République et canton de Genève

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PL 11285-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Esther Hartmann, Emilie Flamand-Lew, François Lefort, Sophie Forster Carbonnier, Sylvia Nissim, Anne Mahrer, Catherine Baud, Pierre Losio, Brigitte Schneider-Bidaux, Magali Origa, Jacqueline Roiz modifiant la loi sur les établissements publics médicaux (LEPM) (K 2 05)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 25, 26 juin et 27 août 2015.
Rapport de majorité de M. Jean-Luc Forni (PDC)
Rapport de minorité de Mme Sarah Klopmann (Ve)

Premier débat

Le président. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité. Monsieur Forni, vous avez la parole.

M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de la santé a refusé à une courte majorité l'entrée en matière sur ce projet de loi 11285 modifiant la loi sur les établissements publics médicaux.

Ce projet de loi propose en effet d'ajouter au conseil d'administration des Hôpitaux universitaires de Genève «un représentant d'organisations se vouant statutairement à la défense des droits des patients depuis cinq ans au moins». Au cours des débats et lors des auditions, la discussion s'est davantage focalisée sur la relation médecin-patient que sur la véritable force de proposition que devrait apporter une représentation des patients au sein du conseil d'administration des HUG. En refusant d'entrer en matière sur ce projet de loi 11285, la majorité des commissaires a refusé que le conseil d'administration des Hôpitaux universitaires de Genève devienne une chambre d'enregistrement des plaintes des patients. Elle a aussi estimé qu'il était difficile pour un représentant des patients d'être à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'institution, ce qui limitait sa marge de manoeuvre et réduisait finalement sa présence à une présence alibi.

Ces commissaires ont donc estimé que le meilleur moyen de rester critique et de sauvegarder le droit des patients était de rester à l'extérieur de cette institution et d'utiliser les différentes dispositions prévues à cet effet: l'espace médiation ou encore les organisations de patients présentes dans les couloirs des HUG... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) La majorité des commissaires a aussi relevé la difficulté de désigner au conseil d'administration des Hôpitaux universitaires de Genève un représentant des patients qui représenterait tous les patients et pas seulement ceux de son organisation, parce qu'il y a de nombreuses organisations de patients. Il serait difficile aussi que ce représentant obtienne la légitimité de toutes les organisations sans que cela génère des conflits. La majorité des commissaires est aussi d'avis que les partis politiques, en désignant des représentants au sein du conseil d'administration des HUG, choisissent des candidats qui ont les compétences de représenter les intérêts et les droits des patients, et les commissaires considèrent que le conseil d'administration des Hôpitaux universitaires de Genève n'est pas le lieu approprié pour le travail des organisations de patients.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, à une courte majorité des membres de la commission de la santé, nous vous invitons à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi 11285.

Mme Sarah Klopmann (Ve), rapporteuse de minorité. Effectivement, ce projet a été refusé à une courte majorité qui, je l'espère, pourra changer aujourd'hui. Il est difficile pour les Verts de comprendre pourquoi les patients ne sont pas représentés dans les conseils d'administration des établissements publics médicaux - pour l'instant encore les HUG et les cliniques de Joli-Mont et Montana.

Il est vrai que les entités que je viens de citer doivent répondre à des critères d'efficience et d'efficacité, mais la santé ne peut pas uniquement être appréhendée selon le critère économique. Chacune des décisions qui sont prises dans ces conseils d'administration impacte le confort, la compréhension, le moral et le bien-être des patients et, évidemment, tous ces éléments participent à la guérison.

Certes, il est vrai que nous sommes tous des patients potentiels et les membres des conseils aussi, mais personne n'est là pour vraiment penser les décisions du point de vue des malades, des gens qu'on traite. Au conseil d'administration, on a des représentants du Conseil d'Etat, des autorités, des médecins et du personnel, mais, finalement, leur approche est gestionnaire: ils sont là pour gérer une énorme institution. Or, la qualité d'un hôpital ne peut être dissociée du soin qu'on donne à l'accueil et c'est justement sur ce point que nous aimerions changer les choses.

