République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11246-A
Rapport de la commission du logement chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Anne Mahrer, François Lefort, Emilie Flamand-Lew, Sophie Forster Carbonnier, Esther Hartmann, Catherine Baud, Brigitte Schneider-Bidaux, Miguel Limpo, Roberto Broggini, Magali Origa, Sylvia Nissim modifiant la loi générale sur le logement et la protection des locataires (LGL) (I 4 05) (Droit d'emption)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 9 et 10 octobre 2014.
Rapport de majorité de Mme Bénédicte Montant (PLR)
Rapport de première minorité de M. Mathias Buschbeck (Ve)
Rapport de deuxième minorité de Mme Caroline Marti (S)

Premier débat

Le président. Nous passons au PL 11246-A en catégorie II, cinquante minutes. La parole revient à la rapporteure de majorité, Mme Bénédicte Montant.

Mme Bénédicte Montant (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le but du projet de loi 11246 est de modifier la LGL afin d'y introduire un droit d'emption en faveur des collectivités publiques. C'est la décision de modification de zone qui fait naître ce droit d'emption car le projet de loi ouvre la possibilité d'acquérir des terrains au moment de leur déclassement. Au cours de l'étude de cette proposition, la commission du logement a mené un certain nombre d'auditions dont celle de l'Association suisse pour l'aménagement national, dont l'acronyme est ASPAN. Comme vous le savez, tous les cantons suisses ainsi que plus de la moitié des communes en sont membres, son rôle étant de prodiguer des conseils aux collectivités notamment en matière de logements d'utilité publique. L'ASPAN a identifié quatre mesures d'aménagement du territoire afin de promouvoir les LUP, et c'est la quatrième de ces mesures qui nous intéresse aujourd'hui car elle demande de pouvoir faire usage du droit d'emption. Il faut cependant savoir, chers collègues, que cette mesure est encore très peu utilisée en Suisse.

Dans le cadre de son examen du projet de loi, l'ASPAN s'est naturellement intéressée aux mesures qui existent déjà dans le canton de Genève et qui visent à promouvoir les logements d'utilité publique. Elle a relevé que la LGL prévoit un droit de préemption dans les zones de développement, que la LGZD, à son article 2, alinéa 1, renvoie à des conditions financières à suivre dans le cadre de l'autorisation de construire afin de respecter les proportions de LUP, et enfin que la LGL prévoit aussi un droit d'expropriation sous certaines conditions. L'ASPAN a par ailleurs relevé que, quelles que soient les mesures préconisées, il faut pouvoir disposer d'un budget; or ce projet de loi n'en prévoit pas. Elle estime en outre qu'il faudrait distinguer le cas de figure de l'emption dans le cadre du déclassement d'une zone déjà bâtie de celui d'un déclassement d'une zone non bâtie, ce que le projet de loi ne fait pas.

Même si elle considère l'emption comme l'une des quatre mesures pouvant se conjuguer pour promouvoir les LUP, l'ASPAN juge la proposition faite par le projet de loi «anguleuse» - je cite - et son texte peu clair. En conclusion, elle s'interroge sur l'utilité réelle du droit d'emption à Genève et estimerait plus opportun de clarifier et de renforcer les mesures existantes au lieu d'en ajouter de nouvelles. En revanche, le délai de nonante jours prévu par le projet pour exercer ce droit semble intéressant à ses yeux car il implique que la collectivité agisse vite. Or, durant les discussions, l'Etat a expliqué qu'il trouvait ce délai trop court. Il faut savoir que dans la réalité, le délai ne sera pas de nonante jours mais de cinq mois - nonante jours pour l'Etat d'abord et soixante jours pour la commune ensuite. Il faudra donc débuter tout processus après chaque déclassement en attendant au minimum cinq mois avant de commencer un projet, et ces cinq mois sont composés d'un délai, je le répète, que l'Etat trouve trop court.

Revenons-en maintenant au coût de l'emption pour la collectivité publique. L'Etat ne bénéficie pas des fonds, nous le savons tous; ses représentants l'ont d'ailleurs exprimé lors de l'audition de septembre 2014 en disant que l'Etat ne mènera pas une politique foncière basée sur le droit d'emption car il ne dispose pas des moyens nécessaires. L'Etat a également confirmé que la question du prix n'est pas réglée par le projet de loi et a conclu que si, sur le principe, le droit d'emption soulève l'intérêt du département, il serait cependant souhaitable de le situer dans une réflexion plus large sur la politique foncière.

S'agissant de la question des délais, l'introduction d'un droit d'emption étant censée accélérer les processus, aucun auditionné, même parmi les plus en faveur du projet de loi comme le RPSL, n'a pu citer ni fournir par la suite d'exemples à la commission dans lesquels l'Etat propriétaire aurait accéléré un processus. Si l'objectif du projet de loi, qui est l'accélération de la construction de LUP, est compréhensible, les moyens ne sont pas les bons, chers collègues, et l'on peut même raisonnablement douter du fait que l'Etat soit apte à construire avec la même efficacité et réactivité qu'un entrepreneur privé - pas d'offense, c'est un constat.

