République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11585-A
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier le projet de loi-cadre du Conseil d'Etat sur la répartition des tâches entre les communes et le canton (LRT) (A 2 04)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 17, 18, 24 septembre et 2 octobre 2015.
Rapport de majorité de Mme Simone de Montmollin (PLR)
Rapport de minorité de Mme Irène Buche (S)

Premier débat

Le président. Nous passons à notre première urgence du jour, le PL 11585-A, que nous traiterons en catégorie II - soixante minutes. J'attire votre attention sur le fait que ces soixante minutes couvrent l'entier des débats, c'est-à-dire y compris le deuxième et le troisième débat. Je cède maintenant la parole au rapporteur de majorité, Mme Simone de Montmollin.

Mme Simone de Montmollin (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, au nom de la commission des affaires communales, régionales et internationales, je souhaite d'abord remercier toutes les personnes qui ont efficacement épaulé la commission durant ses travaux. Ceux-ci ont occupé onze séances et lui ont permis d'étudier et d'amender ce PL 11585 pour prendre en considération les requêtes formulées par les communes et les propositions des groupes. C'est donc un projet de loi modifié sur certains aspects formels mais respectant l'esprit du texte adopté par le Conseil d'Etat et l'ACG que la majorité de cette commission vous soumet aujourd'hui pour approbation.

De quoi s'agit-il ? C'est une loi-cadre, composée de dix articles, qui pose la première pierre de la réforme autant souhaitée que nécessaire de la répartition des tâches entre le canton et les communes. Elle est en effet souhaitée par le Grand Conseil qui, à deux reprises, a demandé au Conseil d'Etat de se pencher sur la question du désenchevêtrement - par la motion 2144 adoptée le 28 juin 2013 et le PL 11177 adopté par la commission des droits politiques le 29 avril 2015 - et également nécessaire, au vu de l'injonction constitutionnelle qui précise que le cadre législatif pour la répartition des tâches entre le canton et les communes doit être effectif au 31 mai 2018, mais surtout au regard de la situation du canton de Genève qui, durant les dernières décennies, a connu un développement accru et constant de ses politiques publiques, induisant un relatif désordre organisationnel quant à l'attribution des tâches ainsi qu'une imbrication toujours plus complexe du rôle respectif du canton et des communes. Cette situation n'est donc plus optimale aujourd'hui et nécessite une clarification. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le but de cette loi est de donner un cadre opérationnel. Elle décrit une méthode, elle fixe les principes qui guideront l'attribution des tâches, elle définit la nature des tâches, elle prévoit les mécanismes qui devront assurer leur transfert échelonné de même que le mécanisme de financement pendant le processus, et elle prévoit enfin un mécanisme pour assurer le principe de neutralité de la réforme sur le plan fiscal.

Pourquoi faut-il accepter ce texte tel quel ? Parce qu'il a fait l'objet d'auditions tant de l'ACG que de la Ville de Genève, ainsi que d'une étude attentive des propositions qui lui ont été soumises. La commission a accepté les propositions chaque fois qu'elles permettaient de clarifier ou de préciser les termes, mais en revanche elle n'est pas entrée en matière lorsqu'elles divergeaient par trop sur le fond. En effet, une minorité reproche à ce projet de loi un certain nombre de points. Le premier serait un manque de concertation de la part du Conseil d'Etat, ressenti très diversement par les communes, mais relayé essentiellement par la Ville de Genève, qui jouit pourtant d'un rapport privilégié avec le Conseil d'Etat dans ce dossier. Cette minorité revendique en outre une autre méthode de travail - souhaitée aussi par la Ville de Genève - sur laquelle la commission n'est pas entrée en matière, car elle est contraire à l'intérêt général et non conforme à l'esprit du projet adopté par l'ACG. Elle désire notamment procéder selon le principe d'une loi unique en lieu et place de trains de lois successifs, ce qui pose des problèmes d'unité de matière, non tranchés par le TF, et aurait pour conséquence de faire durer les travaux quelques décennies - si tant est qu'ils aboutissent - sans permettre d'avancer sur les dossiers les plus simples. Elle souhaite en outre exclure la possibilité de procéder à une éventuelle bascule fiscale en deux temps, alors que ce processus sera probablement long et qu'une certaine souplesse est nécessaire. Elle voudrait enfin restreindre le mécanisme d'ajustement fiscal à la seule modification du centime additionnel, alors que l'ensemble des éléments de la fiscalité doivent pouvoir être pris en compte afin de ne pas renforcer les disparités entre les communes et de respecter le principe de neutralité énoncé dans ce projet de loi. Voilà les raisons pour lesquelles la commission n'est pas entrée en matière sur ces demandes. Cette dernière rappelle de plus que cette réforme se veut neutre sur le plan fiscal pour l'ensemble des tâches transférées et qu'elle n'a pas pour ambition de résoudre les questions de péréquation et du lieu d'imposition, qui devront faire l'objet de textes séparés.

Plus largement, pour l'ensemble de cette réforme le Grand Conseil a la responsabilité d'assurer le respect des institutions et de défendre l'intérêt général, qui doit être le fil conducteur et primer sur l'intérêt particulier de certaines communes. La majorité de la commission a tranché, considérant que la concertation était effective, via l'organe officiel et représentatif de toutes les communes qu'est l'ACG, et au travers des comités de pilotage paritaires et groupes de travail techniques mis en place pour cette réforme, ainsi qu'au vu des nombreuses séances mensuellement tenues à cet effet. Elle a aussi estimé que l'approche méthodologique proposée par le Conseil d'Etat était judicieuse, garante des droits démocratiques et éprouvée, la Confédération et les cantons - notamment Vaud et Zurich - ayant aussi opéré par trains de lois successifs lorsqu'ils ont traité de leur réforme des tâches.

En conclusion, au terme de vingt-trois heures d'auditions et de débats, la commission propose ici un projet de loi amendé, dont les modifications apportées ont permis de clarifier le texte et de répondre aux préoccupations des communes, tout en assurant la défense d'un intérêt général bien compris. Ce projet de loi vise une réforme raisonnable et équilibrée, il pose les jalons d'une méthode claire, simple et transparente, qui permet d'évaluer puis de répartir les tâches selon les principes connus de tous. La réforme qu'il initie n'est certes pas une révolution, mais un premier pas vers plus de clarté, plus d'efficacité et plus de lisibilité pour le citoyen quant au rôle des communes et du canton. Elle permettra aux communes de déployer pleinement leurs forces et de raffermir les rapports de proximité avec leurs communiers. Pour toutes ces raisons, et au nom de cette majorité, je vous remercie d'adopter ce projet de loi tel qu'issu de ces travaux. (Applaudissements.)

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout d'abord vous faire part de mon étonnement - pour ne pas dire plus - à propos de l'absence de certaines annexes, pourtant fondamentales, dans le rapport qui vous est soumis aujourd'hui. En effet, les membres de la CACRI ont reçu plusieurs documents déposés par les personnes auditionnées qui sont essentiels pour la bonne compréhension de leur position et dont vous êtes pourtant privés aujourd'hui. Il s'agit de la liste complète des amendements déposés par l'ACG et la Ville de Genève en mars 2015, d'un document élaboré par la Ville de Genève pour commenter ses propositions d'amendements, d'un courrier de l'ACG au Conseil d'Etat du 19 février 2015 et d'une note du secrétariat général du département présidentiel sur la bascule fiscale. Le rapport de majorité ne suffit effectivement pas à la bonne compréhension des positions de l'ACG et de la Ville de Genève, étant relevé qu'il ne comprend même pas la présentation des amendements de l'ACG faite lors de son audition. Il en résulte, selon nous, un manque de transparence et de neutralité fort regrettable dans ce dossier pourtant délicat et potentiellement source de graves divergences entre le canton et les communes.

Cela étant, le groupe socialiste a déposé différents amendements dont nous parlerons tout à l'heure, et cela dans un esprit constructif. La concertation est l'une des pommes de discorde de ce projet, la majorité refusant de définir la concertation dans ce projet de loi. Or l'article 135 de la constitution ne fait que poser le principe de cette concertation, sans en dessiner les contours. Quant à l'article 2, alinéa 2, de la LAC, il ne fait état que d'une obligation de consultation très relative et en quelque sorte à bien plaire, qui est reflétée par les termes «sont en règle générale consultées». Depuis le début du processus, la concertation a été mise à mal par la précipitation excessive du Conseil d'Etat à mener cette réforme, alors même que la constitution n'impose aucun délai impératif pour la terminer. La Ville de Genève n'a de loin pas été la seule à se plaindre de cette précipitation et de ce manque de concertation. D'autres dossiers peuvent sembler plus urgents, tels que celui de la péréquation financière entre les communes afin de réduire les fortes disparités de richesses entre celles-ci. Il nous paraît donc indispensable de définir la concertation dans ce projet de loi.

