Séance du jeudi 1 mars 2018 à 14h
1re législature - 4e année - 12e session - 70e séance

La séance est ouverte à 14h, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.

Assistent à la séance: Mme Anne Emery-Torracinta et M. Luc Barthassat, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Une voix. C'est toujours la même chose !

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia, Pierre Maudet, Serge Dal Busco et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jean Batou, Beatriz de Candolle, Nathalie Fontanet, Sandra Golay, Lionel Halpérin, Patrick Lussi, Vincent Maitre, Guy Mettan, Simone de Montmollin, Eric Stauffer, Ronald Zacharias et Christian Zaugg, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Patrick Hulliger, Patrick Malek-Asghar, Claire Martenot, Maria Pérez, Ana Roch, Alexandra Rys, Pascal Uehlinger et Céline Zuber-Roy.

Annonces et dépôts

Néant.

M 2277-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. François Lefort, Emilie Flamand-Lew, Lisa Mazzone, Frédérique Perler, Boris Calame, Mathias Buschbeck, Thierry Cerutti, Pascal Spuhler, Danièle Magnin, Daniel Sormanni, Florian Gander, Olivier Baud, Jean Sanchez, Jean-François Girardet, Francisco Valentin, Sophie Forster Carbonnier, Sarah Klopmann, Henry Rappaz, Christian Zaugg, Sandra Golay, Marie-Thérèse Engelberts : Bâtiments scolaires : remettons l'ouvrage sur le métier
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 26 et 27 janvier 2017.
Rapport de majorité de M. François Lefort (Ve)
Rapport de minorité de M. Serge Hiltpold (PLR)

Débat

Le président. Nous passons à la suite de notre ordre du jour. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Monsieur Lefort, vous avez la parole.

M. François Lefort (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce débat sur la proposition de motion 2277 nous permet de rappeler, en préambule, la motion 2001 multipartite «relative à la planification rationnelle à moyen et long termes des bâtiments scolaires des secondaires I et II comprenant les pôles de formation professionnelle, des bâtiments du tertiaire [...]» renvoyée au Conseil d'Etat le 26 mai 2011 par 62 oui contre 27 non, et pour laquelle le Grand Conseil attend toujours la réponse du Conseil d'Etat. Cette motion 2001 demandait en une seule invite «à présenter sans délai au Grand Conseil les projets de planification, de rénovation et de construction des bâtiments des différents ordres d'enseignement». Il est vrai que cette formulation quelque peu impérative a pu déplaire, à l'époque, au conseiller d'Etat chargé du DIP, et que ce «sans délai», normalement de six mois, a été pulvérisé et oublié pendant de nombreuses années, jusqu'à ce que nous remettions l'ouvrage sur le métier en 2015 avec cette proposition de motion 2277. Celle-ci demande encore une fois au Conseil d'Etat de présenter sans délai une planification des constructions et rénovations à entreprendre pour les différents ordres d'enseignement. Mais elle demande aussi de présenter au plus vite une planification de constructions provisoires urgentes pour répondre aux besoins du secondaire postobligatoire, d'identifier rapidement les sites pouvant accueillir ces bâtiments provisoires et de les affecter prioritairement à la construction de ces bâtiments, d'intégrer ces sites provisoires dans une planification urgente de rénovation de l'existant et enfin de coordonner cette planification des bâtiments scolaires avec les projets d'aménagement du canton. Voilà les demandes que soutient la majorité de la commission des travaux.

Ces demandes partent d'un constat: une population en augmentation constante, des lieux d'enseignement très dispersés, y compris pour les HES et l'université, des bâtiments vieillissants, dont les besoins de rénovation sont patents, de nombreux collèges en sureffectifs par rapport aux capacités d'accueil des bâtiments, avec le maximum de 24 élèves par classe dépassé fréquemment; enfin, l'entretien des bâtiments qui laisse à désirer, les petites réparations qui sont repoussées, les rénovations non faites qui détériorent les conditions d'enseignement - certaines salles sont condamnées, faute de rénovation ou d'entretien. Par ailleurs, les nombreuses locations de bâtiments par l'Etat devraient être rapidement remplacées par de nouvelles constructions afin d'épargner aussi les finances publiques. Voilà la situation.

Le manque de coordination dans la planification des bâtiments scolaires conduit à une telle dispersion. Le retard pris à construire des bâtiments scolaires donne aussi l'idée d'un retard dans la prise en compte des besoins d'une population en augmentation. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Malgré des efforts, malgré les crédits de renouvellement votés, on observe quand même des retards dans la rénovation des bâtiments. Des documents reçus par le Grand Conseil, notamment de la part d'associations de parents...

Le président. Vous parlez sur le temps du groupe.

M. François Lefort. ...au sujet du mauvais état de divers bâtiments scolaires témoignent d'une situation qui reste préoccupante. Malgré les crédits d'étude et d'investissement présentés ces deux dernières années, le rattrapage n'est pas au rendez-vous: les nouveaux sites comme le cycle d'orientation de Balexert, qui remplacera celui du Renard, ou l'ECG de Meyrin, ne seront pas disponibles avant cinq ou six ans au bas mot. Le département nous a constamment renvoyés à la planification décennale de l'Etat pour nous rappeler les projets à venir: c'est très bien, mais ce n'est pas la réponse aux invites de cette motion qui mérite de toute façon d'être renvoyée au Conseil d'Etat.

Pour le reste, comme ce texte se trouve pour la onzième fois à l'ordre du jour et qu'une des invites est un peu flétrie, puisqu'elle parlait de la rentrée 2017, nous proposons un amendement pour écrire 2019 à la place. Voilà pour l'essentiel, Mesdames et Messieurs les députés. La majorité de la commission des travaux vous remercie d'adopter cette motion.

M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, je soulignerai que toutes les informations sur la planification ont été données à la commission des travaux par l'office des bâtiments et par le DIP. Par ailleurs, je rappellerai le processus sinueux menant de l'élaboration à la construction d'un bâtiment scolaire, comme d'autres bâtiments - je l'ai mentionné dans mon rapport: ça commence par une étude de faisabilité pour enchaîner sur un projet de loi d'étude, un concours, suivant les cas, puis une étude, un projet de loi d'investissement, une autorisation de construire, une préparation à l'exécution et enfin l'exécution. La minorité de la commission, que je représente, a trouvé les réponses politiques dans le plan décennal des investissements, le PDI, élaboré par le Conseil d'Etat, qui détaille les choix politiques faits pour cette planification, comme pour tout projet majeur, que ce soit dans le secteur du génie civil, des bâtiments, des infrastructures sportives, des structures hospitalières, des structures de formation. C'est donc ce PDI qui définit les priorités en tenant compte des équilibres décrits, avec l'élément capital - j'insiste là-dessus - qu'est la maîtrise du foncier: on ne peut pas faire une planification correcte et à long terme si on ne maîtrise pas le foncier, si on n'a pas les parcelles ni les crédits.

Je crois, en toute objectivité, que les informations transmises à la commission des travaux étaient très précises. Vous trouvez dans le rapport les projets majeurs votés: la livraison de l'école de commerce Raymond-Uldry pour la rentrée 2017, la rénovation du cycle de Budé réalisée entre 2016 et 2019, l'étude de la rénovation du collège Rousseau déposée en 2017 et planifiée pour 2019-2021, la réalisation du collège du Renard entre 2020 et 2023, l'école de culture générale de Meyrin réalisée entre 2021 et 2024, et enfin, le cycle de Bernex entre 2022 et 2025. La minorité estime que le plan a été présenté de manière suffisamment claire, en tout cas à la commission des travaux; chaque parti y est représenté et peut demander toutes les informations nécessaires, liées à plusieurs objets comme le plan directeur cantonal, les déclassements. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ces informations étaient très complètes, nous ne voyons pas pourquoi nous devrions renvoyer cet objet au Conseil d'Etat pour demander plus d'informations alors que nous pouvons obtenir celles-ci à la commission des travaux. Il y a peut-être eu, c'est vrai, un petit problème d'orgueil par rapport à la proposition de motion 2001.

Le président. Vous parlez sur le temps du groupe.

M. Serge Hiltpold. Ce texte a eu le mérite de soulever ces questions, mais il faut être pragmatique: charger l'administration, l'OBA de faire des rapports supplémentaires alors que comme députés, nous avons toutes les informations à la commission des travaux, ce n'est pas la politique de la minorité; je vous recommande donc de refuser cette motion. Merci.

M. Christo Ivanov (UDC). Cette proposition de motion a été soutenue par l'UDC à la commission des travaux: en effet, le problème relatif à la construction de nos cycles d'orientation, des bâtiments scolaires, et, je dirais, des bâtiments en général, est récurrent. Les invites du texte ne mangent pas de pain: «à présenter [...] une planification des constructions et rénovations à entreprendre pour les différents ordres d'enseignement; à présenter au plus vite une planification de constructions provisoires [...]» - là-dessus, il y aura un amendement, parce que dans la proposition de motion, l'année citée est 2017: l'amendement, sur lequel je reviendrai tout à l'heure, remplace par l'année 2019 - «à identifier rapidement les sites pouvant accueillir ces bâtiments provisoires [...]». On voit bien par exemple le problème du cycle du Renard: avant leur déplacement à Balexert, les élèves étudient dans des conditions pitoyables, avec tous les problèmes de vétusté, d'amiante, et j'en passe. Enfin, «à coordonner cette planification des bâtiments scolaires avec les projets d'aménagement du canton».

Nous soutiendrons l'amendement déposé par les Verts. En effet, à la commission des travaux, j'indiquais que le département devait transmettre des informations sur le taux de vétusté des bâtiments et une estimation de la valeur de ceux-ci... (Une députée trébuche sur une marche et pousse un cri.)

La députée. Je n'ai pas vu la marche, pardon !

M. Christo Ivanov. Emotion ! ...à travers les rapports Stratus. Là encore, nous n'avons pas assez d'informations sur la vétusté des bâtiments scolaires. Il est important que nous ayons enfin ces données. C'est pour toutes ces raisons que le groupe UDC soutiendra cette proposition de motion ainsi que l'amendement déposé. Je vous remercie, Monsieur le président. (Brouhaha.)

Le président. Merci, Monsieur. (Brouhaha.) Monsieur de Sainte Marie, s'il vous plaît ! Madame Valiquer Grecuccio, c'est à vous.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste renverra aussi cette motion au Conseil d'Etat, mais pas du tout pour les raisons évoquées tout à l'heure. D'ailleurs, nous partageons nombre de considérations qu'a émises notre collègue du PLR. Nous rappelons qu'il existe une cellule de coordination équipements, sites et bâtiments, qui regroupe le département de l'aménagement et du logement, le service des opérations foncières et l'office des bâtiments, au département des finances, ainsi que le département de l'instruction publique.

Pourquoi renvoyer ce texte au Conseil d'Etat ? Non pas pour que le département de l'instruction publique réponde: celui-ci, comme tout département, se borne à exprimer ses besoins. Il a rappelé qu'il y a nécessité de construire des bâtiments scolaires, et aussi un besoin de rénovations: on sait aujourd'hui que l'OBA a établi une liste de deux cents bâtiments classés par ordre de priorité. On sait aussi que le département de l'aménagement doit prévoir des sites... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur Pistis, s'il vous plaît !

Mme Nicole Valiquer Grecuccio. ...sur lesquels on va un jour construire des écoles et que l'OBA doit mettre en oeuvre cette politique-là. On a cité tout à l'heure le cycle du Renard: ce bâtiment ne pourra être construit que si on avance dans l'opération de Pré-du-Stand, donc si l'on fait évoluer la situation du pôle foot. En fait, le DIP se retrouve, si je puis dire, au bout de ce chemin; il faut d'abord que le DALE avance dans ce dossier, avec l'OBA qui accompagne l'opération. Pour tous ces projets, qu'ils soient retardés ou à venir, il sera important que ces deux départements donnent des explications claires sur l'état d'avancement des projets et parfois proposent des alternatives pour répondre aux besoins scolaires. Rappelons que le DIP fait sa part: tous les trois ans, il met à jour une étude sur l'ensemble des besoins du secondaire I et II. Le SRED y collabore, tout comme l'office de la statistique et encore l'office de l'urbanisme.

Pour toutes ces raisons, nous renverrons cette motion au Conseil d'Etat, mais nous demandons que ce soient l'OBA et le DALE qui répondent sur ces aspects, car ce sont eux les départements planificateurs et constructeurs. Merci.

M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien est bien entendu conscient qu'il existe un besoin persistant de nouveaux bâtiments scolaires au vu de l'augmentation de la population et des élèves. Mais il faut aussi dire que des efforts ont été consentis ces dernières années pour l'entretien et la rénovation des bâtiments, sous l'impulsion du conseiller d'Etat Serge Dal Busco. Comme le rapporteur de minorité l'a aussi dit, il existe ce plan décennal des investissements, qui dépend lui-même de la maîtrise du foncier, du contrôle budgétaire et, le cas échéant, bien entendu, de modifications de zones. La modification de zones du périmètre de Balexert est en cours de traitement à la commission d'aménagement: cela prend effectivement du temps, il faut des mois, des années pour réaliser le cycle du Renard. Pour toutes ces raisons, nous refuserons cette proposition de motion.

M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce texte des Verts fait suite à une première motion que le Grand Conseil avait adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat le 26 mai 2011. Or, celui-ci n'a jamais répondu, violant ainsi l'obligation qui figure dans la LRGC de répondre au Grand Conseil dans un délai de six mois. Le groupe des Verts l'a donc redéposée en 2015 afin de l'actualiser. De 2011 à 2015, la situation a continué à se dégrader. Les griefs relevés sont notamment une dispersion des lieux d'enseignement, le déplacement d'écoles entraînant l'allongement des trajets scolaires, des bâtiments en mauvais état d'entretien - entre autres le collège de Saussure, Uni-Bastions, le cycle du Renard - des collèges en sureffectif d'étudiants et des conditions d'enseignement détériorées par les sureffectifs et l'état des bâtiments. Le constat était qu'il semblait manquer une coordination dans la planification des travaux au niveau de l'Etat.

Il convient de saluer le fait qu'entre le moment du traitement de ce texte, en novembre 2016, et la plénière de ce jour, les choses ont évolué positivement: la commission des travaux s'est fait présenter la planification des bâtiments d'enseignement, a vu arriver sur sa table divers projets de lois, de crédits d'études ou d'investissement pour des écoles, parmi lesquels, notamment, une rénovation lourde d'Uni-Bastions, les études pour le déplacement du cycle du Renard sur des terrains près de Balexert et celles pour un nouveau complexe scolaire à Meyrin.

En l'état et nonobstant cette évolution, le groupe MCG vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à prendre en considération la proposition de motion 2277, ne serait-ce que pour rappeler au Conseil d'Etat futur que les dispositions de la LRGC le concernent également. Nous soutiendrons en outre l'amendement de M. Lefort qui demande une modification de l'échéancier de la planification scolaire. Je vous remercie.

Mme Frédérique Perler (Ve). Monsieur le président, vous transmettrez au rapporteur de minorité que ne faisant pas partie de la commission des travaux, je puis dire qu'à la lecture du rapport, le plan n'est pas clair et que toutes les informations nécessaires n'ont pas été données. J'aimerais témoigner ici du fait qu'il m'arrive assez souvent, pour des raisons professionnelles, de me promener dans différents bâtiments scolaires: eh bien les conditions de travail y sont parfois crapoteuses, tant pour le corps enseignant que pour les élèves. Alors on peut bien avoir une école qui est à la recherche de l'excellence, mais sachez qu'assister à des cours dans des conditions pareilles est aussi peu bénéfique au but que nous souhaitons atteindre que ces conditions sont mauvaises. Ne serait-ce que pour rassurer le corps enseignant, les élèves, les parents et ce Grand Conseil, ce texte mérite d'être renvoyé au Conseil d'Etat, quand bien même - c'est vrai que c'est indiqué dans le rapport - on peut mesurer le chemin parcouru. Le groupe des Verts considère que la planification dans le domaine scolaire n'est pas l'exclusivité de la commission des finances ou de celle des pétitions. Je vous remercie donc de prendre cette motion en considération et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Ensemble à Gauche soutient cette motion et donc son renvoi au Conseil d'Etat. Certes, elle fait suite à une motion de 2011 qui n'avait pas reçu de réponse; mais en même temps, comme le dit le rapporteur de majorité, en juin 2015, il aurait mieux valu renvoyer celle-ci directement au Conseil d'Etat - on aurait alors été en droit d'espérer avoir une réponse à ce jour - plutôt qu'elle parvienne un peu tardivement en commission et devienne d'une certaine matière caduque, puisqu'elle parle de la rentrée 2017 qui est déjà passée.