Les raisons pour lesquelles la commission, dans sa grande sagesse et par une large majorité, n'a pas souhaité voter en faveur de ce projet de loi sont énumérées à la fin de la conclusion du rapport de majorité, je vous en rappelle quelques-unes: l'emption doit s'effectuer au moment du déclassement sans qu'il y ait forcément de projet précis sur les terrains concernés, ce qui les rend difficiles à identifier; le délai prévu pour acquérir semble trop restreint à l'Etat et, s'il était prolongé, le but de l'accélération des procédures visé par le projet de loi ne serait pas atteint; le projet de loi ne pratique aucune distinction entre zone agricole et zone villas, entre zone vierge et zone bâtie; il existe à Genève...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Bénédicte Montant. ...d'autres mesures d'aménagement du territoire visant à promouvoir les logements d'utilité publique; le droit de préemption existant n'est que peu utilisé; le droit d'expropriation existant n'a jamais été appliqué; il a été difficile d'expliquer, dans le cas genevois, la différence entre l'expropriation et l'emption; aucun budget n'est prévu dans le projet de loi, et ce ne sont pas les finances actuelles de l'Etat qui permettront cet exercice; enfin, la compatibilité du projet de loi avec le droit supérieur n'est pas certaine. Pour toutes ces raisons, chers collègues, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission vous recommande de rejeter ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)

M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de première minorité. Chers collègues, la commission a longuement travaillé sur cet objet et mené beaucoup d'auditions dont celle de l'ASPAN, cela a été évoqué. Paradoxalement, l'ASPAN est venue avec presque plus de questions que de réponses, parce qu'elle trouve le droit genevois particulièrement compliqué en matière de construction. Une autre audition a retenu mon attention, celle d'un expert immobilier genevois qui constate qu'on construit très peu à Genève depuis quinze ans - ce n'est pas une nouveauté - mais que ce n'est un problème ni de manque de terrains à bâtir ni de manque de personnes compétentes dans le domaine, et encore moins d'argent. La seule explication rationnelle qu'il ait trouvée à l'absence de construction, c'est tout simplement parce qu'en termes économiques, cela ne coûte rien de thésauriser un terrain à bâtir car le terrain n'est pas périssable et que les prix fonciers prennent de la valeur avec le temps.

C'est pour cette raison que les Verts ont déposé ce projet de loi, qui est considéré par cet expert immobilier comme un outil extrêmement efficace, si ce n'est le plus efficace, face à l'absence de volonté de construire dans le canton. Plus que son utilisation, c'est même sa simple existence qui permettrait de construire davantage. En effet, le propriétaire qui dit aujourd'hui sans vergogne: «Non, vous pouvez déclasser tout ce que vous voulez, je ne construirai pas parce que je n'ai aucun besoin de le faire pour l'instant» n'aurait plus cette arrogance avec le droit d'emption; comme je l'ai dit, sa simple existence ne permettrait plus aux propriétaires de se comporter ainsi. J'ai entendu la rapporteure de majorité dire que cet outil ne serait pas forcément efficace; mais laissons-le au moins faire ses preuves, pourquoi ne pouvons-nous pas laisser cet outil faire ses preuves ? Il ne va en tout cas pas être contre-productif, et je pense que c'est là tout le noeud du problème: aujourd'hui, ce droit d'emption s'oppose au droit de propriété, et nous avons donc là un débat entre le droit au logement et celui à la propriété. Pour le rapporteur de minorité que je suis, le choix est fait de prioriser maintenant le droit au logement pour l'entier de la population genevoise plutôt que de défendre l'intérêt de quelques propriétaires fonciers. Je conclurai en citant la rapporteure de majorité - je pense qu'elle s'en doutait ! - qui disait hier dans la presse: «Il faut utiliser tous les moyens à disposition pour construire.» Alors faisons-le !

