc pas seulement parler d'augmentation des recettes, mais aussi de ce que cela implique: les charges pour ceux et celles qui doivent affronter jour après jour leurs problèmes quotidiens avec leurs enfants, leur famille, l'école, la maladie, le logement, etc., etc., etc. Et si vous disiez vrai, Monsieur, il n'y aurait pas de pauvreté dans le canton de Genève, or il y a de la pauvreté !

Maintenant, Mesdames et Messieurs, permettez-moi de parler un petit peu de notre projet. Vous dites tout le temps que la misère de ce canton, c'est la dette et les investissements. Or, contrairement à nos collègues d'Ensemble à Gauche, nous avons estimé qu'il ne fallait pas augmenter les centimes; nous avons seulement proposé que lorsqu'on rencontre un problème d'autofinancement, et à ce moment-là seulement, on fasse appel à la solidarité des citoyens en leur demandant quelques centimes pour pouvoir financer nos investissements afin que la dette n'augmente pas. On va leur demander, afin d'amortir la dette, un centime ou deux de solidarité, jusqu'à ce que cette dette atteigne le fameux chiffre de 7 milliards. A partir de là, ce projet de loi est caduc. Je ne décrirais donc pas ce projet de loi comme un projet qui demande d'augmenter les impôts, puisqu'il n'instaure pas cela indéfiniment et de manière indiscriminée... (Remarque.) ...mais il le fait dans un temps limité et pour une mission bien concrète, celle du financement des investissements, dont notre canton a besoin pour la suite et pour l'avenir, et surtout aussi pour pouvoir, comme vous le soulignez - et nous sommes d'accord, la dette est tellement lourde - diminuer la dette.

Voilà la raison pour laquelle nous avons déposé ce projet de loi qui, franchement, ne va même pas dans le sens que les socialistes voudraient; c'est un projet de loi qui représente un minimum. (Commentaires.) Mais même cela, cela ne passe pas ! Monsieur Zweifel, vous avez raison: vous avez relevé qu'il ne s'agit pas d'un problème de recettes, mais de charges. Il faut effectivement s'attaquer aux revenus des gens. Mais vous savez, quand vous vous attaquez aux revenus des gens... (Remarque.) Non ! ...quand vous vous attaquez aux revenus des gens, ils dépensent moins, et quand les gens dépensent moins, l'économie fonctionne moins, et quand l'économie fonctionne moins, les recettes sont moindres et on entre dans ce qu'on appelle une déflation, ce qu'ont connu notamment les Grecs et les Espagnols, et après on demande aux institutions publiques, à la Banque européenne, de venir aider ces industriels pour pouvoir relancer la machine. Cette théorie, Mesdames et Messieurs, indépendamment de l'idéologie de chacun, est fausse. Elle est fausse, parce que depuis des années, depuis douze ans qu'elle s'applique dans ce canton et ailleurs, elle n'a pas fait ses preuves. Il est donc temps, Mesdames et Messieurs, que vous sortiez peut-être de votre idéologie et que vous en veniez une fois pour toutes à comprendre qu'une société ne vit...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Alberto Velasco. Merci, Monsieur le président. ...que parce qu'elle est solidaire, Mesdames et Messieurs ! Parce qu'elle est solidaire ! Une société qui n'est pas solidaire ne subsiste pas ! (Commentaires.) Elle ne peut pas aller de l'avant; tout se construit ! Pour la construction d'un immeuble, Monsieur, le financier sans le maçon ne fait rien du tout ! Rien, du, tout ! Et l'architecte sans le maçon ne fait rien du tout, et ainsi de suite ! Une société se construit effectivement avec les uns et les autres, et ceux qui ont davantage doivent contribuer solidairement un peu plus. Mais cette théorie, vous ne l'acceptez pas...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Alberto Velasco. ...parce que vous avez un intérêt concret, un intérêt de classe !

Une voix. Oh là là ! (Remarque.)

Une autre voix. Bravo !

