Séance du jeudi 21 juin 2018 à 20h30
2e législature - 1re année - 2e session - 11e séance

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean Romain, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Pierre Maudet, président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Murat Julian Alder, Delphine Bachmann, Jacques Blondin, Jennifer Conti, Patrick Dimier, Eric Leyvraz, Vincent Maitre, Salima Moyard, Sandrine Salerno, Alexandre de Senarclens, Stéphanie Valentino, Salika Wenger et Christian Zaugg, députés.

Députés suppléants présents: Mme et MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Patrick Hulliger, Xhevrie Osmani, Martin Staub, Vincent Subilia et Francisco Valentin.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 12297-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2017
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 21, 22 juin et 30 août 2018.
Rapport de majorité de M. Olivier Cerutti (PDC)
Rapport de première minorité de M. Jean Batou (EAG)
Rapport de deuxième minorité de M. Alberto Velasco (S)

Suite du deuxième débat

C - ACTION SOCIALE

Le président. J'appelle la politique C «Action sociale» et passe la parole à Mme la députée Jocelyne Haller.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, selon le rapport sur la pauvreté, en 2014, 13,6% de la population genevoise touchait des prestations au sens large. En 2016, il s'agissait de 14,3%. En 2014, 5,4% des personnes touchaient des prestations sociales au sens strict. Elles étaient 5,7% en 2016 et, selon le rapport annuel de l'Hospice général, 0,4% de plus en 2017, soit 6,1%. Alors lorsque l'on dit que la pauvreté augmente dans notre canton, ce n'est pas un effet rhétorique, c'est une triste réalité qu'il importe de changer. Pour cela, il convient non seulement d'agir sur les politiques économiques et d'y associer tous les partenaires concernés, mais il faut également changer de paradigme en matière de traitement du chômage car, outre les incidences directes sur l'aide sociale, dont le recul des assurances sociales en général et de l'assurance-chômage en particulier, je vous rappelle que ce parlement a voulu en 2011 faire de l'aide sociale le cache-sexe du chômage en y renvoyant tous les chômeurs en fin de droit. Avant tout, il faut donner aux services sociaux les moyens de répondre aux diverses demandes d'aide de la population. Et il faut donc renvoyer la balle à ce parlement, qui vote des budgets qui permettent ou entravent le développement de ces politiques publiques.

Depuis plusieurs années, nous faisons le même constat: l'austérité a altéré les politiques sociales, limé les moyens des institutions et appauvri les interventions sociales. Ce n'est pas parce que ce parlement n'a pas prêté attention au Manifeste du social que les réalités décrites dans ce recueil de témoignages de collaborateurs de la majeure partie des institutions sociales n'ont plus cours. C'est pourquoi, au moment où nous examinons le rapport de gestion de l'Etat, comme nous le ferons plus tard pour les établissements de droit public du périmètre de consolidation, nous devons nous intéresser de près aux difficultés que rencontrent les services de l'Etat pour exécuter leur mission. Ce n'est pas en masquant le fait qu'un nombre conséquent de prestations ne sont plus assurées par les services en charge ou que ces prestations sont plus ou moins subrepticement déléguées à d'autres services que nous abuserons ceux qui, de plus en plus nombreux, peinent à accéder aux prestations d'accompagnement dont ils ont besoin, ni que nous répondrons aux signaux d'alarme lancés par les services sociaux privés ou communaux, de plus en plus régulièrement appelés à pallier le déficit de prestations et d'accompagnement des organismes publics. Aussi, parce que nous considérons que la politique d'action sociale s'est focalisée sur la gestion des flux de pauvreté plutôt que d'agir réellement sur les causes et le soutien aux personnes en difficulté, notre groupe refusera cette politique publique. Nous appelons de nos voeux un examen sans complaisance de la réalité de l'action sociale dans toute sa diversité dans notre canton; nous appelons à de véritables mesures de restauration et, le cas échéant, de développement des moyens nécessaires pour que les institutions sociales de ce canton puissent pleinement réaliser leur mission. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, une phrase ne vous aura peut-être pas échappé dans le rapport élaboré par M. Alberto Velasco. A la page 99, les rapporteurs des politiques publiques C, D et E, Mme Lydia Schneider Hausser et M. Olivier Cerutti, écrivent que l'on constate inexorablement que l'appauvrissement et le vieillissement de la population sont en augmentation. Une fois qu'on a lu cela, on a à peu près compris l'état actuel d'appauvrissement de la population genevoise. Si on se réfère à la politique du Conseil d'Etat durant cette dernière année de législature, que constatons-nous ? Je vous le déclinerai en trois points. L'Etat de Genève offre une palette de prestations, parfois supérieures à celles d'autres cantons, parfois égales; il y a des obligations régaliennes, puis des politiques menées en sus. Sur toutes ces politiques publiques, je relèverai trois points qui sont chers aux Verts. Le premier, c'est l'accès aux prestations sociales. Le deuxième, ce sont les coupes dans les subventions qui ont eu lieu - je parle du fameux 1%. Et pour ce qui est du troisième point, c'est une politique du Conseil d'Etat en silo. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît, pendant qu'une collègue s'exprime. Si vous voulez discuter, je vous suggère d'aller dans les locaux annexes !

Mme Frédérique Perler. Je vois qu'il y a toujours un très grand intérêt lorsqu'on parle de social dans ce parlement... J'espère qu'avec la venue du nouveau Conseil d'Etat, les choses vont un peu changer. C'est en tout cas ce que ce nouveau Conseil d'Etat a l'air d'annoncer; je m'en réjouis, et les Verts avec moi. Ce qui se passera, si on continue à mener ces politiques ainsi, c'est que nous allons créer une bombe à retardement. Je m'explique. L'accès aux prestations sociales doit être totalement revu: on parlait des e-démarches et d'informatique, eh bien une partie de la population n'a pas accès aux e-démarches, elle ne reçoit plus certains documents qu'elle recevait auparavant de la part de l'administration - je parle tout bêtement du revenu déterminant unifié. Maintenant, peu savent ce qu'il en est. On voit bien dans les comptes que certaines prestations sont en diminution, parce que lorsque l'on se rend sur le site internet de l'Etat pour chercher ce à quoi on pourrait éventuellement avoir droit, eh bien on ne s'y retrouve pas ! Je suis navrée de vous le dire de la sorte, mais ce site internet ne va pas pour des personnes qui ne sont pas aguerries dans l'utilisation de l'informatique ! Là, on est en train de créer une fracture sociale. On a aussi le vertige lorsque l'on constate que certains services ne fonctionnent plus de manière rationnelle. On peut voir dans le rapport qu'à peu près 20% du budget de l'Etat est consacré aux prestations sociales. Je suis convaincue - et les Verts avec moi - que nous pouvons faire des économies et gagner en efficience sans licencier personne, sans diminuer aucunement le nombre de personnes octroyant ces prestations. Simplement, on doit pouvoir trouver des points de convergence pour servir ces prestations qui deviennent pour l'Etat extrêmement complexes, chronophages et très coûteuses - en argent, forcément, ainsi qu'en matériel.

S'agissant ensuite des coupes dans les subventions, on n'a pas besoin de trop s'appesantir sur ce sujet; on les connaît, on connaît leurs effets induits, surtout pour les services sociaux privés, les institutions subventionnées et, encore et toujours, pour l'Hospice général qui reste sous-doté, malgré le million que nous avions voté au budget. Il n'est pas tenable de continuer à confier des missions à l'Hospice général, pour l'aide sociale et la réinsertion, au service de protection des mineurs, au service de protection de l'adulte et de l'enfant avec des sous-dotations pareilles. Il y a vraiment lieu de mener ces politiques en concertation les unes avec les autres.

Cela m'amène au troisième point, le fonctionnement en silo. Nous avons évidemment un certain nombre de départements et nous plaçons, nous les Verts, beaucoup d'espoir dans le nouveau collège qui travaillera ensemble et qui pourra trouver des passerelles entre toutes les politiques publiques dont on a parlé jusqu'ici, depuis la formation jusqu'à l'énergie. Je vous remercie.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Je citerai pour ma part un autre élément issu du rapport de majorité de M. Olivier Cerutti sur le rapport de gestion, à savoir que l'aide sociale doit être repensée d'urgence dans un véritable plan global d'action, car les besoins sont toujours plus importants et leur financement non garanti. Il est donc clair que nous avons un problème en matière d'aide sociale et d'assistance aux plus démunis. Cela a été avéré par plusieurs rapports. Je pense notamment au rapport sur la pauvreté qui date de 2016, sauf erreur. Il a ensuite fallu attendre à peu près 2017 pour avoir un rapport du Conseil d'Etat sur la pauvreté, et la réponse de ce dernier a été, en gros, de mettre en place un groupe de travail chargé d'évaluer les pistes qui peuvent être proposées en amont pour éviter que les gens ne tombent dans la pauvreté. On lit également dans le rapport sur les comptes, à la rubrique «Hospice général», que les gens arrivent de plus en plus tard à l'aide sociale; moins de gens entrent à l'aide sociale, mais ils sont de plus en plus pauvres. Là encore, nous avons un problème: que peut-on faire en amont ? Nous avons en outre eu un problème avec le plan cantonal sur le surendettement, à mon avis sous-doté en termes de moyens à disposition, même si des efforts ont été réalisés.

Bref, face à toute cette pauvreté, on a un peu l'impression que l'Etat reste impuissant - j'allais dire les bras ballants, mais c'est peut-être un peu fort. En tout cas, la seule réponse consiste à augmenter les subventions en fonction des barèmes fédéraux et à essayer de colmater les brèches là où on le peut, de sorte que les gens puissent malgré tout vivre décemment dans notre canton. Cela pose aussi un problème qu'on a abordé tout à l'heure: on nous avait annoncé que le système informatique du RDU serait une merveille qui permettrait enfin de calculer très vite les prestations auxquelles auraient droit les bénéficiaires, or on se rend finalement compte que, si ce système est peut-être bénéfique à l'administration, ceux qui doivent en faire usage sont complètement démunis face à ce système informatique souvent compliqué. Je pourrais faire la même remarque en ce qui concerne les prestations complémentaires cantonales: on attend toujours l'évaluation de ces fameuses prestations complémentaires familiales censées compléter les salaires qui ne permettent pas de vivre décemment. On attend de savoir si ces prestations complémentaires cantonales sont efficaces, mais ce que l'on peut déjà dire, c'est que le service des prestations complémentaires n'agit vraiment que comme un service administratif, c'est-à-dire qu'il n'y a aucun suivi des dossiers. Il n'y a pas de soutien social et ce sont souvent les organisations subventionnées - on l'a dit tout à l'heure - qui, à titre subsidiaire, sont chargées de s'occuper du dossier social et d'obtenir ces aides complémentaires familiales. En plus, on connaît la problématique des effets de seuil. Tout cela fait que le système est très compliqué, avec tout ce qui peut être ajouté et déduit. Les évaluations sont souvent réalisées trois à quatre années plus tard, ce qui a pour conséquence que, souvent, des familles dans le besoin doivent rembourser les prestations auxquelles elles n'avaient pas droit. Bref, on a vraiment besoin d'une réforme en profondeur de l'aide sociale et de la politique sociale ! On avait de grands espoirs, on nous a souvent promis cette réforme de l'aide sociale, mais pour l'instant on est un peu comme ma soeur Anne: on n'a rien vu venir ! Nous plaçons donc de grands espoirs dans la nouvelle politique qui va être engendrée par la séparation des départements: peut-être que la nouvelle équipe pourra réaliser ces réformes que nous attendons et que nous appelons de nos voeux. Le parti démocrate-chrétien va donc malgré tout soutenir cette politique, et c'est un gage d'espoir dans la nouvelle administration. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Patrick Saudan (PLR). Le parti libéral-radical a approuvé cette politique pour une raison assez simple: dans un contexte difficile caractérisé par le doublement du nombre de dossiers à l'Hospice général ces dix dernières années, nous estimons que ce dernier a bien rempli sa mission. C'est notre avis et, dans ce concert de lamentations, j'aimerais quand même mentionner un signe positif: 9% des personnes qui émargeaient à l'Hospice général ont pu sortir de l'aide sociale, et le taux de retour de ces personnes à l'aide sociale est très stable. L'Hospice général mène donc une politique proactive qui ne consiste pas seulement à distribuer des prestations sociales. Oui, le parti libéral-radical est évidemment d'accord avec vous, la situation d'une partie de la population s'est précarisée. Est-ce dû à une politique sociale qui n'est pas assez généreuse ? Nous en doutons fortement. Nous le savons, c'est multifactoriel: la population vieillit, il y a eu un transfert de charges de l'Etat fédéral vers le canton, mais surtout, il faut le dire, une partie de la population a de plus en plus de difficultés à accéder au marché du travail avec l'irruption du numérique. A ce propos, j'ai entendu M. de Sainte Marie parler de formation continue. C'est l'une des pistes à étudier à long terme: même dans les professions à faible qualification, une formation continue est nécessaire pour que les gens gardent leur emploi.

Il faut reconnaître - et je remercie Mme Perler d'avoir eu l'honnêteté de le dire - que notre politique sociale est quand même généreuse; elle est même plus généreuse que dans d'autres cantons. Parlons chiffres, puisque nous sommes dans les comptes: nous distribuons 1350 millions de francs d'aide sociale à 100 000 Genevois, toutes prestations sociales confondues ! Le problème est que le système est devenu extrêmement complexe - là aussi, il y a un certain consensus parmi nous - autant pour les usagers que pour les gens qui doivent distribuer ces aides sociales, et c'est vrai qu'on peut imaginer le simplifier. Il y a d'ailleurs - c'est un chiffre qui doit intéresser notre parlement - 1200 fonctionnaires qui distribuent ces aides sociales, alors que l'on sait qu'environ deux tiers des bénéficiaires des aides sociales émargent à toutes les aides sociales. Il est donc probablement possible de simplifier notre système d'aide sociale; je sais que c'est un souci du département - ça l'était déjà au temps de M. Poggia - et nous sommes tout à fait conscients que M. Apothéloz va s'employer durant cette législature à essayer de simplifier notre système d'aide sociale. En conclusion, le PLR soutiendra cette politique. Je vous remercie.

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, une personne sur quatre ayant droit à une aide sociale n'y recourt pas. Pourtant, la mission de l'Etat est de garantir à ses citoyens et citoyennes l'accès effectif aux droits reconnus dans ses textes législatifs. Les comptes de l'action sociale - que le parti socialiste votera - sont donc équilibrés parce qu'au moins 25% des personnes qui auraient droit à une aide sociale n'exercent pas ce droit. Quand il y a une augmentation de 4% des personnes qui viennent réclamer une aide de l'Hospice général pour le paiement de leurs primes d'assurance-maladie, comme ce fut le cas en 2017, le Grand Conseil est contraint de voter une demande de crédit supplémentaire de 6,8 millions de francs. Le parti socialiste souhaite donc que le Conseil d'Etat soit plus actif à Berne concernant le front des primes d'assurance-maladie et qu'il y joue de son influence.

Nous actons la tenue correcte des comptes, mais nous invitons le gouvernement à être beaucoup plus actif dans la chasse aux précarités cachées qui conduisent aux hontes dissimulées et à la stigmatisation et qui provoquent à bas bruit des coûts croissants pour notre société. Le non-recours à l'éligibilité à une prestation sociale d'une personne sur quatre heurte notre principe de justice et crée des inégalités fondamentales entre les citoyens qui conduisent à des coûts cachés pour la société.

Certains partis politiques font de la lutte contre les abus le seul moteur de leur politique sociale. Le Conseil d'Etat se gargarise d'ailleurs, dans son rapport sur les comptes, d'avoir rappelé une disposition pénale en matière de fraude sociale aux 90 000 bénéficiaires de l'aide sociale. A notre avis, c'est plutôt la lutte contre ceux qui sont abusés dans leurs droits qui devrait nécessiter toute l'attention et l'énergie du Conseil d'Etat, car le phénomène et son coût social sont d'une tout autre ampleur !

Le groupe socialiste attend maintenant avec impatience que le nouveau conseiller d'Etat Thierry Apothéloz développe une nouvelle politique sociale concernant la lutte contre le non-recours à cette aide sociale: il faut faire en sorte que les aides se socialisent à la demande et aillent à la rencontre des destinataires, plutôt que de fixer des budgets qui seront certes tenus mais en rejetant un quart des citoyens de toutes origines et de tous âges hors de l'exercice de leur droit, ce qui est inacceptable. Aujourd'hui, l'efficacité des politiques sociales reste fortement perfectible. Le groupe socialiste invite donc vivement le nouveau conseiller d'Etat chargé de l'action sociale à activer, par une nouvelle vision, le renforcement et l'accessibilité aux aides sociales. (Applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, on entend les théories de l'ingénierie sociale de la gauche: il faudrait mettre tout le monde à l'aide sociale. Le vrai droit que les gens doivent avoir, c'est le droit au travail, ce n'est pas le droit à l'aide sociale ! Dans un canton comme Genève, que faudrait-il faire ? Genève est un canton frontière qui devrait bénéficier de protections particulières pour ses travailleurs. C'est ça le problème ! Il subit une concurrence déloyale de la part des frontaliers et de l'Union européenne: c'est ça le seul problème. Les autres cantons n'ont pas ce souci; seuls les cantons frontières comme Bâle et Genève ont ce problème, tout simplement parce que la population de travailleurs est remplacée par les frontaliers. C'est ça le problème, et il n'y a aucune protection ! Ça, c'est scandaleux ! C'est une politique de protection de l'emploi: on ne demande pas de mettre toute la population à l'aide sociale, mais qu'elle puisse travailler, qu'elle puisse avoir une dignité. C'est la seule chose que les gens demandent, mais aujourd'hui, on voit quoi ? Le grand remplacement de la population et des travailleurs genevois par les travailleurs de l'Union européenne, et personne ne dit rien ! Vous trouvez ça normal ? En plus, les syndicats ne défendent même pas les travailleurs genevois, du moment qu'ils encaissent les cotisations. Je trouve ça inadmissible ! (M. Marc Falquet rabat énergiquement son micro.)