Le problème est réel, tout le monde a pu le constater; on s'explique relativement mal cette mauvaise anticipation à la fois de l'entretien et aussi de l'érection de nouveaux bâtiments scolaires. C'est assez étrange: à une époque où, par rapport à ce qui était le cas il y a une trentaine d'années, toutes les prévisions sont faites par ordinateur, où l'on a toutes les statistiques à disposition, ça semble de plus en plus ardu et de moins en moins bien fait. C'est quand même étrange qu'on n'arrive pas à davantage de précision dans la prévision des effectifs des élèves. Et puis il y a un paradoxe. Le primaire, les huit premiers degrés de l'école, n'est évidemment pas concerné par ce texte, puisque ce sont les communes qui construisent les écoles; mais cela implique aussi que les élèves qui arrivent au cycle d'orientation puis qui passent au secondaire II ne surgissent pas de nulle part: ils sont déjà là, ils sont connus ! Comment se fait-il qu'on découvre tout d'un coup qu'il n'y a plus de place au cycle d'orientation, au collège, etc. ? Il y a à l'évidence une mauvaise anticipation. Repousser toujours le problème plus loin ne donne pas de solution, il faudrait vraiment pouvoir l'empoigner, d'autant plus quand on lit les propos de l'office des bâtiments, qui nous dit qu'il faut huit ans entre l'expression des besoins et la remise de l'ouvrage. Huit ans, c'est justement la durée des cycles 1 et 2 de l'enseignement primaire. On connaît les élèves à 4 ans, on sait que huit ans après, ils iront au cycle d'orientation, on pourrait donc quand même un peu mieux anticiper.

Il y a un autre problème assez prégnant: on veut tout d'un coup faire des cycles à mille élèves, sans beaucoup réfléchir, en les plaçant assez près les uns des autres - Coudriers, Balexert, Renard, etc. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) On ne sait pas vraiment ce que ça va donner, mais actuellement, Mesdames et Messieurs, il y a aussi tout un projet d'école intégrative, qu'on peut appeler école inclusive, et il faut savoir que les projets - relativement nouveaux - d'ouvrir des classes d'enseignement spécialisé intégrées au cycle d'orientation, malheureusement...

Le président. Il vous faut terminer, Monsieur.

M. Olivier Baud. ...ne peuvent pas se faire comme on l'aimerait, et pourquoi ? Simplement à cause du manque de locaux. Une fois de plus, ce sont les élèves à besoins particuliers ou handicapés qui font les frais de ce manque d'anticipation. Je vous remercie.

M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de minorité. Je me permets d'intervenir encore une fois, à propos de l'efficacité du renvoi de ce texte au Conseil d'Etat: que va-t-il vous répondre ? Il vous enverra la liste des projets que vous trouvez dans le rapport de minorité, et, en complément de cette réponse, vous consulterez le plan décennal des investissements où figure une priorisation qui a été expliquée clairement à la commission des travaux. C'est donc clairement inutile. Merci.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappellerai que le DIP, comme l'a dit, je crois, Mme Valiquer, n'est que le locataire des bâtiments de l'Etat: nous ne les construisons pas, même si, bien évidemment, nous amenons tous les éléments nécessaires pour la planification.

Si j'étais vous, j'aurais un peu honte. Vous présentez une vision apocalyptique de l'état de nos bâtiments: on parle de cours donnés dans des «conditions pareilles», on parle de plus de 24 élèves par classe alors que c'est totalement marginal... Allez voir, Mesdames et Messieurs les députés, ce qui se passe parfois ailleurs, il n'y a pas besoin d'aller très loin ! Dans l'immense majorité des cas, nos élèves travaillent dans de bonnes conditions, même si, et j'y reviendrai, nous avons pris du retard dans les rénovations, ce que je regrette. Ce retard a été pris au début des années 90, en lien avec le parlement: à l'époque, il fallait faire des économies, la dette augmentait et les investissements ont été freinés, que ce soit pour les constructions ou pour les rénovations. C'étaient des choix politiques, et il est un peu fort de faire porter le chapeau des choix politiques du passé aux équipes qui sont en place aujourd'hui dans les départements - je peux vous dire que les collaboratrices et les collaborateurs font le maximum.

A entendre certains, notamment M. le député Baud, rien ne serait planifié, on travaillerait à la petite semaine - je traduis. Bien sûr, les planifications sont faites. Cela dit, vous le savez, notamment pour le secondaire II, que la motion vise en particulier, on ne peut pas forcément anticiper exactement quels seront les choix des élèves. S'il est relativement facile pour les communes de planifier les bâtiments scolaires en fonction du nombre d'habitants - et encore, elles ne suivent pas très bien pour les constructions - puisque tous les élèves fréquentent l'école primaire, excepté les 1900 élèves de l'enseignement spécialisé, qui d'ailleurs n'ont pas tous l'âge du primaire, c'est plus difficile à partir du secondaire II, où les filières sont différentes, ce qui complique les choses.

Mais le vrai problème n'est pas là: le vrai problème est qu'à Genève, il est extrêmement difficile de trouver des terrains. Quand on a besoin de construire un bâtiment scolaire, c'est la croix et la bannière, et ça peut expliquer, Monsieur le député Baud, que parfois, deux cycles d'orientation ne soient pas très éloignés l'un de l'autre: on n'a tout simplement pas le choix des terrains ! Une fois que le terrain est trouvé, encore faut-il qu'il n'y ait pas d'opposition. Vous savez que pas seulement pour les écoles, mais de manière générale, c'est pratiquement impossible de construire à Genève. Un exemple récent: la nouvelle école de commerce Raymond-Uldry, qui a ouvert ses portes en septembre dernier et qui a permis de répondre en partie au manque de locaux dans le secondaire II, avait dix ans de retard ! L'ouverture était prévue en septembre 2007. Pourquoi y a-t-il eu tant de retard ? Parce qu'il y a eu des oppositions. Il est là, le problème ! Manque de terrains et oppositions.

Dernier problème: les moyens. Vous voulez qu'on rénove plus de bâtiments, ce qui est une très bonne chose - Monsieur Hiltpold, nous en avons déjà parlé ensemble, j'aimerais beaucoup qu'on rénove par exemple le site de Ternier, où se trouvent une bonne partie des filières professionnelles. Comme on manque de locaux scolaires par rapport à la démographie, j'ai dû privilégier les nouveaux locaux et construire plus, mais j'aimerais pouvoir rénover. (Remarque.) Cela ne tient qu'à vous, Mesdames et Messieurs les députés ! Si vous souhaitez que le Conseil d'Etat rénove plus de bâtiments, donnez-nous les moyens financiers pour cela ! Nous ne pouvons faire qu'avec l'enveloppe qui nous est accordée. J'aimerais cependant souligner que depuis le début de la législature, avec mon collègue Serge Dal Busco, nous avons vraiment avancé sur ce dossier. Serge Dal Busco m'avait accompagnée dans les visites d'établissements, au cycle du Renard, au collège Rousseau, par exemple: ce sont des bâtiments pour lesquels des solutions sont trouvées.

Bien sûr que vous pouvez renvoyer cette motion au Conseil d'Etat; la réponse qui vous sera faite est plus ou moins déjà prête. Je pourrais vous dresser la liste de tous les travaux effectués ces derniers mois, mais je vais vous en faire grâce. La réponse est donc prête, mais si vous voulez vraiment que les choses changent, donnez-nous les moyens financiers pour cela.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande d'amendement sur la deuxième invite. Il s'agit de remplacer l'année 2017 par 2019, ce qui donne:

«2e invite (nouvelle teneur)

- à présenter au plus vite une planification de constructions provisoires urgentes pour répondre aux besoins de la rentrée 2019 au secondaire postobligatoire;»

Le vote est lancé.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 72 oui et 13 abstentions.

Mise aux voix, la motion 2277 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 56 oui contre 29 non et 2 abstentions.

Motion 2277

M 2287-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Jean-Michel Bugnion, Lisa Mazzone, Mathias Buschbeck, Sarah Klopmann, Sophie Forster Carbonnier, Boris Calame, Frédérique Perler, Yves de Matteis, Jean-Marc Guinchard, Jean-Luc Forni, Anne Marie von Arx-Vernon, Béatrice Hirsch pour développer le sens civique et la participation aux votations chez les jeunes
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 22 et 23 septembre 2016.
Rapport de majorité de Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC)
Rapport de minorité de Mme Frédérique Perler (Ve)

Débat

Présidence de M. Jean Romain, premier vice-président

Le président. Nous passons au point suivant, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. La lecture du courrier 3629, une lettre du Parlement des jeunes genevois, a été demandée le 16 mars 2017. Je demande à M. Lefort de bien vouloir nous lire cette lettre.

Courrier 3629

Le président. Merci, Monsieur Lefort. Je passe la parole à Mme le rapporteur de majorité.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président - Mme la rapporteure vous remercie de lui donner la parole. Vous allez certainement vous étonner, Monsieur le président, que pour une proposition de motion dont Mme Perler et moi sommes cosignataires, on en arrive à ce que précisément l'une soit rapporteure de majorité et l'autre rapporteure de minorité. Avant de vous donner l'explication du processus qui a mené à cela, je tiens à remercier au nom de la commission plusieurs personnes: d'abord les membres du parlement des jeunes pour leur présence active et extrêmement fructueuse pour les travaux de la commission; ensuite, les enseignants de l'éducation à la citoyenneté, qui sont venus nous présenter leur concept avec enthousiasme et motivation; puis tout spécialement Mme la chancelière, Anja Wyden, pour son efficacité, sa motivation, son engagement, sa créativité afin de mobiliser les jeunes quant à la citoyenneté; enfin, bien sûr, Mme la conseillère d'Etat, qui a montré son intérêt, avec cependant une certaine frilosité à s'engager pour imposer la mise en place systématique des votations en blanc, au prétexte que l'impact est limité alors que l'infrastructure à mettre en place est importante.

Pour la majorité de la commission, il était nécessaire que cette motion soit applicable. Vous comprenez bien, Monsieur le président, qu'une motion qui ne ferait état que d'une intention sans être applicable ne porterait pas ses fruits. C'est là que nous avons eu une légère divergence, qui fait que nous sommes rapporteures respectivement de majorité et de minorité. Un amendement a été soutenu, qui a permis à la commission dans sa majorité de voter un texte applicable. Pour la majorité, cet amendement ne représentait en tout cas pas une posture politique, mais se voulait simplement pragmatique; il a ainsi pu être voté et doit rendre l'application de cette motion efficace. Je remercie donc cette assemblée de voter ce texte tel que sorti de commission.

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme la députée Frédérique Perler.

Mme Frédérique Perler (Ve), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président de séance. Si vous le permettez, j'ajouterai à l'introduction de Mme von Arx sur les signataires de ce texte que le premier signataire a changé de parti pour migrer dans celui de la rapporteure de majorité. Cela dit, la minorité de la minorité s'associe aux remerciements formulés, notamment à la chancellerie d'Etat.

Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage. A force de compliquer les choses, à force de contorsions, on se retrouve avec une invite qui, comme on dit, ne mange pas de pain, si consensuelle qu'elle permet tout et son contraire. La formulation trouvée rate totalement sa cible. J'ai malgré tout l'espoir que, comme nous sommes en période électorale et qu'il s'agit de plaire à tout le monde et de ne déplaire à personne, le rapport de minorité trouve peut-être une issue favorable. Car tout de même, cette formulation veut dire tout et rien ! Tout peut se faire comme rien, Monsieur le président. J'en viens à la critique de cette formulation, du reste proposée par la rapporteure de majorité, je le souligne, c'est assez cocasse: supprimer le principe d'organiser une votation chaque année signifie que tous les élèves ne vont pas avoir la chance de participer une fois dans leur carrière scolaire à une votation en blanc; cela pourrait se faire tous les dix ans. Les élèves ne seraient donc pas sensibilisés. Ensuite, prétendre que le corps enseignant serait contraint est une erreur, ceux qui l'organisent déjà sont ravis de le faire. Ne plus mentionner expressément les enseignants de sciences sociales est encore une erreur, parce que c'est bien dans ces matières-là qu'on rencontre la notion de citoyenneté, et ce sont ces enseignants-là qui, très majoritairement, suivent des formations continues dans ce domaine. C'est pour cette raison que la minorité présente deux amendements indiqués dans mon rapport et que j'ai redéposés ce matin même.

Cette motion n'a rien de sorcier. Prétexter que l'infrastructure à mettre en place est importante est de la plus mauvaise foi, Monsieur le président. Certains établissements organisent déjà ces votations en blanc. Il s'agit quand même d'une injonction du département qui demanderait aux établissements qui ne le font pas de donner la chance aux élèves d'y participer. Je me réfère à la lettre du parlement des jeunes dont nous avons eu la lecture, car il s'agit de garantir qu'une action ait lieu. En conclusion, je dirai que notre Grand Conseil ferait preuve de cohérence et non de contradiction en soutenant cette motion approuvée par de jeunes parlementaires et la chancellerie d'Etat pour stimuler la participation politique des nouvelles générations. Je vous remercie, Monsieur le président de séance.

Le président. Merci, Madame. Je passe la parole à M. le député Bernhard Riedweg.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Merci, Monsieur le président de séance. Dans la généralité, on constate que les jeunes ne se désintéressent pas autant de la politique que l'opinion publique a coutume de le dire. Cette motion ne se veut pas une intrusion dans les programmes éducatifs qui recouvrent une notion d'appartenance à une communauté nationale, cantonale, régionale et internationale. L'intérêt de cette motion doit se comprendre en termes de formation et de sensibilisation des jeunes ayant des connaissances limitées du débat d'idées politique. Les jeunes doivent être amenés progressivement à participer à la vie civique, et ce dès le primaire. Cette motion permet d'offrir à tous les élèves du postobligatoire entre 15 et 20 ans la possibilité de faire des débats politiques et de les préparer au vote citoyen. L'idéal de la votation en blanc, qui est une forme d'éducation à la citoyenneté, consisterait d'abord en une préparation en classe avec les apprenants, suivie d'un débat avec des intervenants politiques, puis de la votation en blanc, avant la phase de discussion des résultats. L'expérience démontre que les élèves ont généralement un intérêt marqué pour le vote, car ils souhaitent savoir comment ils se situent par rapport à la population. Toutefois, les élèves ont une responsabilité personnelle de se renseigner concernant les aspects politiques de leur vie et il leur revient de faire cet effort en tant que citoyens.

Il faut savoir que la transmission civique est un processus qui s'inscrit souvent largement dans les familles et se renforce par des rencontres. La participation des jeunes à la vie politique s'encourage dès la petite enfance, en particulier lorsqu'un enfant est invité à participer aux discussions, à donner son avis et à proposer des solutions. Il apprendra ainsi par l'expérience qu'il peut influencer certaines décisions de son environnement proche et découvrira aussi les limites de son action. Mais pour vraiment s'intéresser à la chose politique, l'idéal serait que les élèves soient confrontés à la réalité du monde du travail et à sa dureté. Ces apprenants-là ont bien souvent de meilleures connaissances que les élèves du collège, qui sont encore protégés par le cocon familial.

L'Union démocratique du centre s'abstiendra lors du vote de cette motion. Merci, Monsieur le président de séance.

M. Christian Flury (MCG). La Suisse, notre petit pays, s'est créée de la base vers le haut, du peuple vers son gouvernement, contrairement à celui de nos voisins qui était un royaume dont il a conservé l'essentiel des structures administratives, dont une gouvernance centralisée à l'extrême. A l'échelle mondiale, nous restons une exception, car nos concitoyens sont régulièrement consultés et ont la possibilité d'exprimer leur avis sur tous types de sujets.

Nos jeunes, les enfants et adolescents qui sont encore dans leur cursus scolaire, représentent les générations futures. Ils nous succéderont, conduiront le canton ou le pays, seront appelés à exprimer leur avis au travers d'élections ou de votes. Ils seront également la base solide sur laquelle toute notre démocratie repose. Assurément, les programmes d'enseignement des branches académiques sont chargés, mais, considérant les enjeux, la formation à la citoyenneté et le développement au sens civique ne doivent pas être les parents pauvres de notre système de formation. Si autrefois l'éducation politique se déroulait essentiellement au sein des familles, la situation a évolué eu égard notamment aux nombreuses personnes qui ne sont pas natives de Genève ou de Suisse. Il est dès lors primordial qu'un enseignement de qualité puisse être dispensé par le département de l'instruction publique. Le Mouvement Citoyens Genevois exprime toutefois une réserve: l'indispensable nécessité d'un enseignement objectif, neutre et non orienté politiquement.

Nous vous invitons, Mesdames et Messieurs, chers collègues, à voter cette motion telle que sortie de commission. Je vous remercie, Monsieur le président de séance.

Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion, dans sa rédaction première, donnait un mandat clair à la direction générale de l'enseignement secondaire II: celui d'organiser chaque année au moins une votation en blanc, préparée par les enseignants qualifiés pour cela, c'est-à-dire les enseignants de sciences sociales. Pour les Verts, l'éducation à la citoyenneté sous toutes ses formes est essentielle dans le parcours scolaire, parce qu'elle permet de développer le sens critique, elle permet aussi de connaître ses droits et les institutions politiques locales; elle permet enfin de devenir un acteur ou une actrice de la société. Malheureusement - et nous le regrettons fortement - le passage en commission a annulé toute la substance de ce texte. On en arrive finalement à «faciliter l'organisation», et non plus à «organiser» le vote en blanc, on en arrive à proposer une fréquence au bon vouloir, «à définir», alors que nous proposions que la votation ait lieu régulièrement, chaque année; enfin, la motion sortie de commission ignore la mention d'enseignants de sciences sociales que nous soutenions. Bref, ce texte, qui avait pour objectif de renforcer dans l'enseignement secondaire II l'éducation citoyenne - une branche essentielle, qu'évidemment nous soutenons et qu'il faut même promouvoir activement - s'est transformé, on le voit, en une déclaration molle qui donne juste bonne conscience. Pour nous, il est essentiel de revenir au texte initial. Dans ce sens, nous vous encourageons à voter les amendements proposés dans le rapport de minorité. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Jean-Charles Rielle (S). Chères et chers collègues, le titre de cette proposition de motion, «pour développer le sens civique et la participation aux votations des jeunes», semblait devoir faire l'unanimité. Et pourtant, en lisant le rapport, l'on s'aperçoit qu'une suite d'amendements subtilement distillés ont finalement dénaturé l'objectif. La preuve, comme il a été dit, le rapport de majorité émane de l'une des signataires et le rapport de minorité d'une autre signataire de cet objet. Développer le sens civique des jeunes et leur participation aux votations est un enjeu important en démocratie. Il faut noter que le parlement des jeunes et la chancellerie proposent déjà des initiatives reconnues et on ne peut que relever l'effort fait par le DIP.

Un consensus, fût-il voté en commission, n'est pas toujours utile. Les mots «fréquence à définir» et l'absence de la mention des enseignants de sciences sociales enlèvent toute contrainte. L'organisation systématique de votations en blanc s'inscrit pourtant parfaitement dans le dispositif existant et leur faisabilité est démontrée dans de nombreuses écoles. Cette motion veut en généraliser les effets et s'inscrit parfaitement aussi dans la série de projets menés par la chancellerie et le parlement des jeunes. Celui-ci l'a relevé, cette motion garantit qu'une action ait lieu. Bien sûr, une telle motion demande des moyens et un investissement en temps. De nombreuses écoles ont déjà relevé le défi, il s'agit donc de généraliser l'effort dans un souci d'égalité d'offre pour les jeunes.

Lors du vote des amendements, les commissaires socialistes ont clairement opté pour le terme «organiser» et non «faciliter l'organisation», pour «chaque année» et non «à une fréquence à définir»; ils ont été plutôt favorables au vote électronique, et favorables au maintien d'«au moins une votation», au maintien du terme «notamment» ajouté sur proposition du parlement des jeunes, au maintien de la mention des sciences sociales, à l'ajout de l'expression «et les associations d'élèves des établissements concernés» et au remplacement de «prendront part» par «pourront prendre part».

A l'arrivée, cet objet tel qu'amendé et soumis à notre vote en plénière a donc perdu toute sa pertinence. Le groupe socialiste s'abstiendra donc pour le vote du texte sorti de commission, mais vous invite à voter les deux amendements proposés par les Verts. Nous pourrions alors accepter la motion. Merci, Monsieur le président.

M. Murat Julian Alder (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je souhaite commencer cette intervention en présentant mes excuses au groupe des Verts: lorsque ceux-ci ont déposé ce texte et qu'il a été renvoyé à la commission des droits politiques, je les ai accusés de l'avoir déposé dans le seul objectif de redonner un ordre du jour à la commission des droits politiques pour qu'elle puisse siéger et qu'ainsi certains commissaires engrangent des jetons de présence. (Commentaires.) La réalité est que cette proposition de motion a suscité l'intérêt de l'ensemble des groupes. En revanche, je déplore un peu la séance de «brachycérophilie» à laquelle nous sommes en train d'assister: celles et ceux qui savent de quoi je parle voient les conséquences que l'amour des mouches amène malheureusement dans les débats de ce parlement.

Plus sérieusement, j'ai le sentiment que nous sommes vraiment en train de discuter d'une pure question de libellé, et j'ai de la peine à comprendre les amendements des Verts. Une «fréquence à définir», c'est une notion suffisamment large. Cela peut même être une fréquence pluriannuelle; si l'on parlait de chaque semaine, ce serait aussi une fréquence à définir. Ensuite, on veut restreindre le champ d'application de ce texte en imposant que ce soient les enseignants de sciences humaines qui fassent cet exercice et non pas les enseignants tout court. S'il vous plaît, soyons sérieux ! Je rappelle que le rôle du parlement est de légiférer, celui de l'exécutif est d'exécuter; ensuite, ce sera aux écoles de mettre en oeuvre ce texte. Laissons un peu d'autonomie aux établissements scolaires et aux enseignants. Cette proposition de motion telle que reprise par la commission et amendée correspond parfaitement dans son essence à l'esprit des initiants, respectivement des signataires; je suis certain que son auteur, qui a quitté ce parlement et a rejoint le bon côté de la force, si vous me permettez de le dire ainsi... (Commentaires.) ...la soutiendrait avec nous aujourd'hui. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe PLR vous invite à approuver cet objet tel que sorti des travaux de commission. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée... Mme la rapporteure de minorité pour vingt secondes.

Mme Frédérique Perler (Ve), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Je me permets d'intervenir, parce que le groupe des Verts a été mis en cause par les propos de M. Murat Alder... (Protestations.) ...extrêmement choquants, qui jettent l'opprobre sur des commissions parlementaires. Je lui signale que cette motion n'a pas été déposée pour engranger des jetons de présence, on ne peut accepter que cela soit dit ainsi; elle a été déposée notamment par un ancien député des Verts, certes, mais qui ne faisait pas partie de la commission des droits politiques. Je vous remercie d'en prendre note. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est maintenant à Mme von Arx-Vernon.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Je prends sur le temps du groupe. Ecoutez, c'est simple: cette proposition de motion a permis un beau travail en commission, et la première version n'aurait pas été votée. Je ne vois pas l'intérêt d'une motion rejetée dont on dit ensuite qu'elle était formidable, vraiment pas ! Nous avons adapté le texte, mais non dénaturé le propos. Nos travaux l'ont juste rendu applicable ! Nous, nous donnons l'injonction politique, l'impulsion; la chancellerie et le DIP s'occupent de l'aspect organisationnel et technique, et nous leur faisons confiance. Vous vous rendez compte, Monsieur le président, c'est quand même terrible, nous faisons confiance à ceux qui peuvent appliquer ce texte ! Voilà pourquoi je vous invite à voter cette proposition de motion telle que sortie des travaux de la commission. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés.

Une voix. Bravo, Anne Marie !

Le président. Je m'en rends compte ! Merci, Madame la députée. Je passe la parole à Mme la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la rapporteure de minorité a parlé de la frilosité de la conseillère d'Etat sur cette proposition de motion. (Remarque.) C'est vous, pardon. (Remarque.) C'est vous aussi ! Bon, très bien. (Commentaires.) Comment expliquer cette frilosité ? Elle ne porte pas sur le fond, que je trouve intéressant, mais plutôt sur le fait qu'à mon avis, malheureusement, il n'y a pas de solution miracle pour la participation des jeunes en politique, mais plutôt une pluralité de dispositifs et de solutions à préconiser, qui, en se combinant toutes, encouragent cette participation. Cette solution-là n'est pas une solution miracle, tant sous la forme que soutient la majorité que sous celle que soutient la minorité.

A ce propos, je ne peux m'empêcher de faire le lien avec la loi sur l'enfance et la jeunesse adoptée ce matin: la loi comporte un article sur la participation, avec deux parties. La première concerne la participation dans les écoles. Je suis persuadée qu'on devient un bon citoyen ou une bonne citoyenne en apprenant depuis tout petit à prendre conscience de différentes problématiques, et d'abord de celles qui vous touchent, selon le principe que c'est en forgeant qu'on devient forgeron: c'est en faisant, déjà dans les petits degrés, de petits conseils de classe avec les élèves - j'ai par exemple vu des conseils de classe avec des élèves de 1P - où on apprend simplement à attendre son tour pour parler, à lever la main, à parler d'un problème à la récréation, de jeux qu'on voudrait avoir dans le préau, etc., c'est par ces démarches que les jeunes apprennent à devenir des citoyens et citoyennes responsables. C'est dans cet esprit-là que le Conseil d'Etat vous avait proposé la deuxième partie de cet article sur la participation, qui concernait le conseil des jeunes. Rassurez-vous, le Conseil d'Etat reviendra très prochainement avec cette disposition, parce que je suis persuadée que le vote de ce matin ne reflétait pas, en réalité, la volonté de l'ensemble des députés de ce Grand Conseil.

Bref, Mesdames et Messieurs les députés, il existe déjà beaucoup de choses aujourd'hui. J'accueille avec bienveillance cette proposition de motion, quelle que soit la forme que vous lui donnerez, parce que c'est un moyen de plus pour enfoncer le clou. Mais sachez que nous faisons beaucoup de choses et que ce n'est pas simplement avec des cours d'éducation citoyenne qu'on arrivera à notre but, mais en favorisant la participation des jeunes par différents dispositifs concrets. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes saisis de deux amendements sur l'invite de cette proposition de motion, qui figurent à la page 66 du rapport. Nous votons sur le premier amendement, qui consiste à remplacer l'expression «selon une fréquence à définir» par «chaque année».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 33 oui.

Le président. Le second amendement prévoit l'adjonction, après «les enseignants», de «de sciences sociales» - et non pas «de sciences humaines» comme cela figure en premier lieu à la page 66: il s'agit bien d'écrire «les enseignants de sciences sociales».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 52 non contre 30 oui et 8 abstentions.

Mise aux voix, la motion 2287 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 50 oui et 40 abstentions.

Motion 2287

M 2288-A
Rapport de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport chargée d'étudier la proposition de motion de Mme et MM. François Baertschi, Pascal Spuhler, Danièle Magnin, Christian Flury, André Python, Thierry Cerutti, Florian Gander, Daniel Sormanni, Francisco Valentin, Henry Rappaz, Sandro Pistis : Ne laissons pas l'instruction publique être colonisée par les enseignants frontaliers !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XIII des 23, 24 février et 2 mars 2017.
Rapport de majorité de M. Patrick Saudan (PLR)
Rapport de minorité de M. Florian Gander (MCG)

Débat

Présidence de M. Eric Leyvraz, président

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous signale que la motion que nous venons de voter figurait à l'ordre du jour pour la dix-septième fois ! Celle-ci y figure pour la dixième fois. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Monsieur Saudan, vous avez la parole.

M. Patrick Saudan (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion a été étudiée par la commission à la fin du printemps 2016. Sa raison d'être est que l'instruction publique serait colonisée par les enseignants frontaliers. Lorsqu'on examine les considérants et qu'on lit l'exposé des motifs ainsi que les déclarations du premier motionnaire, les thèmes qui en ressortent sont assez simples: il y aurait eu un afflux d'enseignants frontaliers qui avoisinent les 10% au sein de l'instruction publique et il y aurait eu des cas de mobbing de la part d'enseignants frontaliers envers des élèves genevois. Le premier signataire a mentionné deux cas qui lui ont été rapportés directement. Un autre considérant porte sur le fait que ces enseignants frontaliers seraient peu acclimatés à notre environnement socioculturel. Pour preuve, le motionnaire cite une anecdote sur un professeur de gymnastique frontalier qui aurait obligé ses élèves à prononcer à la manière gallique le nombre 70. (Rires.)

Concernant les invites, elles sont un peu plus «cash». La première invite demande de ne plus engager d'enseignants frontaliers. La deuxième demande d'examiner les cas de mobbing imputables à des enseignants frontaliers. Troisièmement, il est demandé que notre système de formation puisse fournir un nombre suffisant d'enseignants pour éviter l'engagement d'enseignants frontaliers.

Par la suite, le département a donné des explications concernant les considérants et les invites de cette proposition de motion... (Commentaires.) Merci de me laisser parler ! Tout d'abord, le pourcentage d'enseignants frontaliers au sein de l'instruction publique est de 4,5%. Effectivement, il a été de 10% au cycle d'orientation en raison de pénurie dans des branches bien particulières comme les mathématiques et l'enseignement physique. Deuxièmement, les cas de harcèlement évoqués étaient totalement inconnus et n'ont pas été rapportés à la direction du département. Le harcèlement est en soi inacceptable et il n'y a pas de raison qu'il soit plus ou moins acceptable selon qu'il est le fait d'un enseignant frontalier ou d'un enseignant purement local, dirais-je. Troisièmement, les procédures d'engagement au DIP sont très bien encadrées institutionnellement et elles sont relativement strictes.

Par la suite, les travaux de commission ont plutôt porté sur le fait que 153 personnes inscrites à l'office cantonal de l'emploi au 31 décembre 2013 voulaient un emploi dans l'enseignement mais n'en trouvaient pas. J'apporte deux réflexions pour l'ensemble des députés. Ce nombre de 153 demandeurs doit être relativisé par rapport au nombre global d'enseignants: à Genève, au même moment, il y avait 11074 enseignants, et si vous prenez simplement les enseignants du primaire, il y en avait 2738. Il se trouvait que, sur ces 153 enseignants, 133 postulaient pour des postes dans le primaire. Nous ne savons rien du profil de ces postulants et nous ne pouvons en tirer aucune conclusion.

Après ces explications, la majorité de la commission a considéré que les considérants de cette proposition de motion étaient inexacts et que les invites étaient inappropriées. La majorité vous propose donc de ne pas entrer en matière sur cet objet.

M. Florian Gander (MCG), rapporteur de minorité. Mon préopinant a dit que le nombre de 153 personnes enseignantes et en recherche d'emploi était minime par rapport au nombre total d'enseignants. Minime, ça dépend pour qui ! Je pense que, pour ces 153 personnes en recherche d'emploi, ce n'est pas une minorité. (Commentaires.) C'est peut-être 1,4%, mais je vois dans les chiffres qu'en l'occurrence, quand on demande au département pourquoi on a des enseignants frontaliers, sa réponse est qu'il n'a pas réussi à trouver des professeurs pour des cours spécifiques. Or, si on regarde les chiffres donnés en réponse à la question écrite urgente 510 que j'ai déposée le 22 juin 2016, 153 enseignants se retrouvent à l'office cantonal de l'emploi, soit à 100% soit à temps partiel parce qu'ils ont une activité professionnelle, mais avec un nombre d'heures insuffisant pour avoir un revenu correct - on va dire ça comme ça. Parallèlement, on voit aussi qu'au 31 décembre 2015, on a encore 159 personnes à l'Hospice général dont la dernière activité professionnelle était l'enseignement: 52 enseignants, 19 professeurs, et je vous épargne les autres chiffres. Si on cumule, on n'a pas seulement 153 enseignants en recherche d'emploi à temps plein ou partiel, mais on peut leur ajouter 159 personnes à l'Hospice général ! (Commentaires.) On peut comparer ces chiffres avec les chiffres donnés au 31 décembre 2013: il y avait alors 185 enseignants frontaliers. Si on reprend les deux chiffres donnés en réponse à la question écrite urgente, on arrive à peu près à trois cents enseignants, avec des branches spécifiques. On a donc plus ou moins le détail, en tout cas par rapport à ma question écrite urgente.

Ce que demande principalement cette motion - je vais vraiment axer mon propos là-dessus - c'est d'appliquer la directive en vigueur dans les départements et qu'on engage principalement des personnes résidentes - qu'elles soient suisses ou non - dans les autres cantons ou le canton de Genève. La formation d'enseignant est identique, la connaissance géographique de la Suisse est identique. Des enseignants venant de l'extérieur de la Suisse n'ont pas ça ! Notre histoire a une particularité et si on n'est pas formé en Suisse, on n'a pas ces connaissances qu'on peut transmettre à nos élèves et à nos enfants.

Pour ces raisons-là et au vu du nombre d'enseignants sur le carreau, on doit pouvoir faire le nécessaire pour les engager, quitte à les former pour qu'ils puissent s'adapter à une spécificité dont on a besoin. Je suis sûr que les enseignants n'ont qu'une envie, celle de continuer à apprendre, puisqu'ils ont toujours été à l'école et qu'ils ont toujours étudié. Donc, je suis sûr et certain qu'on peut arriver à trouver une place de travail pour ces 153 personnes au chômage et peut-être pour les 159 à l'Hospice général, surtout qu'on voit actuellement une augmentation du nombre d'élèves dans nos écoles, ce qui demande aussi une augmentation du nombre d'enseignants. Pour toutes ces raisons, je vous demande d'accepter cette motion.