Nous sommes par ailleurs convaincus qu'il est absolument nécessaire d'avoir une vision globale et cohérente de l'ensemble de la réforme avant de voter les différents trains de lois, afin d'éviter des déséquilibres, que ce soit au détriment des communes ou du canton. A défaut d'avoir une loi spéciale unique, nous insistons aujourd'hui pour que toutes les lois spéciales soient votées lors d'une seule session du Grand Conseil. Le Grand Conseil étant maître de son ordre du jour, il peut parfaitement inscrire une telle clause dans un projet de loi.

J'ai à plusieurs reprises entendu la majorité parler de méfiance et même de défiance des communes. Oui, il y a méfiance, il ne faut pas se le cacher ! Si la situation semble être claire pour l'Etat de Genève, elle reste très nébuleuse et inquiétante pour les communes, en tout cas pour une grande partie d'entre elles. A ce jour, il y a plus de questions que de réponses, notamment sur le fonctionnement du fonds de régulation et de la bascule fiscale, ainsi que sur le principe de la neutralité fiscale. En particulier, la bascule fiscale est une bouteille à l'encre. S'il paraît logique qu'elle se fasse par la modification des centimes additionnels, on ne comprend pas bien comment des taxes pourraient être incluses dans ce processus. Je souhaite vivement que le président du Conseil d'Etat puisse nous donner quelques explications à ce sujet aujourd'hui.

D'autre part, le Conseil d'Etat a promis que la réforme serait neutre fiscalement pour l'Etat et les communes, et il a même affirmé lors des travaux en commission qu'elle le serait également pour le citoyen. Or cela est tout simplement impossible en ce qui concerne les citoyens. Rien ne garantit non plus que les communes ne se retrouveront pas avec des tâches supplémentaires sans les ressources qui vont avec, en raison de différents facteurs tels que l'évolution démographique et l'augmentation des coûts. D'ailleurs, et l'on peut s'en étonner, dans son projet de budget 2016, le Conseil d'Etat a prévu une mesure 58 intitulée «Répartition des tâches canton-communes». Pourquoi cette mesure si la réforme est fiscalement neutre ? On peut aussi légitimement se demander comment seront déterminés les montants à verser au fonds de régulation, en fonction des coûts réels, prévisibles ou non, de la tâche transférée. Toutes ces questions induisent une légitime méfiance de la part d'un certain nombre de communes, surtout si le principe de concertation n'est pas intégralement respecté par le canton. (Quelques applaudissements.)

M. Bernhard Riedweg (UDC). Ce projet de loi-cadre figure parmi les priorités de la législature 2013-2018. Par le passé, l'augmentation de la population dans les communes a occasionné une multiplication des tâches et des enchevêtrements se sont créés, engendrant ainsi des doublons. C'est la raison pour laquelle il est utile de revoir maintenant cette organisation pour simplifier les démarches administratives, améliorer les prestations, réduire les coûts et optimiser les rapports entre le canton et les communes.

Les taux des centimes additionnels des communes concernées devraient être modifiés et adaptés symétriquement et en une seule fois, ce qui assurera une neutralité des coûts. L'entrée en vigueur de la loi de bascule fiscale devrait correspondre à un début d'année civile, ce qui est malheureusement contesté par l'ACG. Le projet de loi-cadre sera suivi par des trains de lois spéciales qui ont pour avantage d'être successifs et qui seront soumis sans tarder au Grand Conseil. Il faut relever que le cadre législatif doit être adopté le 31 mai 2018, date à laquelle tous les trains de lois devront être votés. Comme vous pouvez l'imaginer, le temps nous est compté ! Ces mesures de désenchevêtrement devraient permettre de gagner en efficacité et en transparence dans le cadre de la gestion au niveau cantonal, afin d'inverser la tendance de la chute de la participation de la population aux élections d'une part, et d'autre part par un taux de renouvellement très important des conseillers municipaux. Une redéfinition des tâches aura pour but de permettre une revalorisation du mandat électif communal en favorisant la mise en oeuvre de la proximité. Le coût de la tâche transmise du canton à la ou aux communes devrait être réévalué tout au long du processus afin que soit versé à un fonds de régulation un montant actualisé.

Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes appelés à voter ce projet de loi-cadre qui ne compte que dix articles et qui a nécessité une année de discussions avec les communes. Il s'agit d'un projet de réforme. Selon les exigences de la constitution, il ne reste que trente-deux mois pour le mener à bien, car les délais constitutionnels imposent un calendrier qu'il faut respecter. Ce projet ne pourrait jamais avancer s'il fallait prendre en compte l'avis de tous les conseillers municipaux des quarante-cinq communes. En guise de réconfort, sachez que l'ACG soutient cette loi-cadre à 90%. Afin de réussir dans ce projet de loi et de préserver les egos des uns et des autres, il est réaliste de faire avancer son contenu pas à pas, et de ne pas tout faire en un bloc. Il a été estimé qu'un seul projet de réorganisation pour l'ensemble du canton qui décrirait tout dans le moindre détail n'est pas envisageable. Ce projet de réforme ne pourra se faire qu'avec la volonté et la ferme conviction qu'il s'agit d'une réforme utile à notre canton. Il faut savoir en outre que de plus grands cantons que celui de Genève ont réussi de telles réformes. En conclusion, l'Union démocratique du centre vous demande d'accepter ce projet de loi tel qu'amendé afin que le Conseil d'Etat puisse poursuivre ses activités sur les lois spéciales.

M. Pierre Vanek (EAG). C'est la montagne qui accouche d'une souris ! En effet, on nous parle de dizaines d'heures de séances de commission, de consultation, mais enfin, Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'un projet de loi de dix articles qui sont d'une banalité affligeante, d'une veulerie extrême, et qui laissent la porte ouverte à un arbitraire considérable ! Ça ne va pas du tout, et nous ne voterons pas ce projet de loi en l'état. Nous prenons donc bien sûr à notre compte les propositions faites par la minorité ainsi que les critiques formulées par la rapporteuse de minorité du parti socialiste, mais sérieusement, ce projet de loi contient des banalités et des généralités absolues. Il est écrit notamment, concernant la répartition des tâches - c'est repris de la constitution, mais enfin, cela y figurait déjà - qu'elle est «régie par les principes de proximité, de subsidiarité, de transparence et d'efficacité». Ça ne dit absolument rien ! On peut lire également que «le principe de proximité suppose que les tâches publiques doivent s'accomplir au niveau le plus proche possible du citoyen». Mais ça ne veut absolument rien dire, «plus proche possible du citoyen» ! L'usine des Cheneviers doit-elle être mise sur la plaine de Plainpalais pour être plus proche des citoyens ? C'est une tâche publique ! C'est idiot: la proximité, dans ce sens-là, ça ne veut rien dire. La Confédération accomplit toute une série de tâches qui sont évidemment importantes, proches et immédiates pour les citoyens ! Verser des rentes AVS et d'autres choses de ce genre, c'est proche, c'est immédiat, c'est important, ça fait partie de la vie quotidienne d'une majorité ou d'une grande partie de nos citoyens, et pourtant c'est la Confédération qui le fait ! Donc s'agissant du principe de proximité, cette formulation générale ne présente aucun intérêt. Elle peut certes servir à faire des discours, mais dans une loi elle ne spécifie et ne définit rien.

Le principe de subsidiarité, nous dit-on, «suppose que le canton n'assume une tâche que dans la mesure où il peut mieux s'en acquitter que les communes». On emploie le terme «mieux», mais il faudrait déjà être d'accord sur le bien ! C'est comme si je faisais ici une loi en disant que les collectivités oeuvrent pour le bien commun, que tous les agents des collectivités font au mieux, etc. L'objet des débats politiques, Mesdames et Messieurs, l'objet des débats dans cette assemblée, c'est précisément de savoir ce qu'il est bien ou pas bien de faire. Il n'y a pas de règle qui décide du bien: c'est l'issue des débats politiques et démocratiques entre nous qui décide de ce qui est bien, de ce qui est mieux ou de ce qui est plus mal. De ce point de vue là, inscrire dans une loi qu'on fait le bien et qu'on fait au mieux, sérieusement... Enfin, mais vous vous foutez de la gueule du monde ! Ce n'est pas comme ça qu'on légifère ! Ce n'est pas une loi ! C'est éventuellement un discours de conseiller d'Etat en campagne, mais ce n'est pas une loi.

