Séance du vendredi 23 janvier 2015 à 17h
1re législature - 2e année - 1re session - 4e séance

La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Antoine Barde, président.

Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Mauro Poggia, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme Anne Emery-Torracinta et M. Pierre Maudet, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Murat Julian Alder, Edouard Cuendet, Jean-Louis Fazio, Emilie Flamand-Lew, François Lance, Philippe Morel, Pierre Weiss et Ronald Zacharias, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Geneviève Arnold, Alexis Barbey, Christian Decorvet, Jean-Charles Lathion, Magali Origa, Charles Selleger, Marion Sobanek et Yvan Zweifel.

Correspondance

Le président. Le Bureau et les chefs de groupe ont trouvé à leur place l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Transmission par la Chambre constitutionnelle du recours déposé par l'UDC-GE, MM. Lussi Patrick et Catelain Gilbert, le 20 janvier 2015, contre la loi modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques du 10 octobre 2014 (transmis à la commission des droits politiques). (C-3422)

Transmission par la Chambre constitutionnelle du recours de MM. KÜNZI Daniel et GERMANN Christophe, du 19.01.2015, contre la loi 11301 accordant une aide financière à la Fondation romande pour le cinéma pour les années 2013 à 2016 (transmis à la COFIN). (C-3423)

Invitation du Pouvoir judiciaire au Grand Conseil à faire parvenir ses observations au sujet du recours de l'Union démocratique du centre de Genève contre la Loi modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (LEDP) (11256) du 10 octobre 2014 (transmis à la commission des droits politiques) (C-3424)

Invitation du Tribunal fédéral au Grand Conseil à se déterminer sur le recours en matière de droit public contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre constitutionnelle, du 17 novembre 2014 (A/1935/2014) relatif à sa décision dans le recours de M. CESZKOWSKI Daniel et consorts contre l'initiative populaire 146 "Stop aux hausses des tarifs des transports publics genevois) (transmis à la commission des transports). (C-3425)

Transmission par le Pouvoir Judiciaire d'une copie du complément de recours concernant KÜNZI Daniel et consorts contre le Grand Conseil - Loi n°11301 (transmis à la commission des finances) (C-3426)

Courrier de l'association Stop suicide concernant son soutien à la pétition 1908 "Plus jamais: pour une protection efficace contre le suicide" (transmis à la commission des pétitions) (point 198 de l'ODJ) (C-3427)

Courrier de Mme BOURGOIN Françoise, présidente du Conseil municipal de la commune d'Onex, transmettant la résolution R/194 A "En matière de répartition des tâches entre canton et communes, la consultation du Conseil municipal est nécessaire" (transmis à la Commission des affaires communales, régionales et internationales) (C-3428)

Annonces et dépôts

Néant.

GR 525-A
Rapport de la commission de grâce chargée d'étudier le dossier de Monsieur M. Z.
Rapport oral de M. Guy Mettan (PDC)

Le président. Je prie M. le rapporteur Guy Mettan de bien vouloir s'installer à la table des rapporteurs pour nous présenter le dossier de grâce.

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. La commission de grâce s'est réunie le lundi 19 janvier pour statuer sur la demande de grâce de M. M. Z., lequel a été condamné à la suite de trois procédures, la première pour vol, dommage à la propriété, recel et séjour illégal, la deuxième pour vol, séjour illégal et infraction à la loi sur les stupéfiants, et la troisième pour vol, dommage à la propriété, violation de domicile et séjour illégal. A la suite de toutes ces procédures, auxquelles s'ajoutent sept autres condamnations qui ne figurent pas dans le dossier qui nous a été soumis, ce monsieur a effectué un séjour à Champ-Dollon, qui prendra fin au mois de mars de cette année, et il nous a déposé une demande de grâce pour le solde qu'il a à y accomplir encore, soit un mois et demi à ce jour puisqu'il devrait sortir le 15 mars. La commission s'est réunie et, à l'unanimité, a décidé de ne pas accorder la grâce. En effet, au vu de toutes les infractions commises par ce monsieur et d'autant que, dans sa demande de grâce, il n'a même pas formulé un désir de s'amender, la commission a décidé qu'il pouvait achever son séjour à Champ-Dollon. Je vous recommande donc de suivre l'avis de l'unanimité de la commission.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je vais mettre aux voix le préavis de la commission, à savoir le rejet de la grâce.

Mis aux voix, le préavis de la commission de grâce (rejet de la grâce) est adopté par 48 oui et 2 abstentions.

Questions écrites urgentes

Le président. Vous avez trouvé sur vos places les questions écrites urgentes suivantes:

Question écrite urgente de M. Patrick Lussi : Traversée du lac par ferries : où en sont les discussions avec nos partenaires vaudois et français ? (QUE-296)

Question écrite urgente de M. Thomas Bläsi : Grève des notes ou quand les revendications des uns hypothèquent l'avenir des autres (QUE-297)

Question écrite urgente de M. Patrick Lussi : Effondrement de l'euro : quelles conséquences pour la caisse de prévoyance de l'Etat de Genève ? (QUE-298)

Question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Office de l'enfance et de la jeunesse et question au sujet de la non-réponse à la QUE 230 (QUE-299)

Question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Quels contrôles fiscaux sur les prix de transfert des multinationales sises à Genève par le DF ? (QUE-300)

Question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Question au sujet de la réponse à la QUE 289 : incompétence, désinvolture ou rififi au sein de l'office des poursuites (QUE-301)

Question écrite urgente de M. Romain de Sainte Marie : Fermeture de Tamoil, quelles conséquences pour Genève ? (QUE-302)

QUE 296 QUE 297 QUE 298 QUE 299 QUE 300 QUE 301 QUE 302

Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.

Questions écrites

Le président. Vous avez également trouvé sur vos places la question écrite suivante:

Question écrite de M. Boris Calame : Etablissements autonomes de droit public et structures subventionnés : en sus des salaires, indemnités publiées, paiements ou remboursements de frais, quels sont les avantages, prestations et/ou facilités offerts et/ou à disposition de certaines personnes, à titre gracieux ou sans en couvrir les coûts réels ? (Q-3749)

Q 3749

Le président. Cette question écrite est renvoyée au Conseil d'Etat.

QUE 292-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Patrick Lussi : Caserne des Vernets : le sol nous réserve-t-il des mauvaises surprises ?

Annonce: Séance du vendredi 19 décembre 2014 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 292-A

QUE 293-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Roger Deneys : Meeting aérien de l'armée Air14 à Payerne : combien cela a-t-il coûté à Genève (bis) ? Et le Conseil d'Etat se moque-t-il des députés ou ne sait-il plus lire ?

Annonce: Séance du vendredi 19 décembre 2014 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 293-A

QUE 294-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Jean Romain : Un directeur du primaire, cadre du département de l'Instruction publique, n'a-t-il pas un devoir de réserve ?

Annonce: Séance du vendredi 19 décembre 2014 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 294-A

QUE 295-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Pierre Vanek : Incendie au foyer des Tattes : responsabilités, mesures de sécurité, indemnisation, renvois des victimes... où en est-on ?

Annonce: Séance du vendredi 19 décembre 2014 à 14h

Cette question écrite urgente est close.

QUE 295-A

Q 3746-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite de M. Frédéric Hohl : Transport par minibus du DIP : concurrence déloyale ?
R 780
Proposition de résolution de Mme et MM. Edouard Cuendet, Jocelyne Haller, Boris Calame, Jean-Marc Guinchard concernant une rectification matérielle apportée à la loi 10977 sur la Haute école spécialisée de Suisse occidentale - Genève (HES-SO Genève) (10977)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 22, 23 et 29 janvier 2015.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons à la première urgence de notre séance, soit la R 780. Comme il n'y a pas de demande de parole, je soumets immédiatement cet objet à vos votes.

Mise aux voix, la résolution 780 est adoptée par 54 oui et 2 abstentions.

Résolution 780

PL 11305-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi générale sur les zones de développement (LGZD) (L 1 35) (Réforme PLQ)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 22, 23 et 29 janvier 2015.
Rapport de M. Christian Dandrès (S)
M 2227
Proposition de motion de Mmes et MM. Benoît Genecand, Bertrand Buchs, Pierre Weiss, Beatriz de Candolle, Lionel Halpérin, Jean-Luc Forni, Jean Romain, Olivier Cerutti, Pierre Conne, Jean-Marc Guinchard, Murat Julian Alder, Renaud Gautier, Bernhard Riedweg, Anne Marie von Arx-Vernon, Patrick Saudan, Bénédicte Montant, Vincent Maitre, Martine Roset, Michel Ducret, Serge Hiltpold, Philippe Morel pour un meilleur accompagnement des procédures administratives lors de l'élaboration des plans localisés de quartier (PLQ)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 9 et 10 octobre 2014.

Premier débat

Le président. Nous traitons l'urgence suivante, à savoir les objets liés PL 11305-A et M 2227. Nous sommes en catégorie II, cinquante minutes. Monsieur le rapporteur Christian Dandrès, vous avez la parole.

M. Christian Dandrès (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Le projet de loi que nous traitons ce soir trouve sa source dans l'adoption du plan directeur cantonal en septembre 2013, lequel a opéré un changement d'approche - vous vous souvenez sans doute des débats qui ont eu lieu. Il s'agit maintenant de procéder par le biais d'une urbanisation par grands projets, une approche qui peut poser un certain nombre de problèmes auxquels la loi générale sur les zones de développement dans sa version actuelle a quelque difficulté à répondre. Le principal obstacle est la durée de réalisation des quartiers. En effet, ce ne sont plus de petits secteurs mais des périmètres d'importance, de plusieurs dizaines d'hectares. Ce nouveau mode d'urbanisation se fait ainsi dans le temps, au fil des projets. Dès lors, il n'est plus possible, d'entrée de cause, de prévoir l'image précise d'un projet une fois que le PLQ a été adopté. Le Conseil d'Etat a soumis au Grand Conseil un projet de loi initial que la commission d'aménagement a traité et trouvé insatisfaisant justement parce qu'il allait trop loin dans une approche très souple, où le projet était mal défini.

Je pense qu'il faut procéder à un petit rappel pour mieux comprendre les enjeux qui entourent ce PL 11305. Dans sa version actuelle, le PLQ est difficile à élaborer mais il a tout de même une vertu: une fois adopté, il règle définitivement son contenu, ce qui fait que lorsqu'une autorisation est demandée par un promoteur ou un propriétaire et qu'elle respecte le plan localisé de quartier, la marge de manoeuvre pour des recours est relativement faible. Avec le projet de loi initial du Conseil d'Etat, dans la mesure où le contenu du PLQ est quasiment vide, toutes les questions sont réglées au stade de l'autorisation de construire. C'est peut-être commode pour le Conseil d'Etat de présenter un projet assez ronflant mais vide de contenu et de laisser ensuite les juges régler un certain nombre de questions qui, pour la commission, apparaissent pourtant d'importance politique et doivent être traitées principalement par le Conseil d'Etat. Celui-ci a accepté les critiques que le Grand Conseil et la commission lui ont faites et a retravaillé le projet avec l'aide de Me Bellanger, dont on peut d'ailleurs saluer le travail. Ces critiques ont été intégrées dans un projet d'amendement général qui a été traité par la commission et qui remanie en profondeur le projet de loi initial. La solution trouvée permet une forme d'assouplissement quant au contenu des PLQ tout en garantissant une certaine prévisibilité pour la personne qui fait une requête en autorisation de construire. C'est la raison pour laquelle ce projet a fait l'unanimité, ce qui est à saluer dans ce domaine.

Sans vouloir être trop long, j'aimerais rappeler quelques nouveautés importantes, en commençant par la notion d'aire d'implantation. L'aire d'implantation est la surface qui fait l'objet du PLQ et dans laquelle va être construit le bâtiment sans pour autant que le dessin de celui-ci soit figé d'emblée, c'est-à-dire que le bâtiment pourra être déplacé dans une certaine fourchette, ce qui permet une certaine souplesse ainsi qu'une adaptation à de futurs projets d'architecture. L'autre avantage, c'est celui de l'aire d'implantation des parkings: on indiquera quelle est leur zone d'accès sans toutefois préciser au mètre près où ils se trouveront. Un nouvel élément supplémentaire lié à ces grands projets, c'est qu'en plus des grands périmètres, le PLQ pourra prévoir des sous-périmètres, qui ne seront pas définis d'entrée de jeu de manière précise. Seuls seront réglés les surfaces brutes de plancher, les droits à bâtir et la participation aux frais d'équipement, le reste devant être établi dans le cadre de PLQ ultérieurs. La dernière nouveauté intéressante, c'est l'instrument de la cession fiduciaire des droits à bâtir. Cela permettra d'éviter, principalement lorsqu'on densifiera la couronne péri-urbaine - qui est aujourd'hui composée de petites parcelles de propriétaires de villas - que l'un de ces propriétaires ne puisse bloquer l'ensemble du projet avec cette cession. Il sera possible pour l'Etat de demander au propriétaire qu'il exerce ses droits à bâtir et, s'il ne les utilise pas, l'Etat pourra se substituer à lui et utiliser ses droits à bâtir sur d'autres sous-périmètres. Voilà en quelques mots quelles sont les grandes avancées de ce projet de loi qui, je le rappelle, a fait l'unanimité de la commission d'aménagement. C'est la raison pour laquelle cette commission vous propose de l'accepter. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je propose à M. Benoît Genecand, l'auteur de la motion 2227, de nous la présenter maintenant.

