Séance du vendredi 2 octobre 2015 à 17h
1re législature - 2e année - 8e session - 57e séance

Séance extraordinaire

La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Antoine Barde, président.

Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Mauro Poggia et Luc Barthassat, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat Julian Alder, Anne Marie von Arx-Vernon, Beatriz de Candolle, Thierry Cerutti, Christian Dandrès, Michel Ducret, Vera Figurek, Stéphane Florey, Jean-François Girardet, Jocelyne Haller, Lionel Halpérin, Serge Hiltpold, Bénédicte Montant, Philippe Morel, Salima Moyard, Magali Orsini, Jean-Charles Rielle, Georges Vuillod, Salika Wenger, Raymond Wicky, Daniel Zaugg et Yvan Zweifel, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Geneviève Arnold, Christophe Aumeunier, Marko Bandler, Jean Batou, Maria Casares, Christian Decorvet, Patrick Dimier, Pierre Gauthier, André Pfeffer, Nathalie Schneuwly, Charles Selleger, Alexandre de Senarclens et Marion Sobanek.

R 792
Proposition de résolution de Mmes et MM. Eric Stauffer, Sandro Pistis, Henry Rappaz, Stéphane Florey, André Python, Jean-Marie Voumard, Jean Sanchez, Danièle Magnin, Francisco Valentin, Florian Gander, Pascal Spuhler, Daniel Sormanni, Sandra Golay, Christian Flury, Jean-François Girardet, Claude Jeanneret, Christina Meissner, Bernhard Riedweg, François Baertschi, Thierry Cerutti, Norbert Maendly, Patrick Lussi, Michel Baud, Carlos Medeiros : Aidons les réfugiés sur place ! Ils sont mieux chez eux plutôt que chez nous
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 17, 18, 24 septembre et 2 octobre 2015.

Débat

Le président. L'ordre du jour de cette séance extraordinaire appelle le traitement de la R 792 en catégorie II - trente minutes. Je passe la parole au premier signataire, M. Eric Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la proposition de résolution du MCG n'a pas pour vocation d'être polémique. La résolution du MCG se propose d'apporter une aide ponctuelle et immédiate, à la discrétion du Conseil d'Etat, sur les budgets de l'aide au développement, à savoir les fameux 0,7% de son budget de fonctionnement que le canton de Genève devrait reverser annuellement.

Aujourd'hui, tous les parlements en Suisse et en Europe parlent des réfugiés, mais finalement ils ne font qu'en parler, et personne n'agit. La résolution du MCG vous propose, certes modestement, de contribuer immédiatement à l'aide à ces pauvres malheureux, non pas par le biais de mesures aux frontières - parce que là il est déjà trop tard - mais en aidant les ONG qui, sur place, essaient d'endiguer ces phénomènes migratoires.

Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui vous êtes donc devant un choix: soit vous faites le choix d'une politique politicienne qui va balayer cette résolution, et alors vous aurez fini de démontrer à la population votre taux d'hypocrisie... (Exclamations.) ...car c'en sera une si vous refusez cette résolution, soit vous permettrez au Conseil d'Etat, selon son choix et selon les possibilités, sans mettre en danger l'aide au développement, de choisir un montant qui constituera une aide immédiate et ponctuelle; il s'agit d'une aide certes modeste, mais c'est au moins une pierre que l'on apporte à l'édifice. Et j'invite tous les parlements de Suisse et d'Europe à faire de même, car c'est avec les petites rivières qu'on finit par former des fleuves et des océans. (Applaudissements.)

Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, depuis plus de quatre ans la Syrie est à feu et à sang, et la population civile est la première touchée par cette affreuse guerre. Tant le régime en place que Daech ont en effet pris pour cible les civils, n'hésitant pas à bombarder hôpitaux et écoles, et détruisant des villes entières. Depuis le début du conflit, la communauté internationale assiste, impuissante, à ce désastre, et elle est incapable d'agir de manière concertée pour y mettre fin. Devant ce constat d'échec, elle doit au moins faire tout son possible pour alléger les souffrances de la population civile et venir en aide aux victimes. Fuyant la guerre, des millions de personnes sont déplacées, et les réfugiés se comptent aussi désormais par millions; 95% d'entre eux vivent actuellement au Liban, en Turquie, en Jordanie, en Irak et en Egypte. Mais, à nouveau, la communauté internationale néglige ces réfugiés et ne donne pas les moyens aux organisations internationales de subvenir à leurs besoins. Alors oui, certains réfugiés ont repris la route dans l'espoir de pouvoir mener une vie digne, et ils arrivent désormais en Europe. Cette situation est certes grave et les images qui nous parviennent sont frappantes. Mais dans l'histoire de l'Europe et de la Suisse, ce n'est pas la première fois que cela arrive, et ce ne sera pas la dernière. Nous avons su accueillir de nombreux réfugiés par le passé, et nous serons capables d'en accueillir à nouveau. Chaque pays se doit de participer à l'accueil de réfugiés selon son poids démographique et sa force économique. Il en va de notre dignité.

Mesdames et Messieurs les députés, je ne suis pas certaine que les manuels d'histoire seront très indulgents à notre égard. Genève est la capitale mondiale de l'humanitaire, elle se targue d'accueillir les sièges du HCR ou de l'OIM, et c'est le berceau de la Croix-Rouge. Les retombées, tant pécuniaires qu'en termes d'image, sont très positives pour le canton. Dans ce contexte, convoquer une séance extraordinaire du Grand Conseil sur un sujet aussi grave à Genève, capitale humanitaire, est vraiment indigne. Pire, même, ce genre de gesticulation met en péril la place de Genève dans le monde. Cette instrumentalisation d'une crise... (Commentaires.) ...qui n'en est même pas une pour la Suisse est déplorable. En conséquence, Mesdames et Messieurs les députés, les Verts refuseront les trois objets présentés devant vous et vous invitent à faire de même. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je salue à la tribune notre ancienne collègue et présidente du Grand Conseil Mme Anne Mahrer, conseillère nationale. (Applaudissements.) Je passe la parole à M. Pierre Gauthier.

M. Pierre Gauthier (EAG), député suppléant. Je vous remercie, Monsieur le président. Chères et chers collègues députés, cette séance nous permet de rappeler l'ampleur du conflit syrien qui dure depuis plus de quatre ans: 250 000 morts, un million de blessés, 15,5 millions de personnes déplacées et 12 millions de personnes déplacées en Syrie même. Ce bilan est un défi qui est posé à nos pays pour répondre dignement à de telles crises et refuser la surenchère démagogique qui nous est imposée aujourd'hui.

La proposition de résolution 792 demande trois choses: transférer une partie des crédits nationaux alloués au développement vers l'aide d'urgence, assister les personnes dans la détresse et aider les réfugiés en priorité sur place. Renseignements pris auprès des acteurs humanitaires, voyons ce que fait la Suisse aujourd'hui. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Cette année, le budget du CICR pour la Syrie seulement se monte à 164 millions de francs suisses. Depuis 2011, la Suisse a pour sa part consacré 215 millions de francs pour lutter contre les effets de la crise syrienne. Mi-septembre 2015, le Conseil fédéral a encore augmenté de 70 millions le budget de l'aide d'urgence. Une moitié des fonds est engagée pour soulager les pays voisins de la Syrie, tandis que l'autre moitié est engagée en Syrie même, principalement par le CICR, le HCR et le Programme alimentaire mondial. Pour les réfugiés arrivés dans les pays des Balkans, la Suisse a également débloqué des moyens supplémentaires pour aider ces pays et la Grèce à faire face à la crise actuelle. Nous sommes donc très loin de ce qui a été dit précédemment, à savoir que notre pays ne ferait rien. C'est un scandale de penser des choses pareilles. Dans notre pays, justement, sur une échelle bien plus modeste, 460 personnes particulièrement vulnérables ont déjà été accueillies. Ce nombre va rapidement croître de 3000 personnes supplémentaires. Nous sommes donc totalement éloignés du prétendu flot de migrants dont nous parle cette résolution. Enfin, le 18 septembre, le Conseil fédéral a décidé de participer au programme européen de relocation des 40 000 personnes qui sont arrivées après avoir traversé la Méditerranée et qui seront réparties dans toute l'Europe. Dans un premier temps, 1500 personnes, actuellement en Grèce ou en Italie, seront réinstallées en Suisse.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Pierre Gauthier. L'inutile résolution 792 demande donc soit ce qui se fait déjà, soit ce qu'il ne faut pas faire. En effet, vouloir transférer les fonds du développement vers l'assistance d'urgence est absurde, car cela reviendrait à vouloir traiter uniquement les effets sans traiter les causes. Comme si l'on pouvait supprimer l'hôpital...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Pierre Gauthier. ...et ne conserver que les ambulances. C'est absurde, je vous demande donc de soutenir notre amendement et, dans le cas contraire, de refuser cette résolution. (Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG), député suppléant. Nous sommes réunis par la seule volonté de deux groupes, alors même que cette demande, dont le but central est le respect des droits humains, figure dans tous les programmes des partis qui nous sont opposés. Cette demande devrait faire l'unanimité, tant la situation de centaines de milliers de personnes sur les routes est une honte pour l'humanité tout entière. Il est de notre devoir collectif de veiller à leur sécurité sur place, avant qu'elles ne deviennent les proies faciles de passeurs et d'autres mafias. C'est le sens de la résolution 792, il n'y en a pas d'autre ! Nous ne sommes pas, au contraire de ce que tente de faire accroire le banc d'en face, des adeptes fanatiques d'une doctrine, prêts à exécuter aveuglément les ordres d'un maître. Tout au contraire, ce sont ceux qui pensent cela de nous qui sont des séides. La réalité à laquelle nous devons répondre en cet instant est la suivante: pouvons-nous exposer des centaines de milliers de nos frères humains à la sauvagerie de bandes organisées en attendant confortablement installés ici ? Celles et ceux qui soutiendraient le contraire sont de fait les complices à la fois de trafics innommables, mais aussi des pays qui, pour servir leurs appétits financiers, ont déstabilisé l'entier d'une région du monde. Ne nous y trompons pas, les responsables de ces guerres à répétition sont les mêmes que ceux avec lesquels la Suisse en général, et Genève en particulier, entretient un négoce régulier, oubliant de voir que ces Etats-là sont autrement plus voyous que les régimes qu'ils auront déstabilisés. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à soutenir la proposition de résolution 792. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, il est tout de même cocasse de relever que les Sumériens, soit les ancêtres des Syriens, réfugiés majoritaires dont nous parlons ici, ont créé il y a 5000 ans la première civilisation et le premier parlement que l'on connaisse à ce jour. Celui-ci se composait déjà de deux chambres: un sénat et une chambre basse. Si l'on songe à la manière et aux raisons de notre assemblée de ce jour, nous avons des choses à apprendre de ce peuple.

La résolution 792 est inacceptable pour les socialistes: elle demande d'ôter de l'argent sous la rubrique «Aide au développement» pour le donner à l'aide d'urgence en Syrie. C'est comme vouloir fermer ici le bâtiment des lits, le service de santé de la jeunesse et les médecins privés, pour ne développer que les urgences. Face à la tragédie de quatre ans de guerre destructrice en Syrie, nous n'avons plus le choix, Mesdames et Messieurs les députés: nous devons nous impliquer pour participer à la protection des personnes qui se trouvent sur les routes d'Europe et accueillir des réfugiés en Suisse, nous devons accorder une aide humanitaire plus importante, certes, et, dès que cela sera possible, soutenir le développement et la reconstruction des infrastructures nécessaires à la société civile syrienne.

Mesdames et Messieurs, il est bien peu de chose d'accueillir des civils par rapport au fait de vivre une guerre. Les socialistes n'accepteront pas la résolution 792 qui nous est présentée ici, que je qualifierais de texte rédigé sur un coin de table de bistrot. (Applaudissements. Remarque.)

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, les auteurs de cette résolution essaient de nous convaincre qu'elle n'est pas polémique et qu'elle désire uniquement venir en aide à une population en détresse. Pour le PDC, il est déjà difficile de croire en la bonne foi des auteurs de ce texte... (Commentaires.) ...étant donné les multiples prises de position qu'ils ont toujours eues concernant l'aide au développement et l'aide aux migrants en règle générale... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît ! (Remarque.)

Mme Béatrice Hirsch. Toutefois, le PDC est très attaché à la tradition humanitaire de Genève en général et à l'aide aux personnes en détresse en particulier, alors essayons de nous pencher sur les invites de cette résolution.

