République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11558-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Thierry Cerutti, Ronald Zacharias, Francisco Valentin, Pascal Spuhler, Bernhard Riedweg, Christian Flury, Sandra Golay, Jean-François Girardet, André Python, Patrick Lussi, Henry Rappaz modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (LRGC) (B 1 01) (Lecture de l'amendement)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 12, 13 et 19 mars 2015.
Rapport de majorité de M. Murat Julian Alder (PLR)
Rapport de minorité de M. Thierry Cerutti (MCG)

Premier débat

Le président. Pour le PL 11558-A, nous sommes en catégorie II - quarante minutes. Monsieur Alder, je vous passe la parole.

M. Murat Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, très chers collègues, ce projet de loi trouve son origine dans l'esclandre qui a eu lieu lors de notre séance plénière du 10 octobre dernier. Il se peut qu'il vienne en substance d'une bonne intention: s'assurer que chaque groupe soit systématiquement représenté au sein du Bureau. Toutefois, c'est méconnaître la fonction exacte du Bureau que de le considérer comme s'il s'agissait d'une commission de notre parlement. Le Bureau... (Remarque du rapporteur de minorité.) Pardon ? (Remarque du rapporteur de minorité.) Autant pour moi ! Je me suis trompé de projet de loi. Je reprends.

Il s'agit en fait aussi d'un projet de loi déposé suite à l'esclandre du 10 octobre 2014, puisque nous parlons de l'origine de cet esclandre: la fameuse lecture de l'amendement dit Pistis. (Exclamations.) Tout le monde savait très bien de quoi retournait cet amendement Pistis - dont je rappelle qu'il était une reprise d'un amendement du parti des Verts, il faut s'en souvenir - au moment où il a été lu, ou plutôt au moment où il a été voté. (Exclamations.)

Des voix. Mais non !

M. Murat Julian Alder. Toutefois, le problème n'est pas là, et le mérite de ce projet de loi du MCG - parce que je lui reconnais ce mérite - est de pointer du doigt le fait que fréquemment, dans le cadre de nos travaux, nous allons très vite et que nous n'utilisons pas les moyens technologiques à notre disposition. Par exemple, nous avons ici deux magnifiques écrans sur lesquels nous pourrions projeter les amendements et les titres des textes sur lesquels nous votons. De cette manière, de même, les rapporteurs de majorité ne confondraient pas les rapports sur lesquels il s'agit de voter, surtout lorsqu'il s'agit de rapports jumeaux !

En l'occurrence, cependant, la lecture de l'amendement aurait pour effet de ralentir considérablement la durée de nos travaux. Ceux-ci seraient encore plus lents qu'ils ne le sont déjà: nous avons un ordre du jour particulièrement chargé, et si chaque fois qu'il y a un amendement, nous devons le lire, cela représentera aussi une charge de travail non négligeable pour le personnel du secrétariat général du Grand Conseil, qui devra systématiquement faire imprimer des textes et, en plus, les donner à lire afin que chacun sache en permanence quel est le sujet sur lequel on vote. Ce serait du formalisme excessif. Cette proposition part d'une bonne intention, mais elle est inutile.

En revanche, la commission des droits politiques devrait examiner dans les mois ou les années à venir la possibilité de revoir l'utilisation de ces deux magnifiques panneaux que nous avons dans notre salle pour projeter les textes soumis à nos suffrages. Je vous remercie de votre attention.

M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, ce projet de loi doit sa naissance au fait que nous avons remarqué - et pas plus tard que lors de la précédente séance de ce Conseil - que nous avions eu des difficultés à savoir sur quoi nous votions. Face à une multitude d'amendements, les députés sont bien souvent égarés et ne savent plus sur quoi ils votent. Donc l'idée de ce projet, indépendamment de l'esclandre auquel fait référence mon collègue Murat Alder, c'est avant tout de faire en sorte que lorsque nous devons voter et prendre des décisions importantes pour le bien-être de notre république, nous sachions, nous autres députés, sur quoi nous votons. Aujourd'hui, nous constatons malheureusement que bien souvent, on vote sans savoir précisément sur quoi.