On nous dit ensuite que «le principe de transparence suppose que la répartition des tâches repose sur le modèle le moins complexe possible, le plus clair et le plus compréhensible [...]». Mais la vie - la vie sociale, mais aussi la vie biologique - est faite d'une certaine complexité ! On pourrait exiger de remplacer François Longchamp, président du Conseil d'Etat, par une paramécie ou une amibe... (Exclamations. Rires.) Ce serait plus clair, ce serait plus simple, ce serait plus transparent, mais quelles que soient les critiques que j'ai à faire au président du Conseil d'Etat, je ne lui souhaite pas et je ne souhaite pas à notre collectivité qu'il soit remplacé par une amibe ou une paramécie... (Exclamations.) Les critères qui figurent dans cette loi sont donc idiots.

On lit par ailleurs que «les tâches peuvent être exclusives, conjointes ou complémentaires». Mais c'est comme si, en discutant de matériel pour un chantier, parce qu'il s'agit ici d'un chantier, on disait que les matières employées peuvent être gazeuses, liquides ou solides ! On balaie l'ensemble du spectre ! Ça n'a pas de sens de mettre dans des lois des choses comme ça ! Alors voilà l'aspect un peu veule et bête de la démarche, qu'on cherche à enrober par des roulements de tambour. En effet, on nous a convoqués la semaine dernière pour une heure de discours d'un conseiller d'Etat autour de ces dix articles, alors qu'en principe on sait tous lire dans cette assemblée... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Certains plus ou moins bien... (Rires.) Et maintenant on veut nous faire faire un grand débat à ce sujet ! Non, ça ne va pas.

J'en viens aux aspects de mise en oeuvre. A l'article 6, «Planification», on peut lire ceci: «Au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi, une planification est effectuée par le Conseil d'Etat [...]» Non mais une loi qui dispose qu'une planification est effectuée par le Conseil d'Etat, ça veut dire quoi, légalement ? Ça ne veut rien dire ! Il n'y a aucun critère par rapport à cette planification, aucune exigence, ce n'est pas un texte de loi ! Ça ne va pas ! Et il y a ensuite l'arbitraire absolu, à l'article intitulé «Transfert des ressources». Il est dit en effet ceci: «Pour qu'une tâche puisse être transférée, le Conseil d'Etat [...] fixe [...]» On ne nous dit même pas qu'il faut un cadre légal ! Alors bien sûr on nous a indiqué qu'il y aurait des lois, des trains de lois qui seraient distillés Dieu sait comment, mais ces exigences de base légale ne figurent même pas dans cette loi-cadre !

Ce texte ne va donc pas du tout, il est absurde de le voter, et je rejoins pleinement - de même que mon groupe - les déclarations et demandes qui ont été faites par la rapporteuse de minorité, lesquelles consistent à dire raisonnablement qu'il faudrait avancer, qu'il faudrait avoir les mesures concrètes prévues dans ces transferts de tâches, et que s'agissant des différentes lois...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Pierre Vanek. ...il devrait idéalement y avoir une loi unique. Il devrait y avoir un paquet non pas ficelé, mais construit, qui soit soumis à ce parlement et sur lequel on puisse se prononcer, et sur lequel surtout peut-être les citoyennes et les citoyens de ce canton puissent se prononcer, Mesdames et Messieurs. A ce stade, ce machin, c'est du chewing-gum, ce n'est pas une loi, et nous voterons contre parce que nous ne sommes pas favorables à l'idée que ce parlement soit appelé à voter sur des objets aussi chewing-gum que celui-là.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. J'indique à votre groupe qu'il n'a plus de temps de parole pour le reste du débat. Je passe la parole à M. le député François Lance.

M. François Lance (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il n'est effectivement pas facile de parler après le député Vanek... La nouvelle constitution prévoit que la loi fixe les tâches qui sont attribuées au canton et celles qui reviennent aux communes. Le délai fixé pour l'adoption du cadre législatif est au 31 mai 2018, quand bien même le processus de mise en oeuvre pourra prendre plus de temps. Le Conseil d'Etat a initié cette réforme de désenchevêtrement des tâches, qui s'articule en trois parties échelonnées dans le temps, soit un projet de loi-cadre définissant les principes de répartition qui nous est soumis aujourd'hui, des projets de trains de lois spéciales de répartition des tâches, et enfin un projet de loi sur la bascule fiscale.

Ce projet de loi-cadre fixe les principes et mécanismes par lesquels la réforme sur le désenchevêtrement des tâches devra être réalisée, en assurant une neutralité en matière fiscale. Il s'agit donc de la première étape de la réforme. Ce projet de loi définit une méthodologie applicable lors de l'élaboration des trains de lois successifs, afin de leur assurer un traitement rigoureux et identique. Même si elle a été laborieuse à démarrer, une concertation a été mise en place d'une part au sein de l'ACG et d'autre part entre une délégation du comité de l'ACG et une délégation du Conseil d'Etat. Effectivement, il a été difficile de mettre à la table des négociations d'une part le Conseil d'Etat, appuyé par des collaborateurs spécialisés, et d'autre part l'ACG, qui représente quarante-cinq communes de différentes tailles et leurs 137 magistrats, dont le mandat, pour un certain nombre d'entre eux, constitue un engagement proche du bénévolat, et à mille lieues des hautes sphères de l'Etat.

Après avoir étudié durant onze séances de commission ce projet de loi, nous constatons que des compromis raisonnables ont été trouvés afin de prendre en considération les propositions de l'ACG et également de la Ville de Genève. Il faut saluer aussi la bienveillance du président du Conseil d'Etat dans ses efforts de concertation avec l'ACG et la Ville de Genève, malgré sa volonté d'avancer rapidement dans ce dossier. Vu l'importance de ce projet de loi, ces onze séances ont donc permis d'apporter les explications et les précisions à chacun des commissaires. Le groupe PDC est déterminé à soutenir ce projet de loi qui représente la première étape de cet important processus de clarification de la prise en charge des tâches entre le canton et les communes, en assurant une neutralité en matière financière, pour le moins au moment du versement au fonds de régulation. Il est indéniable que la deuxième étape de ce processus, soit l'étude des projets concrets de répartition des tâches, donnera peut-être plus de fil à retordre aussi bien à l'ACG qu'aux députés. Et pour mener à bien cette deuxième étape, il est indispensable que la poursuite de la concertation entre le Conseil d'Etat et l'ensemble des magistrats communaux soit assurée, charge aux magistrats communaux d'informer leur Conseil municipal respectif des conséquences de la mise en place de ces nouvelles répartitions sur la gestion des affaires communales. Par conséquent, le groupe PDC vous incite à voter ce projet de loi-cadre tel que sorti de commission, sans aucun autre amendement, projet qui doit permettre d'aller de l'avant dans cette clarification indispensable pour l'avenir de notre canton. (Applaudissements.)

Mme Beatriz de Candolle (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi-cadre est la base même d'un meilleur fonctionnement de nos institutions. En effet, il pose les jalons pour une répartition des tâches et des compétences entre les communes et l'Etat qui soit compréhensible pour la population et claire pour tous. Il ne se passe pas une semaine sans qu'un communier ne soit interloqué lorsqu'un magistrat, un élu municipal ou le personnel de l'administration lui explique que telle ou telle prestation est cantonale ou que telle ou telle fonction n'est pas du ressort de la commune et que cette dernière n'a aucune compétence en la matière. La répartition des tâches et des compétences est nécessaire non seulement pour clarifier le rôle de chacun mais aussi pour éviter les doublons dans bien des domaines. La revalorisation de la notion de l'autonomie communale passe par la définition des compétences et de l'action de chaque institution. Bien sûr, tout changement est source d'appréhension, surtout que les communes sont échaudées en ce qui concerne les transferts des charges qui ne sont pas accompagnés des compétences.

Comme son nom l'indique, cette loi donne le mode d'emploi quant à la façon dont la réforme sur le désenchevêtrement devra être accomplie. Elle comprend des règles claires et des principes arrêtés, comme la neutralité des coûts par un transfert des ressources nécessaires à l'accomplissement des tâches dans un fonds de régulation. La nouvelle disposition légale définit également la concertation entre le Conseil d'Etat et les communes en matière de décisions financières. Bien sûr, à la fin du processus, l'organisation du fonctionnement des communes ne sera plus comme aujourd'hui, mais nous n'en sommes pas encore là.