M. Alberto Velasco. Merci, Monsieur le président.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe des Verts a voté l'entrée en matière sur ces deux projets de lois fiscaux et vous invite à faire de même. Nous estimons en effet que quand la situation financière de l'Etat qui nous est décrite comme grave non seulement justifie des coupes dans les prestations publiques, mais incite aussi le Conseil d'Etat à prendre des mesures qui affectent certaines prestations sociales, ce parlement devrait pouvoir débattre de mesures fiscales. Il nous a semblé également intéressant de travailler sur le projet de loi 11557 qui vise à revenir sur cette baisse d'impôts de 12% introduite il y a quelques années. C'est vrai que lorsque vous recevez votre bordereau d'impôts, il est toujours assez incongru de voir cette espèce de «discount» de -12% qui tombe du ciel et qui ne semble être relié à aucune véritable décision, je dirais, argumentée. Retravailler là-dessus pour avoir une vision un peu plus cohérente et plus complète de ce que devrait être l'imposition des personnes physiques serait donc extrêmement intéressant. C'est ce que nous réclamons depuis de nombreuses années: revenir sur un certain nombre de niches fiscales et faire en sorte que l'imposition des personnes physiques soit la plus transparente et la plus équitable possible.

Je voudrais aussi rebondir sur certains propos que M. Riedweg a tenus et qui, je dois vous avouer, m'ont un peu choquée. Monsieur Riedweg, on a l'impression que vous regrettez l'époque du vote censitaire, dans le cadre duquel seuls les riches doivent pouvoir voter et où les pauvres qui ne contribuent pas ne devraient pas voter. Je résume un peu vos propos, mais ils allaient vraiment dans ce sens-là ! J'aimerais vous rappeler à vous, qui êtes tellement choqué par le fait... (Remarque.) Monsieur le président, vous transmettrez à M. Riedweg qui me fait signe que je dois m'adresser d'abord à vous ! ...qu'un nombre croissant de personnes ne paient pas d'impôts à Genève, que nous avons récemment eu l'occasion de voter sur des mesures fiscales qui visaient à limiter les déductions pour le transport des personnes physiques, et que son groupe s'y est opposé. Or c'était typiquement là une mesure qui aurait fait rentrer certaines personnes dans l'imposition et qui les aurait amenées à payer des impôts. Vous n'êtes donc pas non plus à l'abri de certaines contradictions ! Je vous appelle donc à voter ces projets de lois. Merci, Monsieur le président.

M. Vincent Maitre (PDC). Je ne peux m'empêcher de réagir aux propos de mon estimé collègue Velasco, parce que, pour ma part, j'ai entendu une théorie, une hypothèse comme il l'a appelée, venant de ma gauche et qui était, elle, argumentée, chiffrée sur la base de résultats pour le moins objectifs. A l'inverse, mon cher collègue Alberto Velasco, je n'ai entendu de votre part que des comparaisons, malheureusement plus issues de votre imaginaire que de faits réels, puisque vous citiez à raison, ou plus à tort dans votre cas, pour tenter de contrer M. Zweifel, le cas de l'Espagne, le cas global de la péninsule ibérique, de l'Italie, etc., pour nous démontrer que les baisses d'impôts ne seraient pas la panacée puisque ces pays-là vont mal. Eh bien, précisément, dans ces pays-là, il n'y a jamais eu besoin de baisses d'impôts pour que cela aille mal. L'Espagne était au bord du gouffre lorsqu'elle a enfin décidé de se montrer attractive fiscalement en accordant notamment tout un nombre d'outils fiscaux pour attirer par exemple des sportifs d'élite à très hauts revenus. Il y a la fameuse «loi Beckham» qui à l'époque avait été faite sur mesure pour attirer cet important contribuable. Le Portugal, son voisin, après avoir été au bord de la faillite, octroie les forfaits fiscaux les plus attractifs d'Europe, si ce n'est du monde, et l'Italie n'est pas non plus en reste en termes de forfaits fiscaux et d'avantages octroyés à ses riches contribuables, et ce précisément parce que ces pays ont compris probablement qu'une politique totalement rigide en matière fiscale et bien trop astreignante pour ses contribuables menait là où vous vouliez aller tout à l'heure, en parlant d'économies, de liquidités, de flux financiers. Un système fiscal trop rigide et trop lourd péjore précisément la situation, le pouvoir d'achat des ménages, et c'est tout cela de liquidités en moins qui pourraient être investies directement dans l'économie et pourraient faire tourner la machine, comme vous le disiez. Ce sont malheureusement vos comparaisons, de mon point de vue, qui n'étaient pas tout à fait correctes vis-à-vis de la démonstration chiffrée pour le moins crédible qui nous a été présentée en face de vous. Je vous invite donc également au nom du PDC à refuser ces deux projets de lois.

