République et canton de Genève

Grand Conseil

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RD 1045
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil : Programme de législature 2014-2018 du Conseil d'Etat de la République et canton de Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 26, 27 juin, 28 août et 9 septembre 2014.
R 767
Proposition de résolution du Conseil d'Etat approuvant le programme de législature 2014-2018
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 26, 27 juin, 28 août et 9 septembre 2014.

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous poursuivons notre ordre du jour avec les urgences non traitées les 26 et 27 juin. Nous sommes en catégorie II, soixante minutes. Je passe la parole à M. le député Roger Deneys.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ont évidemment pris connaissance de ce programme de législature 2014-2018 avec attention et sérieux, mais, ma foi, ils ont été extrêmement déçus de son contenu et ne sont même pas prêts à envisager son renvoi en commission pour une étude plus approfondie. Les défauts de ce document sont tels que nous souhaitons le refuser, le renvoyer à son expéditeur pour qu'il nous présente une version plus réaliste de la législature qui va suivre. (Brouhaha.)

Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat prétend annoncer la couleur et déterminer les priorités; il s'exprime à plusieurs reprises sur l'évolution de la dette publique qui, certes, est inquiétante, mais dont il ignore la principale cause, à savoir la baisse d'impôts de 2009 qu'il a lui-même soutenue, et qui coûte 400 millions de francs par année à notre canton. (Commentaires.) Dans le même temps, ce Conseil d'Etat nous parle de l'imposition des entreprises au taux unique de 13%, sans évoquer de variante - parce qu'on peut aussi imaginer que si le taux doit permettre le maintien des entreprises multinationales à Genève et être identique pour les entreprises suisses et étrangères, eh bien l'impact fiscal de cette proposition doit aussi être un paramètre déterminant, et nous ne pouvons pas exclure, aujourd'hui, que ce taux soit situé entre 13 et 15%, voire plus en fonction de l'état des finances publiques. Dans ce sens-là, pour nous, le Conseil d'Etat est simplement en train de mentir aux Genevoises et aux Genevois en ne présentant pas tous les aspects de la réalité; il n'annonce pas la couleur, il n'annonce qu'une partie de la couleur, et nous le regrettons.

Pour le reste, nous ne partageons pas les objectifs du Conseil d'Etat en matière de sécurité, notamment de détention administrative, ni en ce qui concerne la multiplication des prisons pour générer un business de la détention, auquel nous nous opposons. Nous ne comprenons pas comment le Conseil d'Etat prévoit de financer les investissements qu'il évoque, sans compter qu'il fait part de son hypothèse de vendre certains biens qui appartiennent à notre république pour cela ! Pour les socialistes ce n'est pas acceptable, ce n'est pas sérieux, ce n'est pas annoncer la couleur, et en conséquence nous vous demandons de refuser ce programme de législature, le RD 1045, ainsi que la résolution.

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le slogan du programme de législature du Conseil d'Etat est en effet «annoncer la couleur». Pour les Verts - évidemment très sensibles aux questions de teintes ! - la couleur annoncée ici est d'abord le gris; gris comme les murs des prisons que le Conseil d'Etat prévoit de construire dans notre canton au mépris des coûts engendrés, au mépris de l'impact sur la zone agricole et au mépris de certaines valeurs humanistes propres à Genève.

L'autre couleur annoncée, c'est le bleu; le bleu des uniformes policiers. Un ratio est même mentionné dans ce programme, un ratio qui n'a même pas été voté par ce Grand Conseil et qui est fortement contesté par celui-ci.

Une législature, donc, pour servir un seul département, et un programme de législature très marqué par des effets de communication. Le texte annonce avec grandeur que la criminalité baisse à Genève - tant mieux ! - mais se garde bien de nous dire que le sentiment d'insécurité augmente. A croire que les réponses «tout sécuritaire» ne sont pas celles que la population attend de nous.