M. Benoît Genecand (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je profite de l'occasion de la présentation de cette motion pour remercier M. Dandrès qui, aidé de M. Jean-Charles Pauli, a fait un travail substantiel sur ce rapport - et il s'agit d'une thématique compliquée. La trace historique des débats et le commentaire article par article seront très importants pour ceux qui vont utiliser cette réforme.

Cette motion, qui aurait dû être une motion de commission sans une maladresse de votre serviteur qui l'a d'abord fait signer à son groupe - mais c'est une erreur de jeunesse... (Remarque.) ...de jeunesse parlementaire ! - ne fait que prolonger la réflexion juridique du PLQ. En fait, de l'avis de tous ceux qui se sont penchés sur cette question - le Conseil d'Etat, la Cour des comptes, la «task force» qui s'est occupée de cela - il y a deux volets dans la réforme: le premier passe par la modification législative qui nous est présentée maintenant et le second, que tout le monde s'accorde à trouver important, consiste en la modification des pratiques du département. Cette motion invite ainsi le département, dans le cadre de la modification de ses pratiques, à faire certaines choses, notamment à mieux clarifier les rôles dans une procédure qu'on sait parfois longue - trop longue ! - à confier le pilotage des PLQ à une seule personne identifiée pendant toute la durée du processus afin de permettre à tous d'avoir un interlocuteur unique au sein de l'Etat ainsi qu'à déterminer dans les grandes lignes les solutions à apporter aux questions foncières. Il s'agit d'ailleurs là d'une dimension fondamentale de cette modification: certains paramètres permettent à l'Etat d'être un peu plus libre s'agissant de la dimension foncière, ce qui lui donne aussi des responsabilités dans ce domaine - on y reviendra. Nous demandons également davantage de transparence vis-à-vis des communes, notamment dans le déroulement du processus, et enfin l'amélioration de la coordination transversale dans la mise en oeuvre des politiques publiques qui touchent l'aménagement. Toutes choses qui, en définitive, vont un peu de soi. Mesdames et Messieurs, j'espère que vous soutiendrez très largement cette motion; mais celle-ci n'a de sens que si vous apportez également un soutien très large au projet de modification de la loi sur les PLQ.

M. Rémy Pagani (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, on revient de loin, de très loin ! Il y a quatre ans, il était en effet question de liquider les plans localisés de quartier, d'instaurer des plans guides - c'était la mode de cette période. En fait, on a toujours compris - la commission a d'ailleurs fait droit à cette nécessité absolue - qu'il fallait faire en sorte que les plans localisés de quartier suivent l'objectif auquel ils sont destinés, c'est-à-dire répartir les droits à bâtir, poser un certain nombre d'options et de blocs d'immeubles. Ici, on a affaire à de très grands plans localisés de quartier, alors qu'il s'agissait avant - c'est vrai que la critique était justifiée - de micro-PLQ, qu'on appelait d'ailleurs des timbres-poste. Maintenant, on arrive à essayer d'envisager l'avenir dans de plus grands espaces. Cela nous convient parfaitement, ce d'autant plus que les demandes de la Ville de Genève en ce qui concerne l'établissement des plans localisés de quartier ont été pour l'essentiel satisfaites - je n'interviens pas là au nom de la Ville de Genève mais en tant que député qui connaît relativement bien ces procédures. J'insiste sur le fait que l'outil d'aménagement urbain est extrêmement compliqué mais nécessaire et, une fois scellé dans le marbre, si j'ose dire, permet d'évoluer très rapidement dans les autorisations de construire et les constructions.

Toujours est-il que - et c'est d'ailleurs l'un des paradoxes de cette loi, elle est tellement... Il n'y a même pas de tiret ! Je me suis penché dessus dans le détail, et le détail m'a fait supposer que le droit de référendum, s'agissant de l'établissement des plans localisés de quartier, n'existait plus pour les communes, ce qui n'est pas le cas. Il faut vraiment se reporter en plus à l'exposé des motifs et au commentaire article par article pour comprendre que ce qui a été changé, c'est la procédure sur le droit d'initiative municipale. Avant, celle-ci ouvrait un droit de référendum; aujourd'hui, elle permet simplement à la municipalité - ce qui me paraît tout à fait normal - de faire une demande auprès du Conseil d'Etat sans que celle-ci soit forcément soumise au droit de référendum. En conséquence, je retire ma proposition d'amendement dans la mesure où il est garanti que les plans localisés de quartier sont de toute façon soumis au Conseil municipal dès le moment où ils sont adoptés, et ça me paraît l'essentiel. Puisque l'essentiel a été sauvegardé, je retire, Monsieur le président, cet amendement. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, et prends note de ce retrait. La parole revient à Mme la députée Christina Meissner.

Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Evidemment, le groupe UDC accueille très favorablement le projet de loi tel que sorti de commission ainsi que la motion de commission qui l'accompagne. Il est clair que cette réforme des plans localisés de quartier était une nécessité. Trop d'endroits ont malheureusement subi cette espèce de vision figée des PLQ que nous avions l'obligation de suivre, même s'ils dataient d'il y a vingt ans. La forme des bâtiments avait déjà été dessinée alors, et on se retrouvait avec des aberrations. Je ne vous en citerai qu'une, qui se trouve au croisement entre la route de Chancy et celle du Pont-Butin, où cinq villas ont été remplacées par un immeuble de deux étages parce qu'on subissait la fixation d'un plan localisé de quartier vieux de vingt ans. Nous sommes donc extrêmement contents de cet assouplissement, qui permet dans un premier temps de montrer la généralité de l'emplacement des bâtiments, puis de les fixer précisément au moment où un vrai projet est mis en route. Cela offre un assouplissement absolument indispensable, qui permet de suivre l'évolution de notre urbanisation de manière contemporaine.

Nous sommes également très contents par rapport à un autre aspect de ce projet de loi, à savoir la concertation. Monsieur Dandrès, vous avez fait un travail absolument fabuleux, et je vous en remercie, en résumant quinze séances de commission dans votre rapport - ce n'était pas facile. Je rappellerai simplement que le PL 11112 de l'UDC, qui demandait l'introduction de la concertation dans la procédure des PLQ, a pu être inséré dans le projet de loi du Conseil d'Etat grâce à la bonne volonté de la commission et du département, que je remercie. Cette concertation, Mesdames et Messieurs les députés, est fondamentale, et plus elle se fait en amont, mieux c'est. Ici, on l'a introduite au niveau de l'avant-projet, quand les choses ne sont pas encore figées, et c'est bien là que la négociation peut encore se faire. Pour ma part, je suis convaincue que si les habitants participent à la construction et à l'évolution de leur quartier, ils iront de l'avant; jusqu'à présent, on les mettait devant le fait accompli avec des processus de PLQ figés. Je salue donc l'introduction de la concertation dans ce projet de loi. Il va de soi que l'UDC retirera son projet de loi - enfin, on ne vend pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué, donc sitôt le projet de loi du Conseil d'Etat adopté, nous retirerons le nôtre dans la foulée.

Un dernier mot sur la motion: au-delà d'assouplir l'image des plans localisés de quartier et d'introduire la concertation, il fallait aussi travailler sur le processus administratif. Le fait d'obtenir - enfin ! - un interlocuteur d'un bout à l'autre de la procédure est une amélioration qui, sans nul doute, permettra de pouvoir construire non seulement sur le papier mais aussi dans la réalité. Jusqu'à présent, en effet, le Conseil d'Etat était très fier d'annoncer combien de plans localisés de quartier étaient adoptés, mais aucun logement n'était créé sur le terrain. Alors allons-y, adoptons ce projet de loi ! Je crois que nous sommes sur la bonne voie, et je vous remercie de montrer ce signe tous ensemble par une adoption à l'unanimité - si c'était possible, une fois dans ce Grand Conseil - du projet de loi 11305.

Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Le cas échéant, vous redemanderez la parole après le vote pour annoncer le retrait de votre projet de loi, en nous indiquant le numéro du point. Je donne maintenant la parole à M. le député François Lefort.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Un peu d'histoire en préambule: beaucoup de choses ont été rappelées, mais il faut se souvenir que cette réforme découle des critiques récurrentes formulées à l'encontre des PLQ. Au nombre de ces critiques, citons la pauvreté architecturale des nouveaux quartiers - je mentionnerai les Semailles, par exemple - le manque de diversité des logements, le manque de concertation, la lenteur de réalisation et enfin le manque d'adaptation des PLQ aux réalités d'aujourd'hui. La Cour des comptes avait d'ailleurs émis des recommandations qui mettaient particulièrement en exergue les principales améliorations nécessaires en matière de concertation, d'information, de coordination des services, d'arbitrage politique et surtout de processus d'élaboration des PLQ. Et c'est ce que propose ce projet de loi, qui a été déposé par le Conseil d'Etat et amélioré en commission.

Ce projet de loi, c'est le pas nécessaire pour la réforme des plans localisés de quartier, c'est plus de souplesse, plus de concertation entre les différents acteurs, le tout avec un but annoncé et soutenu par la commission: améliorer la qualité architecturale et la rapidité des procédures en limitant les risques de recours. Ce sont des bases fondamentales qui sont fixées, des périmètres avec des surfaces constructibles annoncées, des droits à bâtir, des surfaces d'équipement public mais, en même temps, de la souplesse dans les PLQ pour qu'ils puissent évoluer dans le temps. Les notions de périmètre et sous-périmètre sont la nouveauté de ce projet de loi. Nous, les Verts, partageons évidemment ces objectifs, notamment celui, majeur, d'éviter la standardisation architecturale. La réforme introduit également la possibilité de faire circuler les droits à bâtir d'un sous-périmètre à un autre - chose nouvelle - afin de construire par exemple un bâtiment plus grand. Voilà une façon de résoudre harmonieusement les blocages et les recours et de gagner du temps. Enfin - cela a été noté par Mme Meissner, et les Verts y tiennent beaucoup - il y a la concertation entre les communes, les voisins, les promoteurs et les associations d'habitants lors de l'élaboration du plan localisé de quartier. Cette concertation était initialement proposée par le projet de loi mais a été considérablement renforcée par la commission. C'est là une garantie que la réforme des PLQ portera ses fruits et sera largement bien accueillie et acceptée par la population, qui pourra en voir les effets. Les Verts voteront donc ce projet de loi avec plaisir.

Pour terminer, quelques mots sur la motion 2227. Celle-ci était initialement une motion de commission rédigée à plusieurs mains, mais une erreur de jeunesse en a fait une motion PLR. Or les invites consensuelles sont encore là, et il faut reconnaître qu'elles complètent la réforme PLQ du projet de loi par une proposition rationnelle et une doctrine de fonctionnement que nous, les Verts, ne pouvons que soutenir. Nous voterons donc également la motion 2227. Je vous remercie.

Mme Martine Roset (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, en préambule, je souhaite aussi remercier M. Dandrès pour le travail considérable qui a été effectué dans le cadre de la rédaction de ce rapport. Après des années de pratique, l'outil PLQ a montré ses limites. La Cour des comptes - on l'a déjà dit - et le groupe de travail en ont fait le constat, sans compter les communes, les constructeurs ainsi que les utilisateurs au final. Ce projet de loi, abondamment remanié par la commission, propose d'adapter cet outil pour qu'il ne soit plus un ralentisseur mais un facilitateur de création de logements. Des notions, notamment l'espace public, l'implantation et la concertation, ont été ajoutées.

Quant à la motion, nous avons constaté que si l'aspect légal est certes important, cela ne sert à rien sans une mise en oeuvre coordonnée au sein de l'administration. C'est pourquoi le but de cette motion est d'adapter les pratiques internes aux aspects des modifications légales. Le PDC votera ces deux objets, et nous ne pouvons que vous encourager à faire de même.

Mme Caroline Marti (S). En préambule et une fois n'est pas coutume, je vais joindre ma voix à celles de M. Genecand, de Mme Meissner et de Mme Roset et remercier le travail exemplaire du rapporteur. Dans le cadre des travaux de la commission, nous avons dû travailler entre deux écueils. Le premier, c'était la nécessité évidente de réformer l'outil du plan localisé de quartier pour répondre aux exigences du plan directeur cantonal 2030, lequel prévoit une urbanisation par grands projets. De grands périmètres, donc, qui s'urbanisent sur plusieurs années, voire dizaines d'années, et il était de ce fait important d'instaurer une certaine flexibilité dans l'outil du PLQ.