Mesdames et Messieurs les députés, un cadre donne la dimension de la toile que nous devons peindre ensemble, et la position du groupe socialiste est étonnante, vu que toutes les communes ont été consultées et que la plupart des amendements proposés ont été pris en compte par les députés siégeant à la CACRI. Mais peut-être n'est-elle pas si étonnante que cela, puisque ce groupe compte des magistrats dans les cinq plus grandes communes de Genève. Sont-ils solidaires des quarante autres communes ? Cette position fait fi de l'esprit démocratique qui régit l'Association des communes genevoises. Pour le bien de notre République et canton de Genève, le groupe PLR votera d'une seule voix ce projet de loi. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

M. Gabriel Barrillier (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, à la suite de la brillante intervention de ma collègue, je voudrais tout d'abord féliciter Mme le rapporteur pour son travail exceptionnel. Il nous a vraiment facilité la tâche !

J'aimerais prendre le communiqué du parti socialiste, puisque tout le reste a été dit jusqu'à maintenant. Ce communiqué du parti socialiste reproche le manque de concertation - alors qu'on ne s'est jamais autant concerté et consulté, jusqu'à plus soif - ainsi que le fait qu'il y aurait un report des charges sur les communes, alors que le système qu'on a mis au point et que la majorité a accepté est précisément un mécanisme qui garantit la neutralité, de même que l'égalité des charges et des tâches. Auriez-vous préféré le système vaudois, qui a consisté à reporter sur les communes le déficit du canton ? Vos collègues municipaux de Nyon et d'ailleurs, que je croise de temps en temps, nous ont bien expliqué - et ce n'est pas une critique envers M. Broulis - que la résorption du déficit vaudois s'est faite en grande partie par ce report sur les communes. Eh bien nous l'avons évité ! Ayez au moins l'objectivité de le reconnaître. Le principe de l'attribution de nouvelles tâches couplée avec l'attribution des ressources est quand même un système exceptionnel !

Ecoutez, chers collègues, j'ai quand même l'impression que l'opposition de la Ville de Genève, parce que c'est de cela qu'il s'agit... Je suis désolé, Madame la rapporteure de minorité, mais vous êtes le porte-parole du Conseil administratif de la Ville de Genève ! En fait, l'opposition de la Ville et d'une partie des socialistes, si j'en crois les débats en commission, téléguidée par la Ville, est un xième bras de fer entre le Palais Eynard et la tour Baudet, qu'on connaît depuis bientôt 150 ans. Le PLR n'admettra jamais que le Conseil administratif de la Ville de Genève dicte sa politique au Grand Conseil. Il reste le maître des opérations. (Applaudissements.)

En conclusion, j'aimerais appeler mes collègues - même si je sais que je crie dans le désert - car je suis surpris que certains commissaires socialistes n'aient pas été suivis par leur groupe. Ça peut arriver mais, là, l'influence est extérieure... Dès lors, je m'adresse à ce Grand Conseil et vous prie de voter ce projet de loi sans modification. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). J'aimerais dire en préambule que c'est un projet de loi très important, parce que ce sera l'occasion d'aller contre de nombreux doublons et de nombreux gaspillages que chacun peut observer dans le fonctionnement de l'Etat de Genève et des communes. Il y a un gâchis assez phénoménal auquel nous assistons, et le but de ce projet est justement d'aller à l'encontre de ce phénomène, raison pour laquelle il est important de le soutenir à notre sens. Evidemment, ce projet de loi est acratopège, c'est-à-dire qu'il n'a ni goût ni saveur, mais c'est un peu sa raison d'être, du fait qu'il s'agit d'un mécanisme général qui doit s'appliquer ensuite à des domaines particuliers. D'ailleurs, on ne lui demande rien d'autre, on lui demande même uniquement d'être cela, on ne peut donc pas lui reprocher d'être ainsi.

Nous allons dès lors soutenir ce projet de loi, même si nous avons une critique à émettre, que nous avons du reste formulée en commission, à savoir qu'il existe la possibilité d'avoir des tâches conjointes, ce qui selon nous est une porte ouverte aux doublons. Nous aurions voulu que l'on élimine cet élément du projet de loi mais, manque de chance, ce point figure dans la constitution; nous sommes donc un peu mis en difficulté par ce qu'ont décidé les constituants, hélas, avec un esprit qui n'était pas très judicieux à notre sens. Mais quoi qu'il en soit, nous devons en tenir compte.

Nous soutiendrons donc avec conviction l'esprit de ce projet de loi, pour qu'on ait véritablement une Genève bien gérée, avec le minimum de doublons, que chaque franc dépensé aille au bon endroit, que les fonctionnaires soient bien payés, que les contribuables soient épargnés et que les tâches que l'on doit donner le soient du mieux que l'on peut. C'est l'objectif que peut nous permettre d'atteindre ce projet de loi. Après, il est certain que c'est un début; il s'agit de tout un processus, et le reste du processus appartient en quelque sorte aux autorités, à nos institutions, et ce sera la deuxième partie de cet événement que nous devons créer. Mais je pense que nous devons aller dans cette direction, c'est important pour nous tous d'y aller, et en tout cas le MCG le fera avec conviction.

Mme Isabelle Brunier (S). Le groupe socialiste se reconnaît pleinement dans le rapport de minorité, et il présentera d'ailleurs toute une série d'amendements figurant déjà dans ce rapport de minorité. Et si nous ne sommes pas suivis cet après-midi, nous nous verrons contraints de refuser cette loi-cadre, et cela pour différentes raisons.

Premièrement - on l'a déjà relevé - la rapidité du processus, voire la précipitation du processus, à laquelle nous ne sommes du reste pas obligés de nous plier, puisque le délai qui est invoqué à plusieurs reprises, y compris dans le rapport de minorité, est en réalité relativement fictif. Il fallait engager les travaux avant le délai, il faudra effectivement que certaines lois qui seraient éventuellement obsolètes ou inadaptées par rapport à la constitution soient modifiées avant le mois de mai 2018, mais il n'y a en tout cas pas l'obligation d'avoir complètement mis sous toit cette loi et les trains de mesures qui suivront. Il est donc surprenant et dérangeant de constater cette rapidité, et on a évoqué tout à l'heure la Ville de Genève qui s'en plaignait, mais elle n'est de loin pas la seule: Catherine Kuffer-Galland, présidente de l'ACG, s'en plaignait encore dans la «Tribune de Genève» du week-end passé.

Un autre motif d'insatisfaction pour les socialistes vient de l'impossibilité d'informer correctement les communes et en particulier leurs Conseils municipaux, mais également du manque de temps qui sera laissé à ces communes et à leurs Conseils municipaux pour faire valoir leurs positions. Là aussi, on sent une forme de pression, ce qui est assez désagréable.

Il y a plus grave encore, à savoir le fait que les différents trains de lois seront votés indépendamment, comme cela a déjà été relevé. Il est effectivement très difficile d'avoir une vision d'ensemble, en particulier sur les impacts financiers, puisqu'on va voter en quelque sorte à la petite semaine. En effet, le président du Conseil d'Etat disait que l'état précédent résultait d'adoptions de lois à la petite semaine, eh bien on a l'impression que les trains de mesures qu'on va nous proposer par la suite viendront eux aussi d'une certaine façon à la petite semaine. Et c'est pour cela qu'il aurait fallu ou qu'il faudrait impérativement que toutes les lois spéciales qui arriveront effectivement les unes après les autres ne soient votées que lors d'une seule session à la fin des travaux.

Enfin, le volet financier de ces opérations successives est particulièrement inquiétant, en particulier, c'est vrai, pour les communes-villes; que ce soit pour le fonds de régulation ou surtout pour la bascule fiscale, ces communes courent le risque de devoir assumer plus de tâches sans en avoir les moyens.

Pour finir, la nouvelle loi sur la répartition des tâches devrait déléguer non seulement des tâches, précisément, mais également le pouvoir de décision les concernant, et sur ce point-là aussi les socialistes sont pour le moins dubitatifs, leurs doutes étant malheureusement confirmés par la manière dont la loi-cadre a été établie.