Ce qui frappe les Verts dans ce programme de législature, c'est également une vision assez passéiste de la société; on engage de nouveaux policiers mais on renonce à un effort sur la formation des jeunes, des adolescents jusqu'à 18 ans, et sur l'accueil parascolaire. C'est un point de vue que nous ne partageons pas et que nous regrettons. Là où il faudrait de la prévention, on nous propose du tout répressif. Triste vision d'un monde que l'on voit sans avenir.

Ces choix ont également comme conséquence de faire exploser les coûts de fonctionnement de l'Etat, et lorsque le Conseil d'Etat annonce qu'il va ainsi maîtriser sa dette, nous ne pouvons le croire. Malheureusement, je pense que l'avenir risque de nous donner raison, ce d'autant plus que, contrairement au Conseil d'Etat précédent, le Conseil d'Etat actuel n'élabore pour ainsi dire aucune piste quant à de nouvelles rentrées fiscales et ne s'attaque pas non plus aux niches - pourtant connues - afin de faire en sorte d'atteindre enfin l'objectif d'équilibre budgétaire et de réduction de la dette. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'en parler un peu plus tard ce matin encore, lorsqu'il s'agira d'effectuer l'estimation fiscale de certains immeubles.

Au chapitre des bonnes nouvelles - parce qu'il y en a quand même une ou deux - les Verts sont heureux de voir qu'il y a une volonté du Conseil d'Etat de renforcer la mixité sociale dans les quartiers, ainsi que la volonté de poursuivre la réalisation d'infrastructures d'importance régionale sur le territoire français. Nous estimons là que ce sont en effet des décisions courageuses. Pourtant, malgré ces points positifs, les Verts refuseront ce programme de législature et vous invitent à en faire autant. Je vous remercie, Monsieur le président.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le parti démocrate-chrétien votera ce programme de législature. Monsieur le président, durant de longues années nous avons eu des programmes de législature qui, avec beaucoup de souffle et beaucoup de panache, nous faisaient de très belles promesses. Or, souvent, le souffle est retombé et le panache n'est pas resté blanc très longtemps. Alors aujourd'hui il y a beaucoup moins de souffle, beaucoup moins de panache, mais il y a ce qui nous semble être du réalisme - parfois douloureux - et une vision souvent pragmatique. Sans aller jusqu'à dire qu'il y aura du sang et des larmes, nous allons quand même être confrontés à des options cruciales, et nous allons soutenir très clairement certaines d'entre elles comme la réforme de l'Etat, la maîtrise et la réduction de la dette et l'autofinancement des investissements notamment.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le soutien du parti démocrate-chrétien au Conseil d'Etat est assuré, parce que nous sommes un parti gouvernemental et responsable, mais il y aura des nuances et des éléments qui ne seront pas négociables. Par exemple, nous défendrons toujours le soutien aux associations, parce que nous ne pourrons pas accepter que des réformes soient faites sur le dos des plus faibles. Nous soutiendrons également toujours les associations qui subsidiairement ont un mandat du gouvernement pour mener des tâches qui sont, au final, indispensables, et qui à terme produisent un réel retour sur investissement. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons de grandes responsabilités, Monsieur le président vous le savez, et nous allons nous atteler, dès maintenant, à soutenir ce Conseil d'Etat même si, comme je vous l'ai dit, pour le parti démocrate-chrétien certaines choses ne seront pas négociables. Je vous remercie !

Une voix. Bravo !

M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord j'aimerais exprimer ma satisfaction quant au programme de législature qui a été présenté il y a quelques mois. Le titre «annoncer la couleur et déterminer des priorités» est modeste et réaliste. Je crois que nous vivons dans une société basée sur le pragmatisme et les actes concrets plutôt que sur l'utopie et le rêve, et je pense que c'est notre fonction de parlementaires d'avoir des axes de travail constructifs avec le gouvernement. Je suis surpris des déclarations des groupes socialiste et Vert, qui sont représentés au Conseil d'Etat et qui refusent ce rapport. Qu'Ensemble à Gauche ou que l'UDC s'y opposent c'est tout à fait normal, car ils ne sont pas intégrés au gouvernement, mais je crois que ce programme est décidé de manière collégiale, et il y a là une belle attaque à la collégialité que je souligne.

