République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11322-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur le réseau communautaire d'informatique médicale (e-Toile) (LRCIM) (K 3 07)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 16 et 17 avril 2015.
Rapport de M. Pierre Conne (PLR)
RD 1023-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le projet pilote e-Toile (2009-2012)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 16 et 17 avril 2015.
Rapport de M. Pierre Conne (PLR)

Premier débat

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur. Chers collègues, nous nous apprêtons à adopter ce rapport divers et cette loi concernant le réseau communautaire d'informatique médicale. Il s'agit d'un réseau qui permettra à tous les prestataires de soins - médecins, hôpitaux, etc. - de mutualiser les informations médicales des patients qu'ils traitent ainsi qu'aux patients d'accéder à leurs données. Je rappelle le principe selon lequel c'est le patient qui est garant de l'accès à son dossier, non seulement pour lui-même mais également pour tous les prestataires de soins. Très brièvement, ce projet est indispensable pour pouvoir améliorer l'information médicale à terme. Qui dit information médicale dit connaissance par tous les médecins de l'ensemble des données nécessaires au traitement correct de leurs patients.

Ce projet a été en phase pilote de 2009 à 2012, période qui a permis à la fois de développer l'outil informatique et de le tester en grandeur nature dans un certain nombre de situations. Le rapport divers que nous nous préparons à accepter porte justement sur cette phase pilote, tandis que le projet de loi concerne la deuxième phase, intermédiaire, qui commence maintenant. Pourquoi ce projet de loi ? Parce que le rapport divers sur l'évaluation de la phase pilote a mis en évidence la nécessité d'améliorer un certain nombre de points pour la phase intermédiaire ainsi que d'inscrire dans la loi les éléments permettant de le faire. En principe, cette phase intermédiaire devrait durer de 2013 à 2015, après quoi un rapport final sera présenté et, si nécessaire, le projet devra être proposé pour pouvoir se déployer pleinement dans le canton voire au-delà, puisque la libre circulation des patients entre différents cantons est aujourd'hui possible.

J'en viens maintenant à quelques éléments clefs quant à l'amélioration du projet inscrite dans ce projet de loi. Les premiers temps, l'accès aux informations médicales se faisait par le biais d'une carte; demain, grâce aux améliorations, ce sera possible par exemple via un téléphone portable. S'agissant ensuite de la liberté pour le patient de quitter en tout temps le réseau de soins, un certain délai était exigé au préalable; ce ne sera plus le cas. Toujours dans l'idée de la libre circulation des patients entre les différents prestataires et cantons, le réseau permet maintenant d'inclure des prestataires qui ne pratiquent pas dans le canton de Genève. En outre, une voie de recours a été ajoutée, notamment au cas où le patient devrait faire face à des difficultés pour modifier ses données; on peut imaginer des situations où certaines informations concernant un patient seraient fausses et que celui-ci pourrait décider soit de limiter leur accès soit simplement de les faire modifier. Un autre élément apporté est celui de la formation du patient; cette question n'est pas complètement résolue bien que le projet de loi amène une amélioration tout à fait significative, à savoir que le patient bénéficie des informations nécessaires et de la formation de base pour pouvoir correctement utiliser le dispositif et accéder en tout temps, s'il le souhaite, à ses données. Voilà pour les éléments importants.

Je veux encore rapidement m'arrêter sur deux points majeurs, qui devront faire l'objet d'une attention particulière de notre part à l'issue de la période intermédiaire. Il y a tout d'abord la question de la formation des prestataires et des patients. Pour le moment, le déploiement de ce projet est relativement confidentiel; ce qui est souhaité à terme, c'est que la totalité des prestataires et des patients soient inscrits dans MonDossierMedical.ch. A cet effet, un effort important doit être fourni en termes de formation des utilisateurs. Ensuite, il y a la question de la sécurité informatique. Il s'agit effectivement d'un élément essentiel dans la mesure où le dispositif permet d'accéder à des données extrêmement sensibles. La commission a en tout cas été rassurée en apprenant que le dispositif informatique a subi un triple audit: un audit par le partenaire principal qui est la Poste, un audit de sécurité externe avec des tests d'intrusion et enfin un audit spécialisé réalisé par la Haute école spécialisée bernoise, qui a notamment contrôlé l'architecture du projet. Voilà donc en quelques mots, Mesdames et Messieurs, en quoi consistent ce rapport divers et ce projet de loi, que les membres de la commission de la santé, à l'unanimité, vous invitent à adopter. Je vous remercie.

