République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 11221-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi de MM. Roger Golay, Pascal Spuhler, Jean-Marie Voumard, Olivier Sauty, Florian Gander, Thierry Cerutti, Mauro Poggia, André Python modifiant la loi sur la procédure fiscale (LPFisc) (D 3 17)
Ce texte figure dans le «Recueil des objets déposés et non traités durant la 57e législature».
Rapport de majorité de M. Jacques Jeannerat (PLR)
Rapport de minorité de M. Pascal Spuhler (MCG)

Premier débat

Le président. Nous passons au PL 11221-A. Le rapporteur de majorité, M. Jacques Jeannerat, est remplacé par M. Benoît Genecand, à qui je donne la parole.

M. Benoît Genecand (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi vise la simplification des procédures en matière fiscale. Les auteurs estiment que le nombre de 48 documents à remettre avec sa déclaration d'impôts est trop élevé et veulent - je cite le rapport - «faciliter la vie du contribuable». Ce projet de loi a fait l'objet d'une séance de la commission, le 3 septembre 2013, durant laquelle se sont exprimées des personnes du département, notamment M. Hodel. Je vais vous résumer ici sa prise de position.

D'abord, il n'a jamais été question de 48 documents, ceci dans aucune déclaration fiscale. Ce chiffre énoncé par les signataires n'est pas reconnu par le département. Il nous dit ensuite - c'est son deuxième argument - que la vérification à Genève n'est pas un passe-temps pour occuper des fonctionnaires, mais que c'est une activité extrêmement rentable puisque chaque année, suite aux vérifications, un peu plus de 600 millions de francs rentrent dans les caisses - on parle même maintenant de 800 millions. Troisièmement, M. Hodel est revenu sur l'un des documents nécessaires dans la transmission, à savoir le certificat de salaire. Il estime que si on ne le demande pas immédiatement, il faudra le faire après coup pratiquement pour la totalité des contribuables; ne pas remettre immédiatement ce document serait donc davantage une perte qu'un gain de temps pour le contribuable. Enfin, il souligne que Genève, dans ses procédures, respecte tout à fait le droit fédéral, avec une mention particulière pour les indépendants de qui l'administration exige des pièces supplémentaires pour que leur situation puisse être évaluée. M. Hodel, qui avait été un peu troublé par certaines affirmations des auteurs du projet de loi, notamment sur l'attitude des fonctionnaires ou leur côté tatillon - dans le cadre de la discussion, les auteurs sont un peu revenus sur leur jugement à l'emporte-pièce - a tenu à parler de la réforme de l'administration, entre autres sur l'aspect informatique qui a été profondément modifié à l'AFC; il a aussi tenu à souligner - je crois que tout le monde l'a reconnu, c'était d'ailleurs peut-être l'un des mérites de ce débat - la qualité du travail réalisé par l'administration dans le domaine de la collecte des impôts, qualité que tous reconnaissent.

Voilà l'état de la situation à la suite du débat en commission. Une dernière remarque peut-être sur l'intervention de M. David Hiler - je crois qu'il s'agit là d'un enseignement que nous, députés, pouvons peut-être retenir: M. Hiler se demandait s'il était finalement bien intelligent pour des parlementaires de faire du micro-management et de s'occuper des procédures et processus à l'intérieur des services. Ce serait peut-être une partie de notre responsabilité que de ne pas compliquer plus que nécessaire la marche de l'Etat. Si c'est pour se plaindre ensuite qu'il est soit trop lent soit trop cher...

Le président. Il vous reste vingt secondes.

M. Benoît Genecand. ...c'est évidemment un peu contre-productif. La majorité vous propose, Mesdames et Messieurs, de refuser ce projet de loi.

M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, il ne s'agit pas ici de micro-management mais tout simplement d'efficacité. Aujourd'hui, ce ne sont en effet pas forcément 48 documents que les contribuables renvoient dans chaque enveloppe fiscale, mais ça peut aller jusqu'à 48 documents pour certains, ce qui est tout simplement incroyable sachant qu'un fonctionnaire va ensuite scanner tous ces documents, les enregistrer, les vérifier, les contrôler pour finalement en redemander peut-être d'autres complémentaires au contribuable. Oui, le fonctionnaire est là pour contrôler les déclarations fiscales et vérifier que le contribuable a bien fait son travail de déclaration, mais il n'est pas là pour l'embêter. Ce n'est pas la population qui est au service de l'administration, mais bien le contraire, et c'est là tout le problème.