La stratégie adoptée par le conseil d'administration impacte forcément le niveau opérationnel et le service donné. Des décisions sont prises, par exemple sur la façon de gagner de l'espace dans les chambres en mettant plus de personnes par chambre, mais personne n'est là pour demander: jusqu'à combien de personnes est-ce admissible ? Comment faire pour que les gens soient d'accord d'être soignés correctement même sans intimité ? De la même façon, les postes sociaux sont parfois réduits simplement pour gagner de l'argent, parce que, quand on est gestionnaire, on essaie de faire la même chose avec moins, mais du coup on fait moins. Là aussi, personne n'est là pour demander: combien de patients ne vont pas être compris ? Quel risque cela engendre-t-il vraiment d'entendre des patients parler de leur santé alors qu'ils ne s'expriment pas avec suffisamment d'aisance en français et qu'ils risquent de ne pas être compris ? Donc il faut vraiment une personne qui oeuvre depuis longtemps dans la défense des droits des patients; il faut que cette personne connaisse les véritables enjeux, les points problématiques et les conséquences de chacune de ces actions.

Et, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure, le but n'est absolument pas de créer un bureau des plaintes ni de gérer une liste de doléances personnelles, parce que c'est le travail de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients. Le problème, nous avons été beaucoup à le relever en commission, c'est que cette commission ne semble pas tout à fait orientée sur le mieux-être des patients: c'est quelque chose qui nous a inquiétés en commission. D'ailleurs, cela devrait nous inciter à anticiper les éventuelles difficultés maintenant, en incluant une représentation des patients dans les conseils d'administration des établissements publics médicaux. Donc, justement, l'objectif de ce projet de loi était d'inclure dans les conseils d'administration une personne compétente, qui travaille vraiment sur ce sujet, pas seulement un potentiel patient là pour autre chose, mais quelqu'un de compétent sur les questions relatives aux intérêts des patients. Quelqu'un qui connaît les effets qu'un éventuel mal-être pourrait entraîner ou qui aurait les éléments nécessaires pour chaque décision. Ainsi, tous les autres membres du conseil pourraient décider de manière opportune ce qu'il convient vraiment de faire pour maintenir la mission des établissements publics médicaux qui, je le rappelle, est quand même et surtout de soigner les gens ! D'ailleurs, dans les EMS, les résidents sont représentés dans les instances décisionnelles et cela fonctionne très bien. Pourquoi ne pourrait-on pas le faire au conseil d'administration des HUG ? On nous explique que c'est un peu compliqué à organiser, qu'on ne sait pas quelle organisation représentera toutes les autres. En fait, on est juste en train de nous dire qu'on ne va pas améliorer la situation parce qu'on ne sait pas encore comment on va s'organiser après. Pourtant, quand on crée une représentation dans un conseil d'administration, on le fait par conviction et c'est après qu'on décide qui on met à cette place ! On ne va pas ne pas le faire juste parce qu'on a peur de ne pas trouver la personne adéquate ! Je pense que si on cherche, on trouvera cette personne ! Sinon, on la formera !

Il convient aussi de relever que le moment est assez bien choisi, parce que les HUG ont annoncé il y a quelques mois avec tambours et trompettes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président ! Les HUG ont annoncé qu'ils voulaient mieux associer les patients aux réflexions stratégiques des HUG via une plateforme interactive: finalement, la consécration de cette annonce-là devrait justement être de donner un siège au conseil d'administration pour les représentants des patients ! Les Verts vous invitent donc, s'il vous plaît, à voter en faveur des patients et à accepter ce projet de loi.

Le président. Je vous remercie, Madame le rapporteur. Vous avez entamé le temps de votre groupe. Je passe la parole à M. le député Jean-Charles Rielle.