M. Ronald Zacharias (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chaque fois que l'on prend la parole sur des thématiques fiscales, je crois qu'il faut rappeler deux ou trois fondamentaux, notamment les vérités suivantes: 1% de la population représente le 30% ou plus de l'impôt... (Commentaires.) ...au titre de l'impôt sur le revenu; le 0,7% représente le 70% de l'impôt sur la fortune; par ailleurs, 40% de la population ne paie aucun impôt ou alors un impôt insignifiant; en 2015, 180 000 mètres carrés de locaux d'activité en plus se sont libérés et le nombre de faillites a augmenté de 20%. C'est dans ce contexte-là qu'on vient nous proposer ces projets de lois indécents et outranciers, la fleur au fusil, en arguant qu'ils n'ont aucune conséquence pour le niveau de bien-être, de richesse et de prospérité que l'on connaît à Genève. Bien évidemment, bien évidemment, il faut rejeter ce projet de loi, et je vous en remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de minorité Romain de Sainte Marie pour une minute cinquante-six. (Remarque.)

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. M. Zweifel a mentionné le diagnostic de la mauvaise situation financière. Il faut également rappeler le diagnostic d'une mauvaise situation sociale. En effet, on l'a relevé, il existe aujourd'hui un fossé au sein de la population entre les 34% de Genevois qui ne peuvent pas payer d'impôts, part qui augmente continuellement, et les quelque 0,2% de contribuables les plus aisés, dont la fortune est en hausse et représente aujourd'hui 20% de la fortune totale des personnes physiques. (Remarque.) Pour ce qui est de la situation financière, le diagnostic est catastrophique, et il découle des baisses successives d'imposition. Vous vouliez des faits, je peux vous en donner ! L'initiative du parti libéral en 1999: moins 480 millions, chiffre avancé par la direction générale des finances; modification de la loi sur l'imposition des personnes physiques: moins 50 millions; suppression du droit des pauvres: moins 20 millions; révision, c'est vrai, en 2009, de l'imposition sur les personnes physiques: à nouveau, moins 450 millions; et encore six autres baisses successives. Le diagnostic est simplement là: la responsabilité appartient à la majorité de droite, cette même majorité qui détient le pouvoir de ces décisions-là depuis 1999. Il faut assumer aujourd'hui cette situation financière catastrophique...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député.

