A partir de la Réforme et pendant plus de deux siècles, quand les enfants apparaissent dans les registres officiels, c'est très souvent à propos de leur instruction religieuse. Celle-ci revêt pour les autorités une importance capitale: pour devenir un adulte bien intégré dans la société, l'enfant doit suivre le catéchisme et se rendre à l'église le dimanche.
Catéchisme et alphabétisation vont de pair, et les observateurs ont souvent été frappés par le fort taux d'alphabétisation dans la Genève d'autrefois. L'instruction publique mérite une exposition en elle-même - surtout à Genève, dont la tradition pédagogique n'est plus à démontrer -, mais nous ne lui accorderons qu'un très bref éclairage.
Depuis la Réforme, les ordonnances témoignent du souci de rendre l'instruction obligatoire pour tous. Cependant, il n'existe pas d'institution scolaire unique, mixte, à la charge de la collectivité. L'instruction primaire est morcelée.
Cries et édits imprimés, 1560, avec articles sur l'envoi des enfants au catéchisme
Ces édits, qui portent aussi le titre de cries, car ils étaient proclamés oralement en ville, sont une sorte de règlement de police, dans lequel différents sujets sont abordés: comportement à respecter en public, jeux de hasard, bains publics, séjour d'étrangers, hôtelleries, poids et mesures etc. Les premiers articles sont consacrés aux "sermons", c'est-à-dire à la fréquentation des cultes, et au catéchisme. Les parents sont tenus d'"envoyer les enfans aux catéchismes, pour les instruire", sous peine d'amende (AEG, Bibliothèque, 531 Rés.)
"Mémoire sur l'établissement d'une société pour faciliter l'instruction de la jeunesse à Genève", en tête du premier registre de la Société des catéchumènes, 1736
"La jeunesse du bas ordre est mal instruite et encore plus mal morigénée. Les enfans s'adonnent au jeu et à la fainéantise. Ils fréquentent peu les sermons et les catéchismes, et ils s'accoutument à jurer et à proférer toutes sortes de mauvaises paroles". Le bicentenaire de la Réforme, en 1735, suscite chez certains pasteurs un désir de retour aux sources, et une réflexion sur le relâchement des moeurs et des habitudes religieuses. Cette réflexion aboutira, entre autres, à la création de la Société des catéchumènes, en 1736, dont le but est d'offrir une éducation religieuse gratuite. En plus des trois "hautes écoles" des catéchumènes au Bourg-de-Four, à Rive et à Saint-Gervais, elle dirige deux "petites écoles" de lecture, à Rive et à Saint-Gervais, ouvertes en 1742, les maîtres ayant constaté que certains élèves ne savaient pas lire (AEG, Instruction publique AA 1).
Annonces de la Feuille d'avis, 1774
Dans la Feuille d'avis paraissent les annonces d'un autre mode d'instruction: les petites écoles privées et les leçons particulières. A côté de ces annonces, l'on notera encore les offres de nourrices, "Conditions offertes" 3, 4, 5, 6, 7, et la "fille qui sait coeffer, coudre, tricoter, faire les blondes, [qui] s'offre pour fille d'enfans"! (11).
Feuille d'avis de 1774, p. 166-167
"Une dame s'offre à donner chez les particuliers des leçons de lecture, de religion, de géographie, d'histoire & d'arithmétique".
"Le Sr. André Casthelaz, maître d'école à Lacconnex, paroisse de Cartigny, offre de prendre des pensionnaires à prix modique, de leur enseigner à lire, l'orthographe, la religion & les élémens de l'arithmétique ; l'air y est sain, & sa femme très propre à soigner les enfans".
"Une Dlle offre de donner des leçons de lecture".
"Une personne de la ville, très connue, s'offre à enseigner à des jeunes filles les divers ouvrages de la couture".