Recensement réalisé entre 2005 et 2007 par l'Institut d'architecture de l'université de Genève (IAUG) et le Service des monuments et des sites (SMS).
Genève-Petit-Saconnex
Avenue De-BUDÉ 1 à 43 (n° impairs)
Avenue De-BUDÉ 2 à 18 (n° pairs)
Chemin BRIQUET 18 à 28 (n° pairs)
Chemin du Petit-Saconnex 7 - 9
Parcelles: 3424, 3425, 3732, 4063, 4064, 4068, 4069, 4814, 5071, 5072, 5185
Valeur: Exceptionnel
Validation: Commission des monuments, de la nature et des sites (CMNS)
Nombre de bâtiments : un centre commercial, cinq bâtiments d'habitation et un hôtel
Nombre d'étages : R+8 pour les bâtiments d'habitation et R+17 pour l'hôtel.
Nombre de logements : 664, dont 108 pour l'immeuble B, 107 pour l'immeuble C, 126 pour l'immeuble D, 109 pour l'immeuble E et 214 pour l'immeuble F.
Descriptif sommaire :
Cinq immeubles de logements, dont trois (B et C, entre lesquels se situent le centre commercial, et F) sont parallèles à la pente et deux (D et E) perpendiculaires, l'hôtel (A) sur galette se situant "à l'entrée" du site, au croisement de la route de Ferney et du chemin du Petit-Saconnex. Un garage souterrain de deux étages se sous le centre commercial et un deuxième devant le bâtiment F.
Abords :
L'urbanisation construit le domaine de Budé aujourd'hui en limite sud-ouest de la zone internationale de Genève, largement arborisé à cet endroit. La route de Ferney est l'axe routier principal qui longe le site en contrebas et en est séparée par un massif de feuillus – qui prolonge celui qui s'est développé de l'autre côté de la route.
Qualité architecturale :
La composition de l'ensemble de Budé engendre une série d'immeubles de grandes dimensions dans un parc somptueux. A l'échelle du bloc, le projet se développe de manière à produire des espaces, logements et prolongements de haute qualité. Quelques règles de base sont établies et respectées pour les 600 logements. Une même trame de 7.5 mètres est utilisée pour les travées des logements ainsi qu'une même profondeur de 19.80 mètres, une typologie plaçant les pièces de nuit au nord-est (blocs D et E) ou nord-ouest (blocs B et D) et les pièces de jour respectivement au sud-ouest et sud-est. Cette organisation intérieure de 'habitat reprend celle, bien établie, du quatre pièces traversant genevois, mais en en agrandissant les dimensions – le "luxe, c'est l'espace". L'attribution d'une chambre en plus - donc en moins pour l'appartement adjacent – permet de faire varier leur nombre et proposer une répartition typologique variée. Les appartements en extrémités de blocs sont de luxueux sept pièces qui bénéficient de trois orientations. Deux appartements sont desservis par palier. Les communs sont à la hauteur : halls d'entrée largement vitrés permettant le prolongement du parc sous les volumes construits, traités en serres, ardoise au sol et œuvres d'art aux murs. Les terrasses sont plantées, offrant promenades en hauteur et bains dans les piscines réservées aux habitants.
L'architecture exalte les dispositifs constructifs : horizontales en béton armé peint en blanc des planchers à nervures – pas de caissons HA dans ce cas -, verticales côté séjour formant une grille en béton armé qui répercute l'échelle du logement à l'échelle du domaine, façades légères en châssis bois peint en gris et largement vitrées sur les quatre faces, en retrait par rapport aux loggias et balcons filants, garde-corps amovibles en lames d'aluminium gris cerclant chaque étage. Simplicité et économie de moyens s'affichent dans cette architecture de grand qualité.
Le prisme de l'hôtel Intercontinental (49.90 m. x 11.40 m. x 49.40 m.) présente deux faces principales rigoureusement carrées et deux faces en hauteur, toutes revêtues d'une façade-rideau en aluminium et verre recouvrant la structure en dalles et voiles en béton armé. Il contient les 400 chambres, 28 par étage et un noyau de service et distribution en partie centrale. En partie haute, un couronnement en aluminium contient la centrale de ventilation et climatisation et le dernier étage loge un restaurant-dancing panoramique. L'ensemble repose sur une grille de poutres de deux mètres de hauteur qui transfère les charges à des lames ponctuelles de 7.6 m. d'entre-axe (à rapprocher des 7.5 m. de travée des logements).
L'administration, en retrait, décolle le prisme de la galette de deux niveaux où se trouvent l'entrée qui ressemble à l'intérieur d'un hall d'aéroport, une salle polyvalente de 600 places, quatre salles de conférences et banquets, et les équipements d'accompagnement comme les magasins, les coiffeurs, salons de beauté, agences, etc. La galette, toutes faces vitrées, se prolonge vers le sud-ouest par la piscine tempérée.