M. Yves de Matteis (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, dans la constitution, on lit que la répartition des tâches entre le canton et les communes est régie par les principes - on l'a déjà dit - de proximité, de subsidiarité, de transparence et d'efficacité. Ne rien faire et donc observer un statu quo serait prétendre que la situation actuelle correspond à ces critères et que, comme le disait le Pangloss de Voltaire, nous vivons dans le meilleur des mondes possibles. Or les Verts pensent que l'exercice pourrait être salutaire et qu'une répartition des tâches revue pourrait correspondre davantage encore à ces principes défendus par notre constitution. Si nous sommes d'accord sur le principe d'un réexamen de la répartition des tâches et des compétences, nous sommes en revanche plus réservés sur la manière dont le processus s'est engagé. L'Etat n'est pas toujours habitué à consulter pour prendre ses décisions et, lorsqu'il le fait, il a souvent tendance à oublier qu'il a en face de lui non pas des administrations spécialisées de la même taille et avec la même force de frappe que lui, mais des associations fonctionnant souvent selon la règle du bénévolat ou, dans le cas d'espèce, des communes disposant d'administrations très réduites, correspondant parfois au dixième, au vingtième, voire au centième des effectifs cantonaux. Ne faudrait-il pas ou n'aurait-il pas fallu, par rapport à ces difficultés, tenter une autre piste et avoir un dispositif plus étoffé que le simple comité de pilotage, composé de personnes certes triées sur le volet, tel que proposé par l'Etat ? La question mérite d'être posée, et elle l'a d'ailleurs formellement été par le député Vert Boris Calame, ancien constituant, sous la forme d'une question écrite.

Concernant le principe de concertation, notre constitution stipule à l'article 110 que «les communes, les partis politiques et les milieux représentatifs sont invités à se prononcer lors des travaux préparatoires concernant des actes législatifs et des conventions intercantonales importants, ainsi que sur les autres projets de grande portée». Indubitablement, le réexamen des compétences canton-communes est un projet de grande portée, selon l'aveu même du Conseil d'Etat. Et dans l'article 135 intitulé «Concertation», il est dit non seulement que «le canton tient compte des conséquences de son activité pour les communes», mais aussi qu'«il met en place un processus de concertation avec les communes, dès le début de la procédure de planification et de décision». Or on a pu voir dans le cadre des travaux de commission qu'un certain nombre de propositions d'amendements étaient parvenues de la part des communes et de l'ACG, ce qui est malgré tout un signe qu'un tel processus de concertation n'a pas pu être mené de manière complète, ou alors que ce processus a été mené de façon un peu précipitée, comme cela a été dit. Cependant, il faut être juste, il est vrai que certains amendements de l'ACG et des communes genevoises - et notamment de la Ville de Genève - ont été acceptés par le Conseil d'Etat, mais d'autres ont été refusés. Certains de ces amendements seront du reste présentés par le parti socialiste, et nous allons les adopter, pour la plupart. Le groupe des Verts avait notamment voté en faveur d'une proposition de la Ville de Genève visant à ce que, afin d'avoir une vision globale du processus, ce dernier fasse l'objet d'une seule loi, ce qui aurait permis de savoir exactement ce sur quoi le parlement - et in fine le peuple, en cas de référendum - aurait à se prononcer. Devant le refus d'une majorité de la commission, les Verts avaient alors suggéré une solution plus modeste, consistant à traiter ces différentes lois lors d'une seule session du Grand Conseil, proposition finalement écartée. Ces différents éléments nous ont poussés à l'abstention lors du vote final.

Aujourd'hui, on nous demande de voter un cadre à des modifications dont nous ne connaissons pas encore la teneur, un cadre sans contenu. Certains sont d'ailleurs d'avis que nous votons cet après-midi en quelque sorte la tête dans le sac, et d'autres qu'il est difficile de préjuger négativement de la teneur de propositions qui ne sont pas encore formulées. Pour notre part, nous avons décidé, en fonction des amendements qui seront adoptés, de voter en faveur de ce projet de loi-cadre, afin de donner une chance au processus d'ensemble et de ne pas préjuger du résultat final. Cependant, en cas de vote favorable, loin d'être un blanc-seing, ce vote doit être compris par le Conseil d'Etat comme le signe d'une confiance provisoire, une forme d'ultima ratio qui ne nous empêchera pas, in fine, si les solutions proposées à l'issue du processus devaient s'avérer contraires à l'intérêt public, d'utiliser tous les moyens permis par la démocratie pour les contrer pied à pied. (Applaudissements.)

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Mes premiers mots seront pour vous, Madame la rapporteure de majorité, pour vous remercier de vos travaux estivaux. Le rapport que vous avez rédigé est d'importance, parce qu'il traite d'un sujet qui, depuis des années, occupe les discussions politiques dans votre Conseil et au sein de nos concitoyens. Depuis des années, nous entendons parler de doublons, de désorganisation, de genevoiseries, de compétences enchevêtrées ou mal réparties, de citoyens désorientés sur l'origine des compétences publiques qui ont cours dans notre canton, ne sachant pas si elles sont cantonales ou communales, mais aussi d'électeurs qui, au final, deviennent des abstentionnistes. D'ailleurs, je vous invite à regarder quels ont été, lors des dernières élections municipales, les taux de participation dans certaines grandes communes: ils atteignent aujourd'hui des niveaux qui sont alarmants par l'ampleur de l'abstentionnisme et qui démontrent qu'il existe un problème d'identification même de ce que sont les communes, respectivement de ce qu'est le canton.

Cette première loi, qui est une loi-cadre, nous donnera pour la première fois les moyens de pouvoir s'attaquer à ce problème, ce qui avait été l'une des ambitions que votre Grand Conseil avait fixées il y a quelques années à la Constituante. Pour des raisons qu'il est vain de rappeler ici, la Constituante n'a pas pu réussir cette opération, mais elle a fixé un cadre, une méthode, ainsi qu'un délai.

Madame la rapporteure de minorité, je vous remercie aussi de votre rapport, qui est une contribution aux débats, mais puisque vous nous expliquez que les délais ne sont pas contraignants, j'aimerais vous citer la «Semaine Judiciaire» - vous êtes juriste, je le suis aussi - qui a consacré un tiré à part à la nouvelle constitution et précisément à l'article 133 dont nous prévoyons ici une législation d'application. Il est dit que l'exécution de ce mandat doit intervenir dans le délai général de cinq ans prévu pour l'adoption de la législation d'application de la nouvelle constitution, en vertu de l'article 226, alinéa 1, de la constitution. Ce texte est cosigné, Madame, par M. Thierry Tanquerel, professeur de droit et accessoirement candidat socialiste aux prochaines élections nationales. Je lui donne entièrement raison et vous indique qu'effectivement nous avons un délai qui nous amène à devoir agir aujourd'hui. Bien sûr, nous aurions pu attendre, bien sûr, nous aurions pu considérer que ce délai était fictif, Madame la députée, mais de grâce, nous avons mis très exactement un an et demi pour une loi qui comporte dix articles et il a fallu, pour arriver à cela, Mesdames et Messieurs, quinze séances de discussions, auxquelles ont participé quatre conseillers d'Etat en permanence, alors si cela ne s'appelle pas de la concertation ou de la discussion, eh bien il faudra que vous m'expliquiez de quoi il s'agit.

Mesdames et Messieurs, il faudra un jour aborder la vraie question consistant à savoir si les communes - certaines d'entre elles, une partie d'entre elles - ont vraiment la volonté d'appliquer des dispositions constitutionnelles, et ce dans les délais prévus par la loi et par la constitution. Mesdames et Messieurs, permettez-moi d'en douter, notamment à la teneur d'un certain nombre d'amendements qui sont ici proposés. Il y a effectivement des amendements qui sont dilatoires, en particulier celui qui propose que, à toutes les étapes de la procédure de répartition des tâches, les autorités doivent veiller à ce que les communes soient informées et disposent d'un délai approprié pour faire valoir leurs droits. Si c'est le cas, Mesdames et Messieurs, alors autant arrêter tout de suite cet exercice, car jamais, au grand jamais, nous n'y arriverons dans les délais légaux ! A ce rythme, pas même nos successeurs, pas même le siècle qui suivra ne parviendra à réaliser quelque chose.

Il y aura ensuite des lois spéciales, on l'a dit, qui nous permettront d'aborder le vif du sujet - car nous en sommes ici en quelque sorte à la préparation, qui est nécessaire - soit une machine qui permettra de répartir les compétences et de régler des questions essentielles liées au financement de ces transferts de compétences, à l'aspect transitoire d'un certain nombre de choses, à l'aspect fiscal, aux aspects en lien avec des biens immobiliers - parce qu'avec des compétences il peut y avoir des biens immobiliers - ainsi que peut-être des questions de personnel et d'autres éléments. C'est donc là évidemment un point essentiel.