Ce programme n'est pas vide de sens, et je peux relever les axes qui ont été présentés. Tout d'abord, on pose le problème de la dette publique, qui est aussi la responsabilité du législatif, parce que la dette publique est créée par des votes du budget et que les mesures qui sont prises dépendent de ce parlement; je pense donc qu'il y a un juste milieu à trouver, et que c'est notre responsabilité de le faire.

Le deuxième axe, c'est la tâche importante de la suppression des doublons entre l'Etat et les communes. C'est annoncé, on en parle beaucoup, ce sera mis en oeuvre avec la nouvelle constitution et sa présidence.

L'élément important - et là j'aimerais qu'on en parle sérieusement - c'est également le soutien à la prospérité du canton. Et ça, c'est le point cardinal de ce programme. Vous dépeignez les éléments négatifs; moi, je vois un grand nombre d'éléments positifs. C'est marqué noir sur blanc: le soutien à la Genève internationale, le fonds de rénovation à la FIPOI, ce sont des responsabilités qui sont partagées par la Confédération et la vision n'est pas seulement basée sur un point de vue genevois. On parle également du soutien aux travaux de l'aéroport, à l'intégration de Genève sur un plan romand, sur un plan lémanique... L'aéroport est un outil de travail qui profite à tout le monde; ce n'est pas normal non plus de s'attaquer à ces infrastructures.

Et puis, un autre point fondamental de ce programme, c'est la réforme de la fiscalité des entreprises. On entend des belles théories sur les entrepreneurs, sur l'emploi, sur l'économie locale... Aujourd'hui, ces 13% doivent être un objectif pour tout le parlement; il en va de la cohésion sociale. Ensuite, ce que nous attendons plus précisément de la part du gouvernement, c'est de nous fournir le nouveau plan décennal des investissements, c'est-à-dire de nous indiquer les priorités pour ces dix ans. Je crois que le PLR souhaite connaître, comme les autres partis, la ligne de conduite à tenir sur les investissements, car on voit qu'une initiative comme la traversée de la rade n'y est absolument pas prévue ! Donc on peut faire toutes les diatribes que vous voulez ici, à un moment donné il faut être cohérent avec les objectifs que nous nous fixons.

Le petit bémol qu'on pourrait relever ce sont les mesures d'économie, qui sont toutefois de notre responsabilité. Ce n'est pas forcément au gouvernement de les amener, il doit proposer des pistes, mais ces pistes d'économie elles seront votées par nous, législatif, car je crois qu'on ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre et la laitière.

Je reviens enfin sur un terme utilisé par le chef de groupe socialiste qui m'a profondément heurté: celui du business de la détention. (Commentaires.) Je crois qu'il y a des choses qui ne peuvent pas se dire dans un parlement; le gouvernement ne fait pas un business de la détention. C'est la réponse politique à ce qu'on attend au niveau de la sécurité, et ce n'est pas un business. Croyez-le, le Conseil d'Etat genevois ne fait pas de l'argent avec des prisons, on n'est pas dans une société privée, et je pense qu'il faudrait élever un petit peu le débat, Monsieur Deneys. J'ai terminé, merci. (Quelques applaudissements.)

Une voix. Bravo, très bien !