Mme Sarah Klopmann (Ve). J'aimerais remercier le rapporteur de majorité... enfin, plutôt le rapporteur unique, qui a été d'accord de rendre compte de toutes les discussions et a bien relayé les craintes liées à ce projet, notamment celles des Verts. Deux aspects sont à relever relativement à ce réseau e-Toile: tout d'abord, l'avantage est qu'il va permettre une meilleure communication entre les différents médecins d'un même patient, souvent une personne soit âgée, soit avec des polypathologies - pour l'instant, c'est en tout cas à ce type de patient que s'adresse ce dispositif, et c'est très bien. Néanmoins, il faudra bien garder en mémoire que ce dispositif est un outil supplémentaire pour mieux communiquer mais ne représentera en aucun cas un élément exhaustif du dossier, et les médecins ne doivent pas arrêter, même avec des patients inscrits dans MonDossierMedical.ch, le travail d'anamnèse, de questionnement et de discussion qui reste essentiel et permettra toujours d'obtenir des informations supplémentaires qui pourraient ne pas figurer dans le dossier informatique.

Le second élément qui inquiétait beaucoup les Verts est évidemment celui de la protection des données, et il se décline en plusieurs aspects. Sur le plan «micro», soit celui qui concerne le patient, on peut dire qu'il y a une certaine amélioration parce que le patient est vraiment au centre du dispositif MonDossierMedical.ch: il va pouvoir lui-même autoriser tel ou tel médecin à accéder à ses données médicales mises en réseau par tel ou tel autre médecin, et c'est une bonne chose. Par contre, ça ne fonctionne que si la formation nécessaire est donnée. Actuellement, en effet, et nous en avons eu confirmation en commission, les patients âgés se retrouvent souvent démunis face à ce dispositif, et ce sont alors leurs enfants qui s'en occupent. Bien sûr, c'est très bien que les enfants aident leurs parents, mais on perd grandement l'aspect du secret médical s'ils commencent à gérer les dossiers médicaux confidentiels de ces personnes. En commission, le département nous a certifié que cette notion figurait dans le règlement d'application, ce qui est rassurant - j'espère que ce sera effectivement mis en oeuvre.

Sur un plan plus «macro», il ne faut pas oublier qu'on va se retrouver avec de nombreuses données médicales qui seront mises en ligne; même si chaque dossier reste sur les serveurs de chaque médecin, tout cela va quand même être mis en réseau - c'est le principe de MonDossierMedical.ch. Evidemment, qui dit information en réseau dit aussi risque de piratage. Nous avons donc posé... enfin, j'ai posé - puisque les Verts sont malheureusement seuls en commission - beaucoup de questions à ce sujet et été partiellement rassurée. Il a quand même fallu beaucoup creuser, on se rend compte que tout le monde n'a pas forcément les protections informatiques suffisantes pour répondre aux risques de hacking, et c'est normal, chacun son métier. Mais la fondation Iris, qui s'occupe de gérer l'aspect éthique du réseau e-Toile, va dorénavant aussi contrôler avec beaucoup de sérieux et de professionnalisme les risques de piratage, ce qui nous a vraiment rassurés.

Enfin, il y a encore la question de l'accès aux données. La Poste, on l'a déjà vu, ne fait pas vraiment grand cas du respect des données de ses clients puisqu'elle a sans vergogne aucune vendu toutes les informations concernant ses clients PostFinance. Puisqu'elle sera l'exploitante de ce réseau, notre crainte était qu'elle aille aussi fouiller dans les données et se mette à les vendre: or, ces données peuvent être utilisées soit à mauvais escient, soit à des fins commerciales - on pense par exemple aux assurances - et cela est absolument à éviter. Heureusement, un amendement déposé en commission par les Verts, qui inscrivait clairement dans la loi le fait que l'exploitant du réseau ne peut pas avoir accès aux données médicales, a été accepté. Cela nous ravit, c'était pour nous la condition pour continuer à soutenir le réseau e-Toile. Par conséquent, nous adopterons ce projet de loi, qui améliore la situation actuelle, ainsi que le rapport divers. Je vous remercie.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Merci beaucoup à M. Conne pour cet excellent rapport. Il est vrai que la commission a posé énormément de questions et s'est beaucoup préoccupée des aspects techniques, informatiques, éthiques - je ne reviendrai pas sur ce qui vient d'être dit par ma préopinante. Par contre, j'aimerais insister sur un point qui, peut-être ne s'en rend-on pas compte, est assez révolutionnaire, non seulement pour le corps médical s'agissant de la mise à plat des informations d'analyse et de diagnostic et des différentes hypothèses y relatives, mais aussi pour les patients. Pour appréhender et travailler avec ce système, il faut à la fois être bien informé - on a vu la question de la formation - et responsable, et cette notion de responsabilité va de pair avec une autonomie que le patient doit absolument avoir, tout comme la capacité à prendre une certaine distance par rapport à l'ensemble de son dossier.

