Séance du vendredi 5 juin 2015 à 15h
1re législature - 2e année - 6e session - 35e séance

P 1924-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour préserver le dispositif d'enseignement artistique délégué inscrit dans la LIP; pour des subventions suffisantes, permettant l'harmonisation salariale et le respect de la CCT; pour une égalité salariale pour tous-tes les professeur-e-s de la CEGM
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session V des 7 et 8 mai 2015.
Rapport de majorité de M. Jean-François Girardet (MCG)
Rapport de minorité de M. Raymond Wicky (PLR)

Débat

Le président. Nous passons maintenant aux pétitions, qui seront traitées en catégorie II - trente minutes. Pour cette P 1924-A, je passe la parole au rapporteur de majorité Jean-François Girardet.

M. Jean-François Girardet (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, même si vous avez bien lu le titre de cette pétition, je me permettrai de répéter plus en détail ce que demandent les signataires de ce texte.

Premièrement, ils revendiquent l'accès pour tous à l'enseignement artistique délégué, comme le prévoit le cadre légal. Les prestations publiques pour l'enseignement artistique doivent être défendues et appuyées avec des subventions cohérentes et suffisantes. Or les coupes linéaires prévues dans les subventions mettent en danger un dispositif qui touche plus de 10 000 jeunes du canton.

Deuxièmement, ils dénoncent l'existence de telles différences salariales pour des prestations publiques déléguées et similaires. Cette situation, si elle perdurait, serait abusive et signifierait un dumping salarial avéré.

Troisièmement, ils demandent l'octroi d'une subvention pour l'harmonisation des conditions de travail: la reconduction des 783 720 F dans le budget 2015 sans coupes sur les budgets des grandes écoles ainsi que la reconduction de la subvention jusqu'à l'harmonisation salariale effective.

Enfin, ils demandent que l'enseignement artistique demeure une priorité dans l'éducation cantonale, selon l'article 16 de la LIP. Ce principe a été rappelé par les citoyens en 2012 lors d'un vote fédéral sur ce sujet: il s'agit de l'arrêté fédéral sur la promotion de la formation musicale des jeunes.

Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission vous recommande de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, afin qu'il apporte toute la lumière sur cette situation. Les cours de musique prodigués au sein des écoles de musique doivent perdurer. Le niveau de l'enseignement et la rémunération des enseignants doivent être harmonisés avec le soutien du Conseil d'Etat dans le cadre du contrat de prestations. Il est important pour Genève et pour sa tradition musicale que cette dernière puisse être revitalisée et facilitée. En soutenant cette pétition, vous encouragerez les écoles de musique à persévérer dans leur mission grâce à des professeurs de musique professionnels et rémunérés à la hauteur de leur contribution à la formation des jeunes musiciens. Il faut rappeler en effet que cette pétition fait suite à des coupes qui ont été proposées par la commission des finances et approuvées par notre Grand Conseil, en partie. Nous demandons donc que le Conseil d'Etat persiste dans sa volonté de soutenir la formation dispensée par ces enseignants de musique et propose dans le budget les montants adéquats afin que cette mission puisse être assumée par les écoles de musique.

M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le 23 septembre 2012, comme le disait mon préopinant, le peuple et les cantons acceptaient le nouvel article constitutionnel concernant la formation musicale de nos jeunes. A l'issue de ce vote, la Confédération a mandaté un groupe d'experts afin de formuler des recommandations pour la mise en application de cette décision par les cantons. Le rapport produit, particulièrement volumineux, fait clairement apparaître un principe de qualifications différenciées du corps professoral en fonction du niveau d'enseignement et, en conséquence, de rémunérations adaptées à ces différences.

A Genève, le principe de l'enseignement délégué a été inscrit dans la LIP. Il a été décidé de s'appuyer sur les structures de la Confédération des écoles genevoises de musique - la CEGM - pour assurer cet enseignement. La CEGM a signé, sous son entière et unique responsabilité, une convention collective de travail uniformisant la pratique salariale sans différencier le niveau d'enseignement à dispenser.

Si la minorité de la commission salue la volonté de donner au corps professoral un salaire décent, elle ne peut toutefois pas accepter d'être mise devant le fait accompli s'agissant de devoir assurer des engagements financiers dans lesquels l'Etat n'est pas formellement partie prenante par sa signature. De plus, elle constate que les recommandations de la Confédération n'ont même pas été intégrées dans l'approche salariale, que le budget de l'Etat répond à des règles de gestion strictes et que ce dernier ne peut pas être impacté par des engagements initiés sous la responsabilité de tiers, et enfin que le but de l'enseignement délégué n'est pas de créer une fonction publique déguisée parallèle au sein des structures privées qui se voient confier cette mission d'enseignement.

La minorité de la commission ne peut donc suivre les conclusions de la majorité et vous invite à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Monsieur le président, j'aimerais rappeler très rapidement que c'est le Grand Conseil lui-même, et pas seulement le Conseil d'Etat, qui a voté cette harmonisation, puisque - cela a d'ailleurs été relevé dans l'un des rapports, celui de majorité, j'imagine - c'est en 2011 que vous avez accepté le PL 10780 prévoyant cette harmonisation.

Il faut bien voir les choses telles qu'elles sont: l'Etat souhaite déléguer une tâche à des entités subventionnées et ces dernières paient leur personnel de manière très différente. En effet, les trois grandes écoles de musique, qui sont plus anciennes et qui recevaient déjà des financements importants de l'Etat, pouvaient rémunérer leurs enseignants aux mêmes conditions que dans l'enseignement public, alors que ce n'est pas le cas de toutes petites écoles. Il y a donc là deux poids, deux mesures, ce qui pose problème. Le Grand Conseil - par le biais de la commission des finances, puis de la plénière - avait reconnu qu'il fallait qu'on se dirige vers l'harmonisation, sachant que celle-ci ne pourrait pas se faire d'un coup d'un seul, mais qu'elle nécessiterait probablement deux contrats de prestations. Pour ce qui est du premier contrat de prestations, cela a été fait et, quant au deuxième, ce sont des raisons effectivement budgétaires qui ont freiné les choses.

En tous les cas, il est quand même important que le parlement fasse un choix et se rende compte que des personnes qui accomplissent exactement le même travail - et qui le font à la demande de l'Etat - sont soumises à des conditions salariales extrêmement différentes. Aujourd'hui, on a donc commencé cette harmonisation mais, alors que dans les conservatoires les salaires sont équivalents à la classe 17, dans certaines écoles de musique ils correspondent encore à la classe 8, ce qui constitue bien un écart important.

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons voter sur les conclusions du rapport de majorité, soit le renvoi au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1924 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 51 oui contre 24 non.