Mme Salika Wenger (EAG). Je pense que vous savez tous que le plus ancien métier du monde, c'est sage-femme. Et que toutes les femmes, donc, peuvent reconnaître, je dirais, un mal-être post-natal. C'est précisément l'impression que me fait cette proposition du gouvernement. (Commentaires.) C'est-à-dire qu'après avoir accouché de la dette pendant des années - dette dont ce parlement est d'ailleurs responsable - maintenant on a droit à une espèce de malaise post-partum où on se demande comment on va faire avec ce bébé. Or, pour le moment, votre intention c'est que ce bébé soit financé par tout le monde, comme si tous les citoyens de cette république devaient prendre en charge une dette qui, de fait, n'est pas la leur. Alors j'ai bien entendu que le député... J'ai oublié son nom, bref ! ...nous parlait de réalisme, de pragmatisme. (Remarque.) Moi, j'ai envie de dire que c'est du dogmatisme, tout simplement ! Car vraiment, la fixette de ce parlement, c'est la dette ! Sans oublier que parfois il peut s'agir d'investissements, donc d'actifs, qui seront nécessaires à notre république, qu'il est important, peut-être, d'emprunter pour un certain nombre d'infrastructures qui pourraient aider les fameuses multinationales que vous voulez tous. (Commentaires.) Finalement, ce programme est celui d'un seul groupe politique qui a oublié que, peut-être, les envies, les besoins, les rêves de la population sont d'un autre type. Et je ne suis pas sûre que nous soyons tout à fait d'accord avec ce qui a été présenté qui, j'ai envie de dire, ne mange pas de pain; c'est bien écrit, c'est propre, on peut ne pas être d'accord mais néanmoins se rejoindre sur certains points, il n'empêche que, pour une fois, c'est à la gauche qu'on va le dire: je trouve que ça manque d'autorité... (Commentaires.) ...et que ça manque de prise de décision formelle sur des points qui sont importants ! On nous propose le flou artistique: très, très bien ! Mais je ne suis pas sûre que ce soit un programme. Je dirais que ce sont des propositions, des rêves, des envies, mais ce n'est pas un programme de gouvernement ! Et je ne reviendrai pas sur les points que M. Deneys a développés tout à l'heure. Nous aussi, nous refuserons ce rapport ! Mais nous le refuserons parce que, définitivement, il ne représente en rien les luttes que nous avons décidé de mener de ce côté de l'hémicycle. Je vous remercie ! (Quelques applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui on pourrait utiliser le slogan «on rase gratis», parce que selon ce programme de législature, on va tous s'y retrouver. Evidemment, il y a des choses très positives dans l'intention, mais quelques petits passages nous rappellent à une dure réalité. (M. Eric Stauffer chausse ses lunettes.) Je m'excuse, je dois mettre mes lunettes, c'est l'âge ! (Brouhaha.) Je vais vous lire un petit extrait qui concerne l'efficience de l'Etat et que j'ai trouvé absolument génial: «Les modes de fonctionnement et de production internes devront être mis à plat en vue de gagner en efficience. Aujourd'hui, trop souvent, la machine étatique est lourde et les décisions éloignées des besoins réels.» C'est quand même extraordinaire, surtout quand on sait que c'est toujours la même majorité qui est au gouvernement, depuis bien trop longtemps selon le MCG - fort heureusement, nous avons au moins un membre sur sept qui viendra imprégner de l'ADN du MCG ce collège gouvernemental. (Commentaires.) Quoi qu'il en soit, c'est vrai que l'Etat est bien souvent trop éloigné des réalités. Et j'en veux pour preuve, Mesdames et Messieurs, la naissance du Mouvement Citoyens Genevois. Parce que si l'Etat faisait tout comme il le faut, eh bien le MCG n'aurait jamais vu le jour. Et sinon, comment expliquer qu'en huit ans à peine le MCG soit devenu la deuxième force politique du canton de Genève ? (Commentaires.) Oui, je sais que vous avez du mal à vous y habituer, chers collègues de l'extrême gauche ! Et puis, quand on dit «deuxième force politique du canton de Genève», il faudrait encore rappeler que les libéraux et les radicaux ont fusionné, passant de 31 députés à 24, donc autant dire que le MCG, sans cette fusion contre-nature, aurait certainement été aujourd'hui le premier parti du canton. (Commentaires.)

Mesdames et Messieurs, nous allons évidemment regarder d'un oeil très attentif, un oeil très acerbé...

Des voix. Acéré !

