République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2067-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier la proposition de motion de Mme et MM. Patrick Lussi, Christina Meissner, Stéphane Florey, Christo Ivanov, Marc Falquet, Eric Leyvraz, Antoine Bertschy : Toujours plus de mendiants, cela suffit !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIV des 4 et 5 décembre 2014.
Rapport de majorité de M. Alberto Velasco (S)
Rapport de minorité de M. Patrick Lussi (UDC)
M 2073-A
Rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier la proposition de motion de Mme et MM. Eric Stauffer, Pascal Spuhler, Sandro Pistis, Henry Rappaz, Dominique Rolle, André Python, Olivier Sauty, Florian Gander, Marc Falquet, Bernhard Riedweg : Fermons les campements de Roms : ras-le-bol des dépotoirs !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIV des 4 et 5 décembre 2014.
Rapport de majorité de M. Alberto Velasco (S)
Rapport de minorité de M. Jean-Marie Voumard (MCG)

Débat

Le président. Pour ces deux propositions de motions, nous sommes en catégorie II - 40 minutes. Je passe la parole à M. Alberto Velasco.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. J'attends qu'il y ait du silence, Monsieur le président. (Le président agite la cloche.) Bien, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, il y a quatre ans, j'avais quitté ce Grand Conseil avec des motions de ce style-là. Cinq ans plus tard, je reviens et je retrouve des motions comme cela. A l'époque, c'était M. Lüscher, entre autres, qui déposait de tels objets, parce que ça faisait élire, ça faisait passer au Conseil national. Mais franchement, il est temps d'arrêter.

Je ne sais pas si vous êtes allés voir l'excellent film «L'Ile aux mendiants», qui passe au Bio, qui est fait par des Suisses, avec une aide de la Confédération. Ce film poignant vous montre la misère humaine, vous montre que ces mendiants ne font pas ça gratuitement pour se «faire du blé», comme vous dites. L'enquête prouve qu'ils reçoivent environ 10 F à 12 F par jour. Avec 10 F par jour, ils essaient de se nourrir et d'envoyer quelque chose en Roumanie pour leur famille. Et cela vous gêne. En réalité, ce qui vous gêne, Mesdames et Messieurs, c'est le reflet que vous renvoient ces gens. C'est le reflet d'une société opulente comme la nôtre, où nous avons tout: des revenus assez confortables, de quoi nous nourrir, de quoi nous loger et de quoi aller à l'hôpital, et dans cet îlot de richesses, ces gens vous démontrent l'existence d'une misère. Et je comprends que quand vous les voyez dans la rue, c'est choquant. Mais en réalité, c'est la misère du monde qui vous gêne, Mesdames et Messieurs, et je vais plus loin: quand vous allez en voyage au Maroc ou dans certains pays du Sud, vous voyez des mendiants, et ça ne vous empêche pas d'aller dans ces pays-là, Mesdames et Messieurs. Ça ne vous empêche pas de profiter de la plage ni des hôtels. Par contre, ici... (Brouhaha.) Monsieur le président, peut-être que les gens qui ont beaucoup de choses à faire peuvent aller à côté: il y a des salles plus intéressantes. Le sujet qu'on traite touche quand même à la dignité des personnes !

Le président. Certes, poursuivez.

M. Alberto Velasco. En réalité, je trouve que vous traitez avec une certaine légèreté la misère des êtres humains. Ensuite, vous ne pouvez pas dire que c'est une armée qui a envahi Genève et qui à chaque coin de rue nous gêne. Vraiment, je ne vois pas en quoi cela vous gêne. Enfin, troisièmement, toutes les lois et toutes les dispositions que vous avez voulu voter et ajouter à notre législation figurent. La police nous l'a dit lorsqu'elle a été auditionnée: elle a tous les moyens pour faire son travail et elle le fait. Mais enfin, ils ne peuvent quand même pas brûler ces personnes, ou les mettre dans des camps de concentration ! Il y a des limites ! Par conséquent, je trouve qu'il serait digne de votre part, Mesdames et Messieurs, que vous arrêtiez là. Nous allons traiter ces motions, mais s'il vous plaît, on s'arrête là, laissons faire les autorités.