Premièrement, elle demande au Conseil d'Etat de restructurer - et je reprendrai le terme du premier signataire de cette résolution - immédiatement, là, tout de suite, à l'instant - j'espère que le Conseil d'Etat a pris bonne note - l'aide au développement en favorisant, avec le même budget, l'aide d'urgence. Il s'agit donc, en pleine épidémie, d'arrêter simplement la vaccination, sans imaginer que l'un a un effet sur l'autre, et surtout qu'en l'occurrence il ne sert à rien de prendre les habits de Paul pour habiller Pierre.

Deuxièmement, la résolution invite à aider en priorité les personnes dans la détresse... Parce que, en règle générale, l'aide au développement, l'aide aux migrants et l'aide d'urgence ne s'adressent pas à des personnes en détresse ? Monsieur le président, je l'apprends à la lecture de cette invite. Et il est ajouté ensuite: «selon la tradition humanitaire genevoise». Nous y sommes tous très attachés.

Enfin, la résolution invite à aider les réfugiés sur place de préférence. Alors il y a là une question sémantique: qu'est-ce qui est sur place ? Le Conseil d'Etat doit-il aller là-bas ? Au moment où les gens sont là-bas, ce ne sont pas des réfugiés: ce sont des réfugiés quand ils sont chez nous... (Brouhaha.)

Monsieur le président, cette résolution ne tient pas debout ni assise, on ne croit pas au désir des auteurs de ce texte de réellement être efficaces autrement que pour faire parler d'eux. Mesdames et Messieurs, le PDC vous encourage donc à refuser cette plaisanterie, à refuser cette résolution. (Applaudissements. Exclamations.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Je passe la parole à M. Henry Rappaz, à qui il reste quarante-deux secondes, plus une minute sur le temps accordé au premier signataire.

M. Henry Rappaz (MCG). Merci, Monsieur le président. Oui, on le sait, la population syrienne est plongée dans une grande misère et souffrance. Nombreux sont ceux qui fuient la guerre. Les hommes adultes surtout quittent le pays en laissant malheureusement le fusil aux mains des femmes pour qu'elles se défendent et se battent seules contre l'armée islamique. La Suisse, et Genève en particulier, n'a pas de solution miracle pour héberger tous les demandeurs d'asile entrants, et notre ville souhaite ne pas connaître le même chaos que celui qui a été provoqué en Suède, en Hongrie ou ailleurs encore - et aujourd'hui en France, exactement. Le MCG désire que l'aide attribuée soit minutieusement étudiée afin que l'on vienne en aide réellement aux vrais réfugiés de guerre.

Ultime remarque: la Suisse ne devra pas profiter par la même occasion de l'exode des cerveaux syriens qui, bien entendu, sont également mélangés parmi ces demandeurs d'asile. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Marie-Thérèse Engelberts pour une minute trente.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Merci, Monsieur le président. Comme députée indépendante, je me permettrai cet après-midi de regarder un peu ce qui s'est passé dans l'histoire de la Suisse, qui est une sorte de mythe alpestre pour l'ensemble du monde. Je ne renie rien de ce qui a été dit par la députée Sophie Forster Carbonnier, et je ne vais donc pas en rajouter sur l'historique de la situation actuelle en Syrie. J'aimerais par contre évoquer l'attitude de la Suisse en 39-45, et l'on pourra faire une analogie avec aujourd'hui. Quel était notre rôle, principalement par rapport à l'Allemagne ? Un rôle de complicité. Deuxième point: la discrimination des juifs. C'est vrai, nous n'avons pas discriminé les juifs de Suisse, mais nous avons fermé les frontières. L'Union démocratique s'est illustrée à cette époque-là en jouant un certain rôle, représenté par une rue de Genève portant le nom de M. Giuseppe Motta, partisan du fascisme, qui a été président de la Confédération de nombreuses fois. (Commentaires.) Merci à cette rue !

Le président. Il vous reste vingt secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Merci beaucoup. (Remarque de M. François Baertschi.)

Le président. Monsieur Baertschi, vous n'avez pas la parole.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Pour ce qui est du mensonge, je le laisse à la personne qui le dit ! La neutralité de la Suisse a été remise en cause, et on le sait bien... (M. François Baertschi continue à s'exprimer.)

Le président. Vous n'avez pas la parole !

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...depuis plusieurs années. Aujourd'hui, ce que nous voulons, c'est rester entre nous... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je prierai le député qui parle sans arrêt de se taire ! Vous parlerez après, c'est tout ! Voilà, taisez-vous ! (Exclamations. Applaudissements.) Ça y est ? C'est bon ?

Le président. Il vous reste dix secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Non, j'ai été interrompue, Monsieur le président.

Le président. Il vous reste donc dix secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Un peu plus !

Le président. Il vous reste donc dix secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Si vous voulez ! (Rires.) Si nous désirons aujourd'hui rester entre nous dans l'ensemble de notre pays, eh bien j'aimerais dire ceci: souhaitons-nous répéter l'histoire ? La même qu'en 39-45 ? N'avons-nous donc rien appris ? Quels sont notre responsabilité, notre identité et notre honneur aujourd'hui ?

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Il vous faut conclure.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Je refuserai ces trois résolutions et reprendrai la parole tout à l'heure sur les autres objets. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée, c'est terminé. Je passe la parole à M. le député Alexandre de Senarclens.

M. Alexandre de Senarclens (PLR), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution, disons-le tout de suite, est tout simplement de la gesticulation électorale, à deux semaines des élections fédérales. (Applaudissements. Commentaires.) L'objectif de la manoeuvre n'est pas de proposer le début d'une solution à la crise migratoire, mais d'occuper le terrain médiatique. En effet, proposer de prendre des fonds qui sont actuellement engagés pour l'aide au développement n'est pas réaliste et n'offre en aucun cas une solution crédible pour limiter l'arrivée de migrants en Suisse. Le groupe PLR refusera donc cette résolution ainsi que l'amendement d'Ensemble à Gauche.

Puisque nous en sommes au registre de la posture politique, je tiens à rappeler ici la position très claire, cohérente et constante du PLR sur ce sujet. (Remarque de M. Eric Stauffer. Commentaires.)

Le président. Monsieur Stauffer, vous n'avez pas la parole. (Chahut. Le président agite la cloche.) Poursuivez, Monsieur le député.

M. Alexandre de Senarclens. Le PLR défend...

M. Eric Stauffer. Imposteurs ! (Exclamations.)

Le président. Vous n'avez pas la parole, Monsieur Stauffer, s'il vous plaît ! On vous a écouté, alors veuillez respecter les autres. Monsieur le député, vous pouvez poursuivre.

M. Alexandre de Senarclens. Le PLR défend une politique d'asile ferme et juste. Juste, cela veut dire que nous faisons face à nos responsabilités en accueillant ceux qui sont persécutés dans leur pays pour des raisons politiques, religieuses ou ethniques. Aussi les réfugiés de guerre doivent-ils obtenir une protection provisoire dans notre pays. Genève est la patrie d'Henry Dunant et du CICR, et donc du droit humanitaire. Nous avons sur notre sol, cela a été rappelé, le HCR ainsi que le siège européen de l'ONU. Notre histoire a toujours été marquée par l'accueil des persécutés, des protestants, des huguenots, des Italiens, jusqu'aux Hongrois et aux Kosovars plus récemment. Par conséquent, au PLR nous défendrons toujours cette tradition d'accueil ancrée dans le droit d'asile. Et si nous sommes justes, au PLR, nous devons aussi être fermes. C'est le constat que nous ne pouvons et nous ne voulons pas accueillir toute la misère du monde. Les migrants économiques doivent être, avec respect mais fermeté, renvoyés dans leur pays d'origine. Le canton de Genève, sous la direction du conseiller d'Etat Pierre Maudet, a fait augmenter de façon très significative le nombre de personnes renvoyées, et le PLR est en total accord avec cette politique de fermeté. Enfin, au niveau fédéral il est important de rappeler que par son vote très clair du 9 juin 2013 sur les mesures urgentes destinées à l'asile, le souverain suisse a accepté ces principes de fermeté et de justice. Il est dès lors primordial pour le PLR de donner suite à ces mesures afin qu'elles soient...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Alexandre de Senarclens. ...intégrées le plus rapidement possible au droit ordinaire, pour un raccourcissement des procédures d'asile et donc un traitement digne des postulants à l'asile. (Applaudissements.)

M. Michel Amaudruz (UDC). Nous sommes tous convaincus d'une chose, c'est que nous sommes confrontés à un problème émotionnel qui nous touche profondément. Mais indépendamment de cette considération, il faut savoir faire le distinguo entre l'émotion, la réflexion et la raison. Je m'étonne que dans cet hémicycle il puisse y avoir des personnes opposées sur le fond - je parle bien du fond - à cette résolution. Peut-être que dans la forme, elle n'est pas parfaite, peut-être qu'à certains égards c'est un coup d'épée dans l'eau, mais je voudrais quand même rappeler que, par exemple, M. Borloo, bien avant le MCG, avait défendu avec ardeur ce problème de migration - ou d'invasion - expliquant de façon constructive, raisonnée et scientifique que c'était la seule solution. Et bien avant, un personnage qui tient à coeur aux gens de la gauche, François Mitterrand, avait longuement débattu de cette question pour dire que, sur le problème migratoire, il n'y avait pas d'autre terme à l'alternative que celui de sédentariser ceux qui voulaient partir. Je ne comprends donc pas qu'il y ait eu des éclats et des esprits un peu échauffés par rapport à une résolution qui, sur le fond, est bonne. Et d'ailleurs, que l'on soit pour ou contre, beaucoup sont pour cette solution. Je ne peux m'empêcher, Monsieur le président, de penser à la dernière diffusion de l'émission intitulée «On n'est pas couché», où Laurent Ruquier a montré un dessin. Le dessin était bien fait, mais je n'ai pas du tout aimé le texte, alors ne criez pas. Il était écrit: «Les réfugiés, à peine arrivés, ils nous font déjà...» Le dernier mot, je vous laisse le trouver, car je ne veux pas qu'il figure au Mémorial !

Tout ça pour dire que, de toute façon, par rapport à cette problématique, il y a des oppositions qui sont nettement marquées, mais qu'il faut savoir aborder ce problème avec une réflexion qui dépasse la simple émotion, les écarts de langage ou les mouvements de mauvaise humeur. Pour avoir bien étudié le problème, d'autres avant nous l'ont dit: il est bien de pouvoir, dans la mesure du possible, sédentariser ces gens et éviter des déplacements qui sont destructeurs non seulement pour ceux qui reçoivent mais aussi pour ceux qui partent. C'est dans cet esprit-là que j'approuve la résolution présentée par le MCG. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Eric Stauffer pour cinquante secondes.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous vous apprêtez à dévoiler votre vrai visage à l'entier de la Suisse. (Exclamations.) Aujourd'hui, vous allez refuser une aide qui aurait pu être certes modeste, mais ponctuelle et immédiate... (Une personne à la tribune déroule une banderole. Un gendarme intervient. Chahut. Protestations.) Or aujourd'hui vous démontrez... (Huées.)

Le président. Je suspends la séance ! (Chahut. Des personnes à la tribune chantent «Oh là là, oh lé lé, régularisez tous les sans-papiers !» en applaudissant.) La séance est suspendue ! Je demande aux gendarmes d'évacuer la tribune ! (Les manifestations à la tribune continuent. Un instant s'écoule.) Je vous demande d'évacuer la tribune ! (Les chants se poursuivent. Un instant s'écoule.) Mesdames et Messieurs, je vous demande de bien vouloir quitter la salle ! (Chahut à la tribune. Des manifestants scandent «Say it loud, say it clear, refugees are welcome here !» et «C'est pas les réfugiés, c'est pas les immigrés, c'est le MCG qu'il faut virer ! C'est pas les réfugiés, c'est pas les immigrés, c'est l'UDC qu'il faut virer !» Applaudissements. Les manifestants sont évacués de la tribune.)

La séance est suspendue à 17h30.

