Séance du vendredi 19 septembre 2014 à 15h
1re législature - 1re année - 11e session - 72e séance

M 2184-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Romain de Sainte Marie, Thomas Wenger, Cyril Mizrahi, Jean-Charles Rielle, Christian Frey, Lydia Schneider Hausser, Salima Moyard, Irène Buche, Caroline Marti, Roger Deneys, Jean-Michel Bugnion, Isabelle Brunier, Jocelyne Haller, Boris Calame, Magali Orsini, Sandra Golay, Sarah Klopmann, Christian Flury, Yves de Matteis, Patrick Lussi, Thomas Bläsi, Marie-Thérèse Engelberts, Sandro Pistis, Daniel Sormanni, Pascal Spuhler, Christina Meissner, Bernhard Riedweg, Lisa Mazzone, Danièle Magnin, Francisco Valentin, Sophie Forster Carbonnier, Michel Ducommun, Henry Rappaz pour une meilleure prévention du VIH, pour la gratuité du test VIH
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 18 et 19 septembre 2014.

Débat

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, c'est avec une grande tristesse que j'ai pris connaissance de ce rapport du Conseil d'Etat, qui fait suite à une motion votée par plus de 80 députés de ce Grand Conseil demandant l'instauration de la gratuité des tests VIH. Dommage de constater que, pour un coût minime qui correspondrait à un investissement d'environ 200 000 F par année, cette gratuité soit refusée; dommage de constater que bien que Genève connaisse une hausse des infections par le virus VIH, ce rapport refuse malgré tout la gratuité du test; dommage de constater qu'à Genève, 80% des infections sont dues à seulement 20% de personnes porteuses de la maladie, et que le Conseil d'Etat refuse malgré cela la gratuité des tests VIH; dommage de constater que le Conseil d'Etat refuse une mesure si peu coûteuse, comme vous l'aurez compris, et qui permettrait pourtant d'inciter les gens à se faire contrôler, à franchir le pas, ce qui n'est pas forcément une démarche facile et évidente psychologiquement - certes, on peut aller chez son médecin traitant pour obtenir un remboursement du test par son assurance-maladie, mais encore faut-il le faire. Dommage également que les tests VIH anonymes soient disponibles aux HUG, notamment, et dans différents organismes subventionnés, mais restent payants, ce qui est une barrière au dépistage.

Il faut saluer toutes les mesures de prévention mises en place notamment, au niveau fédéral, par l'OFSP, mais je tiens à rappeler que le dépistage gratuit est pratiqué dans la plupart des pays européens et est une mesure encouragée par de nombreux groupes concernés par la lutte contre ce virus. C'est donc malheureux de voir que le Conseil d'Etat refuse d'aller de l'avant, alors que cela coûterait si peu et rapporterait tellement, et qu'il s'agirait même d'une mesure d'économie puisqu'on sait que le traitement du VIH coûte environ 25 000 F par personne. Si on arrivait à utiliser tous les moyens possibles pour lutter contre cette maladie, à faire en sorte que, par la prévention et par le dépistage, il y ait moins de contaminations, cela permettrait d'endiguer le VIH. (Brouhaha.) Je suis donc déçu de cette réponse du Conseil d'Etat, et vous invite par conséquent à refuser ce rapport sur la motion 2184. Je vous le dis déjà, la rédaction du projet de loi pour la gratuité des tests VIH a déjà commencé. Merci beaucoup ! (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). Nous avions également signé cette motion, et nous sommes aussi tristes que M. Romain de Sainte Marie. Actuellement, on voit une précarisation de la population en ce qui concerne les primes d'assurance-maladie et les franchises; les personnes réfléchissent à deux fois avant d'aller chez le médecin et de payer certains tests, voire n'arrivent même pas à le faire. On sait que ces populations précarisées représentent un important risque VIH, c'est donc là, pour ces gens, qu'il doit y avoir une possibilité de tests gratuits. Il faut pouvoir les approcher et leur demander de se faire dépister, de se soigner, et si on ne rend pas ces tests gratuits on risque d'avoir de gros problèmes de santé publique. Les deux grands défis qui existent actuellement sont les maladies infectieuses et la santé dentaire, qui devient catastrophique au sein de notre population. Il faut donc faire extrêmement attention à ne pas prendre des décisions à la va-vite, des décisions qui permettent peut-être de faire des économies de 200 000 F ou 300 000 F, mais comme l'a très bien dit M. Romain de Sainte Marie, on risque de dépenser beaucoup plus si ces tests ne sont pas disponibles. Merci beaucoup. (Quelques applaudissements.)