Mesdames et Messieurs, notre projet de loi se voulait simple, tellement simple que le canton de Vaud l'a adopté et ne demande plus de documents complémentaires. Vous pouvez faire la demande en ligne, point barre. Après, probablement pour des contrôles par rapport à certains paramètres, l'administration peut exiger des pièces spécifiques à tel ou tel contribuable. A Genève, nous sommes loin d'être efficaces dans la gestion administrative. Je prendrai l'exemple d'une publication de la Chambre de commerce, d'industrie et des services du mois de mai 2013, où l'administration fiscale cantonale, sous la loupe, reste mal notée. Vous l'avez tous reçue, vous l'avez peut-être lue: on constate que l'administration s'embourbe dans des paperasseries et est assez compliquée. Quand un contribuable standard veut une information, c'est parfois très compliqué pour l'obtenir. Mesdames et Messieurs, si le fisc a amélioré son système et son service pour l'informatique par exemple, il y a encore beaucoup de choses à changer, il y a encore un grand pas à faire pour faciliter la vie des contribuables, et c'est simplement ce que demande ce projet de loi. C'est ce que demande ce projet de loi: une facilité pour le contribuable.

Monsieur le président, je demande le renvoi de ce projet de loi en commission pour qu'on puisse réellement en discuter, parce qu'entre le moment de la non-entrée en matière - le sujet a à peine été abordé par les commissaires - et aujourd'hui, les choses ont changé, la situation a changé, le conseiller d'Etat a changé. A ce propos, je rappellerai juste que le magistrat d'alors, M. David Hiler, avait reconnu du bout des lèvres qu'on pouvait améliorer la situation. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, je sollicite le renvoi de ce projet de loi à la commission fiscale.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. S'agissant de la demande de renvoi, ne peuvent s'exprimer que les rapporteurs et le Conseil d'Etat. Monsieur Genecand ?

M. Benoît Genecand (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Oui, Monsieur le président, je ne suis pas certain qu'un renvoi en commission changera les choses. Pour avoir moi-même lu le rapport sans avoir participé au débat, je le trouve bien fait, complet. Manifestement, les personnes interrogées - principalement M. Hodel - ont fait une analyse très précise des griefs qui leur étaient adressés. Il y a d'ailleurs aussi une réponse à la question de la comparaison avec le canton de Vaud, mais je n'y viens pas maintenant. Il me semble que nous devons discuter et voter ce projet de loi ce soir. On ne peut pas d'un côté regretter que l'administration ne soit pas productive et nous-mêmes, dans le même temps, renvoyer en permanence des projets de lois aboutis en commission.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux qu'abonder dans le sens du rapporteur de majorité. Si vous renvoyez cet objet en commission, ce ne sera jamais que le sixième projet de loi de suite - me semble-t-il - concernant le département que vous renverrez en commission ! Il me faudrait quand même pouvoir vous expliquer un certain nombre d'éléments sur ces projets de lois. M. le rapporteur de minorité a évoqué le fait qu'un nouveau conseiller d'Etat pouvait avoir une opinion différente sur cette question; non, Monsieur Spuhler, je ne veux pas vous décevoir mais je pense qu'on peut très bien avancer ainsi. M. Genecand a souligné le fait que M. Hodel, le directeur général de l'administration fiscale cantonale, avait apporté tous les éléments; je suis prêt à vous en apporter davantage encore dans le cadre de cette discussion mais, je vous en prie, débattez de cette affaire sur le siège et traitez-la ce soir.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant voter sur cette demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11221 à la commission fiscale est rejeté par 67 non contre 19 oui et 1 abstention.

Le président. Nous poursuivons le débat, et je passe la parole à M. le député Christo Ivanov.