Le deuxième écueil, c'était d'éviter d'y amener une trop grande flexibilité pour ne pas vider le PLQ de sa substance et préserver sa vocation de planification urbaine. Le projet de loi déposé initialement par le Conseil d'Etat était, aux yeux des socialistes, trop proche de ce deuxième écueil, parce que nous sommes très attachés à une vision planifiée de l'aménagement. Pour que ces nouveaux quartiers répondent non seulement aux attentes des futurs habitants mais également, de manière générale, aux besoins en construction de logements, il était nécessaire de conserver la vocation planificatrice du PLQ. En commission, les travaux se sont orientés de manière à répondre à nos préoccupations. De ce fait, les socialistes ont accepté cette réforme des PLQ en commission et vous invitent à faire de même en plénière. Je vous remercie.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a été déposé par mon prédécesseur M. Longchamp dans un double objectif: le premier, celui d'accompagner le plan directeur cantonal 2030, un plan directeur ambitieux qui prévoit un potentiel de 50 000 logements d'ici une quinzaine d'années; et le second - c'était le credo de mon prédécesseur et un héritage que je chéris dans ma fonction - celui de la qualité dans l'urbanisme et l'architecture. Mesdames et Messieurs, quand on construit, on doit le faire bien, on doit le faire comme il faut, de manière à répondre aux besoins de la population. Là, je ne parle pas uniquement du logement à l'intérieur, mais bien évidemment aussi de l'extérieur. Le quartier définit nos identités, l'activité économique, les interactions entre les personnes et les générations. Au moment où l'on sait que beaucoup de personnes âgées restent seules chez elles, nous devons penser le quartier comme un lieu d'échange, qui doit être organisé très en amont: c'est à cela que servent les PLQ.

Or l'outil tel qu'il figure aujourd'hui dans la loi n'est pas adapté à cette ambition. D'une part, il est dimensionné pour de petits périmètres alors que le plan directeur nous enjoint de muter en ville des dizaines et des dizaines d'hectares. Nous devrons travailler sur des périmètres bien plus grands que par le passé si nous avons l'ambition de rattraper un tant soit peu la crise du logement. D'autre part, il est parfois absurde, et on se retrouve alors dans une situation regrettable où nous devons appliquer un PLQ adopté il y a une dizaine ou une quinzaine d'années; alors que tous les acteurs sont d'accord pour dire qu'on devrait plutôt faire autrement, ce n'est pas possible parce que le PLQ a été défini comme tel et qu'il est rigide, figé. Mesdames et Messieurs, il faut considérer l'urbanisme comme un être vivant: il évolue, il change, il s'adapte. La réforme qui vous est soumise aujourd'hui correspond à cette vision de l'urbanisme, à savoir une vision qui n'est pas figée, qui doit certes offrir certaines garanties mais aussi pouvoir s'adapter aux acteurs, à l'évolution du souhait des communes et des riverains, au génie des architectes et des urbanistes, lesquels peuvent repenser les choses autrement. La réforme fait la part belle à cette liberté que nous appelons de nos voeux.

Mesdames et Messieurs, davantage de lois et de règlements ne signifie pas davantage de qualité urbanistique. Le processus mis en place en 2013 a amené le département à travailler avec des acteurs privés; c'était un processus participatif, il y a eu une «task force» pour réformer le PLQ, ce qui a abouti à la première proposition du Conseil d'Etat déposée fin 2013. Cette proposition prenait le contre-pied d'un PLQ tellement précis qu'il avait presque le niveau de détail d'une demande définitive. Or pourquoi demander aux gens de faire une demande définitive - une DD, dans notre jargon interne - alors que le PLQ possède déjà ce niveau de détail ? Le premier projet de loi du Conseil d'Etat donnait beaucoup plus de liberté et de souplesse, trop, selon certains. C'est pourquoi nous avons pu, en partenariat avec la commission de l'aménagement, remettre l'ouvrage sur le métier et redonner un peu plus d'ossature, de rigidité à cette réforme, ceci afin de trouver le bon équilibre: un outil PLQ souple, pas trop mou mais pas trop rigide non plus. Cette réforme laisse la place aux urbanistes, je l'ai dit, mais aussi au processus de concertation, elle l'institue même. Car l'identité d'un quartier ne peut pas juste être décrétée par des experts, aussi bons soient-ils. L'identité d'un quartier répond avant tout à l'air d'une époque et à l'aspiration des gens qui y vivent ou des riverains qui habitent autour. Ainsi, la concertation fait et façonne l'urbanisme.

La conclusion de ce travail est ce projet de loi, voté unanimement par la commission - je l'en remercie au passage, tout comme je remercie le rapporteur pour son rapport très complet - et qui vous est soumis aujourd'hui pour approbation, en sachant qu'un autre volet de cette réforme est celui de l'administration. Dans ce sens-là, la motion évoquée par M. Genecand est la bienvenue: elle va dans le sens du travail que nous devons accomplir au sein de l'administration, à savoir changer notre méthode, je dirais même changer nos moeurs. C'est un changement culturel que nous devons mener à travers cette réforme si nous voulons relever le défi de la réalisation du plan directeur cantonal. Mesdames et Messieurs, j'annonce déjà que le Conseil d'Etat a adopté, par extrait de PV, une des invites de la motion, soit celle qui donne aux chefs de projet de l'office de l'urbanisme, qui travaillent au sein de mon département, le DALE, les capacités de leadership et d'arbitrage nécessaires à l'interface entre différentes politiques publiques. Voilà déjà l'un des effets de la réforme que le vote du projet de loi 11305 par votre Grand Conseil viendra compléter ce soir. Merci encore pour l'excellent travail ainsi que l'excellente collaboration que nous avons eue en commission: c'est vraiment exemplaire et cela augure de bons résultats sur le terrain.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons d'abord nous prononcer sur le PL 11305-A.

Mis aux voix, le projet de loi 11305 est adopté en premier débat par 89 oui (unanimité des votants).

La loi 11305 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 11305 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 89 oui (unanimité des votants).

Loi 11305

Le président. Et nous votons maintenant sur la M 2227.

Mise aux voix, la motion 2227 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 53 oui contre 16 non et 18 abstentions.

Motion 2227

PL 10843-B
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Vernier (création d'une zone de développement 3 entre l'avenue Louis-Casaï et le chemin des Corbillettes)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 9 et 10 octobre 2014.
Rapport de majorité de M. Christian Dandrès (S)
Rapport de première minorité de Mme Christina Meissner (UDC)
Rapport de deuxième minorité de M. Benoît Genecand (PLR)
P 1801-B
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la pétition invitant les députés à ne pas accepter le projet de loi du Conseil d'Etat N° 10843 modifiant les limites de zones sur le territoire de la commune de Vernier
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 9 et 10 octobre 2014.
Rapport de majorité de M. Christian Dandrès (S)
Rapport de première minorité de Mme Christina Meissner (UDC)
Rapport de deuxième minorité de M. Benoît Genecand (PLR)
P 1879-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier la pétition invitant les députés à ne pas accepter le projet de loi du Conseil d'Etat N° 10843 modifiant les limites de zone sur le territoire de la commune de Vernier, tel quel, mais en l'amputant des 2/3 de sa surface, conformément au plan directeur de la commune de Vernier de 2007, approuvé par le Conseil d'Etat
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 22, 23 et 29 janvier 2015.
Rapport de majorité de M. Christian Dandrès (S)
Rapport de minorité de Mme Christina Meissner (UDC)

Premier débat

Le président. Nous attaquons le point suivant de notre ordre du jour, c'est-à-dire les points liés PL 10843-B et P 1801-B. Je cède tout d'abord la parole à M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous demande l'ajournement de ce projet de loi à la prochaine session, ceci pour deux raisons. Tout d'abord, vous n'êtes pas sans savoir que le 25 septembre de l'année passée, le Tribunal fédéral a émis un arrêt important sur les rendements admis en zone de développement, qui suscite chez les acteurs de l'immobilier un certain nombre de questionnements quant à la possibilité de développer leurs activités en zone de développement. A la mi-février, le Conseil d'Etat répondra publiquement d'abord à l'ensemble des acteurs puis à la population en présentant la stratégie qu'il entend mettre en oeuvre suite à cet arrêt. Il me semble que cette information serait de nature à nourrir vos débats autour d'une modification de zone telle qu'elle vous est soumise ici.

Ensuite, je rappelle que l'une des motivations autour du débat sur ce projet de loi qui a justifié son renvoi en commission lors des précédentes séances était la possibilité de réaliser une zone ordinaire. Or, Mesdames et Messieurs les députés, je m'étais engagé auprès de la commission et de certains députés à étudier la possibilité de réaliser une zone ordinaire sur un autre périmètre que celui des Corbillettes - un périmètre plus adéquat pour cette zone ordinaire - ce qui implique une négociation avec la commune qui serait concernée par cette zone ordinaire exploratoire. Ces négociations sont en cours; nous espérons les terminer ces prochaines semaines et, par conséquent, être prêts à vous soumettre cette autre possibilité en février, ce qui permettra de mieux nourrir vos débats. Voilà, Mesdames et Messieurs, il y a donc deux éléments factuels que je ne pourrai pas vous communiquer ce soir, mais dont vous serez en pleine possession si vous acceptez cette demande d'ajourner le débat d'une simple session.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, j'ai oublié de préciser en introduction que ces deux objets étaient liés à la P 1879-A. S'agissant de la demande d'ajournement, ne peuvent s'exprimer que le Conseil d'Etat et les rapporteurs. Monsieur Dandrès, souhaitez-vous prendre la parole à ce sujet ?

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Oui, Monsieur le président, très brièvement. Le Conseil d'Etat est en charge de porter les projets de modification de zone. Dans la mesure où le gouvernement nous annonce qu'il a des éléments importants à soumettre au Grand Conseil qui seraient de nature à l'éclairer ainsi que ses travaux, je vous invite à accepter la demande qui vous est faite.

Mme Christina Meissner (UDC), rapporteuse de première minorité. Je ne sais pas quelles sont les raisons qui animent le Conseil d'Etat pour demander d'attendre un mois pour traiter ce projet de loi alors qu'au départ, c'était plutôt lui qui était pressé. Je ne vois en rien la nécessité d'attendre un mois pour apporter des réponses qui ne sont pas directement liées à ce quartier ni à ce qu'on pourra y faire. Pour notre part, nous rejetterons cette demande d'ajournement.

Le président. Je vous remercie, Madame. J'invite l'assemblée à se prononcer sur la demande d'ajournement.

Mis aux voix, l'ajournement du rapport sur le projet de loi 10843 est rejeté par 46 non contre 45 oui et 2 abstentions.

Le président. Nous poursuivons nos débats, et je passe la parole à M. le député Eric Stauffer. (Un instant s'écoule.) Monsieur Stauffer ?

M. Eric Stauffer (MCG). Oui, merci ! Mesdames et Messieurs les députés, nous savons...

Le président. Monsieur le député ? Excusez-moi de vous interrompre, j'ai fait une erreur. Je vais d'abord donner la parole aux rapporteurs pour qu'ils présentent leur rapport et vous la repasserai tout de suite après. (Remarque.) Monsieur Cerutti, je vous prie de garder vos commentaires pour vous ! Monsieur Dandrès, vous pouvez y aller.

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je serai bref. En mai 2014, j'avais eu le plaisir de vous présenter les raisons pour lesquelles ce projet de loi devait être accepté: il permettrait de construire 1500 logements et de lutter ainsi contre la pénurie qui fait rage dans notre canton; j'expliquais par ailleurs qu'il s'ancrait dans la politique acceptée par la population avec la modification de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, que le périmètre en question se situait à côté de zones d'activité importantes comme le CERN, l'aéroport et la ZIMEYSA, et que, dès lors, il convenait de l'accepter dans la version proposée par le Conseil d'Etat, soit une modification en zone de développement 3. Une majorité menée par le PLR et l'UDC a mis en exergue l'obstacle que pouvaient représenter un certain nombre de groupes d'intérêts et d'associations d'habitants et a expliqué qu'elle avait des solutions à présenter à la commission d'aménagement pour pouvoir résoudre ce problème. C'est la raison pour laquelle le Grand Conseil avait accepté de le renvoyer en commission. Lors des travaux, qui ont tout de même duré plusieurs mois, cette majorité PLR-UDC n'est pas parvenue à convaincre une majorité de commissaires et c'est la raison pour laquelle le projet a été voté tel que déposé par le Conseil d'Etat et que j'ai le plaisir de le défendre aujourd'hui. Naturellement, j'invite ce Grand Conseil à accepter le projet dans sa version actuelle ainsi qu'à déposer sur le bureau du Grand Conseil les deux textes qui lui sont liés, soit les pétitions 1801 et 1879.