Or nous vivons une période très chahutée et difficile sur le plan social pour bon nombre de personnes, et je me dis que ce n'est pas seulement un enseignement mais surtout un accompagnement qui sera nécessaire pour qu'on puisse utiliser cet outil à bon escient. Dans la relation avec le corps médical, la confiance sera encore plus déterminante puisque nous avons accès aux mêmes données mais qu'elles n'ont pas forcément le même sens pour les deux parties, un patient ne pouvant pas en mesurer l'impact alors qu'un médecin peut le faire à travers des hypothèses de diagnostic. Alors je ne sais pas si on a... Bien sûr, il faut soutenir ce projet de loi, nous allons tous l'accepter; mais en même temps, il faut véritablement travailler sur les mesures d'accompagnement et d'enseignement aussi bien pour le corps médical que pour les patients.

Je pense qu'on assiste là à un changement culturel assez déterminant dans la manière de concevoir notre relation à la santé. On dit que le patient est au centre, cela fait sûrement cent ans qu'on dit que le patient est au centre de l'ensemble de nos pratiques; je le souhaiterais. Mais le patient n'est au centre que quand il a la volonté et la capacité de l'être, ainsi que l'autonomie suffisante pour cela; autrement, il restera toujours en marge. Cet outil peut être extrêmement positif sous les conditions qu'on a évoquées tout à l'heure, mais également très dangereux pour les personnes incapables de s'autodéterminer et de se prendre en charge, et je pense qu'il sera nécessaire de travailler là-dessus. Je vous remercie.

M. Jean-Luc Forni (PDC). En tant qu'utilisateur pionnier du réseau d'informatique médicale e-Toile, j'aimerais confirmer tout le bien que les professionnels de la santé et bien entendu les patients, puisque ce sont eux qui en seront au final les principaux bénéficiaires, pensent de ce dispositif. Quelle est la finalité de ce réseau ? On l'a dit, et mes prédécesseurs l'ont rappelé, c'est de placer le patient au centre des préoccupations des soignants, d'éviter la multiplicité d'actes répétitifs et d'avoir une meilleure gestion des patients, notamment dans le cas de patients pluridisciplinaires chroniques.

Il est clair qu'il y a certains risques - on l'a entendu - relativement à des données sensibles ou stigmatisantes. Mais ces données sont en principe introduites dans le réseau par le médecin traitant ou par un soignant auquel le patient aura donné sa confiance. Evidemment, il peut toujours y avoir des patients, et il y en aura malheureusement de plus en plus, qui n'ont pas toutes leurs capacités de discernement; mais n'oublions pas le secret médical et professionnel que respectent tous les intervenants ! On peut faire confiance aux professionnels de la santé pour réaliser leur travail correctement, c'est le but de ce réseau.

On a trop souvent parlé de l'obscurantisme qui régnait s'agissant des coûts de la santé. La direction générale de la santé et même le département se sont à plusieurs reprises exprimés, lors du débat sur la caisse publique, sur le manque de transparence quant aux coûts et sur la manière dont les flux financiers transitent par le biais de l'assurance-maladie. Là, on a au moins un moyen d'allier efficacité et économicité. L'avenir étant à la pluridisciplinarité dans le suivi des patients chroniques, il est clair qu'on aura ainsi une meilleure approche des itinéraires de soins les plus performants et les plus efficaces, aussi en termes d'économies. C'est pour cette raison que le groupe démocrate-chrétien tout comme le professionnel de la santé que je suis vous invitent à accepter ce projet de loi et ce rapport du Conseil d'Etat. Merci également au rapporteur pour l'excellente qualité de son rapport.

M. Christian Frey (S). Mesdames et Messieurs les députés, à mon tour de remercier le rapporteur pour son excellent travail, qui est très complet. Je ne veux pas en rajouter, mes préopinants se sont exprimés sur la question de la confidentialité des données ainsi que sur l'information nécessaire afin que les personnes aillent au-delà de leur appréhension quant à l'informatique ou à la perte de données qui pourrait les concerner. Pour ma part, je voudrais brièvement insister sur le fait que si ce projet - qui coûte, vous l'avez constaté en lisant le rapport, et dure maintenant depuis de longues années - n'avance pas très bien ou pas très vite, c'est dans une large mesure à cause de la réticence des médecins à s'y lancer.