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de deuxième minorité. Je ne vais pas revenir sur le mécanisme et le fonctionnement de ce droit d'emption puisque cela a été fait préalablement par la rapporteure de majorité. J'aimerais dire qu'il s'agit là tout simplement d'un nouvel outil de maîtrise foncière que la minorité essaie d'introduire, qui permet d'organiser la planification foncière et de construire non seulement de façon plus rapide mais également davantage de logements à loyer abordable. Je voudrais revenir également, comme l'a fait le rapporteur de première minorité, sur l'audition de M. Favarger à la commission du logement, qui nous a effectivement rendus attentifs au fait que l'obstacle à la construction de logements à Genève était principalement ce qu'il appelle un obstacle foncier. Nous vivons sur un territoire restreint, fini, étroit, avec une population qui augmente sans cesse: de ce fait, la valeur des terrains croît aussi de façon perpétuelle, ce qui pousse les propriétaires à thésauriser, c'est-à-dire à retenir la vente en espérant de meilleurs rendements par la suite. Le résultat est qu'à Genève, les terrains à bâtir ne sont, pour la plupart, pas disponibles à la construction. Pour construire des logements et sortir ainsi de la crise chronique du logement que nous vivons à Genève, nous devons déclasser des terrains non constructibles. Or, vous le savez toutes et tous, la plupart des terrains que nous pourrions déclasser sont des zones agricoles, et le plan directeur cantonal 2030 a essuyé de grandes réserves de la part du Conseil fédéral, nous allons donc devoir être particulièrement parcimonieux quant au déclassement de zones agricoles dans le futur. De ce fait, pour pouvoir continuer à construire des logements à Genève ces prochaines années, ce qui est un besoin absolument incontestable, nous n'avons pas d'autre choix que de prendre un ensemble de mesures pour rendre les terrains à bâtir disponibles, et le droit d'emption en fait partie.

Je tiens à souligner que la construction de logements et notamment la rapidité de la construction de nouveaux quartiers dépendent du bon vouloir des propriétaires fonciers qui ont le libre choix de vendre ou de ne pas vendre et, dans ce cas-ci, de bloquer la construction et la réalisation de nouveaux quartiers. A notre sens, cela ne devrait pas dépendre de leur bon vouloir mais du besoin prépondérant de la population de se loger. Par ailleurs, le droit d'emption est un outil qui permettrait la construction de logements à loyer abordable. On peut en effet constater que l'Etat est tout de même plus enclin à construire des logements d'utilité publique, je pense notamment à des HBM, que les promoteurs privés. Or quand on aborde une question aussi fondamentale et importante que la possibilité pour tout un chacun de pouvoir trouver un logement, on ne doit pas faire dépendre la construction de logements du bon vouloir des propriétaires privés. Voilà pourquoi l'Etat doit pouvoir acquérir du terrain et le mettre à disposition des fondations immobilières de droit public, et ainsi créer une véritable politique sociale du logement - je rappelle au passage que le taux de logements d'utilité publique actuel est de moins de 10% de la totalité du parc immobilier, alors que l'objectif a été fixé à 20%. Enfin, le droit d'emption permettrait un contrôle du prix du foncier afin d'éviter que les prix des terrains qui sont vendus pour des sommes exorbitantes ne se répercutent sur les loyers futurs. Je terminerai avec ceci: le Groupement des coopératives d'habitation genevoises que nous avons auditionné en commission du logement nous a affirmé qu'il avait les capacités financières de construire 6000 logements dans les cinq prochaines années; il ne lui manque que du terrain, et c'est ce que le droit d'emption pourrait lui apporter. C'est pour cela que la minorité de la commission vous invite à accepter ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Ronald Zacharias (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, l'Etat dispose d'ores et déjà d'un droit de préemption afin de promouvoir sa politique sociale du logement. Cet instrument permet à l'Etat de se substituer à l'acquéreur lorsqu'un contrat de vente est signé, et ce aux mêmes conditions. Mais cela implique que le vendeur ait pris la décision de vendre. Un droit d'emption, c'est-à-dire un droit d'option normalement limité dans le temps, confère le droit à l'Etat de se porter acquéreur contre la volonté du propriétaire en tout temps, comme bon lui semble et à ses conditions, d'un bien immobilier appartenant à un privé en dehors de toute décision d'aliéner de sa part.

Cette mainmise étatique est incompatible avec nos valeurs fondamentales. De plus, si un intérêt public prédominant l'exigeait réellement, une procédure d'expropriation pourrait être envisagée par l'Etat - la fixation du prix du droit d'emption renverrait de toute façon à une procédure d'expropriation. Ce projet de loi est donc au mieux inutile. Mesdames et Messieurs les députés, nous ne souhaitons pas habiter un monde tel que projette de le façonner la gauche bourgeoise au travers de ses divers projets d'économie planifiée de type collectiviste s'inscrivant dans une idéologie totalitaire où l'Etat pourvoit à tout et peut tout. Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à rejeter ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le PL 11246 a pour but d'introduire, comme cela a été dit, un droit d'emption. Depuis quinze ans, nous connaissons une situation d'impossibilité de construire par manque de terrains à bâtir. Il est donc important de générer du foncier disponible soit en surdimensionnant les terrains à bâtir soit en instaurant un droit d'emption. Le droit d'emption est un moyen très efficace pour permettre de s'assurer que les zones destinées à être urbanisées le soient effectivement; en revanche, il pose un gros problème quant à la garantie de la propriété. Il convient de relever que les procédures de la loi sur le remembrement foncier urbain, la variation des besoins du canton et l'aspect sensible de l'intervention publique sur le foncier sont des éléments qui expliquent pourquoi l'Etat n'utilise pas certains outils législatifs pourtant existants comme le droit d'expropriation. Il s'avère que le département ne connaît aucun cas d'expropriation mené et conclu.