La séance est reprise à 17h42.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de regagner vos places. (Un instant s'écoule.) Merci de regagner vos places ! Nous reprenons nos travaux. Quelles que soient les opinions des uns et des autres, je souhaiterais que l'on débatte dans le respect et dans l'écoute. C'est la moindre des choses, et je ne tolérerai plus ce genre d'incidents, qui sont un non-respect de nos institutions. (Applaudissements.) Monsieur Stauffer, vous avez la parole pour trente secondes.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Comme je le disais, ce parlement va dévoiler son vrai visage en refusant cette résolution, qui pourtant pouvait apporter une aide modeste et immédiate - c'était le plus important - à ceux qui en ont le plus besoin. En effet, il y a 1 million de réfugiés à côté de la Syrie, et 1,9 million en Turquie. Mais voilà, Mesdames et Messieurs, par vos basses manoeuvres politiques et l'instrumentalisation de ceux qui ont interrompu cette séance, vous allez priver les ONG...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Eric Stauffer. ...de cet argent qu'on aurait pu leur envoyer tout de suite. Vous êtes des hypocrites, et aujourd'hui la Suisse le saura ! (Exclamations. Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je salue à la tribune notre ancien collègue Roger Golay, conseiller national. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Je passe la parole à M. le député Roger Deneys pour une minute vingt.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il faut dire que cette proposition de résolution, par son titre, par les propos qui ont été tenus et par ses signatures, est tout simplement une insulte à l'humanité... (Protestations.) ...une insulte à la dignité et une insulte à Genève. (Huées. Applaudissements. Commentaires.) Mesdames et Messieurs les députés, il faut se souvenir qu'aujourd'hui les réfugiés qui viennent de Syrie et d'Irak fuient avec leur famille un conflit pour échapper aux bombes, aux massacres... (Remarque de M. Eric Stauffer.)

Le président. Monsieur Stauffer, s'il vous plaît ! On vous a écouté, alors veuillez laisser parler l'orateur !

M. Roger Deneys. ...et à la misère qui va avec. Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit justement d'un cas d'urgence qui demande de notre part un effort d'urgence. (Commentaires.) L'aide d'urgence est complémentaire à l'aide au développement et il ne s'agit pas de substituer l'une à l'autre. J'aimerais aussi vous rappeler que le MCG, avec l'UDC et le PLR - qui joue parfois un jeu étrange - a coupé 500 000 F à la Fédération genevoise de coopération...

Le président. Il vous reste quinze secondes.

M. Roger Deneys. ...et qu'il est tout simplement inadmissible de remplacer l'aide au développement par de l'aide d'urgence. Mesdames et Messieurs les députés, je vous proposerais bien volontiers...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Roger Deneys. ...d'envoyer vingt-cinq députés signataires en Syrie...

Le président. C'est terminé.

M. Roger Deneys. ...et de prendre vingt-cinq réfugiés syriens ici. (Exclamations. Commentaires. Applaudissements.)

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je regrette également les incidents qui ont émaillé ces débats, car je pense - et je crois que tout le monde est de cet avis - que si nous ne partageons pas les mêmes idées sur un sujet, la moindre des choses est de respecter ceux qui s'expriment. Pour ma part, je n'ai entendu ni propos racistes ni propos xénophobes dans cette salle. Nous sommes saisis d'une résolution, et je ne ferai pas de procès d'intention à quiconque.

Je rappellerai tout d'abord que les grands principes de l'aide au développement sont fixés par la Confédération et mis en oeuvre par la Direction du développement et de la coopération du département fédéral des affaires étrangères. Tout récemment, le Conseil fédéral a voté un crédit complémentaire de 50 millions de francs, dont une partie servira précisément à aider sur place les secteurs humanitaires en Syrie, en Irak et en Afrique en général. A Genève, nous avons bien évidemment le service de la solidarité internationale qui finance des projets d'aide au développement, avec un budget annuel - qui est modeste, il faut le dire - de 7,5 millions.

Il nous est demandé ici de restructurer l'aide au développement en favorisant, avec le même budget, l'aide d'urgence. Je comprends de cette invite qu'on nous demande, dans le cadre de l'enveloppe budgétaire qui est la nôtre, d'aider en priorité les personnes qui se trouvent dans une situation d'urgence. Je dirai que c'est quelque chose que le Conseil d'Etat fait déjà, il ne voit donc aucun problème à ce qu'on lui demande de faire ce qu'il fait déjà. Je rappelle quand même à toutes fins utiles que sur place, c'est-à-dire ici à Genève - et j'ai bien compris que ce n'est pas le «sur place» dont il est question dans la résolution qui vous est soumise - la part nette cantonale dans le domaine de l'asile - quand je parle de la part nette, c'est en plus de ce qui est versé par la Confédération et utilisé au niveau cantonal dans le domaine de l'asile - s'est montée à 22,5 millions en 2014. En 2015, cette part, qui était budgétée à 25 millions, est passée à 35 millions, d'où le fait que nous allons être contraints tout à fait prochainement - et d'ailleurs le Conseil d'Etat l'a déjà approuvé - de demander un crédit supplémentaire dans le domaine de l'asile de 10 millions, compte tenu de l'afflux massif de réfugiés dans notre canton. Donc Genève fait déjà beaucoup ici. Je conçois évidemment qu'il faut aussi agir sur place et, comme je l'ai indiqué, la Confédération a pour tâche principale, par son département fédéral des affaires étrangères, de précisément venir en aide sur place. Si chacun peut accomplir un geste supplémentaire dans ce sens, bien sûr nous pourrons le faire, avec toute la problématique entourant l'aide humanitaire sur place, qui doit être encadrée.

En ce qui concerne la deuxième invite, on nous demande d'aider en priorité les personnes dans la détresse selon la tradition humanitaire genevoise, et cela de manière immédiate. Comme je viens de le dire, nous le faisons: chez nous, personne n'est dans le dénuement. Je ne dis pas que nous sommes parfaits dans ce domaine, je me suis déjà exprimé à d'autres occasions sur le sujet, mais en tout cas nous n'avons pas à rougir de ce que nous faisons à Genève ou en Suisse. En effet, la part de réfugiés que nous accueillons par rapport à notre population est notablement supérieure à ce que l'on voit dans les pays voisins.

Enfin, on nous demande d'aider les réfugiés sur place de préférence. Bien sûr, nous sommes tous conscients que les problématiques dont nous supportons les conséquences ici dans nos pays ont leurs sources dans d'autres pays. Il s'agit de sources complexes, évidemment, sur lesquelles nous avons, nous, Suisses, peu de prise; nous en sommes les récipiendaires, comme d'autres pays européens, ce qui bien sûr ne nous dispense pas de notre solidarité internationale. Alors pour ce qui est d'aider les personnes sur place, très certainement, et Genève, par l'intermédiaire de son Conseil d'Etat, est prêt à faire mieux encore s'il le peut, avec les enveloppes budgétaires qui sont à sa disposition.

Tout cela pour vous dire, Mesdames et Messieurs, qu'il n'y a effectivement pas à monter aux barricades face à une résolution comme celle-ci, qui ne mettrait aucunement le Conseil d'Etat dans l'embarras si elle lui était renvoyée. Mais je m'en remets évidemment à votre appréciation à cet égard. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons...

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Nous allons tout d'abord nous prononcer sur l'amendement de M. Pierre Gauthier, qui consiste à supprimer les termes «invite le Conseil d'Etat» ainsi que les trois invites de la R 792, afin de les remplacer par le texte suivant:

«Déclare souhaiter que le Conseil d'Etat de la République et canton de Genève:

- débloque un crédit extraordinaire destiné à l'aide humanitaire d'urgence;

- consacre au moins 0,7% du budget annuel à l'aide au développement;

- mette à disposition tout ou partie de l'actuelle caserne des Vernets pour y abriter les personnes qui seront accueillies par Genève notamment dans le cadre du programme européen de relocation des réfugiés syriens.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 30 oui et 3 abstentions (vote nominal).

Vote nominal

Le président. Nous votons maintenant sur la proposition de résolution elle-même.

Mise aux voix, la proposition de résolution 792 est rejetée par 58 non contre 30 oui (vote nominal). (Commentaires pendant la procédure de vote. Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Vote nominal

R 793
Proposition de résolution de Mmes et MM. Patrick Lussi, Stéphane Florey, Christo Ivanov, Bernhard Riedweg, Michel Baud, Marc Falquet, Eric Leyvraz, Norbert Maendly, Thomas Bläsi, Christina Meissner, François Baertschi, André Python, Sandro Pistis, Jean-Marie Voumard, Jean Sanchez, Danièle Magnin, Henry Rappaz, Francisco Valentin, Florian Gander, Pascal Spuhler, Daniel Sormanni, Sandra Golay, Christian Flury, Jean-François Girardet, Claude Jeanneret, Thierry Cerutti, Carlos Medeiros demandant au Conseil fédéral de modifier la répartition entre cantons des demandeurs d'asile et de revoir le montant des indemnités forfaitaires LAsi
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 17, 18, 24 septembre et 2 octobre 2015.

Débat

Le président. Nous passons à la proposition de résolution 793, classée en catégorie II, trente minutes, et je passe la parole à l'auteur du texte, M. Lussi.

M. Patrick Lussi (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le coeur a ses raisons que les raisons des possibilités pragmatiques et financières ne veulent connaître. Beaucoup appellent à la solidarité internationale, formule qui consiste à masquer les véritables enjeux de ces guerres, dont la seule réalité est l'appropriation des ressources des pays concernés par ceux qui viennent ensuite exiger notre accord solidaire, financier et d'accueil, à nous, aux contribuables, afin de réparer leurs pots cassés. Stoïquement, par cette résolution l'UDC ose très simplement vous rappeler la cruauté des chiffres et des statistiques qui démontrent, pour le moins, que les grands élans philosophiquement généreux oublient les solutions pragmatiques pour juguler cet afflux de populations que nos institutions et organismes n'ont plus les moyens d'assumer.

Pour ce qui est du logement, au 1er juin 2014, Genève comptait 863 logements vacants, soit un taux de vacance de 0,39%; le taux se maintient à un niveau très bas et les personnes à la recherche d'un logement en témoigneront. La construction insuffisante de logements laisse supposer que la crise du logement se maintiendra encore quelque temps. Sollicitée par le canton de Genève, la Confédération a prié le canton de revoir son plan directeur cantonal 2030 concernant son emprise sur les surfaces d'assolement, traduisez en clair: de revoir le déclassement pour la construction. Dans ce contexte défavorable, nous constatons une hausse des demandes d'asile. Selon les estimations, il faut s'attendre à environ 29 000 demandes d'asile en 2015, le chiffre le plus élevé depuis quinze ans. On oublie adroitement de relever que le taux de demandes de reconnaissance du statut de réfugié, soit l'octroi de l'asile, s'élevait à 26% en 2014. Le tiers de tous les requérants d'asile a bénéficié d'une admission provisoire malgré le rejet de leur demande ou une non-entrée en matière. Ils n'auront probablement jamais à quitter le pays, ce qui fait que le pourcentage de personnes restant en Suisse est de 60%. Selon la répartition prévue dans l'ordonnance 1 sur l'asile relative à la procédure, notre canton se voit attribuer 5,6% de requérants d'asile enregistrés dans les centres ou dans les aéroports suisses. La LAsi précise que les personnes dont la demande d'asile a fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière, NEM, ou a été rejetée au centre d'enregistrement et de procédure ne sont pas attribuées à un canton. Or, en pratique, nos structures d'accueil sont déjà majoritairement occupées par des NEM, des «NEM Dublin» ou des requérants déboutés. (Commentaires.) L'Hospice général doit faire face à plus de quarante nouvelles arrivées par semaine. Cela a contraint l'institution à ouvrir deux nouveaux abris de protection civile. Les coûts de fonctionnement d'un abri PC de septante personnes s'élèvent à environ un million de francs par an. Les divers forfaits fédéraux versés à notre canton ne suffisent pas à couvrir l'intégralité des coûts engendrés par les populations migrantes. Aux comptes 2014, les «prestations asile» de l'Hospice général s'élevaient à 22,5 millions de francs, ce qui dépasse le montant budgété d'à peu près 3,2 millions. Pour l'année 2015, le déficit résultant de la différence entre les forfaits fédéraux versés et les prestations fournies par les cantons devrait continuer à progresser. C'est pour cette raison que la résolution demande que les forfaits versés couvrent l'intégralité des coûts assumés par Genève. (Remarque.)

