Séance du jeudi 30 août 2018 à 17h
2e législature - 1re année - 2e session - 17e séance

P 2027-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour des effectifs suffisants en personnel au service de santé de l'enfance et de la jeunesse (SSEJ)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 21, 22 juin et 30 août 2018.
Rapport de majorité de M. Stéphane Florey (UDC)
Rapport de minorité de M. Olivier Baud (EAG)

Débat

Le président. Nous abordons maintenant la P 2027-A en catégorie II, trente minutes. Je passe tout de suite la parole à M. Stéphane Florey, rapporteur de majorité.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La majorité de la commission des pétitions a refusé cette demande de moyens suffisants en personnel au service de santé de l'enfance et de la jeunesse, car elle a notamment estimé que ce n'était pas au Grand Conseil de statuer dès le départ sur les demandes de postes supplémentaires. Pour cela, chaque service dispose d'une hiérarchie qui est à même de déterminer ses besoins et qui les rapporte à sa direction, chaque direction fait ensuite le lien avec la direction générale du département, et finalement la conseillère d'Etat ou le conseiller d'Etat chargé dudit département opère un arbitrage via le budget. C'est exactement ce qui se passe, et ce qu'on peut lire dans le rapport, c'est que les demandes de postes supplémentaires ont suivi les voies de la hiérarchie, puisque selon les dires de la directrice générale de l'office de l'enfance et de la jeunesse, 12,5 postes sont d'ores et déjà inscrits au budget 2019. Il appartiendra à la commission des finances d'étudier le budget dans son ensemble, et nous en aurons bientôt déjà une première appréciation, puisque certains d'entre nous pourront assister à la présentation du budget 2019 le 14 septembre prochain. Nous verrons alors si un certain nombre de postes ont bel et bien déjà été inscrits pour l'ensemble du DIP et plus précisément pour ce service, et il faudra également voir si le budget qui nous est présenté est déficitaire ou bénéficiaire - on peut peut-être encore l'espérer. C'est dans ce cadre-là que la commission des finances devra faire un arbitrage, et si le budget est malheureusement déficitaire ou ne plaît pas à la commission des finances, c'est à elle qu'il appartiendra justement de faire des arbitrages... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...en disant qu'il faut couper des postes ici et là, ou alors d'accepter le budget tel que proposé, avec ces augmentations de postes, si finalement tout va bien. C'est forte de ce constat que la majorité de la commission des pétitions a refusé cet objet et vous propose de le déposer sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.

M. Olivier Baud (EAG), député suppléant et rapporteur de minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Ensemble à Gauche a une vision radicalement opposée à celle qui a été présentée par le rapporteur de majorité. Il est évident que la commission des pétitions traite les pétitions qui lui sont renvoyées; il s'agit ici d'un syndicat qui demande des postes, des effectifs suffisants - du reste, il ne prend pas l'initiative de donner des chiffres précis ou d'intervenir dans l'élaboration du budget: il relève simplement qu'un service est particulièrement mis à mal - et je serais donc quand même assez étonné si ce parlement ne devait pas s'inquiéter de la question de la santé publique, en l'occurrence celle de nos enfants, celle des élèves de l'école publique genevoise. La liste établie justement par la directrice générale de l'office de l'enfance et de la jeunesse, que je n'aurai pas le temps de vous lire, est édifiante ! De quelle liste est-il question ? Evidemment, il faut préciser: il s'agit de la liste de toutes les prestations qui ont été supprimées, diminuées, amputées et qu'on ne peut plus fournir correctement. Dans mon rapport, je cite deux exemples, à commencer par la lutte contre le cyber-harcèlement, qui était une priorité du DIP. Cette opération aurait dû être menée en une année, mais elle a dû être étalée sur trois ans. Pourquoi ? Parce qu'il n'y avait pas de postes ! En conséquence, les personnes qui ont fourni cette formation contre le cyber-harcèlement dans les écoles étaient en réalité des infirmières en santé publique qui, de fait, n'ont plus pu assurer les prestations qu'elles devaient délivrer en tant qu'infirmières. C'est ça, la réalité. Pourtant, c'est ce parlement qui a approuvé la lutte contre le cyber-harcèlement, il faut donc être conséquent et admettre qu'on a besoin de postes.