Une voix. Ouais, bravo ! (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur Falquet. Je vous rappelle que votre micro doit encore tenir quelques heures. Je passe maintenant la parole à M. le député François Baertschi.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Bien évidemment, je ne peux qu'aller dans le sens de mon préopinant: il faut défendre les résidents locaux de manière prioritaire pour qu'ils aient la dignité que confère un emploi, il faut défendre ceux qui se trouvent au bord du chemin suite aux difficultés de l'existence en leur donnant le minimum vital, et même plus: le minimum social. Mais c'est quelque chose qu'on réussit à faire à Genève actuellement. Je n'ai pas eu connaissance de beaucoup de cas où il y avait des abus en la matière. Après, c'est vrai qu'il peut y avoir certains abus dans l'attribution de l'aide sociale. Je crois qu'il ne faut pas se cacher la réalité, et il est important de s'attaquer à ces abus justement pour donner les moyens suffisants à ceux qui méritent d'avoir l'aide sociale, et Dieu sait s'ils sont nombreux. Dieu sait s'il y a des problèmes à Genève, Dieu sait si ça doit être la priorité mais, à ma connaissance, c'est quand même globalement la politique qui a été menée. Il y a bien évidemment des situations particulières qu'il faut régler au cas par cas, il faut s'en occuper et trouver des solutions de manière tout à fait pragmatique pour ces personnes - je crois que chacun doit s'y atteler, et c'est aussi notre travail - mais à mon sens c'est quand même ce qui a été fait globalement en 2017, et de manière positive.

M. André Pfeffer (UDC). Entre 2005 et 2015, l'aide à la population a augmenté sensiblement et 13 000 nouvelles personnes ont été inscrites à l'aide sociale. Le montant versé aux bénéficiaires augmente également. L'aide octroyée par Genève est l'une des plus élevées du pays et c'est le canton où la hausse est la plus forte. Les raisons avancées sont la grande proportion d'étrangers à Genève - pour beaucoup d'entre eux sans formation - le caractère urbain ainsi que le grand nombre de familles monoparentales. Pour le groupe UDC, il existe aussi une inadéquation et un manque d'incitation au retour à l'emploi. Par exemple, un père de famille avec deux enfants à l'aide sociale devrait gagner au minimum 50% de plus que le salaire minimum dans des branches telles que l'hôtellerie ou la vente, car sans un revenu de ce type, il n'a aucun intérêt à sortir de l'aide sociale. Pour cette raison, le groupe UDC ne soutiendra pas ce rapport.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. J'ai écouté nos collègues de l'UDC, Monsieur le président. C'est dramatique, Messieurs, parce que vous êtes quand même membres d'un parti qui est très à droite et qui vote toutes les politiques de droite qui ont pour conséquence ce que nous vivons aujourd'hui ! Malgré toute l'emphase mise par le Conseil d'Etat pour essayer de résoudre le problème, celui-ci subsiste année après année. Aujourd'hui, si vous avez 50 ans, ici ou ailleurs, vous ne trouvez plus de travail, même si vous êtes formé ! Ça n'a rien à voir, c'est le système lui-même qui produit ça ! Un exemple: M. Blocher est un propriétaire d'entreprises multimillionnaire, mais emploie-t-il partout des Suisses ? Eh bien non ! Vous tenez un discours d'un côté, mais vous appartenez à un parti qui agit différemment de l'autre côté. Il faut donc arrêter ! C'est le système que nous avons mis en place qui produit cela. Le député PLR a tout à l'heure parlé des centaines de millions de francs qu'on verse, mais c'est le système qui est absolument absurde ! On verse des centaines de millions de francs à des gens pour qu'ils retrouvent leur dignité, alors que chacun d'entre nous devrait avoir un travail. C'est ça, la citoyenneté !

Mesdames et Messieurs de l'UDC, quand nous demandons plus d'argent au budget pour essayer d'avoir plus de postes à l'Etat, pour essayer d'avoir plus de prestations, vous vous y opposez. Cela permettrait pourtant d'avoir plus d'emplois, mais vous le refusez constamment. Vous êtes donc incohérents ! Vous vous plaignez qu'on n'embauche pas les gens de 50 ans et plus, mais quand on veut justement plus de prestations grâce à des postes supplémentaires, vous n'êtes pas d'accord ! On l'a vu cet après-midi quand il s'agissait de l'instruction publique: on s'est arraché la gorge en disant qu'il y avait trop de postes pour l'instruction publique. Mesdames et Messieurs, plus de postes pour l'instruction publique, cela revient à plus de travailleurs, plus de salaires, plus de personnes pour faire tourner l'économie et faire fonctionner la République et canton de Genève dans la dignité. Mais vous refusez constamment ces politiques budgétaires, Mesdames et Messieurs !

Maintenant, les patrons: qu'ils paient le moins possible les ouvriers, à la limite, c'est juste ! Pour eux, c'est une question de coûts; ils sont dans une situation de concurrence. S'il n'y a pas de lois pour réguler le marché, que voulez-vous qu'ils fassent ? (Commentaires.) Vous avez instauré la libre circulation - un projet totalement libéral - et voilà les conséquences. (Commentaires.) Oui, mais vous les acceptez, ces conséquences ! La gauche s'est battue pour avoir une régulation; on s'est battu pour cadrer tout cela, mais nous n'y sommes pas parvenus, parce qu'il est impossible de surveiller le marché avec quelques contrôleurs par-ci par-là. C'est le système lui-même qui produit cela. Monsieur le conseiller d'Etat, moi je vous félicite parce que, dans ce «mare magnum» extrêmement difficile à gérer, vous faites parfois des choses miraculeuses. (Commentaires.) Oui, mais vous n'y arriverez pas pour les personnes qui ont 50 ou 55 ans aujourd'hui: elles sont éjectées du marché et c'est très difficile pour elles !

Le président. C'est à moi que vous parlez, Monsieur le député !

M. Alberto Velasco. Pardon ?

Le président. Vous devez vous adresser à moi ! Je transmettrai.

M. Alberto Velasco. Monsieur le président, aujourd'hui les citoyens de 50 ou 55 ans, même très bien formés, ne peuvent pas trouver d'emploi: ce n'est pas une question de formation, c'est parce qu'on n'en veut plus ! Ils coûtent trop cher ! Monsieur Poggia, dites-nous ce que vous pouvez faire pour cette population de 50 ans et plus !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je transmettrai mot pour mot votre message. La parole est maintenant à M. le député Olivier Cerutti.

M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Le rapporteur de deuxième minorité a attaqué le patronat, mais je rappelle quand même qu'aujourd'hui - je parle sous le contrôle de Mme Haller - le patronat a des conventions collectives de travail dans 60 à 70% des domaines et essaie en principe de les respecter. Cela étant dit, je suis quand même obligé de revenir sur certains propos par rapport à l'Hospice général. Effectivement, lors de la préparation du budget 2017, nous avons accepté un million de francs de plus au parlement afin de donner des moyens supplémentaires à l'Hospice général. Puis, dans le courant de l'année 2017, la commission des finances a voté un crédit de 6,7 millions de francs pour l'Hospice général afin qu'il puisse faire face à ses besoins. On voit donc que la responsabilité sociale de l'Etat existe, notamment en commission des finances où, quand il est nécessaire d'apporter des moyens supplémentaires, nous y répondons.

La dernière chose que j'aimerais dire sur l'Hospice général, c'est qu'il s'agit d'une institution dans laquelle beaucoup de gens travaillent et - je peux parler aussi au nom de Mme Lydia Schneider Hausser, qui était présente avec moi - chaque fois que nous avons rencontré l'Hospice général, tant son président M. Martin-Achard que son directeur général M. Girod, nous avons eu l'impression que nous avions en face de nous des gens excessivement responsables - responsables pas seulement au niveau financier, mais responsables aussi de la cohésion sociale qu'apporte l'Hospice général au sein de nos institutions. Mesdames et Messieurs, je peux vous dire que ce sont des gens qui accomplissent leur travail avec une très grande générosité et un grand coeur, et qui essaient la plupart du temps de répondre de manière positive.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, en accord avec mon collègue Thierry Apothéloz qui va reprendre le flambeau ou qui l'a déjà repris depuis le début du mois, je m'exprimerai sur les critiques formulées, dans la mesure où j'ai porté cette politique publique. Parce que cela fait la cinquième fois que j'entends les mêmes litanies, les mêmes critiques de la part de mon extrême gauche qui considère chaque fois que nous n'en faisons pas assez et que nous stigmatisons les pauvres et les personnes en difficulté, j'aimerais à titre liminaire commencer avec une petite touche d'humour malgré la gravité du sujet. Un grand penseur contemporain que tout le monde connaît, M. Jean-Claude Van Damme, a dit quelque chose d'admirable: «Le chômage existe parce qu'il y a du travail. S'il n'y avait pas de travail, il n'y aurait pas de chômage. Le problème, c'est donc le travail.» (Rires.) Voilà une grande pensée ! En paraphrasant M. Van Damme dans un autre sujet, celui qui nous occupe ici, on pourrait dire que la pauvreté existe parce qu'il y a de la richesse, et que s'il n'y avait pas de richesse, il n'y aurait pas de pauvreté. Donc le problème, ce n'est pas les pauvres, c'est les riches ! (Quelques applaudissements.)

Non, soyons sérieux, Mesdames et Messieurs ! Je crois qu'on peut vous entendre critiquer année après année le fait que l'on ne fait rien pour essayer de diminuer le nombre de personnes précarisées, le fait qu'on trafique les statistiques pour faire diminuer le taux de chômage en envoyant les gens à l'aide sociale mais, s'il vous plaît, prenez simplement la peine d'aller voir les statistiques ! Prenez la peine d'aller voir ce qui se fait: les statistiques, ce n'est pas Genève qui les établit, c'est le SECO; c'est la Confédération qui les établit sur les mêmes bases pour toute la Suisse. Nous sommes passés d'un taux de chômage de 6% à un taux de 4,3% entre le début et la fin de l'ancienne législature, alors même que Genève est l'un des quatre cantons suisses incluant dans ce taux de chômage les personnes qui restent inscrites à l'office cantonal de l'emploi quand bien même elles ne touchent plus d'indemnités de chômage. Cela est très clairement indiqué par le SECO. Donc, lorsque nous passons de 6% à 4,3%, reconnaissez d'abord qu'il y a une économie qui fonctionne de mieux en mieux, ce dont nous nous réjouissons - nous ne nous en attribuons pas tous les mérites - mais qu'il y a aussi un office cantonal de l'emploi qui fournit des efforts, lesquels apportent des résultats. Donc, de temps en temps, pour les collaboratrices et les collaborateurs de ces offices qui travaillent quotidiennement pour améliorer la qualité des prestations, il serait heureux qu'on exprime un minimum de gratitude dans cette enceinte ! Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas au milieu du gué; cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas encore des efforts à faire. C'est vrai qu'il faut les faire !

Par ailleurs, on nous reproche d'avoir enfin produit un rapport sur la pauvreté. Mais vous devriez nous dire bravo d'avoir enfin réalisé le rapport sur la pauvreté que vous demandez depuis des législatures ! Nous l'avons fait lors de la dernière législature et avons même mis en place un plan d'action, avec l'ensemble des acteurs du monde associatif oeuvrant dans ce domaine. Donc véritablement, le Conseil d'Etat empoigne la problématique !

Quand j'entends du côté du PDC dire qu'on verse des prestations complémentaires mais qu'on ne suit pas ces personnes, excusez-moi ! Vous n'allez pas faire appel à un assistant social - à moins qu'elles ne le demandent - pour soutenir les personnes à partir de 65 ans à qui l'on donne des prestations complémentaires en plus de leur rente AVS, ou bien les personnes invalides qui les reçoivent en plus de leur rente invalidité ! A moins qu'elles ne le demandent, on ne va pas mettre ces personnes sous curatelle ! C'est cette société que vous avez en vue de créer ici, à Genève ? Ce n'est en tout cas pas la mienne, et je suis certain que ce n'est pas celle que veut ce Conseil d'Etat. (Brouhaha.)

Ensuite, on nous dit qu'une personne sur quatre ne demande pas les prestations sociales. Qu'est-ce que vous en savez ? Est-ce qu'il y a des statistiques ? Va-t-on vers les gens leur dire: «Vous auriez droit aux prestations sociales; pourquoi ne les demandez-vous pas» ? Vous voulez faire une campagne de publicité ? Posez-vous la question: s'il y a des personnes qui ne demandent pas l'aide sociale, pourquoi ne le font-elles pas ? Est-ce parce qu'elles sont stigmatisées ? Qu'elles ne veulent pas entrer dans le système ? Qu'elles espèrent en sortir rapidement ? Est-ce parce que les prestations, finalement, ont un seuil d'accessibilité trop bas et qu'elles considèrent subjectivement n'avoir pas besoin de ce soutien de l'Etat pendant la période durant laquelle elles en auraient besoin ? Est-ce que vous voulez, là aussi, avoir une société d'assistés ? Est-ce l'image que vous avez de la société que nous voulons bâtir ?

Enfin, vous nous dites qu'on stigmatise les bénéficiaires en faisant de la lutte contre la fraude notre fer de lance. Ce n'est pas le cas, Mesdames et Messieurs, mais quand on est obligé, année après année, de faire une politique du rabot ou de la toise, quand on est obligé de diminuer les prestations pour tout le monde - ou en tout cas obligé d'essayer de le faire - parce que nous n'avons plus suffisamment de moyens, peut-être faut-il se poser la question de savoir s'il ne serait pas préférable, plutôt que de pénaliser les personnes qui ont des droits, de retirer les prestations à celles qui n'y ont pas droit. Nous nous sommes posé cette question: le résultat, c'est 25 millions de francs de décisions de remboursements et 8 millions de francs dans les caisses de la part de personnes qui ont touché de l'argent indûment et qui l'ont remboursé à l'Etat. Et cet argent ira à celles et ceux qui y ont droit ! Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais maintenant mettre aux voix cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique C «Action sociale» est rejetée par 47 non contre 42 oui.

D - PERSONNES AGEES

Le président. Il nous reste dix politiques publiques à parcourir et à voter. Je vais indiquer le temps restant pour chaque groupe. Pour Ensemble à Gauche: vingt-trois minutes. Pour les socialistes: trente-cinq minutes. Pour les Verts: trente et une minutes. Pour le PDC: trente-trois minutes. Pour le PLR: vingt-sept minutes. Pour l'UDC: trente-huit minutes. Pour le MCG: trente-sept minutes. Et je rappelle que nous avons encore dix politiques publiques à traiter ! Quant au Conseil d'Etat, il dispose de vingt-trois minutes... (Exclamations. Remarque.)

Nous passons maintenant à la politique publique D «Personnes âgées» et je cède la parole à M. Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Puisque M. Poggia disait qu'on ne lui tressait pas de lauriers, j'aimerais indiquer que, s'agissant de la politique publique relative aux personnes âgées, il faut remarquer que l'Etat a fait énormément de choses et a mis en place des structures vraiment fantastiques pour les personnes âgées. Le but est de les garder à domicile et d'éviter qu'elles aillent en EMS, mais malheureusement on ne peut pas lutter contre les années qui passent: on devient de plus en plus âgé et il arrive hélas un moment où on est obligé d'aller en EMS, parce qu'on n'a plus la capacité de rester à domicile. Je le répète, le but de l'Etat est de garder les gens le plus longtemps possible à domicile; tout le monde doit se battre pour cela, il faut mettre en place des structures, elles existent, et nous remercions le Conseil d'Etat d'avoir investi et d'avoir développé ces structures.

Le souci, dans cette politique des personnes âgées - et je pense qu'il est partagé par tous les groupes - c'est surtout les difficultés qui surviennent au niveau cognitif, à savoir la perte de la réflexion et le développement de démences chez les aînés, qui constituent sûrement des problèmes beaucoup plus importants que la perte d'autonomie physique. En effet, la perte d'autonomie psychologique est un problème qui va être de plus en plus fréquent et qui va obliger aussi à développer des structures spéciales - on le voit avec la maladie d'Alzheimer. On a un souci énorme et il faut que les gens soient soutenus, or on se rend compte que si on les soutient chez eux, qu'on les intègre dans des immeubles où ils sont aidés par les voisins, on peut les garder beaucoup plus longtemps à domicile.