L'exiguïté de notre territoire cantonal, la saturation des structures d'hébergement, la crise du logement, l'impossibilité de continuer à accroître le nombre de places dans les abris PC et les nouvelles contraintes découlant de l'aménagement du territoire font qu'il est impossible pour notre canton de continuer à accueillir les 5,6% de requérants d'asile arrivant en Suisse. C'est également l'objet de notre résolution: nous demandons au Conseil d'Etat de diminuer le pourcentage actuel de requérants d'asile attribués au canton de Genève. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous remercions de réserver bon accueil à cette résolution.

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames et Messieurs les députés, le message du CSP que nous avons reçu répond de façon réfléchie et argumentée à cette résolution inacceptable de l'UDC et du MCG. Ce message n'est pas entendu car ces deux groupes ont fermé la porte à un discours humaniste et nuancé. La politique de l'asile est mise à mal à Berne par l'UDC au fil des réglementations. Pourquoi ne pas revenir au dépôt des demandes d'asile dans les ambassades ?

Alors que faire ? Retourner à sa mémoire collective devient un impératif. Ainsi, je me souviens de ma mère me racontant partager le pain avec des réfugiés juifs polonais et des prisonniers de guerre en Valais, malgré la pauvreté; de l'ami italien de mon père, nous faisant découvrir un curieux légume du nom d'aubergine; des histoires d'émigration, où les pauvres et les parias devaient partir du Valais vers l'Amérique latine; de mon beau-père italien venu des Pouilles, découvrant le froid et la neige à Montana et ayant reçu des gants tricotés par une vieille dame; de ma grand-tante catholique, émigrant dans la Genève protestante comme femme de ménage et devant faire sa place. En voyant parmi vous des enfants issus de l'immigration et du Refuge suite à un départ d'ici et d'ailleurs... (Remarque.) ...je vous invite à vous souvenir de votre propre histoire collective. Personne n'a envie de laisser sa maison, les siens, son lieu d'habitation pour risquer sa vie et grossir le nombre des 22 000 personnes qui ont déjà péri en Méditerranée ! Alors nous, ici... (Remarque.) ...pourvus d'un toit et en sécurité, nous devons partager, permettre aux réfugiés de construire un ailleurs et leur donner un espoir d'avenir ! (Remarque.) Les socialistes refusent cette résolution ! (Quelques applaudissements.)

Mme Lisa Mazzone (Ve). Mesdames et Messieurs les députés du PLR au MCG, retirez vos lunettes et chaussez celles que vous tendent les Verts ! A travers leurs verres, derrière les foules qui peuplent les pages des journaux, derrière ces nombres impossibles à appréhender, qu'on entend à longueur de journée sur les ondes, vous distinguerez une somme d'individus, d'histoires et d'expériences de vie particulières. A travers leurs verres, vous constaterez qu'il n'y a pas «eux» et «nous», mais qu'il s'agit de personnes comme vous et moi... (Remarque.) ...et qu'elles ne sont pas différentes de votre cousine ou de votre voisin. A travers leurs verres, vous réaliserez que, comme tout être humain, elles façonnent des rêves, ont des capacités et aussi des ressources. Aussi, comme vous et moi, elles vont participer à la vie de notre société et contribuer à la construction de celle-ci. Mais pour qu'elles et ils puissent y participer, il faut leur permettre de s'intégrer.

Cessons les calculs d'épicier ! On sait très bien que c'est un stratagème pour attiser la peur ! Les personnes dans le processus d'asile ne représentent que 1% de la population et ce ne sont pas les 30 000 migrants arrivés cette année qui vont faire basculer ce chiffre. Le vrai débat et le vrai enjeu, c'est l'intégration. D'ailleurs, l'Organisation de coopération et de développement économiques l'affirme sans ambages: chaque franc investi dans l'accueil et l'intégration est rapidement récupéré par l'apport de toutes ces personnes à notre société ainsi que par les impôts et, tout comme l'ensemble de la migration, permet de financer nos services publics, de financer et d'assurer des retraites respectables à nos personnes âgées, alors que la population suisse est vieillissante. L'Allemagne ne s'y est pas trompée en brandissant des panneaux de bienvenue et Angela Merkel, sensible aux besoins de l'économie... (Remarque.) ...a compris qu'il s'agit d'autant de personnes qui participeront à la construction et à la prospérité du pays... (Remarque.) ...au même titre que les personnes qui y ont grandi. Intégrer, cela signifie d'abord leur permettre de se rétablir dans des conditions rassurantes. Or, pour qu'ils puissent se rétablir, il est indispensable qu'ils aient accès à un logement décent. Les Verts ont donc déposé deux motions depuis janvier pour pallier la situation de flux tendu volontairement imposée par M. Blocher lorsqu'il était au Conseil fédéral. Une vraie intégration passe également par l'apprentissage de la langue. Quand on sait que des Erythréens qui seront amenés à rester durablement en Suisse doivent parfois attendre une année pour avoir accès à un cours de français, il y a de quoi s'interroger. Enfin, l'accès au travail: comme vous le savez, il a été interdit aux migrants pendant des années de travailler et aujourd'hui encore, les entraves sont grandes.

Le président. Il vous reste trente secondes.

Mme Lisa Mazzone. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, les Verts vous invitent à faire preuve de cohérence: alors que l'Union européenne s'apprête, et on le souhaite, à adopter à son échelle le modèle suisse de répartition des migrants entre les cantons, ne le détruisez pas ici ! Soyez cohérents, Mesdames et Messieurs, aussi lorsque vos partis - je pense là au PLR - viennent d'accepter une xième révision sur l'asile qui raffermit ce modèle. Mesdames et Messieurs les députés, les autres ne sont pas un enfer mais une richesse ! Les Verts refusent de construire...

Le président. C'est terminé, Madame la députée.

Mme Lisa Mazzone. ...notre société sur l'exclusion et la peur ! (Commentaires.)

Le président. Je vous remercie.

Mme Lisa Mazzone. Ayons plus d'ambition pour notre avenir ! Merci, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, je suis très mal à l'aise d'être dans ce parlement... (Commentaires.) ...parce que même une aide modeste a été refusée par ceux qui prétendent vouloir aider ces personnes en détresse. (Commentaires.) Que le peuple m'en soit témoin: aujourd'hui, vous avez refusé une aide modeste qui pouvait être apportée immédiatement ! En ce qui concerne ce texte... (Remarque.) ...vous transmettrez, Monsieur le président, à mes deux préopinantes qui viennent de soutenir qu'il faut accueillir: certes, moi non plus, en tant qu'être humain, je ne laisserai jamais une personne affamée ou mourante derrière la frontière, c'est une évidence. (Commentaires.) En revanche, Mesdames et Messieurs les députés, quand on vous propose d'aider sur place... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et que vous refusez cette aide sur place, moi j'ai une question à vous poser, et on va voir qui a le courage politique d'y répondre ! Imaginons, hypothétiquement, une seule seconde, qu'on vous suive et qu'on accueille tous les réfugiés qui arrivent: 50 000, 100 000 pour vous, 200 000 pour vous ! (Exclamation.) Moi, ce qui m'intéresse, c'est ce qui vient après ! Quand ce sera le chaos ici ! Je vous rappelle que dans un pays voisin de la Syrie, il y a 1 million de réfugiés, et en Turquie, 1,9 million ! Imaginez que demain, si on écoute ce qui est dit dans ce parlement, un million et demi de personnes arrivent en Suisse ! Ce serait le chaos absolu ! (Commentaires.) Et on nous dit, Mesdames et Messieurs: «Mais non, ces réfugiés vont travailler et vont pouvoir payer les retraites !» Mais avec quel boulot ? Un million et demi de personnes qui arriveraient ! Et c'est là que vous êtes des hypocrites ! (Commentaires.) Parce qu'à un moment donné, vous bloquerez vous-mêmes les frontières, comme cela a été fait en Allemagne ou en Roumanie, et vous laisserez périr ces pauvres gens au lieu de les aider sur place ! (Remarque.) Je l'ai toujours dit, Mesdames et Messieurs: la grandeur de l'Europe et de la Suisse ne se mesurera qu'à l'aune de l'aide qu'elle apportera à ces pays...

Une voix. Bravo !

M. Eric Stauffer. ...pour éviter les flux migratoires ! (Vifs commentaires.) Tant et aussi longtemps que vous aurez cette politique, qui consiste - pour résumer ce qui s'est dit ce soir - à soutenir qu'il est urgent de ne rien faire, alors qu'on vous propose quelque chose de concret...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Eric Stauffer. ...eh bien vous confinerez à l'hypocrisie qui a cours en Europe ! Et vous êtes les complices de la misère de ces pauvres gens qui meurent tous les jours, que ce soit en Méditerranée ou en Syrie ! (Vifs commentaires.) Les vrais coupables, c'est vous, Mesdames et Messieurs ! (Applaudissements. Protestations.)

Une voix. C'est Vichy !

Le président. Voilà, voilà. (Commentaires.) Je passe la parole à M. le député Jean Batou.

Une voix. C'est horrible !

M. Jean Batou (EAG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Mesdames...

M. Eric Stauffer. Et ça rigole encore !

Une voix. C'est Vichy !

Des voix. Chut ! (Le président agite la cloche.)

M. Eric Stauffer. Extraordinaire ! Mais rigolez, c'est tellement drôle ! (Commentaires.)

Le président. Monsieur Stauffer, s'il vous plaît !

Une voix. Vichy !

M. Jean Batou. Mesdames et Messieurs les députés, la résolution... (Vifs commentaires.) Si c'est possible d'être entendu ! ...qui nous est proposée repose sur des arguments fallacieux. J'aimerais en donner une analyse rapide. Premièrement, invoquer l'exiguïté du territoire cantonal pour demander que Genève accueille moins de requérants d'asile, soit moins d'un requérant d'asile sur dix-huit en Suisse, pourrait prêter à sourire: en réalité, c'est le vieux slogan de l'extrême droite de l'entre-deux-guerres, «Das Boot ist voll !», de triste mémoire, qui est remis au goût du jour ! Les deux partis qui nous soumettent cette proposition entendent en effet justifier leur volonté politique de dispenser Genève d'un devoir de solidarité élémentaire face à un drame humain sans précédent, qui se déroule en particulier en Syrie, mais aussi en Erythrée. Deuxièmement, instrumentaliser la crise du logement est totalement hypocrite de la part de partis qui ont toujours soutenu les spéculateurs immobiliers responsables de la pénurie de logements à prix abordable que nous connaissons - et il y en a... (Commentaires.)

M. Pierre Vanek. Eh oui !

M. Jean Batou. ...sur vos bancs ! - et de la part...

Une voix. Bayenet !

M. Jean Batou. ...de partis qui se sont toujours opposés à la défense des locataires... (Chahut.)

Le président. S'il vous plaît !

M. Jean Batou. ...et à son principal outil, la LDTR. Cette argumentation est d'autant plus trompeuse que, comme chacun le sait, les requérants d'asile n'ont pratiquement pas accès au marché du logement. (Remarque.) En réalité, l'insuffisance de nos capacités d'accueil est l'héritage d'une politique de pompier pyromane, celle de Christophe Blocher... (Remarque.) ...qui, lors de son passage au Conseil fédéral, a tout fait pour réduire le nombre de lits disponibles pour l'accueil d'urgence. Troisièmement, appeler la Confédération à accroître ses dotations financières en faveur de l'asile est une chose; nous espérons bien que l'UDC défendra ce point de vue à Berne... (Rire.) ...mais pas dans le but de nous dérober à nos responsabilités cantonales, qui sont d'ailleurs limitées. Celles-ci devraient au contraire être considérées comme notre part dans cet effort national et européen de solidarité que nous appelons de nos voeux. (Remarque.) S'ils sont soucieux de l'équilibre de nos comptes, l'UDC et le MCG devraient cesser de soutenir les cadeaux fiscaux... (Remarque.) ...accordés systématiquement aux plus riches ! (Commentaires.) Enfin, demander la réduction de la part des requérants attribués à Genève par la Confédération, soit 5,6%, est une honte !