D'autre part, ma foi, si vous ne voulez pas donner un sou ou un franc à ces personnes, ne leur donnez pas, personne ne vous y oblige. Ils ne vous attaquent pas: ceux qui commettent des larcins, ce ne sont pas forcément les Roms, Mesdames et Messieurs. J'ajoute en fin de compte que vous stigmatisez une population. A l'époque où j'allais en Roumanie pour représenter une société, j'ai connu des Roms qui étaient au ministère des affaires économiques. C'étaient des universitaires, des gens d'un certain niveau, et ils étaient roms ! Il ne faut donc pas stigmatiser les Roms comme si c'étaient tous des criminels ou des mendiants. Non, Mesdames et Messieurs, c'est une situation qui peut vous arriver à tous, et à tout le monde. En Roumanie, cette population est stigmatisée et laissée de côté. La Communauté européenne ne s'en occupe pas comme il faut. Mais en Suisse, ça devient grave, si on ne peut pas leur donner 12 F par jour. Et il faudrait encore les poursuivre jusqu'à l'extrême, alors que leur vie est déjà invivable, Mesdames et Messieurs ! Elle est suffisamment invivable comme ça, alors on s'arrête ! Et s'il vous plaît, arrêtons d'utiliser la misère et la dignité de ces personnes pour des raisons électoralistes. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je vous informe que vous avez pris sur le temps de votre groupe. La parole est au rapporteur de minorité de la première proposition de motion, M. Patrick Lussi.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cher rapporteur de majorité, je pense que nous sommes dans un sujet où nous parlons de choses à propos desquelles nous n'avons pas du tout les mêmes valeurs ni les mêmes référents. Vous entrez dans une dynamique... Excusez-moi: vous êtes très à gauche, je suis de droite. La première chose que je tiens à dire et à dénoncer, et que je continuerai à dénoncer - même si vous me voyez comme un tortionnaire - après avoir vu récemment une jeune femme sur la plaine de Plainpalais, c'est ceci: comment est-ce possible qu'on laisse des réseaux criminels venir faire mendier des gens chez nous notamment des femmes d'à peine vingt ans et des enfants de quelques mois pour éveiller notre clémence et notre sollicitude ? Le problème n'est pas là, et je dirais, là où je peux peut-être vous rejoindre... (Remarque.) Oui, nous devons continuer à dénoncer cela, parce que le principal responsable de cette arrivée, ce sont ces accords de Schengen, qui ont permis à ces gens de venir sans visa. Vous me connaissez, Monsieur Velasco; je vous rejoins sur un point - et c'est peut-être pour ça que l'Union démocratique du centre intervient davantage: vous avez raison, les premiers que vous devriez incriminer, ce sont les gouvernements de Roumanie. Les Roumains «pure souche» - comme diraient les Français - ne supportent plus les Roms ! Ils font tout ce qu'ils peuvent pour les renvoyer de chez eux. Quand on sait qu'en Roumanie, un Rom ne peut pas être fonctionnaire... Mais ça, c'est une chose qu'on ne dit pas. Il y a donc des réseaux qui les envoient chez nous pour mendier, comme le montrent différentes enquêtes.

Enfin, je terminerai par autre chose, il faut avoir le courage de le dire car cela peut paraître très dur: il y a eu récemment, sur Antenne 2 je crois, un rapport d'enquête montrant des gens de Roumanie qui mendient l'hiver - il est vrai que ça se passe plutôt en France - puis qui arrivent chez eux dans un village où ils ont une maison avec une belle salle de bain. Je vous accorde que je n'aimerais pas habiter dans cette maison, mais ils vivent malheureusement... Excusez-moi, mais nous parlons franchement: la deuxième chose que je voudrais dire et qui me disculpe totalement de l'opprobre dans lequel vous me jetez, ce sont les centaines de millions donnés au plan fédéral à la Roumanie pour qu'elle accepte d'intégrer dans son pays la communauté rom, ce qu'elle ne fait pas.

J'aimerais vous dire une dernière chose, Monsieur Velasco: vous avez raison, mais moi, ce n'est pas en Afrique du Nord que je vais... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je vous le dis sans ambages: chaque fois que je vais en France, à Paris - j'y étais dernièrement - et que je vois des SDF, qui n'ont rien à voir avec des Roms, des gens qui ont eu des problèmes parce qu'ils n'ont pas de qualification, qui dorment dans la rue et qui sont dans l'alcool, ça me fend le coeur ! Nous arrivons encore à cacher cette misère des gens qui sont de chez nous, oui, vous avez peut-être raison. J'ai encore quelques photos que des gens m'envoient, puisqu'ils savent qu'ils sont là, mais je ne voulais pas les montrer; mon cher Monsieur le rapporteur de majorité, il ne s'agit pas de la stigmatisation que vous entendez nous présenter. Il faudrait avoir la rigueur de dire que ces gens sont exploités par les leurs. Vous voyez, il y a un roi rom - il y en a même deux: un en Bulgarie et un en Roumanie !