M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le projet de loi 11221 vise à modifier la loi sur la procédure fiscale. Dans sa nouvelle teneur, l'article 29 relatif aux annexes propose que les personnes physiques n'aient pas l'obligation de joindre des documents justificatifs à leur déclaration d'impôts, avec quelques exceptions comme le revenu provenant d'une activité indépendante. Il s'agit donc d'alourdir le travail des fonctionnaires de l'AFC et de complexifier les procédures en matière de contrôle au lieu de les simplifier. Ce projet de loi affaiblit la marge d'appréciation du taxateur, notamment en matière de demande de renseignements. Il ne faut pas donner la possibilité à de nombreux contribuables de ne pas répondre dans les délais de sorte que l'AFC soit finalement obligée d'envoyer des lettres recommandées et de terminer avec des taxations d'office. L'UDC s'était abstenue en commission. Afin de ne pas compliquer davantage le travail de l'AFC et de ses taxateurs, le groupe UDC vous demande de refuser l'entrée en matière. Je vous remercie.

Mme Magali Orsini (EAG). Ensemble à Gauche ne suivra pas ce projet de loi. Pour ma part, je voudrais intervenir en tant que personne qui pratique les déclarations d'impôts professionnellement. Je trouve qu'on nous demande relativement peu de choses. Ce qui est agaçant, ce sont plutôt des renseignements complémentaires demandés quand les informations apparaissent déjà dans les pièces jointes. Je vous signale qu'actuellement, l'administration ne demande même plus le détail des frais médicaux ! Les personnes physiques doivent fournir au minimum un certificat de salaire et des extraits de comptes bancaires au 31 décembre. Je vous indique aussi à ce sujet que la fraude fiscale suisse est beaucoup plus importante qu'on ne le croit. Il ne faut donc pas tenter le diable en octroyant une confiance que les gens ne méritent pas forcément. Le petit minimum qu'on nous demande actuellement est tout à fait valable. En ce qui concerne les personnes morales, c'est la même chose: on fournit les états financiers et on n'est même pas obligé de fournir la comptabilité détaillée, on ne le fait que sur demande complémentaire. A priori, je ne vois pas pourquoi on n'en resterait pas au système actuel, qui me paraît relativement satisfaisant.

Mme Sandra Golay (MCG). Ce projet de loi présenté par le groupe MCG a malheureusement été refusé en commission par une majorité de commissaires bien que, selon moi, il soit d'une grande actualité. L'administration fiscale scanne toutes les annexes de la déclaration d'impôts et, malgré cela, on a, notamment dans les fiduciaires, de nombreuses demandes de renseignements parce que la déclaration n'est pas traitée dans sa globalité. Il est habituel que le service des titres par exemple demande aux contribuables de justifier leurs variations de fortune, que ce soient des diminutions ou des augmentations, et ceci bien que les justificatifs - tels qu'attestations, certificats de rachat de LPP, contrats d'achats immobiliers, informations sur les héritages ou encaissements des assurances-vie - aient été fournis et scannés. Certes, ce projet de loi aurait éventuellement pu être accompagné d'un durcissement des pénalités en cas de fraude de la part du contribuable et d'une proposition de renforcement du chapitre 3 du titre III de la deuxième partie de la loi, au sujet de la collaboration avec des tiers.

Etant donné que passablement de partis ont, par le passé, axé leur campagne sur une opposition à la bureaucratie croissante, je regrette quelque peu leur vote en commission. Qu'on vote ce projet de loi ou non, je souhaite attirer l'attention du conseiller d'Etat sur le fait que le système informatique pourrait être doté d'alertes automatiques plus pertinentes pour les demandes de renseignements, afin qu'elles soient plus significatives. Le fait de ne pas avoir toute cette paperasse pourrait accélérer les taxations et ainsi faire récolter plus rapidement les soldes d'impôts dus, ce qui améliorerait au passage les liquidités de l'Etat. Cela pourrait également faire économiser du temps aux fonctionnaires de l'AFC et leur donner la possibilité de faire valoir au mieux leurs compétences, améliorer la collaboration entre les services de l'AFC et avec les tiers de même que renforcer le service de contrôle. Pour finir, je pense au gaspillage énorme de papier, qui n'est pas très respectueux de l'environnement. On pourrait aussi faire des progrès là-dessus. Merci, Monsieur le président.

Une voix. Bravo, Sandra !