M. Jean-Charles Rielle (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, les socialistes regrettent aussi que l'entrée en matière ait été rejetée à une voix près. Pourquoi ? Parce qu'il aurait été fort de définir ce que signifie la notion de représentant de patients. Très rapidement, en effet, l'amalgame a été fait avec un représentant de patients qui ferait office de bureau des plaintes supplémentaire. Or, la volonté était tout autre; la volonté était de placer quelqu'un de compétent qui aurait notamment apporté un éclairage sur les conséquences d'un certain nombre de décisions prises en ces hauts lieux, pour connaître l'impact de ces décisions. La finalité d'un hôpital n'est pas de prendre des décisions seulement administratives ou de gestion, mais sa finalité est de fournir des soins, d'apporter de l'aide aux patients. Ça, on ne peut que le regretter, cet éclairage en fonction des patients devrait avoir lieu et, très souvent, pour des raisons qui en valent la peine.

On parle de faire des économies en enlevant des lits ou bien en en rajoutant dans certains endroits. Cela a un impact sur la qualité: il y a du travail 24 heures sur 24 dans des chambres à six, sept personnes ou plus. Il est évident qu'aujourd'hui l'évolution vers des chambres à deux est une bonne évolution. Je crois que l'éclairage tenant compte des patients devrait toujours être présent, dans toute décision qui est prise dans un tel lieu.

Personne ne remet en question que les autres «lobbies» - entre guillemets - y compris politiques, soient représentés, mais les principaux intéressés, ceux qui bénéficient ou doivent bénéficier de ces prestations, ne sont pas formellement représentés ! Il ne s'agit pas d'un représentant d'une association de patients, il s'agit de quelqu'un qui a des compétences dans ce domaine.

Forts de ce qui a été dit, les socialistes, comme les Verts, vous invitent à suivre l'excellent rapport de minorité et à accepter ce projet de loi pour le bien des patients.

M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, Mme le rapporteur de minorité nous parle des HUG comme si cet établissement ne se préoccupait pas du quotidien des patients. Alors je tiens à rassurer cet auditoire: c'est quotidiennement que l'ensemble de cette institution se préoccupe de l'intérêt des patients. D'abord, évidemment, les professionnels de la santé, au quotidien, mais également la direction générale dont le bureau est ouvert au quotidien pour recevoir les patients.

Ensuite, j'aimerais quand même rappeler que l'établissement s'est doté d'instances qui permettent d'interagir avec les patients de manière formelle. Il y a tout d'abord un espace médiation et je lis très brièvement comment cet espace se présente: «Votre séjour ou celui d'un proche ne vous a pas donné pleine et entière satisfaction ? Vous avez une doléance à formuler, une suggestion à faire ? N'hésitez pas à vous rendre à l'espace médiation situé dans l'entrée principale.» Cette interface existe et est en lien direct avec la direction générale des HUG.

Ensuite, pour la défense des droits des patients, il y a une vitrine et un espace au sein des HUG à disposition de l'organisation suisse des patients qui a pour but de protéger et de défendre les droits des patients et des assurés dans le domaine de la santé, auprès des soignants, des institutions de soins et des caisses maladie. Les HUG offrent cette interface pour les patients et les familles. Tout est donc fait au sein des HUG pour répondre aux préoccupations des patients. Finalement, vous avez encore la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients qui, évidemment, peut être saisie en tout temps lorsqu'un problème majeur survient. Donc, oui, Mesdames et Messieurs les députés, les HUG répondent aux préoccupations des patients au quotidien et de manière formelle.