M. Romain de Sainte Marie. ...et cette situation sociale catastrophique. M. Poggia, en charge du DEAS, qui est présent, ne pourra que confirmer l'explosion des coûts de l'aide sociale, qui s'explique non pas par le fait que vous, la majorité de droite, avez procédé à des coupes dans les prestations à l'aide sociale, mais bien par le fait que le bilan social est catastrophique dans notre canton ! Nous connaissons une explosion du nombre de bénéficiaires de l'aide sociale, notamment...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Romain de Sainte Marie. ...chez les jeunes qui commencent leur vie à l'aide sociale. Je vous invite donc à accepter ces deux projets de lois.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Il est possible de déroger à la LGAF avec une autre loi de même rang. Pour autant, même si ce n'est pas interdit, la LGAF a mis en place un principe de non-affectation des impôts recommandé par la Conférence des directeurs cantonaux des finances avec le manuel modèle comptable harmonisé pour les cantons et les communes MCH2. Autrement dit, il n'est pas interdit d'y déroger, mais cela va à l'encontre du système mis en place. Sans refaire le débat, nous avons tous compris que les rangs sont figés: d'un côté se trouvent ceux qui veulent toujours dépenser plus et, d'un autre côté, ceux qui veulent empêcher les personnes ayant certains moyens de quitter le canton. Il s'agit, comme je l'ai déjà dit ici, d'une hausse d'impôts qui touche les classes moyennes, moyennes aisées et ceux qui contribuent le plus à l'effort en matière d'impôts. Le projet de loi vise d'ailleurs les tranches entre 130 000 F et 240 000 F de revenus. Je rappelle que pour ces catégories de salariés, Genève a la fiscalité et les impôts les plus élevés de Suisse, auxquels il faudrait encore ajouter l'impôt sur la fortune, également le plus élevé de Suisse, qui est de 1%. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission fiscale vous demande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous savez que même dans les difficultés et l'adversité, je fais preuve d'un indécrottable optimisme. Ce qui me conduit à cet optimisme, c'est le discours de M. le rapporteur de minorité Romain de Sainte Marie. J'observe avec satisfaction qu'il considère - c'est un long chemin, je dois le reconnaître - que la situation financière est maintenant difficile et que la dette est un problème pour les générations futures ! Que nous partagions cet avis, dont je vous fais part ici depuis un certain nombre de mois, me rend d'humeur assez joyeuse; c'est déjà un bon point de départ ! Le problème, c'est que les remèdes proposés ne sont pas bons, comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner hier. J'ai utilisé des termes peut-être un peu forts, mais je pense qu'il faut utiliser de tels termes: hier soir, j'ai dit qu'il faut arrêter de jouer avec le feu, lorsqu'on a parlé d'introduire une tranche supplémentaire pour l'impôt sur le revenu et, pour la fortune, de supprimer le bouclier fiscal. Oui, il faut vraiment essayer de sortir de cette logique, parce que c'est véritablement jouer avec le feu, Mesdames et Messieurs, que d'imaginer qu'augmenter encore plus la progressivité de l'impôt sur le revenu ainsi que l'emprise de l'impôt sur la fortune dans ce canton - qui sont tous deux les plus élevés de Suisse, cela a été dit à plusieurs reprises - va améliorer quoi que ce soit. Il faut arrêter de penser que cette solution serait la panacée et que cela n'aurait pas d'effets négatifs, des effets totalement contraires ! Ma conviction profonde, mais je ne vais pas vous répéter ce que j'ai dit hier soir car l'heure avance, c'est que cela aurait des effets vraiment totalement négatifs. Mesdames et Messieurs, il faut vraiment, vraiment, nous garder d'agir de la sorte et d'aggraver la progressivité de nos impôts. C'est quelque chose qui aurait des effets absolument dévastateurs. C'est toujours le même discours, j'ai l'impression que cela va continuer, que cela va être difficile. L'évolution sur la question de la dette me laisse quelques espoirs qu'à force de répéter toujours le même message, je finisse par être entendu, y compris dans les rangs de gauche. C'est une tentative que je fais encore une fois ce soir, pour conclure ce débat et vous dire qu'il faut évidemment refuser l'entrée en matière sur ces deux projets de lois. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je soumets donc aux voix de cette assemblée en premier lieu l'entrée en matière sur le projet de loi 11557.

Mis aux voix, le projet de loi 11557 est rejeté en premier débat par 59 non contre 33 oui.

Le président. Je vous fais maintenant voter l'entrée en matière sur le projet de loi 11569.

Mis aux voix, le projet de loi 11569 est rejeté en premier débat par 58 non contre 33 oui.

Le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes sur le point... de lever notre séance ! (Rires.) Merci pour la bonne tenue de ces deux sessions. Je me réjouis de retrouver certains d'entre vous demain à Bernex pour la course des conseillers lors de l'événement sportif «A travers le coteau» et souhaite aux autres un excellent week-end !

La séance est levée à 19h45.