Notre seul autre petit souci concernant cette politique publique - qu'on votera néanmoins avec enthousiasme - c'est quand même les prestations complémentaires. On voit qu'à Genève 13 842 personnes reçoivent ces prestations complémentaires. Je vais un peu embêter M. Poggia, mais il y a sûrement pas mal de personnes âgées qui ne les demandent pas parce qu'elles ont honte de le faire. Pour les personnes âgées, c'est même souvent une honte d'aller chercher de l'argent à la banque ! Je pense donc qu'il faut pouvoir disposer d'un système qui aide les gens à les obtenir et qui leur permette aussi de recevoir le remboursement de ces prestations complémentaires un peu plus rapidement qu'à l'heure actuelle, parce que les gens avancent de l'argent et reçoivent le remboursement de ce qu'ils ont avancé bien trop tard, ce qui fait qu'ils ont souvent beaucoup d'argent dehors et qu'ils n'ont pas les économies suffisantes pour pouvoir tenir longtemps en raison des sommes qu'ils ont avancées. Nous encourageons donc l'Etat à continuer sa politique très active en faveur des personnes âgées; c'est une politique publique essentielle à Genève, parce qu'on deviendra de plus en plus âgé et tout le monde - nous les premiers - va en avoir besoin. Il faut que l'Etat investisse beaucoup plus de moyens et qu'on le soutienne dans l'investissement de ces moyens pour les personnes âgées, parce qu'elles méritent d'être soutenues et de pouvoir rester à domicile. Nous voterons donc cette politique publique. Je vous remercie.

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, sur les 494 000 habitants de notre canton en décembre 2016, 81 000 - soit 16% - avaient plus de 65 ans, et 24 000 plus de 80 ans. En 2010-2014, l'espérance de vie s'est élevée à 80 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes. A l'heure où l'on discute d'augmenter l'âge de la retraite, ces enjeux sont cruciaux. Selon les projections démographiques, d'ici 2040 la population des plus de 65 ans se montera à presque 30% ! Cela doit conduire le Conseil d'Etat à proposer des plans d'actions et des politiques publiques adéquates. Aujourd'hui, ce n'est pas encore le cas. Là encore, le non-recours à l'aide sociale est majeur. Et pour les personnes âgées, bien souvent, demander reste quelque chose qui ne se fait pas. Cela dit, vieillir accroît les risques d'inégalités et de ruptures sociales, mais est aussi une source de potentiel et de ressources encore bien trop inexplorée. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît ! Il y a de l'agitation et c'est tout à fait dommage, parce que quelqu'un se donne la peine d'argumenter. (Commentaires.) Si on ne veut pas l'écouter, on peut aller dans les salles annexes. Vous avez la parole, Monsieur.

M. Sylvain Thévoz. Merci, Monsieur le président. Les aînés ne sont donc pas seulement des bénéficiaires, mais aussi des personnes donnant des heures et du temps au bénéfice de la collectivité. Même dans le grand âge, la plus-value des aînés est importante. Si aujourd'hui les personnes âgées sont en meilleure forme physique et mentale, elles souffrent toutefois de symptômes de dépression très répandus, avec une forte échelle de disparité concernant les revenus individuels. Cela demande un accompagnement, comme l'a rappelé M. Buchs du PDC, pour redessiner les limites entre vie active et retraite. Il faut lutter contre l'âgisme, encore source de trop de préjugés. Cette lutte contre les discriminations doit aujourd'hui être renforcée.

Notre société est incontestablement et statistiquement vieillissante. Ce défi du vieillissement se conjugue au défi de l'immigration, lequel n'a pas pour but d'équilibrer la balance démographique, mais y jouera un rôle fondamental. Concernant le marché du travail, le vieillissement de la population ouvre un champ de développement nécessaire au renforcement de la qualité de vie pour toutes et tous. L'emploi important de migrants dans les domaines du «care» représente un défi et exige des conditions de travail exemplaires ainsi que des formations adaptées. Le Conseil d'Etat est resté loin du compte en 2017 dans ce domaine, comme il est resté loin du compte dans sa lutte contre les taux d'absentéisme à l'IMAD, qui résultent de l'épuisement des équipes et d'un manque chronique de moyens. Le maintien à domicile des personnes âgées sera l'un des grands enjeux des prochaines législatures. Cela appelle innovation et créativité, et demande du Conseil d'Etat de ne pas s'encroûter dans une logique par trop gestionnaire. Merci de votre attention. (Quelques applaudissements.)

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC soutiendra cette politique publique, mais j'aimerais quand même vous confier le souci que nous avons. Tous les arguments qui ont été présentés sont valables et nous y adhérons, mais il est question du troisième et du quatrième âge. Mesdames et Messieurs, nous avons parlé tout à l'heure du chômage; eh bien à 50 ans vous êtes fini, vous êtes sur la touche, vous n'avez plus d'argent... Les prix des loyers sont élevés et l'UDC a vraiment un grand souci à ce sujet: quelle est la politique sociale du logement qu'on entreprend pour tous ces gens qui doivent quitter prématurément leur travail et qui ont encore des familles à charge ? Rien n'est fait, et c'est en ce sens que l'UDC désire s'exprimer ce soir, non pas pour condamner, car nous soutiendrons cette politique publique, mais pour dire qu'elle est beaucoup plus large que ce que nous avons entendu et ce que nous lisons dans les rapports. On doit nettement abaisser l'âge à partir duquel on s'occupe des gens, parce que ce sont peut-être des chômeurs, des bénéficiaires de l'Hospice général, mais aussi prématurément des personnes âgées. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, le groupe PLR votera la politique publique D «Personnes âgées». J'aimerais cependant faire quelques observations et je parlerai pour commencer des EMS, qui représentent quand même la partie la plus importante de la politique publique en matière de personnes âgées. Il faut savoir que l'année dernière, des lits supplémentaires d'EMS ont été ouverts pour répondre à la demande, ce qui se traduit d'ailleurs par un taux d'occupation très élevé, de l'ordre de 98%, qui correspond à celui des années précédentes. Il faut également relever que le coût de séjour a été maintenu aux alentours de 400 F par jour, ce qui montre qu'on s'inscrit dans une continuité s'agissant du souci d'efficience financière. On mentionnera en outre que le taux d'institutionnalisation - c'est-à-dire le nombre de personnes en EMS par tranche d'âge - augmente légèrement mais reste aux alentours de 13-14%. C'est un taux relativement bas, qui existe depuis plusieurs années dans le canton de Genève. En effet, Genève, avec le canton de Vaud, a mis en place depuis plusieurs décennies une politique volontariste de maintien à domicile visant à retarder l'âge d'entrée en EMS. Cet âge d'entrée en EMS reste d'ailleurs élevé et a même augmenté, passant de 85 à 86 ans, ce qui représente une légère hausse par rapport aux années précédentes. Cela traduit probablement le fait que les personnes âgées augmentent en nombre absolu et que la durée totale de vie augmente elle aussi. On vieillit donc plus et il y a plus de personnes vieillissantes et âgées dans le canton. Il faut également relever, et c'est un élément qui va dans le même sens, que la durée de séjour en EMS reste stable, aux alentours de trois ans, ce qui illustre vraiment - et ces indicateurs concernant les EMS sont intéressants - la politique de maintien à domicile que j'évoquais tout à l'heure et qui est l'un des piliers importants de la politique des personnes âgées.

J'aimerais quand même rappeler à cet égard - on ne le fait peut-être pas suffisamment souvent - que le canton de Genève est pionnier en matière de gériatrie. Au début des années 70, Genève a développé un modèle, avec la construction de l'hôpital de gériatrie, qui s'est délibérément inscrit dans une politique médico-sociale de la gériatrie, puis au début des années 90, nous avons voté ce qui a permis et permet toujours de financer les soins à domicile. Tout ça pour dire que le canton de Genève a une histoire exemplaire et que le département a montré qu'il continuait dans cette voie de manière tout à fait efficiente. Devons-nous donc dire que tout va bien ? J'ai plutôt envie de dire que jusque-là ça va. En effet, nous sommes aujourd'hui - et les navigateurs me comprendront - sur une route de collision s'agissant des moyens de financement des soins de longue durée. C'est un problème général, qui concerne évidemment tous les pays développés, et la Suisse n'y échappe pas. Aujourd'hui ça ne fait pas encore trop mal, mais un certain nombre d'indicateurs montrent que nous avons du souci à le faire. Le département s'est d'ailleurs exprimé dans ce cadre-là lors de ses auditions à la commission des finances. La Confédération ne va pas augmenter ses transferts sur les cantons pour prendre en charge les politiques de soins de longue durée, et il est évidemment exclu que cette hausse des coûts - liée simplement à l'augmentation des personnes nécessitant des soins de longue durée - soit prise en charge par l'assurance-maladie. Il y a donc un réel problème de financement à long terme des soins de longue durée pour les personnes âgées, lequel doit nous amener à continuer à nous interroger sur la manière dont nous allons collectivement pouvoir financer à l'avenir cette augmentation incontournable de nos charges. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Olivier Baud (EAG), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, vous vous souvenez peut-être de l'initiative populaire 125 intitulée «Pour une meilleure prise en charge des personnes âgées en EMS» datant de 2005: elle partait d'un constat de 1998 concernant l'outil PLAISIR, qui visait à assurer des soins non pas optimaux, mais juste acceptables, convenables, pour les personnes âgées. La question qu'on pourrait et qu'on devrait se poser est la suivante: vingt ans plus tard, où en est-on véritablement, vu que cette initiative populaire a été acceptée dans l'intervalle ? Au sein d'Ensemble à Gauche, nous subodorons que les conditions d'accueil des personnes âgées dans les EMS ne sont toujours pas acceptables, justement. En effet, sachant que le taux d'occupation s'élève à 99%, on ne peut pas imaginer que les conditions d'accueil soient bonnes, même si les esprits économistes et rationalistes s'en contentent peut-être, car pour arriver à une moyenne, ça signifie qu'à certaines périodes ce taux se monte à plus de 99%. C'est donc véritablement une problématique qu'il faudrait mieux empoigner, parce que le nombre de personnes âgées augmente dans notre canton. On est certes parvenu à retarder leur entrée en EMS avec l'IMAD, l'institut de maintien à domicile, et on peut s'en féliciter, mais ça veut dire que les personnes âgées arrivent en EMS dans de moins bonnes conditions de santé et qu'elles nécessitent davantage de soins, davantage de personnel soignant formé, ce qui n'est pas du tout le cas à Genève. Je ne vais pas expliquer trop longuement les raisons pour lesquelles on refusera cette politique publique, parce qu'il y a aussi la politique publique K «Santé» qui traite notamment des proches aidants, la politique E sur le handicap, etc. Ces trois politiques sont liées sur de nombreux points, et j'aimerais laisser davantage de temps aux autres intervenants pour développer la question des proches aidants et de l'IMAD. Merci.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Monsieur le président, vous transmettrez à la personne qui vient de s'exprimer qu'elle ne connaît manifestement pas le contexte des EMS. En effet, il n'y a aucun lien entre le taux d'occupation de l'EMS, qui peut être de 95, 98 ou 99% suivant les périodes - notamment pendant les périodes de grippe, d'ailleurs - et la qualité de l'accueil. Il faut quand même rappeler que dans les EMS il y a un membre du personnel soignant pour un résidant, ce qui constitue un taux d'encadrement tout à fait satisfaisant. J'ajoute à cela que les EMS sont systématiquement contrôlés par le département de M. Poggia, par les services du chimiste cantonal, par les services de contrôle interne de l'Etat, et je n'admets pas que l'on puisse dire que la qualité de l'accueil dans les EMS n'est pas bonne. J'invite volontiers M. Baud - vous lui transmettrez, Monsieur le président - à visiter quelques EMS pour voir la façon dont on s'occupe des résidants, dont on les suit, dont on les encadre, et dont certaines animations sont mises en place régulièrement. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais formuler une remarque transversale par rapport à cette politique publique, parce qu'on parle des politiques publiques les unes après les autres, et on oublie les relations qui s'établissent entre celles qui nous occupent et d'autres choix faits par l'Etat. En particulier, j'aimerais rappeler que l'année 2017 a été marquée par un arrêt de travail important dans les EMS genevois, lié à l'externalisation des soins hôteliers. Je sais qu'une solution pragmatique a été apportée après cet incendie dans un secteur très important de la politique sociale à Genève, mais ce dernier a fait peur non seulement à un grand nombre de personnes âgées, qui s'inquiètent de la situation des EMS, mais aussi à tous les proches aidants, qui se demandent si la qualité des prestations pourra être durablement maintenue dans les EMS.

Il y a un problème qu'on n'évoque pas dans ce débat, parce qu'il est transversal, c'est celui des entités subventionnées et du financement des mécanismes salariaux. Vous savez que ça a fait l'objet d'un projet de loi qui a fait des allers-retours entre la commission des finances et la plénière, mais on a récemment auditionné des représentants des associations faîtières des EMS, qui nous ont expliqué l'un comme l'autre que pour maintenir la qualité des prestations dans les EMS, il fallait trouver une solution à la prise en charge des mécanismes salariaux, puisque la loi cantonale impose ces mécanismes salariaux. Si le personnel des EMS, notamment hôtelier ou soignant, reste lié à la grille salariale de l'Etat, eh bien il faut que sur les fonds tiers des EMS on puisse trouver les financements nécessaires pour garantir le respect de ces mécanismes salariaux. Le choix se pose donc ainsi: soit on externalise des prestations pour que ça coûte moins cher afin de pouvoir trouver les moyens de payer le personnel qui reste et qui est soumis à la grille salariale de l'Etat ainsi qu'aux mécanismes salariaux, soit il faut trouver des fonds ailleurs. Je crois qu'on a résolu pragmatiquement le problème qui s'était posé et qui avait suscité ce conflit dans les EMS genevois - M. Poggia nous l'expliquera sans doute - mais nous n'avons fait que repousser le problème un peu plus loin.

J'aimerais conclure mon intervention en disant que si on se réjouit tous que l'espérance de vie se soit allongée - en particulier en bonne santé, ou dans des conditions convenables - nous devons cependant réfléchir au financement de la prise en charge de ce magnifique résultat de la civilisation qu'est l'allongement de l'espérance de vie. Et comme certains disent que nous n'avons pas d'argent, je reprends une nouvelle fois, quitte à vous lasser, la «Tribune de Genève» de mercredi, qui nous explique qu'en 2017 les fortunes ont augmenté de 100 milliards en Suisse et de 10 milliards à Genève. (Exclamations.) J'imagine qu'il y a donc de quoi financer les mécanismes salariaux dans les EMS. C'est une question de choix politique, de choix de société, et il faut arrêter de dire que dans ce pays il n'y a pas les moyens de garantir des conditions d'accueil durablement en amélioration pour les personnes âgées. Merci. (Commentaires.)

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je ne serai pas trop long afin de ne pas empiéter sur le temps du Conseil d'Etat, mais j'aimerais quand même dissiper quelques malentendus. Il faut savoir que depuis le 1er janvier 2017, la politique des EMS, des personnes âgées, est passée à la politique de la santé. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problématiques sociales, dont nous allons évidemment parler avec mon collègue Thierry Apothéloz, mais le subventionnement par mandat de prestation pour les soins en EMS est pris en charge par la politique publique K «Santé». C'est la prestation en EMS. A part cela, il y a les prestations à la personne, qui entrent véritablement dans la politique D dont nous parlons ici. Il s'agit notamment des prestations complémentaires pour les personnes âgées, qui sont déplafonnées pour les résidants des EMS. Eh bien pour la première fois, le montant de ces prestations complémentaires est en train de baisser, malgré l'augmentation de la population... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Poggia, je vous demande une petite seconde, s'il vous plaît ! Il y a beaucoup trop de bruit, ce n'est vraiment pas possible !

M. Mauro Poggia. Je suis bien d'accord avec vous !

Le président. Je suggère encore une fois à ceux qui veulent discuter de le faire à l'extérieur de la salle. Le magistrat répond à un certain nombre de questions que vous lui avez posées, il me semble donc que le minimum serait de l'écouter. C'est à vous, Monsieur Poggia.

M. Mauro Poggia. Merci, Monsieur le président. Je disais donc que la population vieillit, que nous vieillissons tous, et que pourtant nous constatons pour la première fois que les prestations complémentaires pour les personnes au bénéfice d'une rente AVS n'augmentent pas autant qu'on l'avait estimé. Pourquoi ? Parce qu'il y a de plus en plus de personnes qui ont des rentes LPP plus importantes, ce qui permet évidemment de limiter le complément versé par l'Etat par le biais des prestations complémentaires, qui sont fédérales ou cantonales. Je rappelle en effet que le canton de Genève verse des prestations complémentaires cantonales qui s'ajoutent aux prestations complémentaires fédérales.

En ce qui concerne plus particulièrement les EMS, il y a donc les prestations socio-hôtelières qui sont versées déplafonnées, raison pour laquelle nous fixons le prix de pension en EMS en fonction du coût de fonctionnement de chaque EMS, à qui nous demandons aussi des efforts d'efficience. Une partie est prise en charge par l'assurance-maladie pour les soins; pour le reste, nous pouvons demander une participation aux résidants, et toute la différence est versée par le canton pour 75% des résidants en EMS, 25% payant cette somme de leur propre poche.

La politique des personnes âgées est donc difficile, on l'a dit, et elle nous concerne évidemment tous. Mais à Genève, un virage bienvenu vers une prise en charge à domicile a été opéré depuis maintenant vingt ans, et il est vrai que chez nous on entre en EMS beaucoup plus tard que dans le reste de la Suisse, soit à pratiquement 86 ans, alors que la moyenne nationale se situe à 83 ans. Le corollaire, c'est que les personnes arrivent évidemment en moins bonne santé, donc avec la nécessité d'un encadrement plus grand et des coûts plus importants.