Une voix. Et alors ?

M. Patrick Lussi. Et alors ? Et alors, Madame, revenons à l'Ancien Régime, ayons des serfs chez nous puisqu'ils les traitent comme des serfs, ce que nous n'avons pas. Bref, nous ne nous entendrons peut-être jamais. En ce qui concerne l'Union démocratique du centre, nous pensons que c'est un abus et que, même pour eux, ces gens devraient être renvoyés chez eux, car, une fois de plus, ils viennent ici sans visa et parce qu'ils se sont filé le bon truc. Ces gens n'amènent rien et ne produisent rien, ils sont là pour solliciter notre bon coeur avec des infirmités simulées; ils ne sont pas dans la détresse, ils ne sont pas dans la sincérité. Ils sont exploités par des réseaux, c'est vrai, mais face à ceci, nous nous permettrons toujours de dire que la solution pour ces gens n'est pas qu'ils viennent mendier chez nous, et je pense ne pas démériter, je pense ne pas être un tortionnaire, ni même un xénophobe, contrairement à ce que beaucoup aiment nous dire. Je vous demande donc d'accepter cette motion. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. De même que M. Velasco, je vous informe que vous avez pris sur le temps de votre groupe. Je passe la parole à M. Jean-Marie Voumard, rapporteur pour la seconde proposition de motion.

M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mon rapport concerne donc les campements de Roms. Vous avez vu les invites: il s'agit uniquement de faire appliquer la loi, de faire systématiquement enlever les campements de Roms et de sauvegarder les espaces naturels et les lieux publics détériorés par ces campements. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Selon les statistiques de la police qui nous ont été fournies en 2014, je constate que 22 tonnes de matériel divers ont été évacuées - des matelas et autres déchets - et 27 tonnes en 2014. Cette proposition de motion a été déposée il y a un certain temps, mais le problème des Roms, comme l'a expliqué M. Velasco - et je le comprends - est un problème européen. La misère existe, mais la loi aussi et on est là pour la faire appliquer. C'est ce que fait le Conseil d'Etat à l'heure actuelle, et pour ne pas relâcher la bride, il faut éviter de laisser ces campements s'installer.

D'autre part, je vous rappelle que le 24 mars dernier, un incendie a eu lieu à 10h46 sous le pont des Acacias, puis un autre le 25 mars à la route des Franchises 28, dans un immeuble squatté d'où une vingtaine de Roms avaient été évacués il y a une année. Je pense donc qu'il s'agit aussi d'une question de sécurité et non pas uniquement de salubrité relativement au bien-être de nos citoyens. Pour cette raison, je vous demande d'accepter cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Michel Amaudruz (UDC). Monsieur le président, vous pouvez transmettre à M. Velasco - peut-être connaît-il ce texte - qu'il y a une très jolie nouvelle d'Anton Tchekhov qui fait six pages et qui s'appelle «Le Mendiant». Cet auteur résume et décrit fort bien la situation du mendiant qui trouve son salut dans le travail ou, malgré tout, dans une recherche d'honnêteté et de bonne volonté. Monsieur Velasco, je suis conscient du fait que la mendicité est un phénomène social. Je ne sais plus comment c'était dans la Grèce antique ni sous l'Empire romain, mais au Moyen-Age, il y avait des mendiants et ils n'étaient pas forcément bien traités. Dans notre société d'aujourd'hui, on retrouve ce phénomène de mendicité qui, dans certaines limites, doit être accepté parce qu'il fait partie de notre vie sociale. Malheureusement, si c'est du travail qu'on peut trouver en remède à la mendicité, il y a énormément d'abus, de paresse et il y a des excès qui tendent à déboucher à une certaine forme de pollution, passez-moi l'expression, Monsieur Velasco. Dans ce contexte-là, il est normal que notre société doive réagir.