Alors maintenant, que pourrait apporter un représentant d'une association de patients au sein du conseil d'administration ? Mais rien, Mesdames et Messieurs ! Ce serait une position tout à fait déplacée: le conseil d'administration est chargé de décisions stratégiques, pas seulement du point de vue financier, mais aussi des priorités sanitaires auxquelles le canton doit faire face; le canton, d'une part, mais également les HUG qui ont un rayonnement national et international. Donc je pense qu'il ne faut pas se tromper de niveau d'intervention. La représentation des patients doit pouvoir exister au sein de l'établissement; en revanche, son conseil d'administration doit être entre les mains de personnes qui ont les compétences de gérer et de prendre les décisions stratégiques. Pour toutes ces raisons, le PLR s'opposera à l'entrée en matière de ce projet de loi.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi un représentant des patients - désigné précisément en cette qualité - serait moins compétent qu'un commissaire lambda ? On entend ici que les patients n'ont pas à s'en préoccuper puisque les professionnels de la santé et le conseil d'administration - tout le monde - s'occupent de leurs intérêts. C'est quand même un brin paternaliste ! Pourquoi ne pas accorder aux patients le droit d'être reconnus comme interlocuteurs, pas simplement comme sujets d'une médiation lorsqu'ils ont un problème ? Comme interlocuteurs sur la politique et la gestion des HUG ? Il ne s'agit pas de leur en confier l'entière responsabilité, mais, selon l'échantillonnage que l'on prévoit généralement pour les conseils d'administration, un représentant des patients devrait trouver là sa place. C'est simplement une question de droit fondamental à pouvoir se faire entendre, mais surtout, je vous en prie, une manière respectueuse de considérer les patients: non pas une manière paternaliste comme on nous l'a proposé ! C'est pourquoi notre groupe soutiendra le rapport de minorité et espère que cette majorité qui s'est égarée voudra bien rejoindre la minorité.

M. Marc Falquet (UDC). Au niveau de l'UDC, on est un petit peu partagés, mais moi je pense que, si un représentant de l'intérêt des patients doit siéger quelque part, c'est bien à l'Hôpital cantonal. Je ne vois pas pourquoi un représentant des patients ne devrait pas siéger là-bas ! On se plaint qu'il va y avoir des plaintes mais, pour l'instant, les plaintes sont dirigées vers la commission de surveillance des droits des patients qui ne répond souvent jamais, du reste ! Il faut le dire et on les avait entendus une fois à ce sujet en commission.

Ensuite, les patients font quand même remonter beaucoup de problèmes. Les soignants s'occupent des patients, certes, mais quand on voit les médecins le nez dans le guidon toute la journée, derrière leurs ordinateurs ou leurs dossiers, il est clair qu'il y a un problème d'écoute à améliorer. Il y a encore beaucoup d'autres problèmes, notamment aux urgences. Les urgences de l'Hôpital cantonal sont une véritable honte: vous êtes reçu debout, il n'y a aucune intimité et tout le monde entend ce que vous dites, que ce soit le livreur de fleurs, l'électricien ou les employés. Ils sont au courant de vos problèmes ! Il y a là vraiment quelque chose à améliorer et je pense que le représentant des patients aurait un rôle à jouer, même si ce n'est pas rentable. A Genève, ce service des urgences est une honte !

M. Bertrand Buchs (PDC). Nous avons un problème. Il est clair que tout le monde aimerait qu'il y ait un représentant des patients au conseil d'administration de l'hôpital. Mais qu'est-ce que ça veut dire, le représentant des patients ? Je n'ai pas eu de réponses jusqu'à maintenant, notamment en lisant ce projet de loi. Qui va représenter les patients ? Qui va me représenter en tant que potentiel patient ? Je ne sais pas ! Et la seule réponse que j'ai est que c'est nous qui allons représenter les patients, c'est-à-dire nous, représentants des partis politiques. Et si nous, représentants des partis politiques, ne sommes pas foutus de défendre les gens qui ont adhéré à nos partis ou les gens qui viennent nous voir pour défendre les patients, alors nous ne servons strictement à rien ! A ce moment-là, mettons des représentants des patients et ne mettons plus de représentants des partis politiques. C'est à nous de prendre cette responsabilité, comme représentants des partis politiques. Il n'y a pas besoin d'avoir un représentant dont on ne sait rien: qui sera nommé et comment va-t-il nous représenter ?

M. François Baertschi (MCG). Dans un premier temps, le groupe MCG était assez favorable à ce projet de loi parce qu'il est vrai que ça peut paraître tout à fait intéressant d'avoir des représentants de patients à l'hôpital cantonal, à Joli-Mont et à Montana... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Toutefois, à la réflexion, il y a de quoi rester sceptique, quand on voit quelles associations de patients pures il y a à Genève. Il y a l'OSP qui n'est même pas une association genevoise ! C'est une association zurichoise qui a deux bureaux - un à Lausanne, un à Genève. Ce bureau se trouve à l'Hôpital cantonal, c'est-à-dire qu'il y a absence d'indépendance.