On parle de politique participative, on dit que les membres de la société civile devraient participer de plus en plus à nos actions, de par leurs avis et leurs projets. Eh bien nous constatons que le public, les personnes présentes ici mais aussi celles qui nous suivent depuis aujourd'hui à nouveau par le biais de la télévision, ne savent pas du tout sur quels amendements nous votons, puisqu'ils n'ont pas la possibilité d'avoir sous les yeux ces textes que nous recevons et dont nous serions censés, ou plutôt dont nous sommes censés prendre connaissance avant de voter. Ces amendements écrits posent encore un autre problème, et vous me l'accorderez toutes et tous: du fait que certains députés les présentent sous forme manuscrite et non pas dactylographiée, il est souvent très difficile de pouvoir identifier ce qui est écrit ou même simplement de les lire; cela donne une raison supplémentaire de penser que ces amendements devraient être lus.

En déposant ce projet de loi, j'avais pour volonté d'ouvrir le débat et de demander ce qu'il serait possible de faire pour améliorer cette situation qui est inacceptable aujourd'hui - vous le concédez toutes et tous, et cela a été exprimé en commission - puisque nous ne savons toujours pas ce que nous votons, nos travaux en sont entachés, et ce n'est pas normal. Il n'y a de surcroît pas de transparence à l'égard de la population, ce que nous lui devons avant tout. Naturellement, plutôt que de lire les textes, ce qui prendrait du temps, nous avons évoqué la possibilité d'utiliser ces fameux panneaux en face de nous. Aujourd'hui, on envoie des gens sur la lune et on relève des échantillons sur Pluton, mais à Genève, nous n'utilisons pas la technologie moderne pour identifier nos amendements en les projetant sur les panneaux; c'est fort regrettable !

Alors il n'y a pas de combat politique derrière ce projet de loi et je ne vais pas en faire un combat personnel - mon groupe non plus d'ailleurs - mais il y a de bonnes questions à se poser: notre parlement fonctionne-t-il bien avec ces amendements écrits ? Est-il intelligent de distribuer systématiquement cent copies de chaque amendement - car nous sommes cent députés - fois quinze quand ces amendements sont multipliés, remultipliés et démultipliés ? On parle de faire des économies, de protéger l'environnement, bref, on tient toute sorte de discours que nous voulons appliquer à certaines catégories de la population tout en refusant de les appliquer ici. Aujourd'hui, nous devons changer ce mode de faire pour un gain de temps, d'efficience et d'efficacité, c'est pourquoi je vous recommande, Mesdames et Messieurs, de soutenir mon projet de loi, quitte à l'amender pour que nous puissions avoir la possibilité d'être plus performants, plus dynamiques et plus transparents.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Quelquefois, en plénière, de nombreux amendements sont distribués et s'amoncellent sur nos places de travail qui ne sont déjà pas bien grandes. Il peut s'ensuivre une confusion dans le tri des documents par le ou la députée, d'autant plus que certains amendements - suite à un oubli de leur auteur ou à de la précipitation - ne sont pas munis des numéros tirés de l'ordre du jour bleu. En vue de la clarté des débats en plénière et de l'exactitude des votes, nous estimons que les amendements doivent être lus en plénière avant d'être votés, d'autant plus qu'ils sont déposés en nombre, par exemple lors du budget. Il ne s'agit que de s'assurer que chaque député vote en connaissance de cause et d'éviter le risque d'erreur. Lire le texte d'un amendement en plénière est une précaution supplémentaire, surtout s'il est écrit à la main. Etant donné que les plénières sont publiques et même télévisées, les visiteurs et spectateurs seraient certainement intéressés à connaître la teneur des amendements pour suivre les débats. Au Conseil municipal de la Ville, l'objet du débat apparaît à l'écran; cela devrait être possible aussi pour un amendement. A la rigueur, ce projet de loi pose une bonne question sur laquelle il n'est pas nécessaire de légiférer, mais à laquelle il faut au moins prévoir une réponse dans le règlement du Grand Conseil. Nous vous demandons d'accepter l'entrée en matière.