Mme Christina Meissner (UDC), rapporteuse de première minorité. Comme rappelé dans le premier rapport de minorité relatif au projet de loi 10843, le déclassement en zone de développement 3 implique des restrictions de droit de propriété, une perte de valeur pour les propriétaires. Les habitants ont exprimé leur opposition et leurs craintes par rapport à ce déclassement par le biais de deux pétitions, la 1879 et la 1801. La pétition 1879 a été déposée suite au traitement du projet de loi 10843 par la commission d'aménagement, dont la majorité a décidé d'approuver le projet de déclassement de l'ensemble du périmètre en zone de développement 3. Cette pétition demande de ne procéder à cette modification de zone que sur un tiers du périmètre.

Etant donné que ni la solution de déclassement en zone de développement 3 de l'avenue Louis-Casaï, ni celle de garder l'ensemble du périmètre en zone villas voire en zone ordinaire tant que le travail et la discussion pourraient avoir lieu avec les habitants n'ont été retenues par la commission d'aménagement, le groupe UDC a déposé un rapport de minorité pour défendre autant la position des habitants que celle de la commune, laquelle se battait au départ pour un déclassement du seul front de rue, mais se tait largement aujourd'hui. Dans ces conditions, vous verrez que le malaise que j'ai exprimé lorsque nous avons traité ce projet de loi pour la première fois n'a fait que grandir, car personne n'a voulu suivre la position de la commune ni celle des habitants. C'est la raison pour laquelle le groupe UDC vous demande aujourd'hui de rejeter totalement le principe d'un déclassement qui prétérite tant la commune que les habitants, qui se sont clairement exprimés par la voie des deux pétitions que nous vous recommandons par ailleurs de renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Benoît Genecand (PLR), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, vous vous en souvenez: en mai, nous avons renvoyé ce PL à la commission d'aménagement. La question qui se posait était de savoir si un déclassement en zone ordinaire n'était pas une meilleure solution que celle proposée par le projet de loi sous revue. Plusieurs sous-questions avaient déjà été évoquées à cette époque, qui ont été traitées par la commission.

La première - peut-être la plus importante - était celle de savoir si le déclassement en zone ordinaire allait faire exploser le prix du foncier sur ces terrains de Vernier. Sur ce point, la réponse est à mon sens assez claire: elle est négative. Non, il n'y aura pas d'explosion du foncier compte tenu du marché actuel et des limites déjà tolérées dans les zones de développement à 1000 F le mètre carré. On ne voit pas dans cette région d'opérations qui pourraient tenir avec des loyers et des prix de vente à la sortie qui généreraient des prix au mètre carré supérieurs aux 1000 F autorisés en zone de développement.

Une deuxième question qui se posait, Mesdames et Messieurs, était de savoir si un déclassement en zone ordinaire allait ralentir ou non la procédure. La réponse est ici nuancée: il est clair que le déclassement en zone ordinaire que la minorité vous repropose ce soir par amendement justifiera le retour en enquête publique avec préavis communal, c'est-à-dire une procédure qui dure entre 120 et 150 jours. En revanche, le déclassement en zone ordinaire supprime l'étape du PLQ - dont nous avons abondamment parlé dans le cadre du sujet précédent - ce qui nous fait économiser en moyenne 760 jours puisqu'il s'agit là du nombre de jours qu'il faut pour réaliser un PLQ à Genève.

Est-ce qu'un déclassement en zone ordinaire produira plus ou moins de logements ? Là encore, réponse nuancée: vraisemblablement, il en produira plus à court terme, les avis divergeant quant à la production à long terme, le département disant que, sans processus normé du PLQ, nous en produirons moins. Selon moi, ce n'est pas du tout évident, et même un processus beaucoup plus chaotique - si vous me permettez cette expression - qui serait celui de la zone ordinaire pourrait à terme produire tout autant de logements que la zone de développement.

Deux autres questions ont été abordées. Est-ce que la commune est favorable à la zone ordinaire ? La réponse est ici négative: la commune nous a répété sa préférence pour la zone de développement. Est-ce que les habitants sont favorables à la zone ordinaire ? La réponse est ici positive même si, pour eux, c'est une deuxième meilleure solution, comme disent les Anglo-Saxons; la meilleure, en tout cas pour ceux qui sont venus vers nous, étant plutôt de ne rien faire. Mais quitte à déclasser, les habitants de ce quartier préfèrent la zone primaire.

Compte tenu de ces éléments, il y a quand même eu à la fin, comme l'a mentionné le rapporteur de majorité, une courte majorité de la commission pour vous reproposer un déclassement en zone de développement. Pourquoi la majorité n'a-t-elle pas changé ? Je pense, Mesdames et Messieurs, que nous n'avons fondamentalement plus du tout l'habitude de la zone ordinaire. Rien que pour cette raison, le travail approfondi en commission a été utile pour remettre au goût du jour, remettre finalement à l'agenda cet outil d'aménagement qui existe d'ailleurs partout en Suisse mais n'est plus utilisé à Genève depuis des décennies. Je pense que la courte majorité de la commission a renoncé devant l'inconnu, et la minorité de la commission qui vous présente cet amendement vous propose ce soir de faire preuve d'un peu d'audace. Mais il ne s'agit pas de dire que la zone ordinaire doit s'imposer partout à partir de maintenant, ce n'est pas du tout l'opinion du PLR. La zone de développement continue d'avoir des mérites évidents, notamment dans les grands quartiers de déclassement depuis la zone agricole. Mais nous pouvons tenter un autre urbanisme ! L'une des raisons qui me motive personnellement le plus, c'est d'essayer de réaliser un urbanisme hors PLQ.

Le président. Il vous faut conclure.

M. Benoît Genecand. Si c'est possible, je prendrai un peu de temps sur mon groupe pour conclure, Monsieur le président. Récemment, un prix économique a été accordé à Londres à un urbaniste qui faisait le constat suivant - là-bas, on connaît à peu près le même problème qu'à Genève en termes de développement urbain: ces dernières années, les plus belles réalisations urbaines ont été celles qui se sont faites avec peu de processus de réflexion et davantage avec un processus «incrémental» - que j'appelle à nouveau chaotique - à savoir hors processus de planification. A l'inverse, les réalisations les plus médiocres, et nous en avons quelques exemples à Genève, étaient celles sur lesquelles les plus brillants esprits s'étaient penchés pendant le plus de temps possible. Pour ma part, j'ai beaucoup de respect pour le travail effectué par le département et ses urbanistes; je ne le critique pas fondamentalement, je pense qu'ils répondent toujours à un impératif. Mais ce que nous vous proposons ici, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas une révolution copernicienne, c'est juste de réessayer la zone ordinaire, qui, je le rappelle, existe partout en Suisse, puis de se laisser surprendre par des résultats qui, j'en suis persuadé, seraient de nature à nous faire reconsidérer le primat de la zone de développement.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le MCG va encore une fois vous démontrer qu'il est l'arbitre absolu de ce Grand Conseil. (Exclamations.) La demande d'ajournement du conseiller d'Etat a échoué à une voix. Nous aurions pu accepter l'ajournement comme nous aurions pu accepter la zone de développement. Nous allons, par exception, soutenir la zone ordinaire. Mais comme nous l'avons dit hier soir, compte tenu du fait que la coupe de cristal des règles non écrites a été brisée, il n'y a plus de règles. J'invite celles et ceux qui essaient, par des manoeuvres dilatoires, de dire que ce n'est pas leur faute, à assumer leurs responsabilités, et vous le comprendrez très vite avec les sujets qui vont venir juste après. Vous avez défié le MCG, le MCG est au rendez-vous. Vous pouvez rigoler, certains députés PLR, mais je vous garantis que dans moins d'un trimestre, vous allez rire jaune ! Et vous allez tellement rire jaune qu'il sera très difficile pour vous de conserver votre unité.

Une voix. Quelle unité ?

M. Eric Stauffer. Le MCG a prévenu: vous ne respectez pas les règles, nous ne les respecterons pas non plus. Le MCG soutiendra donc par conséquent et à titre exceptionnel la zone ordinaire. Je vous remercie.

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la théorie du chaos, qui est proposée soit par notre collègue M. Eric Stauffer soit par M. Benoît Genecand, ne nous convient pas du tout. Dire qu'on va essayer...! Si on était dans un champ ou un pré, je comprendrais, mais regardez vous-mêmes le mitage de ce territoire avec le nombre de villas de petits propriétaires ! Je n'ai rien contre les petits propriétaires, mais mettre d'accord tout ce petit monde pour construire quelque chose, Mesdames et Messieurs, avec ce qui est proposé tant par le MCG que par M. Genecand, c'est impossible, et il est bien là, le problème ! On va voter ce soir pour figer complètement cette partie de notre territoire. Et quel territoire ! A quelque cinquante ou cent mètres d'arrêts de tram que nous avons payés chèrement, difficilement. Quel territoire ! On fait des histoires pour surélever la ville de Genève alors qu'il y a ici de quoi construire du logement, et du logement bon marché, avec la zone de développement 3, Mesdames et Messieurs !

M. Genecand nous dit d'essayer. Mais on a déjà essayé ! J'avais 20 ans quand le prédécesseur de M. Christian Grobet nous disait: «Il n'y a pas besoin de plan localisé de quartier, allons jusqu'à l'autorisation de construire et on verra bien.» Or toutes les oppositions, et vous le savez, arriveront au moment de l'autorisation de construire. En tant que promoteurs ou soutiens aux promoteurs, vous aurez engagé des sommes considérables et vous vous retrouverez devant les mêmes oppositions que dans ce plan. Beaucoup d'oppositions ont été traitées. Ces oppositions pourraient intervenir lors de l'élaboration du plan localisé de quartier et donner une sécurité aux promoteurs au moment de l'autorisation de construire. Ce que vous proposez existait déjà du temps du conseiller d'Etat Jacques Vernet, ça a même été décrié, et c'est pour ça que nous en étions arrivés à soutenir les plans localisés de quartier, parce qu'ils sont un moyen d'arbitrer et d'apaiser les intérêts des uns et des autres. Aujourd'hui, vous proposez de revenir à ce qui se pratiquait il y a quarante ans, Mesdames et Messieurs !

Alors je veux bien que M. Genecand essaie de trouver des astuces pour construire plus vite, nous sommes dans cette volonté-là aussi et nous avons d'ailleurs soutenu tout à l'heure la modification pour introduire une certaine flexibilité dans les PLQ; mais malheureusement il s'agit là véritablement d'introduire la théorie du chaos ! On va voir ce que ça va donner. Je vous donne rendez-vous dans dix ans, et puis on regardera le nombre de logements qui auront été construits dans ce lieu: aucun ! Tandis que sur le secteur des Eidguenots par exemple, qui se situe le long de l'avenue d'Aïre, nous avons mis en place un PLQ il y a six ans et nous allons construire demain - quand je dis demain, c'est dans un mois ou deux - parce que le PLQ, je le rappelle, est un moyen d'organiser et de négocier les intérêts des uns et des autres, notamment des petits propriétaires. Je vous remercie de votre attention.

Mme Martine Roset (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le PDC souhaite plus de logements, le PDC souhaite densifier la ville, et plus particulièrement à proximité d'axes de transports publics. Les Corbillettes remplissent ces critères. Nous sommes surpris de l'amendement du MCG, car ce même groupe l'avait refusé en commission. Le PDC est pour l'exercice de tester la zone ordinaire dans un déclassement de zone villas afin de densifier la ville. Il avait d'ailleurs soutenu cet amendement en commission afin d'essayer de prouver qu'on peut accélérer la mise en oeuvre de ces déclassements.

Néanmoins, au vu des explications du conseiller d'Etat en commission et, comme cela a déjà été dit par M. Genecand, de la reprise de la procédure pour ce projet de loi et surtout de l'annonce qui vient d'être faite par ce même conseiller d'Etat quant à une très prochaine présentation d'un périmètre soumis à la zone ordinaire, nous refuserons cet amendement. Nous l'avons dit: nous sommes pour la construction de logements, et ceci rapidement. S'agissant de ce projet de loi, la rapidité revient à voter le projet de loi déposé par le Conseil d'Etat - soit celui d'un déclassement en zone de développement - ce que nous ferons. (Quelques applaudissements.)

M. François Lefort (Ve). Comme vous le savez, ce projet de loi a été accepté à une vaste majorité en 2013. Après six séances de commission, il a été, en plénière post-électorale, une victime collatérale de la guerre que se mènent les protecteurs de villas. Ce projet de loi a donc été renvoyé en commission, la commission l'a encore examiné en quatre séances, et une courte majorité cette fois-ci, dans laquelle se trouvait le MCG en partie, a de nouveau accepté le même projet de loi sans aucune modification.