Je ne vais pas répondre trop dans le détail sur la question de l'externalisation, mais c'est vrai qu'à un moment on s'en est ému, puisqu'on comprend bien que mandater des entreprises externes signifie à terme sortir des grilles salariales de l'Etat, avec à la clé des salaires moins importants pour les collaborateurs. Mais il ne faut pas jouer les hypocrites: ça fait aussi partie des recherches d'efficience que l'Etat demande à l'ensemble de ses établissements. Par contre, il y a une ligne rouge qu'il ne faut pas franchir, c'est celle de la qualité des prestations, à savoir notamment la relation personnelle entre le résidant et les personnes qui viennent dans sa chambre. Or c'est vrai que les personnes servant les repas à la cafétéria ou dans les chambres et venant nettoyer les chambres ont un contact personnel avec les résidants qui est dans certaines situations parfois supérieur à celui des aides-soignantes, lesquelles sont bousculées en devant intervenir successivement auprès de plusieurs résidants. Nous avons donc dit que lorsqu'il y a une prestation immédiate à la personne, l'externalisation n'est pas possible, et ceux qui avaient déjà fait le pas ont trois ans pour revenir en arrière. C'est une solution qui a été élaborée avec l'ensemble des partenaires, y compris la FEGEMS et l'AGEMS, qui ont compris que la ligne rouge était là certainement franchie.

Ce que je demande, dans ce domaine, c'est surtout de ne pas faire d'effets d'annonce. La population est extrêmement vulnérable et sensible, je pense donc que lancer à la cantonade que les prestations en EMS ne sont pas de bonne qualité est de nature à inquiéter ces personnes, et notamment leurs proches, sur lesquels on se concentre avec la mise en place de la politique des proches aidants pour leur apporter un soutien. D'autant plus que c'est faux ! Il suffit d'effectuer une comparaison avec ce qui se passe dans le reste de la Suisse pour se rendre compte que nos EMS sont véritablement des établissements de très haute qualité, et je saisis cette occasion pour remercier l'ensemble des collaboratrices et des collaborateurs de ces établissements pour le travail quotidien qui est fait auprès de nos aînés. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant nous prononcer sur cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique D «Personnes âgées» est adoptée par 77 oui contre 8 non.

E - HANDICAP

Le président. Nous abordons maintenant la politique publique E et je passe la parole à Mme Marjorie de Chastonay.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les Verts refuseront la politique publique E «Handicap». En raison de la nouvelle composition des départements, il est important de mettre en avant l'aspect transversal de cette politique. J'aimerais aussi vous rappeler à quel point cette dernière est focalisée sur les personnes en milieu institutionnel, or il y a un nombre important de personnes en situation de handicap dans notre canton, et la grande majorité d'entre elles se trouvent à domicile. A Genève, entre 65 000 et 81 000 personnes de 15 ans et plus vivent avec des incapacités au sens large, et ce nombre augmentera en fonction du vieillissement de la population. Je pose donc la question: est-ce une thématique du social ou de la santé ? (Commentaires.) Ces personnes en situation de handicap sont confrontées à différents obstacles, dans tous les milieux et à tous âges. Cela va de l'école inclusive à l'inclusion professionnelle, de la mise en conformité d'immeubles ou de logements à l'accessibilité aux transports, de l'accès aux soins au respect des droits fondamentaux. Je pourrais continuer ainsi longtemps, et j'ajouterai en outre une thématique qui touche des dizaines de milliers de personnes à Genève, celle des proches aidants. Comment le Conseil d'Etat a-t-il géré cela pendant l'année écoulée ainsi que durant toute la législature et comment va-t-il le gérer à l'avenir ? Il y a eu une gestion cloisonnée et en silo de la thématique du handicap. Ainsi, le jeu du ping-pong peut reprendre et la balle passera de nouveau du département de la cohésion sociale au département de la santé, et ainsi de suite. Les Verts souhaitent donc que des éclaircissements soient donnés à ce sujet. Le nouveau conseiller d'Etat va-t-il sortir de la vision socio-sanitaire du handicap et travailler de manière transversale en concertation, c'est-à-dire avec les départements mais aussi les milieux concernés, afin d'améliorer la qualité de vie de toutes les personnes en situation de handicap, des proches aidants et des milieux associatifs qui, souvent, suppléent l'Etat dans son devoir ? Les Verts refuseront donc cette politique publique et souhaitent davantage de transversalité à l'avenir. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs les députés, quelqu'un l'a dit tout à l'heure, année après année les commentaires sont un peu les mêmes, parce que malheureusement la politique n'évolue pas, ou pas suffisamment. Bien évidemment, en prenant connaissance de ce rapport, on doit saluer l'ouverture de 56 nouvelles places d'accueil et d'hébergement, mais c'est à peu près le seul point positif que je vais aborder ce soir s'agissant de cette politique du handicap. Il faut en effet noter que sur l'ensemble des dossiers de demande de place institutionnelle, un délai d'attente de plus de nonante jours a été constaté pour deux tiers d'entre eux, soit plus d'une centaine - c'est ce que nous dit toujours le rapport - entre la date de dépôt de la demande et le moment où la place en institution a été trouvée. On voit donc que la situation reste très tendue, et si un effort a été réalisé, c'est parce qu'il y a eu une pression importante des associations, qui ont notamment lancé la pétition 1874 pour qu'il y ait suffisamment de places en institution. Mais on a une politique publique qui reste axée sur la question des institutions, alors qu'elle devrait être beaucoup plus large, comme l'a dit ma préopinante.

D'autre part, on parle toujours d'intégration et non d'une société inclusive, soit une société avec un environnement accessible à l'ensemble de nos concitoyens et concitoyennes et qui leur offre la même liberté de choix en matière de logement, de soins, d'éducation et d'emploi. De cette vision inclusive, on trouve finalement très peu de traces dans ce rapport sur la politique du handicap. Certes, il faut l'admettre, le Conseil d'Etat n'a pas été très aidé dans sa tâche par le parlement, dans la mesure où le PL 11718, qui est un projet de loi tout à fait fondamental sur l'accessibilité des logements, des places de travail et des lieux publics, s'est enlisé à la commission du logement et a été totalement dénaturé - on y reviendra. Mais tout de même, en matière de politique sociale il serait nécessaire d'avoir là encore une politique d'information active. En effet, qui connaît à Genève l'existence de la contribution d'assistance qui permet d'assurer aux personnes concernées un minimum de libre choix s'agissant des solutions de logement, un minimum de libre choix entre les possibilités institutionnelles et le fait de rester à domicile ? Qui connaît l'existence du fonds Helios ? On voit dans ce rapport qu'il y a 468 000 F prévus au budget qui n'ont pas été dépensés. Là encore, c'est de l'argent disponible pour rendre les lieux publics accessibles et donc diminuer l'exclusion. Ce qu'on constate en outre en lisant ce rapport, c'est un taux d'institutionnalisation dont on prévoit une hausse en 2020. Alors c'est bien de prévoir une augmentation du nombre de places, mais pas une augmentation de la proportion de places en institution par rapport à l'ensemble des personnes concernées, car c'est une vision qui manque singulièrement d'ambition en matière d'inclusion. On le voit bien dans la méthode de calcul de l'indicateur, puisqu'on parle de 2600 places d'accueil en institution sur 13 600 bénéficiaires de rentes AI, alors que, comme l'a dit ma préopinante, il n'y a pas que les rentiers AI qui sont en situation de handicap; cela concerne beaucoup plus de gens, soit 70 000 à 80 000 personnes.

Je terminerai en disant deux mots sur le service des prestations complémentaires. Le rapport se glorifie du faible nombre de recours comme indicateur et, pour cause, il y a effectivement très peu de contestations de ces décisions du SPC, tout simplement parce qu'elles sont totalement incompréhensibles. Alors rendre des décisions vite, c'est bien, mais rendre des décisions de qualité et compréhensibles pour l'administré, c'est encore mieux.

Pour toutes ces raisons, nous voterons non à cette politique du handicap du Conseil d'Etat et fondons beaucoup d'espoir sur la gestion qui sera pratiquée par notre magistrat Thierry Apothéloz avec ce nouveau département de la cohésion sociale. Nous espérons du reste que l'expression «cohésion sociale» sera enfin synonyme d'une véritable politique inclusive à Genève. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, j'ai fait tout à l'heure un retour en arrière pour vous parler des commencements de la gériatrie genevoise au début des années 70. J'aimerais faire un peu la même chose s'agissant du handicap, mais cela nous amène beaucoup plus loin. Je rappelle que dans les années 50 et 60, toutes les personnes qui se retrouvaient paraplégiques à la suite d'un traumatisme mouraient. Dans les années 70 et 80, elles se retrouvaient en institution. Eh bien de nos jours, ces personnes - qui d'ailleurs sont souvent plutôt tétraplégiques que paraplégiques suite aux accidents de la circulation - sont intégrées dans la vie normale. Elles ne sont plus en institution. (Commentaires.) Cela pour vous dire que les politiques de financement et d'accueil qui ont été établies pour prendre en charge les personnes en situation de handicap l'ont été en bonne partie pour la prise en charge de personnes atteintes de ce que l'on appelait traditionnellement les handicaps physiques. Aujourd'hui, on n'est plus dans cette même situation: on se retrouve majoritairement avec des personnes qui ont des troubles associés psychiques, psychiatriques et physiques, qui de plus ont vieilli, et qui souffrent maintenant en outre de polymorbidités liées à l'âge qui nous guettent un peu tous. La situation des politiques publiques en matière de handicap se voit donc prise de vitesse par la réalité de l'évolution médicale ou médico-sociale, dans un carcan qui est celui du financement. Il s'agit du reste en bonne partie d'un carcan fédéral, puisqu'il est lié à l'AI et à ses règles, qui donne relativement peu de marge de manoeuvre aux cantons. Je pense que ce contexte-là devait être rappelé.

Maintenant pour revenir au rapport du Conseil d'Etat sur cette politique - que le PLR va d'ailleurs accepter - force est de constater que dans ce cadre-là le département n'évacue pas du tout les différentes problématiques que j'ai évoquées, et je relèverai un élément, qui est à mon sens majeur, à savoir la recherche d'indicateurs au sens large qui permettront demain de mieux prendre en compte la réalité des personnes en situation de handicap, certes dans une perspective de prise en charge en institution dans les établissements pour personnes en situation de handicap. Cela afin de pouvoir dépasser la situation dans laquelle on est, et notamment pouvoir mieux prendre en compte les handicaps psychiques qui aujourd'hui ne le sont pas, ou très peu, dans les structures de financement des différents établissements prenant en charge des personnes handicapées, ce qui se traduit - et le département est le premier à le reconnaître - par une forme d'inégalité de traitement s'agissant des moyens financiers attribués aux institutions. Cette prise de conscience, cette volonté d'en sortir de la part du département est donc tout à fait marquée, et nous ne pouvons que la saluer. Cela étant dit, nous sommes ici pour évaluer le rapport de gestion 2017 et essentiellement nous assurer que les budgets alloués ont été utilisés conformément aux engagements pris, et là encore le PLR ne peut que constater le respect des engagements politiques pris.

S'agissant enfin de tendre vers une société inclusive, je m'associe aux propos tenus par mon préopinant: je pense qu'effectivement c'est un problème de société que nous avons. Une société inclusive consiste à reconnaître déjà entre nous l'autre, quel qu'il soit, dans toutes ses singularités, et à donner à chacun la possibilité d'avoir la place qu'il mérite dans la société. C'est un beau projet de société et, personnellement, j'y adhère. Il est vrai qu'entre la situation dans laquelle nous sommes et un avenir rêvé, il y a encore du chemin à faire mais, pour conclure, je répète ce que j'ai déjà dit, à savoir que le PLR acceptera le rapport de gestion sur la politique publique E «Handicap» et votera cette dernière. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Le groupe démocrate-chrétien va également accepter la politique E «Handicap». Nous sommes sensibles aux efforts qui ont été faits, notamment en vue d'augmenter les places de résidants, et tenons quand même à rappeler que cette politique publique coûte 404 millions de francs à l'Etat et qu'elle a été en hausse d'environ 4,3% en 2017. Des efforts conséquents sont donc réalisés. Nous sommes aussi très sensibles à l'intégration des personnes handicapées dans leur lieu de résidence; nous nous sommes dès lors attelés à nous préoccuper des proches aidants, entre autres en déposant à la fois une motion et un projet de loi, notamment dans le but de faire reconnaître le statut des proches aidants - qui fait l'objet d'une définition seulement dans le plan cantonal d'aide aux proches aidants - afin que ceux-ci puissent précisément être reconnus. Il est clair que la principale préoccupation des proches aidants n'est pas forcément d'avoir des moyens financiers plus importants, mais c'est quand même l'un des axes de réflexion du plan cantonal d'aide aux proches aidants, parce que quand on a un enfant handicapé à la maison, devoir diminuer son temps de travail peut poser problème; il est donc parfois nécessaire de compenser cette diminution par une aide, qui pourrait se traduire, comme nous le proposons, par une baisse fiscale.

Le proche aidant est appelé à épauler toujours plus la personne handicapée à domicile. On a évoqué tout à l'heure la contribution d'assistance, mais nous nous demandons aussi ce qu'il en est de l'allocation d'impotence. Cette allocation est-elle toujours bien demandée et attribuée ? C'est en effet une difficulté qui a été constatée, notamment par la Cour des comptes dans un autre domaine, celui des EMS, où un commissaire relevait lors de l'examen d'un établissement médico-social que la moitié des contributions de l'Etat versées à cet établissement pourrait être transférée à l'allocation d'impotence si celle-ci était demandée et attribuée. La question que l'on pose aujourd'hui est donc celle de savoir si cette allocation est bien demandée, utilisée et attribuée et si elle ne pourrait pas par là même aussi contribuer à alléger un peu les charges de l'Etat.

Et puisque l'on parle d'intégration, il y a un autre domaine qui à mon avis est encore laissé ouvert par le département, c'est le transport de ces personnes handicapées de leur lieu de domicile à des établissements de jour, ou simplement dans le cadre de leurs loisirs. Je sais qu'un important travail a été réalisé par le département pour répertorier les véhicules disponibles des différentes institutions et essayer d'unifier les tarifs, mais qu'en est-il maintenant de l'extension de ces transports et de la collaboration avec les services privés, sachant que le coût d'un transport peut varier du simple au double, voire au quadruple, en fonction du transporteur à qui l'on adresse sa demande ? Mesdames et Messieurs les députés, je pose ces questions au conseiller d'Etat mais, pour le reste, comme je l'ai dit, le parti démocrate-chrétien acceptera cette politique publique, en soulignant quand même les efforts importants qui ont été consentis durant cette dernière législature.

M. Bertrand Buchs (PDC). Très rapidement, j'aimerais rebondir sur la question de la contribution d'assistance et de l'allocation d'impotence en demandant au Conseil d'Etat de voir quelle est la pratique de l'office cantonal AI, parce que les demandes sont quasiment toutes refusées et qu'il est extrêmement difficile d'obtenir ces aides, alors que les gens en ont besoin. J'ai l'impression que la pratique en usage à l'office cantonal AI n'est pas juste vis-à-vis de ces personnes qui sont en situation de handicap ou qui ont tout simplement un problème lié à l'âge. Je vous remercie.

M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur de majorité. Je pense qu'il est quand même important de rappeler que l'ensemble des politiques que nous votons en ce moment concernant l'action sociale, les personnes âgées ainsi que le handicap représente près de 20% du budget de l'Etat et que leur coût, après subventions, se monte à 1,351 milliard. Mesdames et Messieurs, je vous entends avec beaucoup d'acuité. Il y a assurément un certain nombre de choses importantes, mais lorsque l'on dit tout et son contraire, cela devient difficile. A force de tout réclamer, vous n'aurez plus rien ! Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à nouveau à M. Mizrahi.

M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, il me semble que vous n'avez pas bien écouté, en tout cas pas ce que j'ai dit. De nouveau, vous êtes là dans le purement quantitatif. Vous pesez une politique et tenez des propos contraires à ceux que vous aviez tout à l'heure sur l'éducation quand vous disiez que l'Etat dépense trop dans ce domaine. En effet, là tout d'un coup vous nous dites que c'est magnifique qu'on dépense beaucoup pour ces politiques. Mais ce n'est pas la quantité qui fait la qualité, Mesdames et Messieurs ! Ce qu'on demande, c'est autre chose, c'est une politique qui voit plus loin, c'est une politique inclusive, parce que peut-être même que la politique inclusive coûte moins cher. Je vous invite donc à réfléchir à cela. Merci.

Le président. Merci pour cette invitation, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Olivier Cerutti.