M. Eric Stauffer. ...les actions du gouvernement. Quelques projets de lois MCG ont été légèrement repris par le Conseil d'Etat, comme l'imposition des entreprises à 13%; ce projet de loi avait été déposé par le MCG en premier, et bien avant l'idée du gouvernement. Nous attendons évidemment avec impatience ce petit coup de fouet à l'économie, surtout pour qu'il empêche toute critique de l'Union européenne sur des différences de taxation, puisque là toutes les entreprises, qu'elles soient multinationales ou locales, seraient taxées à 13%.

En revanche, nous n'avons rien vu, dans le programme de législature, sur l'enseignement et la formation obligatoire jusqu'à 18 ans. Quelques pistes ont été élaborées, mais on n'a pas mentionné de manière claire l'application de la constitution - d'ailleurs je rappelle aussi que le MCG, bien avant le vote de la constitution ou même que cet article ne soit inséré par les constituants, avait déposé un projet de loi pour rendre obligatoire la scolarité et/ou la formation jusqu'à l'âge de 18 ans révolus. Parce qu'aujourd'hui, et on le voit bien, nous ne sommes plus capables d'assurer la relève; la scolarité est obligatoire jusqu'à l'âge de 15 ans et ensuite, par facilité, soit les jeunes essaient de faire un apprentissage avec le petit bagage qu'on aura pu leur inculquer jusqu'à ce moment-là, soit ils vont au collège parce que finalement c'est l'échappatoire. Ensuite ils arrêtent le collège, et nombre d'entre eux se retrouvent dans la zone 18-25 ans sans qualification. Or, dans certains pays, les gouvernements, les parlements, ont donné la chance à ces jeunes d'avoir le plus de moyens possibles pour pouvoir affronter la vraie vie qui est la vie du travail en rendant la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de 18 ans. Donc là nous sommes un petit peu déçus que le gouvernement n'ait pas imposé ce changement dans son programme de législature, changement qui finalement, en termes budgétaires, n'est pas aussi conséquent que cela puisque de nombreux jeunes suivent les filières du collège ou de l'école de culture générale et que ce ne sont que quelques centaines de jeunes qu'il faudrait soutenir. Nous ne pouvons donc que regretter cette situation.

Ensuite, nous voyons dans ce programme de législature une répartition des tâches entre communes et canton. Alors j'aimerais vous dire, en tant que magistrat d'une petite commune suburbaine...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. Oui, je vais terminer, Monsieur le président. En conclusion, c'est toujours un peu la même chose: sur les sujets importants chacun vient mettre son grain de sel, mais législature après législature on s'aperçoit que le niveau qualitatif baisse, que les problèmes augmentent, et ce n'est pas comme ça que le MCG entend poursuivre sa politique. Alors en conclusion - je ne parlerai pas de la répartition entre communes et canton - sachez que le MCG regardera de manière très attentive et giflera, le cas échéant, le gouvernement - verbalement bien sûr, Monsieur le président, je vous rassure - s'il devait dévier de sa mission première, celle d'améliorer la qualité de vie des citoyens ! Merci !

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'admire l'exercice de rhétorique auquel chacun se prête aujourd'hui. Mon Dieu, pourquoi pas ! Rappelons quand même qu'il s'agit de se positionner par rapport à un programme de législature; la nouvelle constitution dit que le Grand Conseil doit se prononcer mais ne dit pas que le Grand Conseil doit l'amender. En définitive, l'Union démocrate... l'Union du... l'Union démocratique du centre, excusez-moi - je suis un peu fatigué ce matin, j'ai honte ! - entend reconnaître que le Conseil d'Etat a le droit de s'exprimer et d'établir, comme le nom l'indique, un programme ! Qu'y a-t-il dans ce programme ? Des bonnes et des mauvaises choses, mais ça reste un programme étant donné que les décisions, les amendements, les grands moments d'intervention viendront quand tous ces objets seront présentés devant ce Grand Conseil pour approbation. Alors oui, l'UDC est particulièrement satisfaite de la décision d'aller vers une imposition des entreprises à 13%, car c'est nécessaire pour notre renouveau; oui, l'UDC a quelques réticences et se demande comment on va faire s'agissant de l'instruction publique quand on voit qu'il y a des planifications d'augmentation de postes non négligeables et qu'en définitive on continue quand même à avoir moins d'élèves dans les écoles - ça s'est vérifié à la rentrée et j'ai des exemples précis. Et, oui, l'UDC est pour la police, non, l'UDC n'est pas d'accord avec la politique carcérale, nous l'avons déjà dit. Faire de Genève un «hub carcéral» n'est pas ce qu'il nous faut; le terrain est trop cher et les communes ne sont pas d'accord.

