Séance du vendredi 22 novembre 2019 à 14h
2e législature - 2e année - 7e session - 38e séance

P 2063-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour la protection de la route du Grand-Lancy classée à l'inventaire des voies de communication historiques de la Suisse (IVS)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 31 octobre, 1er et 7 novembre 2019.
Rapport de majorité de Mme Patricia Bidaux (PDC)
Rapport de minorité de Mme Danièle Magnin (MCG)

Débat

Le président. Nous passons à la P 2063-A... (Brouhaha. Un instant s'écoule.)

Une voix. Chut !

Le président. Je peux continuer, Monsieur Thévoz ? S'il vous plaît ? Merci ! Nous sommes toujours en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à Mme la rapporteuse de majorité, Patricia Bidaux.

Mme Patricia Bidaux (PDC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous abordons cette pétition 2063 qui traite de la protection de la route du Grand-Lancy. Le rapport de majorité contient, je pense, énormément d'éléments qui ont accompagné les auditions, des documents officiels ainsi que divers documents qui nous ont été transmis. J'insisterai sur le fait que la pétition 2063 met en avant la volonté des pétitionnaires de protéger le tronçon de route du Grand-Lancy inscrit à l'inventaire fédéral - IVS - en tant qu'objet d'importance nationale avec substance face au développement du quartier et des structures de mobilité.

Il convenait donc pour la commission de mettre toute son énergie sur la problématique de l'inscription de ce tronçon de route à l'inventaire fédéral et surtout, surtout, sur la garantie qu'il serait dignement protégé. Les diverses auditions ont démontré que, de par son statut, ce tronçon doit impérativement être protégé: aucun projet de développement ne peut se faire sans cette protection, la protection du tronçon est obligatoire.

La majorité de la commission ne peut que constater que tout est mis en oeuvre pour protéger ce tronçon de route. Les projets de la commune de Lancy et du département ont intégré l'inscription à l'IVS de ce tronçon, ce qui est devenu une opportunité de sauvegarde et de développement. Au vu des auditions et des documents fournis à la majorité - par la maj... Pardon. A la majorité... Ah ! Je vais recommencer, si vous me permettez ! Ça ne fait pas très longtemps - c'est la deuxième fois que je suis à cette place, je suis un peu stressée ! (L'oratrice rit. Exclamations. Applaudissements.) Merci ! Donc, au vu des auditions et des documents fournis, la majorité soutient le dépôt de cette pétition pour information sur le bureau du Grand Conseil et vous invite à faire de même.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de minorité. Moi, je n'ai heureusement pas ce stress ! (Exclamations. Commentaires.) Et je voudrais vous dire que l'IVS est l'inventaire des voies historiques ! Et ces voies historiques, Mesdames et Messieurs, pour le canton de Genève et pour ce lieu-là, font partie de la catégorie «GE 2.1», qui comprend la route des Acacias et la route du Grand-Lancy. L'importance vient du lien qu'elles assuraient depuis l'époque gauloise entre Genève et le Fort l'Ecluse, en direction de Lyon, sur la rive gauche du Rhône. Alors aujourd'hui, me direz-vous, il n'en reste pas grand-chose. L'aspect initial, pour la route des Acacias, on peut oublier ! La montée sur le Grand-Lancy... Voilà, il n'en reste pas grand-chose ! En revanche, s'agissant de la route du Grand-Lancy proprement dite, on voit qu'elle a encore cet aspect de voie creuse, puisque l'on dit que le niveau du sol augmente d'un mètre par millénaire. Donc, vous voyez, il y a des endroits où on voit un bon creux. Il y en a plein d'autres dans le canton de Genève - enfin, plein... Il y en a un certain nombre d'autres. Mais pour ma part, je suis très touchée par l'idée qu'on ne va justement pas prendre soin de ces voies qu'ont parcourues les Gaulois jusqu'au moment où Jules César les a ramenés en direction de l'oppidum Genavensis et tous les autres qui sont passés par là en deux mille ans. Au nom du MCG, je vous demande de tenir compte de cette pétition et de l'envoyer au Conseil d'Etat.

M. François Baertschi (MCG). Pour le groupe MCG, il est important de conserver le cadre naturel dans lequel nous vivons. Il est important également de garder tout ce qui constitue le patrimoine et la richesse de notre canton. Cet axe de communication fait partie, bien évidemment, de ce patrimoine. C'en est un élément important que nous devons protéger. Nous commençons à redécouvrir l'importance de protéger notre patrimoine naturel, notamment les arbres - certaines rangées existent encore à cet endroit-là ou devraient être replantées. Cette pétition a donc tout son sens, la renvoyer au Conseil d'Etat a tout son sens, de sorte qu'il lui donne une suite - la meilleure qui soit - pour améliorer notre cadre de vie à Genève. Nous devons être à l'écoute de la population, nous devons être à l'écoute des habitants d'Onex et de Lancy, des habitants de l'ensemble de notre canton également. Je crois que ce serait véritablement faire acte de bonne politique que d'y donner suite et de la transmettre au Conseil d'Etat. Je vous invite à suivre la rapporteure de minorité et le MCG en renvoyant cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste vous invite à classer cette pétition, qui d'une certaine façon utilise une route historique pour s'opposer à un projet de densification dans la zone d'Onex et du Grand-Lancy. Cette route est véritablement un prétexte que les pétitionnaires ont utilisé pour dire en somme que la densification risque d'entraîner une surcharge sur cette route historique: «La surcharge risque d'abîmer cet élément historique, par conséquent, opposez-vous à la route et donc à la densification !»