M. Gabriel Barrillier (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai écouté avec intérêt le rapporteur de minorité nous préciser qu'il n'en fait pas une affaire politique et que si on pouvait améliorer le système de traitement des amendements, ce serait déjà un bon résultat. En tant qu'ancien président, j'aimerais attirer votre attention sur le rôle du président en matière d'amendements et de présentation des amendements. Il faut un peu de pragmatisme ! J'ai rarement eu des problèmes avec les amendements, sauf lorsque c'est une tactique dilatoire: quand vous avez une avalanche d'amendements, effectivement, cela devient difficile de les traiter. Donc moi, je prône un peu de pragmatisme; il ne faut pas que cela devienne une affaire d'Etat.

Là où je suis d'accord, c'est que lorsque vous déposez un amendement, il faut l'écrire, courir, se dépêcher au perchoir, en faire des photocopies, les distribuer... C'est un système un peu artisanal. Disons... On n'est plus à l'ère des diligences ! Dans cette discussion sur le traitement des amendements - qui sont très importants dans la confection des lois et des actes législatifs - on a parlé de moderniser, on a parlé de systèmes informatiques... Eh bien je romps une lance, à nouveau, chers collègues, pour la réfection de cette salle ! Les objectifs sont de s'attaquer aux problèmes de la mobilité réduite - M. Mizrahi n'est pas à sa place ! Ce sont les problèmes de sécurité - que beaucoup d'entre vous, de ce côté-ci de l'hémicycle... (L'orateur désigne les bancs de droite.) ...rappelez sans cesse ! Ce sont les communications ! Alors je lance un appel au Bureau et aux chefs de groupes: ce serait l'occasion de voter enfin cette réfection de la salle qui nous permettra d'apporter des nouveautés et des améliorations, notamment dans le traitement des amendements. Nous refuserons ce projet de loi, mais j'invite encore une fois nos dirigeants et le Bureau à s'atteler à la tâche et, surtout, je vous invite à voter le projet de loi qui se trouve à la commission des travaux.

M. Sandro Pistis (MCG). Cet amendement déposé le 10 octobre dernier, je l'avais repris au groupe des Verts, et je pense que les députés verts n'étaient pas conscients qu'il leur avait été repris; d'ailleurs, ils n'étaient pas au courant qu'ils allaient voter à nouveau sur ce fameux amendement et ils l'ont refusé. Ils ont refusé leur propre amendement ! On peut constater qu'il y a un manque de transparence pour certains amendements: quand ils sont présentés à la présidence, certains sont lus et d'autres ne le sont pas.

Aujourd'hui, on doit avoir l'honnêteté et le courage, surtout pour certains amendements lorsque - on l'a relevé - ils viennent en masse, pour certains projets de lois importants, de prendre le temps de lire ces amendements. Pourquoi ? Chacun de nous, me semble-t-il, est président d'une commission au sein de ce Grand Conseil. Eh bien je vous signale qu'en commission, quand un député demande de relire un amendement, j'ai rarement vu un président refuser. Je ne comprends pas pourquoi au Grand Conseil, on refuserait la lecture d'un amendement alors que la pratique est tout à fait habituelle lors d'une séance de commission. C'est dans ce même objectif de transparence que nous demandons la lecture des amendements en cas de doute. Ce ne serait pas systématique, mais cela donnera la possibilité à celles et ceux qui votent de savoir ce qu'ils votent et de ne pas le faire à blanc ou à vide, comme c'était le cas pour le groupe des Verts lorsque j'ai repris leur amendement et qu'ils l'ont refusé. C'est pour ces motifs que je vous invite à soutenir ce projet de loi de transparence.