Imaginons que l'on défende trop bien les patients, qu'on leur dise de faire trop de recours en justice ou d'intervenir de manière un peu conflictuelle dans un cas ou dans un autre: il est certain que l'organisation en question risquerait de perdre ses bureaux. Je ne sais pas combien de membres l'association compte à Genève, cela ne figure malheureusement pas dans le rapport. Donc il y a aussi un problème de représentativité de l'association en question.

Autrement, je me demande ce que va faire un conseiller d'Etat. Il pourrait agir selon sa fantaisie: tiens, on va choisir telle association ou telle autre ! Si l'association a une certaine légitimité, cette légitimité est toutefois difficile à établir avec 400 000 patients: comment représenter la majorité de ces 400 000 patients ? C'est difficile et d'une praticabilité délicate. Actuellement, l'OSP a un bureau aux HUG et c'est quand même un cadeau assez royal: je le dis en étant actif dans une association qui rame tous les jours pour faire fonctionner son bureau et ses salariés. C'est quelque chose qui est très difficile, qui demande des efforts personnels et des efforts financiers des membres du comité également - un effort en temps et un engagement important. Là, je vois quand même une situation un peu hybride. Alors, même si on part d'une bonne intention, je ne vois pas trop ce que l'on peut faire à ce niveau-là.

La situation actuelle, c'est qu'on a des représentants de partis politiques qui doivent quand même représenter les patients, qui doivent représenter la population. S'ils ne le font pas, ce sont peut-être les partis politiques qui doivent aussi se poser des questions en se demandant s'ils ont fait le bon choix. C'est peut-être à ce niveau qu'il faut s'interroger. Il faudrait avoir quelqu'un de spécifique, en termes de patients; il faudrait qu'on ait des juristes spécialisés dans le domaine de la défense des patients. Malheureusement, c'est quelque chose qui n'existe pas ou pas encore: je vois une sorte d'ASLOCA de la médecine ou des patients.

C'était un projet que notre conseiller d'Etat Mauro Poggia avait voulu lancer en son temps, malheureusement sans un succès remarquable. Sa défense des assurés a mieux fonctionné: il a défendu beaucoup de patients en direct, mais il n'a à l'époque jamais disposé d'un cabinet alloué gratuitement au sein des HUG. Je pense qu'à l'époque on préférait le savoir dehors et le voir le moins possible. Maintenant, il est conseiller d'Etat, les temps ont un peu changé et il a une responsabilité autre que celle de l'avocat.

Même si on part d'une bonne idée, je pense qu'on est vraiment dans une situation un peu hybride.

Le président. Il vous reste vingt secondes.

M. François Baertschi. Alors on peut désigner une personne pour cette fonction, cela ne va pas bouleverser la république, mais j'ai peur que cela n'apporte pas grand-chose. Comme nous avons eu auparavant les représentants des caisses maladie qui devaient soi-disant représenter les assurés. Or on a vu comme ça n'allait pas ! Je suis désolé, Monsieur le président, de prendre sur votre temps et je vous remercie.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Jean-Charles Rielle pour deux minutes trente-quatre.