Je suis conscient du problème qui vous préoccupe, mais vous devez être conscient du fait que notre société se doit de garder certaines limites, et qu'il est bon et sain d'opposer une certaine réaction. Si le temps me le permet encore, je terminerai par cette petite histoire, puisque nous avons eu un cours ex cathedra sur le droit monégasque: un jour, je me promenais dans une petite principauté et j'ai vu un mendiant. Le hasard a fait que j'ai rencontré le prince, et je lui ai dit: «Vous avez un mendiant !» Il m'a dit: «Comment ! Un mendiant ?» Et le mendiant a disparu. Eh bien, dans notre société, genevoise ou suisse, nous n'en sommes pas là. Mais Monsieur Velasco, je crois qu'il est bon sociologiquement que l'on respecte certaines limites. C'est dans ce sens qu'il faut accepter et approuver cette motion. Je vous remercie, Monsieur le président.

Mme Nathalie Fontanet (PLR). La commission judiciaire a examiné ces deux motions et le groupe PLR a suivi le rapporteur de majorité. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons. La première, s'agissant de la motion qui souhaite mettre fin aux campements de Roms, c'est simplement que nous avons été convaincus d'une part par les auditions: M. Voumard vient de rappeler que d'innombrables quantités de déchets étaient débarrassées chaque année de ces campements. Mais d'autre part, nous avons aussi été touchés par la situation de misère dans laquelle se trouvent ces Roms. Parce qu'il faut bien le savoir, Monsieur le président: pendant l'hiver, nos places d'accueil dans des abris sont limitées et l'ensemble de la population rom qui se trouve sur notre territoire ne peut pas s'y loger. Cela ne signifie pas que le groupe PLR souhaite voir s'accroître cette population sur son territoire, cela ne veut pas dire non plus que le groupe PLR souhaite voir davantage de campements de Roms, mais cela signifie avant tout que nous avons été heurtés par certains des propos tenus en commission. Aujourd'hui, nos deux rapporteurs de minorité se sont montrés extrêmement «soft» et raisonnables dans leurs propos. Certains auditionnés et certaines personnes dans les débats ne se sont pas montrés aussi «soft» et nous ne nous sommes pas sentis en mesure de voter en tout cas la motion sur les campements de Roms, ce d'autant que nous étions convaincus que le travail était fait, comme je l'ai dit.

S'agissant de la motion qui visait à mettre fin à la mendicité et à faire appliquer la loi, nous avons entendu notre magistrat, M. Pierre Maudet, qui nous a expliqué de quelle façon la loi est appliquée. Nous avons vu aussi les progrès par rapport aux joueurs de bonneteau. Nous sommes arrivés à la conclusion que certes, la loi doit être appliquée, mais que notre police est fort occupée et qu'il n'y a pas lieu de mettre une brigade de police sur le terrain de la «chasse» - entre guillemets - aux Roms. Nous sommes donc partis du principe que notre magistrat fait bien son travail: la loi est appliquée, les Roms ont l'autorisation de rester sur notre territoire pendant trois mois, et à partir du moment où ils sont là, on ne peut pas simplement les chasser s'ils n'ont pas commis d'infraction; aujourd'hui, la mendicité est une infraction, mais la loi ne permet pas de renvoyer un Rom chez lui sur cette simple base. La loi est donc appliquée telle qu'elle peut l'être, c'est la raison pour laquelle nous refuserons ces deux motions. Merci, Monsieur le président.

M. Jean-Michel Bugnion (Ve). «Insalubrité», «dépotoirs», «touristes de la misère», «bidonvilles», «intolérable de voir ces horribles campements et cette misère», etc. Ce sont des termes tirés des deux motions. Le sens est clair: pour les motionnaires, la mendicité, c'est sale, misérable, contagieux peut-être; à éradiquer sûrement, pour garantir la salubrité publique. Pourtant nous ne parlons pas ici d'une maladie, nous parlons bien d'êtres humains dont le tort est de vivre dans une totale précarité. Cette stigmatisation honteuse doit être confrontée à la réalité des faits rapportés par les auditionnés.