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le but poursuivi, ou en tout cas déclaré, par les auteurs de ce projet de loi est certainement louable: faciliter la vie du contribuable. C'est bien ! Mais, en l'occurrence, cela reviendrait à faciliter la vie du contribuable en empêchant l'administration fiscale de faire son travail. En commission, il nous a été démontré par M. Hodel que ces documents permettent déjà simplement de corriger des erreurs de plume, ou plutôt de clavier. Si, pour l'administration fiscale, ne pas solliciter les annexes dans un premier temps revient à devoir les demander quasi systématiquement dans un second temps, c'est clairement perdre en efficience et augmenter les coûts. Si on veut se faciliter la vie et éviter à l'AFC de devoir, comme l'a dit le rapporteur de minorité, scanner les documents envoyés, il suffirait déjà - et ça contribuerait d'ailleurs à ce qu'a dit Mme Golay concernant la protection de l'environnement et les tonnes de papier utilisé - de remplir sa déclaration d'impôts sur internet: il n'y a pas de papier, le taxateur n'a pas besoin de scanner de pièces, c'est un clair avantage. Si ce projet de loi part d'une bonne intention, il rate en revanche clairement sa cible. Le parti démocrate-chrétien refusera l'entrée en matière et vous encourage à en faire de même.

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je suis un peu surpris de constater que le MCG, qui traite habituellement les socialistes de gentils Bisounours, devient à son tour le gentil Bisounours de ce parlement ! (Exclamations.) Dans le meilleur des mondes, on pourrait en effet imaginer n'apporter aucun justificatif à sa déclaration d'impôts, et tous les honnêtes citoyennes et citoyens de ce canton rempliraient leur déclaration d'impôts de la façon la plus irréprochable qui soit. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas. Si le MCG et d'autres dans cette salle veulent installer des caméras de surveillance absolument partout pour contrôler les habitants de notre canton, en matière fiscale en revanche, la surveillance est moins importante. Evidemment, nos citoyennes et citoyens sont beaucoup plus honnêtes avec le fisc que dans la rue, où il faut placer des caméras de surveillance ! Je suis donc un peu étonné par ce côté Bisounours du MCG.

J'entends dire qu'il faut faciliter la vie du contribuable. Or, dans le cas présent, c'est bien ce que fait l'administration fiscale. Il y a deux types d'erreurs dans une déclaration: l'erreur volontaire et l'erreur involontaire. Si elle est involontaire, l'administration fiscale peut, grâce au procédé actuel, examiner la déclaration, déterminer à l'aide des justificatifs quelles sont les erreurs et la renvoyer corrigée. Dans le cas des erreurs volontaires, il y a une nécessité de contrôle. Un autre élément se révèle non négligeable: le travail des taxateurs rapporte 600 millions de francs chaque année à l'Etat de Genève ! Il a été démontré en commission que ce projet de loi lui ferait perdre plusieurs dizaines de millions sous prétexte de prétendues mesures de facilitation de la vie des contribuables. En réalité, ces mêmes contribuables verraient leur argent investi perdu par des coupes dans les prestations publiques - mais vous savez cela, je ne vais pas recommencer ce discours.

La comparaison a été faite avec le canton de Vaud, c'est intéressant. Or le modèle vaudois est un modèle de sanction, c'est-à-dire que si l'administration se rend compte d'une erreur, elle va sanctionner le contribuable directement, alors que l'administration genevoise est un modèle de contrôle, c'est-à-dire qu'elle va contrôler et pouvoir rectifier la déclaration puis sanctionner après coup si les rectifications n'ont pas été faites. Le modèle genevois actuel sert donc déjà à faciliter la vie des contribuables.

Enfin, il est vrai que dans le meilleur des mondes que souhaite bien évidemment le MCG, il serait fantastique de n'apporter aucun document justificatif. Imaginez votre déclaration d'impôts tenant sur une page A4 recto, Mesdames et Messieurs ! Pourtant, je le rappelle, cette déclaration d'impôts existe à Genève et porte le nom de forfait fiscal: une déclaration d'impôts qui ne nécessite aucune pièce justificative mais simplement quelques négociations. Et elle tient, Mesdames et Messieurs, sur une page A4, une seule page !