M. Pierre Vanek (EAG). Concernant ce projet de loi - je ne vais pas revenir sur les événements de la séance qui en a accouché - le problème, avec tout le respect que je dois au préopinant et l'amitié que j'ai pour lui, c'est que le même amendement avait déjà été voté une fois sans qu'il y ait eu une demande de lecture. Je dirais qu'il faut aborder cette affaire de manière bien plus pragmatique: il y a un problème avec la lisibilité de nos votes, comme l'a dit Thierry Cerutti, et les députés doivent pouvoir comprendre ce qu'ils sont en train de voter. Il faut que, le cas échéant, la présidence écoute des députés qui demanderaient la lecture de l'amendement, parce qu'ils estiment que c'est nécessaire, et il faut laisser au président l'autonomie et la liberté de lire ou de ne pas lire un amendement.

Manifestement, ce projet de loi est excessif: il demande que tout amendement présenté au président soit lu par ce dernier. Si cette loi était en vigueur aujourd'hui, je pourrais venir avec le bottin de téléphone, l'apporter avec ma signature au président et lui dire qu'il s'agit d'un amendement ! Il s'agit d'un amendement au projet que nous sommes en train de traiter ! (Remarque.) Et nous pourrions tous profiter de cette démarche pour aller nous promener et faire autre chose pendant que le président consacrerait un certain nombre de séances du Grand Conseil à lire le bottin de téléphone devant une salle vide, par obligation, parce qu'il respecterait la loi, car nul n'est censé ignorer la loi, et en particulier le président du Grand Conseil, premier personnage de la république, la respecterait scrupuleusement ! Voilà qui serait à la portée de n'importe quel député ! Je ne parle pas des députés de cette honorable assemblée choisie par la république, mais s'il venait quelqu'un avec l'intention de faire de l'obstruction, eh bien il lui suffirait d'apporter n'importe quel amendement de quinze pages pour gagner une heure. Ce n'est pas praticable, et je ne le dis pas par hostilité envers toute tactique parlementaire de ce type: cela fait partie des armes du débat.

Nous devons retenir du dépôt de ce projet de loi qu'il y a un problème, c'est quelque chose que les rapporteurs de minorité et de majorité ont reconnu. Ce problème a des solutions: la solution essentielle, c'est d'avoir de bons présidents, qui écoutent les députés et s'assurent que les gens sachent ce sur quoi ils sont en train de voter. Mais ce projet de loi revient à tirer au canon sur une mouche, sur un petit problème pour lequel les solutions sont plus simples.

D'autre part, prendre prétexte de ce projet de loi pour dire qu'il faut rénover la salle du Grand Conseil et que la solution aux problèmes de procédure au sein de ce parlement se trouve dans la rénovation de la salle du Grand Conseil, permettez-moi de le dire à Gabriel Barrillier - vous transmettrez, Monsieur le président - c'est un peu excessif également: on parle d'une dépense de dizaines de millions ! Non ! Nous pouvons, dans cette salle, améliorer notre fonctionnement par des mesures pratiques. Quelques-unes ont été indiquées: projeter les amendements sur les panneaux, ou les afficher sur nos écrans. Quasiment chacun a un écran ouvert devant lui...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Pierre Vanek. ...les textes pourraient nous être transmis par ce biais. J'invite donc le Bureau à prendre au sérieux la question posée, et j'invite cette assemblée à refuser ce projet de loi.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. J'espère que vous ne m'obligerez pas à appeler chacun des numéros du bottin de téléphone ! La parole est à M. le député Eric Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à plusieurs de mes préopinants, ceux qui ont fait référence à une certaine séance du 10 octobre, je crois, que le projet de loi déposé par le MCG, et l'excellent rapport de minorité de mon collègue Thierry Cerutti, découlent de la mauvaise foi et de la mauvaise qualité de la présidence qu'il y avait à l'époque ! (Protestations. Huées.) Vous l'avez dit, Monsieur Vanek: il faut de bons présidents. Je ne peux qu'acquiescer, et je vais vous expliquer pourquoi. Ce projet de loi ne devrait pas exister, Mesdames et Messieurs, parce que le règlement - la LRGC - prévoit déjà ces cas. J'en veux pour preuve que sous la section 2 - «Votes» - à l'alinéa 3 de l'article 83 intitulé «Question en votation», il est dit: «Si un député» - je dis bien: un député - «estime que la question est mal posée, l'assemblée décide la manière dont elle doit être présentée.» Le 10 octobre, Mesdames et Messieurs, il y a eu un député qui pensait que la question était mal posée, et il a invité le président à requérir l'assemblée et à lire l'amendement. Ce que le président n'a pas fait ! Qu'a donc fait ce député rebelle le 10 octobre ? Il a évoqué un deuxième article de la LRGC, le 79A: «Un député» - j'insiste: un député - «peut en tout temps interrompre le débat pour inviter le Bureau à faire appliquer le règlement.» Tout est dit dans la LRGC ! C'est bel et bien à cause de la mauvaise foi d'une majorité de ce parlement...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Eric Stauffer. Je conclus, Monsieur le président. ...que le 10 octobre, nous avons vécu quelque chose de dramatique dans ce parlement, où la gendarmerie a dû intervenir. (Protestations.) C'est évidemment à cause de la qualité de la présidence de l'époque ! Je le dis aujourd'hui, et je peux le dire, Madame la députée, en vous regardant dans les yeux !