Les motionnaires nous disent qu'il y a une augmentation du nombre de mendiants. Faux: en lisant le rapport, on s'aperçoit qu'il se stabilise entre 150 et 170. Les motionnaires nous disent que c'est une population uniforme, les Roms. Faux: M. Vincent Gall montre qu'il y a d'une part des Tziganes, ou gens du voyage, et d'autre part des Roumains, pas plus roms que moi, qui sont dans une extrême précarité et qui viennent en Suisse essayer de s'en sortir. On nous parle de criminalité et de réseaux mafieux. Encore une fois, faux: 7% à 8% d'infractions à la LCR et 1% au maximum d'infractions criminelles. Même le soupçon de réseau mafieux s'est dégonflé: il s'agissait de personnes arrêtées en France, mais toutes ont été acquittées. Passivité de la police, se plaignent les motionnaires. Encore une fois, faux: M. Maudet l'a montré, la police agit en collaboration avec les polices municipales et avec la France. Des milliers d'amendes sont dressées et beaucoup de saisies d'argent effectuées. Il faut dire que cette chasse coûte cher et qu'elle est peu efficace.

Au final, ces motions s'avèrent des coquilles vides qui ne font que véhiculer un préjugé inacceptable et infondé sur une communauté d'êtres humains qui essaient seulement de survivre. Il n'y a aucune raison de leur donner suite. Le groupe des Verts demande qu'elles soient déposées sur le bureau du Grand Conseil.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, mais il ne s'agit pas de pétitions. Je passe la parole à M. le député Bernhard Riedweg pour vingt-cinq secondes.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président. En venant chez nous, ces Roms pensent qu'avec la mendicité et tous les systèmes de solidarité, leurs revenus seront plus importants que ce qu'ils peuvent gagner dans leur pays. Ce que l'Etat peut faire, tout au plus, c'est agir dans leurs lieux d'origine, à savoir la Roumanie ou d'autres pays de la région, étant donné que ces gens ne souhaitent pas s'intégrer dans notre pays. Merci, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et passe la parole à Mme la députée Irène Buche.

Mme Irène Buche (S). Merci, Monsieur le président. Combien de temps me reste-t-il ?

Le président. Il vous reste trois minutes, Madame la députée.

Mme Irène Buche. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, ces deux motions déposées par le MCG et l'UDC en 2012 contiennent des termes injurieux, méprisants et stigmatisants envers la population rom, ce qui est tout à fait inacceptable. De plus, elles sont totalement inutiles puisqu'elles demandent simplement l'application de la loi que le département de la sécurité applique déjà strictement, souvent beaucoup trop strictement à nos yeux. Faut-il rappeler que le département de la sécurité en a fait un de ses huit axes de priorité ? Ces motions n'apportent donc rien du tout. Il aurait été logique que le MCG et l'UDC retirent ces textes après les travaux de commission et les auditions. Ils ne l'ont pas fait, manifestement pour des raisons purement électoralistes. Au final, ces motions et leur étude en commission ont pour seul mérite de tordre le cou à certains clichés et préjugés tenaces, dénoncés par les personnes auditionnées, en particulier par les représentants de la police. Non, les Roms ne sont pas des criminels et ne commettent pas les cambriolages et autres délits que d'aucuns cherchent à leur imputer ! Non, il n'y a pas de réseaux mafieux, contrairement à ce que certains disent encore aujourd'hui ! (Protestations et rires.) Non, il n'y a pas eu et il n'y aura pas d'invasion... (Exclamations.)

Le président. S'il vous plaît !

Mme Irène Buche. ...de Genève par la population rom; on peut au contraire constater une stabilisation de cette population entre 150 et 170 personnes environ, selon les déclarations de la police elle-même. Non, les Roms n'ont aucun désir de s'établir à Genève. Pour toutes ces raisons, je vous invite instamment à refuser ces deux motions. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme la députée Danièle Magnin.

Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. De combien de temps est-ce que je dispose, s'il vous plaît, Monsieur le président ?

Le président. De quatre minutes.