Ce projet de loi, c'est la promesse de pouvoir construire 1500 logements dans ce périmètre, voire certainement plus grâce à la loi de densification du 9 février. C'est la promesse de construire des logements à proximité de l'aéroport, des infrastructures publiques, des transports en commun, de zones d'activités riches en emploi. Les choses ont changé ce soir avec la réforme du PLQ que nous venons de voter, qui permettra, en zone de développement, de répartir équitablement les droits à bâtir, d'offrir une valeur satisfaisante aux propriétaires tout en construisant des logements à des prix abordables. C'est donc un projet réaliste, un projet rationnel, un projet écologiste, c'est le projet de construire la ville en ville, et non à la campagne. Je sais que ce concept est difficile à faire entrer dans vos têtes parce que la tentation est grande de construire la ville à la campagne, parce que, comme disait Alphonse Allais, «l'air y est tellement plus pur». Ce n'est pas parce que c'est plus facile, mais parce que l'air y est plus pur !

Ce soir, l'idée de déclasser en zone ordinaire revient sous la forme d'un amendement MCG-PLR, ou vice versa. C'est une fausse bonne idée qui a plusieurs conséquences. Premièrement, plus de zone de développement, c'est plus de PLQ, donc plus de contrôle de l'Etat sur les prix, c'est donc moins de logements et des logements plus chers. Si vous le votez, vous allez anéantir l'effort d'aménagement dans ce périmètre. Vous allez mettre à bas un projet d'aménagement qui promet 1500 logements ! La deuxième conséquence, c'est qu'après avoir perdu un an par ce retour en commission, le processus va faire perdre encore deux à trois ans car tout sera à refaire avant que ce parlement ne soit saisi d'un nouveau projet de loi de déclassement - en zone ordinaire, puisque c'est ce que vous voulez - parce que l'amendement PLR-MCG est inapplicable, il est d'ailleurs certainement illégal, et il sera attaquable. Cet amendement, Mesdames et Messieurs les députés, c'est la pomme empoisonnée que nous offre ce soir la nouvelle majorité PLR-MCG. Ne la croquez pas, s'il vous plaît ! Ne croquez pas cette pomme empoisonnée ! La troisième conséquence, Mesdames et Messieurs les champions de dernière minute de la zone ordinaire, ce sera votre perte de crédibilité totale ! Vous n'arrêtez pas de demander du logement, vous trépignez, vous exigez du logement: «Plus de logements !» Or maintenant, vous nous dites qu'il faut faire de la zone ordinaire dans les 10% de la zone villas qui est promise à l'aménagement ? Soyez conséquents ! Je vous le promets: c'est une perte de crédibilité totale ! Il faudra assumer devant la population ce double discours dans lequel les promesses de faire du logement s'écrasent contre un mur, le mur des politicailleries ! La politicaillerie, c'est le mot-valise entre politique et quincaillerie ! C'est de la quincaillerie politique que vous faites, Mesdames et Messieurs de la majorité !

Pour le reste, nous, les Verts, ne sommes pas dogmatiques, nous ne sommes pas opposés à faire de la zone ordinaire, nous l'avons dit en commission et le redisons ici, vous en êtes témoins: nous ne sommes pas opposés à faire de la zone ordinaire ! Mais pas avec ce projet de loi, pas ici, pas sur un projet de 1500 logements ! Ce projet était un bon projet il y a deux ans, c'est encore un bon projet qui promet 1500 logements, voire peut-être plus avec les nouvelles lois que nous avons votées en février et ce soir. Nous le soutiendrons encore et surtout vous demandons de ne pas changer le vote de la majorité de la commission. Concernant les deux pétitions, nous soutiendrons leur dépôt sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.

Mme Caroline Marti (S). Je vais en bonne partie abonder dans le sens de mon préopinant. Déjà, je pense qu'il est indispensable de faire une comparaison entre ce que peut nous offrir la zone de développement et ce que peut nous offrir la zone ordinaire. Contrairement à la zone de développement, la zone ordinaire n'impose pas l'obligation de créer un PLQ. Or qui dit absence de PLQ, dit absence de cohérence urbanistique, de réflexion sur les espaces publics, et une urbanisation purement et simplement anarchique puisque chaque propriétaire peut construire son petit immeuble sur sa petite parcelle, ce qui conduira immanquablement à la création d'un quartier qui ressemblera plus à un labyrinthe d'immeubles qu'à une région agréable à vivre.

Une zone de développement, ça signifie également pas de contrôle sur les prix... (Remarque.) Pardon ? La zone ordinaire, bien sûr, excusez-moi ! La zone ordinaire, ça signifie pas de contrôle sur les prix de vente des futurs appartements ni sur les futurs loyers. Cela ouvre la porte à la construction de biens de luxe qui seront absolument hors de portée, en termes de loyer, à la majorité de la population. Monsieur Genecand, vous nous avez dit - vous transmettrez, Monsieur le président - que puisque c'est construit à Vernier, les prix ne seront pas si élevés que ça. J'aimerais quand même vous rappeler que Vernier, ce n'est pas seulement les Libellules ou les Avanchets - c'est peut-être l'image que vous avez en tête. Cette parcelle est un quartier particulièrement enviable, agréable à vivre, et il est absolument certain que le prix des terrains en zone ordinaire sera extrêmement élevé et celui des futurs logements également.

La zone ordinaire, cela signifie pas de densité minimale, la possibilité pour les promoteurs et les propriétaires de construire quelques petits pavillons, des immeubles de peu d'étages. Il s'agit là d'un gaspillage de terrain énorme au moment où le plan directeur cantonal et la pénurie de logements nous imposent de densifier les nouveaux quartiers que l'on construit. Contrairement à ce que vous dites, Monsieur Genecand - vous transmettrez à nouveau, Monsieur le président - déclasser en zone ordinaire signifie créer un blocage total dans le projet des Corbillettes. En effet, comme cela a été rappelé par M. Lefort et souvent évoqué en commission, cela revient à retourner, dans le processus de déclassement, à l'enquête publique, et donc à perdre plusieurs mois voire plusieurs années avant de pouvoir déclasser ce terrain.

Comme vous le savez également, le terrain des Corbillettes est grevé par plusieurs centaines de servitudes croisées. De ce fait, il serait indispensable d'exproprier ces servitudes pour permettre la construction de futurs logements sur ces terrains. Or, en zone ordinaire, il est nécessaire que 60% des futurs logements construits sur ce périmètre soient des logements d'utilité publique pour que le Conseil d'Etat ait la possibilité d'exproprier ces servitudes croisées: laissez-moi croire qu'en zone ordinaire, il est peu probable qu'on atteigne le potentiel de 60% de logements d'utilité publique. Enfin, un déclassement en zone ordinaire, ça veut dire pas de planification, notamment en termes de proportion entre les logements et les emplois. Vu la situation du périmètre proche des transports publics et de l'aéroport, il est fort probable, et je le crains, que les propriétaires et promoteurs privilégient la construction de locaux commerciaux plutôt que celle de logements puisqu'ils peuvent faire des bénéfices plus juteux avec ce genre de constructions. Dans ce sens, c'est un potentiel de 1500 logements, comme l'a rappelé mon collègue Lefort, qui est en danger si on déclasse en zone ordinaire.

Les députés de la majorité qui semble malheureusement se dessiner ce soir nous disent qu'ils veulent déclasser en zone ordinaire pour faire l'expérience de la zone ordinaire, pour essayer, pour voir ce qui peut se passer. C'est purement et simplement, Mesdames et Messieurs les députés, jouer à l'apprenti sorcier ! Or jouer à l'apprenti sorcier quand il y a 1500 nouveaux logements en jeu, dans une situation de pénurie qui plus est, c'est proprement irresponsable ! C'est pour ces raisons que le groupe socialiste vous invite à refuser l'amendement déposé pour déclasser en zone ordinaire et à voter le projet de loi tel que sorti des travaux de la commission. Je vous remercie.

M. Serge Hiltpold (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai été ravi d'entendre tous ces professionnels de la construction qui connaissent si bien le terrain et le monde des entreprises et des bâtisseurs...! Je ne viens pas là pour tenir un discours polémique mais j'aimerais revenir sur les propos du conseiller d'Etat Antonio Hodgers ainsi que sur la situation dramatique et très alarmante due à l'arrêt du Tribunal fédéral, qui touche le rendement sur les zones de développement. Mon discours n'est absolument pas partisan...

Une voix. Non, voyons !

M. Serge Hiltpold. Cet arrêt donne véritablement un coup de frein à main et cause un virage à 180 degrés dans le monde de la construction. La réalité, en janvier 2015, c'est que les projets déjà déclassés en zone de développement sont arrêtés parce qu'il n'y a pas la certitude de pouvoir obtenir un rendement. Cette réalité - je vous parle franchement - s'est directement transmise aux caisses de compensation du gros oeuvre, qui sont en baisse. En tant que président de la Fédération genevoise des métiers du bâtiment, j'ai accès directement à ces chiffres, qui montrent la diminution de la masse salariale du gros oeuvre. C'est clair, c'est net. Il y a maintenant des entreprises au chômage technique dans la maçonnerie, c'est une réalité. Pourquoi ? Parce qu'il y a le doute. Il y a le doute ! Ce même doute est transmis aux caisses de pension qui veulent investir. Parlez à vos représentants syndicaux au sein de ces caisses de pension, qui ont la même problématique quant aux rendements. Il ne s'agit pas d'être partisan de la gauche ou de la droite, c'est une réalité économique qui touche les entrepreneurs et, de facto, la masse salariale. Pour le PLR, il ne s'agit pas de faire un test pour s'amuser mais d'essayer de répondre à une donnée qui n'est pas exprimée clairement car il y a un vide juridique autour des zones de développement. Vous pouvez élaborer toutes les théories que vous voulez, mais le mal est fait. L'arrêt du Tribunal fédéral, tout ce qui se passe depuis... Le mal est fait dans la réalité des investisseurs. Je ne prends pas une casquette partisane pour favoriser les propriétaires, mais il faut essayer de trouver une solution pragmatique pour sécuriser les investisseurs, sans lesquels il ne se bâtit rien du tout. Au PLR, nous sommes pour le déclassement, nous essayons de trouver une nouvelle solution avec la zone ordinaire. Je vous remercie de faire bon accueil à l'amendement déposé afin d'essayer de trouver, sur ce petit périmètre, une solution constructive. On ne se trouve pas sur la rive gauche avec des loyers hors de prix, on parle d'un périmètre précis, et je pense que la solution proposée, innovatrice, mérite d'être étudiée. (Quelques applaudissements.)

M. Thierry Cerutti (MCG). Les habitantes et habitants du quartier des Corbillettes sont opposés à la zone de développement. D'ailleurs, vous avez pu constater qu'ils ont adressé une pétition à la commission de l'aménagement pour exprimer leur mécontentement. Pourquoi sont-ils mécontents ? Parce qu'ils vont perdre un certain montant. Pour certaines familles, c'est même l'investissement, le sacrifice de toute une existence, et le fait de transformer ce périmètre en zone de développement serait tout simplement catastrophique pour eux, parce qu'ils perdraient beaucoup d'argent. Alors on peut bien sûr dire qu'ils sont quand même chanceux - c'est clairement le discours de la gauche - parce qu'ils vivent au moins dans une villa et ne sont pas entassés dans des appartements dans d'autres quartiers ou cités.

Pourquoi voulons-nous et soutiendrons-nous la zone ordinaire ? Pour éviter, Mesdames et Messieurs, les outils soviétiques de type PLQ qui demandent quinze à vingt ans pour que quelque chose soit construit, sans compter les recours qui sont systématiquement déposés parce qu'on n'arrive pas à avoir une dynamique et une réflexion participatives avec les habitants et les gens du quartier. Avec la zone ordinaire, on va pouvoir construire, et ce n'est pas un luxe de pouvoir construire, Mesdames et Messieurs, alors que notre canton se trouve en pleine pénurie de logements et qu'on cherche toutes sortes de solutions pour pouvoir construire des logements avec des loyers meilleur marché.

De plus, comme on l'a dit tout à l'heure, avec le nouvel arrêt fédéral qui a été prononcé, les chantiers en zone de développement sont stoppés vu le faible rendement qu'autorise l'arrêt sur les fonds investis par les promoteurs. De fait, les promoteurs ne veulent plus du tout investir de l'argent dans une zone de développement parce que ça leur prendrait trop de temps pour recueillir un certain bénéfice, même subséquent, comme pourraient le contester d'autres. La zone ordinaire a plusieurs avantages: premièrement, elle permet de créer des logements; deuxièmement, ces logements sortiront de terre d'ici cinq ans, ce qui signifie que le prix ne sera pas forcément plus élevé. Si les prix ne sont pas élevés, les loyers seront bon marché, eux aussi. Nous vous demandons et vous recommandons donc de soutenir notre amendement.