Mme Isabelle Brunier (S). Comme la majorité, le PS a jugé et pense toujours que tant les considérants que les invites de cette motion sont approximatifs, erronés, voire irrecevables, et il vous invite à refuser cette motion.

M. Yves de Matteis (Ve). Je n'étais pas présent lors des débats autour de cette motion, mais j'ai lu les procès-verbaux et je dois dire que j'aurais voté de la même manière que la majorité de la commission, puisque le seul parti à avoir accepté cette motion était celui-là même qui l'avait rédigée. Aucun autre parti n'a donc été convaincu par les arguments avancés en commission.

Oui, bien sûr, il y a des enseignants qui sont d'origine étrangère, voire de nationalité étrangère, dans nos écoles primaires, nos cycles et nos collèges. Oui, il y a aussi des frontaliers parmi ceux-ci ! Mais est-ce vraiment surprenant ? Si on prend n'importe quelle autre ville ou agglomération de la taille de Genève, suisse ou étrangère, on trouve aussi des enseignants travaillant en ville ou dans l'agglomération qui proviennent de cinq, dix, quinze, vingt kilomètres à la ronde. La différence entre ces villes et Genève, c'est qu'ici, on se trouve déjà en France à cinq kilomètres du centre en passant par Chêne-Bourg et Chêne-Bougeries sur la rive gauche et en passant par le Petit-Saconnex et le Grand-Saconnex sur la rive droite. On voudrait donc nous faire croire que cette situation est anormale. Mais non, elle est parfaitement normale ! Croyez-vous vraiment que, dans toutes les autres villes ou agglomérations du monde de la même taille que Genève, on s'interdit d'employer des personnes habitant à plus de cinq kilomètres du centre ? Croyez-vous réellement qu'à Saint-Sébastien, Parme, Bournemouth, Linz ou Aberdeen, les enseignants et enseignantes ne viennent que de l'intérieur d'un périmètre de cinq kilomètres autour de la ville ? Croyez-vous vraiment qu'à Liège, Pampelune, Mayence, Lübeck, Rennes ou Trieste, les écoles, collèges et universités ne sélectionnent leurs collaborateurs et collaboratrices que parmi les personnes habitant à moins de cinq kilomètres du centre-ville ? La réponse est évidemment non, tout comme la réponse du groupe des Verts à cette motion qui sera également et clairement non !

Concernant le mobbing mentionné dans une des invites de cette motion, c'est un problème qui doit effectivement être traité, et il l'est, de fait, par l'organe mis sur pied par l'Etat, à savoir le groupe de confiance dont c'est l'un des rôles; mais ce problème doit être examiné indépendamment du fait que ses auteurs - ou victimes - soient ou non frontaliers, ne serait-ce que du point de vue de l'égalité de traitement et de la non-discrimination.

En conclusion, le groupe des Verts vous enjoint bien évidemment de refuser ce texte. Merci, Monsieur le président.

M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la commission a fait son travail, elle a examiné cette motion. Comme l'a fort bien dit le rapporteur de majorité, avec un certain humour - je le remercie d'avoir trouvé de quoi faire de l'humour avec ce texte - il est totalement outrancier ! Après, M. Baertschi aurait pu nous dire qu'il y avait plus de 100% d'enseignants frontaliers ! Non, il ne nous l'a pas fait comme ce matin ! Il s'était donc modéré à l'époque, d'une certaine manière. Cette motion n'est le reflet d'aucune réalité, elle est inexacte et inappropriée. Je ne vais pas commenter les chiffres du rapporteur de minorité parce que c'est complètement vain, ça ne sert à rien. Je remercie Mme Brunier pour sa concision, ma conclusion est la même: Mesdames et Messieurs les députés, ne perdons pas de temps avec cette motion, votons et refusons-la !

M. François Baertschi (MCG). On constate que la vérité fait peur ! (Rires.) Qu'on n'ose pas accepter la vérité qui montre qu'il y a 185 enseignants frontaliers au cycle d'orientation, 34 à l'école primaire et 85 dans le postobligatoire, cela pour 2013. Ce sont les chiffres que nous avons déposés à cette époque-là. Cela fait peur à certains, cela en fait rire certains, qu'il y ait des chômeurs. Rions, rions fort ! Amusons-nous de ce qu'il y a des gens dans la misère... (Commentaires.) ...que des gens n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois, rions très fort ! Amusons-nous dans ce parlement ! Non, le MCG ne s'amuse pas, le MCG prend les choses au sérieux et critique la légèreté de ce parlement, la majorité de tous ces partis qui sont copains comme cochons et laissent notre éducation être colonisée par les frontaliers. (Exclamations.) Nous n'en voulons pas et nous vous demandons de suivre avec vigueur cette motion. Je sais que vous ne le ferez pas ! Nous savons, hélas, que vous ne le ferez pas ! C'est un constat d'échec pour ce parlement: seul le MCG résiste. Nous résistons et nous demandons à la population de nous soutenir ! (Huées.)

M. Alexandre de Senarclens (PLR). J'aimerais dire après le député Olivier Baud que cette motion est parfaitement outrancière. Effectivement, elle relève du fonds de commerce du MCG qui, à quelques mois des élections, a besoin d'exister. Il a besoin de créer de la cohérence, il a besoin de désigner un ennemi commun et ils l'ont répété mille fois, cet ennemi commun, c'est le frontalier. Le frontalier, on le sait, est partout; il s'infiltre, il détruit nos valeurs ! Voilà ce discours absolument abominable, qui est malheureusement une recette historiquement bien connue ! De plus, cela ne repose sur rien: il n'y a pas de preuves, il n'y a pas de faits réels. On est dans l'anecdote: il y aurait eu un frontalier qui aurait été méchant avec un élève et qui aurait fait du mobbing... Voilà ce que l'on trouve dans cette motion, et c'est très triste pour ce parlement !

Maintenant, parlons un peu préférence cantonale. Je vous rappelle qu'est inscrite dans la législation genevoise une priorité aux chômeurs genevois, une priorité lorsqu'il y a un poste qui s'ouvre à l'Etat. Ce dispositif, il faut le rappeler, a été mis en oeuvre durant la précédente législature par les conseillers d'Etat François Longchamp et David Hiler. Si le MCG considère qu'il y a un manque de résultats dans le domaine, je pense qu'il doit adresser les critiques à son propre conseiller d'Etat, M. Mauro Poggia, qui est, paraît-il, chargé de l'emploi. C'est une bataille de tous les jours, il faut certes qu'il y ait une meilleure adéquation entre les emplois offerts à Genève et les formations données afin que nos chômeurs puissent pourvoir ces places. C'est évidemment une tâche au sein du département de l'instruction publique, mais c'est également une tâche au sein du département de la santé: je vous rappellerai juste que la Haute école de santé est incapable de former soixante personnes qui ne demanderaient qu'une chose, venir travailler comme infirmiers ou infirmières, et ça, c'est la responsabilité de M. Mauro Poggia, votre conseiller d'Etat. Pour tous ces motifs, nous refuserons cette motion.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien va voter contre cette motion. Il y a quatre ans, trois mois avant les élections, nous avions M. Stauffer pour ce genre de prise de parole; aujourd'hui, on a M. Baertschi. La seule différence, c'est que M. Stauffer avait un peu plus de talent que M. Baertschi ! (Exclamations. Commentaires.) Merci beaucoup, ça vous énerve, donc ça touche juste !

C'est toujours la même discussion pour savoir si on peut régler le chômage en employant les personnes locales. Je rappelle simplement qu'à Genève, il y a plus de places d'emploi que de travailleurs disponibles dans le canton; on a la chance d'avoir une économie qui fonctionne bien. On a cette chance-là par rapport à d'autres régions du monde, et on a cette chance-là parce que des gens ont travaillé pour, parce que des gens se sont investis pour avoir une économie qui marche bien. Je suis entièrement d'accord avec vous sur le fait qu'il faut peut-être mieux régler le problème du chômage et qu'il faut être plus actif à l'office de l'emploi, mais ça, c'est votre conseiller d'Etat qui en est responsable, Mesdames et Messieurs du MCG ! Alors balayez devant votre porte ! (Commentaires.)

M. Francisco Valentin (MCG). J'aimerais juste rappeler à mon préopinant du PLR, dont j'ai oublié le nom, que ce n'est pas M. Poggia qui est chargé de ça, mais bien le DIP. Le DIP n'est pas encore en mains du MCG, même si ça ne va pas tarder ! (Rires.) Il est vrai que, pour certaines personnes, et surtout pour les entrepreneurs de ce canton, la main-d'oeuvre frontalière est une manne infinie. Ce sont de nouveaux esclavagistes ! Rien que pour cela, je trouve scandaleux que ces gens votent des lois qui leur permettent d'exploiter des gens qui ont besoin de travailler et qui ont besoin de nourrir leur famille, tout ça au détriment des électeurs genevois et des citoyens résidents. C'est simplement inacceptable !

Le président. Merci, Monsieur. La parole est à Mme Magnin pour une minute quarante-sept.

Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. Moi, j'ai passé un an dans l'enseignement français: j'ai supplié mes parents de me remettre dans l'enseignement suisse. Un baccalauréat français sans mention ne donne pas accès à l'université en Suisse. C'est bien la preuve que cet enseignement n'a pas la même qualité que le nôtre et que les enseignants formés en France n'ont pas forcément non plus la même qualité que nos enseignants à nous. Ensuite, nous ne sommes pas des jacobins et nous ne voulons pas que ce soient ces valeurs-là qui soient enseignées à nos enfants !

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, je souhaiterais vous faire part d'une certaine exaspération: c'est au moins la quatrième fois aujourd'hui que le thème des frontaliers est utilisé, à n'importe quelle sauce ! On prend n'importe quel sujet pour asséner les thèses du MCG à ce propos, en prétendant que les autres ne se soucient pas des problèmes des Genevois. J'aimerais juste vous rappeler une chose: le problème des Genevois, leur problème principal, ce ne sont pas les frontaliers, c'est la dérégulation du marché du travail ! C'est le chômage structurel, c'est la sous-enchère salariale ! Des choses contre lesquelles, lorsqu'il s'agit de prendre des décisions, vous n'êtes pas au rendez-vous ! (Exclamations.) Alors si vous voulez parler de ce qui préoccupe les Genevois, faites-le, mais cessez d'utiliser ce parlement pour faire votre pub électorale ! (Applaudissements. Commentaires.)

Le président. Merci, Madame. La parole est à M. Saudan pour une minute quarante-six.

M. Patrick Saudan (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais simplement réaffirmer un fait très simple...

Le président. Je vous ai passé la parole trop tôt, il y a peut-être encore d'autres intervenants. (Commentaires.) Excusez-moi. Je passe la parole à M. Hiltpold.

M. Serge Hiltpold (PLR). Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste réagir aux propos de M. Valentin. Je trouve parfaitement inacceptable, clairement inacceptable, de traiter les entrepreneurs de ce canton d'esclavagistes utilisant une manne en parlant des travailleurs frontaliers. C'est inacceptable, je crois qu'il y a des limites à ne pas dépasser dans notre parlement ! Il y a des conventions collectives de travail, vous ne pouvez pas faire du fascisme ainsi. (Commentaires. Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Bertrand Buchs (PDC). J'aimerais rebondir sur ce qu'a dit M. Hiltpold. Je crois que ces paroles sur l'esclavagisme sont purement scandaleuses, surtout pour de petits entrepreneurs qui créent des postes de travail. Dire qu'ils sont des esclavagistes est proprement scandaleux, je pense qu'on est en train de dépasser les bornes. C'est n'importe quoi. Si un parti veut gagner des voix en disant n'importe quoi, qu'il le fasse et qu'il obtienne une majorité, mais je crois qu'à ce moment-là, Genève sera perdue ! (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur. Essayons de rester un peu calmes ! Monsieur Baertschi, je compte sur vous.

M. François Baertschi (MCG). Monsieur le président, vous transmettrez à M. Buchs que certaines personnes doutent de ses qualités professionnelles médicales... (Exclamations.) Et il ferait bien de dormir un peu moins pendant les séances pour participer un peu mieux ! Parce qu'il s'assoupit !

Il y a quand même un gros problème venant de ces milieux-là, ces milieux qui favorisent les frontaliers à tous points de vue, qui font tout pour mettre des bâtons dans les roues à la politique de préférence cantonale que nous essayons de mener. Ces mêmes partis feraient mieux de dire à leurs élus de réduire le nombre des permis G et des permis frontaliers. Malheureusement, ça ne se fait pas et vous avez une lourde responsabilité. A l'Entente, vous portez une lourde responsabilité dans la situation du chômage à Genève !

Le président. Merci. Madame Salika Wenger, c'est à vous, dans le calme.

Mme Salika Wenger (EAG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, nous avons tous parfaitement compris depuis ce matin huit heures que le MCG n'a pas de politique à présenter à la population et que son unique et seul argument, ce sont les frontaliers. Nous n'avons rien entendu d'autre, aucune proposition, aucune analyse politique. Rien qui soit cohérent ! La seule chose, ce sont les frontaliers ! Alors on va faire un petit exercice. Je suis frontalière, je cherche du travail. Il est bien évident que, quand je vais arriver chez un employeur suisse, je vais lui dire tout de suite: Monsieur, de grâce, payez-moi le plus mal possible, payez-moi en dessous des Suisses qui sont beaucoup trop payés, parce que j'ai besoin de cet emploi ! Est-ce que vous prenez les gens pour des abrutis ?

Une voix. Oui !

Mme Salika Wenger. Est-ce que vous pensez réellement que ça va dans ce sens-là ? Est-ce qu'il ne vous est jamais venu à l'esprit qu'il y aurait peut-être une responsabilité du patronat que vous défendez tout le temps ? Au moment des votes, on vous a vus être favorables aux baisses d'impôts; vous avez toujours voté avec la droite et jamais avec ceux qui avaient besoin de vous et que vous prétendez défendre maintenant ! Vous êtes des hypocrites ! (Commentaires.)

Le président. Merci, Madame. Monsieur Valentin, vous avez vingt-neuf secondes.

M. Francisco Valentin (MCG). C'est largement suffisant. J'espère simplement qu'à partir du 15 avril certaines personnes ici vont se chercher un vrai travail ! (Commentaires.)

M. Jean-Charles Lathion (PDC). J'aimerais approuver ce que vient de dire mon préopinant et j'espère moi aussi que certains d'entre nous vont pouvoir trouver un vrai travail après le 15 avril. Cela dit, je suis vraiment estomaqué par les allégations et la façon de se comporter de M. Baertschi. Ces attaques personnelles sont vraiment indignes d'un parlement tel que le nôtre. De plus, ces attaques permanentes contre les frontaliers sont du plus mauvais goût. (Commentaires.) Nous sommes à Genève et nous savons tous que notre économie ne peut pas se passer de cette main-d'oeuvre. Vouloir se mettre des oeillères et ne pas accepter cette réalité, c'est vraiment faire de l'infantilisme au plus haut niveau. (Commentaires.) Mesdames et Messieurs du MCG, je ne sais pas comment vont se passer ces élections puisque vous êtes dans cette voie-là et que vous essayez de surfer sur tous les bas sentiments pour essayer d'attirer le bon peuple de votre côté, mais je suis certain que les personnes intelligentes n'iront pas dans votre sens et qu'elles sauront faire la part des choses. Comme vous le souhaitez vous-même, j'espère vraiment que le résultat de ce 15 avril sera clair et net ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur. Monsieur Flury, vous avez vingt secondes.

M. Christian Flury (MCG). Merci, Monsieur le président. Une question à nos amis du fond de la salle et d'en face: à votre avis, combien d'étrangers, même domiciliés en France, travaillent dans l'administration française ? Pour l'Hexagone, DOM-TOM compris, ça doit être pas loin de zéro ! Nous sommes dans le seul pays du monde qui ne protège pas ses propres concitoyens. Nos amis orange du fond de la salle vont même faire des stands électoraux en France pour drainer l'électorat français afin d'obtenir leur soutien pour l'élection du parlement. Ils sont tellement au bout du rouleau qu'ils vont racoler en France !

Une voix. Bravo !

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, nos enfants ont besoin d'avoir des enseignants qualifiés, responsables, qui leur enseignent les matières de manière correcte et contrôlée. Pour moi, l'important par rapport à l'instruction publique et par rapport à l'éducation, c'est ça ! Ensuite, nous habitons un bassin géographique dans lequel, de temps en temps, en tant que Genevois, on aime bien, avec nos enfants, aussi, se promener de l'autre côté de la frontière, sur certaines montagnes qui nous entourent. Dont acte. Mesdames et Messieurs les députés, avec le 65% de la population genevoise de première et deuxième génération qui est d'origine étrangère, je crois que nous devons modérer nos propos ! (Applaudissements.)