Un peu plus tôt ce matin, on a parlé des problèmes de soins dentaires dans le cadre d'un débat sur une initiative; eh bien là aussi, si on veut diminuer les coûts de la santé, notamment en matière de soins dentaires, le travail de prévention effectué dans les écoles est extrêmement important. Ce dépistage dentaire se fait dans toutes les écoles, heureusement, auprès de tous les élèves de l'école primaire - soit quelque 35 000 enfants. Il s'agit d'une priorité, et c'est tant mieux, mais pour maintenir cette priorité... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...eh bien d'autres prestations sont diminuées. Les médecins-dentistes, par exemple, ne peuvent pas accorder de rendez-vous ou donnent des délais de deux à trois mois, ce qui suscite - j'ai vu des cas autour de moi - le mécontentement de certains parents, qui disent qu'il n'est pas normal qu'on ne leur propose pas tout de suite un rendez-vous alors que des caries ont été dépistées chez leur enfant, et qui doivent donc avoir recours au privé quand ils en ont les moyens.

Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition du syndicat est légitime, et il convient de la renvoyer au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

Mme Salima Moyard (S). Mesdames et Messieurs les députés, permettre au service de santé de l'enfance et de la jeunesse de continuer à offrir ses prestations à toujours plus d'élèves, voilà l'objet de cette pétition. Le rôle de prévention du SSEJ représente un investissement pour l'avenir, je crois que ce n'est un secret pour personne, et ce rôle est particulièrement important auprès des familles précarisées, notamment dans le domaine dentaire - on en a longuement parlé ce matin - qui devient très onéreux par la suite, alors que des contrôles, s'ils sont effectués tôt, dès le plus jeune âge, portent leurs fruits.

Le nombre d'élèves ne cesse d'augmenter: il y en aura 1537 de plus à la prochaine rentrée, la conseillère d'Etat chargée du DIP nous l'a dit il y a quelques jours. Les effectifs d'enseignants suivent plus ou moins la courbe, mais ce n'est pas le cas du personnel administratif et technique, dont le personnel infirmier du service de santé de l'enfance et de la jeunesse. Cela vous a été expliqué un nombre incalculable de fois, pratiquement lors de tous les débats consacrés au budget et aux comptes, et la conseillère d'Etat revient sur ce sujet encore et encore pour dire qu'il est vraiment nécessaire d'augmenter le personnel associé qui doit suivre ces élèves. Mieux que ça, la hiérarchie de ce service appuie la démarche qui a été faite par le personnel, soutenu par les syndicats. La direction de l'office de l'enfance et de la jeunesse, qui a été entendue par la commission des pétitions, appuie donc ce texte. Et même mieux que ça, le Conseil d'Etat lui-même - cela figure dans l'annexe 2 du rapport de M. Florey - soutient cette pétition. Vous avez dès lors l'exécutif de droite qui reconnaît le besoin de ce service et le fait que les effectifs en personnel ne sont pas du tout suffisants, et pourtant la majorité souhaiterait déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. C'est simplement inacceptable ! Et non seulement les situations d'élèves à besoins particuliers - qu'ils soient diabétiques, handicapés ou autres - augmentent, mais en plus elles se complexifient. La prise en charge devient de plus en plus compliquée, et elle demande du temps et des compétences.