M. François Lefort (Ve). Une brève intervention pour que vous transmettiez ceci à M. Hiltpold, Monsieur le président: en fait, il a raison. Vous avez raison, Monsieur Hiltpold, le doute règne. Or quand le doute règne, les affaires ralentissent, évidemment. Le doute règne quant aux conséquences de l'arrêt fédéral. Les activités du bâtiment ont ralenti, c'est vrai - vous en êtes le premier témoin et je vous crois. Les chiffres que vous mentionnez sont réels, les conséquences sur les caisses de pension également. Mais c'est aussi circonstanciel puisque des solutions aux conséquences de cet arrêt fédéral sont recherchées, et il est bien possible qu'elles soient atténuées dans un futur assez proche.

Vous nous proposez ainsi, sous ce prétexte circonstanciel, de mettre à bas un projet d'aménagement de 1500 logements. Parce que quand vous aurez voté cette zone, les conséquences que j'ai décrites tout à l'heure, elles, seront réelles, et elles ne seront pas atténuées par toutes les recherches d'adoucissement de l'arrêt fédéral que le Conseil d'Etat et d'autres autorités recherchent. Je vous en conjure: ne votez pas cette zone ordinaire ! Vous allez freiner un mouvement majeur d'aménagement à cet endroit et vous allez le rendre plus cher. Ceci étant dit, concernant le vote qui aura bientôt lieu sur l'amendement PLR-MCG, je demande le vote nominal de façon que la population sache qui veut faire du logement et qui ne veut pas en faire, qui veut faire du logement à des prix abordables et qui veut faire du logement cher ! Merci, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Vous pourrez redemander le vote nominal au moment du vote. La parole est à M. le député Rémy Pagani.

M. Rémy Pagani (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je trouve certains arguments un peu fallacieux, notamment ceux du MCG qui dit que ces gens ont économisé toute leur vie - c'est vrai - et qu'ils doivent avoir un rendement suffisant - même s'il est déjà important, vous le savez très bien - et, en même temps, qu'on va construire des logements bon marché. C'est incompatible, et vous le savez très bien. Il s'agit de réguler, et là où l'autorité ne régule pas, chacun va se faire un malin plaisir de demander à un expert de déterminer la valeur du terrain de 1000 mètres carrés avec le bâtiment et puis de faire en sorte que cette valeur soit optimisée, comme on dit. En ce sens, ma collègue députée du PS, Mme Marti, a tout à fait raison: il n'y aura pas de logements bon marché et encore moins de logements tout court, si ce n'est de la PPE inaccessible à la quasi-totalité de la population, que par ailleurs vous défendez prétendument; il n'y aura que des bureaux ou des logements extrêmement chers. Ce paradoxe-là, Monsieur Cerutti, il faut que vous l'assumiez réellement.

En ce qui concerne le blocage dénoncé par le représentant... Enfin, je pense qu'il est ici député et pas forcément représentant de la profession, mais bref ! Toujours est-il que M. Hodgers a demandé à ce parlement de pouvoir nous présenter des pistes pour sortir de la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous avons affaire, dans le processus de construction de logements - et vous le savez, Monsieur le député - à une horloge bien huilée qui, à certains moments, se grippe, c'est certain. Mais là, vous nous proposez de prendre un marteau et de casser l'horloge, puis de voir ce qui en ressortira ! C'est la réalité. Pour ma part, je vous invite, au nom des professions, des métiers et des emplois que je défends comme vous, à être un peu plus méticuleux et à prendre le temps d'expérimenter, d'examiner des solutions pour changer la donne. Il faut quand même rappeler ceci: le Tribunal fédéral a dit qu'on ne pouvait pas imposer des taux hypothécaires abusifs alors que le taux hypothécaire est très bas. Trouvons des solutions pour sortir de cette problématique-là plutôt que de casser une machine que nous avons mis assez longtemps à mettre sur pied. Autrement, nous allons nous retrouver avec les intérêts croisés des uns et des autres et nous ne construirons rien, vous ne construirez rien et vous ne donnerez aucun travail, aucun investissement de plus aux professions et aux entreprises que vous défendez par ailleurs. Je vous demande donc de voter la zone de développement 3 puisque vous n'avez pas voulu surseoir en attendant les explications du magistrat et voir comment on peut ajuster les choses après coup. Nous aussi, au sein des caisses de pension, nous avons des intérêts à défendre, la rentabilité des caisses de pension. Mais ce n'est pas comme ça qu'on va pouvoir le faire !

M. Roger Deneys (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai écouté avec attention les propos du chef de groupe PLR concernant la situation qui règne aujourd'hui. Si on peut partager son constat quant à la problématique de la rentabilité des investissements pour les caisses de pension compte tenu de l'arrêt du Tribunal fédéral, on peut en revanche s'étonner de sa solution. En effet, si le constat n'est pas polémique et peut être partagé, sa solution est quand même assez curieuse: au prétexte d'un rendement insuffisant en zone de développement 3, il faudrait faire de la zone ordinaire ? Si on poursuit son raisonnement, cela veut dire que dès aujourd'hui, après ce vote, Mesdames et Messieurs les députés, on supprime complètement la zone de développement 3 parce que, ma foi, la problématique de la rentabilité va se répéter tant que - et M. le conseiller d'Etat l'a évoqué - de nouvelles pistes ne seront pas trouvées pour permettre des rendements appropriés aux caisses de pension dans la zone de développement 3. Vous voulez aujourd'hui jouer les apprentis sorciers sur un périmètre de 1500 logements, supprimer une zone de développement 3 et donc supprimer la possibilité de construire du logement bon marché ?!

Il y a quelque chose qu'il faudrait essayer d'arrêter de dire dans ce Grand Conseil: ce n'est pas que nous manquons de logements à Genève, nous manquons de logements à loyers abordables ! Voilà le problème ! Les logements chers existent, ils servent à des privilégiés qui ont les moyens de se les offrir; c'est pour le reste de la population qu'il manque des logements, et c'est bien un instrument tel que la zone de développement qui permet de les réaliser, pas la zone ordinaire. Mesdames et Messieurs les députés, le raisonnement proposé par le PLR et le MCG pour saborder la zone de développement 3 est particulièrement dangereux. Dire qu'on veut passer à la zone ordinaire parce qu'on n'a plus de solutions pour le rendement et démanteler ainsi la zone de développement 3 n'est certainement pas une solution, qui plus est deux mois à peine après l'arrêt du Tribunal fédéral. Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut surtout pas voter cette proposition de passage en zone ordinaire ! On pourrait éventuellement imaginer de le faire, mais sur un périmètre sur lequel d'abord on se mette d'accord ensemble, et certainement moins grand que celui-là. Il faut aussi mesurer les conséquences !

M. Thierry Cerutti (MCG). Pour répondre à M. Pagani, il n'y a absolument rien de fallacieux dans les propos que j'ai tenus. On parle aussi de la classe moyenne ! La classe moyenne, Monsieur Pagani, ce ne sont pas des gens extrêmement fortunés qui roulent en Bentley, ont une Rolex au poignet et partent en vacances à Tahiti. La classe moyenne, ce sont des gens comme vous et moi qui économisent et font des sacrifices dans leur vie pour pouvoir peut-être acquérir un logement. Voilà pour le premier point.

Ensuite, je vous rappelle que Vernier est une ville qui a extrêmement investi, c'est même certainement celle qui a le plus investi sur l'ensemble du canton genevois dans les logements bon marché, les cités et autres regroupements de logements. Demain, enfin, en 2017, le quartier de l'Etang devrait sortir de terre - en espérant qu'il sorte de terre ! - ce qui représentera 1000 logements supplémentaires pour la classe moyenne, bien naturellement, mais aussi pour les gens plus prétérités, plus précarisés. Il faut aussi penser à cette classe moyenne qui a envie d'avoir un logement, qui a les moyens de se l'offrir et qui souhaite rester à Genève et y vivre plutôt que de s'expatrier dans le canton de Vaud ou en France. Nous, le Mouvement Citoyens Genevois, et d'autres certainement aussi, pensons à ces gens-là qui ont le droit au logement. Ce sont des gens qui participent de manière intense à la vie collective, ce sont des contribuables importants, et on ne peut pas leur fermer la porte au nez simplement parce qu'on estime qu'il faut faire du logement pour les gens précarisés plutôt que pour la classe moyenne. La classe moyenne compte, et le MCG le dit: nous soutenons la classe moyenne et nous voterons ce projet de loi.

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur Cerutti, vous faites comme moi: vous ouvrez le journal le matin et vous voyez une annonce pour un cinq-pièces en PPE à 2,5 millions. Un prix de 2,5 millions, ça veut dire qu'il faut avoir des fonds propres, 10%, si on est malin, c'est-à-dire 250 000 F. Il faut aujourd'hui 250 000 F pour accéder à la propriété d'un logement ! Qui peut mettre autant d'argent sur la table, s'endetter et prendre le risque de l'instabilité de son foyer, de sa famille, de ses enfants avec un tel investissement sur une période aussi longue ? Monsieur Cerutti, vous devriez savoir que la zone de développement 3 permet justement de contrôler les prix de vente de la PPE. Quand on garantit 1000 F le mètre carré, cela peut éventuellement permettre à la classe moyenne de pouvoir accéder à l'achat. A ce moment-là, le prix de 2,5 millions tombe tout à coup à 1,5 million, et on revient à des fonds propres de 150 000 F ou 200 000 F, ce qui permet réellement de faire accéder la classe moyenne à ces appartements. Enfin, ce qu'on imagine être la classe moyenne: allez, soyons généreux, 150 000 F ou 200 000 F de revenus ! A ce moment-là, on ne prend pas le risque de mettre à la rue sa famille en investissant dans l'achat d'un appartement. C'est ça, la réalité ! Or ce que vous défendez aujourd'hui très concrètement, Monsieur Cerutti, ce sont des ventes d'appartements aux Corbillettes à 2,5 millions, inaccessibles à la majorité voire à la totalité de notre population, celle-là même que je défends depuis quarante ans. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Alberto Velasco.

M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le député... Monsieur le président, excusez-moi ! Je trouve quand même étonnant de voir les membres du MCG défendre la propriété par étage, eux qui représentent en principe une classe plutôt défavorisée - à l'époque du moins, plus aujourd'hui. Aujourd'hui à Genève, Monsieur Cerutti - vous permettez, Monsieur le président - il ne s'agit pas de construire pour les gens qui veulent s'acheter un appartement; le problème, c'est de loger ceux qui n'ont justement pas les moyens de s'acheter un appartement ni de payer des loyers élevés. C'est ça, le problème ! A l'heure actuelle, Mesdames et Messieurs, dans les fondations de droit public, le taux de rotation est d'un logement par mois. Je prends comme exemple la Fondation de la Ville de Genève pour le logement social, c'est-à-dire 350 logements. En un mois, il y a un logement qui se libère, et encore ! Voilà le grave problème. Dans toutes les fondations, c'est à peu près la même chose, Monsieur. Il y a un manque de logement social patent dans cette ville ! Et ce n'est pas en construisant des logements pour les personnes qui peuvent peut-être s'en offrir en France que vous allez régler le problème de ceux qui en ont vraiment besoin. Voyez-vous, Monsieur Cerutti, celui qui a les moyens pour un logement à 2 millions peut très bien se payer un loyer à 3000 F ou 4000 F ! Mais ceux qui ne peuvent pas se payer un loyer à 3000 F ou 4000 F ont besoin de logements sociaux. Or la zone de développement, c'est ça, Mesdames et Messieurs ! Avec ce qu'on nous propose ici, vous allez aggraver la situation de celles et ceux qui ont peu de moyens et cherchent désespérément un logement. Voilà ce que vous êtes en train de faire ! Déjà que la situation à Genève est catastrophique, et vous allez dans ce sens-là ? Vous allez prétériter le nombre de logements vacants et par conséquent faire augmenter à nouveau le prix des loyers. Bravo ! Je croyais que le MCG défendait les petites gens...

Une voix. Tu croyais ça ?

M. Alberto Velasco. Au début, oui ! Quand ils sont arrivés ici, c'étaient les gueux qui défendaient les pauvres, et j'étais personnellement très sensibilisé par cela. Mais maintenant, on voit effectivement que le pont est établi avec le PLR. Il est clair que vous défendez désormais une classe favorisée, et il faut que les gens le comprennent. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne maintenant la parole à M. le député François Lefort. (Un instant s'écoule.)

Une voix. Il n'est pas là !

Le président. M. Lefort n'étant pas là... (Un instant s'écoule.)

M. François Lefort. Je renonce, Monsieur le président ! (Rires.)

Le président. Merci. Monsieur Thierry Cerutti, c'est donc à vous.