Ce projet de loi vise par ailleurs à exproprier l'agriculture genevoise et à spolier les agriculteurs de leurs terres. Le mécanisme proposé consiste à donner la possibilité d'acquérir tous les terrains déclassés afin d'y construire des LUP. Or l'Etat dispose déjà du droit de préemption. La récente décision de la Berne fédérale, s'agissant du plan directeur cantonal 2030, de ne pas toucher aux zones agricoles et aux SDA torpille définitivement ce projet de loi. L'UDC Genève était d'ailleurs le seul parti à s'opposer frontalement à ce plan directeur cantonal 2030. Les faits sont têtus et nous donnent raison. Il convient par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi, et c'est ce que vous recommande le groupe UDC. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, la boîte à outils du Conseil d'Etat est plus importante qu'on ne l'a dit jusqu'à présent. Il existe en effet un autre moyen, qui a été utilisé notamment lors du déclassement des terrains artisanaux et industriels des communes de Collonge-Bellerive et Meinier, à savoir de signer une promesse de vente avant le déclassement. A l'époque, cette procédure avait permis d'acquérir ces terrains à 60 F le mètre carré et avait été mise en avant par un ancien député qui n'est peut-être pas présent ce soir, le président du département des travaux publics. Cet outil peut être utilisé en tout temps avant de déclasser des terrains.

Je reviens aussi sur le droit de préemption en rappelant que les quarante-cinq communes ont la possibilité de préempter quand un terrain se vend sur leur territoire, le préavis étant envoyé par le département aux communes pour que celles-ci puissent faire valoir leur droit de préemption. Ce droit de préemption offert aux communes et à l'Etat est toujours destiné à la construction de logements sociaux de qualité, car les communes et l'Etat pourraient en effet faire mieux que les privés qui ont acheté ces terrains pour développer leur parcellaire. Or pourquoi, Mesdames et Messieurs, n'utilisent-ils pas cet outil ? Cette question peut être posée à notre Conseil d'Etat. Mais s'ils ne l'utilisent pas, c'est bien - et on l'a compris dernièrement à la commission du logement lors de l'audition des fondations d'Etat - parce que les frais sont relativement importants, et ces frais nous amènent à construire du logement social qui n'est pas aussi bon que ce que pourrait faire le privé. La caisse à outils du Conseil d'Etat est suffisante, et le parti démocrate-chrétien vous invite à rejeter cette proposition. Mesdames et Messieurs, je vous remercie.

M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, il faut recadrer un peu le débat: on parle ici d'une modification à la LGL - la loi générale sur le logement et la protection des locataires - et non pas à la LGZD ou à d'autres types de dispositions d'aménagement du territoire. Comme l'a relevé M. Cerutti, cela concerne donc exclusivement les logements sociaux et c'est un instrument dont la portée est relativement modeste puisqu'il vise à mettre en oeuvre la politique publique du logement qui, il faut le constater, est quand même le parent pauvre de l'action de l'Etat. Il y a aujourd'hui moins de 10% de logements sociaux alors que les engagements qui avaient été pris, lesquels ont été consacrés par la loi, étaient d'atteindre 20% dans un horizon qui, certes, n'a pas été défini; malgré cela, il convient de les mettre en oeuvre.

Oui, la boîte à outils du Conseil d'Etat, comme l'indiquait M. Cerutti, contient un droit de préemption ainsi que des mécanismes d'expropriation. Mais ce projet de loi met tout de même le doigt sur une faiblesse, à savoir que ces instruments ne tiennent pas compte d'un élément de temporalité. Dans le cas de la préemption comme de l'expropriation, c'est le propriétaire qui est maître du temps parce qu'il faut d'abord qu'il accepte de vendre et ensuite, avant que l'expropriation n'intervienne, qu'un certain nombre d'années se soient écoulées. Cela pose d'énormes problèmes parce que les propriétaires, en tout cas certains d'entre eux, utilisent cette marge de manoeuvre comme moyen de pression soit pour obtenir des compensations de nature pécuniaire, lesquelles se répercutent par la suite sur les locataires ou les acheteurs des futurs logements, soit même pour obtenir des diminutions de la densité, ce qui aboutit à un gaspillage du territoire qui, malheureusement, a été en partie sanctionné par Berne, et cela est assez problématique. Ce projet offre l'avantage d'amener à pouvoir se passer des mécanismes d'incitation, de mettre des terrains à disposition à des prix qui soient confortables et aussi de répondre aux exigences de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire qui, comme l'a relevé la rapporteure de seconde minorité, Mme Marti, prévoit que les terrains ne doivent pas être thésaurisés. Il pourrait également répondre à l'une des nécessités de la législation fédérale, à savoir la disponibilité juridique des terrains, ce qui permettrait de réaliser des déclassements sans risquer que ceux-ci ne soient anéantis par une décision de l'administration fédérale.