M. Jean-Luc Forni (PDC). Le parti démocrate-chrétien traverse la frontière parce que le parti démocrate-chrétien se souvient aussi qu'il y a des Genevois de l'autre côté de la frontière: ces Genevois ont aussi des problèmes quand ils reviennent en Suisse, même en raison de la préférence cantonale, puisque la préférence cantonale, je vous le rappelle, Mesdames et Messieurs, discrimine aussi les Genevois qui sont de l'autre côté de la frontière ! (Commentaires.) Mesdames et Messieurs les députés, je le rappelle volontiers au MCG qui n'a semble-t-il pas suivi de cours d'histoire à l'école: l'histoire de Genève est intimement liée à celle du Genevois. Si des frontières ont été établies autrefois, au congrès de Vienne, il y a des frontières naturelles et nous avons finalement tout intérêt à construire une région qui soit prospère, non seulement pour les Genevois, mais aussi pour toute la région du Grand Genève. Messieurs du MCG, je vous invite dorénavant à être un peu plus ouverts sur le monde et à ne pas rester enfermés sur vous-mêmes, parce que, souvent, l'enfermement ne conduit à rien de bon ! (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). J'aimerais relever certains propos totalement faux, notamment de la part du PDC. D'une part, les personnes concernées par la préférence cantonale ne sont pas les Genevois habitant en France voisine. Ceux-là, premièrement, on ne peut pas les considérer comme des frontaliers; deuxièmement, ils n'ont pas besoin d'un permis G pour venir travailler à Genève: c'est un droit qui leur est acquis !

Une voix. Merci !

M. Stéphane Florey. Vous transmettrez, Monsieur le président. Quand vous dites et déclarez sur certains sites internet et dans certaines associations que vous défendez les Genevois, il faut arrêter de se foutre de la gueule de la population ! (Applaudissements.) La moitié de vos candidats vont soi-disant défendre les Genevois dans une association qui s'appelle Genevois sans frontière, et parce que c'est une proposition de l'UDC, vous n'êtes pas capables d'accepter une motion demandant de ne pas exclure de nos écoles les élèves genevois habitant en France voisine. Vous faites croire tout ce que vous voulez, mais vous ne défendez pas la proposition de motion parce qu'elle est UDC. Il faut juste arrêter de tenir ce discours. Vous êtes des menteurs, vous ne travaillez que pour votre propre électorat ! Vous ne défendez absolument pas les Genevois quand ils habitent en France voisine et, de toute façon, vous ne défendez pas la population des résidents ! Ça, c'est la réalité et c'est la vérité ! (Quelques applaudissements. Commentaires.)

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, on entend depuis des années des choses qu'il faut parfois corriger. Quelles sont les conditions pour devenir fonctionnaire en France ? Il faut être français ou européen, citoyen d'un pays membre de l'Espace économique européen - ou suisse ! C'est écrit textuellement dans les documents français. (L'orateur est interpellé.) Monsieur Rintintin, vous avez un bouton devant vous: appuyez dessus et laissez-moi finir ! (Rires.) On peut être suisse ! C'est possible dans l'ensemble des pays européens, Mesdames et Messieurs du MCG et de l'UDC ! Ceci, nous le précisons pour que l'UDC et le MCG, pour reprendre leurs mots, arrêtent de se foutre de la gueule de la population et en particulier des plus de 550 000 Suisses qui résident dans les pays européens et qui ont accès à la fonction publique des Etats européens. A bon entendeur, merci ! (Exclamations.)

Le président. Un peu de calme, Merci ! Monsieur Aellen, vous avez une minute douze.

M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président, ça me suffira. Quand on s'appelle Francisco Valentin, c'est qu'on a eu le privilège de venir dans notre canton pour trouver du travail avec sa famille au moins depuis quelques générations ! (Vives exclamations. Chahut.)

Le président. S'il vous plaît, mon Dieu, mais...

Une voix. C'est scandaleux !

Une autre voix. Raciste !

Le président. Vous répondrez !

M. Cyril Aellen. Quand on s'appelle Sormanni, c'est la même chose ! Quand on s'appelle Sandro Pistis, c'est pareil. Quand on s'appelle Cyril Aellen aussi on est venu à Genève ! Quand on s'appelle Turrettini également ! C'est parce que des gens nous ont accueillis que toutes nos familles ont pu venir et, moi, je suis particulièrement fier de cette tradition genevoise.

Maintenant, une petite chose toute simple... (Exclamations.) Je ne vous ai pas interrompue, Madame ! Une petite chose toute simple: la préférence cantonale est aussi absurde que la politique que vous voulez mener. La préférence cantonale, ça veut dire que le Français qui est domicilié à Saint-Julien, il lui suffit de s'inscrire au chômage, de prendre un logement à Perly-Certoux et il aura la priorité ! Ça ne changera strictement rien à cela, vous pourrez faire ce que vous voulez ! La réalité, Mesdames et Messieurs, c'est qu'il faut avoir des gens formés. La réalité, Mesdames et Messieurs, c'est qu'il faut avoir des emplois qui soient créés avec une économie dynamique ! La vérité, Mesdames et Messieurs, c'est qu'il faut que Genève soit un canton socialement accueillant et dans lequel on intègre les gens, parce que si les gens s'intègrent, si les gens peuvent venir ici, vous comme moi, c'est précisément parce qu'on a été une terre d'accueil et parce qu'on a eu envie de développer un pont économique et social dans notre canton. Nous devons en être fiers et nous ne voulons pas vilipender cela ! Merci, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements. Huées.)

Le président. On peut se calmer un peu, quand même ! On peut être opposé sans crier dans tous les coins. Un peu de tenue, on vous regarde à la télévision ! L'image que vous donnez est lamentable. Monsieur Forni, vous n'avez que huit secondes, je vous laisse dire deux mots !

M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Monsieur le président. Je souhaite simplement dire que nous ne nous «foutons pas de la gueule», comme je viens de l'entendre de la bouche d'un préopinant. (Commentaires.) Nous avons simplement un peu d'éducation. Quand on aspire à devenir conseiller d'Etat, il est de bon ton d'utiliser un langage protocolaire. Moi, je n'utiliserai donc pas l'expression «se foutre de la gueule», mais «se moquer du monde».

Le président. Merci. Madame Engelberts, je pense que vous, vous allez intervenir avec calme, pendant deux minutes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Avec calme, pondération et harmonie, si on peut ! Je regrette beaucoup que ce sujet soit abordé de cette manière-là. Il peut être intéressant de débattre de n'importe quel sujet, des frontaliers comme d'autres. Je fais partie de la liste des personnes qui ont été naturalisées. Mon père a été naturalisé, je m'appelais au départ Leone - pas du tout Engelberts - et j'en suis très contente et très heureuse. Je veux dire que je suis surtout reconnaissante.

Par rapport aux personnes au chômage, je voudrais dire une chose: on ne peut pas engager quelqu'un qui est au chômage simplement parce qu'il est suisse. Il n'est pas forcément compétent dans le domaine de l'entreprise ou dans le domaine des soins. (Commentaires.) Parce que, très souvent, on dit qu'on va les mettre avec les infirmiers, comme soignants, par exemple. C'est un raisonnement que je souhaite que vous fassiez: regardez quels sont les profils actuellement en formation à l'Hospice général. Vous verrez que la grande difficulté pour ces personnes-là, c'est de croire en eux-mêmes, pour qu'ils puissent à nouveau se former, qu'ils parviennent à remettre le pied à l'étrier. Et c'est la quadrature du cercle: quand vous avez été au chômage de deux jusqu'à cinq ans, je vous assure que, comme adulte qui arrive en formation, remonter la pente peut prendre des années - et ça peut échouer. Regardons les choses avec une certaine humilité quand même. Il y a besoin de personnel dans notre canton. Regardons qui est le mieux placé, mais ne critiquons pas d'emblée une catégorie ou une autre. Et arrêtons de vociférer, parce que franchement, ce n'est pas très élégant ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame. La parole est à M. Vanek pour une minute trente.

M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Je vais tenter de faire preuve d'élégance et de ne pas vociférer, j'y arrive aussi parfois. (Rires.) Je voulais reprendre, exceptionnellement, et ne pas tirer sur l'ambulance du MCG... (Commentaires.) Je ne voulais pas tirer sur l'ambulance du MCG, mais je voulais reprendre ce qu'a dit Cyril Aellen dans un emportement qu'il n'a pas constamment. Deux éléments, Monsieur Aellen: je n'ai pas du tout apprécié quand vous avez repris M. Valentin parce qu'il a un nom d'origine supposée étrangère, en disant que s'il était là, c'était bien parce que la Suisse avait eu une politique d'accueil, etc. Je pense que ce n'est pas très bien ! Ce n'est pas très bien parce que la politique d'accueil - entre guillemets - de la Suisse par rapport aux immigrés, ce sont aussi les permis saisonniers, ce sont aussi les baraquements pour les saisonniers, ce sont aussi toutes sortes de conditions indignes et des prélèvements des cotisations sociales qui n'ont pas été rendus, etc. J'ai aussi un nom étranger et je suis né ici apatride. On ne me l'a pas donnée, ma nationalité: j'ai dû me battre ! Je l'ai obtenue par les poils ! Ne soyons donc pas si fiers de la politique d'accueil de la Suisse et ne tenons pas, pour répondre à nos amis ou adversaires du MCG, des propos qui sont aussi teintés du sceau de la xénophobie !

Le président. Merci, il faut terminer, Monsieur !

M. Pierre Vanek. Ensuite, vous avez dit le fond de votre pensée sur la préférence nationale. On en reparlera avec l'objet concernant les TPG et la sous-traitance, votre projet de loi, Monsieur Aellen !

Une voix. Avec plaisir !

Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Gauthier pour deux minutes.

M. Pierre Gauthier (HP). Merci, Monsieur le président. Je pense qu'il ne faut pas confondre les causes et les conséquences, même si nous pouvons toutes et tous comprendre la frustration de certains habitants du canton qui ne trouvent pas de travail. Ces habitants ne doivent pas se faire abuser par le discours qu'on entend trop souvent, qui leur fait croire que le frontalier vient manger leur pain. Cela me fait penser à un sketch de Fernand Reynaud. Si celui-ci était drôle, ce qui se passe aujourd'hui ne l'est pas du tout ! De mon point de vue en tout cas, la cause est très simple: depuis une quarantaine d'années, nous suivons une politique qui est mauvaise et qui va dans le mauvais sens. Nous avons donné la priorité à l'importation d'entreprises du secteur tertiaire au détriment du secteur artisanal et secondaire, comme on l'appelle. C'est cela qui a créé cette frustration chez des dizaines de milliers de Genevois - des dizaines de milliers ! - qui n'ont pas trouvé d'emploi et se trouvent aujourd'hui abusés par le langage de certains démagogues, qui utilisent de manière totalement abusive la détresse de ces chômeurs pour vendre leur idéologie que je qualifierais tout à fait gentiment de nauséabonde.

Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Velasco pour deux minutes cinquante.

M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je trouve que stigmatiser les Français en tant que tels, c'est comme stigmatiser les Espagnols ou d'autres nationalités, et c'est assez dégueulasse. Par contre, Mesdames et Messieurs les libéraux, il est évident que cette libre circulation de conception éminemment libérale a fait se confronter des travailleurs de France et d'Allemagne aux travailleurs d'ici, cela sans aucune protection ! Encore pire, la libre circulation a fait qu'il y a eu une diminution du taux de vacance de logements. Non seulement le travail s'est raréfié, mais en plus les logements se sont raréfiés ! J'ajoute qu'à l'époque, quand un jeune sortait d'apprentissage, il avait droit à six mois dans l'entreprise avec la possibilité d'apprendre encore et de s'insérer. C'est fini, ça, on veut des travailleurs qui soient immédiatement utilisables et exploitables ! Voilà la situation à laquelle on est arrivé. Le MCG est un pur produit de ça: avec cette politique de libre circulation éminemment violente, vous avez justement produit le parti du MCG. Aujourd'hui, vous vous en plaignez, mais c'est votre politique qui a produit ça ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur. Je passe la parole à M. Gander, rapporteur de minorité, pour vingt secondes.

M. Florian Gander (MCG), rapporteur de minorité. Vingt secondes, ça va être très court !

Le président. Quarante-huit secondes, excusez-moi !

M. Florian Gander. Merci, Monsieur le président. En préambule, je suis content d'apprendre aujourd'hui la généalogie de certains de mes collègues; c'est très mignon, mais c'est hors sujet ! Là, le problème, ce sont des enseignants qui sont sur le carreau parce que des frontaliers sont venus prendre leur place. J'ai entendu plein de choses, j'ai entendu dire du côté du PLR qu'il était inadmissible que le MCG se comporte comme ça. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) J'aimerais juste rappeler que votre candidate Mme Fontanet a déclaré dans la presse qu'il fallait une priorité cantonale, que c'était indispensable. Ce ne sont pas mes propos, ce sont les vôtres, je vous en laisse les droits !

Concernant la motion, j'entends dire qu'elle est inadmissible et inacceptable. Ce qui est inacceptable, c'est vous, chers collègues ! Ce qui est inacceptable, c'est de laisser ces trois cents enseignants sur le carreau et de venir me dire qu'ils sont devenus débiles mentaux et ne sont plus capables de travailler parce qu'ils ont été une ou deux années au chômage. C'est simplement inacceptable !

Le président. Il vous faut terminer !

M. Florian Gander. Moi, à leur place, je serais complètement outré par ce parlement. Chers collègues, je vous demande donc de soutenir cette motion et de mettre en place la préférence cantonale, comme nous le faisons avec notre conseiller d'Etat Mauro Poggia !

Le président. Merci, Monsieur. Monsieur Saudan, c'est à vous pour quarante secondes.

M. Patrick Saudan (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Très rapidement, la préférence cantonale doit aller de pair avec la compétence égale et s'il y a trois cents personnes sur le carreau qui veulent un poste dans l'enseignement, c'est qu'elles n'ont pas les prérequis pour enseigner à nos enfants. (Exclamations.) Merci de me laisser parler ! Je voulais aussi vite répondre à Mme Magnin qui fustigeait l'enseignement français et lui dire que nous avons un indicateur assez fiable: nous avons un nombre non négligeable d'étudiants frontaliers ou de familles suisses établies en France, qui ont un bac, qui s'inscrivent en première année de médecine: ils réussissent et font partie de nos meilleurs étudiants ! Le système français n'est donc pas aussi mauvais que vous le pensez ! Et comme j'ai un conflit d'intérêts, je le dévoile: je suis binational, cela remonte à quatre générations et j'en suis très fier ! (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur. Monsieur Valentin ?

M. Francisco Valentin. C'est juste pour demander le vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, très bien. Je passe la parole à Mme la conseillère d'Etat Emery-Torracinta.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, un tout petit peu de rationalité pour commencer cette intervention, puisque beaucoup de chiffres ont été donnés. D'abord, le département respecte parfaitement la directive transversale de l'office du personnel de l'Etat: lorsqu'un poste d'enseignant est ouvert, il est d'abord entre les mains, pendant une quinzaine de jours, de l'office cantonal de l'emploi, avant d'être publié dans le bulletin des places vacantes. Quant aux chiffres, vous savez très bien que lorsqu'on engage un enseignant avec un permis G, en règle générale, c'est qu'on n'a pas trouvé de personne qualifiée dans le canton. (Commentaires.)

Je vais vous donner les derniers chiffres puisque vous ne les aviez pas en commission. Ce sont ceux de la rentrée 2017: nous avons engagé dix-sept enseignants avec un permis G. Nous en avions deux dans l'enseignement primaire, zéro dans l'enseignement spécialisé, cinq au cycle d'orientation dont trois profs de maths, un prof d'éducation physique, un prof de français et latin, et onze au secondaire II. Pour ces onze au secondaire II, cinq dans l'enseignement général, deux en allemand, les autres se répartissant entre les mathématiques, l'éducation physique et la géographie. Enfin, et c'est là qu'on a eu un problème très pratique, six dans l'enseignement professionnel dont cinq pour la construction. Vous voyez bien que la construction est un domaine dans lequel il est extrêmement difficile de trouver des Suisses, aussi comme employés. Forcément, les maîtres professionnels sont aussi souvent d'origine étrangère. Donc, dix-sept personnes !

D'un autre côté, vous me dites qu'il y a des centaines d'enseignants au chômage et inscrits à l'OCE. Les chiffres sont dans le rapport, il s'agissait de ceux d'avril 2016. Il y a effectivement 206 personnes, mais lorsque nous avons demandé à l'OCE quelles étaient ces personnes, il a été incapable de nous en donner les titres. Ces gens se déclarent eux-mêmes enseignants. En l'occurrence, il y en a 153 pour le primaire - 153 personnes d'un côté, que vous pouvez mettre en rapport avec, de l'autre, deux enseignants engagés au DIP avec un permis G. Parmi ces 153 personnes, certaines n'ont pas les titres, d'autres ont peut-être dû quitter leur poste d'enseignant parce qu'elles ne convenaient pas. A un moment donné, on ne peut pas mettre les deux choses en rapport. Voilà pour les faits.