Mme Danièle Magnin. Merci beaucoup. Je voudrais d'abord dire que je n'étais pas là en 2012, pour recadrer par rapport à ce qui vient d'être dit en face. En revanche, j'ai eu à deux reprises des camps de Roms juste à côté de chez moi. Maintenant, j'en ai un à côté du lieu où j'habite, au chemin de la Tour-de-Champel. Qu'est-ce que cela implique ? Cela implique qu'ils sont en contrebas d'une propriété, dont ils forcent les portails, dont ils découpent les clôtures. Ils essaient de chasser ou d'attraper - je ne sais pas lequel des deux - les animaux, les chiens qui peuvent se promener là, c'est très désagréable. Il y a des déprédations. Précédemment, j'ai eu un autre campement de Roms en face de chez moi, j'habitais alors en face du CMU. Il y a une grande esplanade plein sud derrière, ils s'étaient installés sur place, et dans un coin, ils allaient faire leurs besoins, dans un autre coin, ils allaient mettre leurs matelas, bref: ils occupaient toute la surface et les gens à qui ce lieu était destiné ne pouvaient plus s'en approcher. Alors ce ne sont peut-être pas des criminels, mais ce sont des délinquants. Personnellement, je sais qu'il faut chaque fois recommencer, remettre l'ouvrage sur le métier pour évacuer tout ce qu'ils ont apporté. Cela ne convient pas à notre mode de vie en Suisse où nous avons une loi sur l'aide sociale, une Constitution fédérale qui prévoit la dignité humaine... Ces gens sont là sans autorisation, on ne peut pas savoir combien de temps ils restent ni combien de temps ils veulent rester, ni ce qu'ils veulent faire: tout ce qu'on nous demande, c'est d'assumer. Eh bien nous ne sommes pas d'accord !

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Jean Batou... (Un instant s'écoule.) ...dont le micro fonctionne à nouveau !

M. Jean Batou (EAG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour ce qui concerne le groupe Ensemble à Gauche, c'est évident que nous refusons cette motion et demandons son classement. Ceux qui s'expriment ce soir en faveur de ces motions font assaut d'humanisme: ils sont là pour protéger les Roms contre ceux qui les exploitent, ils sont là pour aider la Roumanie à garder ses Roms; on les attend quand il s'agira de voter des budgets pour l'aide au développement ou de développer une politique en faveur de l'accueil. (Brouhaha.) Le texte de la motion est beaucoup plus clair que les déclarations hypocrites de ce soir. Que lit-on dans cette motion ? «Enlever des campements», «mettre fin au tourisme de la misère» - vous apprécierez la métaphore - «expulser les mendiants»: voilà de quoi devrait s'occuper aujourd'hui l'Etat de Genève. Eh bien moi, je vous dis qu'avec ce type d'attitude, on ne fait que se transformer en fourriers du racisme... (Remarque.) ...en fourriers du racisme, vis-à-vis d'un peuple qui a été victime d'un génocide pendant la Seconde Guerre mondiale, et qui subit des discriminations au quotidien. Les mêmes ici appelleront à se souvenir du génocide des Arméniens, et ils auront raison, mais souvenons-nous aussi du génocide des Roms, des conditions dans lesquelles vivent ces populations; quand les Roms arrivent en Suisse, nous devrions faire un effort pour comprendre quelle est leur trajectoire, pour faire comprendre à la population ce qui se passe dans leurs pays d'origine plutôt que de prendre des mesures de police, dont la légalité est extrêmement discutable d'ailleurs. Je vous invite donc à classer cette motion sans autre forme de procès.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Je vais faire entendre une voix dissonante, je m'en excuse d'emblée auprès de mon groupe. Simplement pour dire que par rapport à cette situation, je pense qu'on évoque un sujet extrêmement complexe lorsqu'on parle des Roms et que finalement, on fait ici des amalgames. J'aimerais dire qu'il s'agit de 170 personnes à Genève, cela m'a été confirmé par M. le conseiller d'Etat. Or, je ne me sens pas gênée par 170 personnes différentes autour de moi. Je ne remets pas en question le bien-fondé et la manière de penser d'autres, que je respecte infiniment, mais je m'abstiendrai sur ces motions, j'espère que vous le comprendrez. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Carlos Medeiros (MCG). Chers collègues, si je comprends bien, nous avons d'un côté les gentils et de l'autre les méchants. Ce n'est pas le cas ! Je tiens à vous rappeler que suite aux accords bilatéraux avec la Communauté européenne, la Confédération a donné, pour ce qu'on appelle des fonds structurels, un milliard de francs suisses à la Bulgarie, à la Roumanie et à la Pologne, quand ces trois pays sont entrés dans la Communauté européenne. Cet argent était destiné en priorité à aider justement les minorités, entre autres, de ces pays. On l'a fait ! Nous avons un bon coeur ! Nous sommes des gens corrects ! Maintenant, est-ce qu'au nom d'un certain humanisme, nous devons accepter un mode de vie qui ne nous convient pas ? Je suis désolé, mais si nous allons tous faire la manche devant la Migros, la Coop ou Denner, ça ne marche pas ! Tout ce qu'on demande aujourd'hui avec cette motion, c'est que la loi soit appliquée. On ne va pas expulser des gens, ou les maltraiter. Non ! Tout ce qu'on demande, c'est que le droit soit appliqué, et rien d'autre que ça. Tout le monde est gentil... (Remarque.) Vous savez, Monsieur, les Portugais sont venus pour travailler, pas pour faire la manche.