J'aimerais encore rebondir sur un autre point: Mme Montant a indiqué que pour mener cette politique, il fallait des moyens financiers et que la situation budgétaire du canton pourrait être une entrave. Or la politique du logement social prévoit des ressources via le fonds LUP, spécifiquement attribué à la mise à disposition des terrains et à la réalisation de logements d'utilité publique et doté de 30 millions, qui ont été dépensés jusqu'aujourd'hui. On peut d'ailleurs se réjouir que le Conseil d'Etat ait changé sa pratique qui consistait à n'intervenir qu'à titre subsidiaire pour la construction des LUP dans le cas où un promoteur privé n'intervenait pas, ce qui permet de construire des catégories de LUP qui répondent aux besoins des personnes à revenu modeste, comme les HBM et non pas exclusivement des HM.

Mais je pense que c'est aussi l'occasion de mettre en avant et de rappeler une certaine forme de cohérence, parce que s'il faut ces moyens financiers, il est important que les partis politiques ne torpillent pas les engagements qui avaient été pris par le parlement à une large majorité, par exemple en n'acceptant pas le PL 11400 de M. Aellen qui prévoit de supprimer ce fonds à terme, en 2024. Si ce projet de loi est accepté, tous les instruments dont on a parlé tout à l'heure - préemption, expropriation, emption - n'auraient évidemment plus aucun sens. Voilà, je pense que pour mener une vraie politique sociale du logement et répondre aux besoins de la population, il faudrait un ratio double de logements sociaux. Il est important de pouvoir doter l'Etat de cet instrument juridique supplémentaire qu'est le droit d'emption, et c'est la raison pour laquelle le groupe socialiste vous appelle à voter ce texte. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Benoît Genecand (PLR). Chers collègues, le postulat de base, c'est que si l'Etat est propriétaire, les choses iront plus vite. Si on n'accepte pas ce postulat, il faut évidemment refuser ce droit d'emption. On nous dit qu'il ne peut pas être contre-productif. Mais si, Monsieur Buschbeck - vous transmettrez, Monsieur le président - il peut l'être si l'Etat est encore plus lent que les privés. Aujourd'hui, l'Etat est le plus grand propriétaire de ce canton: on trouve, à son bilan, 13 milliards d'immobilier dont 5 milliards de terrains, il est propriétaire de l'ensemble du PAV. C'est ça, le canton de Genève ! Quant à la Ville de Genève, elle est propriétaire de 2,7 milliards de patrimoine immobilier tandis que la FPLC a un bilan consolidé de 1,3 milliard. Si vous ne voulez qu'un seul exemple, allez voir les comptes de la FPLC et regardez ce qu'ils font de cet argent, regardez avec quelle lenteur ils produisent du logement.

Mesdames et Messieurs, si vous voulez ralentir encore davantage la construction, alors il faut donner à l'Etat la capacité d'acheter, vous serez sûrs de planter vos projets. Restons sérieux ! L'Etat, on l'a dit, a déjà les moyens d'agir: il a le droit de préemption de même que la possibilité d'exproprier. Or est-ce qu'il les utilise ? Non ! Prenons l'exemple d'un PLQ de plus de cinq ans; on a demandé au département, dans le cas de l'étude de ce projet, combien il y en avait. Eh bien, il n'y en a pas trente-six mille, il y en a seulement trois. Avec la LGL actuelle, l'Etat pourrait exproprier les propriétaires récalcitrants. L'a-t-il fait dans le cas de ces trois projets ? Mesdames et Messieurs, la réponse est non ! A quelqu'un qui n'est pas capable de construire quand il est déjà propriétaire ni d'utiliser les instruments juridiques en sa possession, est-ce qu'on donne de nouveaux outils juridiques ? Non ! Vous avez compris la position du PLR. (Applaudissements.)

Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, n'écoutez pas ces balivernes ! Il n'y a pas photo: le droit d'emption est un excellent outil de maîtrise foncière et présente trois avantages qui ne peuvent que convaincre; et s'ils ne vous convainquent pas, ils convaincront la population, qui est confrontée quotidiennement à la crise du logement. Quels sont ces trois avantages ? Tout d'abord la construction de logements. On se trouve aujourd'hui dans une situation de pénurie, on a besoin de construire, et le droit d'emption est un outil qui permet clairement de construire du logement. Ensuite l'opportunité de construire des coopératives d'habitation, qui représentent une véritable alternative hors spéculation en termes de logement et permettent aussi aux locataires d'avoir leur mot à dire. Je rappelle par ailleurs que le Groupement des coopératives d'habitation genevoises a affirmé avoir la capacité de construire 6000 logements sur cinq ans; or il manque malheureusement des terrains. Pour les obtenir, il faut justement passer par des outils de maîtrise foncière et confier ensuite ces terrains aux coopératives qui pourront y construire des logements alternatifs. Dernier avantage: les logements d'utilité publique, soit des logements accessibles aux habitants suivant leur revenu. Je rappelle que la loi prévoit un taux de 20% de LUP et qu'on en est à moins de 10% aujourd'hui. Le droit d'emption permettrait à l'Etat d'aller de l'avant en construisant davantage de logements d'utilité publique.