Le président. S'il vous plaît, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer. J'ai conclu ! (Applaudissements. Huées.)

M. Vincent Maitre (PDC). Le parti démocrate-chrétien pense que, dans le fond, il appartient à chaque député d'être responsable et surtout qu'il fait partie de son travail d'être suffisamment attentif, c'est-à-dire de bien vouloir prendre la peine - allez, poussons le vice très loin: un quart de seconde - d'écouter du côté de la présidence pour savoir sur quoi l'on vote. Si quelqu'un n'est pas capable de s'intéresser au travail pour lequel le peuple l'a mandaté, à lui de laisser sa place à un autre probablement plus compétent.

Ce projet de loi - et c'est mon second point - est en réalité un aveu crasse de culpabilité, parce que contrairement à ce que prétend Eric Stauffer, qui s'improvise tout d'un coup juriste alors qu'il n'a manifestement jamais lu un texte de loi de sa vie... (Protestations.) ...et qui affirme que la LRGC obligerait le président...

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !

M. Vincent Maitre. ...du Grand Conseil à lire un amendement... Or, dans la LRGC, rien, rigoureusement rien, n'oblige le président du Grand Conseil à lire un amendement. C'est un aveu crasse de culpabilité parce que, fort de cette mauvaise lecture de la loi, Eric Stauffer s'ouvrait dès le lendemain à qui voulait l'entendre, en particulier aux médias et à la presse, publiquement, pour affirmer l'incompétence du président Antoine Droin et le pousser à la démission, alors que c'est précisément Eric Stauffer lui-même qui était en tort.

Le président. Pourriez-vous revenir sur le sujet ? Merci.

M. Vincent Maitre. Ce texte est un aveu crasse de culpabilité, raison pour laquelle il faut le jeter séance tenante aux ordures. (Applaudissements.)

M. Romain de Sainte Marie (S). Vous transmettrez, Monsieur le président, à M. Stauffer...

M. Eric Stauffer. Il est là, il est là.

M. Romain de Sainte Marie. ...qu'avant de prétendre que nous avions un mauvais président lors de cette séance du 10 octobre, encore faut-il avoir de bons députés ! Et là, la chose est moins certaine ! (Vives protestations.)

Le président. Monsieur Medeiros, s'il vous plaît !

M. Romain de Sainte Marie. Prétendre après quarante minutes de discussion en deuxième débat ne pas connaître un amendement des Verts repris ensuite en troisième débat, ce qui fait que l'ensemble de l'hémicycle le connaissait - on en avait quand même débattu durant quarante minutes... Je me demande si les compétences cognitives de certains députés sont suffisantes pour siéger dans ce Grand Conseil, franchement ! Ou alors si, à dix heures et demie du soir, le taux d'alcoolémie - en tout cas le taux maximal inscrit dans la loi pour conduire un véhicule - n'était pas dépassé chez certains députés !