Comme la députée Klopmann l'a relevé, un médecin n'a pas à insérer toutes les données, il ne s'agit pas de tout mettre là-dedans. N'empêche que pour un médecin, c'est un vrai travail de s'engager dans ce système, d'y introduire des données pour qu'elles soient accessibles aux autres prestataires. Dans le cadre de la commission de la santé, les socialistes avaient d'ailleurs proposé que le département se montre un peu plus incitatif vis-à-vis de l'AMG et des médecins en général, leur explique qu'il s'agit d'une méthodologie qui peut sauver des vies et, dans des situations d'urgence, permettre de donner le maximum d'informations pour le bien des personnes concernées. Il faut donc passer aux actes maintenant et non pas se dire que ce sera pour la prochaine génération et qu'on en reparlera dans deux, trois ou quatre ans. Pour le moment, un nombre très peu important de médecins se sont lancés, il en faut davantage.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne souhaite pas prolonger inutilement le débat compte tenu de la convergence des soutiens à ce projet de loi. Je voudrais simplement m'associer aux remerciements à M. le rapporteur ainsi que saluer le travail extrêmement constructif réalisé par l'ensemble des groupes en commission pour permettre l'aboutissement de ce projet de loi. Mais surtout, j'aimerais attirer une fois de plus votre attention sur la nouveauté qu'incarne ce projet genevois aux niveaux suisse et européen. Si notre canton est régulièrement fustigé pour ses genevoiseries, il faut rappeler qu'il est aussi le seul à avoir fait l'objet d'une évaluation avec label par eHealth Suisse: Genève est à l'avant-garde et représente un modèle pour la Confédération, qui a adopté dans ce domaine une loi directement inspirée de la nôtre.

Je m'empresse d'ajouter qu'il ne me revient qu'une partie du mérite puisque mon prédécesseur avait largement mis en place ce projet qui arrive aujourd'hui en phase de développement. Vous avez raison: il s'agit maintenant de faire en sorte qu'il devienne une réalité sur le terrain, et je ne peux que vous encourager à aller sur MonDossierMedical.ch. En effet, c'est le patient qui fera la différence puisque, nous le savons, il y a une relative inertie dans le monde médical face à certaines nouveautés, inertie inspirée par une légitime prudence. C'est donc le patient qui doit dire à son médecin traitant qu'il souhaite s'engager dans la voie de la cybersanté et posséder un dossier médical informatisé.

La grande nouveauté, et il faut y insister, c'est que rien n'apparaît sur cette carte, rien n'est importé dans votre ordinateur lorsque vous consultez vos données, tout reste sur place. Les risques ne sont certes pas inexistants puisque en matière informatique, quelqu'un pourrait aujourd'hui déjà s'introduire dans les dossiers médicaux de certains grands hôpitaux; aux Hôpitaux universitaires de Genève, nous avons la chance d'avoir un dossier informatisé du patient qui a été créé directement par Genève et qui représente d'ailleurs aussi un modèle dans le genre, contrairement au CHUV qui, lui, a acheté un système informatique auprès d'une société, laquelle a depuis été reprise par une compagnie américaine - et vous connaissez les problèmes liés au Patriot Act, qui impose à toute société américaine de contribuer à la recherche d'informations si besoin est. A Genève, nous ne courons heureusement pas ce risque.

Nous disposons donc véritablement d'un produit de pointe, qui va améliorer la qualité, la sécurité, l'efficacité et la rapidité, et cela est surtout important pour les personnes subissant des traitements lourds, qui ont une chaîne d'intervenants importante, ainsi que pour les personnes âgées, qui bénéficient d'abord de soins à domicile avant d'être hospitalisées ou d'entrer en institution. Les divers intervenants peuvent avoir en temps réel une connaissance précise de ce qui a été prescrit, avec la possibilité d'obtenir immédiatement des duplicata des ordonnances ou encore, parce que l'Ofac fait partie du système, d'aller rechercher l'historique des médicaments prescrits pour un patient. Tout cela vise un accroissement de la sécurité et, nous en sommes convaincus, de la santé. Merci donc de soutenir ce projet, dont nous devons être fiers, je ne le répéterai jamais assez.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets désormais aux voix le PL 11322-A.

Mis aux voix, le projet de loi 11322 est adopté en premier débat par 66 oui et 4 abstentions.

La loi 11322 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11322 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 66 oui et 3 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 11322

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission RD 1023-A.