J'ai entendu dire que l'Etat n'était pas proactif. Je souligne encore que ce projet de loi a l'avantage de permettre aux communes elles-mêmes d'utiliser le droit d'emption, et les communes justement sont particulièrement enclines à faire avancer un certain nombre de projets qui permettront le développement de logements avec une qualité revendiquée, comme on peut le voir notamment dans la commune de Meyrin, qui met en place un bon projet d'aménagement. J'aimerais enfin rappeler la différence entre le droit d'emption et le droit de préemption puisque cela a visiblement été oublié: le droit d'emption permet d'obtenir des terrains en amont, dès le déclassement, alors que le droit de préemption n'intervient que lors de la promesse de vente; avec le premier, on est dans une autre temporalité, on peut agir en amont, avoir dès le début un regard sur le projet et, grâce à la maîtrise foncière, une vraie vision de l'aménagement qui sera fait. Nous vous invitons ainsi à ne pas soutenir des privés qui thésaurisent leurs terrains et à voter un projet qui permet la construction de logements, le développement des coopératives d'habitation de même que de logements sociaux abordables. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés.

Le président. Merci, Madame la députée. Je salue à la tribune notre ancienne collègue Magali Origa ! (Applaudissements.) La parole revient à M. le député Rémy Pagani.

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, une série de choses ont été dites, qui me paraissent complètement fausses. M. Genecand a notamment prétendu que l'Etat pouvait exercer son droit d'expropriation sur les PLQ; c'est vrai, il l'exerce, il pourrait l'exercer, mais quand on voit le parcours du combattant qu'il faut mener...! Au niveau de la Ville de Genève, par exemple, une dizaine de PLQ sont aujourd'hui bloqués qui représentent une valeur de vingt à cent appartements; avec l'Etat, on a décidé de mener des procédures d'expropriation pour les terrains qui regroupent à peu près cent appartements parce qu'autrement, ça ne compense pas l'effort de six années. Oui, six années, Mesdames et Messieurs les députés, pour que l'Etat fasse valoir son droit d'avoir des appartements bon marché. Car c'est bien de ça qu'il est question, et s'arc-bouter sur le fait que l'Etat et les communes ont le droit d'exproprier, c'est faire croire aux gens que ce droit existe alors que, dans les faits, il n'existe pas, en tout cas pas pour l'ensemble des PLQ, vu les procédures qu'il faut engager.

En ce qui concerne la deuxième affirmation selon laquelle on doit laisser la liberté aux promoteurs privés, il faut savoir, Monsieur Zacharias - et vous le savez très bien - que construire des logements sociaux correspondant aux besoins prépondérants de la population, c'est sortir des logements à hauteur de 3600 F à 4600 F voire 5000 F la pièce par année. Il est clair que si vous êtes promoteur et que vous attendez 18% de rentabilité sur votre opération, il n'est pas judicieux de se lancer dans la construction de logements sociaux, c'est la réalité, c'est d'ailleurs pour ça qu'aujourd'hui dans le canton, seules les collectivités publiques et les coopératives construisent des logements sociaux. Celles et ceux qui veulent s'en rendre compte pourraient se rendre aux bouquets de chantier, auxquels je m'astreins moi-même à aller - je viens par exemple de sortir d'un bouquet dans ma commune, en dessous de l'hôtel Intercontinental, où un immeuble est sorti de terre avec seize appartements ! Trois autres immeubles bon marché de la coopérative «Les Ailes» vont d'ailleurs suivre, alors que les promoteurs qui construisent sur les parcelles juste en dessus ne sortiront pas des logements bon marché... (Brouhaha.) Bien sûr, ça n'intéresse pas les gens de l'UDC puisque de toute façon ils sont pour bloquer le développement de Genève et augmenter la ségrégation dans notre collectivité !

Bref, voilà pour le deuxième argument, et je m'inscris en faux contre ces affirmations selon lesquelles le privé pourrait construire... Oui, c'est vrai, Monsieur Zacharias, vous pouvez construire aujourd'hui dans des bureaux des logements à 5000 F le mètre carré, c'est sûr, vous allez peut-être pouvoir le faire si le corps électoral vous donne raison - j'espère que non - mais ces logements de luxe là seront des lits froids. Alors effectivement, il y a sans doute besoin d'un certain nombre de placements pour des personnes qui vous sont proches, c'est certain; mais des logements sociaux qui correspondent aux besoins de la grande majorité de la population, personne parmi les propriétaires privés et les promoteurs n'est intéressé à en construire, ils se contentent de vaguement donner de l'argent à des coopératives ou à des fondations HBM pour compenser des opérations immobilières.