Mme Christina Meissner (UDC). Parfois, quand on soutient un texte de nos collègues députés, c'est aussi pour avoir des informations quant à la situation sur le terrain, parce qu'on ne la connaît pas et qu'on ne sait pas ce qui est véritablement fait. Dans ce sens, la réponse donnée par le Conseil d'Etat nous permet de voir qu'il y a déjà pas mal de choses en place, et surtout de constater - contrairement à ce que M. Romain de Sainte Marie affirme - que la porte n'est pas fermée, que la réflexion est engagée avec tous les autres acteurs, et donc qu'on peut espérer qu'il y aura encore du travail accompli et que cela ne s'arrêtera pas là. Nous pouvons aussi faire confiance, nous avons montré au Conseil d'Etat que c'était une préoccupation du Grand Conseil. Ainsi, que le Conseil d'Etat poursuive son travail.

M. Pascal Spuhler (MCG). Je ne vais pas répéter ce qui a été dit et bien expliqué par M. Romain de Sainte Marie et mes collègues; effectivement, nous ne pouvons que regretter cette position du Conseil d'Etat, qui refuse de faire un geste envers certaines personnes qui pourraient être dans une situation de détresse, face à cette maladie, et qui pourraient éventuellement la propager sans le savoir parce qu'elles n'ont pas accès à des possibilités de test. Effectivement, je pense qu'on est un peu limite sur la question; la santé publique n'a pas de prix, et là on a fait une erreur.

Mme Salika Wenger (EAG). Chers collègues, je pense qu'il est inutile de dire à qui que ce soit pourquoi, ce soir, je serai extrêmement véhémente par rapport à l'objet que nous sommes en train de traiter. Le dépistage de cette maladie n'est pas un luxe, c'est une nécessité ! Même si nous sommes tous d'accord pour dire que tout le travail qui se fait en amont et le soutien à la recherche sont indispensables, il n'empêche que la gratuité de ce dépistage pourrait effectivement empêcher des infections en chaîne ! Parce qu'en fait c'est comme ça que ça se passe: ne se sachant pas contaminé, on peut transmettre la maladie à quelqu'un d'autre, qui la donnera à un autre, qui la donnera à un autre. Il faut absolument que ce dépistage soit non seulement gratuit, qu'il y ait une très bonne information à cet égard, mais qu'il y ait divers lieux, dans notre ville, où les gens puissent se faire tester ! Et je ne vois pas et ne comprends pas, même si c'est un problème financier, comment il est possible de refuser quelque chose d'aussi important et qui représente un aussi grand danger pour notre société ! On parle de dépistage, on n'est pas en train de demander de créer un vaccin ! On demande que les gens puissent savoir s'ils sont infectés ou non et peut-être... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...de cette manière-là, empêcher que d'autres le soient ! Pour moi, la gratuité est donc incontournable ! (Applaudissements.)

Mme Sarah Klopmann (Ve). Je ne vais pas répéter les raisons qui font que ce dépistage gratuit est nécessaire, mais j'aimerais ajouter que permettre le dépistage gratuit, ce n'est pas seulement permettre aux gens de se faire dépister sans dépenser de l'argent, c'est surtout encourager les gens à le faire. Cela montre que connaître son état de santé et se faire contrôler est quelque chose d'accessible, facile et normal. M. Romain de Sainte Marie nous suggérait tout à l'heure de refuser ce rapport, mais il n'a pas eu le temps de proposer que l'on renvoie simplement sa copie au Conseil d'Etat afin qu'il réfléchisse à nouveau et qu'il nous présente une autre réponse, que nous espérons plus conforme à la volonté du Grand Conseil ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. J'attire votre attention sur le fait que refuser le rapport équivaut à le renvoyer au Conseil d'Etat. C'est donc ce que je vais mettre aux voix.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 2184 est adopté par 56 oui contre 6 non et 3 abstentions.

Le rapport du Conseil d'Etat sur la motion 2184 est donc refusé.