M. Jean-Charles Rielle (S). Merci, Monsieur le président. Je reprends brièvement la parole: toutes les interventions démontrent un état d'esprit qui se situe en aval, qui fait remonter les problèmes après un dysfonctionnement. Ce poste se placerait en amont, car c'est là qu'il faut apporter un éclairage en fonction des patients. Un préopinant a parlé de Mme Despland, par exemple: voilà une haute autorité qui est au-dessus, ne représente pas des associations de patients, mais c'est quelqu'un de compétent qui apporte un éclairage pour les prises de décision - y compris stratégiques - en amont. La démonstration est faite, il ne s'agit pas d'un bureau de plaintes supplémentaire et ça, ça manque ! On sait que c'est souvent une fois que les décisions ont été prises qu'on fait du rattrapage: on demande aux patients s'ils ont été contents ou pas. Je n'ai jamais dit que l'hôpital ne se préoccupait pas des patients, j'ai simplement dit qu'on pouvait améliorer les premières décisions et celles qui vont avoir des répercussions sur l'ensemble de l'hôpital avec l'apport d'une personne qui ne serait pas un représentant qui vient se plaindre, mais bien quelqu'un de compétent en matière de droits des patients qui se prononcerait sur la qualité des décisions prises et leurs impacts sur les patients.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Marie-Thérèse Engelberts pour deux minutes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Alors, pour une fois, je ne serai pas d'accord avec le représentant du parti démocrate-chrétien par rapport à ce projet de loi. (Brouhaha.) Je voudrais quand même signaler qu'il ne me semble pas très difficile de trouver un représentant des patients au sein des Hôpitaux universitaires de Genève, car nous avons dans notre canton énormément d'associations de patients.

Je vous rappelle que les Hôpitaux universitaires de Genève ont mis le patient au centre de leurs préoccupations et de leurs activités de soins - médicales, chirurgicales et autres. Or, le patient est le seul qui n'est pas représenté dans leur conseil d'administration ! L'université a des représentants d'étudiants. Il y a un représentant du personnel des HUG, par exemple. Cette personne représente qui ? Tout le personnel ! Elle est désignée, mais elle représente aussi bien les soins, la technique, l'informatique, le directeur médical, etc. C'est la même chose ! Les patients sont véritablement le coeur de l'hôpital et, donc, si c'est vraiment le cas, il y a lieu d'innover maintenant, de poser la question aux différentes associations de patients et de ne pas nommer n'importe qui dans la population pour représenter les patients.

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. A ce moment-là, ces associations désigneront quelqu'un, suite à un accord, et cette personne consultera ces associations. Je suis d'accord que ce n'est pas tout simple et que ça ne se fera pas en une minute, mais ça me paraît suffisamment fondamental pour que les patients soient représentés au sein de ces institutions.

M. Patrick Lussi (UDC). J'essaierai d'être court. Mesdames et Messieurs les députés, vous comprendrez que l'UDC votera de manière partagée, étant donné que ce projet de loi mêle deux choses selon certains, c'est-à-dire la notion de stratégie et la notion d'aide. J'aimerais avoir le plaisir qu'on me nomme une société humaine qui fonctionne parfaitement: ça n'existe pas ! J'aimerais aussi qu'on me dise que, dans le cadre des HUG, les récriminations et plaintes des patients ne sont jamais prises en compte. Je citerai simplement M. Halpérin, alors président du conseil d'administration des HUG, qui disait qu'il n'était pas favorable à ce qu'un représentant des patients vienne au conseil d'administration, étant donné que la notion même de patient est provisoire. Est-ce à dire qu'on doit nommer un malade perpétuel ? Mesdames et Messieurs, ce n'est pas sérieux !

En ce qui me concerne, je ne voterai pas l'entrée en matière de ce projet de loi, et la liberté de vote est laissée à notre groupe.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Frédérique Perler pour trois minutes trente-trois.

Mme Frédérique Perler. Je renonce, Monsieur le président.

Le président. Vous renoncez. Je passe la parole à la rapporteure de minorité, Mme Sarah Klopmann.

Mme Sarah Klopmann (Ve), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. On nous explique donc que les HUG se préoccupent de l'intérêt des patients et qu'il y a d'ailleurs un bureau pour recevoir leurs plaintes et leurs doléances - l'espace de médiation. Or, justement, ce qu'on veut, c'est travailler en amont ! Comme ça a déjà été dit, travailler de façon que l'institution réfléchisse déjà dans son fonctionnement à l'intérêt des patients. S'il y a eu besoin de créer cet espace de médiation, c'est bien la preuve que tout n'est pas optimal pour les patients aux HUG !