Le troisième argument consistait à dire que le droit de préemption existe déjà et qu'on peut le mettre en oeuvre. Sauf que, quelqu'un l'a dit, la meilleure solution serait de faire acte d'autorité avant le déclassement ou juste après, en expliquant que nous accaparons, si j'ose dire, ces parcelles pour les besoins de la collectivité afin d'y construire des logements bon marché. Parce que je vous entends, Messieurs de la droite, dire qu'il faut soutenir l'économie et les petites entreprises; or loger des employés à 100 km de là et leur faire faire des allers-retours...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Rémy Pagani. ...chaque jour, ce n'est pas soutenir l'économie, bien au contraire, c'est ségréguer la population, c'est casser le lien social qui devrait subsister dans notre collectivité. Le droit de préemption est un outil que nous pouvons utiliser mais qui a ses contraintes, notamment, vous l'avez dit...

Le président. Dix secondes !

M. Rémy Pagani. ...le fait que le propriétaire doit être d'accord de vendre son terrain ou de le céder à la collectivité. Certains PLQ sont bloqués à cause de ça...

Le président. Voilà, je vous remercie, Monsieur le député.

M. Rémy Pagani. ...depuis trente ans ! Je vous remercie de votre attention.

M. Ronald Zacharias (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je le répète: l'Etat, pour conduire sa politique sociale du logement, dispose d'un droit de préemption; il dispose également d'un droit d'expropriation lorsqu'un intérêt public prédominant l'autorise. Inutile donc d'ajouter ce droit d'emption, qui va terroriser les petits propriétaires en vain et est totalement incompatible avec notre ordre juridique actuel. Je vous remercie.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). J'aimerais intervenir au nom du groupe socialiste pour relever l'excellent travail qu'effectue la FPLC - vous transmettrez, Monsieur le président, à M. Genecand. Comme vous le savez, cette fondation a été présidée durant de nombreuses années par notre ancien collègue Florian Barro et l'est aujourd'hui par M. Jan Doret. Cette fondation permet très clairement la construction de logements bon marché, et nous nous plaisons à relever, au contraire de M. Genecand, son excellent travail puisque c'est l'Etat qui l'a dotée afin de servir d'opérateur dans la construction de logements pour l'habitat coopératif et pour les personnes en formation notamment. Le parti socialiste note au passage que le conseiller d'Etat...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio. ...de l'époque, M. Mark Muller, était bien content d'avoir la FPLC pour lui confier les immeubles dont personne au sein de la Fondation de valorisation des actifs de la BCG ne voulait. Alors rendons hommage à nos prédécesseurs !

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, la sagesse voudrait qu'on ne fasse pas de polémique, mais certains propos ont été tenus auxquels l'Union démocratique du centre estime qu'une réponse adéquate est nécessaire. M. Pagani pense que nous avons tous les maux du monde; permettez à l'Union démocratique du centre de dire que le collectivisme communiste façon M. Pagani a montré ses limites à ce jour, ainsi que ses désastres.

D'autre part, parlons de logement: j'ai quand même vu, Monsieur Pagani, une photo publicitaire où votre groupe et vous-même prétendez empêcher la construction de 5000 logements sous prétexte qu'on ne doit pas déplacer l'armée; permettez-moi de vous dire que c'est pauvre et puéril, et je me demande ce que de tels propos ont encore à faire dans notre société actuelle. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va à M. Roger Deneys pour seize secondes.

M. Rémy Pagani. J'ai été mis en cause !

M. Roger Deneys (S). Seize secondes ? Merci, Monsieur le président, ce sera bien suffisant pour dire la chose suivante: dans les communes, qui s'oppose au droit de préemption - je l'ai d'ailleurs vécu à Plan-les-Ouates lors de la législature précédente ? C'est le PLR, c'est le MCG qui empêchent les acquisitions, alors que cela permettrait justement de réaliser du logement à moindre coût...

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député.

M. Roger Deneys. ...et pour du long terme, ce qui n'est pas le cas...

Le président. C'est terminé, Monsieur.

M. Roger Deneys. ...avec les promoteurs privés.

Le président. Merci. Je passe la parole à Mme la rapporteure...