Monsieur Vanek, je vous donne raison - car les amis de mes amibes sont mes amis, comme me l'a susurré, ce n'est pas de moi, le député Eric Leyvraz: il y a dans ce projet de loi des dispositions chewing-gum. Je suis prêt à assumer mes responsabilités, je vous invite donc à consulter l'excellente députée Salika Wenger - elle a malheureusement quitté cette salle - qui vous donnera certainement l'historique de ces dispositions chewing-gum, et vous verrez que, hélas, même si j'assume beaucoup de responsabilités, comme vous le savez, je ne suis pas prêt à assumer la responsabilité de certaines dispositions chewing-gum, car je n'en suis pas l'auteur, dans la mesure où ce sont précisément des amendements faits par des communes. Pas plus qu'à accepter que, pire encore, vous me reprochiez de donner une définition d'éléments qui sont dans la constitution - car les termes que vous avez cités figurent dans la constitution - alors que la constitution, le président du Conseil d'Etat, l'ensemble du Conseil d'Etat et le parlement également doivent l'appliquer. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous allons maintenant nous prononcer sur l'entrée en matière de ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 11585 est adopté en premier débat par 83 oui contre 6 non et 2 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 et 2.

Le président. A l'article 3, nous sommes saisis de l'amendement suivant:

«Art. 3, al. 8 (nouveau)

8 La loi définit si la tâche est exclusive, conjointe ou complémentaire. En cas de silence de la loi, la tâche est conjointe.»

Je laisse Mme Buche, rapporteure de minorité, nous le présenter.

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Il s'agit simplement de prévoir dans le projet de loi une règle générale en cas de silence de la loi spéciale et de dire que, en cas de silence de la loi, la tâche est conjointe.

Le président. Je vous remercie, Madame la rapporteure. Je passe la parole à Mme la rapporteure de majorité, qui dispose, en tout et pour tout, de cinquante secondes.

Mme Simone de Montmollin (PLR), rapporteuse de majorité. Ce sera très bref, Monsieur le président. J'aimerais simplement préciser que cette loi de répartition n'a pas pour but d'être exhaustive, dans le sens que tout ce qui n'aura pas été traité au travers de cette loi, les tâches existantes qui n'auront pas été soumises à cette nouvelle répartition, demeureront. Il s'agira alors d'un prolongement de la situation actuelle, et il n'y a donc pas de «silence de la loi» à évoquer dans ce contexte-là, ni de compétences résiduelles.

M. Eric Stauffer (MCG). Je n'avais pas souhaité prendre la parole pour l'entrée en matière, mais je le fais au deuxième débat, et je m'adresse - vous transmettrez, Monsieur le président - au parti socialiste, qui va vraisemblablement s'opposer à ce projet de loi. C'est vrai qu'on ne peut pas parler de ce projet de loi sans avoir une pensée pour la présidente du parti socialiste, Carole-Anne Kast, actuelle maire de la Ville d'Onex, et ce que je veux dire, Monsieur le président - vous transmettrez - c'est que compte tenu du fait que la présidente du parti socialiste a décidé de faire une alliance avec le PLR, eh bien nous, nous avons décidé, alors qu'on aurait pu soutenir le parti socialiste puisque, en tant qu'ancien magistrat communal, j'étais évidemment très attaché à ce qui se passait dans les communes par rapport à l'Etat, qu'en l'occurrence nous soutiendrions nos alliés, comme le parti socialiste soutient son allié le PLR, avec qui il a fait une alliance contre-nature. Nous accepterons donc le projet de loi du Conseil d'Etat, et vous transmettrez à la présidente du parti socialiste que lorsqu'on fait des choix d'alliance contre-nature, il faut les assumer jusqu'au bout, quand on trahit l'électorat et qu'on vient dire qu'il est mieux de siéger avec un PLR qu'avec un MCG, qui avait pourtant fait un excellent travail dans la commune d'Onex. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter sur cet amendement à l'article 3, alinéa 8 (nouveau).

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 67 non contre 21 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'art. 3 est adopté, de même que les art. 4 et 5.

Le président. Nous sommes à présent saisis de deux amendements visant à créer un article 5A et un article 5B, que voici:

«Art. 5A Concertation (nouveau)

A toutes les étapes de la procédure de répartition des tâches, les autorités cantonales compétentes veillent à ce que les communes:

a) soient informées des projets de décision et des éléments de motivation qui s'y rapportent;

b) disposent d'un délai approprié pour faire valoir leur position sur ces projets et puissent soumettre tout contreprojet et argumentaire.»

«Art. 5B Modification des lois spéciales (nouveau)

Toutes les lois spéciales doivent être votées lors d'une même et unique session du Grand Conseil.»

Madame la rapporteure, je vous passe la parole. Vous pouvez peut-être vous exprimer sur les deux amendements ?

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. L'article 5A concerne la concertation dont nous avons déjà abondamment parlé. Je ne vais donc pas me répéter, mais je pense simplement que l'article 135 de la constitution n'est pas suffisant - on a pu le voir dans la pratique - pas plus que l'article 2, alinéa 2, de la LAC. Je vous invite dès lors à accepter cette disposition.

Pour ce qui est de l'article 5B, il s'agit d'avoir cette vision globale que nous souhaitons à la fin du processus et d'adopter tous les trains de lois en même temps lors d'une même session.

Mme Christina Meissner (UDC). J'aimerais d'abord remercier le président Longchamp pour le travail d'information qu'il a effectué sur ce projet de loi-cadre auprès des communes quand elles l'ont sollicité; c'était bien dans cet esprit de concertation qu'il fallait entamer le processus de la répartition des tâches entre les communes et le canton.

Nous sommes en train de débattre de ce projet de loi-cadre et nous le voterons, mais il est cependant indispensable que cette concertation se poursuive à chaque étape et non pas seulement au niveau de la loi-cadre. Vous savez à quel point l'UDC est attachée au processus démocratique et à la consultation du peuple ! Après le vote de cette loi-cadre, il s'agira pour les communes - toutes les communes, parce que toutes les communes sont concernées par la répartition des tâches - de discuter avec le canton. Il s'agira de discuter de sport, de culture, de petite enfance, d'école et de tout ce qui concerne le citoyen d'une manière très concrète et très proche. Dès lors, c'est bien la moindre des choses de consulter toutes les communes à ce niveau-là et de se concerter avec elles pour cette répartition des tâches. L'UDC n'est pas en train de défendre la Ville de Genève, non, elle défend chaque commune, de la plus petite à la plus grande, car chaque commune a un intérêt au sport, aux écoles, à la culture, etc. Il nous importe donc que cette concertation soit inscrite dans la loi. Monsieur Longchamp, vous savez que j'avais déposé une proposition allant dans le même sens mais modifiant la loi sur l'administration des communes, eh bien je pense que si nous pouvons faire figurer la concertation ici, dans la loi la plus importante pour la répartition des tâches entre communes et canton, alors nous la voterons. Mesdames et Messieurs, je vous en prie, tenez compte des citoyens, tenez compte de ce niveau le plus proche des citoyens que sont les communes, et acceptez cet amendement proposé par le parti socialiste et intégrant très clairement ce processus de concertation qui a été voulu par la constitution. Et j'insisterai encore une fois, Monsieur Longchamp: il a été dit que nous informons et que nous consultons, eh bien ici il s'agit de dire que nous nous concertons, et nous voterons donc l'amendement qui inclut cette concertation à l'article 5A.

M. Eric Stauffer (MCG). Je suis très embarrassé, et vous transmettrez, Monsieur le président, au PLR, allié du parti socialiste dans une des grandes communes suburbaines. Ce serait bien s'ils pouvaient respecter leur alliance ! On a en effet ici un conseiller municipal PLR qui siège aussi comme député, et il faut être cohérent avec les choix que vous avez faits, puisque vous avez conclu une alliance avec le parti socialiste. Ou alors dois-je imaginer que l'élu PLR est devenu le laquais de la gauche et doit suivre le vent, et que finalement vous avez trahi vos électeurs ? Je ne peux pas me résigner, Monsieur le président, à imaginer ne serait-ce qu'une seule seconde que le PLR et le parti socialiste aient à ce point trahi leurs électeurs. (Brouhaha.)

Le président. Résignez-vous, résignez-vous ! Je passe la parole à M. le député Gabriel Barrillier pour vingt-huit secondes.

M. Gabriel Barrillier (PLR). Merci, Monsieur le président. Je rappellerai à mon préopinant que nous faisons ici de la politique cantonale. (Rires. Exclamations.) Cantonale !

En second lieu, en ce qui concerne la consultation, l'information et la concertation, je crois qu'on a suffisamment expliqué que ces principes étaient inscrits dans la constitution...

Le président. Il vous reste dix secondes.

M. Gabriel Barrillier. ...de même qu'à l'article 6 de ce projet de loi, qui prévoit une planification pour l'entrée en vigueur de la loi.