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Jean Batou. Cette proportion est en effet déjà très faible si on la compare à la part du PIB genevois dans le PIB de la Suisse ou à la part du budget du canton de Genève dans le budget cumulé de tous les autres cantons. (Commentaires.) Pour toutes ces raisons, nous appelons purement et simplement à rejeter cette proposition de résolution. (Quelques applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). J'aimerais que nous revenions au noeud du problème: on nous parle ici d'une situation d'urgence, et la situation d'urgence c'est l'afflux de réfugiés qui viennent de Syrie. On constate que la situation a empiré depuis avant-hier, les Russes ayant commencé à bombarder la Syrie. On comprend que ces gens-là n'ont même plus d'espoir de rentrer chez eux. Je vous rappelle que, juste à côté de la Syrie, se trouve un pays qui s'appelle le Liban et qu'on surnomme la Suisse du Proche-Orient. (Remarque.) On ferait bien de regarder ce qu'ils font là-bas. Le pays a accueilli un million et demi de personnes, sans trouble social. Ces gens-là ont été intégrés; les enfants vont à l'école; les personnes mangent tous les jours ! Un million et demi de réfugiés sur une population de 4 millions de personnes, et il n'y a pas eu de problème ! Quand une situation d'urgence se présente - comme c'est le cas actuellement - avec des gens qui quittent la Syrie et qui n'ont pas d'autre solution que de partir, leur pays étant à feu et à sang... (Remarque.) ...eh bien, on prend des décisions d'urgence en Suisse: on considère donc qu'une situation d'urgence nécessite des décisions d'urgence en Suisse. On ne parle pas de la politique migratoire suisse, on ne parle pas de la politique suisse des réfugiés; on parle simplement de ce qu'on va faire des gens qui sont maintenant arrivés en Europe et qui se trouvent en Hongrie, en Serbie, en Grèce, en Italie. Ces gens ne vont retourner ni au Liban, ni en Turquie; l'aide sur place ne va donc pas servir à grand-chose. Qu'allons-nous faire de ces gens-là ? Il est clair que nous devrons accueillir un certain nombre de personnes en plus des autres réfugiés qui arrivent en Suisse; tout bêtement, Genève devra faire sa part. C'est ce que nous demandions dans notre résolution déposée il y a deux semaines, et je m'étonne - je le dis franchement - de l'attitude du Conseil d'Etat qui a critiqué notre texte et soutenu qu'il était impossible à mettre en oeuvre alors que ce soir, brusquement, le Conseil d'Etat soutient la résolution du MCG. J'aimerais donc savoir s'il s'agit de la position du membre MCG du Conseil d'Etat ou de celle du Conseil d'Etat dans son ensemble. Je vous remercie.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Bernhard Riedweg (UDC). Il faut savoir que durant les premières années en Suisse, 73% des réfugiés et 77% des personnes admises provisoirement touchent l'aide sociale. Alors que les réfugiés ont le droit de travailler en Suisse trois mois après leur arrivée, la proportion de réfugiés ayant un travail est de seulement 16% pour ceux arrivés il y a moins de cinq ans, 40% pour ceux arrivés il y a plus de cinq ans, et près de 50% pour ceux arrivés il y a plus de dix ans. Si notre canton devait consacrer davantage de ressources financières à l'aide aux réfugiés, ces montants devraient immanquablement être soustraits des politiques publiques que sont l'action sociale, la sécurité et la population, l'aménagement et le logement, le handicap, les personnes âgées, voire la formation. En effet, l'état des finances de notre canton n'est pas bon, tant au niveau de sa dette de 13,4 milliards que des chiffres provisoires qui ressortent des comptes de fonctionnement en 2015 et du budget 2016. De nombreux réfugiés économiques se sont déjà installés à Genève, alors que la situation politique de leur pays est stable et relativement sûre. Certains ont été déboutés, mais faute d'une politique de rapatriement efficace qui passe aussi par l'amélioration des accords de réadmission avec les pays d'origine, ces gens se trouvent toujours sur notre territoire. La plupart de ces réfugiés, sans compter les demandeurs d'asile déboutés, n'ont aucune envie de retourner dans leur pays d'origine. En réalité, la majorité reste en Suisse après cinq ans environ...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Bernhard Riedweg. ...et 80% d'entre eux sont reconnus comme des cas de rigueur; seule une minorité travaille. A Genève, 500 personnes ne sont pas renvoyées alors qu'elles devraient l'être, afin de céder leur place à des gens plus nécessiteux. Les indemnités généreuses allouées aux demandeurs d'asile et aux réfugiés...

Le président. Il vous reste dix secondes.

M. Bernhard Riedweg. ...provoquent un appel d'air quasiment ingérable. Merci, Monsieur le président.

Une voix. Bravo ! (Commentaires.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Roger Deneys pour une minute dix.

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il faut rappeler qu'un canton riche comme le nôtre - les baisses d'impôts n'y changent rien - doit faire sa part du travail dans l'accueil des réfugiés et des requérants d'asile. (Exclamation. Remarque.) A part les menteurs de ce parlement, jamais personne n'a parlé d'accueillir un million et demi de personnes en Suisse ! Il faudrait aussi évoquer les conditions économiques qui règnent ici à Genève et la richesse qui est la nôtre, et les bancs d'en face - notamment ceux de l'UDC et du PLR - devraient peut-être s'interroger sur la provenance de notre richesse.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Roger Deneys. Il faudrait en effet peut-être se souvenir que des capitaux proviennent du trafic d'armes... (Remarque.) ...proche des dictateurs, de ces familles, des trafiquants de pétrole, et que nous bénéficions malheureusement, j'ai envie de dire, de cette richesse ici à Genève. (Commentaires.) Mesdames et Messieurs les députés, quand nous tolérons, acceptons et encourageons ces trafics, nous devons assumer nos responsabilités ! Quand des candidats UDC ou PLR sont dans des grandes banques ou sont avocats de dictateurs...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Roger Deneys. ...nous en subissons aussi les conséquences ! Il faut refuser ces textes !

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Je voudrais juste donner quelques chiffres. (Remarque.) La population de la Syrie aujourd'hui est de 22 millions d'habitants. Le nombre de déplacés et de réfugiés dans les camps représente la moitié de la population de ce pays. Je ne sais pas si vous avez en tête l'image de la ville de Dresde en 1945. Du nord au sud, de l'est à l'ouest, la Syrie est quasiment à l'image de cette ville détruite. Alors on dit qu'on veut aider les personnes et participer à l'aide au développement, mais je voudrais savoir quelles sont les ONG présentes dans le pays qui peuvent le faire ! En pratique, seuls le CICR et le Programme alimentaire mondial peuvent circuler en Syrie; les autres ne le peuvent pas. (Brouhaha.) Le CICR a une histoire diplomatique, ainsi qu'un système et une manière de travailler dans des pays en guerre, mais nous, nous ne pouvons pas aller faire de l'aide au développement ! C'est inimaginable de dire des choses pareilles ! Dans les camps de réfugiés, c'est la même chose !

Le président. Il vous reste vingt secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. On ne peut pas mettre des dispensaires médicaux dans ces camps ! Je vous invite à lire «L'Hebdo» de cette semaine, du 1er octobre, dans lequel vous trouverez les chiffres des gens installés en Suisse. Ce n'est pas une déferlante ! (Commentaires.)

Le président. Il vous faut conclure.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. A la fin de cette année 2015, nous répondrons a minima...

Le président. Merci.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. ...à 3000 personnes entrées dans notre pays; pas dans le canton de Genève, dans notre pays !

M. Cyril Aellen (PLR). Je fais partie de ceux qui, dans un premier temps, se sont sentis pris en otage par une opération électoraliste. (Remarque.) J'ai vu oeuvrer de grands spécialistes du canton en la matière: le bon docteur du PDC et le terrible MCG, à moins que ce ne soit l'inverse, en tout cas en termes d'efficacité. Il fallait voir le député Stauffer rédiger en urgence sa proposition de résolution lors des précédents débats, s'étant vu dépasser sur ce point par la précédente résolution du PDC. Les deux précités ont requis l'urgence de notre parlement pour mettre en lumière une situation difficile avec d'autres intentions que celles de régler les problèmes qui nous sont soumis.

Mais, dans un second temps, je me réjouis de pouvoir exprimer une position politique ferme, humaine et responsable qui ne s'inscrit ni dans la ligne des intégristes de «No bunkers», ni dans celle des ayatollahs des quotas. Certains pensent qu'il s'agit d'un problème relevant exclusivement de la compétence de la Confédération; je ne le pense pas. C'est à juste titre qu'il incombe à notre canton d'accueillir un certain nombre de migrants et de faire face aux difficultés que cela engendre. La population genevoise n'a pas attendu la publication de certaines photos pour s'émouvoir d'une situation humaine insoutenable. Les victimes civiles d'une guerre particulièrement cruelle touchent légitimement. Mais la migration de millions de gens fuyant la guerre interpelle, inquiète, interroge. Quelle est notre capacité d'accueil ? Les migrants syriens trouveront-ils en Europe, en Suisse, à Genève, la vie qu'ils souhaitent ? Comment, au-delà d'un certain nombre d'individus, les migrants vont-ils pouvoir s'intégrer à notre société ? Quels moyens souhaitons-nous mettre en oeuvre pour assumer notre tradition d'accueil ? Quelle sera la part de la Confédération ? Quelle sera la part du canton ? Quels sont les moyens mis en oeuvre pour s'assurer que l'ouverture dont on doit faire preuve ne sera pas parasitée par des personnes mal intentionnées ? Ce sont quelques-unes des questions, mêlant émotion et inquiétude, qu'il est légitime de se poser et que la population genevoise se pose, sans pour autant être schizophrène. Même si le PLR ne partage pas en tous points les invites...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Cyril Aellen. Merci, Monsieur le président. ...même si les considérants de la résolution sont partiels et partiaux et même si le PLR conteste fermement une partie de l'exposé des motifs, il est de notre responsabilité de ne pas négliger les questions que les Genevois se posent. Aussi, je vous propose le renvoi de cette résolution en commission, plus précisément à la commission des affaires sociales, car le point principal n'est pas l'aspect financier. (Quelques applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Eric Stauffer pour dix secondes.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. C'est simplement pour dénoncer un journaliste félon en la personne de Marc Bretton qui, dans une retranscription qu'il a écrite, dit que nous avons tenu des propos haineux... (L'orateur désigne la tribune du doigt.)

Le président. Monsieur...

M. Eric Stauffer. ...et raciaux !

Le président. Monsieur Stauffer !

M. Eric Stauffer. C'est faux ! (Huées. Chahut.)

Le président. Vous n'avez pas à interpeller les gens à la tribune !

M. Eric Stauffer. C'est faux ! (Le micro de l'orateur est coupé. Chahut.)

Le président. Monsieur Stauffer !

M. Eric Stauffer (hors micro). C'est de la manipulation ! (Huées.) Nous n'avons eu aucun propos haineux ou racial !

Une voix. Euh... raciste ! (Rires. Brouhaha.)

M. Eric Stauffer. Vous pouvez voir la «Tribune» en ligne ! (Le président agite la cloche.)

Le président. Je vous prie de vous taire ! Je donne la parole à M. le conseiller d'Etat, Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, que l'on soit pour ou contre une résolution, il n'est pas interdit de la lire. Ce texte demande au Conseil d'Etat de revoir la clef de répartition entre cantons des réfugiés arrivant dans notre pays, ainsi que le montant des indemnités forfaitaires versé par la Confédération au canton. Je ne vois nulle part dans les invites de cette résolution que l'on demande au Conseil d'Etat d'intervenir de manière à arrêter d'accepter les réfugiés en Suisse ou à arrêter de les recevoir à Genève. Je suis extrêmement étonné par les propos tenus par une partie de ce parlement qui manifestement met le feu aux poudres en faisant croire qu'il y a d'un côté des personnes qui veulent chasser les réfugiés et, de l'autre, certaines qui veulent les accueillir. Comme l'a très justement relevé le représentant du PLR tout à l'heure, la population a des préoccupations; celles-ci sont légitimes et il s'agit d'y répondre. Il se trouve que cette résolution ne traite pas directement de ces préoccupations; je rappelle que la clef de répartition ne dépend pas du Conseil d'Etat, ni même du canton de Genève puisque, comme on vous l'a rappelé, l'article 27 de la loi sur l'asile indique que ce sont les cantons qui doivent se mettre d'accord sur cette répartition et que, à défaut, le Conseil fédéral s'en charge. C'est finalement l'ordonnance 1 sur l'asile relative à la procédure qui fixe à 5,7% la part de réfugiés attribués au canton de Genève, et l'ordonnance 2 sur l'asile relative au financement qui fixe les forfaits versés par la Confédération et établit les sommes que reçoit le canton. Malheureusement, Genève ne peut donc pas intervenir dans ce domaine. Je relève que le conseiller national Roger Golay est intervenu le 9 septembre dernier par la question 15.5423 sur le sujet... (Commentaires. Applaudissements. Huées. Le président agite la cloche.) ...que vous auriez été bien inspirés de lire: vous auriez ainsi pu prendre connaissance de la réponse de votre conseillère fédérale, Mme Sommaruga...