D'autre part, j'entends parler de mauvaise foi. Mais quand on voit le comportement de certains députés le 10 octobre, quand on voit l'argent du contribuable jeté par les fenêtres, quand on voit le non-respect de la démocratie dans notre canton... De tels propos sont purement scandaleux alors que c'est ce même parti qui se moque des citoyennes et des citoyens à longueur de temps, en les insultant véritablement, en se moquant d'eux... (Protestations.) ...et en prétendant... (Remarque.) Est-ce que le verbe «insulter» vous a insulté ? Je ne crois pas...

Le président. Poursuivez.

M. Romain de Sainte Marie. ...mais vous expliquerez, Monsieur le président. En effet, ce parti gaspille l'argent du contribuable. (Commentaires.) Je ne précise pas quel parti: tout le monde sait duquel je veux parler. Les séances du Grand Conseil sont extrêmement longues et nous n'avançons pas: nous avons encore 170 points à l'ordre du jour. Ce projet de loi ne vise finalement qu'une seule chose: rallonger encore les débats. Mesdames et Messieurs les députés, si vous ne comprenez pas sur quel amendement nous débattons, il suffit d'être davantage concentrés. (Protestations.)

Une voix. La bonne blague !

Le président. S'il vous plaît, Monsieur Baertschi ! Monsieur Sormanni également !

M. Romain de Sainte Marie. Je crois que les députés MCG ont une notion de la concentration digne de celle qu'on connaît pour les supporters d'un stade de foot...

Le président. Si vous pouviez revenir sur le sujet, Monsieur...

M. Romain de Sainte Marie. ...mais pas digne d'un parlement, puisqu'on ne hue pas les députés dans un parlement.

Le président. S'il vous plaît. Monsieur Baertschi ! Monsieur de Sainte Marie, revenez sur le projet de loi.

M. Romain de Sainte Marie. Sur le projet de loi, comme je le disais, nous avons encore 170 points à cet ordre du jour. (Vives protestations.)

Le président. Monsieur Medeiros et Monsieur Sormanni !

Une voix. Encore ?

Le président. Oui, encore ! Poursuivez, Monsieur le député.

M. Romain de Sainte Marie. Merci, Monsieur le président. J'étais interpellé par un habitant d'une commune en fin de semaine passée, qui souhaitait me rencontrer pour évoquer le point 155 à l'ordre du jour de la séance du jeudi 16 avril. Ce pauvre citoyen pensait que nous allions aborder ce point aujourd'hui et il était quelque peu stressé par l'urgence.

Le président. Il vous reste vingt secondes.

M. Romain de Sainte Marie. Eh bien malheureusement, je n'ai pu que le rassurer en lui disant que l'on pourrait se voir en septembre ou peut-être d'ici à la fin de l'année pour aborder ce point 155, car rien ne pressait. Pour terminer, je suis heureux que M. Barrillier, notamment, l'ait évoqué...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Romain de Sainte Marie. ...et M. Droin l'a mentionné dans sa lettre de démission: des progrès techniques seraient en effet nécessaires dans cette salle pour pouvoir améliorer la qualité de nos travaux, et j'espère que nous pourrons voter le crédit de la rénovation de cette salle du Grand Conseil qui en a réellement besoin. (Quelques applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, certes, nous sommes dans un sujet chaud et vif. Nous avions bien commencé mais nous sommes en train de mal terminer puisque nous en venons à la vindicte, à l'opprobre, voire à l'altercation entre partis. Mesdames et Messieurs les députés, oui, nous avons un ordre du jour long; c'est une des particularités de notre système législatif à Genève, et c'est heureux: oui, il est nécessaire que nous discutions. Certains prétendent que nous palabrons, mais je pense que la discussion est nécessaire. Et oui, Mesdames et Messieurs, si nous ne voulons pas faire comme au poker où l'on paie sans voir... Au parlement, on vote sans voir. Or, on a le droit de bien voir ! Et, Monsieur de Sainte Marie, il s'agit bien, quand on parle d'un amendement comme celui-ci, quand nous sommes, peut-être pas dans une situation de crise, mais dans un moment tendu, d'une discussion où beaucoup de gens ne savent plus très bien ce qui se passe. En dehors de cela, je pense que si nous faisions simplement cette lecture ou cette projection d'amendement... Raison pour laquelle - même si c'est trop tôt - je pense qu'un renvoi en commission de ce projet de loi serait nécessaire, vu ce que nous avons vu et ce que nous devons faire sur ce projet de loi, ou on le refuse, ou sur un amendement... Mesdames et Messieurs les députés, soyons conscients quand même que par respect pour nos citoyens, nous devons aussi pouvoir savoir sur quoi nous votons. Nous sommes cent, quand une proposition est faite, les discussions sont vite animées. Autrement, je serais prêt à en suivre quelques-uns: supprimons le parlement et laissons le Conseil d'Etat tout faire ! Le groupe UDC vous enjoint d'entrer en matière sur ce projet de loi et nous demanderons un renvoi en commission.