Le président. Il vous faut conclure.

M. Gabriel Barrillier. Dès lors, je vous invite à refuser cet amendement.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Christina Meissner pour vingt-cinq secondes.

Mme Christina Meissner (UDC). C'est la planification, Monsieur Barrillier, qui est marquée à l'article 6 que vous avez cité ! A l'article 5A, on parle de la répartition des tâches, c'est donc une matière de concertation autre que celle qui concerne simplement la planification d'un calendrier.

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser cet amendement ainsi que le suivant pour les raisons que j'ai brièvement explicitées tout à l'heure. Si à toutes les étapes, à toutes les étapes de la procédure de répartition des tâches, les autorités cantonales doivent faire ce qui est ici demandé, ce n'est plus de la concertation, ni même de la cogestion, c'est simplement un blocage purement dilatoire. Il n'est pas possible de fonctionner ainsi, et nous avons démontré que nous étions capables de faire de la concertation puisque, je vous l'ai dit, quatre membres du Conseil d'Etat ont rencontré à quinze reprises, dans un comité de pilotage ou dans d'autres structures - il y avait en effet des structures parallèles - les différentes parties.

Je vous informe également que les communes n'ont pas demandé cela. Les communes ont demandé que la concertation transite par l'Association des communes genevoises et, du reste, lorsque nous avons interpellé directement les communes - ce que nous avons fait en septembre de l'année dernière pour l'une des phases de la concertation - eh bien l'ACG s'y est opposée, estimant qu'il fallait qu'elle-même parle au nom de toutes les communes et qu'on ne devait pas interpeller les communes directement.

Le deuxième point concerne l'article 5B. Si toutes les lois spéciales doivent être votées lors d'une même et unique session du Grand Conseil, Madame la rapporteure de minorité, alors allons jusqu'au bout des choses: il ne sert à rien de créer un fonds de régulation, il ne sert à rien de prévoir une bascule fiscale, il ne sert à rien d'élaborer une loi-cadre, et si c'est cela que vous souhaitiez, alors il fallait le dire au début du processus, mais pas au cours de celui-ci; si nous intervenons ainsi, si nous votons toutes les lois spéciales d'une certaine manière, par définition le fonds de régulation ne servira à rien, puisqu'elles entreront en vigueur toutes en même temps.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous allons nous prononcer sur l'amendement concernant la création d'un article 5A.

Une voix. Vote nominal ! Pour tous les votes !

Le président. Etes-vous soutenu pour tous les votes ? (Plusieurs mains se lèvent.) Ça semble être le cas, nous passons donc au vote nominal sur cet amendement, que je vous relis:

«Art. 5A Concertation (nouveau)

A toutes les étapes de la procédure de répartition des tâches, les autorités cantonales compétentes veillent à ce que les communes:

a) soient informées des projets de décision et des éléments de motivation qui s'y rapportent;

b) disposent d'un délai approprié pour faire valoir leur position sur ces projets et puissent soumettre tout contreprojet et argumentaire.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 52 non contre 36 oui et 7 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous votons à présent sur l'amendement visant à créer un article 5B, dont je vous rappelle la teneur:

«Art. 5B Modification des lois spéciales (nouveau)

Toutes les lois spéciales doivent être votées lors d'une même et unique session du Grand Conseil.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 29 oui et 2 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, l'art. 6 est adopté.

Le président. A l'article 7, alinéa 1, nous sommes saisis de l'amendement suivant:

«Art. 7, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Pour qu'une tâche puisse être transférée, le Conseil d'Etat, en concertation avec les communes, fixe dans la planification la date effective ainsi que l'évaluation des coûts directs et indirects des tâches à transférer.»

Madame Buche, rapporteure de minorité, vous avez la parole.

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Cet amendement est la suite logique du refus de l'article 5A, et il est pour nous important de prévoir la concertation à cet alinéa-là.

M. François Baertschi (MCG). J'aimerais juste dire qu'il est vrai que le principe de concertation est important. Alors en ce qui concerne la concertation, le groupe MCG est d'accord et pense que c'est important, mais pour ce qui est du blocage, non, parce que s'il y a une concertation à chaque étape de la discussion, il est certain qu'on va dans le mur, comme l'a bien dit le président du Conseil d'Etat. Mais là, le principe de concertation est important à nos yeux, et c'est pour cette raison que nous soutiendrons cet amendement.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter sur cet amendement à l'article 7, alinéa 1.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 57 oui contre 33 non et 3 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. A l'article 7, alinéa 2, nous sommes saisis d'un amendement qui s'énonce comme suit:

«Art. 7, al. 2 (nouvelle teneur)

2 L'évaluation des coûts fait l'objet d'une consultation auprès de la Cour des comptes.»

Madame Orsini, vous n'avez plus de temps de parole pour le présenter, je cède donc le micro à M. Baertschi.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Voilà encore un amendement qui malheureusement va compliquer les choses, créer de la bureaucratie et empêcher que la démarche se fasse. Nous nous opposerons donc à cet amendement, comme aux autres amendements de Mme Orsini, qui partent certes d'une bonne volonté mais qui sont puristes, ce qui en réalité, en la matière, est un peu dangereux à mon sens.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous sommes en procédure de vote sur cet amendement à l'article 7, alinéa 2.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 69 non contre 20 oui (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Toujours à l'article 7, nous sommes saisis de deux amendements concernant l'alinéa 3. Le premier - le plus éloigné - a été déposé par Mme Orsini et s'énonce comme suit:

«Art. 7, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Lorsque le transfert d'une tâche implique des transferts d'actifs, ceux-ci sont évalués par la Cour des comptes. Le coût de la tâche transférée comprend aussi le coût de l'entretien et de la rénovation de ces actifs.»

Le second, qui émane de Mme Buche, a la teneur suivante:

«Art. 7, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Lorsque le transfert d'une tâche implique des transferts d'actifs, ceux-ci sont évalués en tenant compte de leur état de vétusté. Le coût de la tâche transférée comprend aussi le coût de l'entretien de ces actifs.»

Madame Buche, vous avez la parole.

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Concernant l'amendement que j'ai déposé, il y a une contradiction dans cet article 7, alinéa 3, à savoir que l'on ne peut pas inclure dans les coûts les frais de rénovation des actifs transférés si l'on tient par ailleurs compte de leur taux de vétusté dans l'estimation de leur prix. Il s'agit donc simplement de rendre la disposition claire et conforme à la réalité.

Le président. Je vous remercie, Madame la rapporteure. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur ces deux amendements à l'article 7, alinéa 3, à commencer par celui de Mme Orsini, puisqu'il semble le plus éloigné.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 62 non contre 13 oui et 15 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous votons à présent sur l'amendement de Mme Buche.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 29 oui (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, l'art. 7 ainsi amendé est adopté.

Le président. A l'article 8, nous sommes saisis de deux amendements. Le premier concerne l'alinéa 2 et s'énonce comme suit:

«Art. 8, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Les collectivités publiques dont une tâche est transférée versent au fonds de régulation un montant équivalent au coût de la tâche tel qu'évalué selon l'article 7. Ce montant peut être annuel et se répéter jusqu'à l'entrée en vigueur de la bascule fiscale.»

Le second modifie l'alinéa 3 et a la teneur suivante:

«Art. 8, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Le montant versé au fonds de régulation peut être adapté à la hausse ou à la baisse, en fonction de l'évolution du coût de la tâche, si celui-ci est lié à l'évolution démographique, à l'évolution du coût de la vie ou à d'autres mécanismes similaires. Il peut l'être également si le coût de la tâche varie de manière inhabituelle, imprévisible et indépendante des choix des autorités compétentes.»

Madame Buche, je vous passe la parole.

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Concernant l'alinéa 2, c'est la même chose que pour l'article 9, alinéa 1, à savoir que nous souhaitons qu'il n'y ait qu'une seule bascule fiscale à la fin du processus, et non pas deux ou trois qui pourraient créer des déséquilibres, dans la mesure où une des bascules fiscales pourrait être acceptée et l'autre refusée.

J'en viens maintenant à l'amendement relatif à l'alinéa 3. Il a été prévu à l'article 8, alinéa 3, voté par la commission, que le montant versé au fonds de régulation serait adapté au coût de la tâche s'il y avait des circonstances imprévisibles. Là, nous souhaitons que les circonstances prévisibles, par exemple l'évolution démographique, l'évolution du coût de la vie et d'autres mécanismes similaires, puissent également être comprises dans l'évaluation du montant qui sera versé au fonds de régulation.