Une voix. C'est le MCG qui parle !

M. Mauro Poggia. ...qui exprime clairement que, pour sa part... (Vifs commentaires.) ...elle n'entend corriger ni la répartition, ni les forfaits, considérant que le territoire d'un canton n'a finalement rien à voir avec cela, alors que la préoccupation consiste effectivement à se demander comment un canton ville comme Genève peut recevoir 5,7% de l'ensemble des réfugiés quand on connaît l'exiguïté du canton et surtout la difficulté à trouver des terrains constructibles; en effet, même pour y installer des habitations modulables, il faut viabiliser les terrains. Il faut donc disposer de terrains constructibles ou en tout cas déclassés dans ce sens, d'où la difficulté que nous avons à répondre à ces préoccupations. Donc, si vous souhaitez renvoyer cette résolution à la commission des affaires sociales, j'y serai et je fournirai aux députés qui y siègent l'ensemble des renseignements utiles. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je me permets de rappeler aux uns comme aux autres que lorsqu'un conseiller d'Etat s'exprime, la moindre des politesses est de l'écouter. (Commentaires. Quelques applaudissements.) Je me permets aussi de relire l'article 89 de la LRGC: «Tout échange de parole ou autre communication directe des députés, conseillers d'Etat ou fonctionnaires avec les personnes placées aux tribunes (public et journalistes) est interdit.» (Remarque de M. Eric Stauffer. Commentaires.) Je vous fais donc voter sur la demande de renvoi de cette proposition de résolution à la commission des affaires sociales.

Des voix. Vote nominal !

Une autre voix. C'est trop tard !

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 793 à la commission des affaires sociales recueille 44 oui et 44 non.

Le président. Je tranche en faveur du renvoi de la proposition de résolution en commission.

La proposition de résolution 793 est donc renvoyée à la commission des affaires sociales par 45 oui contre 44 non.  (Commentaires pendant la procédure de vote. Applaudissements à l'annonce du résultat.)

R 794
Proposition de résolution de Mmes et MM. Stéphane Florey, Christo Ivanov, Bernhard Riedweg, Michel Baud, Thomas Bläsi, Eric Leyvraz, Patrick Lussi, Norbert Maendly, Marc Falquet, Christina Meissner, François Baertschi, André Python, Sandro Pistis, Jean-Marie Voumard, Jean Sanchez, Danièle Magnin, Henry Rappaz, Francisco Valentin, Florian Gander, Pascal Spuhler, Daniel Sormanni, Sandra Golay, Christian Flury, Jean-François Girardet, Claude Jeanneret, Thierry Cerutti, Carlos Medeiros : Politique d'asile : Non au système des quotas de l'UE !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VIII des 17, 18, 24 septembre et 2 octobre 2015.

Débat

Le président. Le dernier objet figurant à notre ordre du jour est la R 794, dont nous débattons en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à M. Eric Leyvraz, qui remplace M. Stéphane Florey, premier signataire.

M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Après de difficiles discussions, l'Union européenne, malgré la farouche opposition de quatre pays, a réussi à se répartir 120 000 demandeurs d'asile. Rappelons que leur nombre pour 2015 devrait dépasser les 700 000, et on attend les mêmes chiffres pour 2016, soit un chaos annoncé. On voit déjà avec quel enthousiasme les réfractaires, soit les pays de l'Est, vont tout mettre en oeuvre pour garder ces hôtes non désirés ! La Suisse a signé les accords de Schengen et Dublin, qui sont morts dans les faits car ils ont été constamment bafoués ces derniers temps par des Etats membres de l'Union européenne; or les traités doivent être respectés par tout le monde ou par personne. Nous ne sommes ainsi plus engagés par ces accords caducs et devons exiger leur rediscussion globale.

La Suisse est un pays souverain qui doit lui-même décider quelle sera sa politique d'asile, et la Confédération a déjà fait beaucoup plus que la plupart des pays européens, à part la Suède, en ce qui concerne les migrants. En effet, elle a accordé il y a peu 70 millions de francs pour l'aide directe sur place; on n'en tient pas compte en Europe. Genève est aussi, me semble-t-il, un exemple de canton généreux: de nombreuses personnes résident ici sans autorisation de séjour, leurs enfants sont scolarisés et les centres d'accueil sont pleins. La Suisse peut très bien décider de prendre plus de requérants que ce que demande l'Union européenne, elle peut aussi décider d'en prendre moins. Il arrive 80 migrants par jour à Buchs, ce qui fait 30 000 entrées par année; c'est un grand nombre par rapport à la France, qui veut en accueillir 30 000 en deux ans. Notons d'ailleurs qu'à Genève, on compte une forte augmentation des demandes.

Nous n'avons aucune raison de faire plaisir aux pays qui nous entourent sur ce sujet. On fait plaisir à des amis; or, en politique, on n'a pas d'amis: les Etats peuvent signer des accords ou des alliances entre eux, mais ils restent toujours des concurrents. Comment voulez-vous que nous défendions nos intérêts généraux lors de problèmes avec l'Union européenne si celle-ci sait qu'il suffit d'élever la voix pour mettre la Confédération au garde-à-vous ? C'est une question de principe. Avant de fixer nos chiffres d'admissions, nous devons être capables de réfléchir aux conséquences financières de nos décisions concernant un asile très librement accordé, car cela coûte cher, et admettre que l'argent devra bien être pris dans l'enveloppe actuelle au détriment de nos chômeurs et de nos anciens, tous les secteurs étant touchés - je me réjouis de voir la grande solidarité du DIP quand il faudra mettre un ou deux élèves de plus par classe avec un budget bloqué. Notre devoir est de nous soucier d'accueillir au mieux les déplacés, d'apporter aux jeunes l'éducation et la formation nécessaires pour qu'ils puissent s'intégrer; or on voit très bien que ce n'est pas le cas, comme le souligne un article dans la presse aujourd'hui. Si nous avons trop de réfugiés, ces tâches ne pourront pas être remplies, au détriment de toute la population.

Quant à l'argument du XIXe siècle consistant à dire qu'il y aura plus de monde pour payer les futures retraites, encore faudra-t-il que tous ces nouveaux venus aient du travail ! Or nous sommes à l'aube d'une véritable révolution sociétale avec le développement des applications internet et celui, foudroyant, de l'impression 3D. Combien de vendeurs, de caissières, de chauffeurs de taxi dans vingt ans ? Les nouvelles technologies éliminent plus de jobs qu'elles n'en créent, et les métiers demandant peu de formation disparaissent. Parmi les requérants, il est aussi des représentants d'une classe moyenne aisée, bien formée, et nous savons très bien que ces gens, une fois installés ici, ne retourneront pas dans le pays qui les a formés à grands frais, où ils manqueront cruellement, après guerre, pour sa reconstruction. Parfois, nous nous prenons pour des bienfaiteurs mais nous nous conduisons en réalité comme des néocolonialistes.

La gauche proposera comme toujours sa recette miracle: l'augmentation des impôts. Et qui va trinquer à nouveau ? La classe de ceux qui bossent, qui paient toutes leurs assurances - assurance-maladie comprise - et sont déjà spécialement pressurés par le fisc genevois. Faites attention: il est prestigieux de déclarer Genève capitale des droits de l'Homme, à condition qu'elle ne devienne pas petit à petit capitale des non-droits de la classe moyenne ! Mesdames et Messieurs, la Suisse peut et doit librement exercer sa politique d'immigration au mieux de ses possibilités, sans subir les menaces d'Etats qui en font beaucoup moins qu'elle. Nous vous demandons d'envoyer cette résolution au Conseil d'Etat. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. François Lefort (Ve). D'aucuns aiment pratiquer la méthode du bon docteur Coué en politique; or si celle-ci peut être utile dans le cas de certaines pathologies, elle l'est en revanche grandement moins en politique et peut même se révéler dangereuse. Nous ne pourrons évidemment pas faire changer d'avis les signataires de cette troisième résolution, mais nous pouvons leur rappeler la réalité: d'abord, nous assistons à un exil massif et forcé de centaines de milliers de personnes en quête d'asile, dû à des guerres et à des systèmes totalitaires. La peur de mourir, Mesdames et Messieurs, est une très forte motivation pour fuir, et quand on vous abandonne, que l'Etat qui vous devait protection n'existe plus, qu'il vous massacre, que personne ne vient à votre aide, il ne reste que la fuite, ce qui est totalement légitime, Mesdames et Messieurs les députés, et je suis sûr que vous feriez de même dans pareille situation. En grande majorité, ces personnes ont fui vers des pays proches parce qu'elles espèrent pouvoir rentrer chez elles, contrairement à ce que vous racontez.

Alors bien sûr, les images du téléjournal montrant ce qui se passe en Europe centrale suscitent la peur, c'est rationnel. Mais la réalité, s'agissant de l'asile, c'est que la Suisse prend en charge 3% des demandes déposées en Europe, ce qui est la valeur la plus faible depuis quinze ans. Ces images suscitent la peur, mais ceux qui fuient la guerre et la terreur, Mesdames et Messieurs les députés, ont bien plus peur que vous pour tout abandonner. Car ce sont la guerre et la terreur qui créent les réfugiés, il semblerait que vous l'ayez oublié, surtout ceux d'entre nous qui ont signé ces résolutions et sont des enfants ou petits-enfants de réfugiés.

Il faut donc être pragmatique: nous n'avons pas les moyens de supprimer les guerres, la terreur et les régimes totalitaires; il faudra par contre être intraitable avec les trafiquants d'armes et les tyrans qui, eux, ne pourront plus trouver refuge en Suisse. Etre pragmatique, cela signifie accueillir dignement et humainement les réfugiés qui se présentent. Nous avons les moyens de le faire - nous n'avons d'ailleurs pas le choix. C'est ce qu'a fait le Conseil national la semaine dernière puisque tous les partis, à l'exception de l'UDC, ont accepté la réalisation de nouveaux centres d'accueil. Ceux qui ont refusé croient que l'armée aux frontières sera la solution; ils ont pourtant été désavoués hier par leur propre conseiller fédéral selon lequel, comme il le reconnaît, ce serait une mission trop coûteuse et, en fait, impossible.

Cette proposition de résolution invite Genève à refuser des quotas de migrants imposés par l'Union européenne à la Confédération. Il s'agit là d'une manipulation; oui, tout simplement d'une manipulation, parce que l'Union européenne n'impose pas de quotas à la Suisse: cette affirmation est une traduction de la situation par un journaliste du «Matin». La Commission européenne souhaite seulement que la Suisse participe à la clef de répartition des réfugiés en tant qu'Etat associé au règlement de Dublin...

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. François Lefort. ...ce qui a un autre sens et rappelle que nous sommes signataires de cet accord avec l'Union européenne et que cela engage des responsabilités. La Suisse profite largement de ces accords pour envoyer un grand nombre de demandeurs vers d'autres pays européens alors qu'elle en accepte bien moins en retour. Et si, comme le demande cette résolution, la Suisse menait une politique indépendante et refusait toute collaboration avec l'Union européenne, elle serait exclue du système Dublin, ce qui signifierait que tous les demandeurs d'asile déboutés en Europe convergeraient vers la Suisse, qui serait alors obligée d'examiner leur requête.

Le président. Il vous faut conclure.

M. François Lefort. Cela entraînerait une augmentation considérable...

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. François Lefort. Voilà. Refusez cette résolution ! Merci.

M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, qu'on ne se méprenne pas: tout à l'heure, je ne m'adressais pas à une personne de la tribune, je m'adressais à vous pour dénoncer un journaliste que j'ai traité de félon. Pourquoi ? Parce que ce journaliste... (Commentaires.)

Le président. Concentrez-vous sur la résolution, Monsieur Stauffer.

M. Eric Stauffer. Je reviens tout de suite sur le texte ! Ce journaliste, disais-je, est un ancien conseiller municipal socialiste qui a résumé le débat, Mesdames et Messieurs, en citant un élu de gauche - évidemment ! - et en disant que le MCG et l'UDC avaient tenu des propos haineux et racistes ! Voilà la manipulation ! J'ai cité le nom de ce journaliste, ce que j'assume pleinement: c'est Marc Bretton, ancien conseiller municipal...

Le président. Bon, concentrez-vous...