Il y a un dernier point qui concerne la réalisation d'infrastructures en cohérence avec les volontés de la population: eh bien on verra quelle est la volonté de la population dans les votations de la fin de ce mois.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, nous parlons d'un programme, nous ne parlons pas d'un engagement; nous devons nous prononcer sur une résolution 767, qu'on dise oui ou qu'on dise non de toute façon ce n'est pas ce qui va permettre de changer ce programme de législature, de l'amender ou d'en obtenir une nouvelle mouture. Mais pour montrer quand même son désaccord sur une majorité de points, l'Union démocratique du centre n'acceptera pas cette résolution 767.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Bernhard Riedweg, à qui il reste trois minutes et quinze secondes.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président, c'est le décompte que j'avais aussi ! Le programme de législature 2014-2018 tel qu'il nous est présenté est un tour d'horizon non chiffré, mentionnant de bonnes résolutions qui seront difficiles à réaliser. Etant donné les finances du canton, il faudra procéder à des choix pour la plupart douloureux, car tous les investissements ne pourront pas être réalisés et des coupes devront être faites dans les prestations de toutes les politiques publiques. Il faudra également dégager des bénéfices suffisants sur le budget de fonctionnement. Nous sommes devant une tâche que je qualifierai de titanesque, qui demandera du courage aux politiciens que nous sommes. Nous ne pouvons plus augmenter notre dette, les taux d'intérêt pouvant à tout moment reprendre une tendance haussière; la menace du frein à l'endettement est bien réelle. La prospérité de notre canton n'est plus assurée en raison des taux fiscaux à 13% appliqués aux multinationales et aux entreprises notamment. Il faudra aussi tenir compte de l'augmentation des coûts de la santé due au vieillissement de la population, et des financements visant à la réussite de tous les élèves. Un effort devra être fait pour procéder à des économies notamment en ce qui concerne les subventions accordées, qui représentent les 46% de toutes les charges en 2014. Cela aura une incidence sur le montant des salaires du personnel en relation avec l'octroi et la surveillance de ces subventions. Espérons que nous regarderons tous dans la même direction afin de rendre un Etat assaini aux élus de la prochaine législature.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Christina Meissner. Vous avez encore une minute et trente secondes, Madame la députée.

Mme Christina Meissner (UDC). Je voulais juste préciser deux ou trois petites choses. C'est vrai que dans un monde idéal, ce programme de législature pourrait nous séduire; malheureusement, quand on voit ce qu'il se passe dans la réalité, on aperçoit déjà des signes qui sont inquiétants. Par exemple dans la priorité 3 «développer nos ambitions collectives», on parle de construire plus de logements et d'augmenter leur mixité, mais les moyens que le Conseil d'Etat envisage pour y parvenir, c'est de renégocier des accords ou d'en négocier d'autres comme aux Grands Esserts. Je doute donc que ce soit la bonne méthode pour obtenir plus de logements plus rapidement.

De même en ce qui concerne la culture; l'Etat veut développer son engagement en matière culturelle, il dit vouloir «définir des engagements réciproques avec les communes», et la première chose qu'il fait par rapport à Vernier et son nouveau centre culturel, qui sera de conséquence en termes de rayonnement, eh bien c'est de se désolidariser de la fondation qui va mener ce projet en n'envoyant personne pour le représenter. Donc je dois dire qu'entre le rêve et la réalité il y a un gouffre, et j'espère qu'il ne va pas devenir encore plus grand au risque que l'on tombe dedans !