Un autre fait par rapport au bac français. Pourquoi demande-t-on une mention pour les jeunes qui l'ont passé ? Pour une raison bien simple: c'est que le bac français peut se faire avec une orientation très littéraire ou une orientation très mathématique. On peut faire un bac sans mathématiques la dernière année, par exemple. Or, la particularité de la maturité suisse - c'est ce qui la rend d'ailleurs extrêmement difficile - est qu'elle est très généraliste; elle demande d'être à peu près bon partout, ou en tout cas pas trop mauvais dans une discipline, sinon vous ne passez pas le cap. Ce sont des accords qui ont déterminé qu'on demande une mention au bac - qui est d'ailleurs passé un an plus tôt qu'à Genève - pour assurer un niveau minimal afin que les élèves ne soient pas prétérités par la suite. Je vous rappelle qu'en France, on peut avoir un bac sans forcément pouvoir entrer à l'université. Il y a souvent des écoles préparatoires alors qu'en Suisse, on peut entrer partout.

Après cet aspect rationnel, je ne peux pas terminer sans dire que je suis horrifiée par les propos que j'ai entendus, ceux que j'ai aussi lus. Monsieur le député Baertschi, je suis désolée, mais ce n'est pas la première fois: on ne gouverne pas de cette manière-là, avec des «j'ai entendu dire», «il y a des témoignages qui...» ! Ça, ça rappelle des périodes honteuses, comme l'a très bien dit M. de Senarclens ! (Vifs commentaires.) Soit on a des faits précis et on les examine... (Commentaires.)

Le président. Monsieur Baertschi, vous n'avez pas la parole ! S'il vous plaît ! (Remarque de M. François Baertschi.)

Mme Anne Emery-Torracinta. Un peu de respect, Monsieur Baertschi ! (Vifs commentaires.)

Le président. Ayez la politesse d'écouter Mme Torracinta ! Elle ne vous a pas interrompu, faites de même ! C'est de la politesse, Monsieur !

Mme Anne Emery-Torracinta. Je n'admets pas qu'on dise que le DIP a des pratiques qui sont des pratiques des années 30 ! (Vifs commentaires.)

Le président. Monsieur Baertschi, je vous rappelle à l'ordre !

Mme Anne Emery-Torracinta. Monsieur Baertschi, vous avez raison de vous inquiéter du gouvernement ! Effectivement, avec un Conseil d'Etat dans lequel il y a un fils de réfugié, un Conseil d'Etat avec deux fils d'immigrés italiens, un Conseil d'Etat avec un double national, un Conseil d'Etat avec une conseillère d'Etat aux origines corses, alors oui, vous avez raison de vous méfier, Monsieur Baertschi ! (Rires. Applaudissements.)

Le président. Monsieur Baertschi, vous n'avez pas à interrompre Mme la conseillère d'Etat de cette manière ! Je ne suis pas d'accord ! Et vous n'avez pas la parole ! (Remarque de M. François Baertschi.) Maintenant, vous vous taisez, merci ! Nous allons voter sur cette proposition de motion 2288. Le vote est lancé. (Remarque de M. François Baertschi. Vifs commentaires, exclamations.) Mais continuez comme ça, Monsieur Baertschi, et je vous ferai sortir de la salle ! C'est tout ce que vous cherchez ! Ça suffit maintenant, je demande un minimum de politesse, c'est tout !

Une voix. Sortez-le !

Mise aux voix, la proposition de motion 2288 est rejetée par 64 non contre 11 oui et 8 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. J'attends un peu de calme, parce que franchement... Je suis très déçu de l'image que nous donnons. (Brouhaha. Un moment s'écoule.) J'attends le calme, sinon je ne reprends pas.

M 2305
Proposition de motion de Mmes et MM. Jean Romain, Nathalie Fontanet, Yvan Zweifel, Jacques Béné, Murat Julian Alder, Bertrand Buchs, Raymond Wicky, Georges Vuillod, Francisco Valentin, Bernhard Riedweg, Jean-Marie Voumard, Sandra Golay, Daniel Sormanni, Danièle Magnin, Pascal Spuhler, Jean-François Girardet, Henry Rappaz, Florian Gander, Gabriel Barrillier, Guy Mettan, Christian Flury, Philippe Morel, Michel Ducret, Stéphane Florey, Christo Ivanov, Daniel Zaugg, Christina Meissner en faveur d'une formation des maîtres crédible à Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 17 et 18 décembre 2015.
Délai de traitement en commission dépassé (cf. article 194 LRGC)

Débat

Le président. Le délai de traitement de cet objet est dépassé. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Monsieur Romain, vous avez la parole.

M. Jean Romain (PLR). Je vous remercie, Monsieur le président, et je vous remercie d'avoir fait le silence. Chers collègues, nous avons pris acte vendredi de la réponse du DIP à une pétition qui fustigeait la gestion catastrophique de l'Institut universitaire de formation des enseignants secondaires. Le DIP a agi, le DIP a remis de l'ordre et nous avons accepté ses réponses. J'avais considéré ces réponses bonnes mais incomplètes. Toujours vendredi, par la bouche d'un de ses représentants, le parti socialiste disait que c'était au contraire très satisfaisant, alors que le MCG, par la bouche d'un de ses représentants, disait que ce n'était nullement satisfaisant. Eh bien, vous connaissez la défiance du PLR envers les extrêmes. Le PLR pense profondément qu'il y a encore des questions à poser sur ce sujet-là, qu'il y a encore peut-être des choses à faire, et il va demander le renvoi de cette motion en commission. Elle a été déposée, rappelez-vous, suite au très sévère rapport de la Cour des comptes de 2015. Ce rapport montrait les grandes carences de l'IUFE. Ces carences sont en voie de résolution et je demande donc, pour qu'on puisse peut-être avoir le fin mot en ce qui concerne l'IUFE secondaire, de renvoyer cette motion en commission.

Le président. Très bien, nous allons continuer le débat et nous voterons cette demande de renvoi en commission à la fin. Monsieur Bläsi, c'est à vous.

M. Thomas Bläsi (UDC). Merci, Monsieur le président. Madame la conseillère d'Etat, chers collègues députés, ce sera très bref. Mon collègue Jean Romain a évoqué le rapport catastrophique de la Cour des comptes sur l'IUFE. Ce rapport a pu être établi par la Cour des comptes sur la base d'un certain nombre d'informations qui lui avaient été données par des personnes en interne qui s'alarmaient de l'évolution de leur travail. Comme cela avait été annoncé par les directions, ces personnes qui ont fait un devoir citoyen ont aujourd'hui toutes été licenciées et le règlement de comptes interne a abouti pour elles à la perte de leur emploi. Je signale à cette occasion que l'UDC a déposé un projet de loi avec le parti socialiste, qui est cosignataire, pour attribuer la compétence de protection des donneurs d'alerte à la Cour des comptes. Madame la conseillère d'Etat, est-ce que vous allez intervenir pour que ces personnes qui ont souffert d'avoir donné des informations réelles, informations qui se trouvent à l'origine de ce rapport, puissent être rétablies dans leur fonction, et assurer à l'avenir que les personnes qui participent à l'amélioration du fonctionnement de l'Etat ne soient pas mises en danger par la suite, le groupe de confiance ne présentant en la matière aucun gage de confiance et aucun gage de protection ?

M. François Baertschi (MCG). On a la preuve ici qu'on ne peut pas donner tous les témoignages publiquement, puisqu'il y a des gens qui perdent leur emploi ! C'est scandaleux parce qu'on intimide les personnes et, ensuite, on donne des leçons. On se fait accuser d'agir comme dans les années 30, mais ce sont les procédés utilisés dans votre département qui sont des procédés des années 30, Madame Torracinta ! Ce sont des procédés dont vous n'avez pas à être fière ! Vous devriez avoir honte de ce genre de manières ! (Commentaires.)

Le président. Monsieur Baertschi, vous devez mesurer vos propos. Vous parlez à une conseillère d'Etat, je pense qu'il y a des limites à ne pas dépasser ! Reprenez votre discours, mais soyez un peu plus calme et un peu plus poli, s'il vous plaît ! (Commentaires.)

M. François Baertschi. Je suis d'accord avec vous, mais quand on se fait traiter de fascistes par le PLR, le PDC...

Le président. Vous n'avez pas été traité de fasciste par Mme Emery-Torracinta, s'il vous plaît. Ne recommencez pas, sinon je vous coupe la parole et vous ne l'avez plus ! C'est clair ?

M. François Baertschi. Je vois que la liberté de parole est à géométrie très variable ici. Et je vois qu'il y a certains procédés qu'on retrouve qui ne sont pas acceptables. Licencier quelqu'un ? Non ! On licencie des gens en catimini et on le fait pour intimider les personnes qui témoignent, pour intimider toute personne qui s'oppose à certains abus. Ces gens sont des sonneurs d'alerte, comme on dit maintenant. C'est ce genre de choses qui se fait. Ça vous dérange, vous ne l'avez pas réalisé, Madame la conseillère d'Etat, mais c'est malheureusement une réalité. Bien sûr, vous ne voulez pas l'entendre, je l'ai bien vu, mais il faut l'entendre à l'IUFE comme il faut l'entendre peut-être dans d'autres domaines. Et quand on entend des personnes qui sont des tireurs d'alerte... Des lanceurs d'alerte plutôt ! (Rires.) A ce moment-là, il ne faut pas les mépriser. Or il y a un esprit de mépris chez certains, ici. Je crois qu'il y a certaines réalités qu'il ne faut pas mépriser parce que, du moment qu'on méprise, on est méprisable. Méprisant et méprisable, ça va très bien ensemble ! (Commentaires.) Et c'est ce que certains font malheureusement dans cette enceinte et je le déplore, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur. Vous voyez, quand vous voulez, vous y arrivez très bien ! Madame Marti, c'est à vous.

Mme Caroline Marti (S). Merci, Monsieur le président. Je ne ferai pas de commentaire sur les paroles de mon préopinant. Le groupe socialiste acceptera le renvoi en commission de cette motion pour que le travail puisse être poursuivi et terminé sur cette question importante de l'organisation de la formation des enseignants et de l'IUFE. Le groupe socialiste souhaite quand même rappeler et souligner qu'un rapport de la Cour des comptes a effectivement été rendu il y a quelques mois. La conseillère d'Etat en a pris acte, elle a tenu compte des recommandations, elle a formulé des propositions et on devrait pouvoir apaiser la situation en quelques séances de commission. Parce que ce qui est demandé dans la motion est vraiment extrême: on évoque la possibilité de changer complètement de système, mais ce n'est pas en prenant un bazooka qu'on va tuer une mouche. En quelques séances de commission, on pourra faire aboutir ces travaux et apaiser une situation qui mérite de l'être.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Monsieur le président, au vu de la situation, le groupe démocrate-chrétien demande une suspension de séance. Des propos absolument inexcusables ont été tenus tant envers le Conseil d'Etat qu'envers certains membres du parlement attaqués par le groupe MCG. Je demande au Bureau de bien vouloir statuer sur le comportement de certains membres du groupe MCG avant que nous reprenions. (Applaudissements.)

Le président. Vous demandez une motion d'ordre. Il nous faut l'accord des deux tiers de l'assemblée pour une suspension de séance.

Mise aux voix, la motion d'ordre (suspension de séance) est adoptée par 59 oui contre 25 non.

Le président.  Ça nous fait les deux tiers ? (Remarque.) Oui, c'est bon. Nous reprenons nos travaux dans dix minutes.

La séance est suspendue à 15h52.

La séance est reprise à 16h08.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons notre séance après cette interruption qui était certainement bienvenue. Je voudrais que vous m'écoutiez, et je ne veux pas être interrompu.

Monsieur Baertschi, je vous ai averti parce que vous avez parlé de façon très incorrecte à Mme la conseillère d'Etat et vous m'avez traité de fasciste. Or, ce n'est pas moi que vous avez insulté, mais c'est la fonction et c'est inadmissible. Je vous ai donc averti et je ne veux plus entendre ça. Vous n'êtes pas le seul en cause parce que, vous aussi, vous avez été attaqué: on vous a traité de fasciste, il y a des mots qui venaient du PDC ou du PLR qui n'étaient pas corrects vis-à-vis du MCG. Je veux que ces débats reprennent de façon sereine. Je vous avertis qu'au moindre dérapage, je me montrerai très sévère: quelle que soit la personne qui dérape, je la ferai sortir de ce parlement pour cette séance. Maintenant, j'aimerais que tout le monde donne une image digne de ce parlement à ceux qui nous regardent à la télévision et j'espère que nous pourrons poursuivre nos débats dans le calme ! Je vous remercie. (Applaudissements.) Nous reprenons notre débat, la parole est à M. Olivier Baud.

M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, en décembre 2015, on a déjà discuté assez longuement de cette motion. Je pense qu'il y a des raisons au fait qu'elle n'a pas été traitée. Le plus raisonnable aurait été que ses auteurs la retirent, parce que, franchement, cette question de la formation des maîtres à l'IUFE - formation crédible ou pas crédible - est de toute façon traitée dans d'autres projets de lois. Il n'y a plus grand-chose à dire de cet objet. Alors puisque les auteurs ne la retirent pas et qu'on ne va pas la refuser sur le siège maintenant, renvoyons-la en commission et traitons cela en un minimum de séances. A mon avis, une seule séance suffira amplement. Refusons-la en commission et revenons la refuser définitivement en plénière !

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Par rapport à cette motion, je vais dire que j'ai un peu l'impression que c'est du harcèlement. Cette formation mise en place au sein de l'université agace très certainement des députés ou certaines personnes. Pour ma part, je trouve que c'est un excellent choix - peut-être parce que je l'ai suivie et que, quand même, on y apprend un certain nombre de choses. Finalement, une formation d'adultes se façonne avec les gens qui suivent la formation. Ce qui est intéressant dans ce projet, c'est que la formation des enseignants se déroule au sein de l'université pour en tout cas deux bonnes raisons. La première, c'est que le champ d'activité des enseignants, tout le monde le sait, est en train de s'élargir terriblement et si on veut parler d'école inclusive dans un certain nombre d'années, il faudra bien qu'à la base les enseignants soient formés à travailler avec des personnes en situation de handicap. Et où pouvons-nous apprendre cela ? Ce n'est pas forcément dans une formation continue qu'on apprend un certain nombre de bases sur les personnes en situation de handicap, mais c'est en milieu universitaire ! Deuxièmement, il y a une question de coût: nous avons l'opportunité de ne pas avoir à créer une nouvelle école, elle est déjà installée dans l'université. C'est vrai qu'elle a aussi un pendant professionnalisant, mais ce n'est pas seulement dans cette unité: c'est le cas à la faculté de médecine aussi. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il y a des périodes de stages et il y a des périodes de formation. Donc, personnellement, je renverrai bien sûr cette motion en commission pour soutenir cette unité de formation et pour qu'on arrête le harcèlement !

M. Jean-Luc Forni (PDC). Le parti démocrate-chrétien va soutenir ce renvoi en commission. Effectivement, beaucoup de choses ont été dites sur cet IUFE. La situation a, semble-t-il, évolué. Il semble aussi qu'il y ait certaines frustrations du côté de ceux qui ont été les lanceurs d'alerte. Eh bien, je pense qu'il faut faire la lumière là-dessus et le traitement en commission sera le meilleur moyen de donner une bonne réponse aux uns et aux autres.

M. François Baertschi (MCG). Juste pour conclure, ce texte doit vraiment être renvoyé en commission parce qu'il y a un gros problème qui mérite d'être examiné avec sérieux. Le problème de l'IUFE n'est malheureusement pas réglé et cela mérite une étude. Le groupe MCG vous demande donc un renvoi en commission.

M. Yves de Matteis (Ve). Le groupe des Verts n'est pas persuadé que le fait de charger d'une étude un organisme étranger au canton va changer quelque chose ou résoudre les problèmes. Nous pensons que le département est probablement le plus à même de faire quelque chose pour que cet organisme fonctionne au mieux. Néanmoins, nous sommes en faveur du renvoi en commission.

M. Thomas Bläsi (UDC). Le groupe UDC soutiendra ce renvoi en commission pour les raisons évoquées dans ma première intervention.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, tout à l'heure, des propos inacceptables ont été tenus et il m'appartient quand même de vous dire quelque chose à ce propos. Je les mets sur le compte de l'émotion du député concerné qui s'est senti attaqué et qui a réagi de manière un peu virulente. Vous avez bien fait de suspendre la séance, Monsieur le président.