M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je pense qu'il est excessif de s'emporter de cette manière. A mon sens, il faut simplement rappeler les choses, Mesdames et Messieurs. Nous sommes face à une politique qui a une importance cruciale pour notre population. Je n'ai pas dit que cette politique était malmenée, je dis aujourd'hui qu'elle répond à un certain nombre d'objectifs et que ces mêmes objectifs ont été accrédités par vous-mêmes en commission des finances; vous avez accepté ces politiques-là. (Exclamation.) Je m'étonne donc aujourd'hui de ce revirement. Je comprends qu'il y ait un certain nombre de remarques, car rien n'est parfait dans la vie. Oui, Monsieur Mizrahi, rien n'est parfait ! Mais aujourd'hui nous sommes face à des réalités économiques. Je me pose donc une question avec vous: comment continuerons-nous à financer ces politiques, Mesdames et Messieurs ? L'impôt sera-t-il toujours suffisant ? Je ne le crois pas. Je vous remercie.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'entends vos critiques, il est bien sûr toujours possible de voir le verre à moitié vide plutôt qu'aux trois quarts plein, mais si vous regardez ce qui se passe dans d'autres cantons, vous pouvez vous dire qu'à Genève il y a véritablement une politique du handicap efficace, respectueuse et soutenante. Je ne dis pas que tout est parfait ! Mesdames et Messieurs, vous avez entendu le coprésident et la coprésidente de la FéGAPH - à savoir la Fédération genevoise d'associations de personnes handicapées et de leurs proches - nous demander ce que fait l'Etat. Mais vous êtes le premier partenaire de l'Etat ! Nous versons 2,4 millions à vos membres pour précisément mener une politique du handicap, et vous venez nous reprocher, à nous Etat, de ne pas faire de la communication auprès des personnes handicapées, qui ne demanderaient pas des contributions d'assistance ? Eh bien mon collègue Thierry Apothéloz ne manquera pas de regarder prochainement comment vous utilisez, comment vos membres utilisent les subventions qui vous sont données, puisque vous êtes toujours en train de demander davantage à l'Etat plutôt que de justifier ce que vous faites vous-mêmes sur le terrain.

Cela étant dit, nous avons instauré un groupe interdépartemental concernant la politique du handicap - c'est la première fois - lequel a mis en place des pistes dans le domaine du travail, et nous avons travaillé avec l'office cantonal de l'assurance-invalidité, mais également en matière de logement. Vous avez du reste dit ce qu'il en est du projet de loi qui est malheureusement encore en discussion et qui vise précisément à permettre l'accès à des logements adaptés. Et s'agissant des transports, notre ex-collègue Luc Barthassat a aussi passablement oeuvré pour l'accès aux transports publics dans ce contexte. Regardez donc ce qui se fait et arrêtez de vous plaindre ! Soyez de véritables partenaires ! Nous attendons des associations que nous subventionnons qu'elles soient des partenaires de l'Etat et qu'elles contribuent à faire en sorte que l'Etat puisse atteindre les objectifs que vous-mêmes nous imposez. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je lance à présent le vote sur cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique E «Handicap» est adoptée par 50 oui contre 37 non.

F - ENVIRONNEMENT

Le président. J'appelle maintenant la politique F «Environnement» et je passe tout de suite la parole à M. le député Cyril Aellen.

M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. Vous me permettrez de parler de népotisme en cette journée du 21 juin 2018. Tout part de la page 461 du tome 2 - que chacun a bien sûr lu - et du programme F04: une subvention d'un montant de 30 000 F est accordée à Pic-Vert. Cette somme ne figurait pas au budget; pire que cela, elle avait été discutée à la commission des finances et la subvention en faveur de Pic-Vert écartée par la majorité. C'est donc fort surpris que j'ai constaté, à la lecture des comptes, qu'un montant de 30 000 F est alloué à cette association, et j'ai demandé quelques explications. Les réponses ont commencé par être assez fumeuses: on m'a indiqué que la subvention distribuée était liée à des points concernant les haies et cela depuis une année, voire depuis deux ou trois ans, et qu'elle serait distribuée aussi en 2018.

Fort peu satisfait de cette situation, j'ai requis d'autres renseignements, et je vous invite à consulter le classeur gris qui est ici, où j'ai demandé qu'on mette les documents obtenus - simplement parce que si la majorité de ce parlement a voulu mener un certain nombre d'enquêtes au sujet d'un magistrat du pouvoir exécutif, je crois que l'indignation est clairement circonstancielle et peu autocritique. Vous y trouverez les décisions, qui nous sont parvenues au compte-gouttes, et les différentes conventions signées entre l'Etat de Genève et l'association Pic-Vert, en particulier par Mme Christina Meissner, députée de ce parlement. La convention prévoit notamment d'octroyer exclusivement aux membres de Pic-Vert des subventions partielles pour le changement des haies. Si vous êtes propriétaire et que vous voulez changer vos haies, vous n'avez pas droit aux allocations de l'Etat ! Ces allocations sont versées à Pic-Vert - dont la secrétaire générale est Christina Meissner - qui touche de l'argent pour s'occuper de cette question et la gérer. Les conventions sont signées par Christina Meissner. La personne responsable de ce projet est Christina Meissner seule. Et Christina Meissner figure parmi les bénéficiaires des subventions allouées ! Voilà comment fonctionne la république aujourd'hui !

Ce sont des montants symboliques - il s'agit de 30 000 F, qui ne sont pas allés entièrement à Mme Christina Meissner, je vous rassure. Elle n'a reçu que quelques milliers de francs, comme d'autres - d'autres membres du comité ou d'autres organes de cette association. Il faut dire les choses comme elles sont. C'est comme ça que le département et la personne en charge à l'époque - elle n'est plus là - ont piloté la politique publique F. Tout ça pour vous dire que tout figure dans le classeur: la façon dont c'est fait et la façon dont ça a été géré. Les montants cantonaux ont été rajoutés à la subvention fédérale - le rapport le mentionne - sans que personne le demande ni estime la chose nécessaire. Au contraire, nous a-t-on dit lorsque nous avons posé la question: les subventions fédérales auraient suffi à satisfaire les personnes concernées !

J'ai oublié de dire que ça ne remonte pas à une année ou deux mais à 2013 notamment et à 2015, soit à l'époque où le Conseil d'Etat lui-même nous expliquait qu'il fallait faire des économies, au point de vouloir supprimer les timbres pour les enveloppes de vote de nos concitoyens ! Et en même temps, il faisait ça ! Quand on cherche à savoir qui a démarché qui, on nous dit encore que c'est le département qui est allé chercher l'association Pic-Vert pour lui octroyer la subvention. Nous avions préalablement connu la subvention annuelle de 50 000 F instaurée par Mark Muller en remerciement de la bonne collaboration sur le projet du PAV et versée régulièrement en faveur du RPSL. Maintenant, il y a ces 30 000 F; peut-être que cela explique le vote de Mme Meissner au mois de mars ! (Applaudissements.)

Mme Patricia Bidaux (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, je vais tenir un autre discours et, en tant que paysanne, me permettre d'ouvrir la discussion sur un sujet dont il a beaucoup été question: les politiques de silos. J'aimerais qu'on puisse aborder l'environnement avec la volonté d'agir de manière transversale. Si je me permets de mentionner cela, c'est parce que j'ai en tête l'exemple de la commission consultative de la diversité biologique et du travail qui a été fait pour la Stratégie Biodiversité Genève 2030. Il y a vraiment eu une volonté de travailler de manière transversale parce qu'il y a eu une prise de conscience: l'environnement ne touche pas seulement la nature, Pic-Vert ou les forêts, mais il touche aussi l'agriculture. Ce soir, le PDC appelle de ses voeux la poursuite de cette dynamique transversale au sein du nouveau département du territoire. L'environnement, la cité, la nature et l'agriculture méritent une politique enracinée dans notre territoire genevois, historiquement nourricier. Vous l'aurez compris, le PDC approuvera la politique publique F «Environnement». Merci de votre attention.

M. Philippe Poget (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, les Verts ont estimé que, l'année passée, le Conseil d'Etat ne s'est pas assez investi dans cette politique publique pour garantir un environnement sain à toute la population, comme le prévoit, je vous le rappelle, notre constitution à l'article 19. Je mentionnerai d'abord, si on parle de camemberts - mon collègue l'a fait pour l'énergie de même que M. Aellen pour l'action sociale - que la politique environnementale représente 73 millions de francs sur les 8 milliards de budget de l'Etat, soit moins de 1%. Si on découpe cette partie du camembert, on obtient un petit bout d'une tranche qui s'accroche vaguement au couteau. En plus, l'attribution à cette politique publique de seulement 73 millions cette année équivaut à une diminution de 5 millions par rapport à l'année précédente.

J'aimerais signaler deux points particuliers: à notre avis, le Plan climat cantonal qui prévoit une diminution de la pollution de l'air ne s'accompagne pas encore de mesures efficaces pour aboutir au résultat visé. Le fait par exemple que des infrastructures qui ont un impact important sur l'environnement, comme notre aéroport, ne soient pas prises en compte dans le document Environnement 2030 - dont nous avons approuvé récemment le rapport du Conseil d'Etat le concernant - et que l'on refuse d'entrer en matière sur un contrôle de cet impact, ne peut être satisfaisant. Notre environnement reste global, et tous les efforts pour l'améliorer doivent être entrepris avec toutes les infrastructures qui ont un impact sur lui. Si on parle du trafic, ce n'est simplement pas sérieux de proposer des mesures volontaires, par exemple le trafic alterné en cas de pic de pollution; ce ne sont pas des dispositions que l'on peut trouver suffisantes si on désire promouvoir la protection de notre environnement.

Le deuxième point que j'aimerais signaler relève de la gestion des déchets et de l'amélioration du taux de recyclage. Nous constatons une légère progression; le taux de recyclage n'atteint pas encore les 50% promis, mais cela ne doit à mon avis pas être une fin en soi. Il est bien plus important de travailler sur la diminution globale des déchets et, dans cette optique, un suivi de la production des déchets en kilos par habitant est bien plus pertinent que le taux de recyclage lui-même. Pour aller vers le long terme, il faut vraiment agir pour diminuer la production globale des déchets. Nous attendons là une politique beaucoup plus proactive et ambitieuse de la part du Conseil d'Etat. Je citerai comme exemple la manière à mon avis consternante dont la question de la décharge bioactive pour les mâchefers a été gérée. Certes, du mâchefer va encore et toujours continuer à sortir des fours des Cheneviers, mais vouloir l'enterrer sous des terres agricoles, voire en forêt, ce n'est certainement pas une solution et ça ne fait que décaler le problème d'environ deux décennies. Nous devons d'abord travailler sur des solutions à long terme pour réduire drastiquement ou valoriser différemment ce mâchefer, et ensuite seulement on s'occupera de régler le problème de celui que nous produisons actuellement.

Si l'on regarde les autres programmes de cette politique publique - «Gestion des eaux», «Nature et paysage» - il faut d'abord reconnaître qu'ils sont insuffisamment dotés même s'ils ont quand même légèrement progressé. Il y a eu la poursuite des renaturations et puis, comme l'a dit Mme Bidaux, l'adoption de la stratégie cantonale pour la biodiversité qui va introduire cette transversalité dont nous aurons vraiment besoin pour oeuvrer tous ensemble en faveur de notre environnement. Je vous rappellerai que nous aurons aussi à doter un fonds pour la biodiversité, qui permettra de travailler sur les mesures du futur plan d'action; ce sera l'une des tâches de notre Grand Conseil lorsqu'il aura adopté celui-ci.

Au niveau de l'agriculture, on peut se réjouir que le monde agricole s'investisse toujours plus pour une production durable et pour une valorisation locale de la production à travers le label GRTA, tout en regrettant que les moyens offerts pour soutenir les conversions en production biologique ne soient pas plus importants. Nous attendons avec impatience le document Agriculture 2030 qui, nous l'espérons, montrera une vision de l'évolution de l'agriculture, de son importance; nous attendons vraiment ce document avec impatience. En conclusion, le bilan de l'année passée reste pour nous insuffisant et, malgré les améliorations constatées, les Verts refuseront cette politique publique. Je vous remercie.

M. Georges Vuillod (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, la politique publique F comprend quatre programmes: «Protection de l'environnement», «Gestion des eaux» qui inclut la sécheresse et les crues, «Nature et paysage» et «Politique agricole». Ses actions se déploient sur une énorme partie du territoire: 60% à 65% du territoire si on prend en compte le lac. Se rapportant à l'eau, à la nature, au paysage, à la gestion des déchets, à la pollution, etc., ce domaine traite de notre qualité de vie, de notre sécurité, de notre santé et de la politique agricole, soit de la production de denrées alimentaires.

Les rapports de force sont à notre sens disproportionnés dans l'attribution des ressources entre ce qui a trait à notre environnement et ce qui a trait à notre alimentation. Sous déduction des contributions fédérales, la politique agricole cantonale ne représente que 8 millions de francs et 25 ETP, dont une bonne partie s'occupe de redistribuer les contributions fédérales versées à l'agriculture pour des prestations qu'elle effectue, je le rappelle, en faveur de la biodiversité, de la nature et du paysage. En résumé et en quelques chiffres, la politique F comprend 258 ETP dont 25 sont destinés à la politique agricole; la politique cantonale agricole reçoit 10 millions de francs sur les 8 milliards de budget. Nous ne demandons qu'un rééquilibrage de ces ressources afin de pouvoir continuer et intensifier la promotion des productions genevoises, tous modes de production confondus; améliorer et intensifier la formation continue des agriculteurs; améliorer les conditions-cadres, notamment l'accès à l'eau et aux énergies renouvelables entre autres par la géothermie. Cela permettra également d'agir sur le coût du travail qui, dans la branche agricole, est 25% plus élevé, je le rappelle, que dans un canton comparable comme Zurich.

Le PLR souhaiterait donc un recentrage et un rééquilibrage de cette politique publique afin de pouvoir convaincre les 500 000 Genevois ainsi que les institutions communales et cantonales du bien-fondé de la logique économique, écologique, environnementale et sociale de consommer local, notamment au travers du label GRTA, et ce de manière volontaire, sans légiférer et sans complications inutiles. Le PLR ne remet pas en cause la politique F pour l'année 2017 et la votera, mais il restera attentif aux équilibres qui seront proposés dans le budget 2019. Je vous remercie.

M. Bertrand Buchs (PDC). Juste une remarque, en tant que président du PDC: j'aimerais dire ici que je réprouve complètement la façon de faire de Mme Christina Meissner, qui est députée PDC depuis un mois. Nous discuterons avec elle, mais on ne peut pas être député d'un parti et membre d'un groupe de pression. J'aimerais que d'autres personnes, au sein de ce parlement, se regardent aussi dans la glace: on est soit député soit membre d'un groupe de pression. Pic-Vert est une association qui déteste le PDC et l'a toujours vertement critiqué dans ses écrits; M. le conseiller d'Etat Serge Dal Busco en est témoin ! Je vous remercie. (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole... (Commentaires. Le président agite la cloche.) Voilà, merci. (Un instant s'écoule.) La parole est maintenant à M. Jean Burgermeister.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, commençons par une note positive: en matière d'environnement, je pense qu'il y a eu de réels progrès dans la défense de la flore, de la faune et des milieux naturels - ça mérite d'être remarqué. De nouveaux outils ont été mis à disposition et les choses se passent globalement bien.

Pour le reste de la politique environnementale du Conseil d'Etat, le bilan est plutôt maigre. Il y a d'abord la question de la pollution de l'air. Le rapport de gestion nous parle des mesures qui peuvent être prises en cas d'urgence. Or, en la matière, il faudrait des mesures en amont pour éviter justement de se retrouver dans ces situations d'urgence - on parle de situations d'urgence lorsque le taux de particules fines, par exemple, dépasse les seuils fixés par l'OMS, seuils au-delà desquels on considère qu'elles sont nocives pour la santé des habitantes et des habitants. Le rapport de gestion ne parle pratiquement que de mesures à prendre dans l'urgence et nous renvoie, pour le reste, à un plan de mesures OPair dont la grande majorité des objectifs fixés pour 2016 n'a pas du tout été atteinte !

Il faut rappeler ici que la pollution de l'air entraîne chaque année en Suisse des milliers de morts prématurées, des maladies respiratoires graves par milliers, et engendre un coût de santé extrêmement, extrêmement lourd. C'est donc non seulement un problème environnemental mais aussi de santé publique et, in fine, un problème social puisque ce sont les habitants des quartiers populaires qui sont le plus fortement exposés à cette pollution. Il y a réellement une lacune dans la politique environnementale du Conseil d'Etat. Quand on nous parle d'encourager la mobilité individuelle électrique - parmi d'autres mesures, mais celle-ci est mise en avant dans le rapport - alors là, ça devient franchement problématique ! Chacun sait que ce n'est pas une solution viable pour endiguer la pollution, notamment la pollution de l'air. Il est temps maintenant de faire un choix en matière de mobilité, le choix de la mobilité douce et des transports collectifs; nous en parlerons plus tard.

Et puis il y a encore la question de l'agriculture et, là aussi, je pense qu'il y a un manque criant de mesures pour soutenir une véritable transition agricole. (Brouhaha.) Même si une grande partie des enjeux est à Berne, le canton dispose d'une marge de manoeuvre pour agir sur ce terrain-là. (Brouhaha.) On peut évidemment parler des labels, notamment Genève Région-Terre Avenir, qui regroupe des producteurs régionaux mais pas des producteurs bio. (Brouhaha.)

Une voix. Chut !