Les résumés des débats en commission que j'ai lus dans le rapport de M. Florey révèlent une situation un peu surréaliste. Le Grand Conseil reçoit une pétition, il doit donc la traiter. La question est simple: la demande des pétitionnaires doit-elle être soutenue ou non ? Oui, nous dit le service concerné - mais vous me direz que c'est normal. Oui, nous dit la hiérarchie du service concerné - et là vous conviendrez que c'est déjà plus exceptionnel. Oui, nous dit le Conseil d'Etat. Et oui, selon vous ? Voilà la question posée ce soir. La réponse est en tout cas oui selon le parti socialiste. Donc si vous pensez, comme les socialistes, que les prestations de prévention et de santé sont importantes et doivent continuer à être offertes à toujours plus d'élèves, alors il faut soutenir le développement des moyens de ce service qui accomplit un travail admirable et ô combien nécessaire. C'est pour toutes ces raisons que le parti socialiste vous invite à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Adrienne Sordet (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous nous trouvons certes aujourd'hui face à une pétition, mais je crois surtout que nous nous trouvons face à un appel à l'aide du SSEJ, appel à l'aide soutenu par les syndicats. Des employés, des infirmières et des infirmiers, des médecins de ce service nous font part de leur situation de débordement. Ils manquent d'effectifs pour pouvoir accomplir les tâches nécessaires au bien-être de nos enfants. Car oui, vous l'avez compris, c'est la santé de nos enfants et de nos jeunes qui est en péril, ce qui est totalement inadmissible. Certes, des programmes indispensables ont été mis en place, comme la prévention du cyber-harcèlement et du harcèlement, mais ils ne doivent pas l'être au détriment des autres prestations de santé. Comme l'a dit le rapporteur de minorité, la liste des prestations diminuées ou supprimées est longue, et je vous invite d'ailleurs à la consulter. Je ne mentionnerai que quelques exemples, comme la suppression des visites systématiques de santé en fin de scolarité primaire obligatoire et des cours d'éducation à la santé dans les cycles d'orientation. Ajoutons les cours d'éducation sexuelle progressivement diminués ou supprimés dans les écoles de culture générale, par exemple.

Nous avons tout à l'heure parlé de l'hygiène dentaire de nos citoyennes et citoyens ainsi que de l'importance de la prévention en la matière. Parlons donc des éducatrices et éducateurs bucco-dentaires qui ne peuvent plus assurer leur rôle de prévention par manque d'effectifs, et des assistantes et assistants dentaires qui n'ont pas assez de temps pour effectuer un suivi correct des enfants ayant des caries. Nous nous trouvons dans une situation où le personnel souffre de ce manque de temps à disposition pour les enfants. Le souci de bien faire se heurte aux conditions de travail qui deviennent de plus en plus dures. A titre d'exemple, une infirmière ou un infirmier s'occupe en moyenne de 1880 élèves. Cela devient extrêmement difficile à gérer, notamment quand les cas évoluent, se complexifient et demandent du temps pour être traités correctement. En outre, je me dois de rappeler que le précédent Conseil d'Etat avait répondu par ces mots: «Néanmoins, si l'augmentation de postes d'infirmières a permis de maintenir une relative stabilité, l'augmentation des situations de prise en charge d'élèves, ainsi que leur complexité accrue, rendent aujourd'hui ces effectifs clairement insuffisants.» Certes, ces effectifs ont été légèrement renforcés dans le cadre du budget 2018, mais cela n'est de loin pas satisfaisant.

Enfin, s'il est important de maintenir les prestations plutôt que de les diminuer ou de les supprimer, il est également important de ne pas s'arrêter là et de développer des programmes supplémentaires de prévention et de promotion de la santé. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Face à la santé de nos enfants, de nos jeunes, mais aussi du personnel qui, je le répète, est à bout, nous les Verts estimons que le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat est primordial. Et je terminerai sur le vieil adage que nous avons d'ailleurs entendu tout à l'heure selon lequel il vaut mieux prévenir que guérir, adage particulièrement bien adapté à la situation, à mon avis. Nous espérons vivement que le Conseil d'Etat l'appliquera pour prendre les bonnes décisions en vue du budget 2019. Merci. (Applaudissements.)

