Les expositions présentées par les Archives d’Etat leur permettent de mettre en valeur certains fonds d’archives ou d'attirer l'attention du grand public sur les éclairages nouveaux que la science historique propose sur une période ou une problématique. Les expositions sont aussi l’occasion de participer aux commémorations qui scandent le temps de la République. C’est à cette dernière catégorie qu’appartient l’exposition Rousseau genevois.
Affiche de l'exposition (Janine Csillagi)
Il arrive que les origines de Jean-Jacques Rousseau soient méconnues. On le considère souvent, en France et ailleurs, comme un illustre philosophe et écrivain probablement, voire certainement, français. On peut citer d’autres exemples de malentendus. A l’époque soviétique, en Ukraine plus particulièrement, Jean-Jacques Rousseau était qualifié de citoyen suisse dans la littérature politique d’alors. François Jacob, dans son ouvrage récemment paru1, signale l’existence d’un guide2 de l’Office du tourisme de Genève, invitant le visiteur à admirer l’île Rousseau et son monument tout en mentionnant que Jean-Jacques Rousseau était un Genevois d’adoption!
On comprendra donc aisément le choix du titre de cette exposition. Présentée dans les murs où sont conservés tous les documents qui pouvaient ou peuvent encore attester d’une citoyenneté genevoise, soit les registres du Conseil ou des Conseils, les titres de bourgeoisie, les registres de paroisses et autres minutiers de notaires, pour ne citer que ces fonds illustres, elle ne pouvait que s’intituler Rousseau genevois.
Cette exposition n’a pas pour ambition d’entrer dans les débats philosophiques et politiques, littéraires ou musicologiques, voire encore d’aborder les controverses liées à l’éducation qui ont nourri l’œuvre de Jean-Jacques Rousseau. L’objectif poursuivi n’est pas non plus de s’approprier cet illustre penseur et écrivain, dont l’envergure dépasse de loin les frontières genevoises. Il s’agit bien au contraire de replacer la vie de Jean-Jacques Rousseau dans son contexte genevois.
Au fil de son parcours, Jean-Jacques Rousseau, après avoir grandi à Genève, s’en est éloigné, jusqu’au point de renoncer officiellement à la bourgeoisie de sa cité natale. Or, si Jean-Jacques Rousseau a physiquement quitté Genève, il n’a jamais oublié la République, que l’on pense à ses Confessions, à ses réactions suite à la parution de l’article «Genève» de l’Encyclopédie, ou encore aux Lettres de la montagne.
L’exposition propose une mise en perspective des liens, dans différents registres, reliant ce philosophe des Lumières à la République de Genève. Enfant, Jean-Jacques Rousseau a bien connu la ville de Genève, mais aussi sa campagne environnante, comme le village de Bossey. A l’adolescence, on le retrouve apprenti dans un atelier de graveur situé dans le quartier de Saint-Gervais, confronté à son maître, mais aussi aux horaires de fermeture des portes de la ville. Plus tard, c’est aux pasteurs et aux autorités politiques genevoises qu’il aura affaire lors de la condamnation de ses ouvrages. Ces quelques exemples illustrent les différentes facettes du Rousseau genevois.
Pierre Flückiger
Archiviste d’Etat
Commissaire de l'exposition: Martine Piguet
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1 François JACOB, La cité interdite. Jean-Jacques Rousseau à Genève, Genève, 2009.
2 Office du tourisme de Genève, Tout Genève dans votre poche, Genève, [1970], p. 15.