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, brièvement, j'aimerais vous dire que nous aurions aimé vous présenter un programme de législature qui, à l'image des prochains catalogues de Noël que nous allons bientôt recevoir, aurait été rempli de cadeaux, rempli de possibilités, rempli d'espoir et rempli de projets, dont il a été dit que nous les faisions parfois figurer dans les programmes de législature mais qu'ils ne se concrétisaient jamais. Nous avons préféré le réalisme - certains ont eu des mots plus durs - pour annoncer la couleur, c'est le titre de ce programme de législature, et relever certaines incertitudes qui pèsent sur Genève aujourd'hui.

Nous avons des incertitudes concernant la dette; cette dette n'a pas été creusée durant ces dernières législatures, c'est une dette que Genève traîne depuis un certain nombre d'années, depuis la crise des années 90, qui a profondément bouleversé la structure financière et économique de notre canton. Et puis c'est aussi la conséquence - je tiens à le rappeler - du renflouement de la BCG. Je vous signale que lorsque nous avons tiré le trait, il a fallu que l'Etat de Genève verse la somme de 1,950 milliard de francs pour sauver la banque, et cette somme a été étalée durant toute la première décennie des années 2000, selon les mécanismes de la Fondation de valorisation que les plus anciens députés parmi vous connaissent bien.

C'est aussi le temps des incertitudes en matière économique; nous avons des incertitudes sur notre capacité à pouvoir conserver des entreprises, notamment les entreprises qui sont parmi les plus prospères de notre canton et de notre pays, en raison de négociations qui, au niveau européen, international et même mondial, nous obligent à mettre fin à des systèmes fiscaux au demeurant assez inéquitables et qui, aujourd'hui, ne sont plus acceptés par l'ensemble de la communauté économique mondiale. Cela est fort dommageable pour les entreprises qui réalisent l'essentiel - pour ne pas dire la totalité - de leur chiffre d'affaires à l'étranger, ce qui est le cas pour la plupart de ces entreprises genevoises. La réforme de la fiscalité des entreprises n'est pas un projet de gauche, n'est pas un projet de droite, n'est ni à gauche ni à droite, c'est simplement l'avenir de notre canton. Nous avons, avec le Conseil d'Etat, avec mon collègue Serge Dal Busco, réuni l'ensemble des parlementaires fédéraux genevois lundi dernier pour évoquer de manière très approfondie ce sujet, et l'ensemble, toute coloration politique confondue, est convaincu que l'avenir de Genève se joue là aussi.

Il y a des incertitudes également sur le statut européen et sur les relations européennes de la Suisse. Vous savez que le Conseil fédéral est aujourd'hui dans une situation délicate; il doit trouver des accords avec l'Union européenne qui ont des conséquences très concrètes sur l'avenir de l'économie genevoise, et bien plus sur l'avenir de l'économie genevoise que sur celle d'autres cantons qui, dans le reste du pays, sont beaucoup moins concernés en raison d'une structure économique bien différente de la nôtre. Cela nous amène aussi à être pragmatiques et à déterminer des priorités qui soient réalistes et réalisables. C'est donc ce que vous propose ce programme de législature; il n'a rien d'enthousiasmant, parce que les années à venir seront des années difficiles, mais le gouvernement, à défaut de pouvoir prendre plaisir dans la réalisation de projets multiples, le fera dans la conscience que c'est l'avenir de notre canton qui se joue. Nous aurons besoin de l'ensemble des forces, dans ce parlement, et que chacun ait la conscience du fait que nous sommes à une période charnière de notre histoire. Le Conseil d'Etat vous présentera un projet de budget qui en sera la première expression le 18 septembre, mais ce ne sera probablement que le début d'une longue et passionnante aventure.

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais mettre aux voix la résolution 767.

Mise aux voix, la proposition de résolution 767 est rejetée par 35 non contre 30 oui et 16 abstentions.

Le rapport du Conseil d'Etat RD 1045 est donc refusé.