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la première chose que je voudrais souligner, c'est que le groupe des Verts avait été particulièrement frappé par le ton utilisé dans l'exposé des motifs de ce projet de loi. Pour un parti qui se déclare respectueux des employés de l'Etat et de la fonction publique, on sent derrière ces écrits la patte d'une personne revancharde, agressive et amère. D'ailleurs, nous avions déjà signalé cela à l'époque, et M. Golay avait regretté ne pas avoir relu plus attentivement l'exposé des motifs.

Ensuite, sur l'idée même de ne plus avoir à exiger de justificatifs de la part des personnes lors de l'envoi de leur déclaration d'impôts, l'audition - je pense que la commission a travaillé sérieusement et qu'il n'est pas nécessaire d'en faire davantage - avait clairement démontré que l'argumentation sur laquelle se basait ce projet de loi était lacunaire et pour le moins dépassée. En effet, plus personne ne doit envoyer 48 annexes à sa déclaration d'impôts aujourd'hui.

Enfin, comme vient de le souligner M. de Sainte Marie, le travail des taxateurs est efficace, il se base sur ces documents et permet d'amener à l'Etat 600 millions de francs supplémentaires par année. Si vous demandez maintenant aux contribuables de ne plus envoyer leurs justificatifs, vous devez le faire ensuite par courrier, et puis les personnes ne répondent pas tout de suite, il faut faire un second courrier, etc. Ce sont là plusieurs dizaines de millions de francs que l'Etat va perdre. Il s'agit donc d'un projet de loi qui rate malheureusement sa cible et est peu efficace. C'est la raison pour laquelle les Verts n'entreront pas en matière. Je vous remercie, Monsieur le président.

Mme Danièle Magnin (MCG). Je voudrais attirer votre attention sur le fait que bon nombre de contribuables dans notre république sont des personnes salariées avec un emploi stable qui, chaque année, présentent à peu près les mêmes certificats de salaire, les mêmes factures d'assurance-maladie et qui, pour la plupart, n'ont pas de fortune sous gestion requérant x pages de renseignements supplémentaires. J'aimerais dire aussi que j'ai assisté, parmi ma clientèle voire parmi mes amis, à des situations qui les avaient bouleversés, comme une très vieille dame de presque 90 ans qui avait fait des pertes assez importantes en bourse au moment où celle-ci s'est écroulée et ne comprenait pas que l'administration fiscale vienne lui réclamer des justificatifs pour la diminution de sa fortune. Mesdames et Messieurs, le but de ce projet de loi est de faciliter le travail de l'administration pour tous les cas simples. Après, on peut imaginer des contrôles de temps à autre...

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Danièle Magnin. ...mais, pour la plupart des gens, ce n'est pas nécessaire. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Madame la députée. Je cède à présent la parole à M. le député Carlos Medeiros pour vingt-cinq secondes.

M. Carlos Medeiros (MCG). Merci, Monsieur le président. Ce sera très bref. Vous transmettrez simplement ceci à M. de Sainte Marie: soit il est un Gnougnou - je dis ça en toute amitié - soit il est en train de faire une comparaison qui n'a pas lieu d'être. Cher ami, quand nous parlons de sécurité dans les rues, c'est peut-être votre maman - la mienne ou celle d'autres personnes - qui est en première ligne. Ici, que demande simplement le MCG ? Une simplification des procédures, tout en précisant que les pièces comptables doivent être gardées pendant dix ans. Vous comparez ce qui n'est pas comparable...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Carlos Medeiros. ...et vous êtes en train de dire n'importe quoi, Monsieur !

M. Pascal Spuhler (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons compris qu'une majorité s'est déclarée pour ne pas entrer en matière, et c'est dommage. C'est dommage parce que le Bisounours que je suis, selon le rapporteur de minorité, vous dit ici: non, le contribuable n'est pas un tricheur ! Ce serait une grave erreur, Monsieur de Sainte Marie, que de prendre tous les contribuables...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Pascal Spuhler. ...pour des tricheurs. Vous comparez la population à des gens qui bénéficient de forfaits fiscaux, de surcroît en amenant de fausses informations quand vous dites qu'il n'y a qu'un seul papier à fournir pour les forfaits fiscaux. Vos arguments ne tiennent pas la route, vous prenez les gens pour des tricheurs, et c'est simplement lamentable. Ce que vous aimeriez, c'est prendre...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Pascal Spuhler. ...l'entier des salaires et saupoudrer de quelques petits sous... (Commentaires.) Monsieur le président, j'aimerais finir !