Ensuite, on nous explique que ce sont les partis qui vont représenter les patients, que ce sont les partis qui sont là pour ça. Mais non ! Les représentants de partis doivent aussi être des gestionnaires et, surtout, les représentants de partis, aussi qualifiés soient-ils, ne sont pas forcément des experts dans la question du droit et des intérêts des patients. Là, on demande de mettre quelqu'un qui travaille dans ce domaine, qui est compétent dans ce domaine et dont c'est l'intérêt principal de défendre les patients. Même si les gens qui sont dans ce conseil d'administration sont pleins de bonne volonté et savent aussi ce que c'est que d'être patient, ils ne sont pas forcément formés pour ça.

Dans toutes les institutions, on a des représentants des usagers, que ce soit dans les EMS, dans les écoles ou à l'université. Il n'y a que dans les établissements publics médicaux que ce n'est pas le cas ! C'est un peu bizarre !

Donc, oui, nous aussi, nous avons voulu enlever le représentant des assurances-maladie, comme cela a été dit avant et, justement, parce qu'il ne défendait pas l'intérêt commun: il défend des intérêts privés, financiers notamment. Donc là, ce qu'on demande, c'est de mettre plutôt quelqu'un qui va défendre l'intérêt commun. D'ailleurs, ce serait même un assez joli pied de nez de remplacer l'ancien représentant des assurances qu'on a enlevé par un représentant des patients ! C'est quelque chose qui nous satisferait assez. L'Etat doit donc servir la population et la mission des établissements publics médicaux doit réellement être centrée sur les patients et c'est pour ça que nous vous demandons vraiment, s'il vous plaît, de réfléchir à l'opportunité de placer un représentant ou une représentante des patients, sachant qu'on décidera ensuite qui ce sera. Quand on décide de placer un représentant des médecins, on ne se demande pas d'abord qui ce sera et combien il y a de membres dans l'association des médecins: on se dit qu'il faut quelqu'un qui les représente et, ensuite, on trouve la personne adéquate; là, on pourra faire la même chose ! Donc, s'il vous plaît, centrons le travail des établissements publics médicaux sur l'intérêt du patient !

Le président. Je vous remercie, Madame la rapporteure. Je passe la parole au rapporteur de majorité, M. Jean-Luc Forni.

M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je crois que mon ami le député Pierre Conne l'a très bien rappelé: on confond un peu le stratégique et l'opérationnel. Qu'on ait un représentant d'une organisation de patients, une sorte de représentant général: oui ! Mais pas à l'intérieur d'un conseil d'administration ! Pourquoi ? Parce que, dans un conseil d'administration, vous avez un devoir de loyauté. Donc, toutes les décisions prises par ce conseil d'administration devraient aussi être défendues par le représentant des patients et, là, je pense qu'il y a très nettement un conflit d'intérêts.

On l'a dit, au niveau opérationnel, les structures sont déjà présentes. Les préoccupations des patients sont prises en compte; les structures de médiation sont là aussi. Je pense que leur pouvoir est beaucoup plus grand, pour les droits des patients, à l'extérieur de l'établissement, à l'extérieur du conseil d'administration plutôt qu'à l'intérieur. Je vous invite donc une fois encore à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on dit que l'enfer est pavé de bonnes intentions: voilà une dalle supplémentaire dans la salle de l'inutile, voire du contre-productif, ce qui est pire. S'il y a bien une chose dont on ne m'accusera pas, c'est de n'être pas sensible à la cause des patients. Durant trente ans, en tant qu'avocat, j'ai défendu des patients contre le corps médical, contre les institutions médicales. Les seuls médecins que j'ai défendus, c'était contre des assureurs. Donc cela en dit long sur ma détermination à faire en sorte que celles et ceux qui, souvent, n'ont pas voix au chapitre puissent s'exprimer, puissent faire constater, le cas échéant, les violations de leurs droits.

Nous avons sorti les assureurs du conseil d'administration des HUG et c'était une bonne chose. Pour des raisons évidentes de confidentialité, il était logique que l'on puisse parler ouvertement dans un conseil d'administration de questions tarifaires sans qu'évidemment ces propos soient immédiatement rapportés aux organes faîtiers de nos chers assureurs - et, dans ma bouche, le mot «cher» a un sens bien particulier.