Une voix. Ha ha ! Bravo ! (Quelques applaudissements.)

M. Carlos Medeiros. Tout ce qu'on demande, aujourd'hui, c'est exactement ça ! Ce n'est pas que nous ayons quelque chose contre des individus...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Carlos Medeiros. Tout ce que nous demandons, c'est que la loi soit respectée. Bien sûr, je comprends que certaines minorités sont persécutées dans leurs pays d'origine, mais encore une fois: nous avons donné un milliard de francs ! A ces pays donc de protéger leurs minorités, et de grâce, ne nous transformez pas en monstres ! L'humanisme, ce n'est pas uniquement à gauche: nous aussi, nous avons un coeur, Mesdames et Messieurs. (Quelques applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Vincent Maitre (PDC). «Nous aussi, nous avons un coeur», nous dit M. Medeiros. «Tout ce que nous demandons, nous dit-il presque la larme à l'oeil, c'est que le droit soit appliqué.» Voilà la vérité, voilà la réelle intention des motionnaires, Mesdames et Messieurs les députés, mais les pauvres gentils Roms: dehors ! «Pour un vrai handicapé, cent escrocs, donc en cas de doute, je préfère les virer tous»: cette citation est sur les réseaux. Elle est de Carlos Medeiros, et elle démontre la parfaite hypocrisie et la dangerosité du discours du MCG ce soir. (Quelques applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de minorité Jean-Marie Voumard, qui a encore deux minutes trente de temps de parole.

M. Jean-Marie Voumard (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Juste pour dire que, pour une fois, je suis d'accord avec les socialistes... français. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, fait évacuer les campements roms. François Hollande, président de la République, fait évacuer les campements roms. D'autre part, j'aimerais vous lire ceci: «Les Roms n'ont pas leur place à Genève», «il faut donc continuer à lutter sans relâche pour l'application de la loi, et s'assurer du retour des Roms là où ils affirment eux-mêmes être domiciliés». C'était tout un texte signé par M. Christian Lüscher, avocat, conseiller national PLR. (Exclamations.)

Des voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Alberto Velasco, rapporteur de majorité, à qui il reste une minute dix sur le temps de son groupe.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Tout à l'heure, j'ai entendu que les Portugais ou les Espagnols, quand ils venaient en Suisse, eux, travaillaient. Non: eux, on leur donnait un travail. Le problème, c'est qu'aux Roms, on ne donne pas de boulot... (Remarque.) Oui, mais Monsieur, quand vous l'ouvrez, soyez un peu plus digne maintenant. On ne leur donne pas de travail, Mesdames et Messieurs, et peut-être qu'une petite minorité n'en veut pas; mais vous savez, on les appelait les «gens du voyage» parce qu'ils se déplaçaient, ils faisaient de petits travaux et ils vivaient de cela. C'est ça, la vérité. Par ailleurs, je tiens à vous dire une chose: c'est un produit de notre société, Mesdames et Messieurs ! On est incapable de leur donner 12 F par jour pour nourrir leur famille. Je trouve qu'il y a un manque de générosité invraisemblable ! J'ajoute que quand je passe devant ces gens, ils ne m'ennuient pas !

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole n'étant plus demandée, nous passons à la procédure de vote. Je vous fais voter sur le premier texte, la M 2067.

Des voix. Vote nominal !

Le président. Est-ce que vous êtes soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. Le vote est lancé.

Mise aux voix, la proposition de motion 2067 est rejetée par 58 non contre 29 oui et 1 abstention (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Je vous fais voter maintenant sur la deuxième proposition de motion, la M 2073.

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous toujours soutenu ? J'imagine que oui. (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes. Nous passons au vote.

Mise aux voix, la proposition de motion 2073 est rejetée par 58 non contre 29 oui et 1 abstention (vote nominal). (Exclamations durant la procédure de vote.)

Vote nominal