Sur le fond, Monsieur le député, permettez-moi de vous dire simplement qu'on peut tout dire en politique, on peut tout penser, mais il faut avoir des faits. Il faut avoir simplement des faits ! Chaque fois qu'un député de ce parlement ou qu'une commission parlementaire m'a posé des questions sur le département, j'ai toujours répondu en toute transparence. On ne peut pas simplement dire qu'il y aurait des témoignages, qu'il y aurait ceci ou cela. Ce ne sont pas des preuves, ce ne sont pas des faits ! Je vais vous donner un exemple très concret que je pense même avoir déjà cité dans ce parlement: un député suppléant de votre parti, je crois, m'a passé un jour un petit mot en marge d'une séance de la commission des finances. Il m'a dit que, dans un cycle d'orientation qu'il a nommé, on aurait engagé une secrétaire frontalière alors qu'il y avait des candidates suisses ou domiciliées dans le canton qui auraient pu convenir. Comme il m'a donné le nom du cycle d'orientation, j'ai immédiatement vérifié et je lui ai répondu: l'information était parfaitement fausse. La personne engagée était suisse et domiciliée à Genève. Donc, quand on me pose une question, je donne la réponse, mais on ne peut pas simplement laisser des rumeurs se répandre. Si vous avez des éléments factuels qui vous inquiètent, Monsieur le député Baertschi, je vous invite à venir m'en parler en dehors de cette enceinte, si vous le souhaitez. Je les traiterai du mieux que je peux, et de façon à vous donner des réponses qui soient correctes.

Revenons maintenant à cette proposition de motion: le Conseil d'Etat ne s'oppose pas à son renvoi en commission, cela vous donnera peut-être l'occasion d'entendre ce que le département a accompli depuis plusieurs années, même si ce texte de 2015 est quand même lui aussi un peu obsolète. Entre-temps, l'IUFE a été réformé, par une réforme qui correspondait à la fois à ce que demandait la CDIP en matière de règles et à ce que demandait le canton de Genève, notamment les associations d'enseignants. On a essayé de faire le meilleur système possible compte tenu de toutes les contraintes. L'institut fonctionne maintenant, mais il faudra peut-être lui donner un peu de temps pour qu'il soit parfaitement sur des rails. Je répondrai toutefois volontiers à vos questions en commission comme je l'ai toujours fait, en toute transparence.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons voter sur la demande de renvoi en commission de cette proposition de motion.

Mis aux voix, le renvoi pour six mois de la proposition de motion 2305 à la commission de l'enseignement supérieur est adopté par 78 oui (unanimité des votants).

Un rapport doit être rendu dans les six mois (article 194 LRGC).

M 2344-A
Rapport de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport chargée d'étudier la proposition de motion de Mme et MM. Daniel Sormanni, Christian Flury, Florian Gander, Henry Rappaz, Sandro Pistis, Francisco Valentin, Christian Decorvet, Sandra Golay, Jean-François Girardet, Pascal Spuhler : Entrée en formation, les jeunes en perdition
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 26 et 27 janvier 2017.
Rapport de majorité de M. Jean-Michel Bugnion (Ve)
Rapport de minorité de M. Jean-François Girardet (MCG)

Débat

Le président. Nous passons à la M 2344, qui est inscrite à notre ordre du jour pour la onzième fois. Le rapport de majorité est de M. Bugnion, remplacé par M. de Matteis. Cet objet est classé en catégorie II, quarante minutes. Monsieur de Matteis, c'est à vous.

M. Yves de Matteis (Ve), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je remplace en effet mon excellent collègue Jean-Michel Bugnion, auteur du rapport de majorité, qui ne siège plus parmi nous. La commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport a traité la proposition de motion 2344 au cours de deux séances fin 2016. Je n'ai pas participé à ces séances, mais j'ai pris connaissance des documents accessibles.

Malgré le fait que l'ensemble de la commission partage les inquiétudes des motionnaires concernant les jeunes qui ne trouvent pas de place de formation ou qui sont en rupture de formation, tous les autres partis en présence - en dehors du parti auteur du texte - ont décidé de voter contre celui-ci. La première invite consiste à demander d'«inventorier les jeunes n'ayant pas trouvé une place d'apprentissage ou de formation, suite à un échec au test d'entrée, ainsi que les motifs». Comme cela a été expliqué en commission, il n'est pas possible d'isoler un seul critère expliquant les situations de non-apprentissage: un patron peut engager un ou une apprentie qui a échoué au test, alors qu'un stage ou un entretien non concluant peut entraîner un non-engagement. Certaines associations faîtières ont peut-être des indications ou des indices à ce propos, mais de loin pas toutes. Par ailleurs, toutes les formations professionnelles ne font pas passer les mêmes tests et les résultats sectoriels ne sont pas tous communiqués, ce qui rend difficile l'obtention du nombre et des noms des jeunes sans formation l'année suivant leur sortie du cycle d'orientation. Il est virtuellement impossible de connaître le nombre de celles et ceux qui n'ont pas de formation à cause de leur échec aux tests d'entrée.

Les deuxième et troisième invites portent sur le renforcement des moyens de mise à niveau, essentiellement au travers du CTP, le centre de transition professionnelle, qui fait suite à la scolarité obligatoire pour ceux qui n'ont pas trouvé de place de formation. Toutefois, selon la majorité de la commission, augmenter le nombre de classes en diminuant le nombre d'élèves ne paraît pas la mesure la plus efficiente a priori. Concernant l'enseignement, le travail est fait et, semble-t-il, bien fait. Par contre, il est possible qu'il soit utile d'augmenter les moyens pour résoudre les situations problématiques qui n'ont pas trait à l'enseignement mais plutôt à la santé, à la précarité sociale ou encore à d'autres problématiques non spécifiquement scolaires, voire des dossiers pris en charges par le SPMi. Comme souligné en commission, le DIP, notamment à l'aide du groupe de travail «Parcours et fragilité», devrait proposer - il l'a peut-être même déjà fait - des pistes afin de résoudre certaines problématiques. Cette motion est rendue particulièrement nécessaire par l'obligation constitutionnelle de la formation obligatoire jusqu'à 18 ans. Selon le rapport et la majorité de la commission, il est plus judicieux d'attendre les conclusions de ce groupe de travail pour savoir quels moyens sont à mobiliser et où ils devront l'être. Dans le contexte de cette obligation constitutionnelle, comme l'a souligné la magistrate en novembre dernier, l'évolution progressive du CTP qui va devenir le centre de formation pré-professionnelle - CFPP - constituera par ailleurs également une partie de la solution.

La quatrième invite a été retirée sur proposition de l'auteur de la motion. La cinquième invite demande de fixer un seuil de 50% de réponses justes pour la réussite du test EVA - l'évaluation informatisée des connaissances scolaires pour l'entrée en apprentissage dual - avec la possibilité de recommencer le test après avoir échoué. A part les motionnaires, les autres membres de la commission se sont étonnés de ces propositions: les entreprises sont indépendantes de l'Etat et ce dernier ne peut leur dicter le taux de compétences requis pour un engagement; le DSE, chargé de l'économie, pourrait également confirmer cette affirmation. En outre, la possibilité de refaire le test existe, certes après une année consacrée, logiquement, à combler les lacunes responsables de l'échec.

Par contre, la motion a au moins permis de poser la question: il serait intéressant de voir dans quelle mesure certains tests seraient excluants car empêchant même les entreprises d'engager des jeunes n'ayant pas réussi un test et, surtout, il faudrait faire en sorte d'offrir des solutions - et donc un travail - aux jeunes ascolaires ou migrants qui n'ont pas réussi à atteindre le niveau de français requis pour les tests, malgré des compétences professionnelles par ailleurs très bonnes. C'est déjà le cas dans les milieux de l'hôtellerie ou de la restauration, qui fournissent d'ores et déjà du travail sans obligation de remplir des tests.

Forte de ces constats et malgré la pertinence de certaines questions posées, la grande majorité de la commission, soit tous ses membres à l'exception des motionnaires, a voté en défaveur de cette motion.

M. Jean-François Girardet (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je remercie tout d'abord le rapporteur remplaçant de M. Bugnion pour ses conclusions. Son dernier paragraphe notamment démontre que la commission n'a pas su saisir l'importance à donner à cette motion. Le 13 mai 2016, il y a bientôt deux ans, le député Sormanni a cherché à connaître le nombre de jeunes qui seraient exclus d'une formation suite à un échec au test EVA. La réponse du Conseil d'Etat à sa première question n'a guère de quoi rassurer. J'ai mis la réponse à cette question - la QUE 485-A - en annexe à ce rapport. Je cite une partie de la réponse: «Le nombre de jeunes n'ayant pas trouvé une place d'apprentissage ou de formation après avoir effectué un test EVA est inconnu.» En septembre 2016, le MCG déposait donc cette proposition de motion à la suite de cette question écrite urgente dont un élément de réponse vient de vous être cité. En commission, la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta, avec ses explications, a confirmé l'immensité du chantier qu'imposent la constitution et la mise en vigueur de cette mesure dès la rentrée 2018. Le taux de 14% de jeunes dans les structures de transition - il a doublé en quinze ans - démontre la nécessité d'agir rapidement. Le MCG proposait d'auditionner à la commission de l'enseignement au moins les enseignants des classes du CTP pour imaginer avec eux des solutions afin de diminuer ce taux de 14%, notamment dans la perspective de l'application de la LIP à l'horizon 2018. Les causes des échecs constatés ne sont pas monolithiques et cette motion propose des pistes pour y répondre en concertation avec les employeurs également. Il s'agira probablement d'élargir les compétences du CTP et d'en augmenter les moyens. Nous n'avons pas le droit de laisser les jeunes «disparaître» - entre guillemets - des dispositifs existants sans savoir ce qu'il advient d'eux ! Il est de notre devoir de députés de tout mettre en oeuvre pour que la formation initiale soit la meilleure garantie pour un départ serein dans la vie active. Genève doit prévenir le chômage des jeunes par un effort constant porté à leur formation. N'oublions pas non plus le coût social pour le canton, sachant qu'un jeune sans CFC a quatre fois plus de risques de se retrouver sans emploi, soit à la charge de la société. Ce texte demande au département de faire des propositions concrètes pour connaître les causes des décrochages scolaires et pour resserrer le filet formatif en encadrant plus et mieux afin que chaque jeune puisse trouver une formation à sa majorité dans le cadre de la mise en oeuvre de la nouvelle LIP que le MCG avait appelée de ses voeux.

Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, à la lumière de ces explications, nous vous invitons à accueillir favorablement cette proposition de motion dont les invites permettent d'espérer une formation pour tous sans exclusion de qui que ce soit.

Mme Isabelle Brunier (S). Le rapporteur de majorité remplaçant a donné tous les arguments qui ont fait que la majorité de la commission n'est pas entrée en matière sur cette proposition de motion. Le parti socialiste n'a pas changé d'avis depuis lors. Il partage les préoccupations des motionnaires mais considère - on a pu le constater en commission - que ce qui est demandé par les invites est soit impossible, soit inutile, soit en cours de réalisation avec la mise en place de la formation jusqu'à 18 ans. Malheureusement, nous n'irons pas plus loin et nous vous invitons, comme la majorité de la commission, à refuser ce texte.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai lu avec attention le rapport de majorité et les explications données, mais je trouve quand même les réponses du département et du Conseil d'Etat à la question écrite totalement lacunaires: on a l'impression qu'on ne sait pas ce que deviennent tous ces jeunes mais on tourne la page, on passe à autre chose. Non, Mesdames et Messieurs ! Nous avons la responsabilité de faire le mieux possible pour que tout un chacun puisse accomplir une formation, qu'elle soit supérieure, qu'elle soit intermédiaire ou que ce soit un apprentissage. Or, on s'aperçoit qu'il y a de plus en plus de jeunes en difficulté, les chiffres du rapporteur de majorité le démontrent. Un certain nombre d'entre eux se retrouvent dans les centres de transition professionnelle, puisque leur nombre a doublé en quelques années, mais ce n'est pas suffisant. Je pense qu'il faudrait les renforcer. On ne sait pas ce que deviennent un certain nombre de jeunes, comme c'est dit dans la réponse à la question écrite urgente. On ne sait pas ce qu'ils deviennent ! J'ai entendu souvent dans ce parlement, notamment sur les bancs du PLR, qu'il faut s'occuper des apprentis et qu'il faut favoriser l'apprentissage. Je vois que le député Barrillier hoche la tête et je suis d'accord avec lui, mais si on veut favoriser l'apprentissage, il faut peut-être se préoccuper de savoir ce que deviennent ces jeunes qui quittent l'école, parce que la fin de l'école obligatoire survient à 15 ans aujourd'hui. Après, on ne sait pas ce qu'ils deviennent et on ne s'en préoccupe pas ! Je crois qu'on doit s'en préoccuper, d'abord parce que les entreprises ont besoin de main-d'oeuvre et qu'il y a des métiers où on peine à en trouver. Or, on ne fait pas l'effort de chercher.

J'ai aussi entendu Mme la députée Brunier nous dire que c'était irréalisable ou inutile. Inventorier les jeunes qui n'ont pas trouvé une place de formation, je ne vois pas en quoi c'est irréalisable et en quoi c'est inutile. Je ne vais pas continuer la liste parce que ça a déjà été dit trente-six fois: oui, il faut se préoccuper de ce problème, et on a l'occasion de le faire à double titre, parce qu'on va vers une formation jusqu'à 18 ans. Il ne suffira pas de décréter cette obligation avec quelques articles de loi: vous croyez que les jeunes qui décrochent sur le plan scolaire vont suivre des formations jusqu'à 18 ans ? Moi, je n'y crois pas du tout, même si j'y suis favorable ! Donc, il faut bien voir ce qui arrive, ce qui fait que des jeunes décrochent, pourquoi ils décrochent, où ils sont, qui ils sont et ce qu'on peut faire pour les accompagner afin qu'ils puissent continuer leur formation jusqu'à 18 ans et finir une formation qui va leur permettre de se lancer dans la vie. On peut préférer que ces gens soient à l'assistance sociale, qu'ils ne paient donc pas d'impôts et que cela nous coûte deux fois le prix, mais je crois que ce n'est pas la bonne solution.

Heureusement encore, pour donner quitus par rapport à ce qui a été dit ce matin, je crois qu'à Genève, nous ne sommes pas dans les banlieues françaises. Il n'y a pas de banlieue à Genève, bien heureusement ! Mais c'est parce qu'on y a pris garde, parce qu'on a travaillé là-dessus, parce qu'on a essayé de travailler sur la mixité pour éviter ces ghettos ! En ne faisant rien, on va dans cette direction - les bras m'en tombent. Les bras m'en tombent quand je vois que personne dans ce parlement, à part le MCG, n'a dit que cette motion était peut-être une bonne idée, qu'il fallait peut-être gratter un peu, qu'il fallait peut-être écouter un peu les acteurs qui travaillent justement dans ce secteur intermédiaire, notamment les centres de transition professionnelle. Je suis vraiment étonné qu'il n'y ait pas plus d'écho. Oui, il faut s'occuper de nos jeunes; oui, il faut qu'ils puissent entrer en apprentissage s'ils ne peuvent pas faire des études supérieures, et je pense que le meilleur moyen de s'en occuper, c'est de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement, puisqu'on attend d'abord ce fameux rapport, la commission de l'enseignement travaillant sur la formation jusqu'à 18 ans. C'est ça que je voulais vous proposer plutôt que cette étonnante majorité gauche-droite qui refuse cette motion - nous, on n'est ni de gauche ni de droite, alors ça va bien ! Je vous propose qu'on renvoie à nouveau cette motion à la commission de l'enseignement pour que, dans le cadre de ces deux autres projets de lois, nous voyions ce que nous pouvons faire pour ces jeunes, de façon qu'aucun jeune ne reste sur le carreau à Genève ! C'est notre responsabilité et je vous en remercie !

Le président. Merci, Monsieur. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Les rapporteurs ? Monsieur de Matteis, je vous passe la parole.

M. Yves de Matteis (Ve), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Etant donné que les invites ne sont pas modifiées, je ne vois pas l'intérêt d'un renvoi en commission: les conclusions seraient les mêmes par rapport à ces invites.

M. Jean-François Girardet (MCG), rapporteur de minorité. Bien sûr, nous encourageons à voter le retour en commission. Ça donnera l'occasion à Mme la cheffe du département de présenter, cette fois sur la base d'un texte parlementaire, les dispositions prises pour la rentrée 2018 en relation avec la mise en oeuvre de la loi imposant une formation obligatoire jusqu'à l'âge de 18 ans révolus. Je crois savoir qu'elle avait déjà l'intention de la présenter à la commission de l'enseignement. Je préconise donc que cette motion soit renvoyée en commission pour qu'on y reçoive toutes les informations à ce propos.

Le président. Merci, Monsieur. Madame Emery-Torracinta, voulez-vous intervenir à ce sujet ? (Commentaires.) Très bien, nous allons voter sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2344 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est rejeté par 74 non contre 17 oui.