Faut-il pour autant y introduire des représentants des patients ? Il est vrai que l'on peut se poser des questions: quel est le représentant des patients ? Je ne dirais pas, comme l'a dit le regretté feu Michel Halpérin, qu'être patient est un état provisoire. Je pense que les représentants des patients ne représentent pas que les patients en cours de route, dirais-je, mais aussi les futurs et potentiels patients que nous sommes tous. Les psychiatres disent d'ailleurs que nous sommes tous des patients qui s'ignorent. Donc il y a effectivement possibilité de représenter les patients, même si l'on n'est pas soi-même patient, et je pars de l'idée que les représentants politiques au sein du conseil d'administration sont aussi sensibles aux droits des patients à l'égard du corps médical.

Alors, faut-il pour autant désigner une personne supplémentaire ? Quel sera le poids effectif de cette personne dans des discussions qui, potentiellement, pourraient toucher les patients ? Je vous dirai que, pour faire partie de ce conseil d'administration, je n'en ai pas encore vu, en un peu plus de deux ans. Ce sera une voix sur vingt et qui sera minorisée. Ce sera peut-être même un alibi pour celles et ceux qui voudraient porter atteinte aux droits des patients; ces personnes pourraient dire que les patients ont eu l'occasion de s'exprimer et qu'ils ont été minorisés, que les lois démocratiques s'imposent et qu'il faut accepter d'être minorisé, qu'il faut accepter la loi de la majorité.

Non, le droit des patients ne se défend pas dans un conseil d'administration ! Le droit des patients ne se décrète pas une fois pour toutes; il doit se défendre au quotidien, au cas par cas, auprès de chaque soignant, dans la manière qu'il a de recevoir le patient, de lui expliquer son diagnostic, de lui annoncer parfois des nouvelles douloureuses. Et c'est là que nous devons travailler, dans la formation quotidienne et continue de nos soignants, pour qu'ils soient conscients. C'est vrai, parfois, la surcharge de travail et la pression des horaires peuvent faire en sorte qu'on ne passe pas tout le temps nécessaire auprès de patients. Il faut toujours se souvenir que, derrière ce dossier que l'on examine dans un premier temps, derrière ce corps, il y a un être humain qui mérite toute notre attention. Et ce travail ne se fait pas dans un conseil d'administration, Mesdames et Messieurs, il se fait ailleurs, il se fait à côté, il se fait avec le dialogue. Le conseil d'administration a organisé cet espace médiation - qui doit encore être amélioré, j'en suis convaincu. Je serai attentif, et je le suis déjà en ayant demandé des rapports; j'en ai demandé aussi à l'Organisation suisse des patients qui bénéficie d'un lieu privilégié à l'entrée des Hôpitaux universitaires de Genève, pour savoir quel est le travail effectif et concret qui se fait. Je ne veux pas de médiateurs qui soient simplement institués pour venir convaincre les patients que tout va très bien dans le meilleur des mondes et que, finalement, ce n'est que leur vision des choses qui doit s'améliorer. Je sais que ce n'est pas le cas; je sais que cela risque d'être toujours le cas et il faut être attentif à ce que cela ne soit jamais le cas. Il s'agit d'une instance indépendante, qui doit être indépendante de la hiérarchie et capable d'imposer à celles et ceux qui à un moment donné commettent une erreur de le reconnaître.

Ce qu'attendent les patients avant toute chose, c'est la transparence, c'est la loyauté, c'est que la confiance ne soit pas rompue du simple fait que le patient a eu l'outrecuidance de mettre en évidence une petite et potentielle erreur commise. Il faut que cette relation de confiance aille au-delà de la remise en cause du professionnel de la santé, et c'est un travail qui ne se fait pas à l'occasion des sujets abordés dans un conseil d'administration. Je vous demande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir refuser l'entrée en matière de ce projet de loi.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais donc vous faire voter sur l'entrée en matière de ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 11285 est rejeté en premier débat par 55 non contre 34 oui et 3 abstentions.