Le président. Je n'ai pas bien saisi si vous demandez le renvoi en commission tout de suite ou si vous le demanderez plus tard.

M. Patrick Lussi. Je pensais qu'on ne pouvait pas le renvoyer en commission tant que l'entrée en matière n'était pas acceptée.

Le président. Donc vous le redemanderez plus tard ?

M. Patrick Lussi. Mais si je peux, je le demande maintenant !

Le président. Vous pouvez le demander quand vous voulez: c'est un projet de loi, Monsieur Lussi.

M. Patrick Lussi. Alors je demande le renvoi en commission et je pense que la commission des droits politiques serait parfaite.

Le président. Très bien. Seuls les rapporteurs et le Conseil d'Etat peuvent s'exprimer sur le renvoi en commission. Monsieur Alder, vous avez la parole.

M. Murat Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je crois que cette demande de renvoi en commission est totalement déplacée. Le sujet a été traité de manière très sérieuse. Il s'agit d'une question extrêmement simple et je regrette que les débats aient pris une tournure un peu agressive des deux côtés de l'hémicycle. La seule question à laquelle nous devons répondre aujourd'hui, c'est celle de savoir si nous voulons oui ou non lire systématiquement chaque amendement avant qu'il ne soit voté. A mon avis, on n'a pas besoin de renvoyer ce projet en commission pour répondre à cette question.

M. Thierry Cerutti (MCG), rapporteur de minorité. Je rejoins les propos de mon collègue rapporteur de majorité, non pas sur sa conclusion quant au renvoi, mais sur la teneur du débat: chacun devrait balayer devant sa porte parce qu'il y a des croix à porter dans chaque groupe. C'est inacceptable de la part du parti socialiste de nous traîner dans la boue comme il vient de le faire.

Indépendamment de ça, nous soutiendrons le renvoi en commission, car bien que nous ayons été extrêmement sérieux et consciencieux dans le traitement de ce projet de loi, nous aurions pu faire un travail aussi au sein de la commission, et amender ce projet de loi... (Remarque.) ...de telle manière que nous puissions provoquer, ou plutôt apporter une possibilité de solution par ce projet de loi et donner des outils au Conseil d'Etat pour nous octroyer le crédit nécessaire à l'amélioration de notre système informatique, aujourd'hui obsolète. On l'a dit...

Le président. Sur le renvoi en commission uniquement, Monsieur Cerutti.

M. Thierry Cerutti. ...M. Romain de Sainte Marie, du parti socialiste, l'a dit, tout comme M. le rapporteur de majorité: il y a des choses à faire. Je vous invite donc à renvoyer ce projet de loi afin que nous puissions l'amender.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur. Je vais donc vous faire voter sur le renvoi en commission de ce projet de loi.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11558 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 62 non contre 28 oui.