Le président. S'il vous plaît ! Il vous faut conclure, Monsieur.

M. Pascal Spuhler. Quelques petites secondes pour pouvoir terminer, Monsieur le président ! Vous aimeriez prendre l'entier des salaires... (Remarque.)

Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît !

M. Pascal Spuhler. Je finis, Monsieur le président !

Le président. Concluez !

M. Pascal Spuhler. Vous aimeriez prendre l'entier des salaires aux contribuables et les saupoudrer de quelques deniers comme argent de poche, et c'est simplement lamentable. Ici, nous sommes pour la liberté, et pour la liberté d'entreprise !

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce débat est l'occasion pour moi de rappeler un certain nombre de choses, notamment sur la qualité du travail qui se pratique au département des finances en général et à l'administration fiscale cantonale en particulier. Il est vrai que j'ai été particulièrement surpris, pour manier l'euphémisme, par certains propos et termes utilisés dans l'exposé des motifs, et je suis ravi d'apprendre que les personnes qui l'ont rédigé se sont quelque peu ravisées en commission. Mesdames et Messieurs, cette administration que d'aucuns pensent rigide, sans âme et formaliste est en réalité extrêmement performante. J'ai eu l'occasion de m'en rendre compte personnellement en allant voir comment cela se passe: c'est très intéressant. Il s'agit d'un processus extrêmement complexe, significatif et important qui est accompli avec beaucoup de compréhension et de sensibilité, quand bien même il s'agit souvent d'un processus très industriel. Loin de considérer le contribuable comme quelqu'un qu'il s'agit de presser, l'administration fait en sorte que nos lois soient appliquées justement, avec la pondération et la sensibilité voulues.

La problématique des contentieux a été évoquée. Il est vrai qu'il y a des contentieux; ma foi, lorsqu'on s'estime injustement taxé ou de manière erronée, on va régler la question devant les tribunaux. Je voulais juste signaler qu'entre 2009 et 2012, les contentieux ont diminué de 27%, au point que le Pouvoir judiciaire nous a demandé d'envisager de réduire le nombre de juges spécialisés en affaires fiscales parce qu'il y en a apparemment trop par rapport au nombre de contentieux. Pour le reste - cela a été relevé par ceux qui s'expriment en faveur d'une non-entrée en matière sur ce projet de loi - si nous ne demandions pas ces pièces complémentaires... Au demeurant, elles ne génèrent pas de papier supplémentaire puisqu'elles existent déjà et sont simplement transmises du contribuable à l'administration qui les scanne. (Commentaires.) Cela ne pose aucun problème, on ne crée pas de papier supplémentaire, tout cela est parfaitement digitalisé. Ce que je peux en revanche vous dire, c'est que le simple examen de ces documents conduit à des correctifs à hauteur de 600 millions ! Je tiens également à préciser - c'est peut-être là une caractéristique spécifique du fisc genevois - que ces corrections se font aussi en faveur du contribuable; j'ai moi-même pu le constater - avant d'être en fonction, je le précise.

Mesdames et Messieurs, je conclurai en vous disant qu'il y a encore certainement des améliorations à apporter, notamment par rapport à ce que l'un ou l'autre des députés a relevé quant aux demandes de renseignements complémentaires. En effet, il peut parfois s'avérer énervant - je le conçois - qu'un service, par exemple celui des titres, demande des justificatifs ou des précisions et qu'ensuite un second service, par exemple celui de l'immobilier, en requière à son tour. Nous sommes en train de travailler à unifier ce genre de procédures, précisément afin que le travail demandé et la relation avec le contribuable soient encore davantage empreints de sérénité. Nous pouvons - et devons ! - travailler dans ce sens-là. Mais suivre ce projet de loi serait franchement une très mauvaise idée. Cela compliquerait encore bien davantage le travail de l'administration, contrairement à ce que prétendent ou ce que pensent viser ses auteurs. Je vous invite, Mesdames et Messieurs, à l'instar de la majorité, à ne pas entrer en matière sur ce projet.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. C'est le moment de voter.

Mis aux voix, le projet de loi 11221 est rejeté en premier débat par 71 non contre 21 oui.