Le président. Je vous remercie, Madame le rapporteur. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter sur ces deux amendements, en commençant par celui qui modifie l'article 8, alinéa 2. (Brouhaha.)

Une voix. J'avais demandé la parole, Monsieur le président ! (Commentaires.)

Le président. Je n'ai pas de demande de parole affichée sur mon écran... (Brouhaha.)

Une autre voix. C'est le système qui a planté !

Le président. Je vous rappelle que vous aviez le choix de rénover cette salle ! (Exclamations. Un instant s'écoule.) Nous allons voter sur l'amendement à l'article 8, alinéa 2, et je donnerai la parole à ceux qui l'ont demandée sur l'amendement à l'alinéa 3. Cela peut-il convenir à tout le monde ?

Une autre voix. Monsieur le président, on est en procédure de vote nominal. Si l'on doit voter à mains levées, il faudra le faire de façon nominale !

Le président. J'en ai bien conscience ! (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Mesdames et Messieurs, est-ce que vous souhaitez que je suspende la séance ?

Des voix. Oui !

Le président. Très bien, je suspends la séance quelques minutes.

La séance est suspendue à 15h10.

La séance est reprise à 15h15.

Le président. Nous reprenons notre séance. Nous en étions aux amendements modifiant l'article 8, alinéas 2 et 3. Je passe la parole à M. François Baertschi pour cinquante secondes.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. On assiste à un bricolage des députés socialistes autour de la bascule fiscale. Alors, certes, en matière de bascule, on a vu qu'ils avaient des dons de bricoleur pour les bascules politiques... (Exclamations.) ...notamment à Vernier, Onex et un peu ailleurs, où entre le PLR et le PS... (Chahut.)

Le président. S'il vous plaît !

M. François Baertschi. ...il y avait quelques petits mouvements un peu bizarres qui se faisaient...

Le président. Monsieur Baertschi, vous vous adressez au président.

M. François Baertschi. Oui, oui, Monsieur le président ! ...alors j'ai les plus grandes inquiétudes si par impossible ces amendements devaient passer.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Christina Meissner pour quinze secondes.

Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. J'avais juste une question à M. Longchamp par rapport à l'article employé. Lui-même parle de «la» bascule fiscale en page 45, et là, dans les deux articles traitant de bascule fiscale, il est question d'«une» bascule fiscale. Peut-il nous donner des explications ? Merci.

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole au président du Conseil d'Etat, M. François Longchamp.

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Brièvement, la commission et le Conseil d'Etat vous ont proposé cet article parce que nous voulions nous réserver la possibilité, suivant la longueur du processus, d'éventuellement faire deux bascules fiscales plutôt qu'une. Ça ne veut pas dire que nous allons en faire deux, mais ça signifie que l'article nous permettrait, le cas échéant, d'en faire deux. Vous savez que dans le canton de Zurich, la répartition des tâches a pris près de dix ans, dans le canton de Vaud, un petit peu moins - huit ans - on peut donc imaginer qu'à partir d'un certain moment, lorsqu'on aura digéré toute une série de compétences qui auront été réattribuées, il y ait un intérêt commun à ce qu'on procède à une bascule fiscale intermédiaire en attendant la bascule fiscale définitive, pour ne pas avoir un fonds de régulation qui ne peut que croître avec l'écoulement du temps et qui finira par devenir compliqué. Je vous rappelle également que, lors de la réforme qui a été menée dans le canton de Vaud, 20% des compétences publiques cantonales ou communales ont basculé d'un côté ou de l'autre, il s'agissait donc quand même d'une réforme d'importance.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le président du Conseil d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter sur l'amendement à l'article 8, alinéa 2, dont je rappelle la teneur:

«Art. 8, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Les collectivités publiques dont une tâche est transférée versent au fonds de régulation un montant équivalent au coût de la tâche tel qu'évalué selon l'article 7. Ce montant peut être annuel et se répéter jusqu'à l'entrée en vigueur de la bascule fiscale.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 54 non contre 32 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous nous prononçons à présent sur l'amendement à l'article 8, alinéa 3, que je vous relis:

«Art. 8, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Le montant versé au fonds de régulation peut être adapté à la hausse ou à la baisse, en fonction de l'évolution du coût de la tâche, si celui-ci est lié à l'évolution démographique, à l'évolution du coût de la vie ou à d'autres mécanismes similaires. Il peut l'être également si le coût de la tâche varie de manière inhabituelle, imprévisible et indépendante des choix des autorités compétentes.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 32 oui (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, l'art. 8 est adopté.

Le président. A l'article 9, nous sommes saisis de deux amendements. Le premier, à l'alinéa 1, émane de Mme Buche et s'énonce comme suit:

«Art. 9, al. 1 (nouvelle teneur)

1 Lorsque le Conseil d'Etat a déclaré la clôture du processus de transfert de tâches, une balance des évaluations des coûts des tâches transférées est effectuée en vue de la bascule fiscale.»

Le second modifie l'alinéa 2 et provient de Mme Orsini. Le voici:

«Art. 9, al. 2 (nouvelle teneur)

2 Afin de pérenniser le système, la fiscalité cantonale est ajustée à la hausse ou à la baisse de manière à compenser entièrement cette balance. Le taux du centime communal est adapté de manière symétrique, à la hausse ou à la baisse, de manière à compenser entièrement le montant de cette balance.»

Madame la rapporteure de minorité, vous avez la parole.

Mme Irène Buche (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Pour l'alinéa 1, c'est le même principe que ce que nous venons de voter à l'article 8. Concernant l'amendement à l'article 9, alinéa 2, déposé par Mme Orsini, j'aimerais demander à M. le président du Conseil d'Etat de nous donner des explications à ce propos, parce qu'effectivement ça fait débat et, comme je le disais tout à l'heure, les choses ne sont absolument pas claires sur la manière d'effectuer cette bascule fiscale. A priori, il paraît logique que cela se fasse par le biais des centimes additionnels, mais comment les taxes vont-elles entrer en jeu, ou d'autres éléments de fiscalité ? J'aurais vraiment souhaité vous entendre à ce sujet, Monsieur le président du Conseil d'Etat.

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Très brièvement, j'ai eu l'occasion de vous donner de nombreux détails en commission, et nous avons d'ailleurs auditionné un expert qui est venu d'un autre canton nous expliquer comment ces différents éléments avaient été pris en compte dans d'autres cantons. Pourquoi voulons-nous nous laisser une marge de manoeuvre ? Eh bien parce que la fiscalité cantonale n'est pas exclusivement construite sur les centimes additionnels, et la fiscalité communale ne l'est pas non plus.

Deuxièmement, toutes les compétences ne sont pas financées par l'impôt: certaines compétences sont financées par des taxes, pour autant bien sûr que ces taxes soient votées par votre Grand Conseil. Il y a également d'autres éléments qui peuvent nous amener à un moment donné à avoir intérêt - ça ne signifie pas qu'on va le faire, mais qu'il faut s'en réserver la possibilité - à ne pas utiliser uniquement le centime additionnel pour obtenir la neutralité fiscale, mais peut-être d'autres mécanismes. C'est l'avenir qui le dira, et ça dépendra des compétences qui sont transférées, de la façon dont elles sont financées et de la manière dont nous procéderons au moment définitif de la bascule fiscale. Mais je vous rassure, nous aurons le temps d'en reparler d'ici là, puisque la bascule fiscale, par définition, ne pourra pas intervenir, même si elle est intermédiaire, avant que nous ayons procédé à des transferts de compétences assez nombreux pour qu'elle se justifie.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous allons nous prononcer sur l'amendement à l'article 9, alinéa 1, que je vous ai lu tout à l'heure.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 31 oui (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous passons au vote sur l'amendement à l'article 9, alinéa 2, dont je vous ai également énoncé la teneur précédemment.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 73 non contre 6 oui et 12 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, l'art. 9 est adopté, de même que l'art. 10.

Troisième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 6.

Le président. A l'article 7, alinéa 3, nous sommes saisis d'un amendement redéposé par Mme Buche. Je vous en rappelle le contenu:

«Art. 7, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Lorsque le transfert d'une tâche implique des transferts d'actifs, ceux-ci sont évalués en tenant compte de leur état de vétusté. Le coût de la tâche transférée comprend aussi le coût de l'entretien de ces actifs.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 79 oui contre 9 non et 2 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Mis aux voix, l'art. 7 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. 8 est adopté, de même que les art. 9 et 10.

Mise aux voix, la loi 11585 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 70 oui contre 19 non et 3 abstentions (vote nominal). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 11585 Vote nominal