M. Raymond Wicky (PLR). Mesdames et Messieurs, chers collègues, j'aimerais d'abord revenir sur les propos du rapporteur de majorité, qui a dit tout à l'heure que le constat dressé au travers de cette pétition n'était pas contesté par la commission, majorité et minorité confondues. Mais c'est tout à fait clair ! Personne n'a contesté ce constat, d'autant plus que l'un de nos éminents collègues socialistes présent ce jour-là, qui a travaillé dans cette infrastructure, nous l'a confirmé. Nous n'avions donc pas de raison de mettre en doute cet état de fait. En revanche, il faut quand même rappeler que le département de l'instruction publique est le plus gros employeur dans l'enceinte du petit Etat. Il convient en outre de préciser que 216 postes supplémentaires ont été votés dans le cadre du dernier budget - on parle bien d'une augmentation de postes de 216 unités - de sorte que la majorité pensait quand même qu'une politique de gestion aurait permis d'accomplir un certain nombre de rocades si la magistrate de tutelle avait estimé qu'il y avait un besoin totalement prioritaire et une absolue nécessité d'aller dans ce sens. Il existait donc des possibilités en termes de postes, compte tenu des mouvements envisageables du personnel de ce département, qui encore une fois est le plus important du petit Etat en nombre. Nous n'avons pas à juger les décisions de la magistrate, et le fait est que nous avons estimé qu'il s'agissait d'un problème de hiérarchie: la directrice nous a effectivement expliqué qu'elle avait transmis ces doléances mais que ces dernières n'avaient pas été suivies d'effets. Il doit bien y avoir des raisons, nous ne les connaissons pas, mais nous n'avons pas à juger le travail de la magistrate, c'est pourquoi nous avons tout simplement proposé le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Merci de votre attention.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. J'aimerais juste revenir quelques instants sur ce qui a été dit en matière de prévention, notamment concernant les soins dentaires dont on a beaucoup parlé aujourd'hui. Il y a quand même certaines fois où la qualité même de ces prestations laisse à désirer. En effet, quand vous allez chez le dentiste parce que vous avez lu dans le rapport que votre enfant vous transmet en rentrant de l'école qu'il y a une suspicion de carie ou qu'il faudrait consulter un orthodontiste pour faire un bilan - c'est fréquemment ce qui est écrit - eh bien je peux vous dire que bien souvent, peut-être même dans la majorité des cas, le dentiste vous dit qu'il n'y a rien et que votre enfant n'a pas de carie. Vous aurez donc suivi les bons conseils du dentiste qui a fait le contrôle à l'école et payé une consultation pour rien parce que votre enfant n'a rien. Alors on peut véritablement se poser des questions à ce sujet ! De la même façon, certaines personnes persistent à vous dire d'année en année qu'il faut consulter un orthodontiste, alors que quand vous y allez, dans la grande majorité des cas, si ce n'est pas la totalité, on vous dit qu'il ne faut rien faire maintenant, qu'il faut attendre que l'enfant ait minimum 15 ou 16 ans, qu'il ait fini de grandir, que la morphologie de sa mâchoire ne soit quasiment plus en évolution, et qu'à ce moment-là seulement des mesures pourront être prises concernant la position de ses dents. Donc finalement avec ces contrôles on vous force presque à engager des frais pour le bien-être de vos enfants, des frais qui ne servent malheureusement à rien dans la plupart des cas. Par conséquent, il faut vraiment bien réfléchir aussi au revers de la médaille quand on parle de prévention, qu'on essaie de bien faire et qu'on vous dit finalement que votre enfant va bien - et heureusement. Je vous remercie.

M. Olivier Baud (EAG), député suppléant et rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais juste rappeler rapidement deux chiffres parce qu'ils n'ont pas été cités ici. S'agissant justement de la carie dentaire, 52% des élèves genevois n'en ont pas, ce qui signifie donc quand même que 48% sont cariés. C'est un chiffre assez énorme ! Alors si on veut améliorer les prestations délivrées par les médecins-dentistes du service de santé de l'enfance et de la jeunesse et que ces derniers aient plus de temps pour affiner leurs examens, leurs dépistages, etc., eh bien il faut accorder des moyens, et peut-être qu'il y aura effectivement une meilleure qualité des soins, c'est ce qu'on doit souhaiter. Deuxième chiffre: une infirmière s'occupe en moyenne de 1800 élèves. Je pense que c'est assez éloquent, assez parlant ! On imagine bien comment les soins, les dépistages et la prévention peuvent être effectués dans ces conditions. Il y a donc urgence à changer les choses, à les améliorer et à inverser cette tendance caractérisée par un manque de postes et une baisse des prestations, afin que le service de santé de l'enfance et de la jeunesse puisse effectuer son travail dans de bonnes conditions. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons maintenant nous prononcer sur les conclusions de la majorité de la commission, soit le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2027 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 45 oui contre 38 non.