M. Jean Burgermeister. Je ne m'entends même plus parler, c'est insupportable ! Pourtant, je parle fort ! La moindre des choses pour une politique agricole, ce serait d'assurer des revenus décents aux petits producteurs, conformément d'ailleurs à la loi sur l'agriculture qui n'est pas respectée en la matière. Il est important également de reconnaître les formes collectives d'exploitation agricole qui sont bien souvent le noyau dur de la production écologique, et qui ne sont tout simplement pas reconnues, y compris pour ce qui est des paiements directs. Une véritable politique écologique en matière d'agriculture, c'est aussi prendre au sérieux - enfin ! - la question des pesticides, qui sont dangereux pour l'environnement et pour la santé humaine. Il y a des lacunes extrêmement préoccupantes dans la législation suisse et genevoise sur ce sujet.

L'un des objectifs en matière d'environnement, c'est d'articuler la question environnementale aux autres politiques publiques et de favoriser la transversalité en la matière. A cet égard, il faut de nouveau constater un échec: l'économie, en particulier, est la grande absente de ce rapport et n'apparaît pas parmi les sujets réellement traités dans le cadre de la politique environnementale. Cela nous donne l'impression, Mesdames et Messieurs, que les voeux en matière d'environnement s'arrêtent là où les affaires commencent. Pour toutes ces raisons, Ensemble à Gauche vous invite à refuser cette politique publique. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. S'il vous plaît, il y a encore trop de bruit. Il ne reste que trois quarts d'heure avant la fin de la séance et si je dois intervenir à chaque fois, nous n'avancerons pas suffisamment. La parole est maintenant à Mme la députée Simone de Montmollin.

Mme Simone de Montmollin (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, suite aux diverses interventions sur la politique F et à celles de mes collègues PLR, j'aimerais saisir l'occasion de ce débat pour rappeler un certain nombre de choses. La première, c'est que nous sommes effectivement tous très surpris de constater l'octroi de subventions à des organisations qui a priori n'ont pas vocation à mettre en oeuvre la politique F, notamment en matière d'environnement. Très bien si la biodiversité a pu en profiter et si des haies ont ainsi pu être remplacées aux frais de l'Etat ! Ce qui est moins réjouissant, c'est que 30 000 F destinés à des mesures de vulgarisation ont dans le même temps été soustraits à l'agriculture. La vulgarisation, pour ceux qui ne sont pas familiers avec le mot, c'est la discipline qui veut faciliter le transfert de connaissances entre la recherche et la pratique, et c'est bien ce qui fait aujourd'hui défaut pour mettre en oeuvre une agriculture durable, toujours plus respectueuse de l'environnement, et pour faire en sorte qu'à tous les niveaux, à tous les échelons de la production, les acteurs puissent profiter de ces connaissances. Vous apprécierez donc comme vous voudrez, mais sachez que ces 30 000 F ont disparu du budget de cette année, charge aux professionnels de se débrouiller !

Pour revenir sur un certain nombre d'éléments qui ont été évoqués, je partage pour l'essentiel vos attentes concernant l'agriculture. Oui, elle est sous-dotée ! Dans la politique publique F, la partie la moins dotée est bien celle de l'agriculture. C'est celle qui a le moins d'ETP - mon collègue l'a dit: 25 alors que les autres tournent autour de 70 à 88 - et le moins de budget alors que c'est pourtant elle qui génère les plus grandes attentes de la population.

S'agissant des débats sur les pesticides, que notre collègue d'Ensemble à Gauche se rassure: la question n'est pas restée sans réponse. Ça fait des années que l'agriculture travaille sur ces sujets de manière très scientifique, simplement les choses n'avancent pas forcément au rythme que l'on souhaite, et il faut qu'en bout de chaîne le consommateur achète de manière responsable. C'est comme ça qu'on assurera des revenus décents aux producteurs: avec une chaîne de valeurs cohérente du début à la fin. Jusqu'ici, on a seulement ciblé l'agriculteur quant au travail à fournir, selon une idée qui est très personnelle en fonction des courants de pensée mais souvent en décalage par rapport à la réalité.

Mesdames et Messieurs, le PLR va accepter cette politique parce qu'en matière d'environnement, même si d'autres apprécient la chose différemment, nous pensons que de grandes avancées ont été faites, que nous pouvons toujours aller vers le mieux et que la constitution, qui prévoit le droit à un environnement sain, est comme une étoile qui nous guide. Tant qu'il y aura une activité anthropique, l'idée d'un environnement sain sera mise à mal; notre devoir sera de conserver un équilibre même si on ne l'atteindra pour ainsi dire jamais ! Cela dit, j'invite le nouveau Conseil d'Etat à prendre la mesure des réalités de l'agriculture et de ses potentialités. Les réalités par rapport aux enjeux prioritaires qui sont les siens: je l'ai évoqué, les questions des méthodes de production, des conditions-cadres sont centrales pour donner à l'agriculture les moyens de réussir ce tournant. Quant à ses potentialités, elle offre tout ce dont le citoyen a besoin: de la nourriture, des espaces de délassement, des paysages et, surtout, des produits de qualité pour non seulement se sustenter mais partager. J'espère donc que le Conseil d'Etat mettra l'agriculture au centre des priorités de la politique F. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, la synthèse des priorités de la politique «Environnement» expose un noble programme: protection contre le bruit, des sols, des eaux souterraines, traitement des eaux usées. Il y a trente ans, c'était agréable de vivre à Genève; on avait une qualité de vie exceptionnelle qui s'est largement dégradée. Alors il faut maintenant se demander qui dégrade la situation. Qui dégrade notre environnement ? Qui a le plus d'impact sur la dégradation de notre environnement ? Qui est le plus grand prédateur ? Evidemment, c'est nous ! C'est à cause de l'augmentation de la population ! Tout est saturé aujourd'hui, c'est invivable; tous les services sont saturés ! Alors à un moment donné, la question, c'est: est-ce qu'on va continuer à construire comme ça ? Qu'est-ce qu'on veut faire de Genève ? C'est la question qu'il faut se poser ! Est-ce qu'on va continuer à dégrader l'environnement en bétonnant tout Genève ? A chaque fois que vous bétonnez un mètre de surface, vous soustrayez de l'eau à la nappe phréatique - notre collègue parlait des eaux souterraines, de la nappe phréatique. Les poussières dans l'air augmentent et le bruit aussi. Vous bétonnez, vous construisez des blocs d'immeubles; le voisin est en face de vous et la première chose que vous avez envie de faire dès que vous vous réveillez, c'est d'aller chez le psychiatre !

La politique F est donc un simulacre de politique environnementale qui finalement ne fait que dégrader l'environnement à cause de la population. Est-ce qu'on va continuer à augmenter la population ? L'UDC dit stop ! A un moment donné, on doit dire stop à l'augmentation de la population ! La population est la première cause de la dégradation de notre environnement; à un moment donné, on doit dire stop et s'occuper comme il faut des gens qui sont déjà là. Il y en a énormément qui sont mal logés, d'accord, mais il faut déjà s'occuper de notre population, de sa qualité de vie, avant de vouloir accepter et accueillir... Alors c'est évidemment en contradiction avec ce que veulent les socialistes - ils veulent accueillir le monde entier - et ils sont d'accord avec le PLR parce qu'il veut, lui, faire du business et donc construire davantage ! Mais la question se pose: qu'est-ce qu'on veut pour Genève ? Une Genève d'un million d'habitants? Est-ce qu'on pense que c'est comme ça qu'on va protéger la nature ? A un moment donné, posons-nous la question de l'augmentation de la population. L'UDC l'a fait et dit qu'il faut maintenant freiner son augmentation, freiner les constructions et s'occuper vraiment de l'environnement.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, on l'a dit, cette politique publique suscite beaucoup d'intérêt. Elle est vaste, elle est large et touche aux éléments de la vie à travers l'agriculture, l'air, l'eau, les sols; c'est normal qu'elle suscite les passions. Au final, elle passe en revue tous les éléments essentiels à la création de la vie, aussi bien humaine qu'animale - de la vie biologique au sens large. Il est trop tôt pour moi pour vous faire un panorama complet des enjeux de la politique environnementale, et je pense que ce débat ne s'y prête pas, mais voici néanmoins quelques axes.

Tout d'abord, la qualité de l'air et le bruit. C'est vrai, Monsieur le député, l'activité humaine a effectivement contribué à la dégradation de la qualité de l'air à Genève. On en voit très bien les effets autour de l'autoroute, de l'aéroport et des axes de circulation des voitures - mode de transport que vous défendez d'ailleurs beaucoup - et l'impact grave que cela a sur la qualité de l'air. Un chiffre impressionnant: 3000 décès prématurés en Suisse liés à la mauvaise qualité de l'air ! Les différences régionales sont importantes, Mesdames et Messieurs: un Genevois a une capacité pulmonaire de 10% inférieure à un Valaisan - les Valaisans qui habitent à Genève comptent comme Genevois ! (Commentaires. Rires.) Vous voyez donc l'effet de la mauvaise qualité de l'air; ce n'est pas anodin, celle-ci a un impact grave sur les questions de santé publique alors même que la qualité de vie est liée à la santé.

Je passe aux aspects inhérents à la nature. Notre territoire est quand même constitué d'un tiers de nature sauvage, si on peut encore l'appeler ainsi, composée de forêts, d'éléments non bâtis et de nature non productive; un autre tiers est composé de nature productive, c'est-à-dire dédiée à l'agriculture. Pour revenir sur ce tiers de nature sauvage, il faut absolument le préserver. Non, Genève n'est pas un canton-ville ! On le dit souvent en Suisse, mais c'est faux. Genève est certes un canton urbain, avec une ville dense en son milieu, mais c'est aussi un canton de nature. Deux tiers de son territoire sont consacrés à la nature: un tiers à la nature dite sauvage, un tiers à la nature productive agricole. Cette nature doit aussi pénétrer en ville. Avec le réchauffement climatique - car le réchauffement est réel - la Suisse subit une augmentation de température du double de l'augmentation mondiale, et nous devons absolument faire face aux enjeux avec de la nature en ville, des structures de lutte contre la chaleur et contre le réchauffement local pour les personnes âgées et les enfants. Cela va de pair avec les objectifs de renaturation de notre territoire, de valorisation de l'eau pour lutter contre sa pollution. Vous avez suivi l'affaire du perchlorate; nous nous demandons aussi d'où vient cette pollution et mon collègue, Mauro Poggia, mène une enquête poussée. Elle vient forcément de l'Arve, d'usines historiques, et a tout d'un coup fragilisé la nappe phréatique genevoise et par conséquent l'approvisionnement en eau potable de nos concitoyens.

Evidemment, l'agriculture est un point structurant de cette politique publique. L'agriculture a effectivement peu de moyens et de collaborateurs au sein du service public, Madame de Montmollin, et c'est tant mieux. C'est tant mieux parce que l'agriculture, figurez-vous, est un secteur important de l'activité économique de notre canton et de notre pays. C'est le premier secteur, et il est normal que les activités privées soient gérées dans un régime de libre entreprise, et par conséquent que l'Etat ne se dote pas d'une armée de fonctionnaires mais soit là uniquement pour accompagner ou réguler le secteur. Je pense que la tâche de l'Etat en matière d'agriculture est d'accompagner les agriculteurs qui sont, eux, les vrais acteurs, les vrais producteurs des biens alimentaires et de biens de consommation comme les boissons. L'enjeu est de valoriser les produits, les modes de production axés sur la durabilité et la qualité.

Nous avons une agriculture chère, Mesdames et Messieurs - on l'a dit - parce que la main-d'oeuvre est chère et parce que le niveau de vie à Genève est élevé. Eh bien, ces produits qui ont un coût de revient important doivent trouver des consommateurs prêts à payer le prix pour un produit de qualité local. Ce cercle entre le producteur et le consommateur est très important, fondamental, d'un point de vue environnemental, mais aussi au niveau du lien économique que nous devons créer entre le producteur et le consommateur. L'Etat a là un rôle à jouer avec le label GRTA, qui lui appartient, mais en partenariat bien évidemment avec nos producteurs, nos agriculteurs, qui n'ont pas à subir la concurrence de produits élaborés dans des conditions sociales et environnementales ignobles. Ces produits importés - même d'Europe, même du sud de l'Espagne - viennent dans des conditions inacceptables selon nos standards et n'ont pas à concurrencer des produits qui sont, eux, issus d'une réalité économique, sociale et environnementale locale. Sans rentrer dans un protectionnisme absolu, il doit y avoir là au moins une saine concurrence, et on ne peut pas considérer qu'un produit de mauvaise qualité qui vient de l'autre côté de la Terre concurrence équitablement des produits de bonne qualité fabriqués chez nous.

Enfin, et je terminerai par là, Monsieur le député Aellen, j'ai entendu et j'ai lu. Je n'ai pris connaissance de cette subvention de Pic-Vert que récemment, la semaine passée. Elle est effectivement basée sur une logique de prestation à la biodiversité, m'a-t-on expliqué. Je m'engage volontiers à creuser afin de déterminer pourquoi cette subvention est ainsi construite. C'est de l'argent public; si Pic-Vert est une association respectable, il s'agit quand même d'un organisme privé. L'Etat subventionne beaucoup d'associations pour autant que leurs actions s'inscrivent dans le cadre d'un intérêt public bien compris. Peut-être faut-il ici clarifier l'intérêt public, mais il est évident que le Conseil d'Etat ne peut pas vous suivre dans vos suppositions d'achat de voix, d'achat de votes. Tout d'abord, elles sont difficilement compréhensibles puisque vous avez indiqué que cette subvention figure au budget depuis 2013, alors que je n'étais pas encore entré au Conseil d'Etat et mon ancien collègue Luc Barthassat non plus. Il aurait fallu mettre en place quelque chose d'assez particulier pour acheter des voix en vue d'un projet de loi qui n'a finalement été déposé qu'en 2016. Je crois que certains ont la défaite amère. Malgré les moyens financiers importants engagés par les milieux immobiliers, 61,4% de la population s'est très clairement exprimée en faveur du projet d'aménagement du PAV. L'amertume est grande, je peux le comprendre, mais cela ne vous autorise pas à présupposer de la corruption ou un achat de votes de la part de mon ancien collègue Luc Barthassat, et je vous prie donc de faire preuve d'un minimum de respect à l'égard des institutions. Sur le fond du dossier, je regarderai très volontiers si l'intérêt public admet de financer certains propriétaires de villas ou des associations actives en matière de biodiversité, qui peut-être la privilégient en zone villas. Mais j'aimerais avant tout clarifier la situation pour m'assurer que la subvention répond bien à l'intérêt public, sans entrer dans ces allégations.

Mesdames et Messieurs, je suis content de votre intérêt pour la politique environnementale. Je pense que celle-ci est effectivement mise sous pression, vous avez raison: l'activité anthropique exerce une grande pression sur l'environnement, sur la nature au sens large. Mais nous devons trouver des équilibres, et c'est dans ce sens que le Conseil d'Etat souhaite oeuvrer en matière de politique environnementale. Merci de votre attention. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote sur la politique F «Environnement».

Mise aux voix, la politique publique F «Environnement» est rejetée par 46 non contre 40 oui et 1 abstention.

G - AMENAGEMENT ET LOGEMENT

Le président. Nous traitons maintenant la politique publique G «Aménagement et logement». La parole est à M. David Martin.

M. David Martin (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. Un instant s'écoule.) J'attendrai un petit peu de silence, si c'est possible !

Le président. Continuez, continuez, Monsieur le député !

M. David Martin. Le groupe des Verts approuve et accueille positivement le rapport de gestion et les comptes 2017 de la politique publique G «Aménagement et logement». En raison de son dynamisme économique, notre canton connaît une très forte croissance de sa population et de son nombre d'emplois, qui est de l'ordre de 1% à 2% depuis dix ans, ce qui signifie en chiffres absolus 5000 à 10 000 nouveaux habitants à loger chaque année. On se rend bien compte que cela est le résultat d'une politique économique qui le souhaite ainsi.

Non seulement la grave crise du logement qui en résulte est pénible pour la population, mais elle induit en plus d'autres effets négatifs, notamment l'exil des personnes actives à l'extérieur du canton, avec les problèmes de mobilité, d'étalement urbain et les pertes fiscales qui en découlent. J'aimerais relever en particulier certaines actions déployées dans le cadre de cette politique publique durant les dernières années et qui portent maintenant leurs fruits.

En premier lieu, la mise à jour du plan directeur cantonal 2030, dont le but principal est de limiter l'impact sur la zone agricole et en particulier sur les surfaces d'assolement pour la préservation de l'espace rural. Cette mise à jour renforce la nécessité de construire de façon dense et à l'intérieur des endroits bâtis. Les Verts se réjouissent à ce titre du signal fort donné récemment par la population pour le développement du PAV. Nous espérons que cette tendance pourra se poursuivre avec l'adoption de plusieurs modifications de zones en zones villas qui ont été gelées à la fin de la dernière législature. A bon entendeur !

En deuxième lieu, la part de logements d'utilité publique dans le parc locatif genevois a augmenté de 3% en 2017 et a ainsi pour la première fois dépassé les 10%. Pour rappel, l'objectif de la loi LUP vise un taux de 20%; il reste donc beaucoup à faire. Il s'agira en particulier de revoir rapidement l'article 4A de la LGZD, comme le demande l'initiative 161 «Construisons des logements pour toutes et tous: davantage de coopératives et de logements bon marché !» soutenue notamment par les Verts.

Enfin, le renforcement des capacités d'acquisition foncière par la FPLC ou l'Etat permettant aux fondations de droit public et aux coopératives de répondre à une demande croissante de la population pour ce type de logements. Grâce au déploiement du plan d'action coopératives, environ mille logements ont été attribués à des coopératives en 2017. Les Verts saluent cet acte fort en faveur des coopératives qui sont des acteurs du logement particulièrement innovants et attentifs aux questions environnementales, de durabilité et de solidarité.