M. Thierry Cerutti (MCG). Oui, Monsieur le président, j'aimerais brièvement répondre à notre camarade Pagani: je ne sais pas où vous êtes... Ah oui, c'est vrai que vous êtes en ville de Genève, alors peut-être bien que vous avez des appartements à 2,5 millions de francs. Là, on parle de Vernier, c'est-à-dire d'une zone proche de l'aéroport et de l'autoroute, avec les inconvénients qu'on connaît. Vous pensez franchement que les gens vont mettre 2,5 millions pour acheter un appartement à Vernier ? Redescendez sur terre, Monsieur Pagani ! Je sais que vous avez grandi dans les quartiers huppés, que vous êtes un gars huppé et que vous gagnez 300 000 balles par année ! Mais ce n'est pas comme ça à Vernier, il n'y aura pas d'appartements à 2,5 millions de francs, ce sont des fantasmes. Alors retournons à votre projet de zone de développement 3 et on verra bien, dans vingt ans, combien coûteront les appartements. Sauf que, dans vingt ans, il n'y aura toujours rien parce qu'il y aura eu des oppositions, et ci et ça. En zone ordinaire, on a la possibilité de construire quelque chose; allons-y, et on verra bien !

M. Benoît Genecand (PLR), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs, le débat avançant, on s'éloigne un peu de la substance du sujet pour en venir à une sorte de confrontation politique qui, à mon avis, est un peu à côté de la cible. Je vais donc revenir sur la question de la zone ordinaire par rapport à la zone de développement afin de répondre à certaines affirmations.

D'abord, pour répondre à M. Pagani - vous transmettrez, Monsieur le président - la particularité genevoise de la zone de développement est qu'il s'agit d'une zone d'affectation différée, cas unique en Suisse: quand vous déclassez en zone de développement, vous ne donnez aucun droit au propriétaire du sol. Celui-ci ne peut pas faire de densité supplémentaire, sauf en passant par un PLQ. La zone ordinaire que nous proposons ici est une zone normale qui fonctionne à partir du moment où vous l'avez validée en donnant des droits aux propriétaires, lesquels pourront donc déposer des demandes définitives sans passer par le plan localisé de quartier. Voilà pourquoi on pourrait gagner du temps. Tout à l'heure, je suis resté nuancé dans mon appréciation quant au temps que ça allait prendre parce qu'il est vrai qu'avec cet amendement, on va devoir refaire une enquête publique et un préavis communal. L'enquête publique, c'est environ trente jours, le préavis communal soixante jours et le délai d'opposition est de trente jours - je cite ici le professeur Bellanger. Il ajoutait ceci, qui est assez intéressant: entre ces différentes étapes, c'est le département qui maîtrise la procédure; la durée totale dépendra donc de la célérité qu'il mettra à appliquer le changement d'affectation.

Quant à Mme Marti, si elle veut bien une fois - vous transmettrez, Monsieur le président - enfourcher son vélo et se rendre aux Corbillettes, elle se rendra compte que ce périmètre se situe exactement en face des Avanchets. J'en profite d'ailleurs pour signaler à M. Pagani - vous transmettrez, Monsieur le président - qu'aucun tram ne passe à l'avenue Louis-Casaï. Ce n'est donc pas à 50 mètres du tram, mais d'un bus. Vous aussi, vous pouvez vous déplacer dans le canton, Monsieur Pagani, vous y découvrirez des choses, notamment le fait qu'aujourd'hui déjà, dans cette zone villas - parce que c'est encore une zone villas - personne n'achète ni ne vend de bien à 2,5 millions. Je sais que dans votre vision de l'aménagement, tout terrain, où qu'il se trouve dans le canton, vaut le même prix - c'est d'ailleurs ce qui fait quelque peu la faillite du système en place à cet endroit-là. Je réaffirme ce que j'ai dit: il ne se construira pas de PPE à 2,5 millions - mais il est sûr que, par rapport à votre raisonnement, c'est un peu difficile à concevoir - tout simplement parce que personne ne construira quelque chose qu'il n'arrivera pas à vendre et que personne ne mettra quelque chose sur le marché qu'il n'arrivera pas à louer. Il y a quand même un marché ainsi que des limites à ce que les gens sont prêts à accepter.

Concernant la densité, ma prise de position de tout à l'heure était là aussi nuancée, et reste nuancée. La LCI s'appliquera. Il y a 21 mètres à la corniche; si ce sont 21 mètres qui sont appliqués sur l'ensemble des parcelles, il y aura une densité aussi grande que si on avait fait un PLQ. Il est difficile de dire aujourd'hui quelle sera exactement la densité, et c'est en effet une incertitude qu'il faut pouvoir affronter. Mme Marti a évoqué, à juste titre, la question des servitudes; c'est un débat important. Il est vrai qu'en zone ordinaire, il n'existe plus la possibilité de les lever, et vous avez raison de souligner que, de toute façon, une guérilla attend notre canton sur ce territoire, que ce soit avec la zone ordinaire ou la zone de développement. Il ne faut pas se faire d'illusions: ça se saurait si c'était différent avec la zone de développement. On n'a jamais permis d'aller très vite, c'est là l'un des grands problèmes. La zone ordinaire ne le permettra pas forcément non plus, et s'il faut lever des servitudes, votre raisonnement était à l'envers: il sera possible de lever des servitudes, mais il faudra simplement garantir 60% de logements sociaux. Si, à un moment donné, c'est le pas qu'il faut faire, on le fera. Mais ce sera la condition pour lever les servitudes.

Enfin, s'agissant du commercial, je crois qu'il y a là encore une déconnexion avec la réalité. Nul promoteur ne va aujourd'hui aller construire du commercial à cet endroit-là. Prenez les statistiques, regardez le nombre de mètres carrés vides dans le commercial - il y a d'ailleurs un bon projet de loi MCG qui propose de reconvertir du commercial en logement. Personne ne va investir dans des locaux commerciaux aux Avanchets qui resteront vides. De nouveau, je sais que ce mot heurte vos oreilles, mais il y a un marché. Personne ne va aller construire du commercial juste pour le laisser vide, ce n'est pas rentable comme opération.

Je sais que c'est compliqué et que ça fait longtemps qu'on n'a plus fait de zone ordinaire - M. Pagani l'a d'ailleurs dit puisque, quand il avait vingt ans, on a arrêté d'en faire. Devant toute incertitude, ceux qui veulent le maintien de la situation actuelle font évidemment peur à ceux qui essaient de changer en leur disant: «Ce n'est pas possible, ce n'est pas la bonne méthode, ce n'est pas le bon moment, ce n'est pas le bon endroit.» Ici, invariablement, nous aurons l'ensemble de ces arguments. Cela ne devrait pas empêcher ceux qui veulent faire cette tentative de se lancer; je suis sûr qu'à un horizon de cinq à dix ans, nous nous en féliciterons tous.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Monsieur Pagani, vous avez la parole pour trente secondes.

M. Rémy Pagani (EAG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste rectifier deux choses. D'abord, Monsieur Cerutti, je ne gagne pas 300 000 F, mais 250 000 F. C'est publié et, déductions faites d'une part importante - je reverse en effet une bonne partie de cette rémunération - je gagne de fait comme un ingénieur. Et, Monsieur Genecand, il y a un tram à la route de Vernier qui passe à 50 mètres de ce terrain !

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Rémy Pagani. Pardon: la route de Meyrin, bien sûr !

Mme Christina Meissner (UDC), rapporteuse de première minorité. Vous permettrez que je fasse un certain nombre de rappels et de corrections. Tout d'abord, je vous rappelle que l'UDC, au départ, a été le seul groupe à proposer et à soutenir la position de la commune de Vernier, à savoir celle de son plan directeur communal qui prévoyait de déclasser en zone de développement 3 uniquement le périmètre le long de l'avenue Louis-Casaï et de laisser en zone villas - je dis bien en zone villas ! - l'arrière, c'est-à-dire les deux tiers du secteur des Corbillettes. Vous n'en avez pas voulu. Vous n'en avez pas voulu ! En matière de trahison - vous transmettrez à M. Lefort, Monsieur le président - qui trahit qui ? Alors qu'il s'agissait là de la position officielle de la Ville de Vernier, c'est votre propre magistrat Vert qui, en commission, a prétendu que Vernier soutiendrait le déclassement de l'ensemble du périmètre en zone de développement 3, ce qui est faux, totalement faux !

J'aimerais revenir également sur d'autres affirmations, notamment sur le fait qu'on nous reproche de ne pas construire du logement. Le 5 décembre 2014, il y a un mois, nous avons voté ici à l'unanimité le projet de l'Etang, qui prévoit la construction de 1000 logements. Où ça, Mesdames et Messieurs ? A Vernier ! Alors ne dites pas que nous ne faisons pas d'efforts à Vernier ! Et s'agissant de ces 1000 logements à l'Etang, il y a zéro opposition: la modification de zone, la mise à l'enquête... Pour l'instant, tout va bien. Tout va bien, Monsieur Alberto, que j'aime bien par ailleurs ! (Exclamations.)

Maintenant, si vous permettez que je poursuive, il nous faut voter. Et puisque ni la population ni la commune ne veulent de cette zone de développement 3, pourquoi ne pas tenter la zone ordinaire ? Certains disent que ça va être le chaos. Or le chaos, c'est maintenant ! Vous dites qu'il y aura de l'apaisement si on continue dans la voie du déclassement en zone de développement 3. Mais il y a déjà 250 oppositions ! Oui, 250 oppositions, dont celle de Vernier. Vous dites aussi: «Regardez cette zone, regardez le mitage.» Le mitage ? Mais il y a des habitants sur cette zone, ce ne sont pas des mites !

Une voix. Bravo !

Mme Christina Meissner. Bref, tout cela pour dire que les habitants sont prêts - ils l'ont exprimé lors de l'audition - à essayer la zone ordinaire. A l'UDC, nous sommes prêts à soutenir l'amendement qui propose la zone ordinaire, et j'espère que ce parlement aussi. Essayons d'être innovants ! Nous avons été innovants aujourd'hui en votant le projet de loi 11305 qui va quand même révolutionner les plans localisés de quartier. Tentons la zone ordinaire sur cette petite zone. Là, vous êtes sûrs d'une chose, c'est qu'avec la zone de développement 3, vous aurez l'opposition de tous. Mais avec une zone ordinaire, des personnes pourront se reloger, pourront construire. Alors faisons-leur confiance, écoutons les habitants. Ecoutons les habitants, écoutez la commune de Vernier ! En ce qui concerne la possibilité de faire un essai, nous sommes tous prêts à le faire, et il faut avoir ce courage de temps en temps ! Je vous remercie.

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. J'aimerais répondre à quelques pirouettes politiques que nous servent ce soir le PLR et l'UDC. Ils essaient en effet de greffer une sorte d'idéologie sur l'opposition des propriétaires, mais je peux vous assurer une chose, et vous le verrez dans les rapports sur les pétitions: ces propriétaires-là ne sont pas les sectateurs de l'urbanisme chaotique à la Genecand, ils ne veulent pas construire, ils ne veulent pas vendre. Ils ont simplement dit que si le Grand Conseil et le Conseil d'Etat les forçaient à vendre, ils préféreraient à ce moment-là la zone ordinaire à celle de développement parce qu'ils gagneraient plus d'argent. Or le principe, c'est qu'ils ne veulent pas vendre, et le déclassement en zone ordinaire ne les fera pas vendre plus facilement s'il n'y a pas la contrainte qui l'accompagne.

Le PLR nous donne aussi quelques assurances en disant que les objectifs poursuivis par la zone de développement, qui sont de permettre à la classe moyenne et aux personnes à faible revenu - qui représentent quand même 85% de la population... Ce n'est pas notre collègue UDC qui va me contredire puisqu'elle a expliqué, dans le cadre de notre débat sur le projet de loi contre la thésaurisation des propriétés par étage, que cela répondait aux besoins de 15% de la population, et on parlait d'appartements en PPE en zone de développement. Or on n'est pas en zone de développement. Je pense donc qu'on touchera probablement moins de 15% de la population, et vous allez sacrifier des dizaines d'hectares pour répondre à ce besoin qui n'en est pas un.

M. Genecand nous dit en somme que les terrains seront plus vite vendus parce qu'avec la zone ordinaire, les personnes vont pouvoir obtenir l'argent qu'elles souhaitent. Mais, en même temps, il ajoute qu'on ne va pas construire de la PPE ni des bureaux parce que ça ne se vend pas. Avec cela, on a deux solutions: premièrement, que le promoteur renonce à sa part de bénéfice ou en tout cas en partie - quand on connaît la démarche philanthropique des promoteurs dans le canton de Genève, on peut sérieusement en douter - et, deuxièmement, qu'on ne construise rien. On ne construira rien tant que n'existera pas la possibilité de vendre à nouveau des propriétés par étage ou des bureaux aux prix qui pouvaient être pratiqués il y a encore quelques mois. Voilà ce qui va arriver, Mesdames et Messieurs les députés: si cet amendement devait passer, ce projet de loi aboutirait à la construction de quelques logements à peine et, pour le reste, il y aurait une fixation, plus rien ne bougerait pendant des années - sans compter bien sûr le temps qu'il faudra pour que ce projet soit accepté.