M. Rémy Pagani. J'ai été mis en cause par M. Lussi, Monsieur le président ! Il m'a agressé !

Le président. Vous n'avez pas été agressé, Monsieur Pagani. (Commentaires.) Je passe la parole à la rapporteure de seconde minorité, Mme Caroline Marti.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de deuxième minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Beaucoup de choses ont déjà été dites. Je vais commencer par remercier la députée Mazzone... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...d'avoir abordé la question des coopératives d'habitation et des fondations immobilières communales, qui sont des acteurs extrêmement importants dans la construction de logements et pourraient jouir pleinement de la création de ce droit d'emption. Ensuite, il est vrai qu'il ne s'agit, entre guillemets, «que d'un outil», un outil qui serait mis à la disposition du Conseil d'Etat pour lui donner une plus grande latitude dans sa politique de planification foncière...

Le président. Il vous reste quinze secondes.

Mme Caroline Marti. ...et, comme l'a dit mon collègue Dandrès, un outil qui nécessiterait des moyens financiers importants que...

Le président. Il vous faut conclure.

Mme Caroline Marti. ...l'Etat n'a pas ou risque de ne plus avoir si vous votez le projet de loi 11400. Voilà pourquoi je vous remercie...

Le président. C'est fini, Madame.

Mme Caroline Marti. ...d'accepter ce projet de loi.

Le président. Merci. Je donne la parole au rapporteur de première minorité, M. Mathias Buschbeck, pour deux minutes vingt-quatre.

M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Tout d'abord, je voudrais remercier les représentants de l'UDC et du MCG pour leur franchise. Ils ont dit que le problème principal de ce projet de loi était le fait que l'Etat pouvait contraindre un propriétaire privé à vendre; pas qu'il soit inefficace, mais simplement ils s'opposent par principe à la construction de logements par l'Etat via l'expropriation qu'il pourrait faire subir aux propriétaires.

Le deuxième point sur lequel je voulais revenir, c'est le droit de préemption, qui est aujourd'hui défendu par la droite, et j'en suis un peu surpris. J'ai longtemps siégé en Ville de Genève, et M. Pagani nous a proposé à de nombreuses reprises d'utiliser notre droit de préemption; mais quels cris d'orfraie n'avons-nous pas entendus de la part de la droite chaque fois qu'il nous proposait d'acheter un bien immobilier ! Ceci un peu à raison, je dois le dire, puisque le droit de préemption n'est pas un outil très agréable. En effet, lorsqu'un acheteur et un vendeur se sont mis d'accord sur une vente, l'Etat ou la Ville peut venir casser la vente. C'est donc un outil qui n'est pas idéal puisqu'il ne permet pas de construire du logement, il permet juste à l'Etat ou à la Ville de se substituer à un acheteur. Dans ce sens-là, le droit d'emption est bien meilleur que le droit de préemption, et je vous invite vraiment à le soutenir.

Enfin, le troisième point est celui qui me réjouit le plus - puisque nous allons manifestement perdre ce vote ce soir: c'est d'entendre tous les partis de droite nous demander: «Mais pourquoi l'Etat ne se sert-il pas plus souvent de l'expropriation ?» J'espère que le Conseil d'Etat a bien entendu cet ordre de marche que nous donne la droite ce soir: il faut plus souvent utiliser l'expropriation pour contraindre les propriétaires et ainsi pouvoir construire davantage de logements. Il y a des défaites qui sont plus douces que d'autres ! Je vous remercie.

Mme Bénédicte Montant (PLR), rapporteuse de majorité. Monsieur le président, vous transmettrez ceci aux deux rapporteurs de minorité: on nous parle d'un outil efficace, mais il en existe déjà un aujourd'hui, c'est l'expropriation, qui demande une certaine forme de courage dont il faut faire preuve si c'est à bon escient, pour créer du logement. Ce n'est pas un outil plus incisif que l'emption parce que, lors d'une emption, la personne n'a pas l'intention de vendre, c'est la grande différence avec une préemption. Dans le cas de la préemption, M. Buschbeck parle du fait qu'on casse un accord établi mais, au moins, le propriétaire a bien l'intention de vendre ! Dans ce sens-là, je pense que l'emption est plus proche de l'expropriation. Alors ayons le courage d'exproprier !

D'autre part, on nous dit que ce n'est qu'un outil. Or cela en fait un de plus dans notre empilement de mesures légales, et c'est pour cette raison que nous nous y opposons. M. Buschbeck l'a dit tout à l'heure et c'est vrai, il faut aujourd'hui employer tous les moyens à notre disposition pour créer du logement; mais il faut employer les bons moyens, Monsieur Buschbeck !

En dernier lieu, je voudrais quand même vous rappeler, plaisanterie mise à part, que l'ASPAN elle-même, qui est l'entité fédérale chargée de promouvoir les LUP, doute de cet outil, elle l'a dit et répété pendant son audition, elle trouve le projet de loi anguleux et nous suggère d'optimiser les outils actuels à notre disposition. C'est l'un des éléments majeurs qui nous pousse à vous demander de refuser ce projet de loi. Merci beaucoup.

Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame, et ouvre le scrutin sur l'entrée en matière pour ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 11246 est rejeté en premier débat par 62 non contre 33 oui et 1 abstention.