Le président. Je salue à la tribune un groupe de l'Université ouvrière de Genève accompagné de M. Claude Gerber, responsable de formation, qui vient nous rendre visite dans le cadre d'un cours sur le système politique. (Applaudissements.) Je passe la parole à Mme Frédérique Perler.

Mme Frédérique Perler (Ve). Merci, Monsieur le président. J'écoute avec attention les différentes interventions dans ce débat sur une chose toute simple, au fond. M. Cerutti a très bien su le dire dans son rapport de minorité, et je le remercie à cet égard d'avoir su rester calme, contrairement à certains membres de son groupe. Le projet de loi porte en effet sur une chose extrêmement simple: la lecture d'un amendement en plénière. Beaucoup se sont exprimés sur cette question. Le groupe des Verts, comme la plupart des autres groupes, va refuser ce projet de loi. S'agissant des discussions sur l'amélioration technique et la rénovation de la salle du Grand Conseil... (Remarque.) ...c'est bien gentil, si je puis m'exprimer ainsi, Monsieur le président, de refiler la patate chaude au Bureau pour qu'il étudie et fasse une proposition afin d'améliorer la situation - on peut toujours améliorer la situation, mais nous n'avons peut-être pas besoin de passer par un projet de loi.

J'aimerais faire une remarque, si vous le permettez, Monsieur le président, par rapport à ce qu'a dit M. Pistis. Lors de cette plénière du mois d'octobre, les Verts savaient parfaitement bien ce qu'ils faisaient: à l'instar d'autres groupes, et comme l'a relevé M. Vincent Maitre, il suffit de lire ce qui arrive sur nos tables. Il n'est pas certain que le fait de projeter les amendements sur les écrans ait pour résultat qu'ils soient lus. Je regrette encore que dans son rapport de minorité - plutôt mal parti, par rapport aux remarques qui ont été faites, mais elles appartiennent au rapporteur de minorité, n'est-ce pas ? - il parle d'un amendement qu'il aurait pu déposer. Cela aurait été souhaitable ! S'il l'avait déposé aujourd'hui, peut-être que nous l'aurions lu et nous aurions peut-être pu nous positionner aussi ! Mais je crois que l'objet de ce projet de loi, c'est la lecture de l'amendement, et les Verts le refuseront - vous pouvez, les signataires de ce projet de loi, en déposer un autre avec l'amendement suggéré. En conclusion, nous le refuserons.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Michel Amaudruz, à qui il reste une minute dix.

M. Michel Amaudruz (UDC). Merci, Monsieur le président. En effet, à un moment donné, ça a un peu dérapé. Je ne pense pas qu'il faille se prononcer sur ce projet de loi en souvenir et en commémoration de l'événement du 6 octobre. Le 6 octobre est une date historique, vraiment historique, mais elle ne concerne pas ce qui s'est passé dans ce parlement: c'est le jour où le président Sadate a été assassiné lors d'un défilé militaire. Je crois que le rapporteur de majorité a fort bien brossé le tableau en sous-entendant qu'après tout, les députés élus par le peuple et qui ont sa confiance...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Michel Amaudruz. ...devraient être attentifs. Bon, comme il me reste trente secondes: cela étant, reste que des erreurs se produisent. C'est tellement vrai que le groupe libéral, il y a un mois - je crois - lors de la dernière session, lors d'un vote où il fallait voter oui si on refusait et voter non si on acceptait, s'était mélangé les pinceaux et la décision avait été prise à une voix de majorité. Alors on peut se poser la question de savoir si lorsqu'il y a risque d'erreur...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Michel Amaudruz. ...il ne faut pas un correctif. A cet égard, je pense que ce projet de loi est une protestation...

Le président. C'est terminé.

M. Michel Amaudruz. ...qui mérite considération. Je m'excuse, Monsieur le président, je me tais !

Le président. Merci, Monsieur le député. Personne ne souhaitant plus s'exprimer et le temps de parole pour le premier débat étant écoulé, je vous fais voter sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11558 est rejeté en premier débat par 54 non contre 26 oui et 1 abstention.