Par une étude attentive, nous avons pu voir, notamment avec Mme Bänziger, la conseillère administrative d'Onex, ou avec M. Dal Busco, que c'est davantage d'une opportunité qu'il s'agit: la possibilité de réaménager cette route, de l'élargir, de lui rendre son caractère historique, et en aucune manière de détruire du patrimoine, en aucune manière d'endommager sa valeur historique - il s'agit plutôt, paradoxalement, de la lui rendre. On voit bien qu'il s'agit ici d'un combat mené par des personnes qui parfois disent: «Il faut que rien ne bouge ! Il ne faut plus construire ! Pas dans mon arrière-cour !» En fait, en creusant un peu la thématique, on voit qu'on peut aménager, qu'on peut même rendre la route plus fidèle à son origine ainsi que la rendre plus sûre, notamment pour les piétons et les cyclistes.

Le parti socialiste vous enjoint donc de ne pas suivre les pétitionnaires, de ne pas entrer dans une logique qui veut qu'on ne touche plus rien, que tout soit sanctuarisé et qu'il ne faille pas aménager l'espace public. Les éléments amenés par Mme Bidaux sont extrêmement fidèles à la réalité et permettent véritablement d'aborder ces questions-là.

Enfin, on a pu aussi vérifier la possibilité pour ces communes de densifier, on a pu voir également une opportunité de logements, d'accroissement du nombre d'habitants et de renouvellement de certaines zones. Il ne s'agit en aucun cas de remettre en cause, au nom d'une route, une politique du logement et une possibilité pour ces communes de croître à un rythme maîtrisé, je dirais. Merci beaucoup de votre attention et merci de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Stéphane Florey (UDC). Pour le groupe UDC, la préservation du patrimoine historique, y compris des voies de communication, est importante. Nous ne pouvons que remercier la population de s'y intéresser et d'avoir en quelque sorte alerté notre Grand Conseil sur la problématique de la route du Grand-Lancy. On s'aperçoit que ce qui est en préparation par le Conseil d'Etat n'est pas satisfaisant. On le sait depuis des années, il cherche une solution pour faire passer un bus à cet endroit alors que la route n'est pas très large. Le problème, ce n'est pas tant de faire passer des bus; c'est de devoir coûte que coûte, justement pour le faire - et, un tant soit peu, pour développer de nouveaux quartiers le long de cette route... Forcément, cela aura un impact sur la route du Grand-Lancy, notamment sur le fameux tronçon dont il est question aujourd'hui. Cela ne nous convient pas. Nous pensons que d'autres solutions doivent être trouvées. C'est pour cette raison que le groupe UDC vous demande de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, attention, il y a un piège dans cette pétition ! (Rires. Commentaires.) Quand on lit la première partie de l'invitation de la pétition, qui demande de s'«opposer vivement à tout projet portant atteinte au caractère historique de la route du Grand-Lancy», évidemment, on a l'impression qu'on ne peut qu'approuver, qu'on ne peut qu'applaudir même, cette noble invitation. Qui ne connaît l'émotion de marcher sur une voie créée il y a mille ans, deux mille ans, trois mille ans ? L'émotion de se sentir, comme cela a été relevé, dans les pas des Gaulois ? On a presque envie d'en pleurer ! C'est magnifique ! C'est magnifique, tout cela. Et c'est vrai d'ailleurs que la route du Grand-Lancy est magnifique, avec ses chênes, millénaires peut-être, en tout cas très anciens, qui la bordent encore à gauche et à droite. Il ne manque plus que Charlemagne pour compléter le tableau !

Mais le piège, le piège, Mesdames et Messieurs, c'est la deuxième partie de la phrase, qui demande de s'opposer à toute densification. Si je pense qu'il est évidemment essentiel de préserver le caractère historique de cette voie et de préserver les chênes centenaires voire millénaires qui la bordent, il ne faut pas que cela exclue le développement nécessaire de ce quartier qui est proche du centre, qui doit être développé, parce qu'il est accessible facilement, parce qu'il permettra à des gens de se loger à proximité de leur place de travail. Nous ne devons pas lutter contre le développement, nous devons lutter pour un développement harmonieux. Or en réalité, sous prétexte de lutter contre l'enlaidissement de leur commune, l'association Vieil Onex et les signataires souhaitent s'opposer à tout développement. Nous ne pouvons pas accepter cela, raison pour laquelle nous vous invitons à voter en faveur du dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Merci. (Commentaires.)