Construire plus de logements est donc essentiel et cela répond à la préoccupation première de la population. Il y a un retard important à rattraper, ce qui implique la construction d'environ 3000 logements par an ces prochaines années. Mais évidemment, il faut rester attentif à construire tout en préservant la qualité de vie dans les quartiers et en limitant l'empreinte écologique de la construction. A cet égard, plusieurs axes de la politique G mériteraient d'être renforcés.

Premièrement, les démarches visant à développer des quartiers durables et les écoquartiers, par exemple à travers des chartes qui fédèrent les maîtres d'ouvrages en faveur d'une exemplarité en matière de durabilité. Comme exemple, on peut s'appuyer sur la démarche menée à Meyrin dans le quartier des Vergers - où, là aussi, les coopératives d'habitation ont joué un rôle essentiel. Deuxièmement, l'incitation à l'adresse des maîtres d'ouvrages à penser davantage à la qualité de vie des futurs habitants. Les nouvelles démarches participatives de planification des quartiers et le nouveau bonus à la qualité du logement sont des premiers pas dans cette direction. Troisièmement, le maintien et le développement d'espaces verts et de la biodiversité en ville sont aussi un point clé quand on parle de qualité de vie, en particulier pour atténuer les effets d'îlots de chaleur qui - comme vous vous en rendez compte en ce moment - nous touchent chaque jour davantage en raison des changements climatiques. Dans cette optique, on peut se réjouir de voir réunis pour cette nouvelle législature dans un seul département l'urbanisme et la nature. Enfin, la politique G «Aménagement et logement» est absolument indissociable de la politique de mobilité, et là, il va falloir rattraper le retard accumulé lors de la précédente législature. Pour assurer une bonne qualité de vie dans les quartiers existants et futurs, il faut davantage de mobilité douce - il suffit de voir le succès de la voie verte qui vient d'être inaugurée entre les Eaux-Vives et Annemasse - mais aussi davantage de transports publics transfrontaliers. Les Verts appellent donc le Conseil d'Etat à relancer avec vigueur le projet d'agglomération du Grand Genève. Pour relever ce défi, il est peut-être temps de dessiner les contours d'un deuxième, voire d'un troisième CEVA. Je vous remercie de votre attention.

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, la loi LUP - la loi sur les logements d'utilité publique - est très claire: elle prévoit un objectif de 20% du parc de logements en logements d'utilité publique. Or aujourd'hui, on peine à atteindre les 10% et l'augmentation annuelle se chiffre en quelques centièmes de points de pourcentage. L'outil justement prévu pour la mise en oeuvre de cette politique permettant d'atteindre cet objectif de 20% de logements d'utilité publique, c'est le fonds LUP, un fonds qui doit être doté de 35 millions par an, lissés sur plusieurs années. Dans le budget 2017, 33 millions étaient affectés à ce fonds. Or, en analysant ces comptes, on constate que seuls 27 millions ont été utilisés à cette fin; c'est près de 20% du financement qui n'a pas été utilisé. Et ce n'est pas comme si on n'avait pas besoin de ce type de logements à Genève. Je rappelle que plus de 8000 personnes sont inscrites sur les listes de l'office cantonal du logement, en attente d'un logement social. Aujourd'hui, nous devons nous donner les moyens de nos ambitions et, au sens du parti socialiste, cela passe par une véritable politique de maîtrise foncière. Un des outils qui nous permet justement de maîtriser le foncier, c'est le droit de préemption, or en 2016 - nous n'avons pas encore les chiffres pour 2017 - l'Etat n'a jamais utilisé son droit de préemption. Cela s'inscrit dans une pratique politique du Conseil d'Etat qui refuse de se substituer au privé pour la construction de logements. Pourtant, et le parti socialiste en est convaincu, la maîtrise foncière est nécessaire pour soustraire durablement les logements à la spéculation et assurer la construction d'un nombre suffisant de logements d'utilité publique pour répondre aux besoins de la population.

Je dirai également un mot sur le programme G02, «Aménagement du territoire». Le parti socialiste reconnaît les efforts du département en matière de construction de logements. On peut aisément le constater en regardant les indicateurs inscrits dans les comptes, notamment le 3.1 qui montre que les densités des PLQ sont nettement supérieures à la valeur cible qui avait été inscrite dans le budget 2017; de même, la durée de procédure des PLQ a été largement inférieure à la valeur cible du budget. Malheureusement, ces efforts sont annihilés par une politique de blocage du PLR, soutenu par l'UDC et le MCG. Je pense notamment au feuilleton du périmètre des Corbillettes ainsi qu'à ceux du périmètre des voies CFF à Vernier, de Lancy-Pont-Rouge, de Cointrin-Est et Cointrin-Ouest, ou encore de la Seymaz. L'ensemble de ces blocages conduit à la non-réalisation de 4500 logements, dont notre population a besoin. J'espère que 2018 et les années suivantes permettront d'outrepasser ces blocages. En attendant, je vous invite à accepter cette politique publique. Je vous remercie.

M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien relève la volonté du Conseil d'Etat de poursuivre son action prioritaire pour répondre à la demande de logements dans notre canton. Dans cette perspective, il faut saluer sa détermination à mettre en oeuvre le plan directeur cantonal 2030, mais également à l'adapter à la situation actuelle. Les consultations concernant l'adaptation et la mise à jour du plan directeur cantonal sont en cours, mais à ce sujet - et j'ai eu l'occasion de le dire, Monsieur Hodgers, hier en commission - il est surprenant qu'un questionnaire ait été adressé aux partis le 11 juin dernier avec un délai de réponse au 29 du même mois. Dans le cas des modifications de zones, il est important d'améliorer encore la concertation avec les propriétaires et les communes concernées pour éviter des blocages et des retards. Il faut aussi démontrer aux communes que des efforts de mixité peuvent être envisagés, et l'accession à la PPE en zone de développement doit absolument être encouragée.

La publication d'un guide relatif à la densification de la zone villas en concertation avec Pic-Vert et l'ACG est à saluer; il est vrai que le bétonnage à l'horizontale de ces zones pose des problèmes d'urbanisation et d'environnement aux autorités de certaines communes. En effet, trop souvent, les préavis négatifs des communes sont balayés par les services du canton. L'année 2017 a vu la mise en place du fonds intercommunal pour le développement urbain - le FIDU - en matière de financement de l'aménagement ainsi que du fonds intercommunal d'équipement, qui gère la taxe d'équipement. Ces outils, il faut le relever, permettent d'aider les communes qui contribuent à la construction de nouveaux logements.

Saluons également le renforcement de la coordination entre les offices du logement et de l'urbanisme, la poursuite de démarches de simplification et d'accélération des processus d'autorisations de construire et la poursuite des études de remplacement du système informatique des autorisations de construire. Relevons aussi les réformes permettant la redéfinition des rôles respectifs de l'OPS et de la CMNS; peut-être qu'avec cette redéfinition, leurs positions seront moins dogmatiques. S'agissant du logement subventionné, il faut signaler cette initiative de centralisation des demandes de logements au secrétariat des fondations immobilières de droit public et cet effort de clarification des rôles entre l'office des bâtiments et l'office cantonal du logement et de la planification foncière. Cela a permis d'affiner les statistiques des demandes de logements sociaux; il faudrait aussi à l'avenir peut-être mettre en place des statistiques vraiment fiables concernant les demandes de logements à Genève.

Dans l'objectif de planifier l'aménagement du territoire de notre canton à long terme, et par conséquent de prévoir la mise à disposition de logements de qualité et en nombre, le groupe démocrate-chrétien votera cette politique publique G.

M. André Pfeffer (UDC). Notre parti ne partage pas certaines priorités et une partie du mode de fonctionnement de ce département. Nous déplorons principalement le manque d'autorité et d'implication des communes et des citoyens ainsi que l'ingérence excessive de l'Etat et le système quasi étatique, où le département pilote tout et impose tout, comme le prix du foncier, le prix de construction, le prix de location, etc. Aucun autre canton suisse n'a une telle concentration et n'implique aussi faiblement les communes. Aucun autre canton suisse n'octroie autant de subventions et n'a une fonction publique aussi importante. Dans tous les autres cantons, le peuple vote presque systématiquement pour l'aménagement. Une votation ne sert pas uniquement à l'obtention d'un soutien et d'une légitimité pour un projet; elle sert aussi à débattre et à informer. Depuis la votation sur le PAV et grâce au débat, beaucoup de nos concitoyens s'interrogent sur le type de subventions accordées, sur le montant de celles-ci, sur la concentration des logements sociaux, et se demandent pour qui Genève construit tous ces LUP. L'UDC avait été l'unique parti à contester ce texte en commission et cette votation n'aurait probablement pas eu lieu sans l'engagement de notre parti. Indépendamment du résultat, nous nous réjouissons du débat qui s'est tenu. Pour les raisons évoquées, l'UDC n'acceptera pas le rapport de gestion. Merci de votre attention.

M. Adrien Genecand (PLR). Pour le groupe libéral-radical, la politique du logement, qui est structurante pour notre agglomération, devrait se lire à l'aune de la page 33 du rapport sur les comptes individuels, le premier tome, qui décrit plus ou moins précisément l'état de santé de ce canton, c'est-à-dire le nombre d'habitants et le produit intérieur brut. A la lecture de ce rapport, on constate qu'en deux ans, nous sommes passés de 490 000 à 498 000 habitants et qu'en parallèle, le produit intérieur brut - donc la création de richesse - a diminué.

La première question que nous devrions nous poser dans le cadre de cette politique publique, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, est la suivante: quelle est la structure économique que nous construisons dans ce canton ? Puisque c'est exactement ce dont nous discutons avec la politique du logement et qu'on ne peut pas déceler, ce qui est regrettable - je lis les documents comme le ferait un néophyte, avec manifestement beaucoup de peine. Ce qui est important dans la politique du logement, c'est de savoir ce que l'Etat met à disposition: quels types de logements crée-t-il ? Combien a-t-il permis d'en créer ? Et toutes ces choses qui sont finalement des indicateurs extrêmement simples: combien de logements ? Qui peut y accéder du point de vue du salaire ? Que met-il à disposition et de quoi se prive-t-il en mettant à disposition des terrains ou en les donnant à des coopératives ou pour des logements sociaux ? Quel argent aurait-il pu obtenir en parallèle pour d'autres politiques publiques ? Qu'aurait-il pu faire à la place ? Malheureusement, force est de constater - mais peut-être que je me trompe, Monsieur le président - qu'on ne peut pas, à la lecture des différents rapports et des documents qui nous sont fournis, obtenir ces informations essentielles.

Pourquoi est-ce essentiel ? Parce que, finalement, Monsieur le président, c'est la question de savoir avec qui nous allons vivre et comment nous construisons la cité. Hélas, que nous le voulions ou non, la pyramide de l'impôt fait qu'une petite minorité paie l'immense majorité de celui-ci, et la création de logements sociaux, aussi essentielle et aussi louable soit-elle, malheureusement, selon moi - et selon, je pense, une grande partie de cet hémicycle - de façon plus ou moins cachée, consacre le fait qu'aujourd'hui les grandes agglomérations attirent un tourisme social dans les logements sociaux qui ne produit pas ce qui est nécessaire pour financer ces mêmes logements sociaux. (Commentaires.) J'ai eu à la commission d'aménagement une discussion très intéressante avec le ministre, M. Hodgers, sur la manière de faire les échanges et si vraiment les fondations peuvent faire autre chose. Je pense que c'est une discussion essentielle. Ce canton, sous le grand ministre Christian Grobet, dont on peut trouver les choix plus ou moins pertinents, a toujours suivi un principe qui consistait à dire qu'il faut deux tiers de logements libres, un tiers de logements sociaux. Pour faire très simple... (Commentaires.) Pour faire très simple... (Commentaires.) Pour faire très simple...

Une voix. C'est l'inverse !

M. Adrien Genecand. ...c'est l'inverse, et cela n'a jamais fonctionné, Mesdames et Messieurs ! (Remarque.) Cela n'a jamais fonctionné. Pourquoi ? Parce qu'on n'a jamais réussi à construire ce qu'il fallait. Force est de constater que tout le logement qu'il fallait construire ces dernières années, on l'a exporté dans le canton de Vaud et en France voisine. Et qu'avons-nous exporté, Mesdames et Messieurs ? Nous avons exporté la classe moyenne et la classe qui paie des impôts; qui gagne quelque chose, qui peut payer et qui peut redistribuer à la cité. Qu'avons-nous perdu ? Nous avons perdu les forces vives, qui, quand elles ne sont pas capables d'acheter ou de louer dans ce canton, sont obligées de partir dans le canton de Vaud. Là, c'est le désastre fiscal, puisque nous n'avons pas d'accord avec le canton de Vaud; avec la France voisine, nous avons un tout petit accord. Quoi qu'il en soit, en France voisine, comme dans le canton de Vaud, cela nous crée vraiment des nuisances s'agissant du trafic.

La vraie question, Mesdames et Messieurs, sur la politique du logement est donc: quelle politique du logement voulons-nous ? (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Et moi, Monsieur le président, à la lecture des différents rapports, je n'ai pas l'impression que l'exécutif ait compris le problème. C'est-à-dire que soit on est capable de se payer ce qu'on veut, et je pense que c'est tout à fait louable, par exemple pour la caisse de pension des fonctionnaires de ce canton, extrêmement généreuse, probablement la plus généreuse du pays... Qui fait-on venir pour payer cela ? On fait venir 50% de HBM par exemple au-dessus de l'Ecu prochainement... (Commentaires.)

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Adrien Genecand. Eh bien, c'est un vrai problème, Monsieur le président... (Commentaires.) ...de savoir ce que nous allons construire dans ce canton...

Le président. Voilà.

M. Adrien Genecand. ...et qui va le financer.

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je constate que M. Genecand ne connaît pas l'histoire de ce canton puisqu'en réalité, lorsque M. Grobet était aux affaires - il faut lui rendre justice - 2500 logements se créaient, toutes catégories confondues, et notamment 66% exactement de logements locatifs, et c'est ce qui a bien fonctionné, puisque cela a fait, dans la période où il avait la responsabilité de notre république, que notre canton a maintenu un minimum de justice sociale. (Commentaires.)

Cela étant dit, Mesdames et Messieurs, il y a treize ans, je me suis réjoui, avec d'autres, de l'accord régional qui avait été passé dans le cadre du plan d'agglomération numéro 1, où il était dit aux voisins français comme aux voisins vaudois qu'on allait voir ce qu'on allait voir, qu'on allait créer tous ensemble des logements de chaque côté de la frontière et qu'on allait exporter un peu de nos emplois en France voisine. C'était il y a treize ans, Mesdames et Messieurs, et je pensais déjà dans mon for intérieur que le système capitaliste dans lequel nous vivions était là non pas pour équilibrer et imposer une certaine justice sociale, mais pour profiter du déséquilibre régional, et on y est ! On y est ! 600 000 personnes, Mesdames et Messieurs, 600 000 personnes par jour - alors qu'avant il y en avait peut-être 100 000 - 600 000 personnes...

Une voix. Passages !

M. Rémy Pagani. Passages ! 600 000 passages se font dans notre canton. C'est une inégalité de développement crasse - crasse ! - que nous n'avons pas gérée, que le canton n'a pas gérée, que le Conseil d'Etat n'a pas gérée. Tout ce qu'on peut raconter ce soir, quand on dit: «Oui, mais quand même, on a essayé de faire en sorte que l'Etat... On a mis en place le FIDU et d'autres instruments !» Juste un petit détail: le FIDU n'est pas payé par l'Etat, mais par les communes, par exemple, et le FIE aussi. L'Etat n'a pas mis grand-chose en place pour aider les communes à construire du logement. Pire que cela, Mesdames et Messieurs, vous allez baisser les impôts sur les entreprises, ce qui va rendre encore plus inéquitable le développement régional, puisque, vous le savez très bien, en France voisine, c'est 35% des impôts sur les bénéfices des entreprises. La taxe est évidemment normale, et nous allons peut-être baisser à 14,5%... (Remarque.) ...alors que nous étions à 24%, ce qui va encore accentuer les inégalités de notre région.

Une voix. 13,78% !

M. Rémy Pagani. On me dit 13,78%. (Remarque.) Voilà, je trouve que nous avons devant nous quelque chose à réaliser ensemble. J'espère encore, je suis peut-être naïf, que nous pourrons faire en sorte que le CEVA, le Léman Express, bouleverse les mentalités et permette d'atténuer ce déséquilibre régional. Je ne me fais pas trop d'illusions, parce que ceux qui ont des dollars dans les yeux vont continuer à spéculer sur le territoire cantonal et à envoyer les pauvres et la classe moyenne qui s'appauvrit à l'extérieur, parce qu'ils n'ont prétendument plus rien à faire ici, puisqu'ils ne sont pas capables de payer le foncier et la spéculation foncière, alors qu'eux-mêmes sont producteurs de richesses. Je vous remercie de votre attention. (Brouhaha.)

Le président. Merci, Monsieur le député. (Brouhaha.) Un peu silence, s'il vous plaît ! Je voudrais terminer cette politique publique et vous faire voter dessus. Il reste encore M. Christo Ivanov à qui je passe la parole.