Qualité urbanistique :
La qualité urbanistique de cet ensemble découle de l'opération qui a permis, de 1955 à 1962, la transformation du magnifique domaine de Budé (constitué au XVIIe siècle par François Turrettini) en "quartier de résidence de tout premier ordre" offrant des appartements de haut "standing" aux fonctionnaires internationaux aisés. S'appuyant sur leurs expériences précédentes (squares de Montchoisy et ensemble de Beaulieu), Jean-Jacques Honegger, avec Jacques Bollinger, des bureaux associés Addor & Julliard et Honegger Frères – en liaison avec les financiers de l'agence immobilière Addor & Julliard et à André Marais, chef du service d'urbanisme du Département des travaux publics du canton de Genève -, proposent un plan masse qui concentre les logements dans cinq barres de neuf niveaux et de plus d'une centaine de mètres de long et une tour de 13 niveaux. Cette disposition permet d'espacer les volumes bâtis, de conserver les masses de verdure préexistantes dans de vastes pelouses ainsi qu'une zone libre à l'Ouest de plusieurs hectares contenant la maison de maître, l'école primaire (1960) puis le cycle de Budé (1963). Les bâtiments, sur pilotis, s'étagent dans une pente de 22 mètres de dénivellation et se placent perpendiculairement les uns aux autres pour pouvoir bénéficier au mieux de la vue sur le paysage genevois. Les équipements – centre commercial, garage souterrain, parking aérien de 140 voitures – lient entre eux plus fortement les trois volumes du bas (A, B et C), ceux situés plus en hauteur (D, E et F) se posant sur le terrain en blocs indépendants. La composition se ferme sur la route de Ferney et s'ouvre vers la maison de maître et ses dépendances. Une desserte de véhicules nouvelle, baptisée "Avenue De-Budé" trace une large S au milieu du terrain passant d'un bâtiment à l'autre.
La tour d'habitation A se transforme en hôtel Intercontinental dès 1958, établissement de haute catégorie et, à ce moment-là, le plus grand hôtel de Suisse. Un prisme en hauteur de 17 étages se dresse sur une galette horizontale de deux niveaux. Les chambres jouissent de l'excellente vue panoramique et en même temps, le prisme étincelant, symbole de la modernité des années soixante, serte de repère et d'articulation à l'ensemble de Budé et fabrique, avec l'OMPI, l'IUT, le BIT et l'OMS à la définition de la silhouette de la zone internationale. L'opération foncière, qui a permis la redistribution des droits à bâtir en fonction du projet et le déclassement de zones villas en 3ème zone, ainsi que l'organisation administrative pour aboutir à une vente par appartement, alors unique en Suisse sont tout à fait exceptionnelles.
L'ensemble conserve l'arborisation du domaine préexistant, notamment celle qui occupe le sud du site autour de la maison de maître puis qui remonte vers le bâtiment C et celle qui se trouve le long de la route de Ferney. Des plantations ont accompagné le projet, des érables le long des bâtiments D et E (partiellement) ainsi que des érables et des bouleaux dans la partie supérieure du terrain. Il faut remarquer que les garages souterrains et le centre commercial ont des toitures végétales et que de grands arbres sont plantés au niveau des terrasses des bâtiments B, C, D et E, donnant un skyline exceptionnel.
Etat actuel :
Les choix constructifs, clairs et efficaces, ont fait l'objet d'économies – les menuiseries bois sont en sapin, par exemple – et la rapidité d'exécution ainsi que la pénurie de main d'œuvre qualifiée ont produit une architecture de médiocre qualité matérielle et qui a fit l'objet d'un entretien important, par ailleurs issu d'une démarche remarquable. Les façades, en particulier les bandeaux en béton et les barrières en aluminium ont dû être rénovées. Les réseaux sanitaires communs ainsi que des pièces d'eau de 80% des appartements ont été refaits.
Les nécessités d'économies d'énergie ont conduit à la réfection partielle de la chaufferie, son adaptation à une alimentation par le gaz et une régulation contrôlée du chauffage des appartements. En ce moment, les travaux d'étanchéité des magnifiques toitures végétalisées et des piscines sont en cours. Quoi qu'il se soit, le système de servitudes mis au point lors du montage de l'opération se charge de protéger l'architecture remarquable de l'ensemble du site, les concepteurs ayant pensé à la quatrième dimension dès l'origine.
L'entrés de l'hôtel et les locaux situés dans la galette ont été restructurés, et le "décor" qui en résulte n' plus aucun rapport avec l'architecture originale, mais est plutôt issu de l'imagination d'un décorateur ayant un goût prononcé pour le faux : fausses structures en pierre, fausses cheminées avec faux feu, faux lustres démesurés, etc.