Le président. Nous continuons notre débat. La parole est à M. Olivier Baud.

M. Olivier Baud (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, merci d'avoir refusé le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'enseignement: il n'y a aucune raison de la renvoyer en commission, parce qu'elle est tout simplement mauvaise, et quand un objet est mauvais, il faut savoir y renoncer et accepter la décision de la majorité. On a bien compris que ce texte a été déposé suite à l'insatisfaction de M. Sormanni face à la réponse à une question écrite - et on peut le comprendre. Comment était formulée sa question ? «Entrée en formation, test impitoyable.» Ça, c'est le titre de la question écrite urgente, mais les questions qu'elle contenait ne portaient pas vraiment sur le test. Il pose des questions auxquelles il est impossible de répondre. On l'a démontré, avec la motion, on fait la même chose, on pose les mêmes questions et la réponse reste la même: il n'est pas possible de savoir combien de jeunes vont rater leur entrée en apprentissage suite à des tests. Si ces tests EVA d'évaluation informatisée à l'entrée en apprentissage posent problème, posons le problème sur la table, concrètement. Ces tests EVA ne sont peut-être pas la panacée et on peut remettre en cause le système de sélection, mais ce n'est pas cette motion-là qui va permettre de trouver une solution et de faire avancer le débat. Il faut poser les bonnes questions, et je vous invite à refuser cette motion, malgré le problème qui existe et que personne ne nie. C'est ce qu'a dit le rapporteur de majorité qui s'est contenté, il faut le dire, d'un rapport relativement succinct. Bon, M. Bugnion n'est pas là. Peut-être qu'il était un peu pressé de partir quand il a rédigé ça ? Je ne trouve pas tout à fait normal qu'on ne retrouve pas votre intervention, Monsieur Sormanni - mais vous ne m'écoutez pas, ce n'est pas grave ! Nous dirons que M. de Matteis a bien pallié cette insuffisance; il est maintenant assez clair qu'il faut refuser cette motion.

M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier M. de Matteis qui a repris ce rapport de majorité et l'a agrémenté de beaucoup d'arguments: il est vrai que ce rapport était un peu succinct. Le PLR a refusé d'entrer en matière sur cette proposition de motion en commission et il va le faire également en plénière. Non pas que nous ne partagions pas l'avis de M. Sormanni sur la problématique évoquée - vous transmettrez, Monsieur le président: il est vrai que le fait que des jeunes sortent de notre système de formation sans passeport pour une formation certifiante constitue un problème très douloureux. C'est un problème très douloureux et nous espérons que le principe de la formation jusqu'à 18 ans, tel que décidé par le peuple à travers la constitution de 2012, va permettre de le pallier, mais les solutions esquissées par les invites de votre proposition de motion sont totalement inadéquates, en particulier la cinquième invite qui demandait de baisser les barèmes du test EVA. C'est pour ça que le PLR estime que ce n'est pas à l'Etat de s'immiscer dans l'établissement du barème de ce test: c'est du ressort des associations professionnelles. Nous ne pouvons donc pas accepter cette proposition de motion.

M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC est d'accord avec certains constats qui peuvent inquiéter, comme les échecs aux tests d'aptitude de nombreux jeunes. Effectivement, le taux d'échec est assez important, mais, en fin de compte, les demandes de la motion sont simplement inapplicables ! On peut l'appeler comme on veut, que ce soit le SCAI d'avant, le CTP de maintenant ou la future dénomination - parce qu'elle va changer - mais l'image que les jeunes ont du CTP est déplorable: ils ne veulent pas y aller, pour la grande majorité d'entre eux, et ils se retrouvent en perdition, une fois qu'ils sont là-dedans. Maintenant, si on veut améliorer le taux de réussite, je regrette que cette motion ne cible que le test EVA alors qu'il y a une multitude de tests différents: chaque branche a les siens. Les régisseurs en ont un, la Migros a les siens, la Ville de Genève aussi. Chacun a un peu ses spécialités par rapport à sa profession. Moi, ce que je regrette surtout, par rapport à ce taux d'échec, c'est que c'est le cycle d'orientation qui devrait mieux préparer les jeunes à ces tests ! Cela rejoint la motion de M. Barrillier votée il y a quelques mois, il faudrait mieux collaborer avec les professionnels. S'il y avait une vraie collaboration, peut-être qu'on pourrait mieux préparer les élèves du cycle d'orientation à ces tests en leur faisant passer au moins une fois des épreuves en blanc pour qu'ils puissent déjà appréhender l'épreuve en elle-même, pour savoir à peu près de quoi il est question. Parce que c'est aussi la grande crainte de ces jeunes qu'on envoie au casse-pipe: ils ne sont déjà pas rassurés, parce qu'il s'agit d'un test, et la plupart sont mal préparés. Ils n'ont peut-être pas tout à fait le niveau, mais ils pourraient se rendre compte de quoi il s'agit quand on les envoie faire ces tests. Pour le reste, on peut se baser sur ce qui se fait dans les écoles privées pour les remises à niveau. Là aussi, on peut injecter de l'argent pour toutes les remises à niveau qu'on veut, je n'ai pas franchement l'impression que ça va servir à grand-chose.

J'en reviens au cycle d'orientation; si autant d'élèves ont besoin de remise à niveau, si autant d'élèves sont en échec pour ces tests, c'est qu'il y a vraiment un problème avec notre niveau scolaire ! Finalement, qu'ont-ils appris en huit années d'école primaire et en trois ans de cycle d'orientation pour se retrouver en constat d'échec au bout du compte ? (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Qu'il y ait autant d'élèves qui se retrouvent dans cette situation, c'est de cela qu'on devrait s'inquiéter aujourd'hui en arrêtant de chercher des solutions alambiquées qui, au final, n'apporteront pas plus à nos élèves qui ne seront pas plus intelligents !

Le président. Il vous faut terminer.

M. Stéphane Florey. Finalement, on aura gaspillé beaucoup de moyens pour rien. Le groupe UDC refusera donc également cette motion.

M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, je comprends les motionnaires: le décrochage scolaire et l'absence de réussite à ces tests EVA est un véritable problème pour nos jeunes. Il faut savoir aussi que, dans les cycles d'orientation, la formation duale souffre d'un véritable déficit de promotion. (Commentaires.) Oui, quand même ! Ça s'améliore, grâce à M. Barrillier, mais il est malgré tout difficile de vendre un contrat d'apprentissage. De plus, quand bien même tous ces jeunes réussiraient les tests, je ne suis pas persuadé qu'ils trouveraient tous une place d'apprentissage.

Aujourd'hui, avec l'école obligatoire jusqu'à 18 ans, vous vous trouvez devant une vraie réforme à mettre en place, Madame la conseillère d'Etat, et je suis persuadé que si cette réforme est menée avec du bon sens dans les cycles d'orientation, on parviendra à mieux diriger nos jeunes vers la formation duale qui est remarquable - je suis issu de la formation duale et je la défends: j'ai toujours un apprenti en formation dans mon entreprise. C'est aussi un lourd travail qui est demandé au patron. Je crois donc qu'il y a quelque chose à faire et qu'une vraie question est posée. On peut faire confiance à Mme la conseillère d'Etat qui nous a demandé dans ses budgets la mise en place de cette école obligatoire jusqu'à 18 ans. Mais je pense que continuer à travailler sur cette motion n'est pas la bonne formule, je vous demanderai donc de la rejeter.

M. Serge Hiltpold (PLR). Une considération pour mes divers collègues: le test d'aptitude fixe un certain niveau de compétences. Ce qui était voulu par les associations professionnelles - notamment dans les milieux de la construction - c'était d'avoir un test orienté par professions. Pourquoi ? Par exemple, le développement d'un raisonnement mécanique, d'un raisonnement géométrique ou d'une vision de l'espace permet de distinguer des compétences intrinsèques à un métier, tout en ayant connaissance de certaines lacunes. Si on s'aperçoit que le jeune a les compétences pour le métier mais qu'il a des lacunes dans d'autres branches, l'employeur informé de ce déficit peut prendre des mesures d'appui en connaissance de cause, à la signature du contrat d'apprentissage, afin d'éviter qu'un rêve prenne fin après trois, six ou neuf mois, au moment où le jeune dégringole et arrête la formation en entreprise. Une concertation entre l'Etat et les associations professionnelles est capitale et je crois que chaque métier doit garder ses spécificités dès le début d'un contrat d'apprentissage, qui est un contrat de travail, en fait !

Le président. Merci, Monsieur. Monsieur Girardet, vous avez trente secondes.

M. Jean-François Girardet (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Tout le monde s'accorde à faire le même constat sur les échecs de nombreux jeunes aux tests d'aptitude à cause de l'augmentation des normes et sur le coût social induit par ces échecs. La proposition de cette motion est précisément de présenter un inventaire puis d'améliorer le dispositif de mise à niveau et de renforcer les moyens du CTP. Cette motion n'a pas d'autre ambition que celle prise à bras-le-corps par le département, mais une motion est une intention du parlement...

Le président. Il vous faut terminer, Monsieur !

Jean-François Girardet. Nous vous demandons de lui faire bon accueil pour demander, précisément, au gouvernement d'aller dans ce sens.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le département partage les préoccupations des motionnaires. Le Conseil d'Etat et moi-même, nous nous faisons beaucoup de soucis quant aux jeunes qu'on appelle les jeunes décrocheurs, qui ne trouvent pas d'emploi et qui, à terme, sont des candidats au chômage et à l'aide sociale. Cela dit, nous n'avons pas attendu la motion pour agir ! Monsieur le député Sormanni, comme vous ne faites pas partie de la commission de l'enseignement, vous n'avez pas eu toutes les explications que j'ai pu y donner. Ces explications données en novembre 2016 en commission figurent dans le rapport sur la proposition de motion. Entre-temps, il s'est écoulé plus d'une année et nous avons avancé sur le projet de formation obligatoire jusqu'à 18 ans dont je vais parler. Nous sommes donc maintenant beaucoup plus au clair qu'en novembre 2016.

D'abord, une remarque sur les tests EVA: ils ont été conçus et construits avec tous les partenaires, dans le cadre du Conseil interprofessionnel pour la formation, avec le cycle d'orientation et avec des spécialistes de l'évaluation. Ils ont remplacé dans bien des cas - on ne peut pas forcer les employeurs à les utiliser - les tests préparés par telle ou telle entreprise de manière individuelle. Ces tests permettent aussi d'éviter les tests payants tels qu'ils existent dans les autres cantons suisses, que les jeunes doivent payer pour avoir éventuellement une chance d'obtenir un contrat signé. C'est une vraie plus-value qui a donc été offerte aux jeunes de ce canton. Maintenant, ces tests ne donnent pas un résultat avec l'indication «réussi» ou «raté». Pourquoi ? Tout simplement parce que, selon la branche dans laquelle le jeune va postuler, on va peut-être s'intéresser plus au résultat en mathématiques ou au résultat en français, et c'est ce qui est donné aux employeurs: on dira que le jeune a fait tant de points en français, tant de points en maths, etc. Comme l'a dit M. Hiltpold, cela permet ensuite à l'employeur intéressé de savoir quelles sont les éventuelles lacunes du jeune, si le jeune peut entrer ou pas dans la filière concernée. Je crois que ces tests apportent un vrai plus. Il faut peut-être les améliorer, mais il ne faut en tout cas pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Deuxième chose, ce n'est pas le seul critère pour entrer en apprentissage. Un employeur, quel qu'il soit, regardera peut-être le résultat du test, mais il considérera aussi d'autres choses. Il prendra en compte le bulletin scolaire qui a précédé, les notes de comportement s'il y en a; il va peut-être regarder la façon de se présenter du jeune ou s'il a fait des stages; enfin, il évaluera sa motivation. Il y a une palette de critères qui font qu'on choisit un apprenti.

Ce n'est pas de la mauvaise volonté du département, mais on ne peut pas vous dire pourquoi tels ou tels élèves ne sont pas entrés en apprentissage ou n'ont pas réussi les tests. Par contre, là je rejoins en partie ce qu'a dit le député Florey, ce qu'on sait, c'est qu'il y a parfois un fossé entre les compétences des jeunes à la sortie du cycle d'orientation et les attentes du marché du travail. C'est l'histoire de la poule et de l'oeuf: est-ce la faute du cycle ou est-ce la faute du marché du travail ? Je n'ai pas envie de parler de faute: je dis simplement qu'on est dans une société dans laquelle la concurrence est de plus en plus importante pour les entreprises et dans laquelle on exige toujours plus. Effectivement, il n'y a plus de petits boulots, il n'y a plus de travail pour les personnes peu ou pas qualifiées. C'est vrai qu'il y a un problème ! Notre mission n'est pas de dire que c'est la faute du cycle d'orientation ou que c'est la faute des employeurs, notre mission est de nous demander ce qu'on fait pour essayer de combler au maximum cet écart - qui est réel, il faut le reconnaître. Cette réponse est apportée en partie - ou fortement, je l'espère - par la formation obligatoire jusqu'à 18 ans.

Vous avez raison, Monsieur Sormanni, il ne suffit pas de la décréter: ce n'est pas parce que c'est obligatoire que ça va marcher. C'est bien pour ça que nous sommes relativement pragmatiques et que nous l'introduisons sur plusieurs rentrées scolaires. Il y a une première étape à la rentrée 2018. On fera une évaluation et changera des choses s'il le faut, mais, en gros, nous allons dans trois directions, parce que l'on connaît en fait parfaitement le profil des décrocheurs. Il y en a principalement deux. D'abord, le jeune qui n'a pas les compétences attendues par le marché du travail, comme je l'ai dit tout à l'heure: il rêverait d'aller en apprentissage, il a parfois même déjà un projet - il veut aller dans telle ou telle branche - mais il ne trouve pas de place parce qu'il est loin d'avoir les compétences nécessaires. Il faut lui permettre d'acquérir ces compétences. D'autres élèves ont d'autres difficultés: le système scolaire et les attentes des employeurs exercent une telle pression que ces jeunes ne tiennent pas le coup et craquent. Ce ne sera pas simplement en leur disant qu'ils doivent revenir qu'on va résoudre la question.

Comment allons-nous procéder l'année prochaine ? Je l'avais déjà présenté partiellement en novembre à la commission et j'aurai l'occasion de développer le projet, comme il est prévu que je revienne mercredi prochain sur ce sujet. En gros, il y a trois pistes principales. D'abord, un meilleur suivi des élèves; c'est-à-dire qu'il ne sera plus possible de laisser sans projet un jeune mineur, un jeune de moins de 18 ans habitant le canton. On ne pourra pas dire à un jeune: tu n'as pas les notes, tant pis ! Ou: tu n'as pas le droit de rester parce que tu as déjà doublé ton année ! On devra au contraire construire un projet pour chaque jeune. Deuxième chose, on va faire autant que possible du sur-mesure, en élargissant l'offre de formation, notamment dans la filière pré-qualifiante. Monsieur Florey, c'est pour ça que le CTP devient le CFPP, centre de formation pré-professionnelle: il va accueillir une nouvelle offre de formation pré-qualifiante. On parlait ce matin de certifiant et de qualifiant: il faut que l'on donne aux jeunes qui n'ont pas le niveau la chance d'acquérir des possibilités d'entrer soit en AFP soit en CFC. Cela prendra peut-être deux ans, cela prendra peut-être trois ans. Ce sera une des missions du CFPC, et vous verrez que nous élargissons l'offre que nous vous présenterons en commission mercredi. Il y aura de nouvelles offres de formation pour des jeunes qui n'avaient jusqu'à aujourd'hui tout simplement pas de solution pratique. Troisièmement, pour les jeunes qui se trouvent déjà en rupture scolaire, CAP Formations, que vous connaissez bien - ce partenariat de l'OFPC et du DIP avec l'Hospice général et l'office cantonal de l'emploi - deviendra le guichet unique pour les jeunes déjà en dehors du système, quel que soit leur âge en réalité. C'est d'ailleurs déjà le cas, avec beaucoup de succès, puisque de nombreux jeunes passés par CAP Formations - ils sont des milliers - retrouvent un système de formation.

Je crois que nous avançons dans le sens souhaité par les motionnaires. Un renvoi de la proposition de motion en commission n'aboutirait à rien d'autre qu'à ce qu'il est déjà prévu que je vous dise mercredi en commission. Cela créerait peut-être du travail inutile pour l'administration et le secrétariat du Grand Conseil. Je vous invite donc à attendre les informations complémentaires qui vous seront données mercredi et à refuser le renvoi en commission, quand bien même je partage le point de vue des motionnaires.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons maintenant voter sur cet objet.

Mise aux voix, la proposition de motion 2344 est rejetée par 68 non contre 15 oui.

Le président. Je lève la séance. Nous reprendrons nos travaux à 17h15.

La séance est levée à 16h50.