M. Eric Stauffer. ...socialiste ! (Brouhaha. Commentaires.)

Le président. Monsieur !

M. Eric Stauffer. La population a le droit de savoir, Mesdames et Messieurs, parce que nous avons du mérite, et il s'agit là d'une manipulation... (Commentaires.)

Le président. Monsieur de Sainte Marie, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. ...honteuse...

Le président. Monsieur de Sainte Marie...

M. Eric Stauffer. ...et il faut le savoir !

Le président. ...je vous prie de vous taire !

M. Eric Stauffer. La manipulation par la presse, ça suffit maintenant ! (Commentaires.) Bien sûr, écrire que le Conseil d'Etat pouvait vivre avec une telle résolution, que c'était une aide certes modeste mais immédiate, ce n'est pas possible pour un ancien élu socialiste, il a fallu qu'il spécifie que le MCG était haineux; avez-vous entendu un seul propos xénophobe ou raciste de la part de l'UDC et du MCG durant les débats ? (Brouhaha.) Aucun, Mesdames et Messieurs ! (Commentaires.) Ecoutez un peu, ça vous instruira !

Le président. Monsieur Stauffer, s'il vous plaît ! (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs, si vous voulez que j'intervienne, il faudrait que je puisse vous entendre ! En l'occurrence, vous hurlez tous sans écouter les orateurs, que ce soit les uns ou les autres. (Commentaires. Un instant s'écoule.) Monsieur Stauffer, respirez et reprenez la parole.

M. Eric Stauffer. Merci, Monsieur le président. Pour en revenir à ce qui nous intéresse, l'UDC et le MCG prouvent ce soir qu'ils sont deux partis gouvernementaux responsables, qui posent les bonnes questions pour essayer d'amener les bonnes solutions. Quant aux autres, vous avez démontré à la face de la Suisse que pour vous, il est urgent de ne rien faire, à part de belles déclarations. Nous voulions du concret, vous n'en êtes pas capables. Les votes nominaux seront là pour la postérité et témoigneront que vous n'avez cure des réfugiés et que vous faites juste de la politique politicienne ! Merci ! (Applaudissements.)

Mme Nathalie Fontanet (PLR). Chers collègues, notre pays s'est construit sur l'ouverture et la tolérance; quant à notre canton, il a une longue histoire liée à l'aide humanitaire. Nul n'est besoin de rappeler qu'au Moyen Age déjà, il était le refuge des victimes de persécutions religieuses et politiques; aujourd'hui, il accueille le siège du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et est considéré comme une plate-forme humanitaire.

La crise migratoire actuelle est l'une des plus importantes depuis la Seconde Guerre mondiale: des hommes, des femmes et des enfants marchent sur les routes d'Europe, fuyant leur pays, non pas pour bénéficier d'une situation économique plus favorable, comme certains aiment à le faire croire, mais simplement pour rester en vie. Les rapports des organisations humanitaires sont effrayants, les images, insupportables, nous bouleversent. Si d'aucuns critiquent ceux qui se laissent gagner par l'émotion, pour ma part, chers collègues, je dis que l'émotion n'est pas que négative: c'est ce qui nous distingue des machines et des robots, c'est ce qui fait de nous des êtres humains et c'est ce qui nous permet de prendre des décisions humaines et responsables.

C'est dans ce chaos que l'UDC nous propose aujourd'hui comme solution de refuser les quotas de migrants imposés par l'Union européenne à la Confédération. Or, à l'heure actuelle, il n'y a pas de quotas imposés par l'Union européenne à la Suisse ! Certes, des discussions sont en cours, et moyennant le fait que les pays européens respectent leurs engagements, le nôtre prendra ses responsabilités et participera à l'effort collectif de façon limitée, comme cela a été annoncé - nous faisons confiance à notre Conseil fédéral à cet égard.

Quel message voulons-nous donner ce soir, celui de l'indifférence au drame qui se joue ? Est-ce ainsi que notre canton souhaite contribuer à la résolution de cette crise ? Entend-il se dérober, renier son histoire, mettre de côté son humanité, se défaire de ses responsabilités ? En tous les cas, Mesdames et Messieurs, le PLR ne le souhaite pas. C'est dans un cadre de justesse, de fermeté, de solidarité et de responsabilité que nous voulons que la Suisse et Genève participent à l'accueil des réfugiés qui fuient pour ne pas mourir. Le groupe PLR refusera donc cette résolution. (Quelques applaudissements.)

M. Jean Batou (EAG), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution est fondée sur des affirmations fausses, une fois de plus. Prenons-les une par une: on nous dit d'abord que, pour les sept premiers mois de 2015, la Suisse a enregistré deux fois plus de demandes d'asile, compte tenu de sa population, que les pays européens; or on oublie de nous rappeler que cette proportion n'a crû que de 20% pour la Suisse contre 70% pour l'Union européenne. Par ailleurs, si on prend la richesse comme terme de comparaison, la Suisse a enregistré moitié moins de demandes d'asile que l'Union européenne durant la même période - et il me semble que la richesse produite est tout de même un terme de comparaison important s'agissant de la capacité des Etats à prendre en charge des requérants d'asile.

Deuxièmement, on défend une politique suisse d'asile qui soit indépendante. Chiche: menons une politique d'asile indépendante ! Mais pourquoi vouloir en mener une qui soit inférieure à celle de l'Union européenne ? Ce que défendent l'UDC et le MCG, c'est une politique ultra-restrictive. Tandis que la Suisse profite des barrières de la forteresse Europe, en particulier des mécanismes des accords de Dublin pour renvoyer une partie de ses requérants vers les premiers pays dans lesquels ils se sont déclarés - l'Espagne, la Grèce, l'Italie, la Hongrie - elle refuserait de participer de façon solidaire à l'effort d'accueil européen ? Cherchez l'erreur !

Enfin, dans neuf considérants sur treize, l'UDC et le MCG invoquent les capacités d'accueil limitées du canton ainsi que ses difficultés financières, simple redite des considérants de la proposition de résolution 793, cette fois-ci pour mettre en cause l'effort déjà limité prévu par le Conseil fédéral. C'est pourquoi, en lieu et place de l'invite unique de ce texte - puisqu'il s'agit de faire quelque chose, allons-y - nous invitons le Conseil d'Etat, par un amendement que j'ai déposé, à demander au Conseil fédéral: premièrement, que la Suisse renonce aux renvois vers les premiers pays où les réfugiés se déclarent, en dérogeant aux accords de Dublin, notamment la Grèce, l'Italie, l'Espagne et la Hongrie; ensuite, qu'elle s'engage à maintenir au moins la même proportion de demandes d'asile déposées que celles qui l'ont été dans l'Union européenne en 2009-2013, soit 6,3% - si vous faites le calcul, cela signifie 50 000 demandes d'asile pour les 800 000 attendues en Europe; et enfin, que la Suisse prenne les dispositions nécessaires pour traiter un nombre au moins équivalent de demandes d'asile en 2015 qu'en 1999, au sommet de la crise de l'ex-Yougoslavie. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

M. Michel Amaudruz (UDC). Je crois qu'il est bon de faire un bref retour dans le passé: je pense à la conférence d'Evian de 1938. On critique beaucoup la Suisse pour son comportement entre 1939 et 1945, ainsi que l'a fait une préopinante tout à l'heure; mais elle n'était pas là pour garder les frontières ! A la conférence d'Evian de 1938, qui avait été commanditée par les Américains, c'est-à-dire par Roosevelt - lequel n'a évidemment pas fait ce que les autres ont fait - la Suisse, qui était déjà à bout de souffle, avait expliqué aux 32 représentants de la Société des Nations qui assistaient à ce congrès qu'elle se voyait dans l'obligation de réinstaurer le système des visas parce qu'elle ne pouvait plus absorber tous les réfugiés qui se précipitaient à ses frontières. Néanmoins, dans le prolongement, la Suisse a pris un quota de 25 000 personnes, ce qui a fait dire aux Américains qu'ils ne pourraient pas faire moins.

Aujourd'hui, que voit-on en France ? Le président Hollande et son premier ministre Manuel Valls annoncer triomphalement qu'ils accueilleront 24 000 requérants répartis sur deux ans.

Le président. Il vous reste trente secondes.

M. Michel Amaudruz. Oh, c'est dommage ! Cela met en évidence le fait que cette problématique est traitée de façon très sérieuse dans les autres pays. En Allemagne, où on attend 800 000 réfugiés... Bon, comme je n'ai pas le temps de développer ce thème, je me référerai simplement à un dessin cité par Ruquier dans son émission. Le texte disait quelque chose comme: «Allemagne: 800 000 réfugiés... Ah non: 800 000 aides à domicile !» Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Ronald Zacharias (MCG). Nous l'avons vu, il est difficile de prendre la parole sur un sujet aussi douloureux. Mesdames et Messieurs les députés, Genève, cela a été rappelé par notre conseiller d'Etat, n'a pas à rougir de son effort de solidarité envers les plus démunis. Sur un sujet aussi sensible que celui des requérants d'asile, parfois obligés de fuir leur pays pour sauver leur peau, la tentation est grande de balayer d'un revers de la main tout obstacle qui pourrait se mettre en travers du chemin de l'accueil, de la générosité, de la main tendue. Plaider la limitation de cet effort serait un réquisitoire contre le bien ou le juste. Or notre mission est précisément celle-là. D'un côté de la balance, l'effort de solidarité compassionnel...

Le président. Il vous reste vingt secondes.

M. Ronald Zacharias. ...et, de l'autre, la préservation des intérêts que nous portons. Ainsi, venir en aide à ceux qui en ont besoin est souvent affaire d'équilibre. D'aucuns préconisent l'ouverture des frontières sans limites, avec pour conséquence l'afflux d'un nombre incontrôlable de réfugiés...

Le président. Il vous faut conclure.

M. Ronald Zacharias. Pardon ?

Le président. Merci de conclure, Monsieur.

M. Ronald Zacharias. Bien. Je vous invite, Messieurs et Mesdames les députés, à accepter cette proposition de résolution et vous en remercie.

Une voix. Bravo !

M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG et l'UDC dégoulinent d'hypocrisie et prennent vraiment les gens pour des demeurés ! Après avoir pris en otage ce parlement à tel point que la police a dû intervenir pour évacuer Eric Stauffer de cette salle... (Exclamations. Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Une voix. C'est pas possible !

Le président. Du calme, s'il vous plaît, Monsieur Medeiros ! (Commentaires.) S'il vous plaît, j'aimerais que vous écoutiez l'orateur... (Remarque.) Vous écoutez l'orateur !

M. Thomas Wenger. ...vous recommencez aujourd'hui dans le seul but de vous donner une vitrine à deux semaines des élections fédérales. Votre seul objectif à vous, MCG et UDC, la seule chose que vous faites à longueur d'année, c'est monter les gens les uns contre les autres, trouver et désigner des boucs émissaires: vous montez les Genevois d'abord contre les frontaliers, ensuite contre les étrangers, maintenant contre les réfugiés et les requérants d'asile. Mais il faut bien rappeler aux gens qui nous écoutent que c'est vous, MCG et UDC... (Commentaires. Le président agite la cloche.)

Le président. Monsieur Stauffer, s'il vous plaît !

M. Thomas Wenger. ...qui votez des budgets avec des coupes dans l'aide sociale, c'est vous qui, avec la droite, soutenez les spéculateurs de l'immobilier pour qu'ils puissent continuer à s'enrichir sur le dos des locataires et c'est vous, enfin, qui soutenez avec force des baisses d'impôts pour les grandes fortunes, qui vont engendrer des baisses de prestations, notamment dans le social, l'assurance-maladie ou les TPG. C'est ce qu'on appelle la «zachariarisation» du MCG ! Vous dévoilez aujourd'hui, Mesdames et Messieurs du MCG, votre vrai visage: vous n'êtes ni de gauche ni de droite, tout ça va à la poubelle; non, vous êtes de droite libérale et d'extrême droite, vous ne défendez ni les Genevois ni les résidents ni personne, et vous devriez avoir honte d'avoir convoqué cette séance extraordinaire !

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et donne la parole à M. Patrick Saudan pour cinquante-cinq secondes.