M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, en effet, un programme d'environ 5550 logements a été lancé par le Conseil d'Etat pour rattraper un retard patent dans la construction et stopper l'hémorragie, qui déplace notre crise du logement dans le canton de Vaud ou ailleurs, en France voisine. Malheureusement, les grands périmètres que sont les Grands-Esserts, La Chapelle-Les Sciers, les Vergers, le chemin de l'Etang, sans compter le développement de Bernex-Est et d'autres périmètres cantonaux ou encore le PAV - pour ne parler que de logement - se font tous en même temps. Il y a donc une surchauffe de construction. Je pourrais parler du CEVA, des travaux sur la route des Nations, sur la route Suisse, et j'en passe. Cette situation pose de gros problèmes à nos entreprises dans le domaine de la construction.

Il y a donc du travail pour nos entreprises pour trois à quatre ans, à l'horizon 2022-2023. Et après ? (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Merci. Allons-nous retomber dans la période de la fin des années 80 avec un grand ralentissement dans le secteur du bâtiment et de la construction ? Il faut, Monsieur le conseiller d'Etat, trouver des solutions pour étaler ces constructions dans le temps, afin d'éviter un retour de bâton avec de nombreux licenciements en prévision. Il s'agit d'anticiper cette future crise qui est d'une rare évidence. Je vous rappelle que de nombreux groupes sont venus s'installer à Genève, comme le groupe Marti, Bernasconi, Orllati, etc., et ils prennent beaucoup de parts de marché. Nous aurons tôt ou tard, vu la petitesse de notre canton, de gros problèmes. Je vous demande donc, Monsieur le conseiller d'Etat chargé du département, d'étudier cette problématique capitale pour les entreprises de notre canton. Je vous remercie.

Mme Carole-Anne Kast (S). Je ne peux m'empêcher de répondre à mon collègue Genecand - je vous prie de lui transmettre - qu'effectivement, il a raison, la classe moyenne a été chassée à l'extérieur des frontières de notre canton. Mais par quoi a-t-elle été chassée ? Elle a été chassée par un niveau exorbitant des loyers, qu'elle ne pouvait pas se permettre d'honorer. Ce niveau exorbitant des loyers, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas celui des logements sociaux; ce n'est pas celui des logements contrôlés; ce n'est pas celui des logements en zone de développement, même libres, puisque ceux-ci sont extrêmement stables - les statistiques cantonales le démontrent très bien. Si la classe moyenne est allée chercher à se loger à l'extérieur des frontières du canton, Mesdames et Messieurs les députés, c'est parce que la pénurie de logements a provoqué une spéculation qui a entraîné une inflation des loyers, qui devenait absolument insupportable pour la classe moyenne. Ça, Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut pas le mettre sur le compte du logement social ! Il est parfaitement faux - je vous prie de transmettre, Monsieur le président, à M. Genecand - de dire qu'on importe des HBM ! On n'importe pas des HBM: on crée des logements pour une catégorie de la population qui ne peut pas se loger sur le marché libre. Je rappelle également qu'on ne peut pas accéder à ces logements si on ne réside pas à Genève depuis au moins deux ans. Il n'y a donc pas de tourisme du logement social, cela est parfaitement faux.

Mais, fondamentalement, si on veut pouvoir attirer ces personnes, il s'agit de ne pas viser le logement social comme étant un obstacle, mais comme étant plutôt un référentiel, et d'offrir assez de logements pour que, justement, les effets spéculatifs de la pénurie cessent et que le niveau des loyers redevienne accessible pour toutes les catégories de la population. C'est bien le but des initiatives que le parti socialiste, avec ses alliés de l'Alternative - Ensemble à Gauche et les Verts - a lancées et c'est bien le but que nous essaierons d'atteindre lors de la prochaine législature. Merci, Monsieur le président.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. J'ai quand même été un peu choqué par les propos de notre collègue, Monsieur le président. Penser que les personnes qui habitent les logements sociaux sont invitées, comme ça, en vacances chez nous... La majeure partie des personnes qui occupent des logements sociaux travaille ! Et malheureusement, bien souvent, malgré les huit heures de travail par jour, elles n'arrivent pas à obtenir des salaires dignes ! Certaines d'entre elles doivent aller à l'Hospice pour avoir un complément ! M. Poggia en a parlé, d'ailleurs. C'est cela, la réalité des logements sociaux ! Et notre collègue, que dit-il ? «Qui va financer le logement social ?»

Mon collègue Batou a présenté cette courbe ce matin. (L'orateur présente à l'assemblée un article de la «Tribune de Genève».) Qu'apprend-on ? Que Genève, en 2017, chers collègues, compte 10 milliards de fortune supplémentaires. 10 milliards ! 10 milliards ! Il suffit qu'on prenne, je ne sais pas, 1% ou 2% d'impôts supplémentaires. Ils ne vont pas mourir pour ça ! Avec 2% d'impôts, Monsieur Genecand, sur 10 milliards, on finance largement nos logements sociaux. Vous voyez ? Il n'y a pas de problème, Monsieur ! Vous demandez: comment financer ces logements sociaux ? On dirait qu'on est un canton pauvre, qu'on est dans l'indigence totale, que dans la rue les gens meurent de faim et qu'on ne sait pas comment financer ces logements sociaux. Mais, Monsieur Genecand, lisez cet article ! Vous aurez la réponse ! (Commentaires.) Franchement, vouloir faire financer les logements sociaux par les locataires de ces logements, c'est la perversité la plus immonde que j'aie entendue de ma vie ! (Commentaires.) Voilà, vous transmettrez, Monsieur le président, que ce discours est vraiment très pervers !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je transmettrai scrupuleusement et je passe maintenant la parole à M. le député Thierry Cerutti.

M. Thierry Cerutti. C'est une erreur, Monsieur le président.

Le président. C'est une erreur. C'est donc M. Daniel Sormanni qui va dire deux mots. (Commentaires.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas une erreur ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Juste quelques mots ! Finalement, la problématique du logement qu'on évoque ici est une question d'équilibre. Oui, il y a des besoins en logements sociaux; oui, on devrait atteindre ces 20% de LUP; oui, on doit aussi construire des logements à vendre; oui, on doit construire pour la classe moyenne qu'on a oubliée depuis dix ans ! Nous devons faire cet effort, d'où l'idée du projet de loi notamment du Conseil d'Etat qui est intéressant et qui consiste à dire: un tiers, un tiers, un tiers. Mais après, il faut bien se mettre d'accord sur la définition du logement, et je dois quand même dire que certains dans cette salle s'ingénient à dire... C'est comme dans la campagne sur le PAV: «Ne construisez pas 62% de logements sociaux au PAV !» C'était un mensonge ! Vous savez bien que c'était un mensonge ! Les logements sociaux au PAV, c'était 24% de HBM; le reste, c'était la classe moyenne et 12% de PPE. Ne mélangez pas les logements pour la classe moyenne, les HM, les ZD LOC - qui sont des loyers libres... (Remarque.) ...contrôlés pendant dix ans par l'Etat mais loyers libres - avec les HBM et les logements sociaux ! Il faut faire la répartition ! (Remarque.) Donc oui, on doit construire, oui, on doit répartir équitablement les constructions de logements à Genève, ce qui n'a pas été fait pendant une dizaine d'années: un tiers, un tiers, un tiers. Ça, c'est la solution et cela équilibrera Genève !

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, chaque fois que l'on parle d'aménagement et de logement, on tourne finalement autour de deux questions. J'en ajouterai une troisième, qui a d'ailleurs peu été évoquée mais qui est essentielle. La première, c'est: combien ? La seconde, c'est: pour qui ? La troisième, c'est: comment ? J'aimerais que nous passions quelques minutes sur ce point aussi.

Tout d'abord: combien ? Cela a été dit, chaque jour, Genève importe un tiers de ses actifs. C'est un tiers de personnes à qui on a donné un travail dans notre canton, mais à qui on n'a pas donné la possibilité d'accéder au logement. C'est un «mal-développement», Mesdames et Messieurs les députés. C'est un «mal-développement», parce que nous avons, depuis ces vingt dernières années, exporté notre crise du logement, et chaque logement que nous n'avons pas construit a amené un pendulaire transfrontalier de plus. (Remarque.) La conséquence de la non-construction de logements proches des lieux de travail, censés constituer la ville des courtes distances, où on peut se rendre au travail en transports publics, à vélo ou à pied, ce sont des mouvements en voiture à n'en plus finir. Ce sont 630 000 passages aux frontières chaque jour. Chaque jour, 630 000 passages aux frontières ! Notre agglomération ne peut plus se développer sur ce modèle-là et notre part à nous, Genevois, c'est effectivement de construire du logement pour loger non seulement nos enfants - mais on n'en fait pas tant que cela, à vrai dire - mais surtout nos actifs. Alors on peut débattre de la croissance économique et quant à savoir si on veut avoir moins d'actifs, mais aujourd'hui, il se trouve qu'on a attiré ces entreprises, qu'elles sont source de prospérité, qu'elles ont besoin de main-d'oeuvre et que, si on ne loge pas celle-ci, elle va se loger ailleurs.

Actuellement, le Conseil d'Etat, en lien avec les privés - parce que l'essentiel des constructions sont privées - fait un effort qu'on n'a plus vu depuis vingt ou trente ans. Vous le savez, ces deux dernières années, nous avons construit plus de 2000 logements par année et 5518 sont en cours de construction. (Remarque.) Ce sont des proportions très fortes, au point - vous avez entendu M. Ivanov - que les milieux de la construction... Alors j'ai déjà eu les milieux immobiliers qui ont peur que le taux de vacance augmente et que, par conséquent, les loyers baissent d'une manière générale - on l'a entendu pendant la campagne sur le PAV - et maintenant j'entends les milieux de la construction qui disent: «Monsieur Hodgers, on a trois à quatre ans de carnet de commandes rempli ! Allez-y mollo, quand même !» (Remarque.) Vraiment, difficile pour vous, secteur économique, de voir qu'il y a autant de boulot et que, par conséquent, la libre concurrence fonctionne et que des entreprises, certes nationales, viennent construire à Genève ! (Remarque.) Je vous entends, Monsieur le député, je vous taquine un peu, mais je trouve que l'argument qui consiste à dire que le carnet de commandes des milieux de la construction est suffisamment rempli et qu'il faut donc freiner la construction de logements, même si la demande reste importante, est un argument que je vais qualifier de sectoriel, pour ne pas dire corporatiste. Mais chacun défend ses intérêts, même si le président du PDC estime que personne ne doit défendre de lobbies dans ce parlement. (Commentaires.) Pour ce qui est de la question «combien ?», c'est donc une augmentation.

Maintenant, pour qui ? C'est le grand débat de savoir pour qui on construit. Et là, Monsieur Genecand, je suis quand même surpris du parallèle que vous faites entre l'augmentation de la population et la stagnation du PIB. Vous savez que le PIB est un indice d'activité économique et que ce n'est pas le résumé de la plus-value fiscale des ménages genevois. En l'occurrence, l'économie genevoise s'est certes tassée, notamment dans le secteur bancaire, mais l'évolution fiscale des ménages ne s'est pas tassée avec l'augmentation de la population. Prétendre, à travers une corrélation de chiffres qui n'ont rien à voir, que les nouveaux habitants appauvrissent le canton, c'est faux ! En l'occurrence, le Conseil d'Etat s'en tient aux lois, à la constitution qui stipule que nous devons construire des logements pour répondre aux besoins prépondérants d'intérêt général de la population. Là, Mesdames et Messieurs, toutes les catégories de logements sont en situation de pénurie. Cela va des HBM - les habitations bon marché - des LUP en général, aux logements locatifs et aux PPE. Il est vrai que toutes les catégories sont concernées, même si l'on constate que nous avons 8000 personnes sur liste d'attente pour les logements d'utilité publique. Cela a été souligné par la députée Kast, il faut deux ans de résidence pour obtenir un logement social; prétendre que les gens migrent dans notre système social est donc une hérésie. Si vous avez un seul cas, un seul cas d'un étranger qui vient s'installer à Genève et qui bénéficie directement d'un logement social, j'aimerais que vous me le dénonciez, parce que ce serait contraire à la loi. J'aimerais donc que vous arrêtiez de tenir ces propos selon lesquels les gens migrent directement dans notre système de logement social, parce qu'en réalité la loi prévoit que ces logements sociaux sont destinés aux résidents. Que beaucoup de familles - et le problème est peut-être là - aient besoin de l'aide de l'Etat pour se loger, c'est effectivement grave ! Combien de familles, souvent des familles monoparentales, triment toute la journée mais n'arrivent pas à sortir les 2500 F pour un quatre-pièces sur le marché libre ? Bien sûr que l'Etat doit intervenir ! Le Conseil d'Etat était il y a deux ans dans le nord Jura; j'ai vu une annonce pour un quatre-pièces à 5800 F par année. Mesdames et Messieurs, si le marché libre offrait ce type de prix, je démonterais l'office du logement ! Mais nous n'en sommes pas là, à Genève ! (Commentaires.) Nous n'en sommes pas là, nous n'en avons jamais été là, parce que nous avons une forte attractivité, un coût de la vie très élevé, des rentabilités importantes dans l'immobilier et, sans soutien public, des dizaines de milliers de personnes ne pourraient pas se loger à Genève ! (Commentaires.) Et cela, c'est une réalité sur laquelle notre canton s'est construit.

Dans le discours de Saint-Pierre, M. Maudet a rappelé le pacte social autour de la zone de développement. Proposition défendue à la base par des magistrats PDC, soutenue par des magistrats radicaux, puis libéraux, la zone de développement est le pacte social qui fonde l'équilibre et la mixité sociale dans nos quartiers, qui fonde le fait que, dans les nouveaux quartiers, nous construisons un peu pour tout le monde. Et, Monsieur Genecand, nous ne sommes plus dans les années 80, où il y avait deux tiers de logements sociaux et un tiers de locatif. Aujourd'hui, la proposition du Conseil d'Etat est toute simple: 33% de logements d'utilité publique, 33% de logements locatifs non subventionnés et 33% de PPE. Le Crédit suisse a lui-même estimé la part de la population qui pourrait accéder à la PPE: il estime qu'elle est de 15% à 20% au maximum. Aujourd'hui, les gens n'ont pas toujours les fonds propres et n'ont pas toujours le revenu suffisant. Un équilibre autour des trois tiers est donc certainement un équilibre souhaitable, car aujourd'hui, avec l'article 4A de la LGZD, celui qui gouverne actuellement la répartition, qu'avons-nous ? Nous avons des quartiers ou des périmètres qui partent avec 30% de logements d'utilité publique, ou HM, donc subventionnés, et 70% de PPE. Mesdames et Messieurs, comment voulez-vous justifier une politique du logement qui ne construit pas un seul logement locatif non subventionné, qui est typiquement le produit dont la classe moyenne a besoin ? Cette classe moyenne qui n'a pas besoin d'un logement subventionné, mais qui n'arrive cependant pas à accéder à la PPE. M. Sormanni a raison de dire qu'au cours des dix dernières années, la classe moyenne a été l'oubliée de la politique du logement. C'est elle qui s'est expatriée en France, c'est elle qui a dû effectivement, et qui doit chaque jour, passer deux ou trois heures dans les bouchons pour préserver un certain pouvoir d'achat. Il faut donc une politique équilibrée, et une politique équilibrée pour tout le monde.

La troisième question, c'est «comment ?» C'est la concertation avec les communes. Mesdames et Messieurs, aujourd'hui, le Conseil d'Etat a pacifié la situation; il n'y a plus de commune frontalement opposée au développement urbain, même si j'admets que ce n'est pas toujours facile. Aujourd'hui, la concertation avec les habitants commence à donner de bons résultats. Regardez ce qu'il s'est passé du côté des Semailles, à Lancy, où nous avons pu négocier avec les propriétaires sur la réalisation. Le «comment ?», c'est aussi respecter le patrimoine. Le recensement architectural nous permettra de dire aux urbanistes qu'il ne faut pas travailler sur une tabula rasa, mais qu'il faut tenir compte de ce qui existe et de l'histoire de notre canton.

Voilà, Mesdames et Messieurs, la politique du logement est un équilibre et cet équilibre nécessite des compromis. Si nous voulons vraiment aller de l'avant, nous ne pourrons pas continuer à nous affronter comme nous l'avons fait ces dernières années. En tout cas, le Conseil d'Etat tend la main aujourd'hui aux partis et aux mouvements qui se sont opposés à sa politique. Les choses sont toujours ouvertes, les dialogues sont toujours là. Les fondamentaux sont posés: servir toute la population, c'est faire en sorte que chacun en fonction de sa bourse puisse accéder à un logement décent et abordable. Si nous sommes d'accord sur ce préalable, le reste est tout à fait ouvert. Merci de votre attention et bonne soirée. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Je signale toutefois qu'il ne reste plus une seule seconde au Conseil d'Etat pour demain ! (Commentaires. Le président rit.) Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote de cette politique publique G «Aménagement et logement».

Mise aux voix, la politique publique G «Aménagement et logement» est adoptée par 49 oui contre 41 non.

Quatrième partie du débat sur les comptes 2017 (suite du 2e débat): Séance du vendredi 22 juin 2018 à 8h

Le président. Mesdames et Messieurs, je lève la séance et vous dis à demain matin, 8h !

La séance est levée à 23h15.