Par ailleurs, le plan directeur cantonal - j'en ai parlé tout à l'heure par rapport au projet de loi 11305 - a été adopté. Un certain nombre d'oppositions ont été émises par plusieurs groupes de propriétaires de villas, dont nous avons quelques représentants autour de la table. Le projet d'amendement que la majorité PLR-UDC-MCG nous propose ce soir, c'est en somme un blanc-seing donné à ces propriétaires. Si vous faites de l'opposition, si vous arrivez à mobiliser un lobby puissant au sein du Grand Conseil, on va vous octroyer la zone ordinaire et on va ainsi permettre à ceux qui le souhaitent de ne pas vendre, de ne pas construire et de maintenir par conséquent la pénurie de logements au niveau actuel. C'est là quelque chose de proprement scandaleux ! Vous êtes ce soir les fossoyeurs du plan directeur cantonal, et nous devons le dénoncer.

J'aimerais terminer par une réponse au MCG: M. Stauffer nous a expliqué qu'il n'y avait plus de règles, qu'il n'y avait plus de dieu parce qu'il n'a pas été élu à la première vice-présidence du Grand Conseil, et c'est pour ça qu'il soutiendrait cette demande d'amendement. Je pense que les lecteurs attentifs des projets de lois proposés par le MCG ces derniers mois constateront assez vite que le PLR et le MCG sont frères siamois par la Chambre genevoise immobilière et que la seule chose cohérente ce soir, c'est la position du MCG avec cette proposition d'amendement. Mesdames et Messieurs les députés, il faut accepter le projet de loi tel que sorti des travaux de commission et il faut refuser en deuxième débat cet amendement qui serait une catastrophe. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Je serai très bref. Vous m'avez mal compris, Monsieur le député: c'est parce qu'on ne respecte pas les règles dans ce parlement... (Exclamations. Brouhaha.)

Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. ...que la coupe de cristal a été brisée hier soir. Bien vous en prenne, Monsieur le député, parce qu'apparemment, cette rupture va davantage servir vos intérêts que ceux de vos opposants ! J'en ai terminé.

M. François Lefort (Ve). Je suis obligé de dire un mot parce que Mme Meissner a violemment attaqué M. Yvan Rochat en prétendant qu'il avait trahi la position de la commune en commission. La vérité doit être rétablie: M. Rochat est venu défendre le plan directeur communal de Vernier, et celui-ci ne prévoit pas de zone ordinaire. Monsieur le président, vous transmettrez donc à Mme Meissner que la trahison consiste plutôt dans son soutien à la zone ordinaire !

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, c'est exactement le débat que je voulais éviter, un débat idéologique, un débat de posture plus qu'un débat créatif alors que nous cherchons tous à imaginer de nouveaux moyens pour accélérer le processus de construction de logements dans notre canton. Quand on me demande: «Monsieur le conseiller d'Etat en charge du logement, pourquoi construit-on aussi lentement à Genève ?», je cite l'exemple des Corbillettes: modification de zone entamée en 2004, projet de loi déposé par le Conseil d'Etat en votre parlement en 2011, et nous sommes en train d'en débattre en 2015 avec une proposition d'amendement qui, si elle devait trouver une majorité aujourd'hui, plomberait ce projet pendant encore de nombreuses années. Voilà un bel exemple de gâchis d'un périmètre situé dans l'urbanité, autour d'axes de transports publics très importants, à proximité de l'aéroport, un périmètre qui comprend un potentiel de 1500 logements.

Mesdames et Messieurs, ce qui est intéressant et indispensable de relever à l'écoute de ce débat, c'est la contradiction fondamentale entre la posture des deux rapporteurs de minorité. Cet amendement est l'alliance, je dirais, entre la carpe et le lapin. Pourquoi ? Mme Meissner - vous le savez, elle est bien connue à travers son engagement - défend les propriétaires de villas. Ces propriétaires de villas - et Mme Jobin, la présidente de l'association des propriétaires de villas, l'a souligné - veulent rester dans leur villa. Ils sont attachés à leur quartier, ils souhaitent pouvoir continuer à vivre dans leur logement, voilà leurs premières intentions. Même quand nous avons demandé à ces représentants des propriétaires de villas s'ils étaient d'accord avec la position de la commune, qui est de densifier le front de rue et pas derrière, ils ont répondu non: «Non, non, nous ne voulons rien densifier du tout !» C'est là la volonté exprimée par les propriétaires, et c'est la position de Mme Meissner et de l'UDC en général, qui a refusé le plan directeur cantonal. M. Genecand, lui, est pour la densité, il veut construire la ville en ville, et ce périmètre s'y prête. Il dit: «Ne le faisons pas en zone de développement, tentons une zone ordinaire.» Vous comprenez que les deux alliés de ce soir poursuivent deux buts complètement différents; ils argumentent pour le même amendement avec deux finalités différentes. Mme Meissner - cela a été dit ou sous-entendu dans plusieurs interventions - espère bien qu'avec la zone ordinaire, ce soient finalement les propriétaires qui décident. Or comme la plupart veulent rester dans leur villa, ils y resteront. Il n'y aura pas de densification, il y aura certainement quelques périmètres qui bougeront, mais une minorité. Quant à M. Genecand, il dit qu'avec la zone ordinaire, nous avons une plus grande liberté économique - notamment sur la fixation du prix vu que l'Etat plafonne à 1000 F le mètre carré au sol en zone de développement - et que cela va inciter les gens à vendre, qu'il y aura donc plus d'achats et qu'on pourra construire. Sincèrement, nous n'en savons rien. Mais il est tout de même très intéressant de relever que les deux rapporteurs de minorité défendent cette zone ordinaire pour des objectifs complètement opposés.

La zone ordinaire, au final, qu'est-ce qu'elle ne permet pas ? Je reviendrai ensuite sur ce qu'elle permet. Elle ne permet pas la répartition des droits à bâtir, elle ne permet pas un prix du foncier contrôlé ni un prix de vente des logements contrôlé. Pensons aux fameuses PPE en zone de développement que tout le monde s'arrache, Mesdames et Messieurs, dont vous avez d'ailleurs voté le contrôle via une loi parce que vous savez à quel point la population est sensible à l'accaparation...

Une voix. L'accaparement !

M. Antonio Hodgers. ...l'accaparement - pardon ! - spéculatif des logements. En zone ordinaire, un promoteur pourra acquérir vingt ou trente logements et spéculer dessus. La zone ordinaire ne permet pas non plus un indice minimum de densité, elle ne permet pas une obligation de 30% minimum de LUP - je parle de 30% de LUP pour les plus modestes d'entre nous - elle ne permet pas de cession gratuite au domaine public. C'est d'ailleurs bien pour cela que la commune de Vernier, représentée par son conseiller administratif Yvan Rochat, a très clairement dit en commission, Madame Meissner, que Vernier avait besoin de créer des espaces publics dans un quartier comme celui des Corbillettes. Il s'agit d'un grand quartier, d'un grand périmètre. Sans ça, il n'y aura pas de cession gratuite au domaine public, il n'y aura pas de taxe d'équipement. Pas de taxe d'équipement ! Comment la commune va-t-elle faire face à tous les frais nécessaires pour aménager un si grand quartier, l'équiper en tuyaux, en alimentation d'eau, en évacuation des eaux usées ? La zone ordinaire ne permet pas l'expropriation des servitudes croisées, et c'est dans ce sens-là que le pari de la zone ordinaire, pour ceux qui, comme M. Genecand et moi-même d'ailleurs, veulent densifier ce secteur, est risqué: un seul propriétaire qui refuse, alors que neuf autres sont d'accord, et cela bloque tout. Un sur dix ! En zone de développement, cela prend certes du temps, mais il y a la possibilité légale de lever les servitudes croisées, ce qui n'est pas le cas en zone ordinaire. Comment voulez-vous avancer sans cette possibilité-là ? D'autant plus que l'on parle ici d'un périmètre extrêmement morcelé: 225 petits propriétaires, dont, je le répète, la plupart veulent rester. La zone ordinaire ne permet pas d'échanger sa villa contre un appartement pour pouvoir se reloger. Enfin, mais je l'ai déjà dit, à la zone ordinaire ne s'applique pas la loi votée par votre Grand Conseil qui prévoit de donner la priorité de l'accès à la propriété à ceux qui ne sont pas encore propriétaires.

Tout ceci, Mesdames et Messieurs, pour vous dire quoi ? Que je ne suis pas opposé à la zone ordinaire. Je pense que nous devons essayer de nouveaux modèles de développement dans notre canton et qu'il est juste de tester la zone ordinaire. Cependant, ce périmètre n'est pas le bon, d'une part parce que nous sommes en bout de procédure pour la zone de développement. Ainsi que je vous l'ai dit, elle a été entamée en 2004. Il faut maintenant voter, il faut voter ce déclassement ! Nous avons mis en place des ateliers avec les riverains, nous avançons. Voilà des années que nous attendons ce vote du Grand Conseil, il faut désormais aller de l'avant ! D'autre part pour les raisons que M. Genecand a évoquées: il a dit, à juste titre, qu'au vu du périmètre, les prix en zone ordinaire ne seraient pas très différents de ceux en zone de développement. Mais alors l'argument selon lequel la zone de développement viendrait spolier les propriétaires tombe ! A 1000 F le mètre carré plus la valeur intrinsèque de la maison, les prix de l'office du logement sont largement dans les prix du marché. Mesdames et Messieurs, vu l'état du marché, il n'y aura pas d'effets sur la différence entre les prix admis par le département et ceux du marché dans ce périmètre. Je vous invite à aller consulter, dans la «Feuille d'avis officielle», les opérations qui ont eu lieu dans le périmètre des Corbillettes pour vous en convaincre. Le postulat qui est que la zone de développement provoque une moins-value pour les propriétaires des Corbillettes est aujourd'hui factuellement faux.

Si je voulais faire preuve de cynisme, je vous dirais: «Allez-y, faites de la zone ordinaire aux Corbillettes.» En effet, ce sera là le meilleur moyen de tuer la zone ordinaire. Que va-t-il se passer ? Les quelques périmètres un peu mûrs muteront, l'urbanisme sans PLQ ne sera pas un urbanisme créatif, ce sera un urbanisme qui dépendra du foncier: si trois parcelles ont telle ou telle forme, l'immeuble aura la forme du foncier des propriétaires qui sont d'accord de contribuer. Il n'y aura pas d'espace public, et la commune s'opposera à cette zone ordinaire comme elle a déjà annoncé qu'elle le ferait. Nous serons ainsi repartis sur des années de procédure pour arriver à cette modification de zone, avec quel résultat à la fin ? Un résultat médiocre ! Mesdames et Messieurs, je vous l'ai dit et je le répète: je trouve que la zone ordinaire doit être testée, mais dans un autre périmètre. Cet autre périmètre vous sera présenté si nous arrivons à finaliser ici ce projet de loi pour une zone de développement.

Enfin, et j'en terminerai par là, j'aimerais dire que l'amendement tel que proposé par certains groupes n'est, d'un point de vue légal, pas acceptable. En effet, une modification de zone implique une enquête technique, une enquête publique, une procédure d'opposition. Modifier la nature de cette zone de manière aussi importante en fin de procédure n'est pas possible, il faudrait reprendre la procédure au début. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat ne pourra pas valider le vote d'un projet de loi avec cet amendement, parce qu'il ne respecte tout simplement pas la loi. Si vous voulez une zone ordinaire dans ce périmètre, il faudra reprendre la procédure tout à fait à zéro, ce qui veut dire refuser le projet de loi qui vous est proposé ce soir, déposer une motion pour demander une zone ordinaire dans ce périmètre, traiter cette motion en commission puis au parlement et enfin mener la procédure au niveau du département. Une procédure qui sera difficile puisque la commune a d'ores et déjà manifesté son désaccord vis-à-vis de la zone ordinaire. Vous voyez à quel point le périmètre est mal choisi, entre l'opposition de la commune, les servitudes croisées, le fait qu'il ne soit pas mûr. Je vous invite vraiment à rester sur l'idée de la zone de développement, avec l'engagement du Conseil d'Etat de revenir rapidement vers vous avec une autre proposition de zone ordinaire, avec un accord de la commune et une réelle volonté de tenter cette initiative par ailleurs. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais à présent ouvrir le scrutin sur l'entrée en matière de ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 10843 est adopté en premier débat par 97 oui et 1 abstention.

Suite du débat: Séance du vendredi 23 janvier 2015 à 20h30

Le président. Mesdames et Messieurs, je lève la séance. Nous poursuivrons nos travaux à 20h30. Bon appétit à tous !

La séance est levée à 18h55.