Mme Adrienne Sordet (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les pétitionnaires avaient la crainte que la commune d'Onex, se dirigeant vers une densification certaine, néglige la route du Grand-Lancy et son caractère patrimonial, puisqu'un redimensionnement est prévu. Cela a été dit, une partie de cette route est inscrite à l'IVS, qui est un inventaire fort et contraignant dont les autorités doivent obligatoirement tenir compte. Renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat ne semble donc pas nécessaire, puisqu'il s'agit d'une obligation fédérale. D'ailleurs, cette inscription à l'IVS est considérée comme un atout par et pour la commune et le canton qui l'intègrent au sein de leur planification.

Toutefois, que le gabarit de la route soit modifié ou non ne change pas la problématique sous-jacente soulevée par les pétitionnaires, qui est la densification du canton. Cette pétition permet donc de se questionner de manière générale quant à la densification massive du canton et au lieu de cette densification. Des réflexions portant sur l'équilibrage de la densification des différents secteurs et communes du canton, sur le type de nouveaux quartiers et la mixité des zones, sur la préservation et la conservation du patrimoine, qu'il soit bâti ou végétal, sur l'aménagement des espaces publics et la place conférée à la nature en ville, sont primordiales.

Toutefois, nous voterons le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil, puisque le caractère patrimonial de la route est pris en compte et n'est pas remis en question. Néanmoins, le groupe des Verts souhaite attirer l'attention du Conseil d'Etat sur la façon dont le canton prévoit sa densification, en référence aux différentes réflexions évoquées préalablement. Merci. (Brouhaha.)

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour le parti démocrate-chrétien, la dimension historique de cette voie est clairement protégée et la population est aussi clairement respectée. Vous savez, cette voie de communication, Monsieur le président, elle n'a plus le profil gaulois ! On peut le regretter peut-être, mais pour informer l'UDC et le MCG, il y a beaucoup d'éléments qui n'ont plus le profil gaulois aujourd'hui. On peut même s'en réjouir, qu'ils n'aient plus le profil gaulois ! Voilà. Donc, parce que la priorité doit être donnée au logement de nos enfants à Genève et pas en France voisine ou dans le canton de Vaud, oui, il y a des constructions prévues, il y a un programme de construction dans le quartier qui est à encourager. En plus, cette voie de communication sera enrichie de pistes cyclables et de transports publics. Je crois qu'on peut s'en réjouir et c'est pourquoi le parti démocrate-chrétien dit oui au dépôt sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. François Baertschi (MCG). J'ai entendu un préopinant défendre, curieusement, l'enlaidissement de Genève, étant entendu qu'une association s'est récemment développée pour lutter contre cet enlaidissement, ce qui, bien évidemment, est une question d'une très grande actualité, pour laquelle nous devons nous mobiliser. Nous devons tous nous mobiliser pour défendre le patrimoine genevois, pour combattre sa destruction, qui se fait au nom du logement - alors que plus on construit, moins on a de logements pour les Genevois - qui se fait aussi soi-disant pour améliorer la mobilité - plus on construit des axes de circulation, moins la mobilité est facile. Il y a quelque part un gros problème. Ce problème, vous le savez très bien, c'est le plan directeur cantonal 2030, plan catastrophique qui nous amène dans le mur à tous points de vue, tant au niveau économique qu'au niveau de notre patrimoine naturel et de l'harmonie de notre belle République de Genève. Nous allons dans le mur - n'y allons pas ! Commençons à faire un petit pas ! Ce petit pas, c'est de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Le président. Merci bien. Nous allons donc passer au vote...

Mme Danièle Magnin. Non, non, non ! J'ai encore du temps, Monsieur le président !

Le président. Vous venez d'appuyer sur le bouton, Madame Magnin ! Je vous passe la parole.

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de minorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. Je voudrais dire qu'il s'agit effectivement de savoir si on va continuer à grignoter notre patrimoine pour se développer - développer quoi et jusqu'où ? - et je voudrais signaler qu'il y a un tout petit peu plus haut la route de Chancy, sur laquelle on a des voies de tram - une double voie de tram - et des bus qui passent. Ces voies de tram sont prolongées jusqu'à l'autre extrémité de Bernex en direction du sud. Je voudrais signaler encore que le bas pourrait être aussi densifié par la création d'une voie de circulation au-dessous, par exemple au niveau du chemin des Verjus ou d'autres, à voir. C'est très très dommage qu'une voie historique que l'on trouve dans la Tabula Peutingeriana et qui venait d'encore bien auparavant, de l'empereur Théodose - une vieille carte... Je pense que c'est très très dommage, et ce n'est pas pour limiter le nombre d'habitants ou le développement, comme certains veulent me le faire dire, mais c'est vraiment pour un respect de nos valeurs fondamentales; ça, on ne peut pas le mettre tout le temps aux oubliettes ! Merci.

Le président. Merci bien. Nous sommes maintenant en procédure de vote.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2063 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 72 oui contre 18 non.