M. Patrick Saudan (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la question posée par cette résolution est assez simple: la Suisse doit-elle accepter un certain nombre de réfugiés selon un système de quotas permettant de les répartir équitablement au sein de l'espace européen ? Le PLR pense que oui. En effet, la Suisse, très imbriquée dans l'économie européenne, est dans le même bateau que les autres pays de l'UE. Nous ne pouvons pas nous défausser, nous devons accepter autant de réfugiés que notre prospérité et notre capacité contributive le permettent. A Genève, nous sommes les premiers à nous gargariser du fait que nous abritons de grandes organisations internationales comme le HCR et le CICR. Or l'Union européenne est l'un des gros contributeurs à ces budgets; nous ne pouvons donc pas envoyer un message de fermeture tel que celui convoyé par cette résolution. Par ailleurs, j'ai une autre lecture que celle de M. Amaudruz de la conférence d'Evian: les Etats-Unis et les pays européens n'ont pas réussi à se mettre d'accord...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Patrick Saudan. ...pour ouvrir largement les frontières aux juifs...

Le président. C'est terminé.

M. Patrick Saudan. ...et c'est pourquoi il ne faut pas refaire les mêmes erreurs. Le PLR... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Roger Deneys.

Une voix. Vas-y, Roger !

M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comment pourrions-nous accepter une résolution dont le dernier considérant dit que «Genève n'a plus les moyens d'accueillir de nouveaux migrants» ? Comment pourrions-nous être crédibles à l'échelle européenne en tenant pareils propos ? Quand on pense à nos pays voisins, à l'Italie, à l'Autriche, aux pays de l'Est et, plus loin, à la Grèce et à l'Espagne, comment pouvons-nous dire en Suisse et à Genève que nous n'avons plus les moyens d'accueillir de nouveaux réfugiés ? Mesdames et Messieurs les députés, il n'y a rien de pire ni de plus indigne que ce manque de solidarité entre pays, parce que l'effort doit être conjoint. Et même si la Suisse n'est pas membre de l'Union européenne, nous nous trouvons tout de même au coeur de l'Europe et nous ne pouvons pas refuser d'accomplir notre part du travail dans l'accueil de ces personnes en urgence.

Il faut aussi rappeler, dans notre débat de ce soir, qu'il est particulièrement indigne de voir un député stigmatiser ainsi et livrer à la vindicte un journaliste qui fait son travail. Il est tout simplement honteux d'entendre des propos pareils dans ce Grand Conseil... (Commentaires.) C'est un appel à la chasse aux sorcières...

Le président. Il vous reste quinze secondes.

M. Roger Deneys. ...qu'il faut dénoncer car il est grave d'assister à de telles choses ! (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). Le PDC va refuser cette proposition de résolution. En effet, au vu de la crise actuelle, il faut que les pays européens se coordonnent car on a déjà pu constater que sans coordination, rien ne va: on l'a vu avec l'afflux des gens en Grèce, pays qui a dû se débrouiller avec des milliers de personnes dont il n'avait pas les moyens de s'occuper; on l'a vu avec ce qui s'est passé en Italie. Un minimum de coordination doit être mis en oeuvre et la Suisse, qui a signé des accords avec l'UE, doit aussi discuter avec les pays européens sur la coordination et l'accueil des réfugiés.

J'aimerais remercier Mme Fontanet pour sa déclaration parce que, je le rappelle, on se trouve ici dans une situation extraordinaire, on sort de la politique des réfugiés que l'on menait jusqu'à présent. Cette situation est extraordinaire, Mesdames et Messieurs ! Par ailleurs, jusqu'à maintenant, la Suisse se voit peu touchée puisque moins de 3000 personnes sont arrivées chez nous; peut-être ne sera-t-elle pas touchée du tout et que toutes les discussions menées aujourd'hui ne serviront strictement à rien. Mais si plus de 3000 personnes demandent tout à coup l'asile en Suisse, il faudra être prêt. Or la Suisse est un pays qui aime bien se préparer, qui ne prend pas ses décisions à la légère, et la Confédération fait déjà un grand travail dans ce sens-là. On ne peut pas prétendre qu'on veut sortir des quotas, ça ne veut rien dire, on est obligé de participer à l'effort européen !

Ce qui m'attriste aujourd'hui, en entendant ces discussions, c'est que notre canton va souffrir d'un dégât d'image. Si les gens écoutent ce qu'on dit - j'espère cependant qu'ils ne le font pas - ils entendront simplement que Genève ne représente plus la cité du refuge qu'elle était, qu'elle ne représente plus les organisations qui s'y sont établies du fait que c'était un lieu spécial qui véhiculait ce qu'on appelait l'esprit de Genève. L'esprit de Genève, l'UDC et le MCG ne savent pas ce que c'est, tout simplement, et ce dégât d'image est vraiment terrible pour notre canton. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient, pour dix secondes, à M. Mizrahi. Dix secondes !

M. Cyril Mizrahi (S). Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. Je voudrais simplement rappeler, en prolongement de l'intervention de mon collègue Deneys, que l'article 90 de la LRGC s'applique également aux députés qui s'en prennent aux journalistes pendant de longues minutes ! (Commentaires.)

Mme Marie-Thérèse Engelberts (HP). Heureusement que M. Henri Dunant ne s'est pas posé autant de questions ni n'a analysé l'ensemble des tenants et aboutissants avant de créer la Croix-Rouge ! Il a réagi sur le plan de l'émotion, et je remercie à cet égard Mme la députée Fontanet d'avoir souligné que cela existe et fait même partie de nous. A force d'être rationnel, on finit par perdre la raison.

S'agissant de ces trois résolutions, la première propose de l'aide au développement. Or on sait bien que, dans des pays en guerre, c'est vain: on ne peut pas y aller, on ne peut pas y travailler. A quoi cela sert-il donc de le suggérer ? La deuxième demande une politique de l'asile indépendante, c'est-à-dire de rester entre nous, de tout contrôler et surtout, ainsi qu'on en a fait la démonstration durant la Première et la Seconde Guerre mondiale, de bien resserrer les rangs et d'être assez opportunistes sur le plan économique pour se tirer des flûtes. La troisième nous propose d'avoir toutes les assurances pour agir dans des situations d'urgence. Ce n'est pas possible !

Le président. Il vous reste vingt secondes.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. A un moment donné, on peut se poser la question suivante: est-ce qu'on a envie d'agir admirablement - je le souhaiterais pour notre parlement - et honnêtement ? Ou alors médiocrement ? J'espère qu'on n'en est pas à ce stade...

Le président. Il vous faut conclure.

Mme Marie-Thérèse Engelberts. Voire abominablement ? Je ne le souhaite à personne. (Quelques applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Monsieur Zacharias, vous avez dix secondes !

M. Ronald Zacharias (MCG). Merci, Monsieur le président. Serait-il possible de rappeler à certains députés que les attaques personnelles ne sont pas acceptables ? (Exclamations. Rires.) Je vous remercie.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Si le Conseil d'Etat avait ne serait-ce qu'un instant compté sur cette séance pour se voir rasséréné dans sa politique et éventuellement trouver de nouvelles idées, voire sortir d'ici plein d'enthousiasme afin de gérer la situation à laquelle il est confronté depuis plusieurs mois, il en serait pour ses frais. Mais je vous rassure: il n'a jamais compté là-dessus.

Le Conseil d'Etat voit dans cette proposition de résolution quelques paradoxes. Le premier, c'est que celles et ceux qui l'ont déposée ou soutenue se classent en général parmi les adversaires de la construction européenne, et que si on appliquait aujourd'hui ce que l'Europe souhaite développer à la fois comme principe mais également comme quotité - des quotas appliqués à l'ensemble du continent - la Suisse se verrait en réalité demander un effort bien moins grand que celui qu'elle déploie déjà aujourd'hui...

Une voix. Exactement !

M. Pierre Maudet. Voilà le premier paradoxe... (Remarque.) Oui, mais je ne suis pas certain que vous ayez lu jusqu'au bout votre propre résolution, Mesdames et Messieurs... (Exclamations. Commentaires.) ...parce que si nous appliquions les quotas voulus - et non pas imposés - par l'Union européenne, nous aurions précisément un effort exceptionnel supplémentaire à faire qui serait de l'ordre, calcul à l'appui réalisé au niveau fédéral, de 4800 personnes ! Ces 4800 personnes de plus représentent seulement un quart du nombre de requérants d'asile que nous avons accueillis l'année passée et pas même un dixième de ceux que nous avons accueillis dans les années nonante en Suisse. Voilà le premier paradoxe que je voulais souligner, qui montre à quel point cette résolution relève d'une profonde inanité.

Le deuxième paradoxe, c'est que ceux qui souhaitent généralement voir se déconstruire l'Europe sont les mêmes qui voudraient ce soir que l'on applique jusqu'au bout les programmes que sont Dublin et Schengen. A l'inverse, ceux qui soutiennent d'ordinaire la construction européenne causeraient, à la faveur de l'amendement proposé, l'abrogation de ces mêmes accords. Or ce n'est pas le moment de changer les règles du jeu, Mesdames et Messieurs, c'est justement maintenant, comme l'ont dit certains d'entre vous, qu'il faut se serrer les coudes et faire en sorte d'appliquer les règles avec fermeté mais humanité, avec une certaine générosité.

Ainsi que l'a relevé mon collègue tout à l'heure, nous n'avons pas à rougir de notre effort. Le député Batou a évoqué le fait que nous étions un pays riche, et c'est vrai: nous pesons 1,6% de la population du continent européen mais, si on aime les chiffres, 3,6% du PIB. Si on fait la moyenne des deux et en arrondissant quelque peu, nous pourrions facilement accueillir 3% de l'ensemble des requérants d'asile se trouvant sur le continent. En réalité, nous sommes déjà au-delà et nous allons poursuivre dans ce sens parce que c'est notre responsabilité, parce que, pour prendre l'exemple d'un pays voisin, l'Autriche accueille chaque mois plus de 8000 réfugiés, c'est-à-dire environ le nombre d'entre eux que nous avons accueillis, quant à nous, en un peu plus de quatre mois depuis le début de l'année. D'autres pays font des efforts, qui ne sont pas moins méritoires, et doivent être soutenus.

Ce que je voudrais vous dire ce soir au nom du Conseil d'Etat, Mesdames et Messieurs, c'est que si la Suisse n'a pas à rougir, si Genève n'a pas à rougir non plus, nous faisons face à un problème d'une plus grande acuité, à savoir l'accueil des mineurs non accompagnés: c'est une bombe sociale en puissance qui se trouve sous nos yeux et que nous devons gérer au quotidien, et je n'ai pas entendu à ce propos, ce soir, beaucoup de solutions praticables. Ce que le Conseil d'Etat veut ainsi mettre en pratique, au-delà de ces calculs d'épicier qui, il est vrai, sont tout de même un peu indécents dans ce contexte, c'est une action responsable qui nous permette de nous regarder dans la glace, d'assumer ce dans quoi nous nous lançons, de nous montrer généreux, humains mais fermes également.

Enfin, j'aimerais dire solennellement au nom du Conseil d'Etat - parce que c'est réellement notre position à tous les sept - que si l'Europe devait échouer, c'est la Suisse qui échouerait aussi. (Commentaires.) Et il ne s'agit pas ici de l'Europe politique mais bien de la civilisation qu'est l'Europe, des valeurs qu'elle porte. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce dont nous devons prendre acte ce soir. Nous sommes un continent, nous formons un tout, et si d'aventure, je le répète encore une fois, l'Europe devait échouer, c'est l'ensemble de la civilisation qui échouerait. J'ai dit.

Une voix. Bravo ! (Longs applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous allez tout d'abord vous prononcer sur l'amendement déposé par M. Jean Batou, qui consiste à remplacer l'invite unique de la résolution par les invites suivantes:

«- à demander au Conseil fédéral que la Suisse renonce aux renvois vers les premiers pays où les réfugiés se déclarent, conformément aux Accords de Dublin (notamment l'Italie, l'Espagne et la Hongrie);

- à demander au Conseil fédéral qu'il s'engage à maintenir au moins la même proportion de demandes d'asile déposées en Suisse par rapport à celles déposées dans l'Union européenne qu'en 2009-2013, soit 6,3%;

- à demander au Conseil fédéral qu'il prenne les dispositions nécessaires pour traiter un nombre au moins équivalent de demandes d'asile en 2015 qu'en 1999, au sommet de la crise de l'ex-Yougoslavie.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 56 non contre 30 oui.

Mise aux voix, la proposition de résolution 794 est rejetée par 58 non contre 27 oui et 2 abstentions.

Le président. Mesdames et Messieurs, je lève la séance et vous souhaite un bon week-end.

La séance est levée à 19h.